Droint international de l'environnement - Masters droit

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Droit international de l'environnement Stéphane Doumbé-Billé Caroline Migazzi Kiara Neri Françoise Paccaud Anna Maria Smolinska



Droit international de l'environnement


La collection Masters droit a pour vocation d’offrir aux étudiants et aux professionnels du droit des ouvrages adaptés à la formation juridique ou à la mise à jour des connaissances dans tous les domaines du droit européen, international ou national. Ces ouvrages synthétiques et accessibles facilitent l’apprentissage du droit et offrent une large gamme de titres couvrant toutes les matières du cursus LMD.


Droit international de l'environnement Stéphane Doumbé-Billé Caroline Migazzi Kiara Neri Françoise Paccaud Anna Maria Smolinska


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© Groupe Larcier s.a., 2013 Éditions Larcier Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit. Imprimé en Belgique Dépôt légal : Bibliothèque nationale, Paris : juin 2013 Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2013/0031/221

ISSN : 2294-5598 ISBN : 978-2-8044-6069-3


Sommaire Introduction...........................................................................

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Chapitre 1 Les acteurs .................................................................

11

Section 1 L’État .............................................................................

12

Section 2 Les organisations internationales ..............................

19

Section 3 La société civile ............................................................

25

Section 4 Les réseaux inter-acteurs ............................................

29

Chapitre 2 Les règles ...................................................................

35

Section 1 La nature singulière du droit international de l’environnement .....................................................

37

Section 2 Le traité, entre terreau et moteur du droit international de l’environnement ..............................

43

Section 3 L’irrigation du droit international de l’environnement par la coutume et les principes ................................... 58


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Droit international de l’environnement

Section 4 La consécration d’autres règles en matière environnementale, une relecture des normes classiques du droit international ................................

71

Chapitre 3 Les domaines de protection .....................................

87

Section 1 La protection sectorielle ..............................................

88

Section 2 La protection intersectorielle .....................................

112

Section 3 La protection globale ..................................................

123

Section 4 Les interactions ...........................................................

131

Chapitre 4 Application des règles ..............................................

147

Section 1 Contrôle de l’application .............................................

148

Section 2 Responsabilité internationale .....................................

171

Table de jurisprudence .........................................................

193

Liste des instruments internationaux..................................

197

Index ......................................................................................

215


Introduction 1. Il paraît possible, d’un commun accord, de définir le droit international de l’environnement, comme le fit A. Kiss dès 1989 : un corps de règles de droit international ayant pour objectif d’assurer la préservation de l’environnement mondial1. C’est de telles règles dont il est question ici, avec leurs particularismes, qui tiennent à la spécificité de la thématique environnementale. Mais même en tenant compte de celle-ci, il est également possible de s’accorder sur l’idée, à laquelle le « traité » de droit international public a donné un large écho2, que ce champ d’études forme désormais un « chapitre » à part entière du domaine du droit international public. Il n’y avait d’ailleurs pas de doute sur le sens de cette évolution. Très vite, A. Kiss l’avait perçu, en considérant comme nécessaire et inévitable un tel rattachement, face aux tenants d’une autonomie disciplinaire semblable à celle que tenta naguère le droit international économique, avec la querelle « quasi théologique » qui s’ensuivit. Il notait alors que par le recours aux mêmes structures de base et aux mêmes mécanismes de droit international, le cadre international de protection de l’environnement constitue l’une des dimensions nouvelles du droit international. Ainsi, tout ou presque est dit, à la fois dans la « singularité » environnementale et dans le caractère international des règles mises en place et en œuvre. Certes, le doute pouvait être permis, et A. Kiss lui-même n’avait pas hésité à se demander dans quelle mesure « le droit international peut-il assurer la protection de l’environnement »3. On en connaît les raisons, liées au caractère de « défi » que représente la protection de l’environnement pour le droit international4. Celles-ci permettent de mieux comprendre la question que posait, il n’y a pas très longtemps, Mme S. Maljean-Dubois sur la détermination du droit applicable à l’environnement5. Si de telles précisions s’avèrent toujours utiles, c’est que les justifications à la base de la création d’un système juridique nouveau remontent souvent loin 1. Voy. A. Kiss, Droit international de l’environnement, 1re éd., Paris, Pedone, 1989. 2. Voy. Q.D. NguyeN, P. Daillier, M. Forteau et A. Pellet, Droit international public, 8e éd., Paris, LGDJ, 2009, p. 1413. 3. Voy. A. Kiss, « Le droit international peut-il assurer la protection de l’environnement ? », in Le droit et l’environnement, Colloque du PIREN-CNRS, Paris, éd. CNRS, 1990, pp. 23 et s. 4. Voy. A. Kiss, « Un défi pour le droit international », Rev. Projet, 1991, n° 226, pp. 51 et s. 5. Voy. S. MaljeaN-Dubois, Quel droit pour l’environnement ? coll. Les fondamentaux, Paris, Hachette sup, 2008.


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Droit international de l’environnement

dans le temps, comme l’a laissé du reste entrapercevoir, en l’absence de développement d’études historiques systématiques et d’ensemble, le bel ouvrage sur « la genèse du droit de l’environnement »6. Or, en se limitant au processus moderne de genèse des règles (ce que Kiss qualifiait « d’ère écologique moderne »), on continue, après plus de 40 ans de cristallisation de l’intérêt universel autour de la question du « milieu humain », à parler d’expérimentation normative. Or, incontestablement, le droit a mûri, il s’est considérablement développé et connaît une véritable dilatation matérielle, depuis le « premier âge » de la protection que constitue la régulation juridique de secteurs particuliers jusqu’à cet « âge de raison » qu’est la protection globale7. La transformation n’est pas seulement quantitative. Elle est également, alors que s’est achevé le siècle qui l’a vu naître8, une évolution qualitative, car, alors que le stade transversal situe la régulation, qui est intersectorielle, à l’intérieur du champ environnemental, la phase actuelle, liée également à la mondialisation du droit, déplace les enjeux qui se situent désormais au cœur d’une articulation avec des valeurs extérieures et souvent contradictoires. C’est de cette évolution dont il a été rendu compte dans l’étude sur « la genèse de l’ère écologique »9. Il est certain que pour « affronter » les autres droits, ne serait-ce que dans une perspective « coûts-avantages », le droit international de l’environnement doit démontrer sa cohérence et son unité. D’une part, mais faut-il ne l’imputer qu’à lui, il n’a pas éliminé toutes les incertitudes normatives10 qu’au nom de l’orthodoxie juridique l’on a stigmatisées comme caractérisant ses règles de non-droit11. D’autre part, mais doit-il seul en tirer bénéfice, son unité repose solidement sur sa finalité protectrice, même si la notion d’environnement continue de poser un problème de définition juridique et scientifique. M. Prieur le disait très clairement plusieurs années avant le principe 22 de la Déclaration de Rio : l’environnement est facteur de paix et de développement12.

6. Voy. M. CorNu et J. FroMageau (éds), Genèse du droit de l’environnement, Paris, L’Harmattan, 2001,(vol. I : Fondements et enjeux internationaux ; vol. II : Droit des espaces naturels et des pollutions). 7. Voy. S. DouMbé-billé, « L’apport du droit international à la protection de la nature : la convention des Nations-Unies sur la conservation de la diversité biologique », in 20 ans de protection de la nature, En hommage à M. Despax, Limoges, PULIM, 1998, pp. 179 et s. 8. Voy. P.M. DuPuy, « Où en est le droit international de l’environnement à la fin du siècle ? », RGDIP, 1997, pp. 873-903. 9. Voy. S. DouMbé-billé, « La genèse de l’ère écologique », in Genèse du droit de l’environnement (M. CorNu et J. FroMageau éds), vol. I, op. cit., pp. 165 et s. 10. Voy. la table ronde sur « les incertitudes normatives », colloque S.F.D.I., Aix-en-Provence, Le droit international face aux enjeux environnementaux, pp. 77-121. 11. Voy. P. Weil, « Vers une normativité relative en droit international », RGDIP, 1982, pp. 5-47. 12. Voy. M. Prieur, « La protection de l’environnement », in Droit international. Bilan et perspectives (M. beDjaoui dir.), t. 2, Paris, Pedone, 1991.


Introduction

Ces valeurs cimentent assurément l’unité de la matière, quel que soit le niveau international, régional, national ou local où elle déploie ses règles, car ce sont des valeurs de la communauté humaine, où qu’elle vive, pour elle-même et pour l’environnement qui conditionne ses conditions de vie et son existence. Il n’est pas étonnant alors, sans entrer dans un débat actuellement stérile sur la qualité juridique affectée à l’humanité, que ce que précisément A. Kiss a appelé « l’intérêt commun de l’Humanité »13 soit le vecteur de la nature et de la finalité des règles de protection internationale de l’environnement. 2. Domaine nouveau et désormais important du droit international, le droit international de l’environnement ne se borne pas à gérer les espèces et espaces ainsi que l’ensemble des milieux soumis aux effets nocifs de la dégradation. Il continue son développement, de plus en plus sous le regard du juge, comme l’avait pressenti J. de Lanversin14, en « travaillant » les structures, les techniques et les mécanismes du droit international classique ; en introduisant également de nouveaux concepts pour donner la pleine mesure de la spécificité de la matière, tels que le temps et l’équité à travers la notion de développement durable. L’un ne supprime pas l’autre et vice versa, ne serait-ce que pour des raisons prosaïques de positivité du droit ; bien au contraire, l’un et l’autre sont indispensables à la compréhension de règles dont l’importance n’est pas que technique, mais constitue un enjeu de vie pour l’ensemble du vivant dont évidemment l’homme. C’est l’idée sous-jacente à la construction proposée autour des acteurs (I), des règles (II) des domaines de protection (III) et de leur application (III).

13. Voy. A. Kiss, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 15. 14. Voy. J. De laNversiN, « Contribution du juge au développement du droit de l’environnement », Le juge et le droit public, Mélanges Marcel Waline, t. 2, Paris, LGDJ, 1974, pp. 519 et s.

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Chapitre 1 Les acteurs

1.

L’État ....................................................................................................... 12

2.

Les organisations internationales ......................................................... 19

3.

La société civile....................................................................................... 25

4.

Les réseaux inter-acteurs ....................................................................... 29


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Les acteurs

3. Les acteurs du droit international de l’environnement sont les mêmes que l’on retrouve classiquement dans le droit international public. D’une part, ceux qui en sont les sujets : États (Section 1) et organisations internationales (Section 2). D’autre part, ceux qui jouent un rôle de plus en plus accru dans le domaine de l’environnement, alors que leur importance est encore contestée dans certaines branches du droit international public : la société civile (Section 3) et les réseaux inter-acteurs (Section 4). Leur rôle est désormais non négligeable. Cette diversité d’acteurs a été voulue et affirmée déjà dans la Déclaration de Stockholm sur l’environnement humain de 1972 (Voy. le préambule). Elle est constamment réaffirmée. Ainsi, la Charte mondiale de la nature du 28 octobre 1982, adoptée par la Résolution 37/7 de l’Assemblée générale des Nations unies, mentionne, dans son article 21, paragraphe relatif à la mise en œuvre : « [l]es États et, dans la mesure où ils en ont la possibilité, les autres autorités publiques, les organisations internationales, les particuliers, les associations et les entreprises ».

Section 1

L’État Pour aller plus loin : S. Doumbé-billé, « Évolution des institutions et des moyens de mise en œuvre du droit international de l’environnement et du développement », RJE, n° 1, 1993/31. P.-M. Dupuy, « Le droit international de l’environnement et la souveraineté des États – Bilan et perspectives », in R.-J. Dupuy, « L’avenir du droit international de l’environnement », RCADI, 1985, pp. 29-50. G. Fischer, « La souveraineté sur les ressources naturelles », AFDI, 1962, vol. 8, pp. 516-528. A.-Ch. Kiss, « La protection de l’environnement et le droit international », RCADI, 1975, pp. 25-650. S. lavallée, « Le principe des responsabilités communes, mais différenciées à Rio, Kyoto, et Copenhague : essai sur la responsabilité de protéger le climat », Études internationales, vol. 41, n° 1, 2010, pp. 51-78. P. martin-biDou, « Le principe de précaution en droit international de l’environnement », RGDIP, 1999/3, pp. 631-666. M. pâques et M. Faure, La protection de l’environnement au cœur du système juridique international et du droit interne. Acteurs, valeurs et efficacité, Bruxelles, Bruylant, 2003. N. schrijver, « The Evolution of Sustainable Development in International Law: Inception, Meaning and Status », RCADI, 2007, vol. 329, pp. 217-412.

4. En droit international de l’environnement, l’État est titulaire de prérogatives souveraines et a le devoir de faire une utilisation non dommageable de son territoire. L’action de l’État est fondée sur la souveraineté (A). Toutefois, la souveraineté n’empêche pas l’existence d’un certain nombre de limites auxquelles l’État demeure soumis, notamment par rapport à la souveraineté des autres États (B).


L’État

§ 1 Le fondement de l’action de l’État : la souveraineté 5. Principe de la souveraineté étatique. La souveraineté en droit international de l’environnement apparaît à la fois comme le fondement de l’action de l’État et comme un élément qui peut freiner cette action sur le plan international. En effet, soucieux de préserver leur souveraineté, les États ont pendant longtemps limité le droit international de l’environnement à un droit dit des relations de voisinage, avec une gestion plus transfrontière que mondiale. Comme l’ensemble du droit international public, le droit international de l’environnement, une de ses branches, est soumis au principe fondamental de la souveraineté des États. Ce principe comporte deux volets : la souveraineté territoriale et l’égalité souveraine. Par conséquent, sur le plan interne, chaque État est seul compétent pour exercer le pouvoir de législation, d’administration, de juridiction et de contrainte sur son territoire. Sur le plan international, l’égalité souveraine, consacrée à l’article 2, paragraphe 1, de la Charte des Nations unies, signifie que les États, juridiquement égaux entre eux, ne sont soumis à aucune autre autorité. Certains espaces échappent à la souveraineté territoriale absolue. Dans ces espaces, l’État n’est titulaire que des droits souverains, à l’instar de la zone économique exclusive (ZEE), dans laquelle les États peuvent bénéficier uniquement des droits économiques souverains. D’autres espaces demeurent internationalisés, avec parfois, comme dans le cas des fonds des mers (la Zone), la qualification du patrimoine commun de l’humanité (PCH) (voy. art. 136, Convention de Montego Bay). 6. Souveraineté et modes de création et d’application du droit international de l’environnement. Quel que soit l’espace concerné, la souveraineté de l’État sera au fondement de son action. En effet, le droit international de l’environnement est principalement le fruit de mécanismes juridiques classiques en droit international. Les sources du droit ne diffèrent pas dans leur nature des sources formelles, auxquelles fait référence l’article 38 du Statut de la Cour internationale de justice, quand bien même le droit de l’environnement présenterait une certaine préférence pour des outils, dits de soft law. C’est parce qu’ils sont souverains que les États négocient, signent et ratifient les conventions internationales, instruments privilégiés de la régulation internationale, également dans le domaine de l’environnement. C’est également parce qu’ils sont souverains que les États vont par la suite procéder à une application et un contrôle du respect des normes établies sur leur territoire. Divers textes affirment par ailleurs un droit souverain des États en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles, à l’instar du principe 21 de la Déclaration de Stockholm, du principe 2 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, de l’article 193 de la Convention

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Les acteurs

des Nations unies sur le droit de la mer (Convention de Montego Bay) ou de l’article 3 de la Convention sur la diversité biologique de 1992. Ce principe de souveraineté sur les ressources est issu de la Résolution 1803(XVII) de l’Assemblée générale des Nations unies du 14 décembre 1962 sur la souveraineté permanente des États sur leurs ressources naturelles. Cette approche, à l’origine plus économique qu’environnementale, est désormais assortie du devoir d’utilisation non dommageable (voy. infra, § 11). 7. Souveraineté et responsabilité différenciée. La souveraineté comme fondement du rôle des États dans le droit international de l’environnement ne doit cependant pas être entendue de manière absolue. En effet, la responsabilité différenciée, consacrée par le principe 7 de la Déclaration de Rio de 1992 et reprise par de nombreuses conventions par la suite, permet de prendre en compte les inégalités de fait entre les États, et notamment celles économiques, ayant un impact sur le rôle que ceux-ci peuvent matériellement assumer. La différenciation, point important également dans la Convention sur les changements climatiques (art. 3.1 de la Convention, et art. 10 du Protocole de Kyoto) permet, selon certains auteurs, de rallier les États du sud à la cause environnementale et garantit ainsi l’universalité et l’effectivité du droit international de l’environnement1. Ce principe est fondé sur deux idées distinctes. D’une part, la responsabilité est, comme le rappelle le principe 7 de la Déclaration de Rio, commune. Cela est lié au fait que, désormais, tous les États ont des activités qui produisent des effets sur l’environnement mondial. D’autre part, cette responsabilité est, toujours en vertu du principe 7, différenciée. Ceci s’explique par le fait que les États du nord et ceux du sud n’ont pas joué le même rôle dans la dégradation de l’environnement, les États du nord étant, justement à cause de leur niveau de développement, à l’origine de la grande majorité des changements environnementaux et notamment les changements climatiques. Le principe de responsabilité commune, mais différenciée, a été expressément réaffirmé dans le document final de la Conférence des Nations unies de Rio+20, L’avenir que nous voulons, adopté par la Résolution 66/288 de l’Assemblée générale des Nations unies, en date du 27 juillet 2012 (§ 15).

§ 2 La souveraineté et les limites de l’action de l’État 8. La souveraineté de l’État constitue le fondement et la justification du rôle important des États dans la création et l’application du droit international de l’environnement. Toutefois, la souveraineté des uns s’arrêtant là où commence celle des autres, le même principe apparaît également comme une limite à l’action de l’État. 1. Voy. not. M.-P. laNFraNChi, « Le statut des pays en développement dans le régime climat : le principe de la dualité des normes revisité ? », in Le droit international face aux enjeux environnementaux, Colloque de la S.F.D.I. d’Aix-en-Provence, Paris, Pedone, 2010, pp. 277-295.


L’État

Une telle limite de l’action de l’État paraît par ailleurs nécessaire, compte tenu du caractère global de l’écosystème : les pollutions ne connaissent pas de frontières, les différentes souverainetés étatiques entrent donc nécessairement en contact. L’action de l’État en droit international de l’environnement est donc limitée, d’une part, par le nécessaire respect de la souveraineté des autres États et, d’autre part, par l’obligation de coopération. 9. Le rejet de la doctrine de souveraineté absolue. L’idée d’une souveraineté limitée est aujourd’hui largement admise par la société internationale. Dans le passé, certains États ont tenté d’évoquer le principe de la souveraineté absolue pour rejeter des réclamations de responsabilité liées aux conséquences de leur action sur l’environnement des États voisins. Ce courant, portant le nom de « doctrine Harmon », selon laquelle l’État, même pollueur, peut prétendre à sa souveraineté absolue2, fut largement contesté par la doctrine. Il a cependant trouvé quelques applications ponctuelles, notamment par le Conseil d’État français3. Une telle interprétation de la souveraineté étatique4 est aujourd’hui unanimement rejetée. 10. Le respect de la souveraineté des autres États. L’obligation de respecter la souveraineté des autres États se traduit, spécifiquement en droit international de l’environnement, par une obligation d’utilisation non dommageable, d’une part, et une obligation de conservation de l’environnement, d’autre part. 11. L’obligation d’utilisation non dommageable. Cette obligation fait partie des principes fondamentaux du droit international de l’environnement. Elle fut énoncée dès la sentence arbitrale de la Fonderie du Trail du 11 mars 19415, considérée par certains auteurs comme « un précédent [...] fondateur du droit international de l’environnement »6. Selon ce principe, un État ne peut se livrer ni autoriser sur son territoire des activités qui pourraient produire des dommages à l’environnement des autres États ou celui des espaces ne relevant d’aucune juridiction nationale. L’État doit donc s’assurer que les activités qu’il entreprend ou autorise sur son territoire n’auront pas de conséquences dommageables sur les territoires des autres États ou ceux se trouvant hors de sa juridiction.

2. Ce fut également le fil conducteur de la « doctrine Brejnev », sur la souveraineté illimitée. 3. C.E., 18 avril 1986, Société Les mines de potasse d’Alsace c. Province de la Hollande septentrionale et autres, req. n° 53934. 4. Voy. A.-Ch. Kiss et J.-P.beurier, Droit international de l’environnement, Paris, Pedone, 2010, p. 133. 5. Certains auteurs voient également des prémices de ce principe dans l’arrêt Lotus de la C.P.J.I. Voy P.-M. DuPuy, « Sur des tendances récentes dans le droit international de l’environnement », AFDI, 1974, pp. 815-829. 6. A.-Ch. Kiss, « L’environnement, enjeu des relations internationales », disponible sur le site de la Cour de cassation française : http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2005_2033/ intervention_m._kiss_8127.html.

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Les acteurs

Cette limitation de la souveraineté de l’État, au nom du respect de celle des autres, d’origine coutumière, a été confirmée par la jurisprudence à de nombreuses reprises, notamment dans les arrêts de la Cour internationale de justice : Détroit de Corfou du 9 avril 1949, Gabcikovo-Nagymaros du 25 septembre 1997, Usines de pâte à papier du 20 avril 2010, ou l’avis sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires du 8 juillet 1996. Dans ce dernier, la Cour rappelle également que le principe « fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l’environnement » (§ 29). Enfin, l’utilisation non dommageable a fait également objet d’affirmation dans de nombreuses conventions sectorielles, à portée universelle ou régionale. À titre d’exemple, et sans en dresser une liste exhaustive, il convient de mentionner : la Convention de Genève du 13 novembre 1979 sur les pollutions atmosphériques transfrontières à longue distance, la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles de Maputo du 11 juillet 2003, la Convention ASEAN sur la conservation de la nature et des ressources naturelles du 9 juillet 1985, la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, ou la Convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992. 12. Il découle par ailleurs de ce principe un devoir de protection de l’environnement hors des frontières nationales, diverses règles et prescriptions telles que le principe de prévention (voy. infra, §§ 79 et s.), le principe de précaution (voy. infra, §§ 79 et s.), le principe de coopération (voy. infra, § 14), l’obligation de procéder à une évaluation d’impact et d’entamer un dialogue avec les États sur le territoire desquels l’activité entreprise, qui est susceptible de produire des conséquences (princ. 17 de la Déclaration de Rio), le principe d’utilisation équitable et de gestion concertée des ressources intéressant deux ou plusieurs États, et le concept de développement durable. 13. L’obligation de conservation de l’environnement. Le devoir de conserver l’environnement et les ressources naturelles constitue une autre limitation de la souveraineté de l’État, au fondement du droit international de l’environnement. Pourtant, aucun texte contraignant général à portée universelle ne l’a encore précisé. La Déclaration de Stockholm reconnaît, dans son principe 1er, que « [l’homme] a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures », sans pour autant affirmer clairement une obligation de conservation à charge des États. Le document final de la Conférence Rio+20 emploie le terme à de nombreuses reprises, en évoquant les mers et océans, les forêts, ou la diversité biologique. Toutefois, une telle obligation est affirmée, encore une fois, dans des textes sectoriels, parmi lesquels la Convention sur le droit de la mer de 1982 mérite une attention toute particulière, du fait de la clarté et du caractère général et absolu de sa formulation. Selon son article 192, les États ont une obligation générale de « protéger et préserver le milieu marin ». De même, certaines conventions à portée générale, mais qui ne sont elles-mêmes que régionales, prévoient cette obligation. Parmi elles, la Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles de


L’État

Maputo, qui reprend une telle obligation à de nombreuses reprises (not. le préambule, ainsi que les art. III, V, VI, VII, etc.) Enfin, s’il ne constitue pas une affirmation du devoir de conservation aussi clair que dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer, le principe 4 de la Déclaration de Rio le proclame également en ces termes : « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément ». 14. L’obligation de coopération. Cette obligation apparaît comme une limite de la souveraineté des États en matière d’environnement et à la fois une réponse aux limites auxquelles se heurterait une approche cantonnée à la vision de la société internationale, compilation des souverainetés étatiques. En effet, elle est liée à la globalité de l’écosystème mondial qui nécessite donc une réponse mondiale, pour laquelle, une coopération entre les États est indispensable. La Déclaration de Stockholm l’énonce clairement dans deux domaines précis. D’une part, par rapport à la coordination des actions des organisations internationales : « [l]es États doivent veiller à ce que les organisations internationales jouent un rôle coordonné, efficace et dynamique dans la préservation et l’amélioration de l’environnement » (princ. 25). D’autre part, en ce qui concerne la responsabilité pour les dommages écologiques : « [l]es États doivent coopérer pour développer encore le droit international en ce qui concerne la responsabilité et l’indemnisation des victimes de la pollution et d’autres dommages écologiques que les activités menées dans les limites de la juridiction de ces États ou sous leur contrôle causent à des régions situées au-delà des limites de leur juridiction » (princ. 22). Le principe 7 de la Déclaration de Rio envisage l’obligation de coopération de manière plus large : « [l]es États doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver de protéger et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre ». Ce principe de portée générale comporte un certain nombre d’obligations spécifiques. L’obligation d’information, qui comprend la notification de la survenance d’un dommage, qualifiée également par certains du « devoir d’alerte » a été rappelée par la jurisprudence de la C.I.J., notamment dans l’arrêt relatif au Détroit de Corfou de 1949. Dans l’arrêt de 1997, Projet GabcikovoNagymaros, la Cour confirme cette position7. D’autres obligations peuvent être considérées comme des composantes du devoir de coopération. Elles n’ont cependant reçu, pour l’instant, qu’une reconnaissance textuelle sectorielle, à l’instar d’un devoir d’assistance, affirmé à l’article 2 de la Convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire. La Cour 7. Voy. not. S. MaljeaN-Dubois, « L’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice le 25 septembre 1997 en l’affaire relative au Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie c. Slovaquie) », AFDI, 1997, vol. 43, pp. 286-332.

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Les acteurs

internationale de justice a pu apporter des précisions sur sa compréhension de l’obligation de coopération à l’occasion du différend entre l’Argentine et l’Uruguay. L’arrêt Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay précise en effet que la coopération comprend une obligation d’information, mais également celle de notification, de consultation et de négociation8, celles-ci étant par ailleurs qualifiées par le juge d’« indispensables » pour la gestion « d’une ressource partagée qui ne peut être protégée que par le biais d’une coopération étroite et continue entre les riverains » (voy. arrêt Usines de pâte à papier, § 81). À retenir S.A., 11 mars 1941, Fonderie du Trail : l’État a l’obligation de « ne pas laisser utiliser son territoire à des fins d’actes contraires aux droits d’autres États ». C.I.J., avis, 8 juillet 1996, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires : le principe d’utilisation non dommageable « fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l’environnement ». C.I.J., arrêt, 25 septembre 1997, Projet Gabcikovo-Nagymaros : « L’obligation générale qu’ont les États de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l’environnement ». Principe 21 de Stockholm (réaffirmé par le principe 2 de Rio) : « Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ». Convention sur la diversité biologique, article 3 : Principe : « Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ». Convention des Nations unies sur le droit de la mer : Article 192 : Obligation d’ordre général : « Les États ont l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin ». Article 193 : Droit souverain des États d’exploiter leurs ressources naturelles : « Les États ont le droit souverain d’exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique en matière d’environnement et conformément à leur obligation de protéger et de préserver le milieu marin ».

8. Voy. not. A.M. sMoliNsKa, « L’arrêt Usines de pâte à papier ou l’évolution progressive du droit international de l’environnement », Journal du CDI, n° 6, 2010, pp. 3-6.


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Section 2

LeS organiSationS internationaLeS Pour aller plus loin : F. biermann, e. rollanD-piègue et K. von moltKe, « Créer une organisation mondiale de l’environnement ? », Analyses IDDRI, n° 01/2004. S. Doumbé-billé, « Agenda 21 et le cadre institutionnel », in Vers un nouveau droit de l’environnement, Limoges, CIDCE, 2003. J. piette, « Évolution institutionnelle et modes d’intervention du droit international de l’environnement et du développement », RJE, 1993, pp. 5-10. J. sohnle, « Droit international de l’environnement : 2005-2009, une toile d’araignée pour une grosse bête noire », RJE, 2010/1, pp. 75-96.

15. L’accroissement du rôle des organisations internationales dans le domaine du droit international de l’environnement doit incontestablement être relevé. Il semble lié à la prise de conscience du caractère global de l’environnement et des enjeux de sa protection. Le développement de structures institutionnelles est lié à celui de la coopération entre les États. Sans porter atteinte au rôle joué par ces derniers, les organisations internationales gouvernementales viennent compléter leur action, en réduisant les possibilités de destruction de l’environnement. Par ailleurs, au sein d’organisations existantes, des organes ont souvent été créés pour leur permettre d’intégrer les aspects environnementaux liés à leur domaine d’action, à l’instar de la création du Comité du commerce et de l’environnement au sein de l’O.M.C. Il convient, dans un premier temps, d’envisager le fondement de l’action des organisations internationales gouvernementales dans le domaine de l’environnement (A), avant d’observer leur diversité (B).

§ 1 Le fondement de l’action des organisations intergouvernementales (O.I.G.) 16. La volonté des États. L’action des organisations internationales est tout d’abord fondée sur la volonté des États. Ce sont eux qui, à l’origine, décident de prendre appui sur des cadres institutionnels, soit qu’ils soient déjà existants, soit qu’ils soient expressément créés pour remplir une fonction précise, d’élaboration, d’application ou du contrôle de mise en œuvre des règles relatives à tel ou tel domaine de protection de l’environnement. Une telle situation est la conséquence directe de la nature même des organisations internationales, sujets dérivés du droit international, dotées d’une personnalité juridique fonctionnelle, limitée par le principe de spécialité. 17. Les raisons qui motivent la création des organisations environnementales par les États, ou la dotation d’organisations existantes de compétences en la matière, sont diverses. Deux principalement se dégagent cependant, et constituent par ailleurs une certaine originalité du droit international de l’envi-

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ronnement. D’une part, les organisations internationales sont un vecteur de la coopération interétatique (1), d’autre part, elles sont l’expression de la représentation de l’intérêt général de l’humanité (2).

A.

Les O.I.G. : vecteur de la coopération interétatique

18. Les organisations internationales sont tout d’abord un outil de la coopération interétatique. Elles offrent aux États des cadres permanents de négociation, mais également d’élaboration et d’application de divers plans et actions de protection et de gestion de l’environnement. En ce sens, les organisations permettent de satisfaire à l’obligation de coopération des États. Leur caractère permanent est aussi à souligner comme un avantage, permettant à cette coopération de s’inscrire dans la durée. Or, l’environnement – objet même de cette coopération – nécessite des solutions qui s’inscrivent dans la durée. 19. Selon certains auteurs9, une telle coopération interétatique portée par les organisations est nécessaire, car elle permet de soumettre les acteurs du droit international de l’environnement à une pression constante. La multiplication des mécanismes de mise en œuvre et de contrôle portés par ces organisations serait un moyen de pallier le caractère considéré comme « mou » des normes environnementales. Quoi qu’il en soit, les organisations internationales facilitent et favorisent la coopération interétatique à travers diverses missions qu’elles se sont vu confier par les États membres. Ces missions vont de l’élaboration des règles, leur application et le contrôle de celles-ci, mais peuvent également englober la recherche scientifique ou l’échange d’informations. La mise en commun des moyens, à travers la création d’une organisation internationale, vise principalement l’amélioration de la coopération et une plus grande efficacité des actions entreprises. En créant une organisation, les États s’imposent à eux-mêmes un cadre de coopération aux règles de fonctionnement établies. Une telle démarche est nécessairement porteuse pour cette coopération. On peut noter ici une difficulté lorsque la coopération se déroule dans le cadre des conférence des parties, très marquées politiquement, et souvent victimes de « l’inertie des États »10.

B.

Les O.I.G. « environnementales » : expression et représentation de l’intérêt général de l’humanité

20. Le XIXe puis le XXe siècle ont vu progressivement émerger des notions traduisant une prise de conscience quant à la nécessité de dépasser, dans l’inté9. Voy. not. Q.-D. NguyeN, P. Dailler, M. Fortea, et A. Pellet, Droit international public, op. cit., pp. 1421 et s. 10. Voy. Y. Petit, « Le droit international de l’environnement à la croisée des chemins : globalisation versus souveraineté nationale », RJE, 1/2011, pp. 31-55, spéc. p. 50.


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rêt de l’humanité ou de la planète, un simple cadre de coopération interétatique. Parmi de telles notions, celle du patrimoine commun de l’humanité que l’on retrouve initialement dans la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer (art. 136), mais également dans l’Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes (art. 11). La Déclaration de Rio contient également des références à l’humanité, à deux reprises, dans son préambule. Ainsi, les « besoins de l’humanité » sont expressément visés dans le paragraphe relatif à la gestion et la conservation des forêts. Il est également rappelé que la terre est « le foyer de l’humanité ». Cette affirmation du rôle de l’humanité en droit de l’environnement reste encore timide. La doctrine a pu relever que la « préoccupation commune de l’humanité », à laquelle les textes internationaux font référence, n’est qu’un « écho assourdi du patrimoine commun de l’humanité »11. Il est toutefois incontestable que cette vision d’environnement commun à l’ensemble de l’humanité est de plus en plus présente, sans pour autant être affirmée. En témoignent notamment les principes évoqués plus haut (voy. supra, §§ 8-14). 21. Cette solidarité nouvelle, amenant certains à évoquer désormais l’existence d’une communauté internationale, trouve une traduction dans les organisations ou organismes cherchant à assurer une représentation de cette entité, encore mal définie, que serait l’humanité. Les organisations ne représentent donc plus uniquement leurs États membres, mais aussi l’humanité, qui serait « titulaire d’une créance transtemporelle sur la communauté internationale et les États qui la composent »12. Deux éléments sont ici à souligner. D’une part, l’humanité, en tant que sujet, dépasse les cadres étatiques. En ce sens, les organisations internationales, et, de surcroît, celles à vocation universelle, paraissent plus à même de la représenter. D’autre part, l’humanité n’ayant pas la qualité de sujet de droit international, elle a besoin desdites organisations pour que le concept puisse faire objet d’une réelle traduction sur la scène du droit international. Les organisations internationales paraissent là encore, particulièrement adaptées pour assurer la représentation de l’humanité. L’idée de devoir gérer certains milieux naturels en commun favorise ainsi le développement et l’accroissement du rôle des organisations internationales dans le domaine de l’environnement.

11. P.M. DuPuy, « Où en est le droit international de l’environnement à la fin du siècle », op. cit., p. 891. 12. P.-M. DuPuy et Y. Kerbrat, Droit international public, Paris, Dalloz, 2010, p. 866.

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§ 2 La diversité des organisations intergouvernementales intervenantes 22. La diversité des organisations intergouvernementales intervenantes dans le droit international de l’environnement n’est plus à démontrer. Les auteurs emploient un vocabulaire souvent imagé pour la décrire en évoquant une « nébuleuse » ou un « foisonnement » institutionnels. Alors que, dans un premier temps, la création de nouvelles organisations était toujours accueillie avec enthousiasme, puisque répondant à cette « nécessité d’élaborer […] des arrangements institutionnels permanents pour la protection et l’amélioration de l’environnement » (Résolution 2997(XXVII) de l’AGNU sur les Dispositions institutionnelles et financières concernant la coopération internationale dans le domaine de l’environnement), le degré de la diversité actuel n’est pas sans soulever des problèmes. La diversité des organisations intergouvernementales est donc foisonnante et présente un certain nombre d’avantages pour la gestion des milieux naturels (A), mais peut également s’avérer problématique (2).

A.

Une diversité foisonnante

23. La classification des organisations. Diverses classifications des organisations intergouvernementales jouant un rôle dans la gestion et la protection de l’environnement pourraient être retenues. Classiquement, l’on distingue entre les organisations généralistes et spécialisées. La distinction entre les organisations à vocation universelle et celles régionales paraît également particulièrement pertinente. Il serait possible de distinguer entre les mécanismes de réglementation, de mise en œuvre et de contrôle, les mécanismes opérationnels et financiers, etc. Les deux classifications retenues offrent cependant une plus grande clarté. 24. Organisations généralistes/spécialisées. Selon les cas, les États peuvent choisir de confier les missions liées à la gestion et la protection de l’environnement à une organisation généraliste ou à une organisation spécialisée. Ce choix est nécessaire dès lors qu’il n’existe pas d’organisation mondiale dédiée à l’environnement. 25. Organisations généralistes. La plupart du temps, lorsque les États confient un aspect de protection et de gestion de l’environnement à une organisation généraliste, cela conduit à la création, en son sein, d’organes spécialisés. Il en est ainsi au sein de l’Organisation des Nations unies, qui possède un nombre important de ce type d’organes, parmi lesquels le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le Comité de coordination pour l’environnement, ou la Commission du développement durable. Par ailleurs, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité s’intéressent également aux questions liées à l’environnement, le Conseil ayant, par exemple, lui-même crée une Commission spéciale d’indemnisation des dommages environnementaux


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liés à la guerre du Golfe. On notera que, d’une part, la réforme en cours du Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC) devrait lui faire prendre un rôle plus important dans ce domaine13 et, d’autre part, la C.I.J. joue également un rôle de plus en plus important. 26. Organisations spécialisées dans le domaine de l’environnement. Les conventions environnementales ont rarement recours à des organisations préexistantes pour leur confier les missions de mise en œuvre et de contrôle. Si des exceptions en ce sens existent, comme dans le cas de la Convention sur la sûreté nucléaire qui confie son secrétariat à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) (art. 28), dans la plupart des cas, la signature d’une nouvelle convention s’accompagne de la création d’une structure institutionnelle nouvelle. Ainsi, l’Accord international sur les bois tropicaux de 1983 a institué l’Organisation internationale des bois tropicaux (O.I.B.T.), l’Accord du 26 janvier 2009 crée l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA), etc. D’autres organisations spécialisées, régionales, existent, comme l’Agence européenne de l’environnement14. 27. Organisations spécialisées dans d’autres domaines. Enfin, certaines institutions de la famille onusienne, spécialisées dans les domaines autres que l’environnement, interviennent également dans la gestion de celui-ci. À titre d’exemple, il convient de citer l’Organisation maritime internationale (O.M.I.) ou l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), mais également la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Organisation météorologique mondiale (O.M.M.), ou l’Organisation mondiale de la santé (O.M.S.). Dans certains domaines, comme le droit de la mer, cela conduit donc à la présence d’une multiplicité d’acteurs. Dans cet exemple précis, l’action de l’Assemblée générale étant accompagnée de celle de l’O.M.I., principalement pour la lutte contre les pollutions et de la FAO, en matière de gestion des ressources naturelles, mais également de l’Autorité des fonds marins, compétente pour la prévention et la réduction de la pollution résultant d’activités menées dans la Zone (art. 209 et 215 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer). Enfin, à leur action s’ajoute celle des organisations régionales, qu’elles soient généralistes, comme l’Union européenne, ou spécialisées, comme les organisations régionales dédiées à la protection des différents milieux marins. 28. Organisations universelles/régionales. Sont visées en tant qu’organisations universelles celles qui ont une vocation universelle, c’est-à-dire celles qui, en vertu de leurs statuts, sont ouvertes à tous les États. En revanche, les organisations régionales ont nécessairement une composition restreinte. Les États décident la plupart du temps de créer une organisation régionale soit pour des raisons de contiguïté géographique, soit parce qu’ils sont intéressés 13. Voy. Revue juridique de l’environnement, n° sp., 2012. 14. Voy. S. DouMbé-billé, « Le règlement (CE) n° 401/2009 du parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatif à l’agence européenne pour l’environnement », Rev. eur. dr. consom., 2010, n° 10/2.

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par une coopération, pour certaines questions, traduisant un niveau de solidarité plus important que dans l’ensemble de la société internationale. Sur le continent européen, l’action de l’Organisation de coopération et développement économiques (O.C.D.E.) ou du Conseil de l’Europe en matière d’environnement est très importante, tout comme celle de l’Union européenne. Mais, sur d’autres continents également, les organisations régionales dites généralistes ont largement investi ces questions (voy., p. ex., le préambule de l’Accord de libre-échange nord-américain et l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement du 13 septembre 1993, également l’action de l’Union africaine en la matière). Dans la plupart des domaines liés à la protection de l’environnement, il existe donc un double niveau d’institutionnalisation : universel et régional. L’exemple de la gestion des pêcheries est flagrant, à une gestion universelle assurée par la FAO s’ajoute une gestion régionale, avec plus d’une quarantaine d’institutions, certaines étant généralistes et d’autres spécialisées. 29. Avantage d’une institutionnalisation foisonnante. L’avantage d’un maillage institutionnel, à la fois généraliste et spécialisé, universel et régional, réside principalement dans son caractère complet. Il permet de couvrir soit en général, soit de manière spécifique, soit au niveau mondial, soit dans certaines régions, l’ensemble des domaines touchant à la protection et la gestion de l’environnement. Une telle structure en « millefeuille » comporte néanmoins également des risques. Ces derniers sont désormais tout à fait réels et montrent qu’une diversité institutionnelle trop importante peut s’avérer problématique.

B.

Une diversité problématique

30. Un consensus semble aujourd’hui atteint pour affirmer que la diversité institutionnelle, désormais très (ou trop) marquée, entraîne certaines difficultés de gouvernance. Celles-ci sont principalement liées à la question du partage de compétences et de la coopération entre diverses entités instituées (1) et à la question des moyens réels, financiers et techniques et leur répartition entre ces entités (2). Toutefois, si le document final du sommet de Rio +20 L’avenir que nous voulons reconnaît la nécessité d’un « dispositif institutionnel plus rationnel et efficace » (§ 76), les intérêts que défend chacune des organisations existantes freinent l’aménagement d’un tel cadre qui comporterait nécessairement une révision du cadre actuel. Si certains souhaitent renforcer la position du P.N.U.E., d’autres penchent pour une solution impliquant la création d’une organisation mondiale de l’environnement. La solution de cette question paraît toujours très lointaine. 31. Problème de coopération entre les différentes entités. Dès lors qu’un nombre important d’organisations œuvre dans un même domaine, le risque des doubles emplois est nécessairement présent. Pour pallier cette difficulté, une


La société civile

coopération entre organisations concernées paraît nécessaire. Cette nécessité semble généralement acceptée, les organisations multipliant désormais entre elles des accords de coopération qui prévoient des liens institutionnels allant du partage des informations aux actions conjointes. L’adhésion d’une organisation à une autre, comme c’est le cas de l’Union européenne désormais membre de la FAO, ou la participation en qualité d’observateur (cas de nombreuses organisations régionales au sein de l’O.M.I.) sont également pratiquées. Le paragraphe 78 de la Déclaration de Rio+20 souligne par ailleurs cette nécessité de renforcer les liens entre différentes organisations ; il appelle à « accroitre la cohérence et la coordination » interinstitutionnelle. 32. Problème de financement. La seconde difficulté résultant de la diversité et la multiplicité d’organisations intéressées par l’environnement est liée aux questions de financement. Il semblerait que toutes les organisations rencontrent des difficultés d’ordre matériel. Or, l’accroissement de leur nombre accentue cet aspect, propre à diminuer l’effectivité et l’efficacité d’action institutionnelle. L’avenir du riche maillage institutionnel du droit international de l’environnement est intrinsèquement lié à sa capacité de gestion rationnelle. À retenir Principe 25 de la Déclaration de Stockholm : « Les États doivent veiller à ce que les organisations internationales jouent un rôle coordonné, efficace et dynamique dans la préservation et l’amélioration de l’environnement ».

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La SociÉtÉ civiLe Pour aller plus loin : Déclaration de Johannesburg sur le rôle des entreprises ; S. Doumbé-billé, « Évolution des institutions et des moyens de mise en œuvre du droit de l’environnement et du développement », RJE, 1993, pp. 31-44. M. Dias varella, « Le rôle des organisations non gouvernementales dans le développement du droit international de l’environnement », JDI, 2005/1, pp. 41-76. R. ranjeva, « Les organisations non gouvernementales et la mise en œuvre du droit international », RCADI, 1997, vol. 270, pp. 9-105. E. roucounas, « Facteurs privés et droit international public », RCADI, 2002, vol. 299, pp. 9-419.

33. Le rôle des acteurs privés non étatiques, désignés ici comme la société civile, revêt une importance toute particulière en droit international de l’environnement. Ils participent à l’élaboration et l’application de ce droit. Ils sont également, notamment en matière de pollution, les principaux acteurs de ce domaine. L’éclosion du concept de droit à l’environnement a conduit à la reconnaissance d’un rôle actif aux individus (A) ; les groupements privés, au premier rang

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desquels les organisations non gouvernementales (O.N.G.), les entreprises et les associations occupent aussi une place centrale sur la scène du droit international de l’environnement (B).

§ 1 L’individu 34. La prise en compte de l’individu par le droit international de l’environnement s’est opérée par étapes. La Déclaration de Stockholm vise, dans son principe 1, l’être humain ayant « un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être ». Cette formulation ne permet pourtant pas de reconnaître clairement l’individu comme acteur du droit international de l’environnement. Par la suite, ce sont principalement les traités régionaux qui ont réaffirmé le droit à l’environnement, dont le bénéficiaire serait l’individu : l’article 24 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui vise plus précisément « les peuples » ; ou l’article 11 du Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels du 17 novembre 1988. Toutefois, la véritable émergence de l’individu acteur du droit de l’environnement a débuté avec la Déclaration de Rio. Son principe 10 précise en effet que « La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les États doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré ». L’individu est donc devenu acteur du droit international de l’environnement par le biais du droit à l’information. La Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, adoptée le 25 juin 1998, a confirmé cette position de l’individu15. Cette vision doit cependant être nuancée. En effet, si le rôle des individus est incontestable, ils ne bénéficient à l’heure actuelle que de certains droits procéduraux, sans que des droits « substantifs » leur soient reconnus. Si les individus sont aujourd’hui reconnus parmi les acteurs du droit international de l’environnement, ce n’est bien évidemment pas au même titre que les États ou les organisations internationales.

15. Voy. M. Prieur, Droit de l’environnement, 6e éd., Paris, Dalloz, 2011.


La société civile

§ 2 Les groupements privés 35. Au sein de la catégorie des groupements privés, il convient de distinguer entre les entreprises (1), et les associations et les organisations non gouvernementales (2), leur position, implication et appréhension par le droit international de l’environnement n’étant pas les mêmes.

A.

Les entreprises

36. L’importance des entreprises est liée au fait qu’elles sont, d’une part, les principaux acteurs des diverses pollutions, liées à leurs activités et, d’autre part, détentrices de solutions nouvelles de protection de l’environnement. Cette double qualité leur confère un rôle, dans le droit international de l’environnement, inédit par rapport aux autres branches du droit international public. 37. La Déclaration de Johannesburg sur le développement durable de 2002 est la première à reconnaître le rôle des entreprises. Elle affirme leur « devoir de contribuer à l’émergence de communautés et de sociétés équitables et durables » (§ 27). Les entreprises sont ainsi, la plupart du temps indirectement, les destinataires des normes du droit international de l’environnement, comme dans le cas du principe « pollueur-payeur », selon lequel « l’opérateur d’une activité dangereuse qui cause un dommage à l’environnement doit réparer les conséquences de celui-ci »16. 38. Conscientes de leur nécessaire implication, les entreprises se sont par ailleurs regroupées au sein de diverses structures pour mieux influencer l’élaboration du droit international de l’environnement. Parmi ces structures, le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), regroupant 160 entreprises multinationales représentant 10 à 15 % du chiffre d’affaires mondial, et l’International Chamber of Commerce (ICC), ont créé le Business Action for Sustainable Development (BASD), outil de représentation du business lors des grandes conférences environnementales. Le respect des normes environnementales étant par ailleurs devenu un argument commercial, les entreprises cherchent parfois à se soumettre volontairement au droit de l’environnement. En atteste le succès du standard ISO en la matière. Un autre exemple est la notion de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), un engagement des entreprises pour le respect des pratiques responsables et le développement durable. Si les lois nationales peuvent imposer aux entreprises des obligations, notamment quant à la publication des informations sociales et environnementales, les entreprises se plient souvent aux recommandations non contraignantes internationales, telles les Principes directeurs pour les entreprises multinationales de l’O.C.D.E. 16. Q.-D. NguyeN, P. Dailler, M. Forteau et A. Pellet, Droit international public, op. cit., p. 1443.

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Les acteurs

Enfin, au sein de l’Union européenne également diverses initiatives renforcent le rôle des entreprises. À titre d’exemple, le Règlement sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques (REACH), entré en vigueur le 1er juin 2007, prévoit la responsabilité des entreprises dans l’action d’évaluation et de gestion des risques posés par les produits chimiques. L’industrie a l’obligation de fournir des informations de sécurité adéquates aux utilisateurs (voy. infra, § 144). Les entreprises investissent de plus en plus la scène du droit international de l’environnement. Au départ acteurs passifs, auxquelles les normes avaient vocation à s’appliquer, elles sont devenues actives et souhaitent participer à leur élaboration.

B.

Les associations et organisations non gouvernementales

39. L’influence des organisations non gouvernementales est désormais telle qu’elles participent même de manière active à l’élaboration du droit international de l’environnement. Leur participation peut prendre différentes formes, avec un degré d’implication dans le processus normatif plus ou moins grand, allant de l’organisation des sommets parallèles aux grandes conférences de négociation, participation aux réunions officielles ou même élaboration des projets des textes internationaux. 40. Certains mécanismes de suivi d’application des conventions prévoient également une participation des représentants des O.N.G., à l’instar de l’Accord relatif à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (art. 12, § 1). Les mécanismes internes de certaines organisations admettent également la participation des O.N.G. dans la mise en œuvre de la responsabilité des autres acteurs. Elles peuvent ainsi présenter des mémoires d’amicus curiæ devant les groupes spéciaux de l’Organe de règlement des différends de l’O.M.C. ou alors saisir le Panel d’inspection de la Banque mondiale. La puissance de quelques grandes organisations, telles que Greenpeace ou WWF, n’est plus à démontrer et leur influence sur l’évolution du droit international de l’environnement est réelle. À retenir : Déclaration de Johannesburg sur le développement durable : 27. Nous convenons que, dans l’exercice de ses activités légitimes, le secteur privé, y compris les grandes entreprises comme les petites, a le devoir de contribuer à l’évolution vers des communautés et des sociétés équitables et durables. 29. Nous convenons qu’il faut que les entreprises du secteur privé respectent l’obligation de rendre compte, laquelle devrait être établie dans un cadre réglementaire transparent et stable.


Les réseaux inter-acteurs

Section 4

LeS rÉSeaux inter-acteurS 41. Les acteurs du droit international de l’environnement sont principalement des acteurs classiques du droit international, même si le rôle accordé tout d’abord aux organisations internationales, mais aussi à la société civile paraît particulièrement important. À côté de ces acteurs classiques, de nouveaux acteurs émergents sur la scène internationale. Leurs forme et fonctionnement originaux créent parfois une difficulté de qualification. Ils peuvent être regroupés dans une catégorie appelée « réseaux interacteurs », cette catégorie étant cependant marquée par une grande hétérogénéité, chacun de ces réseaux ayant ses propres caractéristiques. Deux exemples appellent une attention toute particulière, du fait de leur antériorité et de leur ampleur : le Fonds pour l’environnement mondial (A) et l’Union mondiale pour la nature (B).

§ 1 Fonds pour l’environnement mondial (FEM) Pour aller plus loin : L. boisson De chazournes, « Le fonds pour l’environnement mondial : recherche et conquête de son identité », AFDI, 1995, vol. 41, pp. 612632. Id., « The Global Environmental Facility Galaxy: On Linkages between Institutions », Max Planck Yearbook of United Nations Law, 1999, pp. 243-285. A. moiros chancosa, « L’utilisation d’instruments économiques dans la gestion internationale du changement climatique », in La politique de l’environnement : de la réglementation aux changements économiques (M. bothe et P.H. sanD dir.), La Haye, Martinus Nijhoff, 2003, pp. 499-529. S. sharma, « The World Bank and the Global Environment Facility: Challenges and Prospects for Sustainable Development », Brown Journal of World Affairs, vol. 3, n° 2, 1996, pp. 275-288. S.A. silarD, « The Global Environment Facility: a New Development in International Law and Organization », George Washington Journal of International Law and Economics, vol. 28, n° 3, 1995, pp. 607-654.

42. Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) a été créé en 1991 par trois acteurs déjà présents sur la scène du droit international de l’environnement : la Banque mondiale, le Programme des Nations unies pour le développement et le Programme des Nations unies pour l’environnement. Il s’agissait d’un programme expérimental, prévu pour trois ans et destiné à financer des actions et initiatives liées à la lutte contre les changements climatiques, pollution des eaux internationales, dans le domaine de la diversité biologique et relativement à la couche d’ozone. La forme du programme était originale : un fonds, dont la Banque mondiale était dépositaire, les États ayant contribué au fonds se voyaient octroyer le statut d’États participants. Toutefois, pour bénéficier du fonds, un État

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Les acteurs

n’était pas obligé d’avoir le statut du participant, il devait cependant remplir une double condition d’éligibilité pour emprunter à la Banque mondiale et recevoir l’assistance technique du P.N.U.D. Par ailleurs, sous certaines conditions, les organisations non gouvernementales pouvaient également bénéficier des subventions du F.E.M. 43. La structure et le fonctionnement du Fonds ont par la suite été revus, notamment pour le rendre permanent. En ce sens, un accord a été signé entre 73 États le 16 mars 1994 à Genève. La forme de cet accord et sa procédure d’adoption témoignent de la particularité du F.E.M. ; il est qualifié par le professeur Laurence Boisson de Chazournes d’« instrument international constitutif sui generis »17. L’Instrument pour la restructuration du Fonds mondial pour l’environnement fut en effet approuvé tout d’abord par les États, à l’issue d’une réunion internationale, puis adopté, par le biais des résolutions, par les organes compétents de la Banque mondiale, du P.N.U.E. et du P.N.U.D. La conséquence de cette procédure particulière est la nature même du F.E.M. En effet, il ne s’agit pas là d’une nouvelle organisation internationale, mais plutôt d’un nouveau mécanisme, créé par les organisations existantes avec un adoubement a priori par les États. La structure institutionnelle reflète également l’originalité du Fonds. Ses organes correspondent aux organes classiques d’une organisation internationale : une assemblée générale, un conseil – organe directeur, un secrétariat, et un directeur, proposé par les trois agences exécutrices (Banque mondiale, P.N.U.E. et P.N.U.D.) et nommé par le Conseil. Alors que l’Assemblée est composée de tous les États participants, la composition du Conseil est plus complexe. Un équilibre est recherché entre la volonté de représentation de l’ensemble des participants et des donateurs. Ainsi, parmi ses 32 membres, 18 représentent les groupes bénéficiaires et 14 les groupes des pays industrialisés. Certains groupes peuvent cependant réunir à la fois les donateurs et les bénéficiaires. C’est le Conseil qui élabore, adopte et évalue les politiques opérationnelles du F.E.M., les agences d’exécution sont également responsables devant lui pour les activités financées par le Fonds. Outre les modifications structurelles, de nouveaux domaines ont rejoint, en 1994, les quatre initialement prévus : la désertification et la déforestation. 44. Si les critiques à l’égard du F.E.M. mettent en lumière sa discutable autonomie par rapport à la Banque mondiale et l’insuffisance de ses ressources, l’originalité de sa structure et de son fonctionnement semble avoir été favorable pour améliorer le financement de la protection de l’environnement dans les pays en développement, dans les domaines visés. Certaines conventions, à l’instar de la Convention sur les changements climatiques (art. 21), la Convention sur la diversité biologique (art. 39), et la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la 17. L. boissoN De ChazourNes, « Le fonds pour l’environnement mondial : recherche et conquête de son identité », AFDI, 1995, vol. 41, p. 620.


Les réseaux inter-acteurs

sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique (art. 20) prévoient expressément l’intervention du Fonds. En octobre 2011 un nouvel « Instrument pour la restructuration du Fonds pour l’environnement mondial » a été adopté, prévoyant notamment des modifications structurelles.

§ 2 Union mondiale pour la nature (U.I.C.N.) Pour aller plus loin : J. olivier, « Les nouveaux acteurs du droit de l’environnement - Le rôle de l’U.I.C.N. dans l’élaboration du droit de l’environnement », R.E.D.E., 2005, pp. 274-296. Id., L’Union mondiale pour la Nature (U.I.C.N.) - Une organisation singulière au service du droit de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 2005. J. olivier et C. De Klemm, « Le rôle des O.N.G. dans le droit de l’environnement : l’exemple de l’U.I.C.N. », in Les Nations Unies et la protection de l’environnement : la promotion d’un développement durable (S. maljean-Dubois et R. mehDi dir.), Paris, Pedone, 1999, pp. 175-186.

45. L’Union mondiale pour la nature, initialement appelée Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources, existe depuis 1948. Pendant longtemps elle a été considérée comme une organisation non gouvernementale. Ses statuts précisent en effet qu’elle est une « association internationale de membres gouvernementaux et non gouvernementaux », constituée conformément aux dispositions du droit suisse (art. 1). Ses spécificités peuvent cependant amener à l’en distinguer et la catégorie des « réseaux inter-acteurs » convient le mieux pour qualifier cette structure. En effet, si ses membres sont nombreux (plus de 1000 en 2013) et de nature très variée – gouvernements, organisations gouvernementales et non gouvernementales – ses structures ressemblent à celles d’une organisation intergouvernementale classique, avec une assemblée générale et un conseil qui représente l’Union dans l’intervalle des réunions de l’assemblée (qui ont lieu tous les 3 ans) et surveille l’exécution du programme. L’Union, et c’est l’une de ses particularités, s’est par ailleurs dotée des Commissions permanentes auxquelles participent, en 2013, 11 000 scientifiques et spécialistes volontaires. Les thématiques auxquelles sont consacrées les commissions englobent l’éducation et la communication, les politiques environnementales, économiques et sociales, le droit de l’environnement, la gestion des écosystèmes, la sauvegarde des espèces et les aires protégées. L’Union est également très bien implantée dans le monde entier, puisqu’elle possède 45 bureaux permanents. 46. L’Union résume elle-même son objectif en trois axes : développer la connaissance « en ce qui concerne les espèces, les écosystèmes, la diversité biologique et leur impact sur les moyens de subsistance des êtres humains », développer des projets sur le terrain dans le domaine de la gestion des milieux

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naturels et influencer les décideurs de la gouvernance mondiale afin de développer les meilleures pratiques environnementales. 47. Son rôle dans l’élaboration de certaines conventions est largement reconnu. En effet, l’Union rédige parfois des projets des textes, comme ce fut le cas de la Charte mondiale de la nature, proposée par l’U.I.C.N. et adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies (Rés. 37/7 du 28 octobre 1982). Ce fut également le cas pour la Convention sur la biodiversité, dans la rédaction de laquelle l’U.I.C.N. a été activement engagée. À retenir : Instrument pour la restructuration du Fonds pour l’environnement mondial, article 2 : Le F.E.M., en se fondant sur la collaboration et le partenariat des agents d’exécution, fait fonction de mécanisme de coopération internationale dans le but de fournir, à titre gracieux ou à des conditions libérales, des moyens de financement nouveaux et supplémentaires destinés à couvrir les surcoûts convenus de mesures visant à améliorer la protection de l’environnement mondial dans les domaines d’intervention ci-après : a) diversité biologique ; b) changement climatique ; c) eaux internationales ; d) dégradation des sols ; essentiellement par la désertification et le déboisement ; e) appauvrissement de la couche d’ozone ; et f) polluants organiques persistants.

Statuts de l’U.I.C.N. : 2. Les objectifs de l’U.I.C.N. sont d’influer sur les sociétés du monde entier, de les encourager et de les aider pour qu’elles conservent l’intégrité et la diversité de la nature et veillent à ce que toute utilisation des ressources naturelles soit équitable et écologiquement durable. 3. Pour atteindre ces objectifs, l’U.I.C.N. : (a) mobilise ses membres, composantes et partenaires pour forger des alliances pour la conservation de la nature ; (b) renforce la capacité institutionnelle de ses membres de conserver la diversité biologique et de sauvegarder les processus écologiques entretenant la vie aux niveaux mondial, régional, national et local ; (c) favorise une coopération accrue entre ses membres gouvernementaux et non gouvernementaux pour renforcer les capacités de ses membres et partenaires ; (d) encourage la recherche scientifique sur la conservation de la nature et de ses ressources et diffuse des informations sur cette recherche ; (e) sert de forum pour discuter des questions de conservation, y compris de leurs dimensions scientifiques, pédagogiques, juridiques, économiques, sociales et politiques, aux niveaux mondial, régional, national et local ;


Les réseaux inter-acteurs

(f) met sur pied des réseaux d’experts et des systèmes d’information pour apporter un appui à ses membres et à ses composantes ; (g) prépare et diffuse des déclarations sur la conservation de la nature, en tirant parti des compétences de ses membres et de ses composantes ; (h) influe sur les instruments juridiques et administratifs nationaux et internationaux afin que les sociétés puissent profiter des avantages d’une utilisation durable de la nature et de ses ressources ; (i) intervient auprès des gouvernements et des organismes internationaux afin d’influer sur les politiques de l’environnement ; (j) aide à la création de mécanismes permettant de discuter et de résoudre les problèmes internationaux de l’environnement ; (k) contribue à la préparation d’accords internationaux relatifs à la conservation de la nature et de ses ressources et encourage les États à adhérer à ces accords ; (l) prend toute autre mesure appropriée susceptible de promouvoir la conservation de la nature et de ses ressources ; et (m) applique les dispositions des présents Statuts.

EXERCICE : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez ce chapitre attentivement. 1. Quels rapports entretiennent les acteurs du droit international de l’environnement ? Ces rapports correspondent-ils aux schémas classiques du droit international public ou les bousculent-ils ? 2. Quelle est la place des États dans le droit international de l’environnement ? Quel rapport avec la notion de souveraineté ? 3. Les organisations internationales ont-elles supplanté l’action des États dans le domaine de la gouvernance de l’environnement ? 4. Par quel biais le rôle des individus en droit international de l’environnement a été affirmé ? 5. De quelle manière les O.N.G. participent-elles à l’élaboration et la mise en œuvre du droit international de l’environnement ? 6. Quels sont les particularités du F.E.M. ? Est-ce une organisation internationale ?

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Chapitre 2 Les règles

1.

La nature singulière du droit international de l’environnement........ 37

2.

Le traité, entre terreau et moteur du droit international de l’environnement ..................................................................................... 43

3.

L’irrigation du droit international de l’environnement par la coutume et les principes........................................................................................ 58

4.

La consécration d’autres règles en matière environnementale, une relecture des normes classiques du droit international ............... 71


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Les règles

48. Dans un souci pédagogique, le développement de ce chapitre suivra la structure de l’article 38 du Statut de la Cour internationale de justice qui est annexé à la Charte des Nations unies. En étant rattaché à la Charte, cet article s’applique auprès de tous les États membres de l’ONU. Les sources du droit international sont censées révéler les règles constitutives de la matière. Toutefois, il faut faire attention à l’emploi des termes « source » et « règle ». La facilité serait de les assimiler. La source, au sens premier du terme renvoi à l’origine de la règle, c’est une technique. C’est donc bien la règle, la norme, qui nous importe. Les règles sont très diverses, et comme il sera vu, elles ont eu tendance à s’adapter à la protection de l’environnement. L’article 38 énumère les différentes règles que le juge appliquera dans le cadre du règlement d’un différend, sans distinction. Cette indifférence du « législateur » est toutefois comblée par la pratique des États qui tendent eux-mêmes à faire prévaloir une norme plutôt qu’une autre. En effet, les conventions sont principalement utilisées par les États. La coutume est perçue par ces derniers comme une pratique générale acceptée. Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées, la doctrine et la jurisprudence sont utilisés par les États de façon plus auxiliaire. Nous ne ferons pas référence ici à l’équité, qui est très peu utilisée. L’objectif du présent chapitre sera donc d’apporter une vision d’ensemble sur ces différentes règles traditionnelles qui pourtant vont devoir répondre à certains impératifs au regard de la matière qui leur est soumise. Le droit international de l’environnement présente certaines spécificités qui lui sont propres (Section 1), nécessitant une adaptation de la norme conventionnelle (Section 2), ainsi qu’une utilisation particulière de la coutume et des principes fondamentaux (Section 3). Enfin, cette spécificité a permis le développement de nouvelles règles (Section 4).


La nature singulière du droit international de l’environnement

Section 1

La nature SinguLière du droit internationaL de L’environnement Pour aller plus loin : L. boisson De chazournes, R. Desgagne, M.M. mbengue et C. romano, Protection internationale de l’environnement, Paris, Pedone, 2005. M. cornu et J. Fromageau, Genèse du droit de l’environnement, Paris, L’Harmattan, 2001. H. ruiz Fabri et L. graDoni, La circulation des concepts juridiques : le droit international de l’environnement entre mondialisation et fragmentation, Paris, Société de législation comparée, 2009. S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, Colloque d’Aix-en-Provence (2009), Paris, Pedone, 2010. R.-J. Dupuy, « L’avenir du droit international de l’environnement », RCADI, 1985. P.-M. Dupuy, « Soft Law and the International Law of the Environment », Michigan Journal of International Law, vol. 12, n° 2, pp. 420-435. M. Kamto, « Singularité du droit international de l’environnement », in Les hommes et l’environnement : quels droits pour le XXIe siècle ? Hommage à Alexandre Kiss, Paris, Frison-Roche, 1998, pp. 315322 ; E. naim-gesbert, « L’unification du droit international de l’environnement par la quête du mot juste », Observateur des Nations Unies, vol. 30, 2011, pp. 113119. M. prieur, « Droit à l’environnement », JurisClasseur administratif, 21 mai 2007. Id. (dir.), La non-régression en droit de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 2012. J. sohnle, « Le paradigme postpositiviste ou révélation d’une méthode spécifique dans l’application du droit international de l’environnement (première partie) », REDE, n° 3/1998, pp. 262-285. Id., « Le droit international de l’environnement : 2005-2009, une toile d’araignée pour une grosse bête noire », RJE, 1/2010, pp. 75-98. J. untermaier, « Nous n’avons pas assez de droit ! Quelques remarques sur la complexité du droit en général et du droit de l’environnement en particulier », in Les hommes et l’environnement quels droits pour le XXIe siècle ? Mélanges en hommage à Alexandre Kiss, op. cit., pp. 499-511.

La protection de l’environnement est une matière qui présente un certain nombre de caractéristiques (§ 1), nécessitant une adaptation du cadre juridique, en prenant en compte aussi bien ses enjeux propres, son caractère futur (§ 2), mais aussi la relecture de la normativité des règles de droit international (§ 3). Malgré tout, le droit international de l’environnement présente un certain nombre de difficultés qu’il faudra surmonter pour s’assurer de son effectivité (§ 4).

§ 1 Des enjeux spécifiques 49. La protection de l’environnement est devenue une finalité majeure du droit international public. L’environnement aurait pu être considéré comme un champ du droit international comme tous les autres. Toutefois, il a cette particularité d’être un bien commun à toute l’humanité. Il relie chaque individu, quels que soient son origine, sa nationalité, son statut social. Une catastrophe naturelle ou industrielle aura des répercussions bien au-delà des frontières d’un seul État. Les désastres ne se comptent plus, et la catastrophe nucléaire de Fukushima du 11 mars 2011 au Japon en est encore un exemple. Les éléments se

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déchaînent, l’environnement évolue et sa protection est devenue une « question de survie »1. L’environnement est difficile à appréhender et, parmi ses particularités, sa technicité en est une. Le droit international de l’environnement est une matière complexe, car son objet l’est tout autant. Les professeurs Kiss et Dinah Shelton démontrent l’utilité de la recherche scientifique sur l’environnement. À sa découverte, la pollution atmosphérique était vue comme un phénomène local. Puis, dans les années 1970, l’acidité des lacs en Scandinavie a montré que des dommages sur le long terme étaient à craindre. Ensuite, dans les années 1980, la destruction des forêts a permis de démontrer que le dioxyde sulfurique n’était pas le seul responsable de la pollution atmosphérique, mais que l’oxyde de nitrate émanant des voitures était aussi en cause. Enfin, la découverte du trou se formant dans la couche d’ozone était un nouveau problème. Au fur et à mesure, ces découvertes ont conduit à une relecture de la lutte contre la pollution atmosphérique2. Les scientifiques permettent de matérialiser les menaces qui pèsent sur l’environnement et aident à la transposition de concepts scientifiques dans le domaine juridique. Toutefois, une ombre vient s’ajouter au tableau, lorsque les scientifiques ne sont pas d’accord. Face à une matière complexe et évolutive, les opinions peuvent diverger, entraîner doute et suspicion sur l’objectivité des études réalisées. Enfin, outre sa technicité et sa complexité, l’environnement se déplace dans les autres domaines du droit, se répandant aussi bien dans le commerce, l’investissement, l’humanitaire, les droits de l’homme, etc.

§ 2 Un droit d’avenir 50. Les enjeux environnementaux se sont donc peu à peu imposés au sein de la société internationale. Cette conscience environnementale a été progressive. Le professeur Stéphane Doumbé-Billé a reconstitué « la genèse de l’ère écologique »3. Les premières conventions de protection peuvent se regrouper dans une période « anté-environnementale »4. La deuxième période est dite « proto-environnementale » pour finalement arriver, à la fin des années 70, à ce que Kiss appelait « l’ère écologique moderne »5, entraînant une véritable « révolution juridique »6.

1. S. MaljeaN-Dubois « La “fabrication” du droit international au défi de la protection de l’environnement », in S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, op. cit., p. 10. 2. A.-Ch. Kiss and D. sheltoN, International environmental law, Transnational Publishers Inc, Ardsley on Hudson, New York, Graham & Trotman Limited, London, England, 1991. 3. S. DouMbé-billé, « La genèse de l’ère écologique », in Genèse du droit de l’environnement, vol. I, Fondements et enjeux internationaux, op. cit., p. 167. 4. Id., « La genèse de l’ère écologique », loc. cit., p. 170. 5. A.-Ch. Kiss, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 6. 6. S. DouMbé- billé, « La genèse de l’ère écologique », loc. cit., p. 171.


La nature singulière du droit international de l’environnement

Le droit de l’environnement est encore qualifié aujourd’hui de droit jeune. Toutefois, cette jeunesse est assez relative. Faisant l’objet d’une véritable profusion normative avec des centaines de traités adoptés en moins d’un demi-siècle, le droit international de l’environnement a acquis une certaine expérience et a su s’adapter afin d’atteindre l’âge de maturité. La profusion normative des débuts a laissé place à une création plus ordonnée. L’environnement a aussi un rapport très particulier avec la notion de temps. Il s’agit d’une matière mouvante, en évolution constante, se jouant des règles temporelles et de la perception que l’homme peut en avoir. Les catastrophes naturelles peuvent se dérouler dans un laps de temps très court, mais avoir des répercussions sur des centaines d’années, comme c’est le cas pour les accidents nucléaires. Certains changements climatiques ne s’opèreront que dans plusieurs centaines d’années, échappant à une représentation matérielle de l’homme. À l’inverse, d’autres changements se calculent à l’échelle humaine, montrant ironiquement et tragiquement que le temps presse ! La protection de l’environnement suppose donc une évolution voire une anticipation du futur en en faisant un droit d’avenir. Le droit, de façon générale, a des difficultés à anticiper des évolutions rapides, il répond au présent. Le droit international de l’environnement se doit de répondre à ces évolutions, voire ces urgences, sous peine d’être dépassé avant même d’être appliqué : « il devine demain à partir du vécu d’aujourd’hui »7. Rompant avec la vision traditionnelle du droit, le droit international de l’environnement prend en compte les générations futures. « C’est un droit téléologique qui s’efforce d’écrire l’avenir au présent, dans une manière d’empathie normative pour les générations futures »8. Toutes les normes environnementales sont prises dans le souci de garantir pour les générations futures un environnement sain, car certaines dispositions n’auront d’effets que plusieurs années plus tard. Cette prise en compte du futur suppose donc une marche en avant continuelle des États sans retour possible en matière de protection de l’environnement, sous peine de porter atteinte aux générations futures. Le juge Weeramentry, dans son opinion dissidente dans l’avis consultatif sur la Licéité de l’utilisation ou la menace d’armes nucléaires de 19969, rappelle que si le risque d’une pollution pouvant toucher plusieurs générations est avéré, « la Cour manquerait à son devoir si elle n’était pas très attentive aux moyens de sauvegarder l’avenir par l’application du droit actuel. Les idéaux de la Charte des Nations unies ne sont pas limités au temps présent, ils s’inscrivent dans le cadre d’une perspective dynamique de progrès social et d’amélioration des conditions de vie et ils doivent bénéficier non seulement à la génération actuelle, mais aussi aux “générations futures” »10.

7. M. KaMto, « Remarques introductives », in S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, op. cit., p. 80. 8. Ibid. 9. C.I.J., « Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires », avis consultatif, Rec. 1996, p. 226. 10. Opinion du juge WeeraMaNtry sur l’avis consultatif, C.I.J., « Licéité de l’emploi ou de la menace d’utilisation d’armes nucléaires », op. cit., p. 455.

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L’environnement est particulièrement menacé et des facteurs extérieurs, notamment économiques et politiques, peuvent faire craindre un retour en arrière des acquis. Les dégâts causés à l’environnement et la disparition d’espèces sont malheureusement souvent irréversibles. L’obligation de standstill instaurée en matière environnementale suppose donc que lorsqu’un certain niveau de protection est atteint, il n’est pas possible de revenir en arrière. La non-régression vise au maintien d’une protection toujours plus grande, que les États devront respecter. Ils ne peuvent donc pas remettre en cause leurs engagements au risque de provoquer un recul dans la protection environnementale qui serait préjudiciable pour les générations futures.

§ 3 L’intégration de normes à valeur juridique relativisée 51. Les normes environnementales répondent aussi aux spécificités de l’environnement. Le droit international de l’environnement se sert des normes traditionnelles, mais, au vu de son particularisme, il se doit d’adopter des règles suffisamment souples pour répondre aux nécessités environnementales. La soft law se définit comme l’ensemble « des règles dont la valeur normative serait limitée soit parce que les instruments qui les contiennent ne seraient pas juridiquement obligatoires, soit parce que les dispositions en cause, bien que figurant dans un instrument contraignant ne créeraient pas d’obligation de droit positif ou ne créeraient que des obligations peu contraignantes »11. Le contenant et le contenu présentent donc une certaine relativité normative. Une déclaration ou une résolution ne sont pas des instruments juridiques contraignants, toutefois le contenu de ces instruments peut faire naître pour les États un sentiment d’obligatoriété. 52. À l’inverse, certains outils juridiquement contraignants peuvent faire naître des obligations qui ne sont que très peu contraignantes. La soft law est considérée comme un outil créateur de normes, car, en accumulant les volontés de création normative des États, on aboutirait à l’émergence d’une règle de droit ayant un caractère contraignant. Elle présente cet avantage indéniable de montrer la volonté des États de créer des normes juridiques nouvelles sans pour autant passer par les outils de formation classique. Ce procédé n’est d’ailleurs pas sans rappeler le processus de formation de la coutume, puisque les États par leur opinio juris et leur pratique peuvent faire naitre de nouvelles coutumes. Malgré son caractère souple, non obligatoire, la soft law constitue un fondement important, puisqu’elle contribue à la création de nouvelles obligations. Pour se convaincre de la force de la soft law dans la formation du droit positif, il suffit d’évoquer le passage des lignes directrices de Sofia, à la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement de 1998. Ces lignes directrices pour l’accès à l’information sur l’environnement et la participation du public à la prise de décision en matière d’environnement 11. J. salMoN, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 1039.


La nature singulière du droit international de l’environnement

ont été approuvées par la 3e conférence ministérielle « Un environnement pour l’Europe », en octobre 1995, et ont abouti à la conclusion de la Convention sur le droit à l’information et l’accès à la justice. Les États s’éloignent donc du modèle normatif classique pour laisser place à un droit plus souple. Néanmoins, la soft law n’est pas facile à identifier. Elle peut se trouver aussi bien dans des instruments de la hard law. En effet, dès lors qu’une norme obligatoire contient un concept juridique indéterminé, nous sommes face à de la soft law. Loin d’être deux branches distinctes, la soft et la hard law se mêlent, s’entrecroisent, pour finalement arriver à un mélange des genres.

§ 4 Un droit spécifique, aux difficultés spécifiques 53. Le droit international de l’environnement est un droit spécifique ; mais cette spécificité ne signifie pas que ce soit un droit isolé. Se servant des outils normatifs traditionnels, le droit international de l’environnement les adapte pour finalement arriver à un corps de règles singulier. Néanmoins, l’efficacité de ces normes n’est pas assurée. Singularité n’est pas synonyme d’efficacité. La jeunesse fougueuse du droit de l’environnement l’a conduit à adopter de très nombreuses règles, faisant ressembler la matière à « cérémonial chinois »12. Reprenant les sources traditionnelles prévues dans le Statut de la Cour internationale de justice en son article 38, le droit international de l’environnement les a adaptées afin de les faire correspondre au maximum aux réalités environnementales. Toutefois, ce n’est pas sans soulever un certain nombre de difficultés. La multiplication des conventions et des autres normes n’est pas sans poser un problème d’harmonie. Répondant à l’urgence, la construction du droit international de l’environnement s’est faite par à-coups, sans être coordonnée, conduisant à un véritable foisonnement normatif. Le recours aux conventions-cadres (voy. infra, § 63) correspond plus à une succession de protocoles et annexes qu’à un ensemble harmonieux. De plus, l’utilisation de la soft law constitue aussi bien un avantage qu’un inconvénient, quant à la qualité qu’il faut donner à ces normes. Il suffit pour cela de voir la Déclaration sur les forêts adoptée à la suite de la Conférence de Rio de 1992, dont le véritable nom est « Déclaration de principes, non juridiquement contraignante, mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable des types de forêts ». Que dire d’un tel titre qui révèle à lui seul, toute l’ambiguïté de la soft law. Au même titre, la flexibilité du droit de l’environnement pose aussi des difficultés, car si les normes peuvent évoluer, rien n’est figé, et tout est sujet à négociation. Le Protocole de Kyoto de 1997, sur la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre prévoit des taux différents selon les États. Certes, il vaut mieux négocier que se retrouver face à un refus catégorique des États, mais il est

12. L. CoNDorelli, « Préface », in Protection internationale de l’environnement, recueil d’instruments juridiques, L. boissoN De ChazourNes, r. DesgagNé, M.M. MbeNgue et C. roMaNo (dir.), Paris, Pedone, 2005.

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regrettable de voir qu’il faille négocier pour tenter d’aboutir à une protection de notre environnement, qui ne sera que relative. Toutefois, il ne faut pas jeter l’opprobre sur un droit qui tente de répondre aux impératifs que la planète lui fixe. Au-delà de l’enjeu que représente la sauvegarde du monde, la spécificité du droit de l’environnement n’a pas pour objet de faire de ce droit une nouvelle branche, déconnectée du droit international, mais plutôt d’intégrer un nouveau domaine dans le droit international en présentant une relecture des outils traditionnels sans pour autant les nier. Malgré ces difficultés inhérentes, le droit international de l’environnement s’améliore tant sur un plan quantitatif que qualitatif. Le foisonnement des premières années à laisser place à un développement raisonné des normes, qui tentent de s’accorder entre elles, pour constituer ce que le professeur Jochen Sohnle appelle une « toile d’araignée » contribuant à ce que « la bête noire, à savoir la pollution d’origine étatique, prenne chaque fois plus de risques de se prendre dans ses fils (mise en jeu de la responsabilité) »13. À retenir : Article 38 du Statut de la Cour internationale de justice : « 1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis, applique : a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les États en litige ; b. la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit ; c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; d. sous réserve de la disposition de l’article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. 2. La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont d’accord, de statuer ex aequo et bono ». Déclaration du Millénaire, A/55/L.2 du 5 décembre 2000 « Nous ne devons épargner aucun effort pour éviter à l’ensemble de l’humanité et surtout à nos enfants et petits-enfants, d’avoir à vivre sur une planète irrémédiablement dégradée par les activités humaines et dont les ressources ne peuvent plus répondre à leurs besoins ».

EXERCICE : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez ce chapitre attentivement. 1. Quelles sont les spécificités du droit international de l’environnement ? 2. Qu’est ce que la soft law ? 3. Le droit international de l’environnement est-il une branche à part du droit international public ? 4. À quoi correspondent la « softisation » de la hard law et la « hardisation » de la soft law ?

13. J. sohNle, « Le droit international de l’environnement : 2005-2009, une toile d’araignée pour une grosse bête noire », RJE, n° 1/2010, pp. 75-98.


Le traité, entre terreau et moteur du droit international de l’environnement

Section 2

Le traitÉ, entre terreau et moteur du droit internationaL de L’environnement Pour aller plus loin : M.A. beKhechi, « Une nouvelle étape dans le développement du droit international de l’environnement : la Convention sur la désertification », RGDIP, 1997, pp. 5-44. L. boisson De chazournes et M.M. mbengue, « À propos des convergences entre le protocole de Cartagena et les accords de l’OMC », RQDI, 2007, vol. 20.2, pp. 1-40. S. Doumbé-billé et m. prieur, Recueil francophone des traités et textes de droit de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 2012. S. Doumbebille, « Les secrétariats des conventions internationales », in L’effectivité du droit international de l’environnement (C. imperiali dir.), Paris, Economica, 1998, pp. 57-78. M. Déjeant-pons « Les conventions du Programme des Nations unies pour l’environnement relatives aux mers régionales », AFDI, 1987, pp. 689-718. A.-Ch. Kiss, « Les traités-cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l’environnement », AFDI, 1993, pp. 792-797. D. momtaz, « La convention-cadre de Téhéran sur la protection de l’environnement marin de la mer Caspienne », AFDI, 2005, pp. 401-410.

§ 1 Le traité, une tentative de réponse formalisée aux atteintes environnementales 54. Le traité est la norme la plus importante quantitativement en droit de l’environnement. Cette affirmation de la protection de l’environnement s’est néanmoins faite de façon progressive, jusqu’à aboutir, à une « surdose » de traités (A), mais aussi à une recherche de classification des règles afin de faciliter leur lecture au plan universel et régional (B).

A.

L’affirmation de la protection de l’environnement au travers des traités

55. Les premiers traités environnementaux remontent au début du XIXe siècle et n’avaient pas pour principal objet la protection de l’environnement. Une des premières conventions internationales en matière environnementale est la Convention de Paris de 1902 sur la protection des oiseaux utiles à l’agriculture. Cette convention a été adoptée dans une perspective anthropocentriste, puisqu’il s’agit de protéger les oiseaux qui présenteront un intérêt pour l’agriculture, en distinguant les oiseaux utiles et nuisibles. Cet anthropocentrisme se perçoit aussi dans la Convention sur la conservation des otaries à fourrure du Pacifique Nord de 1911, qui avait, elle aussi, pour objectif la préservation des otaries qui étaient déjà très prisées pour leur fourrure. Toutefois, la première véritable convention sur la protection de la nature est la Convention de Londres de 1933 relative à la conservation de la faune

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et de la flore à l’état naturel, qui consacre explicitement la notion d’espèce menacée d’extinction. Pour la première fois, les espèces, mais aussi leurs habitats, sont pris en compte. La protection de l’environnement n’est donc que très secondaire, mais commence indirectement à faire son apparition. Les traités portant sur la protection de l’environnement se sont de plus en plus affirmés, permettant ainsi d’adopter des normes répondant aux nécessités de la protection de l’environnement. Le nombre de traités ne peut être véritablement établi avec précision, mais atteindrait le chiffre de 500 traités multilatéraux. Un nombre aussi important n’est pas sans poser la question d’éventuels conflits entre les traités environnementaux, mais aussi avec d’autres domaines du droit international. L’environnement est un domaine transversal, qui touche quasiment toutes les matières de droit international public. La protection de l’environnement se retrouve aussi bien dans le domaine du droit international économique, du droit des investissements, du droit international humanitaire. Un inventaire complet de tous les traités comprenant des dispositions environnementales ne présenterait pas une grande utilité.

B.

Une approche sectorielle des traités environnementaux

56. Il est possible de décrire l’évolution du contenu des traités, qui va vers un affinement des champs d’action. Il convient plus de s’intéresser aux traités ayant pour objectif principal la protection de l’environnement. Lors des premiers développements du droit international de l’environnement, les conventions favorisaient les préoccupations environnementales sur d’autres aspects comme l’économie, la culture, mettant en avant les conventions de « première génération »14, c’est-à-dire celles touchant les zones humides, le patrimoine mondial, culturel et naturel, le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinctions, les espèces migratrices15. On cherche par la suite à réglementer des substances. Ici, le caractère horizontal de l’environnement est enfin pris en compte. Le développement de la protection l’environnementale a été incorporé dans des instruments juridiques qui ne portent pas sur ce domaine. Le droit international économique est un des domaines où l’environnement a progressivement été pris en compte. Dans le préambule des Accords de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce16, il est prévu que l’« utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable est de protéger l’environnement et de renforcer les moyens d’y parvenir [...] ». Cette dernière phase n’est pas sans soulever certaines interrogations. Il est 14. S. DouMbé- billé, « La contribution du droit international à la protection de la nature », in Vingt ans de protection de la nature. Mélanges en l’honneur du professeur M. Despax, Paris, PULIM, 1997, p. 94. 15. Ibid. 16. Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, 15 avril 1994.


Le traité, entre terreau et moteur du droit international de l’environnement

possible d’y voir une dilution de la protection de l’environnement dans les différents domaines du droit, la rendant beaucoup moins efficace. À l’inverse, ne faut-il pas y voir une prise en compte plus importante, tendant finalement à incorporer les spécificités de l’environnement dans le droit international général ? Les traités vont aussi se distinguer selon leur portée universelle ou régionale. 57. Les conventions à portée universelle. Elles sont souvent adoptées lors de grandes conférences. Il ne serait pas forcément pertinent de recenser ces traités. Néanmoins, ils sont assez nombreux et nous pouvons relever les plus importants : la Convention de Ramsar de 1971 sur les zones humides d’importance internationale, la Convention de Paris de 1972 sur la protection du patrimoine mondial, naturel et culturel, la Convention de Washington de 1973 sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, la Convention de Bonn de 1979, sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone de 1985, la Convention de Bâle de 1985 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux de 1992, la Convention sur la diversité biologique et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, la Convention de Rotterdam de 1998 sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international. Les conventions universelles sont pour la plupart signées dans le cadre des Nations unies et de ses institutions spécialisées. 58. Les traités régionaux. Ils sont également nombreux et diversifiés. Un traité négocié dans le cadre d’organisations intergouvernementales régionales ou d’intégration régionale pourra porter sur un fleuve, une mer régionale. Sans faire un inventaire, il est possible de relever selon les régions les traités les plus importants. Europe. Ont été adoptées la Convention d’Helsinki sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux de 1992, la Convention de Lugano sur la responsabilité civile des dommages résultat d’activités dangereuses pour l’environnement de 1993, la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement en 1998. Afrique. La Convention d’Alger dite Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles de 1968 (il est intéressant de noter d’ailleurs à ce sujet, que cette Convention est celle qui consacre pour la première fois, d’un point de vue régional, une protection globale de l’environnement), la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique de 1991, la Convention de Maputo sur la conservation de la nature et des ressources naturelles de 2003 qui

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vient modifier substantiellement la Convention d’Alger afin de l’adapter aux nouvelles conceptions comme le développement durable17. Amérique. On peut recenser la Convention de Washington de 1940 pour la protection de la flore, de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de l’Amérique, la Convention de Lima sur la conservation et la gestion de la vigogne de 1979. Notons encore une fois ici l’avance du continent américain, qui s’était déjà fait remarquer en matière de protection des droits de l’homme et encore une fois en matière de protection environnementale. Asie. La Convention régionale de Koweït sur la coopération pour la protection de l’environnement marin contre la pollution de 1978, l’Accord de coopération de Shanghai pour un développement durable du bassin du Mékong de 1995, l’ASEAN Agreement on Transboundary Haze Pollution de Kuala Lumpur du 10 juin 2002. Antarctique. Il faut noter en effet que l’Antarctique fait l’objet d’une protection particulière, avec la Convention de Londres pour la protection des phoques de l’Antarctique de 1972, la Convention de Canberra sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique de 1980, le Protocole au Traité sur l’Antarctique sur la protection de l’environnement signé à Madrid en1991. Les traités régionaux présentent cet avantage d’appliquer de façon beaucoup plus efficace certains principes qu’on retrouve dans des traités à vocation universelle. Enfin, au-delà de la traditionnelle distinction, traité international/ traité régional, certains vont répondre aux nécessités de protection de l’environnement. Dans le cadre de la Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage de 1979, a été signé en 1995 un accord visant la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’AfriqueEurasie et s’appliquant pour les pays traversés par les flux migratoires d’oiseaux du Paléarctique occidental.

§ 2 Les spécificités du droit international de l’environnement, intégrées dans la formation du traité 59. L’environnement avec toutes ses caractéristiques doit pouvoir être intégré dans l’outil le plus important en droit international, que ce soit aussi bien dans sa formation (A), que dans son application (B).

17. Voy. s. DouMbé- billé, « La nouvelle convention africaine de Maputo sur la conservation de la nature et des ressources naturelles », RJE, 1/2005, pp. 5-17.


Le traité, entre terreau et moteur du droit international de l’environnement

A.

Le traité, une norme répondant à l’évolution de l’environnement

60. L’environnement dans la norme conventionnelle suppose une adaptation du traité aussi bien en instaurant un cadre institutionnel à cet effet qu’en simplifiant les procédures de révision. 61. Le traité en matière environnementale suppose une relecture fréquente, puisqu’il doit pouvoir s’adapter aux changements climatiques, mais aussi aux avancées scientifiques, tout en gardant à l’esprit l’intérêt des générations futures. Le traité, outil somme toute assez statique, doit devenir un outil dynamique répondant à ces attentes. L’utilisation du concept de traité-cadre semble y répondre, puisqu’il permet un ajustement du traité, au travers de la Conférence des parties. 62. Le concept de traité-cadre. Le droit international de l’environnement présente cette caractéristique d’être un droit prenant en compte l’avenir. Cette prise en compte de l’avenir se répercute dans la création normative de ce droit. Pour répondre à cet impératif, il est nécessaire que la protection de l’environnement bénéficie d’outils évolutifs. Kiss définissait le traité-cadre comme « un instrument conventionnel qui énonce les principes devant servir de fondement à la coopération entre les États parties dans un domaine déterminé, tout en leur laissant le soin de définir, par des accords séparés, les modalités et les détails de la coopération, en prévoyant s’il y a lieu une ou des institutions adéquates à cet effet »18. La convention-cadre fixe donc des objectifs généraux qui ne sont pas suffisamment précis pour être mis en œuvre en tant que tel. Il ne s’agit donc pas d’imposer aux États des obligations, mais plutôt d’aider les États à arriver à l’adoption de mesures plus précises par l’intermédiaire d’un cadre conventionnel. Kiss comparait d’ailleurs le traité-cadre à une « directive européenne », voire à de la « soft law »19. Les modalités des obligations sont donc par la suite définies dans des protocoles additionnels qui sont juridiquement indépendants. Toutefois, des États parties à la convention principale, ne sont pas obligés d’adhérer aux protocoles additionnels (voir en ce sens la Convention de Lima sur la protection de l’environnement marin du Pacifique du Sud-Est de 1981). La convention la plus emblématique de cette technique juridique est la Convention des Nations unies sur les changements climatiques (C.C.N.U.C.C.) de 1992. Elle est principalement composée de principes et mécanismes répondant à un objectif général que la Convention s’est fixée. L’article 2 dispose que « les instruments juridiques connexes que la Conférence des Parties pourrait adopter […] », ce qui suppose donc que des dispositions plus précises seront détaillées dans d’autres traités. Ces autres instruments peuvent donc être négociés

18. A.-Ch. Kiss, « Les traités-cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l’environnement », AFDI, 1993, p. 793. 19. Ibid., p. 795.

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séparément sans engager tous les États parties à la convention principale. Pour la C.C.N.U.C.C., le Protocole de Kyoto de 1997 a été adopté en complément de ladite Convention. Il rappelle les principes énoncés par la C.C.N.U.C.C.et les détaillent davantage. Par exemple, la Convention principale évoque la stabilisation des gaz à effet de serre. Le Protocole de Kyoto, quant à lui, précise et impose aux États des objectifs quantifiés de réduction. Il constitue un des mécanismes les plus aboutis en matière de contrôle du respect des normes environnementales. Certains auteurs n’hésitent pas à parler du Protocole de Kyoto comme d’une convention-cadre20. Le traité-cadre a aussi été utilisé pour des règles visant les mers dites régionales, comme la Convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée 1976 amendée en 1995, accompagnée de ses protocoles additionnels21, la Convention de Koweït pour la protection du Golfe de 1978, avec un protocole adopté le même jour et un autre en 1990 sur la pollution tellurique, la Convention de Nairobi pour la protection du milieu marin de la région de l’Afrique orientale de 1985 et ses deux protocoles signés le même jour, portant sur les situations critiques et les zones protégées. La Convention d’Abidjan sur la coopération relative à la protection et au développement de l’environnement marin et les zones côtières de l’Afrique centrale et de l’ouest de 1981 est dotée d’un Protocole relatif à la coopération en matière de lutte contre la pollution en cas de situation critique entré en vigueur le même jour que la Convention. Le traité-cadre présente donc des avantages certains quant à la prise en considération des besoins de l’environnement. L’objectif est donc bien de passer dans un premier temps par un outil aux obligations générales, pour par la suite, par l’intermédiaire d’autres traités, définir plus précisément ces obligations. C’est donc pas à pas que les États se soumettent à des obligations de plus en plus restrictives. Ce travail progressif a permis donc à la mise en place d’un système conventionnel particulier. Cette méthode présente néanmoins certains défauts. En effet, le traité-cadre constitue un ensemble conventionnel complexe, puisque plusieurs traités se retrouvent liés les uns aux autres, et dont 20. Voy. L. boissoN De ChazourNes, « La gestion de l’intérêt commun à l’épreuve des enjeux économiques. Le Protocole de Kyoto sur les changements climatiques », AFDI, 1997, p. 703. 21. Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d’immersion effectuées par les navires et aéronefs (1976), amendé et intitulé Protocole relatif à la prévention et à l’élimination de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d’immersions effectuées par les navires et aéronefs ou d’incinération en mer (1995, pas encore entré en vigueur), le Protocole relatif à la coopération en matière prévention de la lutte par les navires et, en cas de situation critique, de lutte contre la pollution de la mer Méditerranée (2002), le Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre (1996), le Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (1995) dont des annexes ont été adoptées en 1996, le Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution résultant de l’exploration et de l’exploitation du plateau continental, du fond de la mer et de son sous-sol (1994), le Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination (1996), le Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée (2008).


Le traité, entre terreau et moteur du droit international de l’environnement

les dispositions s’articulent « entre elles à la manière de poupées russes »22, pouvant nuire à leur compréhension et efficacité. 63. Les Conférences des Parties. Les traités-cadres prévoient une obligation de continuer à négocier. Il leur faut donc créer des cadres pour assurer la continuité de ces négociations. Les avantages en la matière sont particulièrement nombreux, puisque ces conférences permettent de répondre aux impératifs environnementaux découverts par la science et d’assurer une véritable coopération entre les États tout au long de négociations. La Réunion des Parties n’est toutefois pas une pratique propre au droit de l’environnement. En effet, la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer prévoyait l’instauration de réunions des Parties notamment pour la mise en œuvre des annexes relatives à la Commission des limites du plateau continental et au Tribunal international du droit de la mer. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998 prévoit également ces réunions. En matière environnementale, elle semble avoir fait son apparition avec la Convention de Ramsar de 1971 relative aux zones humaines d’importance internationale dans son article 623. Les conférences « vertes »24 ne sont pas les seuls organes créés par les traités. Il faut en effet rappeler qu’un secrétariat peut être créé, mais aussi des organismes composés d’experts scientifiques chargés de donner des avis 22. Q.-D. NguyeN, P. Dailler, M. Forteau et A. Pellet, Droit international public, op. cit., p. 739. 23. Art. 6, Convention de Ramsar : « Il est institué une Conférence des Parties contractantes pour examiner et promouvoir la mise en application de la présente Convention. Le Bureau dont il est fait mention au paragraphe 1 de l’article 8 convoque des sessions ordinaires de la Conférence à des intervalles de trois ans au plus, à moins que la Conférence n’en décide autrement, et des sessions extraordinaires lorsque la demande écrite en est faite par au moins un tiers des Parties contractantes. La Conférence des Parties contractantes détermine, à chacune de ses sessions ordinaires, la date et le lieu de sa prochaine session ordinaire. 2. La Conférence des Parties contractantes aura compétence : a) pour discuter de l’application de la Convention ; b) pour discuter d’additions et de modifications à la Liste ; c) pour examiner les informations sur les modifications des caractéristiques écologiques des zones humides inscrites sur la Liste fournie en exécution du paragraphe 2 de l’article 3 ; d) pour faire des recommandations, d’ordre général ou particulier, aux Parties contractantes, au sujet de la conservation, de la gestion et de l’utilisation rationnelle des zones humides, de leur flore et de leur faune ; e) pour demander aux organismes internationaux compétents d’établir des rapports et des statistiques sur les sujets à caractère essentiellement international concernant les zones humides ; f) pour adopter d’autres recommandations ou résolutions en vue de promouvoir le fonctionnement de la présente Convention. 3. Les Parties contractantes assurent la notification aux responsables, à tous les niveaux, de la gestion des zones humides, des recommandations de telles Conférences relatives à la conservation, à la gestion et à l’utilisation rationnelle des zones humides et de leur flore et de leur faune, et elles prennent en considération ces recommandations. 4. La Conférence des Parties contractantes adopte un règlement intérieur à chacune de ses sessions. 5. La Conférence des Parties contractantes établit et examine régulièrement le règlement financier de la présente Convention. À chacune de ses sessions ordinaires, elle adopte le budget pour l’exercice suivant à une majorité des deux tiers des Parties contractantes présentes et votantes. 6. Chaque Partie contractante contribue à ce budget selon un barème des contributions adopté à l’unanimité des Parties contractantes présentes et votantes à une session ordinaire de la Conférence des Parties contractantes ». 24. P. H. saND, « Le rôle des “conférences des parties” aux conventions environnementales », in S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, loc. cit. p. 102.

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techniques et scientifiques pour l’application du traité, qui assurent l’intervalle entre les réunions des Parties. Toutefois, les Conférences des Parties ont pour objectif de s’inscrire dans la durée en s’institutionnalisant au travers des différents organes mis en place. Elles ont pour but d’exercer « un contrôle international sur l’application du traité et de favoriser au moyen d’une interprétation dynamique ou par l’adoption d’amendements et protocoles, l’évolution de ses dispositions, en accord avec les modifications écologiques et le progrès des connaissances scientifiques »25. Elles vérifient l’application du traité, sur la base de rapports (plus ou moins objectifs et impartiaux) rédigés par les États parties (voy. infra, § 179). La question a pu être soulevée quant au pouvoir normatif des recommandations aux États concernant l’application du traité. Ces recommandations sont considérées comme n’ayant pas de force contraignante. À titre d’exemple, la Convention lutte contre désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique de 1994, prévoit que « [l]a Conférence des Parties est l’organe suprême de la Convention. Elle prend, dans les limites de son mandat, les décisions nécessaires pour en promouvoir la mise en œuvre effective. En particulier, elle [...] s’emploie à promouvoir et facilite l’échange d’informations sur les mesures adoptées par les Parties, et arrête le mode de présentation des informations à soumettre en vertu de l’article 26, fixe le calendrier suivant lequel elles doivent être communiquées, examine les rapports et formule des recommandations à leur sujet » (art. 22, § 2b). Toutefois, on a pu s’interroger sur la nature obligatoire de ces recommandations. En pratique, les recommandations sont des actes adoptés par la majorité des États ou par consensus, reflétant l’opinion commune des États. Il en ressort donc une acceptation commune pouvant s’apparenter à une forme de contrainte, voire une « normativité quasi législative »26. La Conférence des Parties n’a néanmoins pas de pouvoir normatif et ne peut pas non plus sanctionner un État en cas d’inexécution conventionnelle. Il existe toutefois des mécanismes pouvant s’apparenter à un système de sanction, sans pour autant le nommer. L’article 8 du Protocole de Montréal de 1987, prévoit que « [à] leur première réunion, les Parties examinent et approuvent des procédures et des mécanismes institutionnels pour déterminer la non-conformité avec les dispositions du présent Protocole et les mesures à prendre à l’égard des Parties contrevenantes ». Le Protocole de Kyoto prévoit, en son article 18, qu’à « sa première session, la Conférence des Parties agissant comme Réunion des Parties au présent Protocole approuve des procédures et mécanismes appropriés et efficaces pour déterminer et étudier les cas de nonrespect des dispositions du présent Protocole, notamment en dressant une liste indicative des conséquences, compte tenu de la cause, du type et du degré de non- respect et de la fréquence des cas. Si des procédures et mécanismes relevant du présent article entraînent des conséquences qui lient les Parties, 25. O. Ferrajolo, « Les réunions des États parties aux traités relatifs à la protection de l’environnement », RGDIP, 2003, pp. 73-78. 26. P. H. saND, « Le rôle des “conférences des parties” aux conventions environnementales », loc. cit., p. 104.


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ils sont adoptés au moyen d’un amendement au présent Protocole. Sa première session, la Conférence des Parties agissant comme Réunion des Parties au présent Protocole, approuve des procédures et mécanismes appropriés et efficaces pour déterminer et étudier les cas de non-respect des dispositions du présent Protocole, notamment en dressant une liste indicative des conséquences, compte tenu de la cause, du type et du degré de non-respect et de la fréquence des cas. Si des procédures et mécanismes relevant du présent article entraînent des conséquences qui lient les Parties, ils sont adoptés au moyen d’un amendement au présent Protocole ». (voy. infra, § 183) Ainsi, ces recommandations ne peuvent conduire qu’à une interprétation du traité, sans pour autant donner une quelconque autorité aux États qui demeurent libres d’interpréter le traité. Les Conférences des Parties peuvent adopter des protocoles, des annexes, ou des amendements. La Conférence examine les propositions formulées et adopte le texte des instruments additionnels qui resteront soumis à la ratification des États. La Convention sur la diversité biologique prévoit, dans son article 23, § 4c, que la Conférence des Parties « examine et adopte, en tant que de besoin, des protocoles conformément à l’article 28 ». La difficulté avec la multiplication des Conférences des Parties est l’obligation pour les États d’envoyer des représentants toujours plus nombreux afin de faire entendre leur voix. Les États n’ont pas obligation de ratifier les protocoles, si lesdits protocoles créent des réunions des Parties, il y aura alors une différence dans l’application des obligations des traités. Il est toutefois à noter que ce problème a été résolu dans le cadre de la Convention de Barcelone la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée qui prévoit, en son article 16, que les réunions des Parties des protocoles se dérouleront lors des réunions ordinaires des parties au traité principal, ce qui simplifie le travail de coordination. Toutefois, dans certains cas, cette question ne se pose pas encore. Certains traités-cadres ne prévoient pas d’organe spécial, d’autres traités se situent déjà au sein d’une structure institutionnelle ne nécessitant donc pas la création d’un organe particulier. Enfin, certains traités n’ont pas encore conduit à l’adoption de protocole. Une des illustrations de cette complexité est sans aucun doute la Convention de Vienne de 1985 sur la protection de la couche d’ozone et son Protocole de Montréal. Il est prévu que les réunions des Parties du Protocole de Montréal se déroulent en même temps que celles de la Convention de Vienne, comme le modèle des mers régionales. Le Protocole a pourtant fait l’objet d’une évolution puisqu’il a abouti à la création d’un Fonds multilatéral aidant les États en développement à assurer leurs engagements. Ce Fonds va donc organiser des réunions, mais est aussi être doté d’un secrétariat comme la Convention et le Protocole. Toutefois, les secrétariats de la Convention et du Protocole sont rattachés au Programme des Nations unies pour l’environnement. C’est donc un système particulièrement complexe qui s’est mis en place. Les négociations traditionnelles, cherchant à aboutir à un traité, sont de plus en plus difficiles, pour satisfaire toutes les Parties : « le droit des traités de

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Papa n’est plus en mesure de faire face aux défis de notre siècle »27. La solution du traité-cadre permet la réalisation d’un véritable travail de coopération entre les États et continuer les négociations qui prennent en compte les avancées scientifiques. Le traité-cadre n’est donc pas une finalité en soi, mais simplement un moyen pour aboutir à un système conventionnel plus élaboré.

B.

L’adaptation de la procédure de révision du traité en matière environnementale

64. Le droit international de l’environnement doit pouvoir s’adapter aux réalités des changements environnementaux, mais aussi aux avancées scientifiques. Afin de faciliter cette correspondance à la réalité, les traités doivent pouvoir eux aussi évoluer au rythme de ces changements. Au lieu de modifier toute la substance du traité, il est préférable de modifier certaines dispositions seulement. Les annexes sont ici particulièrement utiles, puisque ce sont elles qui renferment les véritables règles et les modifient, sans avoir à subir la lourdeur d’une procédure de révision. La convention doit donc prévoir des mécanismes de révision simplifiée aussi bien pour les annexes que pour les amendements. 65. Cette procédure vise en premier lieu l’adoption d’amendements au sein de la Conférence des Parties par consensus ou à la majorité qualifiée. Les amendements adoptés sont communiqués aux États contractants et entrent en vigueur après ratification, approbation ou acceptation de la majorité des États. Cette procédure, même simplifiée, ne signifie pas pour autant que l’amendement accepté produise des effets sur tous les États contractants. D’ailleurs, certains traités prévoient que les amendements n’entrent en vigueur que pour les États les ayant acceptés. La Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants de 2001, dans son article 21, prévoit que « [t]oute Partie peut proposer des amendements à la présente Convention. 2. Les amendements à la Convention sont adoptés lors d’une réunion de la Conférence des Parties. Le texte de toute proposition d’amendement est communiqué aux Parties par le Secrétariat six mois au moins avant la réunion à laquelle il est présenté pour adoption. Le Secrétariat communique aussi les propositions d’amendement aux signataires de la Convention et, à titre d’information, au dépositaire. 3. Les Parties n’épargnent aucun effort pour parvenir à un accord par consensus sur toute proposition d’amendement à la présente Convention. Si tous les efforts en ce sens sont demeurés vains, l’amendement est adopté en dernier recours par un vote à la majorité des trois quarts des Parties présentes et votantes. 4. Le dépositaire communique l’amendement à toutes les Parties aux fins de ratification, d’acceptation ou d’approbation. 5. La ratification, l’acceptation ou l’approbation d’un amendement est notifiée par écrit au dépositaire. Tout amendement adopté conformément au paragraphe 3 entre en vigueur pour les Parties l’ayant accepté le quatre-vingt-dixième jour suivant la date du dépôt des instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation par les trois quarts 27. Ibid., p. 104.


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au moins des Parties. Par la suite, l’amendement entre en vigueur à l’égard de toute autre Partie le quatre-vingt-dixième jour suivant la date du dépôt par cette Partie de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation de l’amendement ». En matière de révision des annexes, des procédures spécifiques peuvent être prévues afin de permettre aux États qui le souhaitent de ne pas être engagés par ledit amendement. On parle de clause d’exemption dite d’opting out. Ainsi, à la notification d’un amendement adopté lors de la conférence, le silence des États vaut présomption d’acceptation, ce qui permet de simplifier l’intégration de l’amendement. Cette acceptation peut toutefois être remise en cause, par une réserve ou une déclaration de l’État visé.

§ 3 La pratique des traités environnementaux 66. La pratique des traités suppose une application au sein des États (A), mais le juge peut aussi participer à l’application du traité au travers de sa jurisprudence (B).

A.

L’application en droit interne

67. En matière de protection de l’environnement, les traités interviennent dans différents domaines internes des États. Pour appliquer ces traités, ces derniers doivent procéder à l’adoption d’actes législatifs internes. On distingue alors deux types de traités. D’une part, ceux qui s’appliqueront au sein des États contractants uniquement par l’intermédiaire d’une procédure constitutionnelle, comme la ratification ou l’approbation (self executing) selon le cadre fixé par la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. D’autre part, les États devront prendre des dispositions législatives correspondantes à celles contenues dans les traités (non self executing). Toutefois, comme le précisent les professeurs Jean-Pierre Beurier et Kiss, la distinction entre ces deux traités n’est pas le reflet de la réalité. Un même traité peut aussi bien contenir des dispositions appliquées telles quelles ou pas. De plus, la plupart des traités sont des conventions-cadres qui, bien que définies, sont rarement self executing, puisqu’elles contiennent des directives générales28. De plus, certaines dispositions peuvent obliger les États à prendre certaines mesures législatives ou réglementaires. La Convention de Washington de 1973 prévoit que « les parties prennent les mesures appropriées en vue de la mise en application des dispositions de la présente Convention ainsi que pour interdire le commerce de spécimens en violation de ses dispositions. Ces mesures comprennent : des sanctions pénales frappant soit le commerce, soit la détention de tels spécimens ou les deux : la confiscation ou le renvoi à l’État d’exportation de tels spécimens ».

28. A.-Ch. Kiss et J.-P. beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 62.

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B.

L’application du traité par le juge international

68. L’interprétation des traités est prévue aux articles 31, 32 et 33 de la Convention de Vienne de 1969. Le juge international dispose donc d’éléments lui permettant d’interpréter les normes conventionnelles. En matière environnementale, la Cour a toutefois pu s’octroyer une certaine marge de manœuvre ou être plus restrictive dans l’interprétation d’une convention. Dans l’affaire Gabcikovo-Nagymaros29, le juge va se montrer particulièrement pédagogue face à un litige particulièrement technique. En l’espèce, la Hongrie et la Slovaquie s’opposaient sur la construction et l’exploitation de barrages sur le Danube. La République populaire hongroise et la République socialiste tchécoslovaque ont conclu un traité bilatéral le 13 septembre 1977, portant sur la mise en valeur des ressources naturelles de la section Bratislava-Budapest du Danube aux fins du développement des secteurs des ressources hydrauliques de l’énergie du transport et de l’agriculture, par la construction de barrages sur le Danube qui sert de frontière naturelle entre les deux États. En 1989, la Hongrie suspend la construction du barrage pour finalement abandonner le chantier à Nagymaros. La Hongrie invitait la Cour à interpréter certaines dispositions du traité de 1977 au regard du droit nouveau plus exigeant en matière environnementale et sur le droit des cours d’eau internationaux. L’interprétation évolutive du traité ne doit se faire que dans le respect de l’article 31 de la Convention de Vienne. La Cour va considérer que « les connaissances acquises en matière d’environnement et les progrès du droit de l’environnement aient présenté un caractère complètement imprévu » (§ 104). Dès lors, les articles 15, 19 et 20 du Traité de 1977 obligeant les États à prendre conjointement des mesures appropriées pour assurer la qualité des eaux, ont un caractère évolutif. En effet, la C.I.J. relève que les nouvelles normes du droit de l’environnement sont pertinentes pour l’exécution du traité. Les parties pouvaient donc s’accorder pour les prendre en compte dans l’application desdits articles. Ces articles, ayant une valeur évolutive, les parties ont alors accepté d’adapter le projet. En effet, le traité n’est pas « un instrument figé et est susceptible de s’adapter à de nouvelles normes du droit international » (§ 112). Ainsi, la Cour conclut qu’il n’était pas possible de considérer que la relation conventionnelle liant la Hongrie à la Slovaquie s’était éteinte. Elle a donc une interprétation somme toute assez positive, puisqu’elle intègre les innovations normatives environnementales dans le traité bilatéral. 69. La Cour a aussi pu avoir une interprétation beaucoup plus restrictive. Dans l’affaire Usines de pâte à papier30, l’Argentine demandait le démantèlement de l’usine construite par l’Uruguay sur le fleuve Uruguay qui sépare les deux États. L’Argentine considérait que l’Uruguay avait violé les obligations découlant du Statut du fleuve Uruguay de 1975, sur l’autorisation de construction, la construction et la mise en service de deux usines de pâte à 29. C.I.J., Projet Gabcikovo-Nagymaros, Hongrie c. Slovaquie, 25 mars 1997, arrêt, C.I.J., Rec., n° 1997/2. 30. C.I.J., Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Uruguay c. Argentine, 24 avril 2010, arrêt, C.I.J., Rec., 2010.


Le traité, entre terreau et moteur du droit international de l’environnement

papier sur ledit fleuve, provoquant des effets néfastes pour l’environnement. La Cour va faire une distinction claire entre les obligations procédurales et les obligations de fond. Cette distinction se révèle être beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, puisque certaines obligations procédurales peuvent être analysées comme des obligations substantielles. La Cour considère que l’Uruguay a méconnu ses obligations procédurales notamment son obligation de coopération (§§ 110 et 116). Elle considère néanmoins qu’il n’y a pas de violation de ses obligations de fond comme l’utilisation équitable et raisonnable d’une ressource naturelle partagée. La Cour va aussi avoir une vision restrictive sur la définition de pollution sonore adoptant plutôt une définition restreinte de la pollution atmosphérique (§ 264). Malgré les spécificités que la Cour reconnaît à la protection de l’environnement, elle a une interprétation restrictive des dispositions conventionnelles. La démarche de la Cour n’est pas toujours dans une optique d’ouverture, mais elle veille au respect du droit et évite les risques de dérives quitte à faire l’objet de nombreuses critiques31.

31. C.I.J., Chasse à la baleine dans l’Antarctique, Australie c. Japon, requête introductive d’instance enregistrée au Greffe de la Cour le 31 mai 2010, en parallèle du différend opposant l’Australie au Japon, la Nouvelle-Zélande a saisi la Cour sur le fondement de l’art. 63 de son Statut, d’une déclaration d’intervention en l’affaire. La Nouvelle-Zélande se fonde en tant que partie à la convention internationale pour la règlementation de la chasse à la baleine. Elle soutient que parce qu’elle est partie à la Convention, l’interprétation donnée par la Cour dans l’arrêt présentera un intérêt direct. La Nouvelle-Zélande fait porter cette intervention sur l’interprétation de l’art. VIII de la Convention qui dispose que « [c]haque Gouvernement contractant pourra accorder à ses ressortissants un permis spécial autorisant l’intéressé à tuer, capturer et traiter de baleines en vue de recherches scientifiques, ladite autorisation pouvant être subordonnée aux restrictions en ce qui concerne le nombre, et à telles autres conditions que le Gouvernement contractant jugera opportunes… ». Là encore l’interprétation qu’en fera la Cour fera l’objet d’un examen très approfondi des commentateurs.

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À retenir : Article 31 de la Convention de Vienne : 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. 2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus : a) Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité ; b) Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité. 3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte : a) De tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions ; b) De toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité ; c) De toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties. 4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties. Article 32 de la Convention de Vienne : Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’article 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’article 31 : a) Laisse le sens ambigu ou obscur ; ou b) Conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable. Article 33 de la Convention de Vienne : 1. Lorsqu’un traité a été authentifié en deux ou plusieurs langues, son texte fait foi dans chacune de ces langues, à moins que le traité ne dispose ou que les parties ne conviennent qu’en cas de divergence un texte déterminé l’emportera. 2. Une version du traité dans une langue autre que l’une de celles dans lesquelles le texte a été authentifié ne sera considérée comme texte authentique que si le traité le prévoit ou si les parties en sont convenues. 3. Les termes d’un traité sont présumés avoir le même sens dans les divers textes authentiques. 4. Sauf le cas où un texte déterminé l’emporte conformément au paragraphe 1, lorsque la comparaison des textes authentiques fait apparaître une différence de sens que l’application des articles 31 et 32 ne permet pas d’éliminer, on adoptera le sens qui, compte tenu de l’objet et du but du traité, concilie le mieux ces textes.


Le traité, entre terreau et moteur du droit international de l’environnement

C.I.J., Projet Gabcikovo-Nagymaros, Hongrie c. Slovaquie, 25 mars 1997, Rec. C.I.J., n° 1997/2, § 140 : « Il est clair que les incidences du projet sur l’environnement et ses implications pour celui-ci seront nécessairement une question clef. Les nombreux rapports scientifiques présentés à la Cour par les Parties, même si leurs conclusions sont souvent contradictoires, fournissent amplement la preuve que ces incidences et ces implications sont considérables. Aux fins de l’évaluation des risques écologiques, ce sont les normes actuelles qui doivent être prises en considération. Non seulement le libellé des articles 15 et 19 le permet, mais il le prescrit même dans la mesure où ces articles mettent à la charge des parties une obligation continue, et donc nécessairement évolutive, de maintenir la qualité de l’eau du Danube et de protéger la nature. La Cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de réparation de ce type de dommages. Au cours des âges, l’homme n’a cessé d’intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans le passé, il l’a souvent fait sans tenir compte des effets sur l’environnement. Grâce aux nouvelles perspectives qu’offre la science et à une conscience croissante des risques que la poursuite de ces interventions a un rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour l’humanité – qu’il s’agisse des générations actuelles ou futures –, de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d’instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement lorsque des États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu’ils poursuivent des activités qu’ils ont engagées dans le passé. Le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l’environnement. Aux fins de la présente espèce, cela signifie que les Parties devraient, ensemble, examiner à nouveau les effets sur l’environnement de l’exploitation de la centrale de Gabcikovo. En particulier, elles doivent trouver une solution satisfaisante en ce qui concerne le volume d’eau à déverser dans l’ancien lit du Danube et dans les bras situés de part et d’autre du fleuve ».

EXERCICE : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez le Chapitre attentivement : 1. Quelles sont les différentes périodes de classification des traités ? 2. Citez au moins deux conventions pour chaque bloc régional. 3. La Conférence des Parties est-elle une variété nouvelle d’organisation internationale ? 4. Les recommandations des Conférences des Parties sont-elles obligatoires ? 5. Dans quelle affaire le juge international va-t-il devoir se prononcer sur le devenir des relations conventionnelles de deux États ? 6. Quelle distinction d’obligation, le juge opère-t-il dans l’affaire Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay ?

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Section 3

L’irrigation du droit internationaL de L’environnement par La coutume et LeS principeS La coutume (§ 1) et les principes fondamentaux de droit international de l’environnement (§ 2) vont participer au développement du droit international de l’environnement.

§ 1 La coutume en matière environnementale 70. La coutume ne semblait pas être une norme permettant la consécration de norme environnementale (A), elle s’est néanmoins adaptée aux spécificités environnementales (B), malgré les difficultés (C).

A.

La coutume, une norme aux critères difficilement applicables à la protection de l’environnement

71. La coutume est définie à l’article 38, alinéa 1-b, du Statut de la C.I.J. comme « la preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit ». Elle est donc le résultat d’une pratique des États et d’une acceptation par eux de son caractère obligatoire (appelée l’opinio juris sive necessitatis). Pour reprendre les termes du professeur georges Abi Saab, elle consiste à « trébucher sur la sagesse », c’est « une sagesse ou une solution sage, qui s’affirme et s’affine, se décante et s’explicite d’un précédent à l’autre »32. La coutume va donc répondre à une insuffisance conventionnelle, qui sera acceptée par la majorité des États. La coutume est une règle « spontané[e] ou inconscient[e] de création du droit »33. Les conduites des États vont produire un usage, évoluant vers un comportement. Ce comportement peut très bien être un comportement positif, négatif voire une abstention. La répétition dans le temps va déterminer la matérialité du comportement des États. Elle va consolider la formation de la pratique. La répétition n’est cependant pas hasardeuse, elle obéit à des conditions toutefois nuancées. En effet, dans l’affaire de l’interprétation de l’accord aérien du 6 février 1948 opposant les États-Unis à l’Italie34, « seule une pratique constante effectivement suivie et sans changement peut devenir génératrice d’une règle de droit international coutumier ». La répétition va donc faire ressortir deux caractères fondamentaux inhérents à la pratique : la constance et l’uniformité.

32. G. abi saab, « Cours général de droit international public », RCADI, 1987, p. 173. 33. Ibid., p. 176. 34. Sentence arbitrale du 17 juillet 1965.


L’irrigation du droit international de l’environnement par la coutume et les principes

La constance s’apprécie dans le temps et c’est à partir de cet élément de la pratique que la coutume va apparaître. Toutefois, il est très difficile de la quantifier. Comment considérer que les États ont adopté un comportement pendant suffisamment longtemps pour pouvoir parler d’une coutume ? Le temps est une notion toute relative, d’autant plus lorsqu’il s’agit de se placer du point de vue des États. Il a été dans un premier temps considéré que la formation de l’élément matériel avait besoin de temps, toutefois, le laps de temps nécessaire peut être raccourci. À la répétition d’un comportement, va s’ajouter le sentiment d’obligatoriété résultant de la pratique. L’État doit se sentir obligé de respecter tel concept qui pourtant ne relève pas d’une source normative. Il ne s’agit pas d’un sentiment de contrainte, mais bien de devoir adopter un comportement précis dans une situation donnée. Les États doivent accepter cette coutume, qui naît d’une forme de consensus. La coutume a besoin de temps, de mûrir. La perception d’une règle normative se fait de façon presque inconsciente pour les États, il faut attendre un comportement des États qui peut s’étaler dans le temps. La formation de la coutume est donc longue, parfois laborieuse, soumise à de nombreux obstacles et soumise à une large part de subjectivité. Or, le droit de l’environnement est un droit encore considéré comme jeune sur ce point, le comportement des États en matière environnementale n’est pas encore suffisamment explicite et répétitif pour pouvoir consacrer des coutumes environnementales. De plus, la coutume a souvent un caractère général, elle ne touchera pas à un domaine strictement encadré. Comme le relève Sandrine Maljean-Dubois, « une coutume ne peut guère réglementer précisément la production d’hydro-fluorocarbones, ou bien le commerce international de l’orchidée Dendrobium cruentum »35. La coutume semblait donc « très peu apte à répondre aux besoins en règle générale d’une communauté internationale en pleine expansion et mutation »36.

B.

L’adaptation de la coutume aux spécificités environnementales

72. La coutume a dû s’adapter dans son mode de formation, pour devenir créatrice de normes environnementales. La coutume sauvage, une réponse à la jeunesse du droit international de l’environnement. La conception traditionnelle de la coutume qui se voudrait le résultat d’une pratique longue et certaine est ici remise en question. Le professeur Pierre-Mary Dupuy invoque la notion de la coutume « sauvage », pour qualifier ce changement dans la formation de la règle. La coutume sauvage serait une coutume se formant beaucoup plus rapidement. Ici, la coutume est instrumentalisée, elle ne résulte plus d’une pratique, puis d’une acceptation 35. S. MaljeaN-Dubois, « Sources du droit international de l’environnement », JurisClasseur Environnement et Développement durable, p. 13. 36. G. abi saab, « Cours général de droit international public », loc. cit., p.128.

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en tant que règle générale, mais plutôt d’une volonté d’accepter une norme comme règle de droit sans pour autant que la pratique ne soit venue confirmer son existence. « De fleurs sauvages, les règles coutumières sont devenues des plantes de serre, des perles de culture »37, puisqu’elles ne sont invoquées que pour consacrer une règle déjà préparée par les États. Loin d’être un bouleversement négatif dans la création des normes, ce nouveau processus de formation de règles vient au contraire au secours de la protection de l’environnement dans la création des normes. L’élément matériel qui pose tant de difficulté en droit de l’environnement est donc mis de côté pour laisser place à la volonté des États de faire d’un concept non institutionnalisé, une règle coutumière. Récemment, la Cour a affirmé l’existence d’une coutume, l’obligation de l’étude d’impact. Celle-ci est une étude réalisée avant la mise en œuvre de programmes ou de plans, afin d’évaluer les effets qu’ils auraient sur l’environnement. L’étude d’impact est consacrée aussi bien au niveau national qu’au niveau international, comme la Convention de Stockholm de 1974 sur la protection de l’environnement38 ou encore la Convention de Montego Bay39. Appartenant donc au domaine conventionnel de façon classique, la question a pu être soulevée d’une consécration de l’étude d’impact en tant que coutume internationale. La C.I.J. a apporté un premier élément de réponse dans l’affaire Usines de pâte à papier en précisant que l’évaluation d’impact est « une pratique acceptée si largement par les États ces dernières années que l’on peut désormais considérer qu’il existe en droit international général une obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement lorsque l’activité industrielle projetée risque d’avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée »40. La Cour a donc enclenché, en reconnaissant l’existence d’une obligation, la consécration d’une coutume sur l’obligation de procéder à une étude d’impact. S’il ne faut pas y voir la fin de la coutume dite sage, c’est-à-dire formée de façon classique, en matière environnementale, il est clair que la coutume sauvage a pris le dessus41.

37. Ibid., p.178. 38. Convention de Stockholm dite « nordique » du 19 février 1974, art. 6 : “Upon the request of the supervisory authority, the examining authority shall, insofar as compatible with the procedural rules of the States in which the activities are being carried out, require the applicant for a permit to carry out environmentally harmful activities to submit such additional particulars, drawings and technical specifications as the examining authority deems necessary for evaluating the effects in the other State”. 39. Convention de Montego Bay, 1982, art. 206 : « Lorsque des États ont de sérieuses raisons de penser que des activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle risquent d’entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin, ils évaluent, dans la mesure du possible, les effets potentiels de ces activités sur ce milieu et rendent compte des résultats de ces évaluations de la manière prévue à l’article 205 ». 40. C.I.J., Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, préc., § 204. 41. Q.-D. NguyeN, P. Dailler, M. Forteau et A. Pellet, Droit international public, op. cit., p. 739.


L’irrigation du droit international de l’environnement par la coutume et les principes

C.

La consécration de coutumes en matière environnementale

73. Historiquement, ce sont les règles coutumières qui ont contribué en premier au développement de la protection de l’environnement et malgré les obstacles quant à la formation de coutume environnementale, certaines ont malgré tout pu être consacrées et se révèlent être d’une importance capitale en matière de protection. Partant de l’affaire Fonderie du Trail (Canada c. États-Unis) de 1941, la juridiction arbitrale développe le principe de l’abus de droit, qui sera repris de façon générale par la Cour en 1949 « [a]ucun État ne peut utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits d’autres États »42. Dans ce prolongement, le principe 21 de la Déclaration de Stockholm prévoit que « conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ». Ce principe a été consacré coutumièrement à diverses reprises. Le principe 21 a en effet été dans un premier temps repris par la Déclaration de Rio en son principe 2, qui dispose que « conformément à la Charte des Nations unies et aux principes du droit international les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et de développement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale ». Au-delà d’une formulation quasi identique, ce travail de consécration d’une norme coutumière s’est poursuivi avec la Cour internationale de justice qui, à plusieurs reprises, s’est prononcée en ce sens. 74. Dans son célèbre et emblématique avis consultatif du 8 juillet 1996, Licéité de la menace ou l’emploi d’armes nucléaires, AGNU, la Cour se dit consciente de la menace qui pèse sur l’environnement et du fait qu’il ne s’agit pas d’une abstraction, mais bel et bien de l’espace où vivent les êtres humains. Les États ont donc « l’obligation générale […] de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l’environnement ». À peine un an plus tard, dans l’affaire relative au Projet Gabcikovo-Nagymaros, elle rappelle justement qu’elle avait récemment eu l’occasion de souligner toute l’importance que le respect de l’environnement revêt à son avis, non seulement pour les États, mais aussi pour l’ensemble du genre humain tout en reprenant l’avis de 1996. Dans l’affaire Usines de pâte à papier, la Cour y revient à nouveau, en précisant que « le principe de 42. C.I.J., Détroit de Corfou, arrêt sur le fond, 9 avril 1949, Rec. C.I.J., 1949, p. 4.

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prévention [s’observe] en tant que règle coutumière, trouve son origine dans la diligence requise […] de l’État sur son territoire. Il s’agit de “l’obligation pour tout État de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits d’autres États” ». La Cour précise donc que les États doivent mettre en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour éviter que des activités se déroulant sur leur territoire ne causent un préjudice sensible à l’environnement d’un autre État, cette obligation faisant désormais « partie du corps de règles du droit international de l’environnement ». L’interdiction de l’abus de droit constitue donc la base créatrice de règle coutumière environnementale puisqu’elle repose sur la notion de respect de la souveraineté territoriale. D’autres coutumes peuvent être le fruit d’un consensus des États, avant toute pratique. Comme le soulignent les professeurs Kiss et jean-Pierre Beurier43, à la suite de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl le 26 avril 1986, le gouvernement soviétique a informé les autres États bien plus tard et n’a pas donné immédiatement aux États, des explications suffisamment complètes, alors qu’un nuage radioactif se développait sur toute l’Europe. Or, la pratique des États était le devoir d’information d’urgence en cas de situation pouvant causer des effets dangereux sur l’environnement d’autres États. Le 26 septembre 1986, soit moins de 5 mois après l’accident, les États ont signé à Vienne une Convention sur la notification rapide des accidents nucléaires entrée en vigueur le 27 octobre de la même année. Il est rare qu’une règle coutumière soit si vite codifiée et ratifiée. Il est clair que les conditions ont très largement contribué à une codification rapide et acceptée par tous les États. La coutume environnementale contribue donc à l’affirmation de normes environnementales. Malgré les difficultés rencontrées dans sa formation, qui peuvent l’empêcher de devenir une source encore plus importante dans la protection de l’environnement, la coutume n’en reste pas moins une règle répondant aux attentes environnementales. Elle va toutefois puiser sa source dans des principes, qu’elle consacrera donc de façon plus explicite. Toutefois, la notion de principe n’est pas sans poser certaines difficultés. À retenir : C.I.J., Détroit de Corfou, arrêt sur le fond, 9 avril 1949 : « Aucun État ne peut utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits d’autres États ». Avis consultatif de la Cour internationale de justice, Licéité de l’utilisation ou de la menace de l’arme nucléaire, 1996 : « l’obligation générale […] de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l’environnement ».

43. A.-Ch. Kiss et J.-P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit. pp. 69-70.


L’irrigation du droit international de l’environnement par la coutume et les principes

§ 2 Les principes de droit international de l’environnement Pour aller plus loin : A.-Ch. Kiss, The Destiny of the Principles of the Stockholm Declaration, in The Stockholm declaration and law of the marine (M.H. norDquist, J.N. moore et S. mahmouDi éds), La Haye, Londres, New York, Martinus Nijhoff, 2003, pp. 53-66. L. baghestani-perrey, « La valeur juridique du principe de précaution », Revue juridique de l’environnement, n° sp., 2000, pp. 63-73. G. briauD (dir.), La souveraineté étatique face à la protection internationale de l’environnement, 2005. J. cazala, Le principe de précaution en droit international, Louvain-La-Neuve, Anthemis, 2006. M. Fitzmaurice, « International protection of the environment », RCADI, 2001, vol. 293. P.-M. Dupuy, « Le principe de précaution et le droit international de la mer », in Mélanges à L. Lucchini et J.-P. Quéneudec, Paris, Pedone, 2003, p. 205. L. lucchini, « Le principe de précaution en droit international de l’environnement : ombres plus que lumières », AFDI, vol. 45, 1999, pp. 710-731. J.-M. Favret, « Le principe de précaution ou la prise en compte par le droit de l’incertitude scientifique et du risque virtuel », Rec. D., 2001, p. 3462. C. migazzi, « Précaution et évolution du droit international de l’environnement », in Quelles précautions pour quels risques ? Regards croisés (A. aouij mraD dir.), Tunis, Latrach, 2011, pp. 111-128. R. romi, « Le principe “pollueur-payeur” : ses implications et ses applications », Dr. env., 1991, n° 8, pp. 46-48. H. smets, « Le principe pollueur-payeur, un principe économique érigé en principe du droit de l’environnement », RGDIP, 1993, n° 2, pp. 339-364.

75. Les principes de droit international de l’environnement constituent une catégorie de normes assez spécifique (A), puisqu’elle ne résulte pas du Statut de la C.I.J., mais forme pourtant une source du droit international de l’environnement relativement importante (B).

A.

Une catégorie particulière

76. Les principes du droit international de l’environnement sont des principes généraux, car ils sont suffisamment abstraits pour devoir être concrétisés au cas par cas. La catégorie des principes du droit international de l’environnement se distingue donc des principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées tels que consacrés à l’article 38 du Statut de la C.I.J. Au-delà du caractère archaïque de sa formulation, les principes généraux de droit sont des principes établis in foro domestico, c’est-à-dire qu’ils existaient dans les ordres juridiques internes, mais étaient communs à la plupart des systèmes juridiques nationaux. Le principe général de droit a surtout pour objectif de combler les lacunes du droit conventionnel ou coutumier. Les principes généraux n’ont pour l’instant joué qu’un rôle marginal dans le développement de la protection de l’environnement. Certains ont été consacrés comme le principe de bonne foi, ou celui relatif à l’abus de droit, sans pour autant qu’on puisse véritablement parler d’une consécration totale.

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Une fois cette distinction faite, il faut tout de même préciser que le terme principe est employé de façon diverse en droit international. Ainsi, la Déclaration de Stockholm parle de principes communs, la Déclaration de Rio parle de principe, l’Agenda 21 présente des principes d’action, objectifs, activités et moyens d’exécution. La Déclaration de Dublin sur l’eau de 1992, parle de principes directeurs, etc. Malgré cette diversité, un principe consiste surtout en une constatation ou une observation et se matérialisera par l’utilisation du verbe devoir, « les États devraient/ doivent ». Développé pour répondre à l’urgence, le droit international de l’environnement peut présenter des lacunes, ou des contradictions. Les principes de droit international vont aider à l’harmonisation de ce droit. Tel un fil invisible les principes vont venir éclairer, compléter les normes consacrées. La société internationale ne s’y est d’ailleurs pas trompée, puisqu’elle a très rapidement affirmé ces principes, notamment au travers de la Déclaration de Stockholm de 1972, puis celle de Rio de 1992. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992 va d’ailleurs consacrer la notion de principes en son article 3. Les principes vont inspirer clairement le droit international que ce soit au travers de la hard law que de la soft law. Ils ont donc pour la majorité, et cela semble logique, vocation à devenir des règles obligatoires. La question a pu être soulevée quant à la valeur d’un principe. Pour connaître sa valeur, il faut regarder dans quel outil il est contenu. Les principes contenus dans les déclarations n’ont pas de valeur obligatoire. Néanmoins, un principe, même formulé dans une déclaration, peut évoluer en norme obligatoire dès lors qu’il est intégré dans un traité ou consacré comme règle coutumière. Le principe a donc en lui-même une puissance normative qui n’attend qu’à être consacrée. À titre d’exemple, la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement de 1998 a consacré le principe d’information en matière environnementale en se fondant sur le principe 10 de la Déclaration de Rio. Celui-ci déclare que « [l]a meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les États doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré ». La Convention d’Aarhus va instaurer un véritable système de participation et d’information en matière environnementale, qui conduira aussi à l’adoption de dispositions identiques dans les législations internes. La France a ratifié la Convention d’Aarhus en 2002 et intégré le principe de participation à l’article L110-1, 4°, du Code de l’environnement, affirmant un droit d’accès du citoyen à l’information environnementale.


L’irrigation du droit international de l’environnement par la coutume et les principes

Face au nombre très important de principes, une tentative de classification a été proposée. De façon générale, ils se divisent en trois catégories. Ils peuvent se situer en amont de la protection, c’est-à-dire avant qu’il ne faille véritablement agir, ou en aval, auquel cas, ils correspondent aux normes qui vont instaurer une intervention pour garantir la protection de l’environnement. Toutefois, cette distinction est assez réductrice puisque certains principes situés en aval, ont des effets en amont. Enfin, la troisième catégorie vise l’ensemble de la protection de l’environnement.

B.

Exemples de principes consacrés en droit de l’environnement

77. Les principes consacrés en droit de l’environnement sont assez nombreux (voy. infra, Chap. 1, et supra, Chap. 3) Il ne s’agira ici de s’intéresser qu’à certains principes emblématiques.

a)

Le principe de précaution

78. Objet de nombreuses interrogations, tantôt principe inquiétant, vague, dérisoire, tantôt frein au progrès scientifique, ou preuve de la volonté de l’homme de maîtriser les éléments de la nature, le principe de précaution constitue surtout la volonté de répondre aux incertitudes par une certaine prudence plutôt que d’adopter une attitude trop audacieuse pouvant avoir des conséquences catastrophiques. Le principe 15 de la Déclaration de Rio de 1992 définit le principe de précaution pour protéger l’environnement comme : « des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ». Le principe de précaution se différencie du principe de prévention qui a surtout pour objet de prévoir un comportement en prenant en compte l’existence d’un risque réel. La précaution se situe plus en amont ; il y a un doute quant à l’existence d’un risque réel. Ce principe n’est pas un frein au développement, mais permet d’évaluer la potentielle existence d’un risque et de mener des recherches afin d’écarter toute forme de doute. Le principe de précaution est un principe tout particulier, au-delà de son contenu juridique, il a aussi une certaine portée philosophique. En effet, c’est un principe se formant sur du long terme : ne pas se retrouver dans l’urgence d’avoir à prendre des dispositions. Il faut savoir prendre le temps de la réflexion avant d’engager une action. La sagesse est le maître mot en matière de précaution, tout en intégrant aussi la préservation des générations futures. Enfin, le principe de précaution peut apparaître à certains endroits comme un principe profondément humaniste. Face à l’incertitude, à l’ignorance de l’homme, il faut savoir faire preuve de prudence, « la science [ayant] fait de nous des

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dieux avant que nous méritions d’être des hommes »44. Ce principe a aussi pour but d’inciter à la recherche et non comme il a pu être suggéré, provoquer un frein à l’évolution scientifique. Il s’agit surtout de veiller à la vigilance chez tous les acteurs de la scène publique, d’attirer leur attention sur l’absence de connaissances et la nécessité de mener des recherches sur cette zone d’ombre. En s’attachant à garantir la recherche, l’homme accepte de remettre en cause ses décisions antérieures, le poussant à une forme d’humilité dans la prise de décision. Ce principe a connu une consécration évolutive. Avant cette définition donnée par la Déclaration de Rio, la Charte mondiale de la nature de 1982, bien que n’ayant qu’une simple valeur déclaratoire, a posé les prémices au principe dans son article 11b « […] lorsque les effets nuisibles éventuels de ces activités ne sont qu’imparfaitement connus, ces dernières ne devraient pas être entreprises ». En tant que tel, le principe trouve sa source dans la Déclaration du 25 novembre 1987 lors de la Conférence internationale sur la mer du Nord, affirmant que « les gouvernements signataires doivent appliquer le principe de précaution, c’est-à-dire prendre des mesures pour éviter les impacts potentiellement dommageables des substances, même lorsqu’il n’existe pas de preuves scientifiques de l’existence d’un lien de causalité entre les émissions et leurs effets ». Il apparaît encore une fois dans la Déclaration adoptée lors de la seconde Conférence mondiale sur le climat en 1990 affirmant qu’« on ne peut attendre les certitudes des scientifiques pour prendre dès maintenant des mesures de réduction de gaz à effet de serre », puis dans la Convention de Bamako à l’article 4, alinéa 3-f45, pour être finalement consacré lors de la Conférence de Rio, au principe 15. Depuis Rio, les conventions consacrant le principe de précaution se sont multipliées, la Convention de Paris de 1992 sur le milieu marin de l’Atlantique (art. 2, al. 2-a), la Convention de 1992 sur les cours d’eau transfrontières et les lacs internationaux, la Convention de New York de 1995 sur la conservation et gestion des stocks de poissons chevauchant plusieurs catégories de zones maritimes et les grands migrateurs (art. 5, al. c, et 6). Notons là aussi le mélange des genres entre la consécration d’une part par la soft law, d’autre part par la hard law. 79. Le principe de précaution est reconnu au niveau international, toutefois, sa mise en œuvre par les juridictions s’avère plus compliquée qu’il n’y paraît. La Cour internationale de justice s’est penchée sur ce principe sans pour 44. J. rostaND, cit. in J-M. lavieille, Droit international de l’environnement, 3e éd., Paris, Ellipses, 2010, p. 170. 45. Convention de Bamako de 1991, sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique, 1991, art. 4, al. 3-f : « Chaque Partie s’efforce d’adopter et de mettre en œuvre, pour faire face au problème de la pollution, des mesures de précaution qui comportent, entre autres, l’interdiction d’évacuer dans l’environnement, des substances qui pourraient présenter des risques pour la santé de l’homme et pour l’environnement, sans attendre d’avoir la preuve scientifique de ces risques. Les Parties coopèrent en vue d’adopter les mesures de précaution appropriées pour prévenir la pollution au moyen de méthodes de production propres, plutôt que d’observer des limites de l’émission autorisées en fonction d’hypothèses relatives à la capacité d’assimilation ».


L’irrigation du droit international de l’environnement par la coutume et les principes

autant faire preuve d’audace, ni de véritable consistance. Dans l’affaire des Essais nucléaires46, la Cour n’a pas examiné le grief développé par la NouvelleZélande qui pourtant faisait référence au principe de précaution comme un principe du droit international largement accepté et opératoire. La C.I.J. ne s’étant pas prononcée il semble difficile de prévoir la position qu’aurait adopté la Cour, toutefois, le juge Weeramentry, dans son opinion dissidente, était particulièrement favorable à ce principe en tant qu’élément fondamental du droit international de l’environnement47. Dans l’affaire Gabcikovo-Nagymaros, la Hongrie a invoqué le principe de précaution. La Cour a affirmé clairement son souci pour l’environnement et la nécessité de prendre des mesures de protection (§ 113). Toutefois, faute de preuve d’une pollution des eaux souterraines, la Cour a écarté le principe de précaution. La C.I.J. nous laisse encore plus perplexes dans l’affaire Usines de pâte à papier, où elle parle d’une approche de précaution, ne suffisant pas à renverser la charge de la preuve (§ 164). La Cour esquive la question, et n’ose affirmer en tant que tel le principe de précaution. Dans l’affaire Costa Rica c. Nicaragua48, bien que le principe de précaution puisse être évoqué, du fait des travaux de dragage sur le fleuve San Juan pouvant causer des dommages graves à l’environnement de la région, la Cour n’y fait pas référence alors qu’elle reconnaît un risque « imminent de préjudice irréparable » (§ 75). C’est donc une Cour assez timide qui n’ose franchir le pas pour consacrer ouvertement ce principe. Cette position est certes critiquable, mais elle n’est pas la seule à avoir une position timorée sur la question. La position de l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (O.M.C.) présente l’intérêt de voir l’intégration de la protection environnementale dans des normes économiques. Néanmoins, concernant le principe de précaution, l’organe d’appel s’est montré aussi frileux que la C.I.J. Dans l’affaire Mesures communautaires concernant la viande et les produits carnés49, il devait se prononcer sur la décision de la Communauté européenne d’importer des viandes bovines contenant des substances hormonales en provenance des ÉtatsUnis et du Canada. La Communauté européenne invoquait le principe de précaution en tant que règle coutumière générale ou en tant que principe de droit général50. Les groupes spéciaux et l’Organe d’appel (O.A.) ne se prononceront pas sur le statut du principe de précaution et précisent qu’il « n’est pas clair qu’il s’agit là d’un principe de droit général ou d’un principe coutumier […] il n’est pas nécessaire et probablement imprudent pour l’Organe d’appel de prendre position dans le cas d’espèce sur cette question importante bien qu’abstraite ». L’O.A. va même plus loin pour justifier sa position, puisqu’il précise que le principe de précaution n’a pas fait « l’objet d’une formulation faisant autorité »51.

46. C.I.J., Essais nucléaires, Australie c. France, 20 décembre 1974, Rec. C.I.J., 1974, p. 253. 47. Opinion dissidente juge WeeraMaNtry, C.I.J., Ord. du 22 septembre 1995, Essais nucléaires, p. 342. 48. C.I.J., Ord. du 8 mars 2011, Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière, Costa Rica c. Nicaragua, R.G., n° 150, §§ 49 et 52. 49. Rapport de l’Organe d’appel, 16 janvier 1998, Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), WT/DS26/AB/R- WT/DS48/AB/R. 50. Préc., §§ 16 et 121. 51. Préc., §123.

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Comme le souligne Julien Cazala, l’O.A. fait référence au silence de la C.I.J. dans l’affaire Gabcikovo-Nagymaros, même si un tel respect à l’égard de la jurisprudence de la Cour est assez rare52. Tout est ainsi dit. L’Organe de règlement de l’O.M.C. ne veut pas porter la responsabilité d’une consécration du principe en tant que norme coutumière ou principe de droit. D’autres litiges soulèveront la question du principe de précaution, sans toutefois apporter de réponse claire, mais plutôt en appliquant des éléments du principe de précaution53. Le tribunal international du droit de la mer (T.I.D.M.), s’est montré un peu plus aventureux sans pour autant faire preuve de témérité dans l’ordonnance Thon à nageoire bleue. En l’espèce, la Nouvelle-Zélande et l’Australie s’opposaient à un programme de pêche expérimental du thon à nageoire bleue lancé par le Japon. Les deux requérants considèrent que le Japon a violé, entre autres, les articles 64, 116 et 119 de la Convention de Montego Bay. Le T.I.D.M. a considéré que les parties se devaient d’« agir avec prudence et précaution et veiller à ce que des mesures de conservation efficaces soient prises dans le but d’empêcher que le stock du thon à nageoire bleue ne subisse des dommages graves »54. La formulation laisse perplexe, on ne parle pas de principe, toutefois, les opinions individuelles des juges révèlent bien que le principe de précaution a guidé leur raisonnement sans pour autant le nommer formellement, préférant à la notion de principe, celle d’approche, beaucoup plus souple55. Enfin, dans l’affaire Mox56, l’Irlande avait sollicité auprès du T.I.D.M. des mesures conservatoires pour obliger le Royaume-Uni à suspendre l’autorisation accordée à l’usine Mox, au motif que le Royaume-Uni n’avait pas respecté un certain nombre d’obligations de la Convention sur le droit de la mer, ce qui pouvait entraîner des conséquences irréversibles de rejets de plutonium dans la mer. Il revenait donc au Royaume-Uni, de démontrer qu’aucun dommage ne serait provoqué du fait de la mise en service de l’usine au nom du principe de précaution. Le T.I.D.M. n’invoque pas expressément le principe de précaution, mais oblige les deux États à coopérer et surveiller les risques ou effets pouvant résulter de la mise en service de l’usine Mox57. La position du juge international est paradoxale et ambiguë. Alors que le principe est consacré dans de nombreuses conventions, les juridictions internationales ont bien du mal à lui reconnaitre une valeur coutumière et lui donner une application effective.

52. J. Cazala, Le principe de précaution en droit international, Paris, LGDJ, 2006. 53. Voy. Rapport de l’organe d’appel de l’O.M.C., aff. Mesures affectant l’importation de saumons, WT/DS18/AB/R (1998) ; Rapport de l’organe d’appel de l’O.M.C. dans l’aff. JaponMesures visant les produits agricoles, 22 février 1999. 54. T.I.D.M., Thon à nageoire bleue, Nouvelle-Zélande c. Japon et Australie c. Japon, mesures conservatoires, Ord. du 27 août 1999, § 177. 55. Voy. Opinion individuelle du juge laiNg qui développe une partie de son opinion sur « l’approche de précaution ». 56. T.I.D.M., Usine Mox, Irlande c. Royaume-Uni, demande en prescription de mesures conservatoires, Ord. du 3 décembre 2001. 57. T.I.D.M., Usine Mox, préc., §§ 84 à 86.


L’irrigation du droit international de l’environnement par la coutume et les principes

b)

Le principe de pollueur-payeur

80. Le principe de pollueur-payeur est explicite, il vise à faire payer celui qui pollue. Dans sa consécration internationale, ce principe a d’abord été défini dans la soft law, d’un point de vue économique, comme « une imputation des coûts et des mesures de prévention et de lutte contre la pollution » (Conseil de l’O.C.D.E., Recomm. C(72)129 du 26 mai 1977 sur les principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de l’environnement sur le plan international). Certaines conventions ont développé ce principe, comme dans la Convention de Londres de 1972 (art. 3.2), la Convention de Paris de 1992 sur la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est (art. 2.2b). Ce principe connaîtra aussi une consécration assez générale et abstraite avec le principe 16 de la Déclaration de Rio, disposant que « les autorités nationales devraient s’efforcer de promouvoir l’internationalisation des coûts de protection de l’environnement et l’utilisation d’instruments économiques, en vertu du principe selon lequel c’est le pollueur qui doit en principe assumer le coût de la pollution dans le souci de l’intérêt public et sans fausser le jeu du commerce international et de l’investissement ». Ce principe, aujourd’hui, revêt davantage une signification éthique. À l’instar du principe de précaution, il a fait l’objet de vives critiques, puisqu’il apparaît comme le droit de polluer, ce qui reviendrait à annihiler toute volonté de prévention. Toutefois, cette vision semble trop réductrice. Les pollueurs sont en effet contraints de supporter les coûts des dommages causés par leur pollution. Il s’agit donc de mettre les États face à leurs responsabilités, et non à leur donner la possibilité de polluer en toute impunité. Ce principe s’est imposé comme un des piliers de la politique environnementale de l’Union européenne. Le Conseil des ministres a, pour la première fois, invoqué ce principe dans le premier programme d’action en matière environnementale (1973-1976). Pour préciser sa portée, il adoptera une recommandation reprenant les grandes lignes dessinées par l’OCDE (Recomm. 75/436/ Euratom/CECA/CEE). Ce principe sera consacré à l’article 130 R, § 2, du Traité instituant la communauté européenne, et sera confirmé à l’article 191.2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne58. Il va surtout devenir un principe fondateur comme le confirme le juge de l’Union, dans l’arrêt Standely et al. et Meton et al.59. Malgré sa présence dans des traités, il n’y a pas de définition stricte du contenu du principe de pollueur-payeur et se révèle assez difficile à mettre en œuvre. Il pose toutefois les bases de la fiscalité écologique, qui s’applique davantage au niveau national qu’au niveau international. L’un des exemples 58. Art. 191-2 du T.F.U.E. : « La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur- payeur ». 59. C.J.C.E., 29 avril 1999, aff. C-293/97, Standley et al. et Metson et al., Rec. C.J.C.E., 1999, I, p. 2603, § 51.

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de l’application du principe de pollueur-payeur se retrouve dans le Protocole de Kyoto (voy. infra, § 150). Pour une certaine période, l’État va allouer des quotas à un exploitant d’une installation autorisée à émettre des gaz à effet de serre. Ce quota est négociable et transmissible60. L’Union européenne a d’ailleurs instauré ce système, qui peut plus s’apparenter à un marché, pouvant faire craindre des risques de marchandisation de la pollution, les plus riches pouvant polluer davantage. Toutefois, faut-il pour autant condamner ce système, et ne pas y voir plutôt un « mal pour un bien » ? Probablement qu’ici, le principe de pollueur-payeur a trouvé son application dans le système du marché, ce n’est pas pour autant qu’il empêchera l’objectif de protection de l’environnement. À retenir : Principe 15 de la Déclaration de Stockholm : « Des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ». Principe 21 de la Déclaration de Stockholm : « Conformément à la Charte des Nations unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l’environnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ».

Exercice : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez ce Chapitre attentivement : 1. Quels sont les éléments de formation de la coutume ? 2. Quelles sont les particularités de la coutume environnementale ? 3. Quelle est la différence entre une coutume et un principe fondamental du droit international de l’environnement ? 4. Quelle affaire consacre l’étude d’impact comme un principe coutumier ? 5. Comment différencie-t-on un principe fondamental d’un principe général du droit ? 6. Distinguer principe de précaution et principe de prévention. 7. Le principe de précaution peut-il constituer une coutume internationale ?

60. Voy. les art. L. 229-7 al. 1 à L. 299-24, C. env. fr.


La consécration d’autres règles en matière environnementale

Section 4

La conSÉcration d’autreS règLeS en matière environnementaLe, une reLecture deS normeS cLaSSiqueS du droit internationaL 81. La protection de l’environnement nous a habitués, au fur et à mesure de ces développements, à élargir une vision parois trop étriquée des sources régissant le droit international. De par son caractère, le droit international de l’environnement a besoin de normes répondant à ses spécificités. Le droit international de l’environnement se nourrit de règles issues de sources traditionnelles, mais va aussi puiser dans des règles qui vont contribuer à la création d’autres règles. Ces règles ne sont pas sources d’obligation, toutefois elles irriguent le droit international de l’environnement, participant ainsi à son expansion. La doctrine occupe une place en tant que source d’inspiration du droit (§ 1). La jurisprudence aussi a un rôle de plus en plus actif en tant que création de norme ou tout du moins d’interprétation du droit (§ 2). Enfin, les résolutions, actes non obligatoires par excellence contribuent largement à la création de norme (§ 3).

§ 1 La doctrine, une contribution intellectuelle en matière de création de règles Pour aller plus loin : J. D’aspremont, « La doctrine du droit international face à la tentation de la « juridicisation » sans limites », RGDIP, 2008-4, pp. 849-866.

L’article 38 §1 du Statut de la C.I.J. consacre la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. Elle ne crée pas directement du droit, mais y contribue. La doctrine a principalement un caractère subjectif, ce qui la rend particulièrement délicate à utiliser. Toutefois, celle-ci s’est montrée particulièrement active et de nombreuses institutions ont été créées afin de constituer un centre névralgique en matière environnementale. Le dernier Congrès mondial de la nature de l’UICN (voy. supra, § 46) s’est déroulé en septembre 2012 et a permis l’adoption de 183 résolutions et recommandations, comme la Résolution sur la conservation des espèces en danger d’Asie tropicale (WCC-2012-Res-027), la Résolution pour sauver les espèces les plus menacées du monde (WCC-2012-Res-015) ou encore la Recommandation ciel nocturne et conservation de la nature (WCC-2012-Rec-183). L’U.I.C.N. a aussi instauré un véritable réseau d’acteurs dans la protection environnementale, en mettant en place six commissions d’experts réunissant pas moins de 11 000 spécialistes dans divers domaines, qui évaluent l’état des ressources naturelles

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dans le monde, mais qui apportent aussi à l’U.I.C.N. un certain savoir-faire et un conseil politique sur les problèmes de conservation. La Commission du droit de l’environnement (C.E.L.) développe de nouveaux concepts et instruments juridiques61. Le Conseil international du droit de l’environnement (C.I.D.E.) est une organisation fondée en 1969 à New Delhi qui a pour but la promotion d’échange d’informations sur les aspects juridiques, administratifs et politiques de la conservation de l’environnement et du développement durable, ainsi que le soutien aux nouvelles initiatives et l’adoption d’avis et d’assistance par l’intermédiaire de son réseau. Le C.I.D.E. contribue fréquemment aux sessions de l’Assemblée générale des Nations unies, dans le cadre de ses commissions et comités, comme la Commission du développement durable, le P.N.U.E. Le C.I.D.E. est aussi un des centres de développement du droit international de l’environnement. Il a notamment, en collaboration avec la C.E.L., rédigé un projet de Pacte international sur l’environnement et le développement dont l’objectif serait de consolider les principes juridiques existants ou en train d’apparaître en matière de conservation de l’environnement et de développement durable afin d’aboutir à un outil juridique international contraignant. Ce projet, achevé en 1994, a été présenté au Congrès sur le droit international public à New York en mars 1995. Il a été présenté aux États membres des Nations Unies lors de la clôture de la Décennie du droit international des Nations Unies le 17 novembre 1999. Encore plus récemment la réunion mondiale des juristes des cinq continents et des associations de droit de l’environnement a abouti, en 2011, à un appel adressé aux États participants à la Conférence de Rio+20 (juin 2012) sur l’importance de ces négociations et la prise de décisions sur certains points déterminants pour la protection de l’environnement. La doctrine s’est aussi fait entendre sur ce qu’elle n’attendait pas de cette Conférence, dénonçant avec virulence l’absence d’engagements concrets des États62. Au niveau européen, des initiatives ont aussi vu le jour. Le Conseil européen du droit de l’environnement contribue largement au développement de questions environnementales. Cet organe, composé de scientifiques et juristes, propose des solutions aux pays européens sur des questions d’environnement en se basant sur du droit comparé. Avec la Résolution du 22 septembre 2000 sur le droit à la protection de l’environnement, il dénonce la formulation de l’article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qu’il juge comme une régression par rapport aux engagements nationaux et internationaux des États membres63. Malgré l’intérêt que présente la doctrine, il est difficile de pouvoir apprécier son impact sur la création de normes. Bien qu’elle ne s’intéresse que depuis peu aux questions environnementales, les réflexions de la Commission du droit

61. Voy. site de la C.E.L. : http://www.iucn.org/about/union/commissions/cel/. 62. Voy. M. Prieur, « Introduction à Rio + 20 ou l’avenir que nous ne voulons pas », RJE, 2012, pp. 609-612. 63. Rapport C.E.D.E., 22 septembre 2000.


La consécration d’autres règles en matière environnementale

international sont utilisées pour nourrir la réflexion de la C.I.J.64. La C.D.I. a aussi contribué au développement d’une responsabilité objective en matière environnementale (voy. infra, §§ 207 et s) . Même si la Cour n’y fait pas expressément référence, la doctrine aide à la réflexion des juges. Au-delà du classicisme des sources, la participation de la doctrine est sans doute beaucoup plus importante dans le domaine de l’environnement, puisqu’elle contribue à nourrir la réflexion sur la création d’outils normatifs.

§ 2 La jurisprudence, vers une consolidation de la protection environnementale Pour aller plus loin : I.L. bostian, « The International Court of Justice decision concerning the Gabcikovo-Nagymaros Project (Hungary / Slovakia) », Colorado Journal of International Environmental Law and Policy, 1997 Yearbook, pp. 186195 ; W.E. burhenne, « Argentina/ Uruguay Judgment Splits the Baby », Environmental Policy and Law, vol. 40 (4), 2010, pp. 153-161 ; M. Dubuy et P. WecKel, « Arrêt du 20 avril 2010, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay », Chron. jurispr. int., pp. 631-650 ; M. Fitzmaurice, « Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay » HJJ, vol. 2 n°. 1, 2007 ; A. gervais, « L’affaire Lac Lanoux », AFDI, vol. 3, 1957, pp. 178-180 ; M. jahnKe, « Gabcikovo Nagymaros Case », Environmental Policy and Law, vol. 28 (1), 1998, pp. 12-20 ; D. KazhDan, « Precautionary Pulp: Pulp Mills and the Evolving Dispute between International Tribunals over the Reach of the Precationary Principle », Ecology Law Quarterly, vol. 38 (2), 2011, pp. 527-552 ; S. maljean Dubois, « L’arrêt rendu par la C.I.J. le 25 septembre 1997 en l’affaire relative au projet Gabcikovo- Nagymaros (Hongrie/ Slovaquie) », AFDI, vol. 43, 1997, pp. 286-332 ; K.J. marKoWitz et J.J.A. gerarDu, « The Importance of The Judiciary in Environmental Compliance and Enforcement », Pace Environmental Law Review, vol. 29 (2), pp. 538-554 ; R. ranjeva, « L’environnement, la C.I.J. et la chambre spéciale pour les questions de l’environnement », AFDI, vol. 40, 1994, pp. 433-441 ; V. richarD et E. truilhe-mareng, « La coopération sur un fleuve partagé, l’anticipation des risques environnementaux et la C.I.J. : un pas en avant deux pas en arrière », Bull. dr. env. indus., 13 décembre 2011, pp. 1-4 ; D. shelton, « ICJ: A step forward in the Gabcikovo Nagymaros Case », Environmental Policy and Law, vol. 31 (4/5), 2001, p. 222 ; J. sohnle, « Un mode d’emploi pour violer les obligations procédurales sans peine », RJE, 2010, p. 591 ; id., « Le droit international de l’environnement : 2005-2009. Une toile d’araignée pour une grosse bête noire », RJE, 2010 ; id., « Irruption du droit de l’environnement dans la jurisprudence de la C.I.J. : L’affaire Gabcikovo Nagymaros », RGDIP, 1998, p. 86 ; A.M. smolinsKa, « L’arrêt Usines de pâte à papier ou l’évolution progressive du DIE », Journ. CDI, n° 6, 2010, pp. 3-6 ; M. szabo, « Gabcikovo Nagymaros Dispute –Implementation of the ICJ Judgment », Environmental Policy and Law, vol. 39 (2), 2009, pp. 97-102.

82. La jurisprudence de la Cour, au regard de l’article 38, est qualifiée en apparence au moins de moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.

64. Voy. S. MaljeaN-Dubois « L’arrêt rendu par la C.I.J. le 25 septembre 1997 en l’aff. relative au Projet Gabcikovo-Nagymaros, Hongrie c. Slovaquie, AFDI, vol. 43, 1997, pp. 286- 332.

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La jurisprudence aurait un rôle de second plan pour permettre l’avènement de règles primaires. En réalité, les arrêts et avis de la Cour ont une portée beaucoup plus importante que celle qui leur est accordée par son Statut, puisqu’ils contribuent davantage à une affirmation des règles environnementales dans des cas d’espèce précis. La jurisprudence environnementale s’est donc affirmée de plus en plus au sein de la Cour internationale de justice et d’autres juridictions arbitrales et judiciaires (A), mais elle doit aussi beaucoup au travail des juges (B).

A.

La place de l’environnement au sein de la jurisprudence de la Cour internationale de justice

83. Brièvement, il faut rappeler que l’environnement a fait son apparition en premier dans des affaires d’arbitrages. Une des toutes premières affaires concernait indirectement la protection des espèces dans l’arbitrage Phoques à fourrure du 15 août 1893. L’affaire Fonderie de la ville de Trail du 11 mars 1941 est probablement la sentence qui aura le plus de conséquences65, puisqu’elle va poser les bases du droit international de l’environnement en matière de pollutions transfrontières. Une autre affaire portée devant une juridiction arbitrale a donné lieu à une sentence arbitrale le 16 novembre 1956, Lac Lanoux (Espagne c. France), venant elle aussi apporter sa pierre à l’édifice en matière de pollution des eaux. Ces deux affaires posent les prémices d’une protection environnementale, encore très embryonnaire (voy. infra, §§ 191 et s). 84. En matière environnementale, la Cour de La Haye n’a pas connu énormément d’affaires dans ce domaine. Les États n’ont pas encore le réflexe de passer devant une juridiction pour régler des différends environnementaux, préférant passer par la voie arbitrale, ou encore régler cela devant des juridictions régionales, plus proches des réalités du terrain (voy. infra, §§ 195 et s). Le travail réalisé par les juridictions régionales est en effet assez impressionnant. Toutefois, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas pléthore d’arrêts, qu’ils ne présentent pas un intérêt particulier. La protection de l’environnement n’a certes pas fait exploser le compteur de la Cour internationale de justice, mais l’environnement a fait son apparition au fur et à mesure des différends qui pouvaient lui être présentés, pour finalement en devenir l’objet principal. Le différend environnemental ne s’est pas imposé sans difficulté. La Cour n’a en effet pas pu statuer sur des différends ayant un lien avec la protection de l’environnement. En 1974, dans l’affaire Essais nucléaires, l’Australie et La Nouvelle-Zélande avaient introduit une requête devant la Cour, à la suite des essais nucléaires réalisés par la France dans l’atmosphère en Polynésie française. L’Australie et la Nouvelle-Zélande craignaient qu’il n’y ait des retombées nocives nucléaires sur leurs territoires. La France a toutefois décidé d’arrêter ses essais, ce que la Cour n’a pu que constater. En stoppant ses essais, le différend opposant les parties avait disparu, la Cour ne pouvait donc plus se prononcer sur le fond du litige. Elle ne

65. Voy. supra, § 10, sur l’influence qu’a pu avoir l’aff. Lotus dans la construction du droit international de l’environnement.


La consécration d’autres règles en matière environnementale

s’est pas prononcée non plus dans l’affaire relative à certaines terres à phosphates à Nauru66, les Parties ayant conclu un accord. La Cour internationale de justice s’est indirectement intéressée à l’environnement dès 1949, avec l’affaire Détroit de Corfou67, posant le principe fondamental d’interdiction d’utilisation par un État de son territoire à des fins d’actes contraires aux droits des autres États, qui deviendra une des premières normes en droit international de l’environnement. De même que dans l’affaire Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine, la Cour a pris en compte des facteurs liés à l’environnement pour la délimitation68. La Cour va marquer les esprits, dans son avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires69. Cet avis était d’un enjeu capital et est loin d’être passé inaperçu, puisque pas loin de trente-cinq États ont déposé des exposés écrits, vingt-quatre, des exposés oraux, une multitude d’organisations ont envoyé des communications à la Cour et pas loin de deux millions de signatures recueillies dans près de vingt-cinq pays, d’organisations et de particuliers ont été reçues par la Cour. C’est dire si cet avis était très largement attendu. Elle affirme être « consciente de ce que l’environnement est menacé jour après jour et de ce que l’emploi d’armes nucléaires pourrait constituer une catastrophe pour le milieu naturel. Elle a également conscience que l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à venir. L’obligation générale qu’ont les États de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l’environnement »70. Probablement parce que l’avis n’a d’autorité que celle qui est attribuée à un avis, la Cour s’est montrée particulièrement entreprenante. Cet avis a profondément marqué l’évolution du droit international de l’environnement et la portée des opinions des juges a très largement contribué à son importance (voy. infra, § 86). Par la suite, l’environnement fait « irruption » dans la voie contentieuse de la Cour avec l’affaire Projet Gabcikovo-Nagymaros. La question environnementale au centre de l’arrêt était très attendue, faisant de cette affaire celle où les problèmes écologiques ont pu être analysés de manière approfondie. Désormais sur sa lancée, la Cour a été de plus en plus saisie pour des litiges environnementaux. La C.I.J. s’est aussi intéressée à la question de la responsabilité environnementale (voy. Chap. 4, sect. 2) comme dans l’arrêt rendu dans l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et des droits annexes de 2009. En l’espèce, le Costa Rica demandait à la Cour de juger que le Nicaragua

66. C.I.J., Certaines terres à phosphates à Nauru, Nauru c. Australie, 26 juin 1992, except. prélim., Rec. C.I.J., 1992, p. 240. 67. C.I.J., Détroit de Corfou, 9 avril 1949, Rec. C.I.J., 1949, p. 4. 68. C.I.J., Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada c. États Unis d’Amérique), 12 octobre 1984, Rec. C.I.J., 1984, p. 246. 69. C.I.J., Licéité de l’utilisation ou de la menace de l’arme nucléaire, préc. 70. C.I.J., Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, préc., § 29.

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avait violé le droit international en lui refusant le droit d’exercer ses droits de navigation et ses droits annexes sur le fleuve San Juan qui constitue une frontière sous souveraineté du Nicaragua, mais qui est libre à la navigation à des fins commerciales selon un traité de 1858. Le Nicaragua invoquait, pour justifier la restriction de naviguer au Costa Rica, le motif de la protection de l’environnement et ressources naturelles (§ 86). Comme elle l’avait fait pour l’affaire Gabcikovo-Nagymaros, la Cour interprète le traité de 1858 de manière évolutive, estimant qu’il s’agit d’un motif légitime (§§ 109, 118, 127). Dès lors, le motif du Nicaragua, qui impose aux bateaux de faire une halte en se soumettant à des inspections, et les mesures réglementaires en matière de pêche sont légaux (§§ 104 et 114). En 2006, la Cour a été saisie d’un litige entre l’Uruguay et l’Argentine sur l’installation par l’Uruguay d’une usine de pâte à papier sur le fleuve Uruguay partagé avec l’Argentine. L’Argentine affirme que l’usine provoquerait des dommages irréversibles pour l’écosystème du fleuve. La Cour a considéré ici que l’Argentine n’apportait pas de preuve à ses allégations, dès lors l’Uruguay pouvait continuer d’exploiter son usine71. C’est la dernière affaire jugée par la Cour. Toutefois, trois affaires touchant la protection de l’environnement sont inscrites au rôle de la Cour. En 2008, l’Équateur introduit une instance contre la Colombie pour un différend relatif à l’épandage aérien d’herbicides toxiques par la Colombie sur le territoire équatorien72. En 2010, l’Australie a, quant à elle, introduit une instance contre le Japon pour une violation alléguée des obligations de la chasse à la baleine73. Enfin, la dernière instance en date introduite est celle du Nicaragua contre le Costa Rica pour violation de sa souveraineté et des dommages importants à l’environnement sur son propre territoire74. La Cour est de plus en plus soumise à des affaires environnementales, contribuant ainsi au développement progressif de la matière. Il faut aussi préciser que, jusqu’à présent, elle n’a pas eu à se prononcer en temps de guerre, mais elle s’est retrouvée face à la question de l’application des traités environnementaux en temps de guerre et de conflit armé75. Le différend environnemental commence à occuper une certaine place dans le champ d’action de la C.I.J. La question de la compétence de la Cour a néanmoins pu être soulevée, de même que celle de se demander s’il ne fallait pas créer une juridiction spécialisée dans le domaine environnemental. En 1993, le greffe de la Cour annonce la constitution d’une chambre spéciale pour les questions d’environnement, comme prévu à l’article 26, § 1, du Statut de la Cour. Cette chambre spéciale est une formation permanente, dont la direction relève de la chambre plénière de la Cour. La constitution de cette chambre

71. C.I.J., Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, préc., p. 14. 72. Communiqué de presse, n° 2008/5, 1er avril 2008,. La Cour a décidé, le 19 octobre 2011, de proroger le délai pour le dépôt de la duplique de la Colombie, jusqu’au 1er février 2012. 73. Communiqué de presse, n° 2010/16, 1er juin 2010. Dans un communiqué de presse n° 2012/18, la Cour a clôt la procédure écrite le 18 mai 2012. 74. Requête de la République du Nicaragua introduisant une instance contre la République du Costa Rica, 21 décembre 2011, disponible sur le site de la Cour. La Cour a fixé les délais pour le dépôt des premières pièces de la procédure écrite entre le 19 décembre 2012 et le 19 décembre 2013 Ord. du 23 janvier 2012. 75. C.I.J., Licéité de l’utilisation ou de la menace de l’arme nucléaire, préc.


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sonnait comme la consécration de la place importante qu’occupe l’environnement. Elle avait l’avantage de bénéficier de l’expérience de la Cour au travers de la jurisprudence élaborée par la Cour internationale de justice et par la Cour permanente justice internationale. Cette chambre aurait très bien pu être saisie pour les affaires Certaines terres à phosphates à Nauru et Projet GabcikovoNagymaros, mais aucune affaire n’a été portée devant elle. La chambre est restée désespérément vide de tout litige environnemental, alors que d’autres juridictions spécialisées, comme le tribunal du droit de la mer, montrent que les États n’hésitent pas à utiliser ces juridictions spécialisées. Probablement de par sa nature transversale, la protection de l’environnement ne peut être considérée de façon isolée et nécessite une approche prenant en compte d’autres domaines que l’environnement. Les affaires ne sont certes pas nombreuses, mais elles regorgent de principes, d’interprétation, qui contribueront à une application efficace du droit international de l’environnement. Au-delà de l’arrêt en lui-même, le travail des juges dans la construction de norme s’est révélé d’une importance capitale notamment en matière environnementale.

B.

L’opinion des juges

85. Le rôle du juge n’a de cesse d’évoluer en droit international, pour devenir un acteur lui-même dans la consécration de normes. Le juge ne va pas se contenter d’une application statique du droit, il va au contraire le faire répondre à la réalité. Les juges de La Haye ont cette possibilité de donner à côté de l’arrêt rendu, leur avis afin de faire connaître leur point de vue sur l’arrêt en question. Les juges peuvent donc donner leur opinion, qu’il soit concordant (les juges ont voté le dispositif de l’arrêt, mais ils souhaitent exposer leur propre raisonnement, leur propre façon de penser) ou au contraire dissident pour marquer leur opposition avec la solution de l’arrêt. Ces opinions peuvent poser des difficultés d’un point de vue pédagogique, car les juges opposés à la solution de l’arrêt viennent critiquer le travail des autres juges. Toutefois, certaines opinions ont profondément marqué le droit international de l’environnement, tant par le raisonnement apporté par les juges que par les interrogations qu’ils peuvent soulever. Telle une semence, l’opinion des juges permet de faire germer les arrêts tout en apportant une réflexion sur la question qui leur est soumise. Certaines opinions peuvent se révéler même beaucoup plus enrichissantes que l’arrêt ne l’est en lui-même. L’avis consultatif sur la licéité de l’utilisation de l’arme nucléaire a d’ailleurs permis de donner une des opinions les plus riches et des plus importantes en matière environnementale. Le juge Weeramentry a en effet, dans une opinion quasi aussi longue que l’arrêt, exposé son désaccord avec l’avis, estimant que l’emploi d’armes nucléaires est illicite en toute circonstance et est incompatible avec les principes fondamentaux du droit international, constituant une négation des valeurs humanitaires. Le juge va donc décortiquer l’arrêt en montrant chaque point de désaccords, mais aussi en soulevant les aspects plus positifs. Soulignant les ravages causés par l’arme

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nucléaire, il s’emploie à démontrer qu’il n’est pas concevable que les Nations Unies, dont la mission principale est le maintien de la paix, puissent tolérer l’arme nucléaire. Il en vient aussi à analyser les dommages que l’arme nucléaire pourrait provoquer à l’environnement, mais aussi aux générations futures. Il rappelle d’ailleurs que la C.I.J., organe judiciaire principal des Nations Unies, doit, dans sa jurisprudence, reconnaître le droit des générations futures, « s’il est un tribunal qui peut reconnaître et protéger leurs intérêts en droit, c’est bien la Cour »76, insistant d’ailleurs sur le fait que cette notion a été intégrée dans le droit par l’intermédiaire de traité (comme la Convention de Londres de 1979 sur les déversements en mer), de l’opinio juris et des principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées. De manière presque prophétique, il rappelle le risque d’un hiver nucléaire77 et, de façon très détaillée, il passe en revue chaque pan de la société face à l’utilisation nucléaire, que ce soit au niveau de la santé, des institutions sociales, des structures économiques, des trésors culturels. Il passe ensuite par une analyse très approfondie du droit international humanitaire. Même si la Cour n’a donc pas eu à se prononcer sur un cas de protection de l’environnement en temps de conflit, l’exposé remarquable rédigé par le juge Weeramentry vient très largement éclairer ce point. Autre opinion importante, dans l’affaire du Projet Gabcikovo-Nagymaros, l’opinion du juge Koroma précise que le principe de précaution, d’utilisation équitable et raisonnable des ressources fait partie des impératifs écologiques78. Le juge Palmer a souligné le caractère unique du litige dans l’affaire Essais nucléaires79, affirmant la rapidité du développement du droit international de l’environnement. Bien avant la reconnaissance d’une coutume en matière d’étude d’impact dans l’affaire Usines de pâte à papier, le juge affirme que le droit international coutumier a probablement créé une norme exigeant une évaluation de l’impact sur l’environnement dès lors que les activités risquent d’avoir des effets sensibles sur l’environnement, tout comme le principe de précaution, qui, selon lui, semble constituer un principe coutumier relatif à l’environnement. Sans pour autant dire qu’il y est un lien de cause à effet, l’idée a toutefois probablement germé, les réflexions successives ont aidé à la construction de raisonnement beaucoup plus abouti.

76. Opinion juge WeeraMaNtry, préc., p. 455. 77. Le juge fait référence à la doctrine, en citant l’art. de R. turCo, o. too, t. aCKerMaN, j. PollaCK et C. sagaN, « L’hiver nucléaire et les conséquences mondiales d’explosions nucléaires multiples », Science, 23 décembre 1983, vol. 222, p. 1283. La preuve est encore faite de l’importance de la doctrine. 78. C.I.J., Projet Gabcikovo-Nagymaros, préc. Opinion individuelle du juge KoroMa pp. 149-142. 79. C.I.J., Essais nucléaires, préc. Opinion dissidente du juge PalMer, pp. 382-419.


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À retenir : Extrait de l’opinion individuelle du juge Weerramantry dans l’avis consultatif, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires de 1996 : « Il serait paradoxal que le droit international, système au service de la paix et de l’ordre planétaire, accorde une place à un engin capable de réduire à néant l’agencement du monde, les millénaires de civilisation qui y ont conduit, et l’humanité elle-même. Si ce paradoxe est passé largement inaperçu, au point que le droit humanitaire n’apparaît pas dans le paysage, c’est notamment parce que l’euphémisme est la caractéristique du langage désincarné des opérations militaires et du style châtié de la diplomatie. Il masque l’horreur de la guerre nucléaire en détournant l’attention sur des notions abstraites telles que la légitime défense, les représailles et la proportionnalité du dommage, qui n’ont guère de pertinence dans un contexte de destruction totale. Les effroyables dommages menaçant la population civile et les États neutres sont qualifiés de “dommages collatéraux” parce qu’ils ne sont pas directement voulus ; la destruction des villes par le feu est qualifiée de “considérables dommages d’origine thermique”. On parle de “niveaux acceptables de pertes humaines” même si des millions de morts sont en cause. Le maintien de l’équilibre de la terreur est dénommé “préparation nucléaire”, la destruction assurée, “dissuasion”, et la dévastation totale de l’environnement, “dommages à l’environnement”. Techniquement détachées de leur contexte humain, de telles expressions contournent le monde de la souffrance humaine, qui est à l’origine du droit humanitaire […]. Les effets des armes nucléaires sur l’écosystème se prolongent en pratique au-delà de toute limite temporelle concevable. La “période” de l’un des sous-produits d’une explosion nucléaire - le plutonium 239 - est de plus de vingt mille ans. Après un échange nucléaire majeur, la radioactivité résiduelle ne redescendrait à un niveau minimal qu’au bout de plusieurs “périodes”. La période est “le temps nécessaire pour que la radioactivité émise par un élément pur diminue de moitié. La période des isotopes radioactifs connus varie entre 10-7 secondes et 1016 années”. […] Les idéaux de la Charte des Nations Unies ne sont pas limités au temps présent, ils s’inscrivent dans le cadre d’une perspective dynamique de progrès social et d’amélioration des conditions de vie et ils doivent bénéficier non seulement à la génération actuelle, mais aussi aux “générations futures”. La perspective d’une dégradation de l’environnement se prolongeant pour ainsi dire à l’infini suffirait, à elle seule, à justifier la mise en œuvre des principes conservatoires du droit international que la Cour est suprêmement habilitée à énoncer et qu’elle doit nécessairement appliquer. […] Il n’est pas de question qui soit plus lourde de conséquences pour l’avenir de l’humanité et les contours de cet avenir transparaissent clairement dans la trame du droit international. Cette question n’avait pas jusqu’à présent été inscrite au rôle d’un tribunal international. Maintenant qu’elle l’a été, et pour la première fois, il faut y répondre fermement, clairement et catégoriquement ».

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§ 3 Les actes unilatéraux, l’affirmation d’une catégorie importante de norme. Pour aller plus loin : L. bouony, « Regard sur la Commission d’indemnisation des Nations Unies », AFDI, 1997, vol. 43, pp. 116-131 ; S. sur, « La résolution 687 (3 avril 1991) du Conseil de sécurité dans l’affaire du Golfe : Problèmes de rétablissement et de garantie de la paix », AFDI, 1991, vol. 37, pp. 25-97.

86. Les actes unilatéraux se divisent de manière classique en deux types, les actes unilatéraux des États (A) et les actes unilatéraux des organisations internationales qui, bien que n’ayant pas de valeur obligatoire, sont reconnus par les États (B).

A.

Les actes unilatéraux des États

87. Les actes unilatéraux ne figurent pas dans l’article 38 du Statut de la C.I.J., mais le droit de l’environnement nous a habitués, au fur et à mesure de ses développements, à sa nature « rebelle » face à la classification traditionnelle des normes internationales. L’acte unilatéral se traduit comme « la liberté d’action juridique de l’État, fondée sur sa souveraineté et les titres de compétence qui lui sont liés »80. L’acte unilatéral est donc une manifestation unilatérale de volonté imputable à un État, produisant volontairement des effets de droit. Loin d’être une norme récente, l’acte unilatéral a été consacré pour la première fois par la Cour permanente de justice internationale en 1933, dans l’affaire du Statut juridique du Groenland oriental81. Les actes unilatéraux peuvent résulter d’instruments et de conduites diplomatiques, mais aussi il peut s’agir d’actes purement internes (lois, décisions judiciaires, etc.). À côté de ces actes internes, les instruments unilatéraux sont des actes formels comme la notification, la renonciation, la promesse. Les conduites diplomatiques peuvent, quant à elles, contenir des engagements internationaux. En reprenant les travaux de la Commission du droit international, il est possible de dégager des principes applicables aux déclarations unilatérales des États créant des obligations juridiques82. Une déclaration n’engagera l’État que si elle émane d’une autorité pouvant engager l’État. La C.P.J.I. considérait que l’acte unilatéral par lequel un ministre de la Norvège reconnaissait la légitimité des revendications danoises

80. J. CoMbaCau et s. sur, Droit international public, 10e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 92. 81. C.P.J.I., Statut juridique du Groenland oriental, Danemark c. Norvège, série A/B, n° 53, 1933. 82. Voy. le texte adopté par la Commission du droit international lors de sa 58e sess. en 2006, reproduit dans l’Annuaire de la Commission du droit international, 2006, vol. II (2).


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sur le Groenland oriental constituait un acte engageant la Norvège83. Dans l’affaire de 1974, Essais nucléaires, la Cour considère qu’une déclaration émanant du président de la République ou du ministre de la Défense constitue un acte unilatéral. La Cour a d’ailleurs confirmé cela dans son arrêt relatif à l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo, en considérant que « conformément à une jurisprudence constante (Essais nucléaires, Australie c. France, Rec. C.I.J., 1974, pp. 269 et 270, §§ 49 à 51 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Bosnie Herzégovine c. Yougoslavie, exceptions préliminaires, Rec. C.I.J., 1996 (II), p. 622, § 44 ; Mandat d’arrêt du 11 avril 2000, République démocratique du Congo c. Belgique, Rec. C.I.J., 2002, pp. 21 et 22, § 53 ; voir aussi, Statut juridique du Groenland oriental, Danemark c. Norvège, 1933, C.P.I.J. série A/B, n° 53, p. 71), c’est une règle de droit international bien établie que le chef de l’État, le chef de gouvernement et le ministre des Affaires étrangères sont réputés représenter l’État du seul fait de l’exercice de leurs fonctions, y compris pour l’accomplissement au nom dudit État d’actes unilatéraux ayant valeur d’engagement international »84. À l’inverse, dans l’affaire Délimitations des frontières maritimes dans la région du golfe du Maine, la Cour considère que les déclarations écrites d’un fonctionnaire ne constituent pas un acte juridique imputable à l’État. Les actes unilatéraux peuvent d’ailleurs très bien être formulés par écrit ou à l’oral. La Cour admet ces deux formes. C’est d’ailleurs ce qu’elle rappelle dans l’affaire Essais nucléaires (§§ 45 et 48). Ces déclarations peuvent très bien viser des États ou entités en particulier, mais aussi l’ensemble de la communauté internationale. Les déclarations françaises concernant la suspension des essais nucléaires atmosphériques visaient l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais aussi tous les États voisins. Concernant la valeur de cette déclaration, celleci entraîne des obligations pour l’État que si elle est suffisamment précise85, et en cas de doute, cette déclaration s’interprètera de façon restrictive. De plus, L’État, auteur d’une déclaration unilatérale, ne peut se rétracter arbitrairement dès lors que cette déclaration crée une obligation juridique86. Néanmoins, la Cour a considéré qu’une déclaration unilatérale n’avait pas d’effet si elle entre en conflit avec une norme impérative du droit international. Enfin, la déclaration unilatérale engage l’État qui l’a formulée, mais elle peut aussi engager les États s’ils ont clairement accepté cette déclaration87. L’intérêt de ces déclarations unilatérales en matière environnementale est donc indéniable, puisqu’elles permettent d’arriver à une uniformisation de la pratique.

83. C.P.J.I., Statut juridique du Groenland oriental, préc. 84. C.I.J., Activités armées sur le territoire du Congo (Nouvelle requête 2002), République démocratique du Congo c. Rwanda, 2006, compétence et recevabilité, § 46. 85. Ce principe a été repris dans l’aff. Essais nucléaires, préc., § 53, et Activités armées sur le territoire du Congo, préc., §§ 50 et 52. 86. Voy. Essais nucléaires, préc., §§ 51 et 53. 87. Voy. C.I.J., Pêcheries, Royaume-Uni c. Norvège, 8 décembre 1951, Rec. C.I.J.,1951, p. 116.

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B.

Les actes unilatéraux des organisations internationales

88. Les organisations internationales n’ont eu de cesse de se multiplier et de se diversifier. Les actes des organisations internationales constituent eux aussi des actes unilatéraux. Toutefois, ce n’est pas parce qu’ils portent le même nom qu’ils sont identiques aux actes des États. Un acte unilatéral d’une organisation internationale devra respecter la charte constitutive de l’organisation internationale, même si cet acte n’a pas, dans la majorité des cas, de valeur obligatoire pour les États membres. L’organisation internationale peut s’exprimer au travers de recommandations. Ces recommandations constituent une source d’inspiration, voire une « technique de création de règles juridiques internationales »88. Les résolutions adoptées sont dans la plupart des cas des non contraignantes, mais certaines sont sources d’obligation pour les États membres. 89. Les résolutions obligatoires. Dans le cadre de la Convention de Genève du 10 décembre 1976 sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles, l’article 5, alinéa 3, prévoit que « [t]out État partie à la présente Convention qui a des raisons de croire qu’un autre État partie agit en violation des obligations découlant des dispositions de la Convention peut déposer une plainte auprès du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. Cette plainte doit être accompagnée de tous les renseignements pertinents ainsi que de tous les éléments de preuve possibles confirmant sa validité ». L’État peut dès lors lancer une enquête (al. 4 et 5). Il n’est toutefois pas précisé les conséquences de la décision du Conseil. Le Conseil de sécurité a adopté la Résolution 687 du 3 avril 1991 sur la neutralisation des armes biologiques et chimiques de l’Irak, instaurant une Commission d’indemnisation des Nations Unies (C.I.N.U.) chargée de réparer les dommages environnementaux subis par le Koweït à la suite de l’invasion de l’Irak89. La C.I.N.U. traite, par l’intermédiaire de son Comité F4, les réclamations environnementales. C’est la première fois qu’une institution est mise en place pour l’indemnisation de dommages qui ont été causés volontairement à l’environnement lors d’un conflit armé. Ce comité, au travers des rapports remis, contribue au développement du droit international de l’environnement. 90. Les résolutions non obligatoires. Elles proviennent de conférences ou sont le fruit du travail d’organisations internationales. Ces résolutions sont majoritaires, puisqu’il est délicat d’adopter des résolutions obligatoires sans contrarier les États qui sont particulièrement attachés au principe de souveraineté. On peut néanmoins identifier trois catégories de résolutions non obligatoires. Certaines recommandations laissent la possibilité pour les États parties à l’organisation de les appliquer ou pas. C’est ce que les professeurs Kiss et JeanPierre Beurier appellent « les recommandations-directives »90. Les résolutions 88. A.-Ch. Kiss et J.-P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 72. 89. Rés. 687 du 3 avril 1991, § 16. 90. A.-Ch. Kiss et J.-P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 75.


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de l’Organisation de coopération et de développement économiques (O.C.DE.) sont assez représentatives de cette catégorie de recommandations. À titre d’exemple, la recommandation sur des approches communes concernant l’environnement et les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public invite les États, avant de prendre des décisions sur ce sujet, à appliquer les approches communes pour déterminer et évaluer l’impact environnemental des projets et des exportations de biens d’équipement et de services visant lesdits projets. À l’inverse des recommandations-directives, les programmes d’action sont surtout des incitations à la réalisation d’objectifs pour l’organisation ou pour ses États membres. Ils peuvent être généraux, comme le « Plan d’action pour l’environnement » de Stockholm (1972) et l’Agenda 21 de Rio (1992), qui compte près de quarante chapitres visant différents domaines d’action, comme la conservation et la gestion des ressources aux fins du développement, des mécanismes juridiques internationaux, etc. D’autres programmes visent des domaines d’action plus spécifiques. Le P.N.U.E. en 1974 a, par exemple, lancé un programme d’action pour les mers régionales. Enfin, une place particulière est laissée aux déclarations de principes qui donnent surtout les grandes lignes que les États devront suivre. Toutefois, malgré leur caractère général, ces recommandations ont eu une importance capitale dans la création de règles. Leur formulation permet aux organisations de proclamer leurs valeurs, leurs visions évolutives face à des changements sociétaux, au nom de la communauté des États qui les composent. Lors des débuts du droit international de l’environnement, certains vœux pouvaient être formulés sans qu’ils ne constituent une obligation pour les États. Lors de la 45e session, le Conseil économique et social (E.C.O.S.O.C.), dans sa Résolution 1346 (XLV) du 30 juillet 1968, recommande à l’Assemblée générale de réunir une conférence sur les « problèmes du milieu humain ». La réponse de l’Assemblée ne s’est pas fait attendre, puisque, dans sa Résolution 2398 du 3 décembre 1968, elle décide de réunir une conférence sur le milieu humain. Cette dernière se déroulera à Stockholm en 1972. Elle précise d’ailleurs qu’elle est « inquiète des répercussions de cet état des choses sur la condition de l’homme, son bienêtre physique, mental et social, sa dignité et ses possibilités de jouir des droits fondamentaux de l’homme, tant dans les pays en voie de développement que dans les pays développés ». La Conférence a permis d’aboutir à la création du Programme des Nations unies pour l’environnement (P.N.U.E.) ainsi qu’à la Déclaration de Stockholm. Cette dernière n’a pas de valeur contraignante, mais elle va consacrer les ressources naturelles comme une valeur à protéger. L’Assemblée générale a même cherché à aller plus loin en adoptant la Charte mondiale de la nature en 198291. Cette Charte est une déclaration de principes, dotée d’une très grande valeur morale, mais qui n’a pas de valeur juridique. Les Nations Unies affirment le lien inextricable entre l’homme et la nature, « la civilisation a ses racines dans la nature, qui a modelé la culture humaine et influé sur toutes les œuvres artistiques et scientifiques et c’est en vivant en harmonie avec la nature que l’homme a les meilleures possibilités de 91. Charte mondiale de la nature, 28 octobre 1982, A/RES/37/7.

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développer sa créativité, de détendre et d’occuper ses loisirs » (préambule). La Charte va être particulièrement audacieuse, puisqu’elle consacre l’importance de la nature pour la survie de l’humanité, l’idée de générations futures, la protection d’espèces sauvages et domestiques, la gestion et la restauration des habitats et des ressources humaines que l’Homme utilise. Ce texte constitue une étape capitale, puisque, officiellement, l’O.N.U. prend conscience de la fragilité de l’environnement et de la nécessité d’instaurer une protection concertée. Par la suite, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (résultant de la Résolution 44/228) de Rio en 1992 a abouti à l’adoption de trois accords : Action 21, la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, la Déclaration de principes forestiers. Comme les autres actes, ces trois accords n’ont pas de valeur obligatoire. La Déclaration de Rio va confirmer les principes de Stockholm en affirmant dans son préambule qu’elle cherche à « assurer le prolongement » de celle-ci. Elle ira même plus loin en consacrant de nouveaux principes comme le droit au développement (princ. 3). Même si les principes proclamés dans les différentes déclarations n’ont pas de valeur obligatoire et ont eu une efficacité assez diffuse, leur rôle a été particulièrement important dans le développement de la protection de l’environnement. Ces principes ont plus pour objectif d’établir une ligne directrice, un plan de travail pour les États. Les Déclarations de Rio et Stockholm constituent probablement une des plus grandes sources d’inspiration (voy. supra § 77). Ces résolutions s’apparentent donc à ce qui a été qualifié de droit mou ; les États trouvent ici non pas une source d’obligations, mais une source d’inspiration, contribuant à la création de normes. Les normes internationales environnementales tentent de répondre aux spécificités de la protection environnementale. Se servant aussi bien de normes classiques que de nouveaux instruments, le droit international de l’environnement essaye d’utiliser les normes mises à sa disposition pour garantir la protection de l’environnement. Il n’en reste pas moins, que malgré une certaine forme de « dilution de la rigueur du droit […] le droit international reste l’accompagnement obligé des politiques d’environnement et de développement mises en œuvre »92.

92. A.-Ch. Kiss et S. DouMbé-billé, « Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (Rio de Janeiro, juin 1992) », AFDI, 1998, vol. 38, pp. 823-843.


La consécration d’autres règles en matière environnementale

À retenir : Extrait, arrêt du 5 avril 1933, Statut juridique du Groenland oriental, C.P.J.I., Séries A/B, n° 53 : La Cour ne peut voir dans les mots de la déclaration Ihlen « au règlement de cette affaire » (savoir l’affaire du Groenland) une condition qui rendrait la promesse de ne pas faire de difficultés inopérante au cas où un règlement ne serait pas intervenu. La Promesse est inconditionnée et définitive. C’est ainsi que l’a comprise le ministre des Affaires étrangères norvégien lorsqu’il a dit au nouveau ministre danois à Christiania, le 7 novembre 1919, que c’était pour la Norvège « une joie de reconnaître la souveraineté du Danemark sur le Groenland » (dépêche du 8 novembre 1919, adressée par le ministre du Danemark à Christiania au ministre des Affaires étrangères de Danemark). C’était également ainsi que le ministre danois à Christiania avait compris la déclaration Ihlen lorsque, le 22 juillet 1919, il fit savoir au ministre des Affaires étrangères danois que M. Ihlen lui avait dit « que les projets du Gouvernement royal relatifs à la souveraineté du Danemark sur l’ensemble du Groenland ne rencontreront pas de difficultés de la part de la Norvège ». Il s’ensuit qu’à raison de l’engagement impliqué dans la déclaration Ihlen du 22 juillet 1919, la Norvège se trouve dans l’obligation de ne pas contester la souveraineté danoise sur l’ensemble du Groenland et, a fortiori, de s’abstenir d’occuper une partie du Groenland. Extrait, affaire des Pêcheries, Royaume- Uni c. Norvège, 1951, , Rec. C.I.J., 1951, p. 138 : « La Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’attacher trop d’importance aux quelques incertitudes ou contradictions, apparentes ou réelles, que le Gouvernement du Royaume-Uni a cru pouvoir relever dans la pratique norvégienne. Elles s’expliquent assez naturellement si l’on prend en considération la diversité des faits et des situations au cours de la longue période qui s’est écoulée depuis 1812, et ne sont pas de nature à modifier les conclusions auxquelles la Cour est arrivée. Sur la base de ces considérations, et en l’absence de preuve contraire convaincante, la Cour est fondée à dire que les autorités norvégiennes ont appliqué leur système de délimitation d’une façon suivie et constante depuis 1869 jusqu’à la naissance du différend. Du point de vue du droit international, il convient d’examiner à présent si l’application du système norvégien ne s’est pas heurtée à l’opposition d’États étrangers. La Norvège a pu avancer, sans être contredite, que la promulgation de ses décrets de délimitation en 186 et en 1889 ainsi que leur application n’ont soulevé, de la part des États étrangers, aucune opposition. Comme, d’autre part, ces décrets sont, ainsi qu’il a été démontré plus haut, l’application d’un système bien défini et unifié, c’est en définitive ce système lui-même qui aurait bénéficié d’une tolérance générale, fondement d’une consolidation historique qui le rendrait opposable à tous les États. La tolérance générale des États étrangers à l’égard de la pratique norvégienne est un fait incontesté. Durant une période de plus de soixante ans le Gouvernement du Royaume-Uni lui-même n’a élevé aucune contestation à ce sujet ». Extrait Résolution 687, § 16 : « E)- 16. Réaffirme que l’Irak, sans préjudice de ses dettes et obligations antérieures au 2 août 1990, questions qui seront réglées par les voies normales, est responsable, en vertu du droit international, de toutes les pertes, de tous les dommages, y compris les atteintes à l’environnement et le gaspillage délibéré de ressources naturelles, ainsi que de tous les préjudices subis par d’autres États et par des personnes physiques et des sociétés étrangères, directement imputables à l’invasion et à l’occupation illicites du Koweït par l’Irak »

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86

Les règles

Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement principes de gestion des forêts : « La Déclaration de Rio n’est pas juridiquement contraignante. Toutefois, il est vraisemblable que, comme dans le cas des déclarations des Nations Unies sur les droits de l’homme, les gouvernements se sentiront moralement obligés d’adhérer à ses principes ».

Exercice : Répondez aux questions suivantes 1. La doctrine et la jurisprudence constituent-elles des sources primaires du droit international de l’environnement ? 2. Citez une institution doctrinale ayant contribué à l’évolution du droit international de l’environnement. 3. Citez les différentes affaires portant sur la protection environnementale soumises à la C.I.J. 4. Quelles sont les affaires environnementales n’ayant pas abouti ? 5. Que prévoit le paragraphe 29 de l’avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires ? 6. Quels principes sont affirmés dans l’affaire Projet Gabcikovo-Nagymaros ? 7. Citez les trois types de recommandations non obligatoires émanant des organisations internationales. 8. Quelle est la valeur de ces recommandations ? 9. Quelles sont les autorités compétentes pour prendre une déclaration engageant un État ? 10. Une déclaration d’un État peut-elle avoir un effet obligatoire sur un autre État ?


Chapitre 3 Les domaines de protection

1.

La protection sectorielle ........................................................................ 88

2.

La protection intersectorielle .............................................................. 112

3.

La protection globale ........................................................................... 123

4.

Les interactions .................................................................................... 131


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Les domaines de protection

91. Chronologiquement, la protection internationale de l’environnement est d’abord sectorielle (Section 1), puis, reflétant la prise de conscience de l’interconnectivité des domaines, elle devient inter-sectorielle (Section 2) et enfin globale (Section 3). Elle doit également être conciliée avec d’autres champs du droit international public, qui connaissent eux aussi un développement important. Tel est par exemple le cas des droits de l’homme, de la santé ou encore du commerce (section 4).

Section 1

La protection SectorieLLe 92. La protection sectorielle est la première à voir le jour en droit international de l’environnement, elle marque d’ailleurs les débuts de la matière. Elle vise la protection des éléments de l’environnement, à savoir la faune et la flore, l’eau, l’air, les sols et les forêts.

§ 1 La faune et la flore Pour aller plus loin : S. Doumbé-billé, « La nouvelle Convention africaine de Maputo sur la conservation de la nature et des ressources naturelles », RJE, 2005/1, pp. 5-17. E. peyroux, « La chasse à la baleine dans le droit international actuel », RGDIP, 1975, pp. 92-124. Ch.A. Kiss, « La protection internationale de la vie sauvage », AFDI, 1980, pp. 661-686. D.S. Favre, International trade in endangered Species : a guide to Cites, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1989. P.H. sanD, « Whither CITES? Evolution of a Treaty Regime in the Borderland of Trade and Environment », EJIL, 1997, pp. 29-58. J. beer gabel et B. labat, La protection internationale de la faune et de la flore sauvages, Bruxelles, Bruylant, 1999. M.-L. lambert-habib, Le commerce des espèces sauvages : entre droit international et gestion locale (Réflexions sur la CITES), Paris, L’Harmattan, 2000.

93. La faune et la flore sont les premières à faire l’objet de la protection du droit international. En effet, les tentatives de protection de certaines espèces animales et végétales sont « les premiers linéaments du droit international de l’environnement », en témoigne la sentence arbitrale du 15 août 1893 dans l’affaire Phoques à fourrure de la mer de Behring (Clunet, 1893, p. 1259). Les toutes premières conventions à être adoptées concernent en général la protection de certaines espèces précises, par exemple, la Convention de 1902 sur la protection des oiseaux utiles à l’agriculture. Elle ne protégeait néanmoins que les espèces utiles à l’agriculture, dans un objectif économique. La préservation des espèces n’est pas une fin en soi, mais simplement un moyen de promouvoir certaines activités économiques. Le rôle de ces oiseaux dans les écosystèmes était complètement ignoré. L’on retrouve le même utilitarisme dans la Convention de Washington de 1911 pour la conservation et la protection des phoques à fourrure du Pacifique nord. Malgré leur utilitarisme, ces conventions appe-


La protection sectorielle

laient déjà de leurs vœux la mise en place de quotas nationaux et la régulation du commerce des objets en provenance de la chasse aux phoques. La naissance des perspectives écologiques apparaît plus tard, dès les années 19301. En particulier, deux conventions peuvent être vues comme des précurseurs des concepts modernes du droit de l’environnement, et elles concernent justement la protection de la faune et de la flore. Il s’agit, d’une part, de la Convention de Londres de 1933 relative à la préservation de la faune et de la flore dans leur milieu naturel, applicable en Afrique seulement, à l’exclusion du territoire métropolitain des puissances coloniales de l’époque. Elle prévoit la création de parcs nationaux, une protection plus stricte pour certaines espèces sauvages, ainsi qu’une régulation du commerce de trophées issus de la chasse. Il s’agit, d’autre part, de la Convention pour la protection de la nature et la préservation de la faune et la flore sauvages dans l’hémisphère occidental du 12 octobre 1940. Les dispositions de cette convention sont nettement plus vagues que celles de la Convention de Londres, mais elles prévoient néanmoins la création de réserves et la préservation de certaines espèces végétales et animales, notamment des oiseaux migrateurs. La prise de conscience des dangers menaçant la nature a entraîné l’adoption d’une multitude de traités internationaux, pas nécessairement coordonnés entre eux. L’on observe néanmoins une évolution progressive d’une approche négative de la préservation des espèces menacées fondée sur la lutte contre une chasse ou une pêche excessive, à une approche positive, englobant la première, fondée sur la préservation des espèces menacées. Il faut attendre les années 1970 pour que la Communauté internationale prenne conscience que l’approche négative ne pouvait plus suffire. Le Principe 4 de la Déclaration de Stockholm affirme que l’homme « a une responsabilité particulière dans la sauvegarde et la sage gestion du patrimoine constitué par la flore et la faune sauvages et leur habitat, qui sont aujourd’hui gravement menacées par un concours de facteurs défavorables ». Cette vision nouvelle est confirmée par la Charte mondiale de la nature, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 28 octobre 1982. La Charte déclare que « [t]oute forme de vie est unique et mérite d’être respectée, quelle que soit son utilité pour l’homme », mais également que « la viabilité génétique de la terre ne sera pas compromise ; la population de chaque espèce, sauvage ou domestique, sera maintenue au moins à un niveau suffisant pour la survie, les habitants nécessaires à cette fin seront sauvegardés » et que « [c] es principes de conservation seront appliqués à toute partie de la surface du globe, terre ou mer, une protection spéciale sera accordée aux parties qui sont uniques, à des échantillons représentatifs de tous les différents types d’écosystèmes et aux habitants des espèces rares et menacées » (art. 1, §§ 2 et 3).

1. Voy. A.-Ch. Kiss et D. sheltoN, International environnemental law, New York, Transnational publishers Inc., 1991, p. 34.

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Les domaines de protection

A.

Les instruments régionaux

94. Afrique. La Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, adoptée à Alger le 15 septembre 1968 par les États membres de l’O.U.A., fait figure de précurseur. Elle est entrée en vigueur le 16 juin 1969 et assurait la promotion de l’approche intégrée « avant l’heure », notamment grâce à la vision globale et à la perspective d’ensemble qui y sont adoptées. Cet instrument est alors une convention régionale de portée générale en matière de protection de la nature et des ressources naturelles et qui régit tous les aspects de la conservation de la faune et de la flore2. Elle a été révisée par la Convention de Maputo adoptée le 11 juillet 20033, mais qui n’est pas encore en vigueur4. Cette architecture conventionnelle est complétée par la Convention relative à la coopération en matière de protection et de mise en œuvre du milieu marin et des zones côtières de la région de l’Afrique de l’Ouest et centrale, adoptée à Abidjan le 23 mars 1981 et entrée en vigueur en mai 1984. 95. Asie et Pacifique. La Convention d’Apia du 12 juin 1976 et la Convention de Nouméa du 24 novembre 1986 ont pour objet la protection de la nature dans le Pacifique sud. Dans le même sens, la faune et la flore de l’Asie du Sudest sont protégées par la Convention de Kuala Lumpur du 9 juillet 1985 sur la conservation de la nature et des ressources naturelles dans le Sud-Est asiatique. 96. Europe. Pour l’Europe, c’est la Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation vie sauvage et au milieu naturel qui offre le cadre général de la protection de la faune et de la flore. La Convention de Salzbourg du 7 décembre 1991 vient le compléter pour la zone alpine. Le droit de l’UE doit également être souligné en vertu de son importance pour la conservation des espèces européennes, notamment en matière d’habitats naturels et d’oiseaux sauvages. Les directives Oiseaux5 et Habitat6 vont très tôt instaurer un régime de protection au sein des communautés. Ce régime sera complété par la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages qui met en place un régime général interdisant les pratiques représentant un danger pour la conservation des espèces d’oiseaux. Elle prévoit la désignation de zones de protection spé-

2. M.-A. MeKouar et S. DouMbe-bille, « La Convention africaine révisée sur la conservation de la nature et des ressources naturelles : un cadre nouveau pour le développement intégré du droit de l’environnement en Afrique », in Aspect contemporain du droit de l’environnement en Afrique de l’Ouest et centrale (L. graNier dir.), Gland, U.I.C.N., 2008, pp. 197-212. 3. S. DouMbé-billé, « La nouvelle Convention africaine de Maputo sur la conservation de la nature et des ressources naturelles », RJE, 2005/1, pp. 5-17. 4. Elle n’entrera en vigueur qu’après le dépôt du 15e instrument de ratification (l’UA recense pour l’instant 8 États Parties). 5. Dir. 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, modif. pour la dernière fois par la Dir. 2006/105/CE de janvier 2007. 6. Dir. 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, modif. pour la dernière fois par la Dir. 2006/105/CE de janvier 2007.


La protection sectorielle

ciale (Z.P.S.)7 en faveur des oiseaux en danger et des oiseaux migrateurs ainsi que des mesures de protection et de gestion des habitats.

B.

Les instruments universels

97. Convention de l’UNESCO du 23 novembre 1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. D’après son article 2, le patrimoine naturel est composé des monuments naturels « constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique » ; « des formations géologiques et physiographiques et les zones strictement délimitées constituant l’habitat d’espèces animale et végétale menacées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation », et des « sites naturels ou les zones naturelles strictement délimitées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science, de la conservation ou de la beauté naturelle ». Les 190 États parties ont l’obligation d’assurer « l’identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patrimoine culturel et naturel » (art. 4). 98. Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction (CITES) du 3 mars 1973. Elle est le premier instrument international qui ait façonné un régime élaboré et global d’autorisations et de contrôle du commerce international des espèces inscrites à ses annexes (annexe I : espèces menacées d’extinction qui sont ou pourraient être affectées par le commerce ; annexe II : espèces vulnérables ; annexe III : espèces qu’un État partie déclare soumises à une réglementation ayant pour but d’empêcher ou de restreindre leur exploitation et nécessitant la coopération des autres États parties pour contrôler leur commerce). Le régime instauré vise à soumettre l’exportation, l’importation ou la mise en vente des espèces à la délivrance et la présentation préalables d’un permis d’exportation. Les conditions que doit remplir ce permis sont prévues par les articles III à V et sont plus ou moins strictes selon l’annexe concernée. Elle prévoit des mécanismes précis pour empêcher le commerce de ces espèces. Par exemple, la Convention impose aux Parties de prendre les mesures appropriées en vue de la mise en application de ses dispositions notamment pour interdire le commerce de spécimens en violation de ses dispositions en adoptant « des sanctions pénales frappant soit le commerce, soit la détention de tels spécimens, ou les deux » et « la confiscation ou le renvoi à l’État d’exportation de tels spécimens » (art. VIII, § 1). C’est, entre autres, sur la base de la violation des obligations issues de la CITES que l’Australie a saisi la Cour internationale de justice contre le programme de chasse à la baleine du Japon (C.I.J., aff. pend. Chasse à la baleine dans l’Antarctique, (Australie c. Japon) requête introductive d’instance enregistrée au greffe de la Cour le 31 mai 2010, § 38). 7. Les zones de protection spéciales (Z.P.S.) forment avec les zones spéciales de conservation (Z.S.C.) de la dir. Habitats (92/43/CEE) le réseau européen Natura 2000 des sites écologiques protégés.

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Les domaines de protection

99. Le texte de la CITES a été amendé en 1983 à Gaborone afin de permettre à des organisations d’intégration économique régionales de devenir parties à la Convention. Cet amendement concerne principalement l’Union européenne. La position communautaire au sein des conférences de la CITES est toujours représentée par les États membres de l’UE, mais agissant conjointement dans le cadre d’une position fixée par le Conseil. La mise en œuvre par l’UE de la CITES est assurée par le Règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce, modifié par Règlement (CE) n° 398/2009 du 10 juin 2009. Il transcrit les dispositions de la Convention dans le droit de l’Union et assure la protection et la conservation des espèces animales et végétales sauvages menacées d’extinction, par le biais du contrôle du commerce de ces espèces en établissant des conditions pour leur importation, leur exportation ou réexportation et leur circulation au sein de l’Union européenne.

§ 2 Les eaux continentales Pour aller plus loin : A. gervais, « L’affaire Lac Lanoux », AFDI, vol. 3, 1957, pp. 178180. V. richarD et E. truilhe-marengo, « La coopération sur un fleuve partagé, l’anticipation des risques environnementaux et la C.I.J. : un pas en avant deux pas en arrière », Bull.dr. env. industr., 13 décembre 2011, pp. 1-4. P. WojciKeWicz almeiDa, « L’affaire des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay vers le développement économique durable », Passage de Paris, éd. sp., 2009, pp. 71-88. M. Dubuy et Ph. WecKel, « Arrêt du 20 avril 2010, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay », Chronique de jurisprudence internationale RGDIP, pp. 631-650 ; M. Fitzmaurice, « Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay » HJJ, vol. 2 n° 1, 2007. A.P. lester, « River pollution in International Law », AJIL, 1963, pp. 828-853. A. Kiss et P. lambrecht, « La lutte contre la pollution de l’eau en Europe occidentale », AFDI, 1969, pp. 718-736. J. salmon, « La pollution des fleuves et des lacs et le droit international », Ann. IDI, 1979, I, pp. 193-380. H.E.J. sette camara, « Pollution of International Rivers », RCADI, 1984, vol. 186, pp. 117-218. I. romy, Les pollutions transfrontières des eaux. L’exemple du Rhin, Lausanne, Payot, 1990. J.G. polaKieWsicz, « La responsabilité de l’État en matière de pollution des eaux fluviales ou souterraines internationales », JDI, 1991, pp. 283-347. L. boisson De chazournes et S.M.A. salman (dir.), Les ressources en eau et le droit international, ADI, Leiden, Martinus Nijhoff, 2005.

100. Le développement d’un arsenal juridique relativement complet en matière d’eaux continentales, notamment de cours d’eau internationaux s’explique par leur importance cruciale pour l’humanité au regard de la gestion des ressources en eau, mais également au regard de la navigation. Depuis le Congrès de Vienne de 1815, le principe de leur ouverture à la navigation internationale en faveur des États riverains comme des États tiers a été constamment affirmé, notamment par la jurisprudence de la C.P.J.I. (Avis n° 14 sur La Commission européenne du Danube, 1927, et arrêt n° 16, Commission internationale de l’Oder, 1929). C’est pour organiser cette navigation internationale que certaines des plus anciennes institutions internationales comme la Com-


La protection sectorielle

mission européenne du Danube ou la Commission centrale du Rhin ont vu le jour. La diversification des utilisations des eaux douces a fait naître de graves problèmes, notamment au regard de la qualité des eaux, bien souvent utilisées pour alimenter les populations en eau potable. Le développement du droit international applicable aux cours d’eau s’explique également par le fait que près de la moitié des bassins fluviaux sont communs à au moins deux pays. Additionné à la diversification exponentielle des usages des cours d’eau internationaux, ce constat met clairement en avant la nécessité d’une coopération accrue entre États riverains. Un cours d’eau est défini comme « un réseau d’eaux de surface et d’eaux souterraines constituant, en raison de leur relation physique, un tout unitaire et s’écoulant normalement vers une embouchure commune » (art. 2 de la Convention du 21 mai 1997 sur le droit de l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation8). Il est « international » lorsqu’il s’étend sur le territoire d’au moins deux États. La réglementation relative aux cours d’eau internationaux concerne alors les fleuves, mais également leurs réseaux souterrains ainsi que les lacs9. Le droit international s’est développé pour conférer à ces étendues d’eau douce un régime juridique. Ce développement s’est principalement fait dans deux directions : les règles qui régissent l’utilisation des ressources en eau douce et celles qui les protègent de la pollution. Les deux éléments sont néanmoins liés puisque la pollution chimique, thermique ou encore sanitaire des cours d’eau internationaux pose la question des règles qui encadrent leur utilisation par les États.

A.

Les principes régissant l’utilisation des cours d’eau internationaux

a)

Utilisation équitable et raisonnable

La doctrine « Harmon », du nom de son créateur, Judson Harmon, Attorney General auprès de la Cour Suprême des États-Unis, a, pendant un temps, soutenu l’idée de la souveraineté territoriale absolue. Selon cette théorie, un État en amont d’un fleuve international pouvait l’utiliser à sa guise, voire même le détourner. Cette position, défendue le 12 décembre 1895 dans le cadre de l’affaire du Rio Grande qui opposait le Mexique aux États-Unis, était fondée sur la décision rendue par la Cour Suprême dans l’affaire The Schooner Exchange v. McFaddon selon laquelle : « [t]he jurisdiction of the nation, within its own territory, is necessarily exclusive and absolute; it is susceptible of no limitation, not imposed by itself » (voy. supra, § 9). Malgré un certain succès, cette doctrine a été tenue en échec par le principe de la communauté d’intérêts des États riverains, consacrée par la sentence arbitrale dans l’affaire Lac Lanoux. D’autres 8. Pour un comm., L. CalFisCh, « La convention du 21 mai 1997 sur l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation », AFDI, 1997. pp. 751-798. 9. J. salMoN, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 637.

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Les domaines de protection

théories ont pu être invoquées par les États, notamment celle de la liberté illimitée de navigation qui assimile les cours d’eau internationaux à la mer, ou encore la théorie de l’intégrité territoriale absolue qui confère à l’État d’aval un droit de veto10. Mais c’est bien la théorie de la souveraineté ou intégrité territoriale limitée qui semble avoir prévalu en matière de droit international des fleuves internationaux. Elle implique une communauté d’intérêts des États riverains qui doivent partager les ressources du fleuve et ses utilisations. Les États conservent néanmoins leur souveraineté, comme le rappelle la Cour internationale de justice dans l’affaire Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes, du 13 juillet 2009 : « une juridiction qui examine le caractère raisonnable d’une réglementation doit reconnaître que c’est à l’autorité de réglementation, en l’occurrence à l’État qui jouit de la souveraineté sur le fleuve, que revient la responsabilité principale d’apprécier la nécessité de réglementer et, en se fondant sur sa connaissance de la situation, de retenir à cette fin la mesure qu’il estime la plus appropriée. Il ne suffit pas, pour contester une réglementation, d’affirmer en termes généraux qu’elle est déraisonnable ; pour qu’une juridiction fasse droit à une telle contestation, des faits concrets et spécifiques doivent lui être présentés ». 101. L’État riverain peut alors faire usage de la partie du fleuve qui se situe sur son territoire aussi longtemps qu’il ne cause pas de préjudice important aux intérêts d’un autre État riverain. En ce sens, dans l’affaire Dérivation des eaux de la Meuse de 1937, la Cour permanente affirmait que « les eaux de rivières ne doivent pas être utilisés de manière à causer un préjudice à d’autres États et en l’absence de toute réglementation réglé à une solution équitable doit être recherchée ». Les cours d’eau internationaux sont alors soumis à la règle de l’utilisation non dommageable du territoire issu de la sentence arbitrale Fonderie de Trail et de l’affaire Détroit de Corfou11. 102. Cette règle sera consolidée par la jurisprudence récente, notamment celle de la Cour internationale de justice dans l’Affaire des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay. Elle sera également codifiée dans la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux, adoptée à Helsinki le 17 mars 1992 dans le cadre de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe. Cet instrument, entré en vigueur en 1995, pourrait bien s’étendre au-delà du strict cadre européen grâce à l’adoption, par la Conférence des parties réunie à Rome en 2012, d’un accord visant à étendre la Convention au niveau mondial. Son article 2 consacre le 10. Voy. L. CalFisCh, « Règles générales du droit des cours d’eau internationaux », RCADI, t. 219, 1989-VII, pp. 48 et s. 11. La Cour affirme « l’obligation pour tout État de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits d’autres États ». Dans l’Avis consultatif sur la licéité de l’arme nucléaire du 8 juillet 1996, la Cour rappelle que « l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à venir. L’obligation générale qu’ont les États de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l’environnement ».


La protection sectorielle

principe de l’utilisation raisonnable et équitable des eaux transfrontières, mais également d’autres grands principes du droit international de l’environnement applicables à la gestion des eaux douces : le principe de précaution (voy. Supra, §§ 79 et s.), le principe « pollueur-payeur » (voy. supra, § 81) ainsi que le principe du respect des générations futures (art. 2, al. 5). La Convention sera complétée par deux protocoles, l’un consacré à l’eau et la santé, signé à Londres le 17 juin 1999, l’autre consacré à la responsabilité civile et l’indemnisation en cas de dommages causés par les effets transfrontières d’accidents industriels sur les eaux transfrontières, adopté à Kiev en 2003. Le protocole sur l’eau et la santé contient une avancée importante vers la consécration d’un droit d’accès à l’eau potable. Il consacre en effet « l’accès de tous à l’eau potable » (art. 6 § 1.a) (voy. infra, § 170). Le principe est également codifié dans la Convention des Nations Unies de 1997. La Convention n’est pas encore en vigueur, mais représente la codification du droit coutumier par la Commission du droit international12. L’article 5 prévoit en effet que « les États du cours d’eau utilisent sur leurs territoires respectifs le cours d’eau international de manière équitable et raisonnable. En particulier, un cours d’eau international sera utilisé et mis en valeur par les États du cours d’eau en vue de parvenir à l’utilisation et aux avantages optimaux et durables, compte tenu des intérêts des États du cours d’eau concernés, compatibles avec les exigences d’une protection adéquate du cours d’eau ». Les États ont également le droit d’utiliser le cours d’eau et « le devoir de coopérer à sa protection et à sa mise en valeur ». La Convention de 1997 prévoit également une liste non exhaustive de facteurs à prendre en compte pour une utilisation équitable et raisonnable (art. 6). Ils contiennent : « a) les facteurs géographiques, hydrographiques, hydrologiques, climatiques, écologiques et autres facteurs de caractère naturel ; b) Les besoins économiques et sociaux des États du cours d’eau intéressés ; c) La population tributaire du cours d’eau dans chaque État du cours d’eau ; d) Les effets de l’utilisation ou des utilisations du cours d’eau dans un État du cours d’eau sur d’autres États du cours d’eau ; e) Les utilisations actuelles et potentielles du cours d’eau ; f) La conservation, la protection, la mise en valeur et l’économie dans l’utilisation des ressources en eau du cours d’eau ainsi que les coûts des mesures prises à cet effet ; g) L’existence d’autres options, de valeur comparable, susceptibles de remplacer une utilisation particulière, actuelle ou envisagée ». Cette règle sera également affirmée par la Convention Ramsar du 2 février 1971 relative aux zones humides. Elle consacre le principe dit du wise use, qui impose aux Parties d’élaborer et d’appliquer leurs plans d’aménagement « de façon à favoriser la conservation des zones humides inscrites sur la Liste et, autant que possible, l’utilisation rationnelle des zones humides de leur 12. La Résolution 2669 (XXV) du 8 décembre 1970 de l’Assemblée générale des Nations Unies demande à la C.D.I. de préparer un projet d’articles sur l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation. L’art. 36 de la Convention prévoit son entrée en vigueur à la suite de la 35e ratification. À ce jour, 29 ratifications ont eu lieu. Sur cette convention, voy. L. CalFisCh, « La convention du 21 mai 1997 sur l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation », loc. cit.

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Les domaines de protection

territoire »13. Dans le même sens, la Commission du droit international, dans le cadre de la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, affirme que « si les consultations [...] ne permettent pas d’aboutir à une solution concertée, l’État d’origine tient néanmoins compte des intérêts de l’État susceptible d’être affecté s’il décide d’autoriser la poursuite de l’activité »14.

b)

Obligation de ne pas causer un dommage important

103. Depuis 1966, l’International Law Association s’est penchée sur le droit régissant les eaux partagées non maritimes. L’aboutissement de ce travail a été l’adoption d’un Projet d’articles relatif aux rapports entre l’eau, d’autres ressources naturelles et l’environnement, adopté à Belgrade en 1980. Dans ce Projet, elle affirme qu’un État, en exploitant les eaux relevant de sa compétence, ne doit pas causer des « dommages substantiels » à d’autres États du bassin ou aux espaces soustraits à l’appropriation nationale. Cette idée a été reprise en codifiée par la C.D.I. au sein de l’article 7 de la Convention de 1997 qui prévoit que lorsqu’ils utilisent un cours d’eau international sur leur territoire, « les États du cours d’eau prennent toutes les mesures appropriées pour ne pas causer de dommages significatifs aux autres États du cours d’eau ». Dans le cas contraire, une indemnisation est prévue (art. 7, § 2).

c)

Obligation générale de coopérer

104. Le tribunal arbitral, dans l’affaire Lac Lanoux qui opposa la France et l’Espagne, avait déjà affirmé l’existence d’une obligation de négocier pour deux États voisins. La négociation devait également avoir lieu antérieurement à l’entreprise par l’un d’entre eux d’une action susceptible d’avoir des conséquences dommageables sur le territoire de l’autre État. La Cour permanente avait déjà affirmé, dans l’affaire Juridiction territoriale de la Commission internationale de l’Oder de 1929 que « [la communauté] d’intérêts sur un fleuve navigable devient la base d’un cadre juridique de droit commun, les caractéristiques essentielles qui sont la parfaite égalité de tous les États riverains de l’utilisateur de tout le cours du fleuve et de l’exclusion de tout privilège de tout État riverain les uns par rapport aux autres ». L’article 2, alinéa 6, de la Convention d’Helsinki et l’article 8 de la Convention de 1997 reprennent cette obligation de coopération, en imposant aux États riverains de coopérer « sur la base de l’égalité souveraine, de l’intégrité territoriale, de l’avantage mutuel et de la bonne foi en vue de parvenir à l’utilisation optimale et à la protection adéquate du cours d’eau international » (art. 8 de

13. Convention relative aux zones humides d’importance internationale, Ramsar, 2 février 1971, telle qu’amendée par le protocole du 3 décembre 1982 et les amendements de Regina du 28 mai 1987, art. 3, § 1. 14. Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II, 2e part., en partic. art. 9, al. 3.


La protection sectorielle

la Convention de 1997). À cette fin, et pour arrêter les modalités de cette coopération, les États peuvent, s’ils le jugent nécessaire, créer « des mécanismes ou commissions mixtes en vue de faciliter la coopération touchant les mesures et procédures appropriées compte tenu de l’expérience acquise à la faveur de la coopération dans le cadre des mécanismes » (art. 8, § 2). Pour ce faire, les États doivent se soumettre à un échange régulier de données et informations (art. 9 de la Convention de 1997, et 6 de la Convention d’Helsinki). L’obligation de coopération pour la gestion des fleuves internationaux partagés a été confirmée par Cour internationale de justice dans l’affaire Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (§ 281)15.

B.

Les règles relatives à la prévention, réduction et maîtrise de la pollution

105. La pollution d’un cours d’eau international est définie comme « toute altération nuisible à la composition ou à la qualité des eaux d’un cours d’eau international, qui résulte directement ou indirectement d’une activité humaine » (art. 21, § 1). Le droit international de l’environnement prévoit des obligations de prévention à la charge des États en matière de pollution des cours d’eau internationaux. La Cour internationale de justice, dans l’affaire Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, a reconnu la valeur coutumière de l’obligation de réaliser des études d’impact dans le cadre des ressources partagées. En effet, selon la Cour, « l’obligation de protéger et de préserver, énoncée à l’alinéa a) de l’article 41 du statut, doit être interprétée conformément à une pratique acceptée si largement par les États ces dernières années que l’on peut désormais considérer qu’il existe, en droit international général, une obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement lorsque l’activité industrielle projetée risque d’avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée » (§ 204). Cette obligation a été confirmée par le T.I.D.M. dans son avis consultatif du 1er février 2011, Responsabilités et obligations des États qui patronnent des personnes et entités dans le cadre d’activités menées dans la zone (aff. n° 17). Au-delà de ces études d’impact, la Cour internationale de justice a dégagé un principe général de prévention en matière environnementale. L’on retrouve cette idée depuis l’affaire Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Il a été réaffirmé et appliqué aux cours d’eau internationaux par l’affaire Usines de pâte à papier. 106. La partie 4 de la Convention de 1997 revient sur les obligations générales de l’État riverain, notamment dans son article 20. Il précise que les États riverains d’un cours d’eau international « protègent et préservent les écosystèmes des cours d’eau internationaux ». Ils doivent alors prévenir, réduire 15. Pour la Cour, cette obligation de coopération découle, dans ce cas, du Statut de 1975 régissant le fleuve Uruguay.

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Les domaines de protection

et contrôler la pollution d’un cours d’eau international qui pourrait causer un dommage important aux autres États de cours d’eau, à leur environnement, ou à la santé humaine ou à la sécurité, à l’utilisation des eaux pour tout objectif bénéficiaire ou des composantes vivantes du cours d’eau (art. 21). À retenir : SA, 1956, affaire Lac Lanoux, France c. Espagne : « Le tribunal est d’avis que l’État d’amont a, d’après les règles de la bonne foi, l’obligation de prendre en considération les différents intérêts en présence, de chercher à leur donner toutes les satisfactions compatibles avec la poursuite de ses propres intérêts et de montrer qu’il a, à ce sujet, un souci réel de concilier les intérêts de l’autre riverain avec les siens propres », p. 315. C.I.J., affaire Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, 20 avril 2010 : 101. La Cour observe que le principe de prévention, en tant que règle coutumière, trouve son origine dans la diligence requise (due diligence) de l’État sur son territoire. Il s’agit de « l’obligation, pour tout État, de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits d’autres États » (Détroit de Corfou, RoyaumeUni c. Albanie), fond, arrêt, Rec. C.I.J., 1949, p. 22). En effet, l’État est tenu de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités qui se déroulent sur son territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction ne causent un préjudice sensible à l’environnement d’un autre État. La Cour a établi que cette obligation « fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l’environnement » (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, Rec. C.I.J., 1996 (I), p. 242, § 29).

§ 3 L’environnement marin Pour aller plus loin : L. lucchini, « Le renforcement du dispositif conventionnel de lutte contre la pollution des mers », JDI, 1974, pp. 755-793. Id., « La lutte contre la pollution des mers : évolution ou révolution du droit international », AFDI, 1978, pp. 721-754. A.-Ch. Kiss, « Récents traités internationaux concernant la pollution de la mer », AFDI, 1976, pp. 720-742. P.-M. Dupuy, « La préservation du milieu marin », in Traité du nouveau droit de la mer (R.-J. Dupuy et D. vignes dir.), Paris, Economica, Bruxelles, Bruylant, 1985, pp. 979-1045. M. Déjeant-pons, La Méditerranée en droit international de l’environnement, Paris, Economica, 1990. M. alicon, La protection de l’environnement marin par les Nations Unies ; Programme d’Activités pour les mers régionales, Publications du CNEXO, Rapports économiques et juridiques, n° 9, 1981. W. graF vitzthum et C. imperiali (dir.), La protection régionale de l’environnement marin : Approche européenne, Paris, Economica, 1992. J.-Cl. lacaze, La pollution des mers, Paris, Dominos Flammarion, 1996. a. assemboni-ogunjimi, « Le contentieux de l’environnement marin devant le Tribunal International du Droit de la Mer », REDE, n° 3/2004, pp. 255-265. J. beergabel, « Conventions régionales relatives à la lutte contre la pollution des mers : Panorama des conventions régionales », Jurisclasseur Environnement, 12 juillet 1999, version CD-ROM remise à jour de janvier 2004, Fasc. 632. M. Dejeant-pons, « Les conventions du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, relatives aux mers régionales », AFDI, 1987, p. 689-718 ; Cl. Douay, « Le droit de la mer et préservation du milieu marin », Rev. gén. dr. intern. publ., nouv. sér., n° 39.


La protection sectorielle

107. Les activités humaines en mer génèrent de nombreuses nuisances pour le milieu marin, notamment dues aux activités économiques qui s’y déroulent : exploitation des ressources naturelles, pêche, transport, etc. Mais la mer est également « l’exutoire final de tous les déversements humains et naturels »16. Dès les années 1950, les effets de la pollution de la mer se font sentir sur les littoraux, mais ce sont principalement les grands accidents du Torrey Canyon (1967) de l’Amoco Cadiz (1978) ou de l’Exxon-Valdez (1989) qui vont alerter la Communauté internationale et déclencher l’adoption d’instruments juridiques pour prévenir et combattre la pollution des mers.

A.

Le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer

108. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982, est l’aboutissement de près de dix ans de négociations au sein de la troisième conférence des Nations unies sur le droit de la mer. Elle est considérée comme la « constitution des océans » et aborde l’ensemble des problématiques liées à la mer, y compris celles environnementales, telles que la lutte contre les pollutions et la conservation des ressources biologiques de la mer.

a)

La lutte générale contre les pollutions

109. La pollution des mers est définie par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer comme « l’introduction directe ou indirecte, par l’homme, de substances ou d’énergie dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu’elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques et à la faune et la flore marines, risques pour la santé de l’homme, entrave aux activités maritimes, y compris la pêche et les autres utilisations légitimes de la mer, altération de la qualité de l’eau de mer du point de vue de son utilisation et dégradation des valeurs d’agrément » (art. 1, § 4). La Déclaration de Stockholm de 1972 avait déjà abordé ces questions de la lutte globale contre la pollution des mers (voy. not. Recomm. 55, 86 à 94). L’Agenda 21, adopté à la suite de la Conférence de Rio de 1992, y consacre également son chapitre 17, en proposant des principes et des moyens techniques de protection des zones côtières et du milieu marin en général, mais c’est surtout la Convention de 1982 qui pose un cadre général applicable aux espaces marins. 110. Obligation générale de protéger le milieu marin. La Partie XII de la Convention de 1982 est consacrée à la protection et à la préservation du milieu marin. Le premier article de cette partie consacre l’obligation à la charge des États « de protéger et de préserver le milieu marin » (art. 192). La Partie offre un cadre juridique global de lutte contre toutes les formes de pollution du milieu 16. Voy. A.-Ch. Kiss et J.-P. beurier, Droit international de l’environnement, op. cit, p. 203.

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Les domaines de protection

marin, pollution tellurique, pollution résultant des activités relatives aux fonds marins (relevant de la juridiction nationale ou de la zone internationale des fonds marins), pollution par immersion, pollution d’origine atmosphérique ou transatmosphérique ou encore pollution par les navires. L’obligation générale de protéger le milieu marin est assortie d’une obligation de coopérer, considérée par le T.I.D.M. comme « un principe fondamental en matière de prévention de la pollution du milieu marin » conformément à l’article 290 de la Convention (T.I.D.M., aff. Usine Mox, Ord. du 3 décembre 2001, § 82). 111. Obligations de l’État du pavillon. La Convention maintient la compétence de l’État du pavillon sur les navires battant leur pavillon ou immatriculés par eux. Il doit s’assurer qu’ils « respectent les règles et normes internationales applicables, ainsi que les lois et règlements qu’ils ont adoptés conformément à la Convention afin de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires et ils adoptent les lois et règlements et prennent les mesures nécessaires pour leur donner effet. L’État du pavillon veille à ce que ces règles, normes, lois et règlements soient effectivement appliqués, quel que soit le lieu de l’infraction » (art. 217, § 1). Il est également tenu de mener une enquête en cas d’infraction et de prévoir des sanctions « suffisamment rigoureuses pour décourager les infractions en quelque lieu que ce soit » (art. 217, § 8). 112. Compétence renforcée de l’État côtier. L’une des grandes avancées de la Convention de Montego Bay est de renforcer la compétence de l’État côtier dans ses eaux territoriales, mais également dans sa zone économique exclusive (art. 211, § 5). L’article 220 de la Convention accorde à l’État côtier des pouvoirs de police en matière de pollution dans ces zones. Ces pouvoirs ne concernent néanmoins pas les navires de guerre. La Convention consacre également la notion naissante d’État du port et lui confère, en matière environnementale des compétences sur les navires se trouvant dans ses ports ou installations portuaires au large (art. 218).

b)

La conservation des ressources naturelles de la mer

113. La Partie V de la Convention de Montego Bay, consacrée à la zone économique exclusive, contient de nombreuses dispositions relatives à la conservation des ressources biologiques de la haute mer. L’article 61 pose les principes généraux applicables, il dispose notamment que « l’État côtier, compte tenu des données scientifiques les plus fiables dont il dispose, prend des mesures appropriées de conservation et de gestion pour éviter que le maintien des ressources biologiques de sa zone économique exclusive ne soit compromis par une surexploitation. L’État côtier et les organisations internationales compétentes, sousrégionales, régionales ou mondiales, coopèrent selon qu’il convient à cette fin ». Des régimes spécifiques sont prévus pour certains types de poissons tels que les grands migrateurs (art. 64), les mammifères marins (art. 65), les stocks de poisson anadromes (art. 66), les espèces catadromes (art. 67), les espèces sédentaires (art. 68) ou encore les stocks chevauchants (art. 63). Cette dernière catégorie fera l’objet d’un accord ultérieur adopté à New York le 4 août 1995 (Accord aux fins de l’application des dispositions de la Convention des Nations


La protection sectorielle

Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs). L’État côtier est doté, dans sa zone économique exclusive de pouvoirs de police en matière de conservation des ressources biologiques. Il peut alors « prendre toutes mesures, y compris l’arraisonnement, l’inspection, la saisie et l’introduction d’une instance judiciaire, qui sont nécessaires pour assurer le respect des lois et règlements qu’il a adoptés conformément à la Convention » (art. 73).

B.

La protection des mers régionales

a)

Le programme des mers régionales du P.N.U.E.

114. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement17 a lancé, en 1974, sous l’impulsion de la Conférence de Stockholm de 1972, un programme pour les mers régionales. Ce programme a connu un grand succès puisque 143 États participent à un ou plusieurs des 13 programmes régionaux. Le P.N.U.E. offre un cadre pour la coopération des États de la région en matière de préservation de l’environnement marin. Il œuvre pour l’adoption d’instruments juridiques contraignants. Le premier traité régional conclu dans ce cadre a concerné la mer Méditerranée. La Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, adoptée à Barcelone le 16 février 197618, marque le début d’une longue liste de conventions régionales. Suivirent ainsi la Convention régionale pour la coopération en vue de la protection du milieu marin contre la pollution adoptée au Koweït le 24 avril 1978 (golfe Persique), la Convention pour la protection de l’environnement marin et la zone côtière du Pacifique sud-est, Lima, 12 novembre 1981, la Convention relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones côtières, Abidjan, 23 mars 1981 (Afrique de l’Ouest et du Centre), la Convention régionale pour la conservation de l’environnement de la mer Rouge et du golfe d’Aden, Djeddah, 14 février 1982, la Convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes, Cartagena de Indias, 24 mars 1983, la Convention pour la protection, la gestion et la mise en valeur du milieu marin et côtier de la région de l’océan Indien occidental, Nairobi, 21 juin 1985, la Convention pour la protection des ressources naturelles et de l’environnement dans la région du Pacifique sud, Nouméa, 25 novembre 1986, la Convention sur la protection de la mer Noire contre la pollution de Bucarest du 21 avril 1992 et la Convention pour la coopération, la protection et le développement durable de l’environnement marin et côtier du Pacifique nord-est,

17. M. DejeaNt-PoNs, « Les conventions du Programme des Nations Unies pour l’environnement relatives aux mers régionales », AFDI, 1987, pp. 689-718. 18. La Convention est révisée le 10 juin 1995 et complétée par 8 protocoles, ce qui en fait le système régional le plus poussé.

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Les domaines de protection

Antigua, 18 février 2002. Ces conventions mettent en place un système d’aires protégées et de lutte contre les pollutions.

b)

Les autres accords régionaux

115. Les zones de l’Antarctique, de la mer Baltique, de la mer Caspienne et du nord-est Atlantique ont développé une coopération internationale et mis en place des instruments juridiques en dehors des structures du P.N.U.E., mais travaillent désormais en étroite collaboration. Les plus anciennes sont les Conventions d’Oslo de 1972 et de Paris de 1974 pour l’Atlantique nord-est qui ont débouché sur l’adoption de la Convention OSPAR en 1992. La mer Baltique a également fait l’objet d’une réglementation rapidement, avec l’adoption, dès le 22 mars 1974 à Helsinki, de la Convention pour la protection du milieu marin de la mer Baltique, révisée en 1992. Sa mise en œuvre est assurée par la Commission HELCOM basée à Helsinki. Elle est une convention transversale, à l’instar de la Convention OSPAR et traite à la fois des pollutions telluriques et par immersion. Pour l’Antarctique, il s’agit de la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique, adoptée à Canberra le 20 mai 1980, tandis-ce que la Convention de Téhéran offre un cadre juridique à la conservation de la mer Caspienne. Officiellement dénommée Convention cadre sur la protection de l’environnement de la mer Caspienne, elle est adoptée le 4 novembre 2003 et entrée en vigueur le 12 août 2006.

C.

La protection contre les différentes formes de pollution

116. La pollution des mers est due à plus de 80 % à des activités terrestres (54 % due à des produits venant des terres ; 33 % à des produits venant de l’atmosphère). La part de la pollution causée par les activités maritimes, que ce soit le transport ou encore la production de pétrole en mer est alors très faible. C’est pourtant celle-là qui fait l’objet de la plus abondante réglementation internationale.

a)

La pollution due à l’exploitation de la mer par les navires

117. La Convention de Londres du 12 mai 1954, plus communément appelée Convention OILPOL, ou Convention internationale pour la prévention de la pollution de la mer par les hydrocarbures, est l’un des plus anciens textes internationaux sur le droit de l’environnement marin. Elle sera suivie par de nombreux instruments internationaux qui tentent d’encadrer la gestion des risques encourus par le milieu marin du fait de l’activité de navigation. Par exemple, à la suite de l’accident du Torrey Canyon, la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures a été adoptée. Elle autorise l’intervention de l’État côtier en haute mer pour prendre « les


La protection sectorielle

mesures nécessaires pour prévenir, atténuer ou éliminer les dangers graves et imminents que présentent pour leurs côtes ou intérêts connexes une pollution ou une menace de pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures ». Ces conventions font figure de précurseurs, mais ce sont principalement les Conventions MARPOL de 1973 et SOLAS de 1973, adoptées dans le cadre de l’Organisation maritime internationale, qui fixent le régime juridique universel de la lutte contre la pollution causée par les navires. 118. La Convention pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL). Adoptée à Londres le 2 novembre 1973, la Convention MARPOL avait pour objectif premier de remplacer la Convention OILPOL, dépassée et trop peu contraignante, mais également de fixer un cadre universel largement applicable. La Convention vise alors tous les navires, même ceux à effet de surface, tous les submersibles, tous les engins flottants et les plateformes fixes ou mobiles. Elle a pour objectif d’éliminer la pollution intentionnelle par le déversement de rejets de substances nuisibles, mais également de minimiser la pollution accidentelle en imposant aux États d’inspecter les navires battant son pavillon et un renforcement des contrôles et de la sécurité à bord. MARPOL n’exclut que les navires utilisés à des fins non commerciales comme les navires de guerre, et les opérations d’immersion faisant l’objet d’un autre régime juridique (voy. infra, § 123). Elle s’applique alors à toute autre forme de « rejet », à savoir tout déversement, qu’il soit dû à une fuite, une évacuation, un écoulement, un déchargement par pompage ou vidange ou encore le jet ou la chute de matières solides (art. 2, al. 3). La Convention, dont les annexes techniques sont régulièrement modifiées, sera complétée par deux protocoles additionnels en 1978 et en 1997. 119. La Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) et la Convention sur le Règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREG). Adoptées à Londres le 1er novembre 1974 et le 20 octobre 1972, ces conventions forment un ensemble cohérent qui a permis de prévenir les pollutions accidentelles. La Convention SOLAS a pour but d’améliorer la sécurité maritime par l’adoption de règles très techniques en matière de construction, d’équipement et de fonctionnement des navires, en particulier pour le transport de marchandises dangereuses (Chap. VII). 120. Le droit de l’Union européenne. La directive 2000/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2000 sur les installations de réception portuaires pour les déchets d’exploitation des navires et les résidus de cargaison19 améliore la disponibilité et l’utilisation des installations de réception portuaires destinées aux déchets d’exploitation et aux résidus de cargaison, afin de protéger davantage le milieu marin contre la pollution par les navires.

19. La Dir. a été modifiée par la Dir. 2002/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 et par le Règl. (CE) n° 1137/2008 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 portant adaptation à la Déc. 1999/468/CE du Conseil de certains actes soumis à la procédure visée à l’art. 251 du traité, en ce qui concerne la procédure de réglementation avec contrôle.

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Les domaines de protection

b)

La pollution par immersion de déchets

121. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 définit « l’immersion » comme « tout déversement délibéré de déchets ou autres matières, à partir de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages placés en mer ou tout sabordage en mer de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages » (art. 1, § 5). La limitation de l’immersion de déchets en mer sera amorcée par l’adoption de la Convention régionale du 15 février 1972 pour la prévention de la pollution des mers par les opérations d’immersion. Elle sera rapidement suivie de la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets du 29 décembre 1972, en vigueur depuis le 30 août 1975. Elle s’applique aux déchets ne provenant pas de l’exploitation de ressources marines ou de l’exploitation d’un navire. Elle se fonde sur un système de classification des substances, réparties au sein de deux annexes. Les produits figurant à l’annexe I sont interdits de déversement tandis-ce que les produits figurant à l’annexe II nécessitent l’obtention d’un permis pour être immergés. L’immersion de produits radioactifs a été totalement interdite par le Protocole de Londres du 7 décembre 1996 et l’incinération de déchets toxiques en mer par le Protocole du 2 mars 1983. L’article 210 de la Convention de Montego Bay ne revient pas sur ce régime, mais se contente d’affirmer les principes généraux applicables en imposant aux États d’adopter des lois et règlements afin de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par immersion et en rappelant que « l’immersion dans la mer territoriale et la Zone économique exclusive ou sur le plateau continental ne peut avoir lieu sans l’accord préalable exprès de l’État côtier ; celui-ci a le droit d’autoriser, de réglementer et de contrôler cette immersion, après avoir dûment examiné la question avec les autres États pour lesquels, du fait de leur situation géographique, cette immersion peut avoir des effets préjudiciables ».

c)

La pollution d’origine tellurique et atmosphérique

122. La Convention de Montego Bay invite les États à adopter « des lois et règlements pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin d’origine tellurique, y compris la pollution provenant des fleuves, rivières, estuaires, pipelines et installations de décharge, en tenant compte des règles et des normes, ainsi que des pratiques et procédures recommandées » (art. 207, § 1). Une disposition similaire vise la pollution atmosphérique ou transatmosphérique (art. 212, § 1). 123. Convention OSPAR. Ici, c’est le droit régional qui, une fois de plus, est le moteur de la réglementation, et plus particulièrement la zone nord-est Atlantique. La Convention sur la prévention de la pollution marine d’origine tellurique adoptée à Paris le 4 juin 1974 établit un système de surveillance continue et impose aux Parties de ne pas augmenter la pollution tellurique,


La protection sectorielle

mais également de la réduire (art. 4), notamment celle causée par les substances visées à l’annexe A, comme le mercure ou les huiles persistantes. La Convention de Paris de 1974 et celle d’Oslo de 1972 consacrées aux opérations d’immersion ont fusionné au sein de la Convention dite OSPAR pour la prévention de la pollution marine de l’Atlantique nord-est, en vigueur depuis mars 1995. La Convention comprend 5 annexes couvrant les sources de pollution à la fois tellurique et par immersion et institue une commission unique OSPARCOM pour la gestion et la surveillance de la zone. Les autres commissions régionales semblent suivre progressivement ce modèle. À retenir : Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 10 décembre 1982 : article 192 : « Les États ont l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin ».

§ 4 L’air Pour aller plus loin : A.-Ch. Kiss, « Du nouveau dans l’air : des “pluies acides” à la couche d’ozone », AFDI, 1985, pp. 812-822. Id., « La protection de l’atmosphère. Un exemple de mondialisation des problèmes », AFDI, 1988, pp. 701-708 ; D.D. caron, « La protection de la couche d’ozone stratosphérique », AFDI, 1990, pp. 704-726 ; D. Kaniaru, The Montreal Protocol: Celebrating 20 years of Environmental Progress: Ozone Layer and Climate Protection, Londres, Cameron May, 2007.

124. L’expression « pollution atmosphérique transfrontière à longue distance » désigne la pollution atmosphérique « dont la source physique est comprise totalement ou en partie dans une zone soumise à la juridiction nationale d’un État et qui exerce des effets dommageables dans une zone soumise à la juridiction d’un autre État à une distance telle qu’il n’est généralement pas possible de distinguer les apports des sources individuelles ou groupes de sources d’émission » (Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, Genève, 13 novembre 1979, art. 1).

A.

Espace de transit des pollutions

125. Dans l’approche classique, l’air est un lieu de transit des pollutions. À ce titre, il a fait l’objet de réglementations pour éviter que les substances polluantes ne se transfèrent d’un État à un autre par ce biais. C’est d’ailleurs un cas de pollution atmosphérique transfrontière qui a donné lieu à l’affaire Fonderie de Trail, qui affirme le principe de l’utilisation non dommageable du territoire. C’est sur ce principe fondateur que repose alors le droit classique de la pollution atmosphérique transfrontière.

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Les domaines de protection

L’arsenal juridique va être renforcé par l’adoption de conventions relatives à l’atmosphère, comme la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, adoptée à Genève le 13 novembre 1979. La Convention ne met à la charge des États que des obligations de consultation et d’information, mais constitue tout de même un cadre pour la coopération. L’article 2 prévoit, par exemple, que les Parties « sont déterminées à protéger l’homme et son environnement contre la pollution atmosphérique et s’efforceront de limiter et, autant que possible, de réduire graduellement et de prévenir la pollution atmosphérique, y compris la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance ». Elle sera complétée par huit protocoles portant notamment sur le soufre (8 juillet 1985), l’oxyde d’azote (31 octobre 1988), les composés organiques volatils (18 novembre 1991) ou encore le financement de la lutte (28 septembre 1984). Le Protocole de 1991 prévoit par exemple que les Parties « maîtrisent et restreignent leurs émissions de COV afin de réduire les flux transfrontières de ces composés et les flux des produits oxydants photochimiques secondaires qui en résultent et protéger ainsi la santé et l’environnement d’effets nocifs » (art. 2, § 1). Au niveau régional, l’on retrouve ces préoccupations dans la Déclaration de principes sur la lutte contre la pollution de l’air, adoptée par le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe le 8 mars 1968. Elle est axée sur des méthodes de prévention des pollutions en subordonnant les installations polluantes à l’octroi d’une autorisation et en préconisant une réglementation des véhicules à moteur.

B.

Espace nécessaire à la préservation de l’écosystème global et de la santé

126. L’approche traditionnelle s’est heurtée à la prise de conscience des effets de la pollution atmosphérique sur l’écosystème global, notamment en termes d’appauvrissement de la couche d’ozone et de changements climatiques (voy. infra, §§ 149 et s). La prise de conscience de la nécessité de protéger l’atmosphère en ellemême a conduit à l’adoption, le 22 mars 1985, de la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone, puis de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 (voy. infra, §§ 149 et s). Elle se consacre à la couche d’ozone, définie comme « la couche atmosphérique présente au-dessus de la couche limite de la planète » (art. 1) et invite les États parties à coopérer pour « protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets néfastes résultants ou susceptibles de résulter des activités humaines qui modifient ou sont susceptibles de modifier la couche d’ozone » (art. 2). Il s’agit d’une convention-cadre fixant les principes généraux régissant cette coopération. Elle fonctionne classiquement sur le mécanisme d’une Conférence des Parties. La Convention de Vienne sera complétée par le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, adopté le


La protection sectorielle

16 décembre 198720. L’Union européenne a intégré les exigences de ce Protocole grâce à l’adoption du Règlement (CE) n° 1005/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Il interdit la production et la mise sur le marché des substances les plus dangereuses telles que les chlorofluorocarbures. Par ailleurs, il fixe les règles d’utilisation de ces substances et leurs conditions d’exportation ou d’importation.

§ 5 Les sols et les forêts Pour aller plus loin : S. Doumbé-billé, « Le cadre juridique international relatif aux forêts - État de développement », in La forêt à l’aube du XXIe siècle – Aspects politiques et juridiques, op. cit., pp. 121-136. P. steichen et S. Doumbé-billé, « La protection des sols au plan international et communautaire », Amén., 2010, pp. 7-19. M. prieur et S. Doumbé-billé, Droit, Forêts et Développement durable, Bruxelles, Bruylant, 1996. M.A. meKouar, « Évolution du droit forestier de Rio à Johannesburg : un aperçu comparatif », in La forêt à l’aube du XXIe siècle – Aspects politiques et juridiques, op. cit., pp. 136-167. I. michallet, « La protection des forêts en droit communautaire », in La forêt à l’aube du XXIe siècle – Aspects politiques et juridiques, op. cit., pp. 169-184. F. castaneDa, « Les critères et indicateurs de l’aménagement durable des forêts : initiatives internationales, situation actuelle et perspectives », Unasylva, n° 203, vol. 51-2000/4, pp. 34-40. B.M. ruis, « Pas de convention sur les forêts, mais 10 traités sur les arbres », Unasylva, n° 206, vol. 52-2001/3.

127. Ces domaines sont les moins développés de la protection sectorielle. Il a été très compliqué pour les États de se mettre d’accord sur des instruments juridiques contraignants pour la protection des sols ou des forêts, qui restent pourtant des questions majeures. L’on ne peut alors que relever le contraste entre la situation préoccupante des sols et des forêts et l’enjeu international, que représente leur gestion commune d’une part et un régime international « qui ne renvoie qu’un écho assourdi de cette situation »21 d’autre part.

A.

Les sols

128. Les terres sont définies par l’Agenda 21 comme une « entité physique, pour autant qu’il s’agisse de leur topographie et de leurs caractéristiques spatiales. Selon un point de vue intégré et plus général, elles comprennent aussi les ressources naturelles : les sols, les minéraux, les eaux et les biotes qui leur sont inhérents » (10.1). La communauté internationale est consciente que les sols jouent un rôle essentiel, notamment en ce qu’ils conditionnent l’existence 20. Sur le mécanisme de contrôle mis en place par le Protocole, voy. infra, § 180. 21. S. DouMbé-billé, « Le cadre juridique international relatif aux forêts - État de développement », in La forêt à l’aube du XXIe siècle – Aspects politiques et juridiques (M. CorNu et J. FroMageau dir.), Paris, L’Harmattan, 2004, p. 122.

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Les domaines de protection

de la végétation et influencent le cycle de l’eau. Ils sont de ce fait à l’origine des principales ressources permettant à l’homme et aux animaux de s’alimenter. La question de la protection des sols contre l’érosion et les pollutions s’avère donc cruciale, en particulier face aux dégradations biologiques inquiétantes qu’ils subissent. Pourtant, l’on notera l’absence d’instrument universel contraignant et la faiblesse du droit régional.

a)

Absence de convention universelle

129. La question de la protection des sols ne fait l’objet d’aucune convention universelle. Un petit nombre d’instruments non contraignants tente néanmoins de dégager des principes fondamentaux, comme l’Agenda 21, qui y consacre son chapitre 10, intitulé « Conception intégrée de la planification et de la gestion des terres ». La FAO a, de son côté, adopté en 1981 une Charte mondiale des sols, qui énonce un ensemble de principes ayant pour objet une utilisation optimale des ressources mondiales en terre, l’amélioration de leur productivité et de leur conservation au profit des générations futures. Cette Charte met, par exemple, l’accent sur la nécessité de politiques d’utilisation des terres qui incitent la population à participer aux travaux de conservation des sols. La Charte mondiale de la nature, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies l’année suivante, fait une place minimale à la protection des sols. Elle affirme que « la productivité des sols sera maintenue ou améliorée par des mesures préservant leur fertilité à long terme, préservant le processus de dégradation organique et l’érosion ainsi que toute autre forme de dégradation » (art. 10.b). Ce n’est alors que de façon indirecte que les sols bénéficient d’une protection juridique contraignante, par le biais d’instruments qui ne leur sont pas pleinement consacrés. La protection est alors très limitée. Il ne s’agit que de certains sols comme ceux concernés par la Convention Ramsar de 1971 sur les zones humides ou celle des Nations unies de 1994 sur la désertification. De manière encore plus incidente, la protection d’autres aspects environnementaux peut avoir une influence sur la protection des sols, comme la lutte contre les changements climatiques ou la protection de la biodiversité. C’est de ce constat qu’est née l’idée, notamment défendue par l’I.U.C.N., de l’adoption d’un Protocole relatif à la protection des sols dans le cadre de la Convention sur la désertification ou bien de la Convention sur la diversité biologique.

b)

Faiblesse du droit régional

130. Au niveau régional, certaines conventions consacrent quelques dispositions à la protection des sols. C’est le cas des Conventions d’Alger puis de Maputo du 11 juillet 2003. Cette dernière prévoit que les Parties « prennent des mesures pour prévenir la dégradation des terres, et, à cet égard, adoptent des stratégies intégrées à long terme de conservation et de gestion durable des ressources en terres, y compris les sols, la végétation et les processus hydrologiques connexes » (art. VI, § 1). En particulier, les Parties sont priées d’adopter


La protection sectorielle

des mesures de conservation et d’amélioration des sols, notamment pour combattre leur érosion et la mauvaise utilisation, ainsi que la dégradation de leurs propriétés physiques, chimiques, biologiques ou économiques (art. VI, § 2), en tenant compte des droits des communautés locales (art. VI, § 4). Sur le plan régional européen, le Conseil de l’Europe a adopté une Charte européenne des sols, le 30 mai 1972. Elle n’a pas de valeur juridique contraignante pour les États membres, mais affirme que le sol est « un des biens les plus précieux de l’humanité. II permet la vie des végétaux, des animaux et de l’homme à la surface de la terre » (art. 1). Il doit être préservé, d’une part, parce qu’il est essentiel à l’existence de la vie végétale, animale, mais également à la vie de l’homme (source de nourriture et de matières premières). Il est par ailleurs un élément fondamental de la biosphère et contribue, avec la végétation et le climat, à régler le cycle hydrologique et à influencer la qualité des eaux (art. 1). Toutefois, la Charte européenne affirme que le sol doit, d’autre part, être protégé pour lui-même. Il présente en effet un intérêt scientifique et culturel, notamment parce qu’il contient les traces de l’évolution de la terre et de ses êtres vivants et qu’il constitue le support des paysages (art. 1, al. 2). C’est au niveau sous-régional que l’on retrouve l’instrument juridique sans doute le plus intéressant en matière de protection internationale des sols. Il concerne la zone des Alpes. La Convention de Salzbourg de 1991 sur la protection des Alpes a en effet été complétée par un protocole adopté à Bled le 16 octobre 1998 consacré aux sols. Ce protocole compte neuf parties, les huit États riverains des Alpes22 et l’Union européenne. Il assure une protection remarquable des sols en prenant en compte toutes ses fonctions : ses fonctions naturelles, d’archives de l’histoire naturelle et culturelle, ainsi que son utilisation comme gisement de ressources naturelles, site pour l’agriculture, l’urbanisation et les activités touristiques ou pour d’autres usages économiques comme les transports, l’approvisionnement et la distribution, l’évacuation des eaux et des déchets (art. 1). Les Parties ont l’obligation de « prendre les mesures juridiques et administratives nécessaires pour assurer la protection des sols dans l’espace alpin » (art. 2). Mais l’article 2 du Protocole ajoute, de manière notable, qu’en cas de risque d’atteintes « graves et persistantes à la capacité de fonctionnement des sols, les aspects de protection doivent en règle générale primer les aspects d’utilisation ».

B.

Forêts

131. La déforestation constitue l’un des problèmes majeurs auquel est confronté le droit de l’environnement. De 1990 à 2005, la planète a perdu 6 % de ses forêts selon la FAO. Si celle-ci semble s’être stabilisée dans les zones boréales et tempérées, elle continue dans les zones tropicales et subtropicales. Elles sont menacées par les incendies, la pollution, la surexploitation commerciale, mais également les pâturages ou encore le réchauffement climatique. Au regard de la fonction écologique, sociale et économique majeure des forêts, 22. Allemagne, Autriche, France, Italie, Liechtenstein, Monaco, Slovénie, Suisse.

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Les domaines de protection

l’impact de la déforestation sur l’environnement et le développement mondial est catastrophique, notamment en termes de changements climatiques, de lutte contre la désertification ou de biodiversité.

a)

L’échec du sommet de Rio en matière de protection des forêts

132. La problématique des forêts a été longuement débattue lors de la première conférence de Rio. On espérait au début des travaux préparatoires qu’une convention juridiquement contraignante sur les forêts pourrait être négociée et qu’elle pourrait être signée lors de la Conférence comme les accords sur les changements climatiques et sur la diversité biologique, sous l’impulsion de la FAO. Mais les États n’ont pas réussi à trouver un consensus réunissant à la fois la vision des pays industrialisés qui souhaitaient un texte interdisant l’abattage des forêts tropicales ombrophiles, qui sont le plus touchées par le déboisement à l’heure actuelle, et celle des pays en développement, qui étaient en faveur d’un texte portant aussi sur les forêts des régions tempérées et boréales, notamment celles d’Amérique du Nord et de Russie. Il n’a pas été possible d’adopter un texte commun, mais une série de principes sur la gestion écologiquement viable de tous les types de forêts a été adoptée et est devenue la Déclaration de principes, non juridiquement contraignante, mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts. L’idée qui soutenait l’adoption de cette Déclaration était qu’elle serve de base à la négociation d’un accord juridique international sur les forêts. La protection des forêts n’a pas, à ce jour, pu bénéficier d’un cadre juridique contraignant. La Déclaration de principes, non juridiquement contraignante, mais faisant autorité, révèle de manière criante l’échec du processus de Rio à s’accorder sur l’adoption d’un traité sur la question23. Les principes dégagés par la Déclaration rejoignent ceux contenus dans le chapitre 10 de l’Agenda 21 consacré à la lutte contre le déboisement (Chap. 11). Ils se fondent sur le droit souverain et inaliénable des États « d’utiliser, de gérer et d’exploiter leurs forêts conformément à leurs besoins en matière de développement et à leur niveau de développement économique et social » (Princ. 2.a de la Déclaration sur les forêts), mais affirment avec force que « les ressources et les terres forestières doivent être gérées d’une façon écologiquement viable afin de répondre aux besoins sociaux, économiques, écologiques, culturels et spirituels des générations actuelles et futures » (Princ. 2.b de la Déclaration).

b)

L’existence d’un cadre juridique minimal

133. Contrairement à la protection des sols, la protection des forêts dispose de quelques instruments juridiques épars tels que l’Accord international

23. S. DouMbé-billé, « L’ONU et l’environnement », in Droit et politiques de l’environnement (Y. Petit dir.), Notice 6, Paris, La Documentation française, 2009, p. 63.


La protection sectorielle

sur les bois tropicaux adopté en 1983 et dont la mise en œuvre a été confiée à l’Organisation internationale des bois tropicaux crée à cette occasion. Il a laissé place à un Accord international sur les bois tropicaux négocié dans le cadre de la CNUCED et adopté le 27 janvier 2006 à Genève. Il vise à organiser le commerce du bois tropical et privilégie dans cadre une approche basée sur le développement durable. Sa gestion reste confiée à l’Organisation créée en 1983. 134. Quelques instruments régionaux méritent également d’être relevés, notamment celui adopté le 29 octobre 1993 à Guatemala City, la Convention centre-américaine pour la gestion et la conservation des écosystèmes forestiers naturels et le développement des forêts de plantation. Cette Convention, entrée en vigueur en 1999, réaffirme le droit souverain de l’État d’utiliser les ressources forestières (art. 1). Elle l’encadre néanmoins en prévoyant que cette utilisation doit s’inscrire dans une politique de gestion durable (art. 3) et associer les communautés locales (art. 5). En Europe, le Protocole à la Convention alpine de 1991 relatif aux forêts de montagne, adopté à Brdo le 27 février 1996, prévoit la conservation de la forêt de montagne « en tant qu’écosystème proche de la nature ». Pour remplir ses fonctions, la forêt de montagne nécessite « une gestion respectueuse, proche de la nature et durable de la forêt de montagne » (art. 1, § 1). Pour l’Afrique, il convient de noter le Protocole au traité instituant la SADC sur les forêts. Mais ce sont surtout les initiatives de la COMIFAC (Commission des forêts de l’Afrique centrale) et les Conventions de Maputo de 2003 et d’Alger qui l’a précédée, qui retiendront notre attention. La COMIFAC a adopté, le 27 octobre 2008, un accord sous-régional sur le contrôle forestier en Afrique centrale qui a pour objectif de promouvoir le développement, la conservation et la gestion durable des forêts d’Afrique centrale, dans l’intérêt des générations présentes et futures ; de promouvoir le commerce des produits forestiers de la sous-région, en vue de lutter contre la pauvreté et de contribuer au développement socio-économique des États parties » (art. 3, § 2). L’Accord prévoit le renforcement du cadre légal interne, la lutte contre les activités illicites ainsi que la coopération sous-régionale. Les Conventions d’Alger et de Maputo font également une place à ces problématiques. La Convention de Maputo prévoit que les Parties prennent toutes les mesures nécessaires de protection, de conservation, d’utilisation durable et de restauration du couvert végétal. Pour ce faire, elles créent des réserves forestières, adoptent des plans scientifiquement établis et des mesures concrètes en vue de contrôler les feux, l’exploitation des forêts, le défrichement, le pâturage par les animaux domestiques et sauvages, et les espèces envahissantes (art. VIII). 135. Les fonctions des forêts sont également traitées de façon dispersée dans un grand nombre d’instruments internationaux distincts (notamment la Convention sur la diversité biologique, la CITES, la Convention des Nations Unies sur la désertification ou encore la Convention Ramsar)24, mais il n’existe 24. B.M. ruis, « Pas de convention sur les forêts, mais 10 traités sur les arbres », Unasylva, n° 206, vol. 52-2001/3.

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pas de régime juridique intégré qui appréhende les forêts de manière globale, prenant en considération toute la gamme de biens et de services qu’elles procurent. EXERCICE : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez cette section attentivement. 1. Quel est le premier domaine de protection internationale de l’environnement ? Citez une convention internationale à l’appui de votre réponse. 2. Sur quoi porte la Convention d’Alger de 1968 ? 3. Quel est l’objectif de la Convention dite « CITES » ? 4. Dans quelle affaire est consacré le principe de l’utilisation non dommageable du territoire ? 5. Quelle est la décision de la Cour internationale de justice dans l’affaire Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay ? 6. Quel est le contenu de l’article 192 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ? 7. Citez 4 conventions régionales de protection de l’environnement marin. 8. Combien y a-t-il de Protocoles à la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone du 22 mars 1985 ? 9. Quels sont les instruments juridiques qui protègent les forêts en droit international ? 10. Quels sont les principes essentiels contenus dans la Charte mondiale des sols de 1981 ?

Section 2

La protection interSectorieLLe 136. La protection intersectorielle est liée aux activités à risques ou dangereuses, à savoir les activités qui ne sont pas interdites par le droit international, mais qui présentent un risque significatif de dommage environnemental (art. 1 du Projet d’articles de la C.D.I. de 2001 sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses). Ces activités ont des effets multisecteurs, à savoir sur diverses composantes de l’environnement. La Convention de Lugano du Conseil de l’Europe du 21 juin 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement précise que ces activités doivent être effectuées à titre professionnel. La Convention, qui n’est pas encore entrée en vigueur, donne une définition plus exhaustive des activités en cause, il peut en effet s’agit de l’une des activités suivantes : « a. la production, la manipulation, le stockage, l’utilisation ou le rejet d’une ou plusieurs substances dangereuses, ou toute autre opération de nature similaire portant sur de telles substances ;


La protection intersectorielle

b. la production, la culture, la manipulation, le stockage, l’utilisation, la destruction, l’élimination, la libération ou toute autre opération concernant un ou plusieurs : c. organismes génétiquement modifiés qui, en raison des propriétés de l’organisme, de sa modification génétique et des conditions dans lesquelles l’opération est réalisée, présentent un risque significatif pour l’homme, l’environnement ou les biens ; d. micro-organismes qui, en raison de leurs propriétés et des conditions dans lesquelles l’opération est réalisée, présentent un risque significatif pour l’homme, l’environnement ou les biens, tels que ceux qui sont pathogènes ou ceux qui produisent des toxines ; e. l’exploitation d’une installation ou d’un site d’incinération, de traitement, de manipulation ou de recyclage de déchets, comme les installations ou sites mentionnés dans l’annexe II, dans la mesure où les quantités impliquées présentent un risque significatif pour l’homme, l’environnement ou les biens ; f. l’exploitation d’un site de stockage permanent des déchets » (art. 2, § 1 de la Convention de Lugano). Parmi ces activités dangereuses, l’on retrouve plusieurs catégories qui ont donné lieu à l’adoption de régimes juridiques spécifiques comme les déchets, les produits chimiques ou encore l’énergie nucléaire.

§ 1 Déchets Pour aller plus loin : F. bitar, Les mouvements transfrontières de déchets dangereux selon la Convention de Bâle. Étude des régimes de responsabilité, Paris, Pedone, 1997. E. moise, « La Convention de Bâle sur les mouvements transfrontières de déchets dangereux (22 mars 1989) », RGDIP, t. 93, 1989, pp. 899-906. M.T. perez-martin, Que fait le village planétaire de ses déchets dangereux ?, Bruxelles, Bruylant, 2000.

137. Définition. Les déchets sont définis comme « des substances ou objets qu’on élimine, qu’on a l’intention d’éliminer ou qu’on est tenu d’éliminer en vertu des dispositions du droit national » (art. 2 de la Convention de Bâle). Cette définition sera reprise au niveau régional par la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique du 30 janvier 1991. Les déchets ne sont pas nécessairement des substances dangereuses, à savoir des « substances ou des préparations qui possèdent des propriétés constituant un risque significatif pour l’homme, l’environnement ou les biens. Une substance ou une préparation qui est explosible, comburante, extrêmement inflammable, facilement inflammable, inflammable, toxique, nocive, corrosive, irritante, sensibilisante, cancérogène, muta-

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Les domaines de protection

gène, toxique pour la reproduction ou dangereuse pour l’environnement » (art. 2, § 2.a, de la Convention de Lugano). Certains déchets entrent d’emblée dans cette catégorie, les autres peuvent néanmoins devenir dangereux non pas au regard de leur nature, mais en raison de leur accumulation. 138. La prise de conscience des dommages que les déchets dangereux et d’autres déchets ainsi que les mouvements transfrontières de ces déchets risquent de causer à la santé humaine et à l’environnement est partie du droit régional européen. L’O.C.D.E. et les Communautés européennes ont initié ce mouvement avec l’adoption, le 28 septembre 1976, d’une recommandation du Conseil de l’O.C.D.E. préconisant une politique globale de la gestion des déchets et le 1er février 1984 d’une directive-recommandation sur les mouvements transfrontières de déchets dangereux, toujours dans le cadre de l’O.C.D.E. Quant aux Communautés puis à l’Union européenne, elles se sont saisies du problème dès le milieu des années 1970 avec l’adoption de la directive 75/442 du 15 juillet 1975 relative aux déchets25. Le droit communautaire va connaître de nombreuses évolutions, mais c’est désormais la directive 2008/98/ CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets qui fixe le cadre général. Elle prévoit notamment les principes généraux de gestion des déchets en imposant à tout producteur ou tout détenteur de déchets de procéder lui-même à leur traitement ou à le faire faire par un négociant, établissement ou entreprise. Les États membres peuvent coopérer, si nécessaire, pour parvenir à l’établissement d’un réseau d’installations d’élimination des déchets. Ce réseau doit permettre l’indépendance de l’Union européenne en matière de traitement des déchets. Les déchets dangereux doivent être stockés et traités dans des conditions de protection de l’environnement et de la santé. Ils ne doivent en aucun cas être mélangés à d’autres déchets dangereux et doivent être emballés ou étiquetés conformément aux normes internationales ou communautaires. Au-delà de ce cadre général, l’Union a fixé des règles applicables à certains types de déchets comme les déchets dangereux ou radioactifs, mais également à certaines activités comme le transport ou l’incinération des déchets. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme va dans le même sens, en durcissant les obligations des États parties. Elle a eu à juger de plusieurs affaires relatives à des déchets26 ou à des pollutions causées par des usines de retraitement des déchets27. Ces activités sont susceptibles de porter atteinte à la vie privée et familiale (art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 octobre 1950) des requérants si les mesures adéquates pour sauvegarder leur santé et la jouissance de leur domicile ne sont pas mises en œuvre, ou si les populations ne sont pas convenablement informées des risques encourus. Dans célèbre affaire de la « décharge à ciel ouvert », Öneryıldız c. Turquie, la Cour constate même une violation de l’article 2 de la Convention relatif au droit à la vie à la suite d’une 25. Abrogée par l’art. 20 de la Dir. n° 2006/12/CE du 5 avril 2006. 26. C.E.D.H. (Gr. Ch.), Öneryıldız c. Turquie, 30 novembre 2004, Di Sarno et autres c. Italie, 10 janvier 2012. 27. C.E.D.H., Giacomelli c. Italie, 2 novembre 2006.


La protection intersectorielle

explosion de méthane dans une déchetterie où les déchets détachés de la montagne d’ordures ensevelirent plus de dix habitations causant de nombreuses pertes en vies humaines. Le Gouvernement n’avait fourni aucune information aux habitants sur les risques qu’ils encouraient en vivant dans cette zone. L’État n’avait pas non plus pris les mesures pratiques nécessaires pour pallier les menaces qui pesaient sur ces personnes. La fin des années 80 a vu apparaître un durcissement des législations concernant l’environnement dans les pays industrialisés et a conduit à une augmentation spectaculaire du coût de l’élimination des déchets dangereux. La conséquence directe sera l’exportation des déchets toxiques vers l’Europe de l’Est et les pays en développement. L’indignation que cette pratique a suscitée parmi l’opinion publique a motivé le lancement du processus de négociation de Bâle. 139. Le développement de la réglementation des déchets au plan universel a débuté avec l’adoption par le conseil d’administration du P.N.U.E., le 17 juin 1987, des Lignes directrices et Principes du Caire concernant la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux28. Ce cadre souple d’orientation des pratiques sera suivi de l’adoption de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination adoptée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur le 5 mai 1992. La Convention de Bâle vise à la fois les déchets dangereux et les autres déchets. La Convention reconnaît le droit de l’État d’interdire l’importation des déchets dangereux (art. 1.a) et les Parties interdisent ou ne permettent pas l’exportation de déchets dangereux et d’autres déchets dans les Parties qui ont interdit l’importation de tels déchets (art. 1.b). La Convention liste, dans son annexe I, une série de substances à contrôler dont la dangerosité est établie grâce à des critères définis dans l’annexe III et issus des normes du transport international : toxique, explosif, corrosif, inflammable, comburant, infectieux et écotoxique. Elle exclut de son champ d’application les déchets radioactifs et ceux résultant de l’exploitation des navires, soumis à un régime juridique spécifique. À retenir : Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination adoptée le 22 mars 1989 : droit de l’État d’interdire l’importation des déchets dangereux (art. 1.a) interdiction de l’exportation de déchets dangereux et d’autres déchets dans les Parties qui ont interdit l’importation de tels déchets (art. 1.b)

28. Déc. n° 14/30.

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Les domaines de protection

§ 2 Produits chimiques et toxiques Pour aller plus loin : A.-Ch. Kiss, « Tchernobâle ou la pollution accidentelle du Rhin par des produits chimiques », AFDI, 1987. pp. 719-727. J. auvret-FincK, « L’avis 2/91 relatif à la Convention numéro 170 de l’OIT », Cahiers de droit européen, 1995, pp. 443-460. M.-P. maitre et E. merlant, « Retour sur dix ans de réglementation européenne applicable aux substances chimiques », Environnement, 2012, pp. 19-24.

140. La réglementation internationale des produits chimiques et toxiques est apparue indispensable au lendemain de la catastrophe de Seveso en juillet 1976. Cet accident industriel dû à la surchauffe d’un réacteur dans l’usine italienne de parfums et de produits pharmaceutiques a provoqué le rejet massif de produits chimiques (dioxines) causant une catastrophe écologique et humaine. Les produits chimiques et toxiques entrent dans la catégorie des « substances dangereuses » (voy. supra, §§ 138 et s). Leur production, leur transport et leur commercialisation a fait l’objet d’une réglementation internationale. Elle essaie de faire face à l’essor sans précédent de la production et de l’utilisation de ces substances dans le monde. L’actualité de ces préoccupations est illustrée par l’affaire pendante devant la C.I.J., Épandages aériens d’herbicides. Le Gouvernement de l’Équateur a saisi la C.I.J. au sujet de l’épandage aérien d’herbicides auquel se livre la Colombie dans le cadre du Plan Colombie, craignant de graves conséquences sur la santé humaine et l’environnement, et leurs possibles effets en Équateur. Chaque année, 2 000 nouveaux produits chimiques arrivent sur le marché. Toutefois, il y a peu de règles universelles et l’on ne peut que déplorer l’absence de Convention à portée générale sur ces questions. Les instruments internationaux sont alors, le plus souvent, issus du droit interne des organisations internationales telles que l’O.M.S., le P.N.U.E., la FAO, l’O.C.D.E. ou encore les Communautés puis l’Union européenne.

A.

Le développement d’un cadre universel

141. Dans les années 1980, le P.N.U.E. et la FAO se sont, dans un premier temps, intéressés aux différents problèmes environnementaux posés par les produits chimiques. En 1985, la FAO a lancé son Code de conduite international sur la distribution et l’utilisation des pesticides, et le PNUE a institué en 1987 les Directives de Londres applicables à l’échange d’informations sur les produits chimiques qui font l’objet d’un commerce international. En 1989, la procédure de consentement préalable en connaissance de cause (PIC) a été incorporée par les deux organismes au sein de ces instruments. L’Agenda 21 préconise la mise en place d’un instrument contraignant sur la procédure PIC (Chap. 19). Cette initiative a été couronnée par l’adoption de la Convention de Rotterdam sur la Procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international, le 10 septembre 1998, entrée en vigueur en 2004 et révisée en 2011. Il convient également de noter l’adoption de deux Conventions spécia-


La protection intersectorielle

lisées : la Convention sur les polluants organiques persistants (POP), adoptée à Stockholm le 22 mai 2001, ainsi que la toute récente Convention de Minamata sur le mercure, adoptée le 19 janvier 2013 par les Nations Unies. L’O.I.T. a également apporté sa pierre à l’édifice grâce à l’adoption des Conventions nos 170 et 174, respectivement relatives à la sécurité dans l’utilisation des produits chimiques au travail (1990) et à la prévention des accidents industriels majeurs (1993). Toutefois, il n’existe pas encore de convention globale relative aux produits chimiques. C’est néanmoins l’objectif assumé du Programme d’action de Dubaï géré par la FAO. La Conférence internationale sur la gestion des produits chimiques (C.I.G.P.C.), qui s’est tenue à Dubaï en février 2006, a adopté une approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques (SAICM) qui contient la Déclaration de Dubaï concernant la gestion internationale des produits chimiques, mais également une Stratégie politique globale et un Plan d’action mondial.

B.

Les avancées du droit régional

142. La Communauté européenne a été à l’avant-garde de la réglementation des produits chimiques, et notamment de leur commercialisation. En effet, dès la fin des années 1960, la directive 67/548 du 27 juin 1967 se penche sur l’harmonisation de la classification, de l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses. D’autres instruments de droit dérivé ont été adoptés pour réglementer de manière spécifique des produits déterminés comme les solvants (Dir. n° 73/173 du 4 juin 1973), les pesticides (Dir. n° 78/631 du 26 juin 1978) ou encore les produits pharmaceutiques (Dir. n° 79/117 du 21 décembre 1978). À la suite de la catastrophe de Seveso, les Communautés ont adopté la directive 82/501/ CEE dite directive « Seveso I ». Elle sera remplacée par la directive 96/82/CE du Conseil, du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, dite « Seveso II », qui impose aux États membres d’identifier les sites industriels à risques et de prendre les mesures appropriées pour prévenir les accidents majeurs impliquant des substances dangereuses et limiter leurs conséquences pour l’homme et pour l’environnement. Le droit de l’Union européenne est nettement plus développé que le droit universel sur cette question grâce à la mise en place d’un Cadre réglementaire de gestion des substances chimiques (REACH) et d’une agence européenne des produits chimiques29. L’Union dispose désormais d’un système intégré d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation et de restrictions des substances chimiques. REACH oblige les entreprises qui fabriquent et importent des substances chimiques à évaluer les risques résultant de leur utilisation et à prendre les mesures nécessaires pour gérer tout risque identifié. La charge de la preuve 29. Voy. Règl. (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques.

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Les domaines de protection

de la sécurité des substances chimiques fabriquées ou commercialisées appartient à l’industrie. Elle exclut de son champ d’application de ce système les déchets et les substances radioactives, bénéficiant d’un autre régime juridique en droit de l’Union. L’Agence européenne des produits chimiques est chargée de gérer les aspects techniques, scientifiques et administratifs du système REACH, en veillant à la cohérence des décisions au niveau communautaire. Elle centralise également le processus d’enregistrement et reçoit les demandes d’autorisation, formule des avis et des recommandations dans le cadre des procédures d’autorisation et de restriction. 143. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme marque également des avancées majeures en la matière. Elle a eu à se prononcer à plusieurs reprises sur des cas de pollutions industrielles impliquant des rejets de substances chimiques ou toxiques. L’affaire fondatrice Lopez Ostra contre Espagne du 9 décembre 1994 concernait une pollution émanant d’une tannerie, à savoir des émanations de gaz, des odeurs pestilentielles et des contaminations. Elle portait atteinte à la santé des habitants des environs. La Cour reconnaît que « des atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale, sans pour autant mettre en grave danger la santé de l’intéressée ». Elle a conclu à une violation de l’article 8 de la Convention, relatif à la vie privée et familiale, en ce que l’État défendeur n’était pas parvenu à ménager un juste équilibre entre l’intérêt que constituait le bien-être économique de la ville et la jouissance effective par la requérante de son droit au respect de son domicile et de sa vie privée et familiale. Dans l’affaire Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, il s’agissait d’une usine chimique fabriquant des engrais. Les requérants habitaient à moins d’1 km de l’usine où des accidents de fonctionnement s’étaient produits par le passé, dont l’un avait causé l’intoxication à l’arsenic de 150 personnes. Les requérants n’avaient pas été informés des risques pouvant résulter pour elles et leurs familles du fait de continuer à résider dans leur ville. La Cour en a conclu à la violation, par l’Italie, de l’obligation de garantir le droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention. L’affaire Tatar contre Roumanie du 27 janvier 2009 concernait également une pollution industrielle, causée cette fois par une mine d’or utilisant un processus d’extraction au cyanure de sodium. L’exploitation libéra dans l’écosystème environ 100 000 m3 d’eaux de traitement contenant des cyanures à la suite d’un accident écologique survenu en janvier 2000. La Cour a constaté que l’activité industrielle avait continué après l’accident, alors qu’aurait dû s’appliquer le principe de précaution. Les États membres ont l’obligation d’évaluer d’une manière satisfaisante les risques éventuels des activités industrielles et de prendre des mesures adéquates capables de protéger les droits des intéressés à la jouissance d’un environnement sain et protégé. À retenir : Règlement n°1907/2006 REACH : art. 1§3 : « Le présent règlement repose sur le principe qu’il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, mettre sur le marché ou utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou l’environnement. Ses dispositions reposent sur le principe de précaution ».


La protection intersectorielle

§ 3 Rayons ionisants Pour aller plus loin : O. janKoWitsch-prevor, « La Convention sur la sûreté nucléaire », Le droit nucléaire après Tchernobyl, O.C.D.E./NEA, 2006, pp. 175189 ; E. rechtsanWalt et B. moser, « Les Conventions de l’AIEA sur la notification rapide d’un accident nucléaire et sur l’assistance en cas d’accident nucléaire ou de situation d’urgence radiologique », Le droit nucléaire après Tchernobyl, O.C.D.E./ NEA, 2006, pp. 133-144. P. reyners, « La convention de 1994 sur la sûreté nucléaire », RGPIP, 1995, pp. 605-621. P. strohl, « La convention de l’AIEA sur la sûreté nucléaire », AFDI, 1994, pp. 804-822. A. KagenecK, « La convention commune sur la sûreté nucléaire de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs », RGDIP, 1998, pp. 145-156. M. montjoie, Droit international et gestion des déchets radioactifs, Paris, LGDJ, 2011.

A.

La sûreté des installations nucléaires

144. Comme souvent, c’est une catastrophe d’ampleur internationale qui a déclenché l’adoption d’instruments contraignants dans le domaine nucléaire. La catastrophe de Tchernobyl dans la fin des années 1980 a conduit à une prise de conscience brutale des dangers du nucléaire. Dans ce cadre, l’A.I.E.A. appelle, dès 1986, à l’adoption d’un instrument international contraignant30. Les négociations internationales ont donné lieu à l’adoption d’une série de conventions dans le cadre de l’A.I.E.A. : dans un premier temps, la Convention sur la notification rapide d’un accident nucléaire, et la Convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire ou de situation d’urgence radiologique (conclues toutes deux à Vienne le 26 septembre 1986 et entrées en vigueur rapidement). Et, dans un second temps, la Convention sur la sûreté nucléaire à Vienne, le 20 septembre 1994 (entrée en vigueur en 1996). Fruit d’un compromis, cette convention ne couvre pas la gestion des déchets radioactifs ni la sûreté des autres parties du cycle nucléaire. Le préambule de la Convention appelle à l’adoption d’autres instruments internationaux sur ces deux points. La Convention s’attache à la sûreté des installations nucléaires, entendues comme « toute centrale électronucléaire civile fixe relevant de sa juridiction, y compris les installations de stockage, de manutention et de traitement des matières radioactives qui se trouvent sur le même site et qui sont directement liées à l’exploitation de la centrale électronucléaire. Une telle centrale cesse d’être une installation nucléaire lorsque tous les éléments combustibles nucléaires ont été retirés définitivement du cœur du réacteur et stockés de façon sûre conformément aux procédures approuvées, et qu’un programme de déclassement a été approuvé par l’organisme de règlementation » (art. 2.i).

30. Déc. du 21 mai 1986, GOV/OR.649. Avant cela, l’on ne pouvait compter que sur la Convention sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire (Convention de Paris) du 29 juillet 1960, amendée le 28 janvier 1964 et le 16 novembre 1982, adoptée dans la cadre de l’Agence de l’O.C.D.E. pour l’énergie nucléaire.

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Les domaines de protection

L’objectif de la Convention est d’atteindre et maintenir « un haut niveau de sureté nucléaire », mais également de protéger les individus, la société et l’environnement contre les effets nocifs des rayonnements ionisants émis par ces installations et prévenir les accidents (art. 1). En matière de responsabilité, la Convention se borne à imposer aux États de mettre tous les moyens en œuvre pour s’assurer que la responsabilité première d’une installation incombe au titulaire d’autorisation d’exploiter (art. 9). Elle sera alors complétée sur ce point par la Convention du 29 septembre 1997 sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires qui institue un mécanisme d’engagements financiers collectifs des États. La Convention de 1994 n’institue pas de mécanisme de contrôle de l’AIEA, mais impose aux Parties de présenter un rapport aux « réunions périodiques d’examen ». La confidentialité des informations est garantie (art. 27). L’Euratom a adhéré à la Convention en 2000, à la suite de la décision 1999/819/Euratom de la Commission du 16 novembre 1999 concernant l’adhésion de la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) à la convention de 1994 sur la sûreté nucléaire.

B.

Les déchets radioactifs

145. La réglementation universelle. L’Agenda 21, dans son chapitre 22, définit les « déchets radioactifs » comme ceux « produits au cours du cycle du combustible nucléaire ainsi que lors des applications qui sont faites du nucléaire (utilisation de radionucléides en médecine, pour la recherche et dans l’industrie) » (art. 22.1). Cette définition sera complétée par l’article 2 de la Convention de l’A.I.E.A. : déchets radioactifs « s’entend des matières radioactives sous forme gazeuse, liquide ou solide pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue par la Partie contractante ou par une personne physique ou morale dont la décision est acceptée par la Partie contractante et qui sont contrôlées en tant que déchets radioactifs par un organisme de règlementation conformément au cadre législatif et règlementaire de la Partie contractante ». L’objectif affiché à l’issue du sommet de Rio est de faire en sorte que les déchets radioactifs soient gérés, transportés, stockés et éliminés sans danger, afin de protéger la santé de l’homme et l’environnement, « dans le cadre général d’une approche intégrée et interactive de la gestion en toute sûreté des déchets radioactifs » (art. 22.3). La gestion des déchets n’a pas pu être intégrée dans la grande Convention de l’A.I.E.A. sur la sûreté nucléaire, mais, dès 1994, la Conférence générale de l’A.I.E.A. a invité le Conseil des gouverneurs et le directeur général à entreprendre des négociations en vue de la conclusion d’un traité sur ces questions31. Ce processus a abouti, non sans heurts, à l’adoption de la Convention commune de la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs à Vienne le 5 septembre 1997 (entrée en vigueur en 2001). Elle s’applique à la sureté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs dans un cadre commun, ce qui constitue assurément une originalité essentielle (art. 3, § 1). Elle fait une plus grande

31. GC(XXXVIII)/RES/6.


La protection intersectorielle

place aux aspects environnementaux que la Convention sur la sûreté nucléaire. Elle affirme notamment le principe du traitement des déchets dans l’État où ils ont été produits (préambule), dans la même ligne que la Convention de Bâle32 et fait référence de manière récurrente à la nécessaire prise en compte de l’environnement. Dans le même sens, la Convention de Londres de 1972 relative à la prévention de la pollution des mers par l’immersion de déchets a été amendée en 1994 pour inclure les déchets radioactifs33. 146. Le droit régional. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une série de résolutions relatives aux déchets nucléaires, dont la principale est la Résolution 1588 (2007) du 23 novembre 2007 relative aux déchets radioactifs et à la protection de l’environnement. Elle rappelle que les déchets radioactifs sont potentiellement très dangereux pour la santé de l’homme et l’environnement, et qu’ils continueront de l’être pour les générations futures, jusqu’à ce que leur radioactivité ait décru à de faibles niveaux. Dans ces conditions, l’Assemblée compte surveiller de très près leur gestion, en particulier leur entreposage et leur stockage. L’Assemblée parlementaire invite également l’Union européenne à élaborer, en coordination avec l’A.I.E.A., des normes et principes communs à respecter dans la gestion des déchets nucléaires, dans l’espoir que ces règles soient ensuite étendues aux États du Conseil de l’Europe (pt 12). La directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs. Elle reprend les principes de la Convention de l’A.I.E.A. et met à la charge des États membres la responsabilité, en dernier ressort, de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. En cas de transfert de ces derniers vers un pays tiers, la responsabilité continue à incomber à l’État d’origine. Dans le même sens, les États membres ont le devoir de stocker définitivement leurs déchets sur leur propre territoire sauf s’ils ont conclu des accords avec d’autres États membres leur permettant d’utiliser les installations de stockage de ces derniers. Ils doivent par ailleurs établir des politiques nationales et un cadre législatif garantissant une gestion sûre du combustible usé et des déchets radioactifs.

32. Sauf accord explicite entre les deux États. La France et Monaco ont, p. ex., signé, le 9 novembre 2010, un accord relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques. 33. Voy. égal. art. 4, § 2, de la Convention de Bamako.

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122

Les domaines de protection

EXERCICE : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez cette section attentivement. 1. Définissez le terme « déchet ». 2. Qu’est-ce qu’une « activité dangereuse » en droit international de l’environnement ? 3. Quelle est la portée de l’affaire Öneryıldız c. Turquie ? 4. Quel est l’apport de l’O.I.T. à la réglementation internationale des produits chimiques et toxiques ? 5. Qu’est-ce que le système REACH ? 6. Résumez la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de produits chimiques et toxiques. 7. Quels instruments internationaux ont été adoptés à la suite de la catastrophe de Tchernobyl ? 8. Quels instruments internationaux ont été adoptés à la suite de la catastrophe de Seveso ? 9. Citez l’instrument qui régit la gestion des déchets radioactifs dans l’Union européenne. 10. Résumez le rôle de l’A.I.E.A. en matière de réglementation internationale des substances radioactives.


La protection globale

Section 3

La protection gLobaLe § 1 Le climat Pour aller plus loin : S. maljean-Dubois, « La mise en route du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques », AFDI, 2005. pp. 433-463. L. boisson De chazournes, « La gestion de l’intérêt commun à l’épreuve des enjeux économiques – le Protocole de Kyoto sur les changements climatiques », AFDI, 1997, pp. 700-715. Id.,« La mise en œuvre du droit international dans le domaine de la protection de l’environnement : enjeux et défis », RGDIP, 1995/1, pp. 37-76. Id.,« Le fonds pour l’environnement mondial. Recherche et conquête de son identité », AFDI, 1995, pp. 612-632. Id., « La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques », in Le droit international face à l’éthique et à la politique de l’environnement, Genève, Georg éd., 1996, pp. 136-140. Id., « Le protocole de Kyoto sur les changements climatiques ; à propos de la régulation juridique de stratégies économiques dans le domaine de l’environnement », in L’outil économique en droit international de l’environnement (S. maljean-Dubois dir.), Paris, La Documentation française, 2001, pp. 227-243. Id., « Le Protocole de Kyoto », AFDI, 1997, pp. 700-715 ; Y. petit, Le Protocole de Kyoto : mise en œuvre et implications, Strasbourg, Presse Universitaire de Strasbourg, 2002. W. lang et H. schally, « La Convention-cadre sur les changements climatiques », RGDIP, 1993/2, pp. 321-337. C. lonDon, « Le Protocole de Kyoto. Quels enjeux », Petites Aff., « Le quotidien juridique de la loi », n° 109, 11 septembre 1998, pp. 4-10. A.-S. tabau, « Les perspectives ouvertes par le contrôle du respect des engagements en matière climatique », Le droit international face aux enjeux environnementaux, S.F.D.I., Colloque d’Aix-en-Provence (2009), Paris, Pedone, 2010, pp. 297-316.

A.

La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

147. L’activité humaine, notamment industrielle, est responsable d’un grave réchauffement de l’atmosphère, provoquant des dérèglements climatiques dont les conséquences pourraient être dramatiques. Les experts internationaux lancent des appels à la réglementation pour éviter ces conséquences dramatiques. Le sommet de Toronto, en 1988, marque le début de la prise en compte sérieuse de ces problématiques. Elle fait suite à l’adoption de la Résolution 43/55 de l’Assemblée générale des Nations Unies considérant que la préservation du climat pour les générations présentes et futures constitue un intérêt général de l’humanité. C’est dans cette optique que va être adoptée, à l’issue du sommet de Rio, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (New York, 9 mai 1992, entrée en vigueur en mars 1994). Son objectif sera de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre et de fournir un cadre institutionnel à la négociation internationale relative aux changements climatiques. Elle définit les « changements climatiques » comme les changements de climat « qui sont attribués directement ou indirectement

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Les domaines de protection

à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables » (art. 1). Elle se fixe pour objectif de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère « à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (art. 2). Pour y parvenir, la Convention identifie 5 principes généraux : – Préserver le système climatique dans l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs responsabilités communes, mais différenciées et de leurs capacités respectives. – Tenir pleinement compte des besoins spécifiques et de la situation spéciale des pays en développement, notamment de ceux qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques. – Application du principe de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes. – Le développement économique est indispensable pour adopter des mesures destinées à faire face aux changements climatiques. – Les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques ne doivent pas constituer un moyen d’imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce. Les obligations concrètes des États se trouvent dans les articles 4 et 12. Elles restent très légères. Il s’agit d’établir, de mettre à jour et de mettre à disposition de la Conférence des Parties des inventaires nationaux d’émissions ; de coopérer pour mettre au point, appliquer et diffuser les technologies qui permettent de maîtriser les émissions ; établir des plans appropriés de gestion des zones côtières pour les ressources en eau et en agriculture ; échanger les données et l’information ; et, enfin, favoriser l’éducation. La Convention applique le principe de la responsabilité commune, mais différenciée et divise donc les États parties en trois groupes. Ceux de l’Annexe I sont les pays industrialisés et l’Union européenne, au sein desquels les plus riches sont également visés par l’annexe II. Il s’agit principalement des États de l’O.C.D.E. et de l’Union européenne. Ils ont des obligations spécifiques au titre de l’article 4, alinéa 2. Les États de l’Annexe II doivent fournir des ressources financières nouvelles et additionnelles pour couvrir les coûts encourus par les pays en développement dans la mise en œuvre de leurs obligations au titre de l’article 4. Les autres États, globalement ceux en développement forment le troisième groupe.


La protection globale

B.

Le Protocole de Kyoto

148. Comme la plupart des Conventions des Nations Unies, c’est une convention-cadre qui fonctionne grâce à la tenue périodique (annuelle dans ce cas) d’une Conférence des Parties (COP). C’est lors de ces sommets intergouvernementaux que sont adoptés les éventuels Protocoles à la Convention. Tel a été le cas du Protocole de Kyoto, adopté le 10 décembre 1997 pour une durée limitée de 5 ans. Les obligations mises à la charge des États par la Convention restent très faibles. Elle a alors besoin d’être précisée par des Protocoles ultérieurs. Le Protocole de Kyoto durcit les obligations à la charge des Parties, en imposant aux pays développés des objectifs quantifiés de réduction des gaz à effet de serre : 5 % par rapport à 1990 d’ici à 2012, date d’expiration du Protocole. Elle va alors donner naissance à un marché d’émissions. Les États peuvent alors s’échanger des « crédits d’émissions ». La surveillance du Protocole de Kyoto est renforcée, conformément à son article 18, lors des Conférences qui se sont tenues en 2001, d’abord à Bonn, puis à Marrakech. Elle est assurée par un Comité de contrôle du respect des dispositions, dit Comité d’observance, composé d’un groupe de facilitation (il fournit conseil et assistance aux États dans la mise en œuvre du Protocole) et d’un groupe d’exécution. Le mécanisme mis en place ou mécanisme d’observance octroie au Comité le pouvoir de déterminer si une Partie de l’Annexe I respecte son objectif d’émissions ou ses obligations de communication d’information. Dans le cas contraire, il peut rectifier les déclarations des Parties, notamment en cas de litige entre une Partie et une équipe d’experts chargée de l’examen. Il peut également déterminer les conséquences pour les États n’ayant pas respecté leurs engagements, par exemple la perte de l’éligibilité de la Partie concernée à participer aux mécanismes. La COP15 de Copenhague en 2009, comme celles qui ont suivies à Cancún en 2010, à Durban en 2011 ou encore de Doha en 2012, n’ont pas été en mesure d’adopter un nouveau Protocole juridiquement contraignant afin de prendre la suite de Kyoto.

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Les domaines de protection

§ 2 La biodiversité Pour aller plus loin : i.u.c.n., Stratégie mondiale pour la conservation - La conservation des ressources vivantes au service du développement durable, Gland, i.u.c.n., 1980. Id., Sauver la planète - Stratégie pour l’avenir de la vie, Gland, i.u.c.n., 1991. m.-a. hermite, « La convention sur la diversité biologique », AFDI, 1992, pp. 844-870. J.-P. beurier, « Le droit de la biodiversité », RJE, 1996, pp. 5-28. S. maljean-Dubois, « Le Protocole de Carthagène sur la biosécurité et le commerce international des organismes génétiquement modifiés », Observateur des Nations Unies, 2001, pp. 42-66. Id., « Biodiversité, biotechnologies, biosécurité : le droit international désarticulé », JDI, 2000, pp. 949-996. N. De saaDler et Ch.H. born, Droit international et communautaire de la biodiversité, Dalloz, 2004. S. Doumbé-billé, « La synergie entre la Convention de Ramsar sur les zones humides et les autres conventions de protection de la nature », in Confluences - Mélanges J. Morand-Deviller, Paris, Montchestien, 2007, pp. 779-786.

149. Définition. La protection de la biodiversité s’inscrit dans la droite ligne de la protection de la faune et de la flore. Néanmoins, avec la Conférence de Rio, une étape supplémentaire a été franchie34. La protection de la nature est l’exemple le plus frappant de l’adaptation du droit international aux changements planétaires. On observe en effet deux générations distinctes de conventions. La première a pour objectif de préserver l’environnement de l’homme, puis, dans une optique transversale, la mise en lumière l’unité profonde entre les divers secteurs de l’environnement. Elle regroupe les conventions sectorielles ainsi que la CITES (voy. supra, § 116). La seconde est issue d’une « révolution juridique » qui « introduit les questions environnementales au cœur de la construction d’un nouvel ordre de puissance international » (S. DouMbé-billé, « Le droit international de l’environnement et l’adaptation face aux changements planétaires », in Mélanges Prieur, Dalloz, 2007, pp. 91-102). Les Conventions de Rio traduisent ces nouveaux enjeux. Le mot « biodiversité » est un néologisme, proposé en 1985 par Walter Rosen et longtemps cantonné à la sphère des sciences de la vie. C’est principalement la Conférence de Rio qui a marqué l’appropriation de ce terme par les sciences humaines. Elle se définit comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes » (art. 2., Convention sur la diversité biologique). Cette définition est conforme à l’orientation donnée par la Charte mondiale de la nature : protéger des espèces menacées, mais également assurer la viabilité génétique de la terre (Princ. 2).

34. Q.-D. NguyeN, P. Dailler, M. Forteau et A. Pellet, Droit international public, op. cit., p. 1477.


La protection globale

A.

La Convention sur la diversité biologique

150. La biodiversité est protégée de manière partielle par toutes les conventions sectorielles de protection de la faune et/ou de la flore (voy. supra, §§ 94 et s), mais une approche d’ensemble s’est avérée nécessaire. Elle a donné naissance à la Convention sur la diversité biologique, adoptée à Rio le 14 juin 1992 et entrée en vigueur dès 1993. Elle a été élaborée par le P.N.U.E. avec l’ambition d’en faire une « convention parapluie » visant à rationaliser les relations entre les conventions existantes en matière de conservation. Elle repose sur un compromis entre l’objectif de protection des écosystèmes dans leur diversité d’une part, et le souci d’en assurer une exploitation équitable et rentable d’autre part. La Convention proclame trois objectifs principaux : 1. La conservation de la diversité biologique. La Convention qualifie la biodiversité de « préoccupation commune de l’humanité » (Préambule, al. 3), et écarte celle de patrimoine commun de l’humanité. La Convention prévoit l’intégration de cet objectif dans les stratégies nationales de protection de l’environnement (mais elle énonce juste un principe général, sans prévoir une quelconque harmonisation entre ces stratégies). La Convention demande aussi aux États parties d’établir « un système de zones protégées », mais qui doit demeurer sous contrôle national (par opposition à une liste mondiale, comme il était proposé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (U.I.C.N.)). 2. L’utilisation durable de la diversité biologique. La Convention consacre quelques-unes de ses dispositions à l’usage des ressources biologiques conformément aux pratiques culturelles et traditionnelles, à la coopération entre le secteur public et privé, à l’adoption de procédures d’évaluation d’impact et à l’échange d’informations interétatiques, mais également à la mise en place de plans d’urgence. 3. Le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques. Jusque-là, l’accès à ces ressources était considéré comme libre et gratuit (les spécimens pouvaient être prélevés et utilisés librement). La Convention affirme le droit souverain des États sur leurs ressources naturelles et celui de décider de l’accès aux ressources génétiques. Désormais, toute prospection est soumise à une autorisation spécifique et préalable. De plus, les États en développement doivent bénéficier dans des conditions favorables d’un accès aux technologies nécessaires à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique, cet accès doit être facilité par les États développés.

B.

Les protocoles à la Convention sur la diversité biologique

151. Le Protocole de Carthagène du 29 janvier 2000 sur la prévention des risques biotechnologiques, entré en vigueur en 2003, se concentre sur la

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Les domaines de protection

diffusion des organismes génétiquement modifiés (O.G.M.). Le terme « biotechnologie » est entendu de « toute application technologique qui utilise des systèmes biologiques, des organismes vivants, ou des dérives de ceux-ci, pour réaliser ou modifier des produits ou des procédés à usage spécifique » (art. 2, Protocole de Nagoya)35. Le Protocole s’applique aux mouvements transfrontières, au transit, à la manipulation et à l’utilisation de tout organisme vivant modifié qui pourrait avoir des effets défavorables sur la conservation, l’utilisation durable de la diversité biologique, et la santé humaine (art. 4). La procédure mise en place s’inspire de celle de la Convention de Rotterdam de 1998 : « la procédure d’accord préalable en connaissance de cause » (art. 7). Cette procédure impose l’obtention de l’accord de l’État importateur avant le premier mouvement transfrontière intentionnel d’organismes vivants modifiés destinés à être y introduits. 152. L’adoption du Protocole de Carthagène sera suivie de celle du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, du 29 octobre 2010 (pas en vigueur). Son adoption est le fruit d’un processus engagé sous les auspices de la FAO, qui a conduit à l’adoption d’un engagement puis d’un traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, le 3 novembre 2001 (entré en vigueur en 2004). Puis, dans le cadre de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, les lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation sont adoptées en 2002. Elles ont pour objectif d’aider les Parties à établir des mesures sur l’accès et le partage des avantages des ressources génétiques. Ce processus débouche sur l’adoption, à Nagoya, d’un Protocole sur l’accès aux ressources génétiques. Il a pour objectif le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques, « notamment grâce à un accès satisfaisant aux ressources génétiques et à un transfert approprié des technologies pertinentes, compte tenu de tous les droits sur ces ressources et aux technologies et grâce à un financement adéquat, contribuant ainsi à la conservation de la diversité biologique et à l’utilisation durable de ses éléments constitutifs » (art. 1). Il s’inscrit alors dans l’un des trois objectifs de la Convention-cadre sur la diversité biologique. Dès lors, les avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des applications et de la commercialisation « sont partagés de manière juste et équitable avec la Partie qui fournit lesdites ressources et qui est le pays d’origine de ces ressources ou une Partie qui a acquis les ressources génétiques conformément à la Convention. Ce partage est soumis à des conditions convenues d’un commun accord » (art. 5).

35. Le Protocole de Carthagène précise que les « biotechnologies modernes » sont « l’application de techniques in vitro aux acides nucléiques, y compris la recombinaison de l’acide désoxyribonucléique (A.D.N.) et l’introduction directe d’acides nucléiques dans des cellules ou organites ; la fusion cellulaire d’organismes n’appartenant pas à une même famille taxonomique, qui surmontent les barrières naturelles de la physiologie de la reproduction ou de la recombinaison et qui ne sont pas des techniques utilisées pour la reproduction et la sélection de type classique » (art. 3.i).


La protection globale

Parallèlement, le 15 octobre 2010 a été adopté le Protocole additionnel de Nagoya – Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation qui vient compléter le Protocole de Carthagène (voy. infra, § 216).

§ 3 Désertification Pour aller plus loin : S. Doumbé-billé, « La Convention de Paris de 1994 sur la désertification », in Le droit international face à l’éthique et la politique de l’environnement, coll. SEBES, Genève, Goerg Éditeur, 1996, p. 148. M. mainguet, Désertification, Natural Background and Human Mismanagment, Berlin, Springer Verlag, 1991. M.A. beKhechi, « Une nouvelle étape dans le développement du droit international de l’environnement : la Convention sur la désertification », RGDIP, 1997, pp. 5-44.

A.

Définition du phénomène

153. Avec la déforestation, le phénomène de désertification constitue l’une des manifestations les plus visibles du caractère global des problèmes d’environnement. Cette problématique est également le reflet de l’interconnectivité de l’environnement et du développement économique, la raréfaction et la surexploitation des ressources naturelles entraînant la pauvreté. Mais les contours de la définition de ce que l’on entend par « désertification » ont été difficiles à tracer et de vifs débats ont animé les Conférences internationales consacrées à ce problème, notamment celle du 24 mai au 3 juin 1993 à Nairobi36. L’Agenda 21, dans son chapitre 12, évoque la désertification dans le cadre de la protection des écosystèmes fragiles. Il la définit comme « la dégradation des sols dans les zones arides, semi-arides et sèches subhumides par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines ». Cette définition sera reprise par la Convention des Nations Unies sur la désertification dans son article 1.a. Lors de la neuvième Conférence des Parties, en 2009 à Buenos Aires, un accord a été trouvé pour la compléter. Il vient fixer un nombre minimum d’indicateurs permettant de mesurer et dévaluer la désertification.

B.

Régime juridique applicable

154. La prise de conscience de la nécessité d’encadrer la lutte contre la désertification s’est fait sentir dès les années 1970. À la suite de la grande sécheresse qui a frappé le Sahel dans les années 1970, une conférence consacrée

36. Voy. A/AC.241/7 et A/AC.241/12.

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Les domaines de protection

à la désertification a été lancée au siège du P.N.U.E. à Nairobi du 29 août au 7 septembre 1977. Mais il faut attendre les débats de Rio pour que le projet prenne forme. Ils seront à l’origine de l’adoption de la Convention du 17 juin 1994 des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, adoptée à Paris et entrée en vigueur très rapidement, le 14 octobre de la même année. Elle fait partie de la série des conventions « post-Rio ». Elle compte aujourd’hui 195 États parties. 155. Elle prévoit trois catégories d’obligations, qui tournent autour de quatre thèmes principaux « la participation des populations et des collectivités locales dans la conception et l’exécution des programmes de lutte contre la désertification ; le renforcement de la coopération et de la coordination et une meilleure utilisation des ressources financières ; les relations entre les pouvoirs publics, les collectivités, les O.N.G. et les exploitants afin de promouvoir une utilisation durable des ressources naturelles ; et enfin la prise en considération de la situation et des besoins des pays en développement touchés »37. 1. Les obligations générales, qui s’imposent à tous les États parties (art. 4). L’article 4§2 prévoit huit séries d’obligations, notamment l’adoption d’une approche intégrée de la désertification, mais également le renforcement de la coopération tant régionale et sous-régionale, qu’au sein des organisations internationales compétentes. 2. Les obligations des pays touchés (art. 5). La Convention a pour objectif de responsabiliser les Pays touchés qui doivent accorder une haute priorité à cette lutte en élaborant notamment une stratégie et une législation nationale adaptées aux enjeux. Ils sont alors tenus d’accorder « la priorité voulue à la lutte contre la désertification et à l’atténuation de la sécheresse », et de s’attaquer aux causes profondes de la désertification. La Convention prévoit également la sensibilisation des populations locales, en particulier des femmes et des jeunes et leur participation, « avec l’appui des organisations non gouvernementales, à l’action menée pour lutter contre la désertification et atténuer les effets de la sécheresse » (art. 5.d). 3. Les obligations des pays donateurs (art. 6). Ce sont essentiellement des obligations de comportement, notamment en termes d’appui financier. 156. La Convention des Nations Unies sur la désertification revêt un caractère original en ce qu’elle s’adresse aux États parties, mais également aux populations et aux O.N.G. La Convention consacre en effet le caractère participatif de la lutte contre la désertification et y consacre ses articles 3, 5, 9 et 10. Autre élément novateur dans cette convention : la place faite à la programmation des actions de lutte et à la coopération scientifique et technique. La IIIe partie y est consacrée. De manière concrète, la Convention doit être mise en œuvre grâce à des programmes d’action nationaux, régionaux et sous-régionaux qui 37. L. boissoN De ChazourNes, R. DesgagNé, M. MbeNgue et C. roMaNo, Protection internationale de l’environnement, Paris, Pedone, 2005, p. 99.


Les interactions

font l’objet des quatre annexes régionales (Afrique, Asie, Amérique latine et Caraïbes et Méditerranée septentrionale). L’efficacité de la Convention se heurte à l’absence de création, comme il est pourtant classique de le faire dans les autres conventions environnementales des Nations Unies, d’un fonds afin d’assurer le financement de la lutte contre la désertification, très couteuse. Seuls les articles 20 et 21 y sont consacrés et se bornent à appeler les États à la mobilisation et à la bonne gestion des fonds. Un début de mise en œuvre semble avoir été trouvé avec l’ouverture d’un « guichet de financement » permettant d’obtenir des ressources du F.E.M. (Fonds pour l’environnement mondial) pour lutter contre la désertification. EXERCICE : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez cette section attentivement. 1. Quelle est la définition des « changements climatiques » ? 2. Quelles sont les obligations des États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ? 3. Quelles sont les obligations des États parties au Protocole de Kyoto ? 4. Quelle est la définition de la biodiversité ? 5. Quels sont les objectifs principaux de la Convention sur la diversité biologique ? 6. Sur quoi porte le Protocole de Nagoya de 2010 ? 7. Qu’est-ce qu’un « risque biotechnologique » ? 8. Quelle est la définition du terme « désertification » ? 9. Quelles sont les obligations des États parties à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification ? 10. Quelle est la place des acteurs non étatiques dans la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification ?

Section 4

LeS interactionS Pour aller plus loin : O. paye, « La protection de l’environnement dans le système du GATT », RBDI, 1992, pp. 67-103. T.J. schhoenbaum, « Free Internation Trade and Protection of the Environment : Irreconciliable Conflict ? », AJIL, 1992, pp. 700727. L. boy, « La place de l’environnement dans le règlement des conflits à l’organisation mondiale du commerce », Mélanges Prieur, Dalloz, 2007, pp. 59-73. F. combot-maDec et N. hervé-Fournereau, « Commerce international et protection de l’environnement », RED env., 2002, pp. 3-41. S. maljean-Dubois, Droit de l’Organisation Mondiale du Commerce et Protection de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 2003.

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Les domaines de protection

157. Il s’agira ici d’étudier les relations qu’entretient le droit international de l’environnement avec d’autres domaines du droit international public. Cette section ne reviendra alors pas sur les inévitables interactions entre les différents secteurs de l’environnement ni sur la « synergie » nécessaire des règles juridiques aussi nombreuses qu’éparses38.

§ 1 Les relations conflictuelles entre commerce et environnement 158. Le droit international de l’environnement et le droit international économique entretiennent des relations conflictuelles. Malgré la mention que porte le préambule des Accords de Marrakech qui instituent l’O.M.C. à « l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable », la logique du libre-échange contrarie sur bien des points les exigences d’une gestion rationnelle de l’environnement. En particulier le temps de l’environnement, fondé sur du moyen et surtout du long terme est bien différent de celui de l’économie qui privilégie le moyen et parfois même le court terme39. Toutefois, le droit international économique vient parfois enrichir la protection de l’environnement et lui fournir des mécanismes facilitant sa mise en œuvre concrète.

A.

L’environnement comme une exception générale aux règles du commerce international

159. Le dialogue entre commerce et environnement est en réalité assez ancien. La S.D.N. avait élaboré, en 1927, une Convention pour l’abolition des prohibitions et restrictions à l’importation et à l’exportation, qui comportait une exception pour la protection des animaux et végétaux ainsi que pour la santé publique. Mais c’est surtout l’Accord général de 1947 qui prévoit le cadre juridique général, dans son article XX. b), et le droit des États de prendre des mesures « nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ». L’environnement n’était pas appréhendé en tant que tel, mais seulement dans certaines de ses composantes. Il comptait néanmoins parmi les exceptions générales de l’article XX du GATT. Cette exception a été reprise dans de nombreux accords spéciaux, comme ceux relatifs à l’agriculture, aux mesures sanitaires et phytosanitaires, aux obstacles techniques au commerce ou encore aux A.D.P.I.C. Depuis lors, les problématiques environnementales sont incluses au sein du programme de travail de Doha prévu par la Déclaration ministérielle de novembre 2001.

38. Sur ce point, voy. S. DouMbé-billé, « La synergie entre la convention de Ramsar sur les zones humides et les autres conventions de protectionde la nature », in Confluences Mélanges J. Morand-Deviller, Paris, Montchestien, 2007, pp. 779-786. 39. H. ghérari, « Accords commerciaux régionaux et protection de l’environnement », S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, op. cit., p. 353.


Les interactions

Plusieurs groupes spéciaux, dès le début des années 1980, ont eu à se prononcer sur la licéité des restrictions à l’importation fondées sur le respect de l’environnement. Tel est notamment le cas de l’affaire qui opposait le Mexique et la Communauté européenne aux États-Unis à propos des restrictions imposées par les Américains sur les importations de thon, fondées sur les techniques de pêche utilisées qui n’épargnaient pas les dauphins, espèce protégée par la loi américaine. Cette affaire donna lieu à deux rapports de groupes spéciaux en 1991 et 199440 qui ne purent pas être adoptés, mais dont l’importance demeure fondamentale. Ils rappellent que l’État doit appliquer sa législation interne, même environnementale, sans discrimination aux produits importés similaires. Est requis un traitement égal entre les produits eux-mêmes, sans qu’il ne puisse être fait référence aux procédés de fabrication. Sinon ce serait autoriser les importateurs à imposer leurs standards de productions aux étrangers. La jurisprudence de l’O.R.D. est globalement assez défavorable à la protection de l’environnement et fait primer, dans la grande majorité des affaires, la liberté commerciale. Parmi les affaires les plus importantes, notamment Essences nouvelle et ancienne formules de 199641, Hormones de 199842, Crevettes de 199843, Saumons de 199844 et Amiante de 200145, seule la dernière a abouti à une solution en faveur de la protection de l’environnement et de la santé. La jurisprudence de l’O.R.D. est également assez défavorable à la reconnaissance d’un principe de précaution, notamment dans l’affaire CE-Approbation et commercialisation des produits biotechnologiques, adoptée le 21 novembre 2006 (WT/DS291/R). Si l’autonomie des membres de l’O.M.C. pour déterminer leurs propres objectifs environnementaux a été affirmée à plusieurs occasions (p. ex., dans l’aff. Essence de 1996), la jurisprudence penche généralement en faveur de la liberté commerciale au regard des modalités d’application de la mesure qui ne doit pas constituer un « moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable » ni « une restriction déguisée au commerce international ».

40. États-Unis - Restrictions à l’importation de thon, Rapport non adopté, distribué le 3 septembre 1991 ; et États-Unis - Restrictions à l’importation de thon, Rapport non adopté, distribué le 16 juin 1994. 41. WT/DS2/R. 29 janvier 1996. (96-0326), États-Unis - Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules. 42. WT/DS48/AB/R, 16 janvier 1998, Communautés européennes - Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones) - Ab-1997-4 - Rapport de l’Organe d’appel. 43. WT/DS58/AB/R, 12 octobre 1998, États-Unis - Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes - AB-1998-4 - Rapport de l’Organe d’appel. 44. WT/DS18/AB/R, 20 octobre 1998, Australie - Mesures visant les importations de saumons - AB-1998-5 - Rapport de l’Organe d’appel. 45. WT/DS135/AB/R, 12 mars 2001, Communautés européennes - Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant - AB-2000-11 - Rapport de l’Organe d’appel.

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Les domaines de protection

B.

Le soutien des accords commerciaux aux normes environnementales

160. La Déclaration de Doha de 2001 envisage, dans ses paragraphes 6 et 51, le développement durable et consacre l’idée d’un soutien mutuel ou mutual supportiveness (§ 31). Il s’agit d’une mise en application du principe 12 de la Déclaration de Rio qui appelle à la construction d’un pont entre les deux domaines : « [l]es États devraient coopérer pour promouvoir un système économique international ouvert et favorable, propre à engendrer une croissance économique et un développement durable dans tous les pays, qui permettrait de mieux lutter contre les problèmes de dégradation de l’environnement. Les mesures de politique commerciale motivées par des considérations relatives à l’environnement ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, ni une restriction déguisée aux échanges internationaux ». Dans cette optique d’articulation et d’enrichissement mutuel des normes, le droit international économique va parfois servir l’effectivité du droit de l’environnement. 161. Dans le cadre du traitement spécial et différencié en faveur des pays en voie de développement prévu par le droit du GATT/O.M.C. (voy. not. la clause d’habilitation de 1979), un grand nombre d’États développés ont mis en place des systèmes d’octroi de préférences tarifaires aux pays en développement. Ces systèmes comportent parfois des thématiques environnementales. Par exemple, le système de préférences de l’Union européenne (S.P.G.) a été complété par le « S.P.G.+ », qui permet d’accorder à certains pays en développement des préférences supplémentaires s’ils respectent et mettent en œuvre un certain nombre de conventions internationales relatives à l’environnement46. Sur sa demande, le pays demandeur doit indiquer quelles lois nationales mettent en œuvre ces normes internationales et quelles mesures il a prises pour appliquer ces lois. Il doit s’engager à les maintenir en vigueur, à surveiller l’application du régime spécial d’encouragement et à assurer la coopération administrative nécessaire. 162. Au-delà du système de préférences tarifaires, certains accords commerciaux régionaux permettent une promotion de la protection de l’environnement. L’O.C.D.E. a produit une étude, parue en 2007 sur l’environnement 46. La liste de ces 12 conventions peut être trouvée à l’annexe VIII B du Règl. (UE) n° 978/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées : Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (1973) ; Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (1987) ; Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (1989) ; Convention sur la diversité biologique (1992) ; Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1992) ; Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques (2000) ; Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (2001) ; Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1998) ; Convention unique des Nations unies sur les stupéfiants (1961) ; Convention des Nations Unies sur les substances psychotropes (1971) ; Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (1988) ; Convention des Nations Unies contre la corruption (2004).


Les interactions

et les accords commerciaux régionaux (A.C.R.). Elle y note qu’aujourd’hui, la plupart des A.C.R. comportent des dispositions relatives à l’environnement. Le Canada, l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande ou encore les États-Unis qui ont intégré aux derniers A.C.R. les dispositions les plus complètes à cet égard. En effet, dans le cadre de l’ALENA, un accord a été adopté, en 1993, exclusivement consacré aux questions environnementales l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement. Il impose aux 3 États membres de respecter et d’appliquer efficacement leur législation interne en matière d’environnement. Dans le même sens, l’Accord de partenariat économique UE/CARIFORUM du 15 octobre 2008, qui lie 41 États, prévoit que le Parties prennent sur leurs territoires respectifs, les mesures pour veiller à ce que les investisseurs se conforment aux obligations environnementales tant internes qu’internationales (art. 72, c). Dans le même sens, les partenaires commerciaux des États-Unis doivent désormais respecter 7 conventions internationales de protection de l’environnement (la CITES, le Protocole de Montréal de 1987, le Protocole de 1978 à la Convention de Londres sur la pollution par les navires, la Convention Ramsar de 1971, la Convention de Canberra de 1980 sur l’Antarctique, la Convention du 2 décembre 1946 sur la protection des baleines et la Convention du 31 mai 1949 sur le thon tropical). À retenir : Art. XX b) du GATT de 1947 : « Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l’adoption ou l’application par toute partie contractante des mesures : nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ». O.R.D., 29 janvier 1996, États-Unis, Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules : « Les membres de l’O.M.C. disposent d’une large autonomie pour déterminer leurs propres politiques en matière d’environnement (y compris la relation entre l’environnement et le commerce), leurs objectifs environnementaux et la législation environnementale qu’ils adoptent et mettent en œuvre. En ce qui concerne l’O.M.C., cette autonomie n’est limitée que par la nécessité de respecter les prescriptions de l’Accord général et des autres accords visés ».

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Les domaines de protection

§ 2 Les interactions entre le droit international de l’environnement et les droits de l’homme Pour aller plus loin : S. Doumbé-billé, « Droits de l’homme, environnement et développement durable », in Les droits de l’homme. Une nouvelle cohérence pour le droit international ? (R. ben achour et S. laghmani dir.), Paris, Pedone, 2008, pp. 137-145. Id., « La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Le droit de l’homme à un environnement sain », Annuaire international des droits de l’homme, n° 1, 2006, pp. xx. Id., « Les droits économiques, sociaux, environnementaux et culturels pour le développement durable », Liaisons, Revue de l’IEPF-AIF, n° 64, 2004, pp. 72 et s. P. tavernier, « Le droit de l’homme à un environnement sain », Ann. intern. D.H., n° 1, 2006, pp. 219 et s. D. spielmann, « La Cour internationale de justice et le droit de l’environnement », Ann. intern. D.H., n° 1, 2006, pp. 39 et s. S. teles Da silva, « Le droit à l’environnement et les aires protégées au Brésil », in Mélanges M. Prieur, Paris, Dalloz, 2007, pp. 379 et s ; E. louKa, « Conservation of biodiversity and protection of Human rights. Authentical or Complementary Goals », Ann. intern. D.H., n° 1, 2006, pp. 283 et s. J. Dhommeaux, « Le droit à un environnement sain dans les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme », Ann. intern. D.H., n° 1, 2006, pp. 71 et s. A.-Ch. Kiss, « Un aspect du droit de vivre, le droit à l’environnement », in Mélanges Khushalani, 1988, p. 70. Id., « Le droit à la conservation de l’environnement », RUDH, 1990, pp. 44. J.-F. Flauss, « La procéduralisation des droits substantiels de la Convention européenne des droits de l’homme au service de la lutte contre les pollutions et nuisances », in Mélanges M. Prieur, op. cit., pp. 1263-1276. K. neri, « Le droit à l’énergie », in Défis énergétiques et droit international (S. Doumbébillé dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. xx. Id., « La Cour européenne des droits de l’homme, le droit à un environnement sain et les énergies de demain », in Techniques et Droits humains (RERDH dir.), Paris, Monchrestien, 2011, pp. 463476. D. shelton, Human Rights and the Environment: Jurisprudence of Human Rights Bodies, Joint UNEP-OHCHR Expert Seminar on Human Rights and the Environment, Genève, janvier 2002. J. grueau, L’effectivité du droit à l’eau devant les juridictions régionales des droits de l’homme, Paris, Académie de l’Eau, mai 2011.

A.

Le développement du droit de l’environnement comme moteur de l’enrichissement des droits de l’homme

a)

La place de l’homme dans le droit de l’environnement

163. La Déclaration de Stockholm sur l’environnement dispose : « [l]’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations à venir ». Selon le professeur Kiss, cette disposition apparaît non seulement comme la première consécration du lien entre les droits de l’homme et la protection de l’environnement, mais également comme « le premier pas vers la définition de ce qui sera appelé par la suite “le droit à l’environnement” »47. 47. A.-Ch. Kiss et J.-P. beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 42.


Les interactions

La Déclaration de Rio de 1992 sur le développement et l’environnement, dans son principe 1, reprend cette formulation, accordant à l’homme une place centrale dans la protection de l’environnement.

b)

Le développement d’un droit à l’environnement

i.

Un droit de l’homme

164. Certaines conventions internationales relatives aux droits de l’homme vont dans le sens d’une reconnaissance, sous certaines formes, d’un droit à l’environnement. Tel est le cas du Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques et culturels, adopté le 17 novembre 1988 à San Salvador (art. 11, ainsi formulé : « Toute personne a le droit de vivre dans un environnement salubre et de bénéficier des équipements collectifs essentiels. Les États parties encourageront la protection, la préservation et l’amélioration de l’environnement »). L’on citera également l’article 1 de la Convention d’Aarhus de 1998 sur l’accès à l’information en matière environnementale. Toutefois, ce n’est pas un droit à l’environnement en tant que tel qui est protégé, mais certains aspects de ce droit. Par exemple, le Protocole de San Salvador protège un droit à un environnement salubre, tandis que la Convention d’Aarhus protège un droit à l’information en matière environnementale ainsi qu’un droit à la justice dans ce cadre. Dans le même sens, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies reconnaît un droit à l’eau et à l’assainissement, dans une décision du 28 juillet 201048. La Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950, quant à elle, ne garantit pas non plus en tant que tel un droit à l’environnement. Toutefois, par le jeu d’une interprétation dynamique de la Convention et de ses protocoles, la Cour européenne a développé une jurisprudence protectrice de certains aspects du droit à l’environnement et consacre le droit à un environnement sain. Ce droit « garanti au nom du principe fondamental de la dignité humaine, correspond à une notion restreinte par rapport au droit à l’environnement qui comprend la protection de la faune, de la flore, du patrimoine architectural, de la santé contre toutes les formes de pollutions sonores, olfactives ou autres »49. La Cour rattache sa protection à l’article 8 de la Convention, plus exceptionnellement à l’article 2, mais également aux articles 10 et 6, § 1, afin de protéger le droit à un environnement par le prisme d’obligations procédurales. Le juge européen affirme, à partir des années 1990, qu’« il va de soi que des atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie

48. H. sMet, « Le droit de l’homme à l’eau et à l’assainissement est finalement reconnu », RJE, 2011, pp. 79-89. 49. P. laMbert, « Le droit de l’homme à un environnement sain », RTDH, 2000, p. 565.

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Les domaines de protection

privée et familiale »50. Le droit à l’environnement sain est alors devenu une condition garantissant la jouissance effective du droit au respect de la vie privée. De nombreux arrêts viendront confirmer et préciser cette jurisprudence, notamment les affaires Hatton c. Royaume-Uni (8 juillet 2003) ou encore, plus récemment Di Sarno c. Italie (12 janvier 2012). Le champ d’application de l’article 8 au titre de la « vie privée et familiale » a ensuite été élargi aux risques environnementaux, notamment dans l’affaire Taskin c. Turquie du 10 novembre 2004 (§ 113)51. Deux types d’obligations à la charge des États découlent du droit à un environnement sain : des obligations négatives imposant aux États de s’abstenir de prendre toute mesure de nature à porter atteinte à ce droit et des obligations positives imposant à l’État prendre les mesures nécessaires pour permettre une protection effective de ce droit, tant substantielles que procédurales. De manière similaire, le juge interaméricain a eu l’occasion d’affirmer qu’« il existe un rapport indéniable entre la protection de l’environnement et la réalisation d’autres droits de l’homme. La façon dans laquelle la dégradation de l’environnement et les effets adverses du changement climatique ont eu des répercussions sur la jouissance effective des droits de l’homme au sein du continent a fait l’objet de discussions de la part de l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains et des Nations Unies. De nombreux États parties à la Convention américaine des droits de l’homme ont adopté des dispositions constitutionnelles reconnaissant expressément le droit à un environnement sain. Ces avancées dans le développement des droits de l’homme au sein du continent ont été reprises par le Protocole additionnel à la Convention américaine des droits de l’homme sur les droits économiques, sociaux et culturels, le Protocole de San Salvador »52. Mais c’est principalement dans le domaine des droits collectifs que la Cour interaméricaine va faire preuve d’audace dans la protection d’un droit à l’environnement.

ii.

Un droit deS peUpleS

165. La Cour interaméricaine a forgé une jurisprudence intéressante en matière de droits des peuples autochtones sur leurs ressources naturelles. La Cour protège, sous l’article 21 relatif au droit de propriété, le droit des peuples indigènes sur leurs terres. Les affaires Communauté Mayagna (Sumo) Awas Tingni c. Nicaragua, (31 août 2001, § 148) et Saramaka c. Suriname (28 novembre 2007) en sont de bons exemples. Ils protègent le droit à la propriété et la protection des ressources pour les communautés indigènes non seulement dans son volet matériel, mais également dans son volet procédural, à savoir le respect des obligations d’accès la justice, de participation au processus décisionnel et d’information. 50. C.E.D.H., 9 décembre 1994, Lopez Ostra c. Espagne, § 51. Voy. ensuite C.E.D.H., 19 février 1998, Guerra et al c. Italie, § 57. 51. C.E.D.H., 10 novembre 2004, Taskin et autres c. Turquie, plus partic. § 113. 52. C.I.A.D.H., 3 avril 2009, Kawas Fernandez c. Honduras, Série C, n° 196, § 148. Trad. non officielle.


Les interactions

La Cour va également développer une jurisprudence en matière d’environnement salubre, en s’appuyant sur le droit à la vie. Dans l’affaire Yakie Axa c. Paraguay (17 juin 2005), qui concernait la construction d’une autoroute à travers les terres ancestrales de cette communauté, la Cour constate la violation d’un droit à une vie digne des membres de la communauté. Ils avaient en effet été privés de la possibilité d’accès à leurs moyens de survie traditionnels, incluant l’accès à de l’eau propre ou encore la pratique de la médecine traditionnelle. Dès lors, au regard des obligations positives de préserver les terres et l’environnement, la Cour conclut à la violation du droit à la vie dans des conditions dignes, découlant à l’article 4 de la Convention. Une solution similaire est adoptée dans l’affaire Kichwa de Sarakayu c. Équateur (27 juin 2012). 166. Sur le continent africain, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 (adoptée à Nairobi et entrée en vigueur 21 octobre 1986) prévoit, à son article 24, que « tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement ». Elle est complétée d’un Protocole relatif aux droits de la femme, dont l’article 18 (complété par les art. 16 et 19), qui prévoir un droit à un environnement est ainsi formulé : « 1. Les femmes ont le droit de vivre dans un environnement sain et viable. 2. Les États prennent les mesures nécessaires pour : 1. assurer une plus grande participation des femmes à la planification, à la gestion et à la préservation de l’environnement ainsi qu’à l’utilisation judicieuse des ressources naturelles à tous les niveaux ; 2. promouvoir la recherche et l’investissement dans le domaine des sources d’énergies nouvelles et renouvelables et des technologies appropriées, y compris les technologies de l’information, et en faciliter l’accès et le contrôle aux femmes ; 3. favoriser et protéger le développement de la connaissance des femmes dans le domaine des technologies indigènes ; 4. réglementer la gestion, la transformation, le stockage et l’élimination des déchets domestiques ; 5. veiller à ce que les normes appropriées soient respectées pour le stockage, le transport et l’élimination des déchets toxiques ». La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, sans avoir développé de véritable jurisprudence en matière environnementale, a pu établir quelques principes généraux à l’occasion de deux affaires fondamentales : SERAC c. Nigéria en 2001 et Endorois c. Kenya en 2009. Dans l’affaire SERAC, les articles 16 (sur le droit à la santé) et 24 (sur l’environnement) avaient été violés par le Gouvernement du Nigéria en raison de dégradations infligées à l’environnement, aux terres et points d’eau du peuple Ogoni, mettant cette communauté autochtone dans l’impossibilité de pratiquer l’agriculture et la pêche. L’exploration pétrolière qui a causé ces dommages avait été menée sans études d’impact préalables et sans que les populations concernées aient pu être consultées.

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Les domaines de protection

B.

Le développement de l’environnement comme frein : nécessaire conciliation.

167. La protection de l’environnement peut également entrer en conflit avec la protection des droits de l’homme, notamment lorsqu’elle sert de justification à une ingérence de l’État dans les droits protégés. Par exemple, dans l’affaire Xákmoc Kásek c. Paraguay53, le Gouvernement du Paraguay avait créé une « réserve naturelle privée » sur une partie du territoire sans consulter les populations indigènes. La Cour semble affirmer que la création de cette réserve est en réalité une façon subtile de priver les peuples indigènes de leur droit d’accès à leurs terres. Dans cette affaire, la Cour interaméricaine se fonde non seulement sur la Convention américaine, mais également sur la Convention n° 169 de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée le 27 juin 1989 et entrée en vigueur le 5 septembre 1991. De la même manière, l’affaire Endorois, jugée par la Commission africaine, concernait la violation par le Kenya des articles 21 et 22 qui traitent respectivement du droit à la libre disposition des ressources naturelles et du droit au développement. En créant une réserve naturelle, le Kenya a évincé la communauté Endorois de ses terres ancestrales. La Commission a, dans cette affaire, recommandé, entre autres, l’accès illimité aux ressources de la zone concernée (incluant le lac Bogoria) et l’indemnisation pour toutes les pertes subies. À retenir : Convention d’Aarhus, art. 1 : « Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque Partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la présente Convention ». C.E.D.H., 9 décembre 1994, Lopez Ostra c. Espagne, § 51 : « Il va pourtant de soi que des atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale ».

53. C.I.D.H., Fond et réparations, 24 août 2010, Communauté indigène Xácmoc Kásek c. Paraguay, Série C, nº 214.


Les interactions

§ 3 Les interactions entre le droit international de l’environnement et la santé Pour aller plus loin : P.-M. Dupuy, « Le droit à la santé et la protection de l’environnement », in Académie de doit international, Le droit à la santé en tant que droit de l’homme, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1979, pp. 340-427. Ph. billet, M. Durousseau, G. martin et I. trinquelle, Droit de l’environnement et protection de la santé, Paris, L’Harmattan, 2009. J.-P. beauD, « Quelque chose d’Hippocrate à l’origine du droit de l’environnement », in Genèse du droit de l’environnement, op. cit., pp. 23-26. S. Drouet, « Santé et environnement en France », RJE, 2003, pp. 319336. H. heimann, « Les effets de la pollution de l’air sur la santé de l’homme », in La pollution de l’air, Genève, O.M.S., 1963, pp. 152-183. M.A. hermitte, « Santé, environnement. Pour une deuxième révolution hygiéniste », in Les hommes et l’environnement, Méanges Kiss, Paris, Frison-Roche, 1989, pp. 23-44.

A.

Les liens entre santé et environnement

168. L’O.M.S. remarque, dans son rapport de 2007 intitulé « Prévenir la maladie grâce à un environnement sain », que les risques environnementaux sont l’une des principales causes de mauvaise santé. Le rapport affirme qu’environ un quart de la charge mondiale de morbidité (et plus d’un tiers pour les enfants) est du à « des facteurs d’environnement sur lesquels on peut agir ». Les liens entre santé et environnement relèvent alors de l’évidence. Leurs protections internationales sont donc interdépendantes. La plupart des règles du droit international de l’environnement concernent directement la santé humaine. L’on citera, par exemple, celles relatives à la pollution des différents secteurs de l’environnement (eaux douces, sols, espaces marins, atmosphère, etc.), mais également celles qui sont relatives à la réglementation de substances dangereuses ou potentiellement dangereuses, comme les déchets radioactifs ou encore les produits chimiques. Les règles relatives à la protection de la vie sauvage et de la diversité biologique semblent, en revanche, à première vue, indifférentes à la santé humaine. Mais même dans ce cas, le potentiel de médication de certains écosystèmes, ainsi que leur action sur les changements climatiques, par exemple, rétablissent le lien avec la santé humaine. La grande majorité des instruments internationaux protecteurs de l’environnement font référence à la santé de l’homme, à l’exception peut-être de certaines conventions, en général54 relatives à la protection de la faune et/ou de la flore comme la Convention Ramsar, la CITES, la Convention sur les espèces migratrices (Bonn, 23 juin 1979), la Convention sur la diversité biologique, la Convention de Canberra sur la faune et la flore marine de l’Antarctique, l’Accord de 1995 sur les stocks chevauchants ou encore l’Accord de 1994 sur les 54. C’est également le cas de la Convention nordique sur la protection de l’environnement, Stockholm, 19 février 1974.

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Les domaines de protection

bois tropicaux. Cette exception historique en matière de protection de la faune et de la flore, et plus largement de la diversité biologique est tombée avec l’adoption du Protocole de Carthagène à la Convention sur la diversité biologique. L’article 1 affirme que « l’objectif du présent Protocole est de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l’utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant plus précisément l’accent sur les mouvements transfrontières ». Les liens avec la santé seront systématiquement rappelés au sein du Protocole. Jochen Sohnle a identifié trois étapes des relations entre santé et environnement en droit international55. La première consiste à concevoir le droit de l’environnement comme une composante d’un ensemble plus vaste se préoccupant du bien-être et de la santé humaine. La seconde consiste à appréhender la santé et l’environnement comme deux spécialités autonomes, elles entretiennent alors des rapports conflictuels. Enfin, la troisième étape consiste en une relation « symbiotique » entre protection de l’environnement et de la santé humaine dans laquelle chacune contribue à la protection de l’autre. Aujourd’hui, une interdépendance existe le plus souvent entre règles environnementales et règles relatives à la santé.

B.

L’influence du développement du droit à la santé sur le droit international de l’environnement

169. Si les préoccupations de santé et d’environnement ne peuvent plus être clairement distinguées, une asymétrie subsiste en matière de réglementation internationale. Celle-ci est souvent plus exigeante en matière de santé qu’en matière d’environnement (voy. J. Sohlne, p. 169). Dès lors, le développement de règles internationales en matière de santé humaine, susceptible de concerner de manière incidente l’environnement, peut également permettre de compléter la protection de celui-ci.

a)

L’action de l’O.M.S.

170. L’O.M.S. s’attelle alors à déterminer l’impact des risques environnementaux sur différentes maladies notamment la diarrhée, les infections des voies respiratoires ou encore le paludisme. Pour prévenir ces risques environnementaux et éviter les maladies qu’ils entraînent, l’O.M.S. a adopté certains instruments dans le domaine environnemental. Par exemple, les lignes directrices relatives à la qualité de l’air, adoptées pour la première fois en 1987, ou 55. J. sohNle, « Les relations entre environnement et santé en droit international : Coexistence problématique ou cohabitation symbiotique ? », in Droit de l’environnement et protection de la santé (Ph. billet, M. Durousseau, G. MartiN et I. triNquelle dir.), Paris, L’Harmattan, 2009, pp. 145-169.


Les interactions

encore les directives pour la qualité de l’eau de boisson adoptées en 2004 et révisées depuis. C’est également sous l’égide de l’O.M.S. qu’a été adoptée la Charte européenne sur l’environnement et la santé à Francfort en 1989. Elle rappelle que la santé humaine est tributaire d’une grande variété de facteurs environnementaux, que la prévention des risques pour la santé, par le biais de la protection de l’environnement, est alors nécessaire. Dès lors, la Charte affirme que « [c] haque personne est en droit de bénéficier d’un environnement permettant la réalisation du niveau le plus élevé possible de santé et de bien-être », mais également « d’être informée et consultée sur les plans, décisions et activités susceptibles d’affecter à la fois l’environnement et la santé » (art. 1). De plus, chaque individu a l’obligation de contribuer à la protection de l’environnement, « dans l’intérêt de sa propre santé et de la santé des autres » (art. 2). C’est dans cette optique d’interdépendance que l’O.M.S. avait demandé à la Cour internationale de justice un avis sur la licéité de la menace et de l’emploi de l’arme nucléaire56. Une coopération entre les Nations Unies et l’O.M.S. a également vu naître le Protocole de Londres du 17 juin 1999 sur l’eau et la santé (entré en vigueur le 4 août 2005). Il complète la Convention de 1992 sur les cours d’eau transfrontières et les lacs internationaux. Son objectif principal est de protéger la santé et le bien-être de l’homme. Cet objectif implique néanmoins l’adoption de mesures concrètes de lutte contre les maladies liées à l’eau, mais également d’amélioration de « la gestion de l’eau, y compris la protection des écosystèmes aquatiques » (art. 1).

b)

Le développement d’un droit de l’homme à la santé

171. L’affirmation internationale d’un droit à la santé a également permis de mettre l’accent sur les questions environnementales. En effet, selon l’O.M.S., les composantes du droit à la santé sont : l’accès à des soins de santé primaires essentiels ; l’accès à une alimentation essentielle minimale nutritive ; l’accès à des moyens d’assainissement ; l’accès à de l’eau salubre et potable ; l’accès aux médicaments essentiels. Toutes sont susceptibles d’avoir un lien avec la protection de l’environnement. 172. Les questions de santé ont permis le développement considérable de la protection de l’environnement par certaines juridictions internationales, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme. Henri Smets a souligné que « le droit à l’environnement sain peut être associé au droit fondamental à la santé conçu comme le droit à des conditions de vie saines et au droit

56. C.I.J., Avis, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, 8 juillet 1996. La Cour avait refusé de rendre cet avis en raison du principe de spécialité que régissent les compétences des organisations internationales.

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Les domaines de protection

fondamental à la dignité humaine dans la mesure où il n’est pas conforme à la dignité humaine de devoir vivre dans un environnement dégradé »57. Ainsi, dans bon nombre de ses affaires les plus connues en matière d’environnement, il était en réalité question de la santé des requérants. Ces affaires contribuent toutes à la construction prétorienne sinon d’un droit à l’environnement, tout du moins d’un droit à un environnement sain. Tel est, par exemple, le cas de l’affaire Lopez Ostra c. Espagne de 1994. Si la Cour refuse de reconnaître toute automaticité entre une atteinte à l’environnement et une atteinte à la santé (§ 51 : « des atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale, sans pour autant mettre en grave danger la santé de l’intéressée »), elle reconnaît, dans cette affaire fondamentale, une violation de l’article 8, notamment sur le fondement d’un préjudice moral né de « l’angoisse et de l’anxiété » que la requérante a ressenti « en voyant la situation perdurer et l’état de santé de sa fille se dégrader » (§ 65). Il convient également de citer l’affaire Öneryıldız c. Turquie de 2004 (voy. supra, § 140), où la Cour avait conclu à une violation de l’article 2 protégeant le droit à la vie, mais également le droit à la santé. L’affaire Dubetska et autres c. Ukraine, jugée le 10 février 2011, en est un autre exemple. Les requérants invoquaient l’article 8 en raison des problèmes de santé causés par l’exploitation d’une mine de charbon à proximité de leur domicile. La Cour estime que l’exploitation de la mine et de l’usine a contribué aux problèmes de santé des requérants et condamne l’Ukraine pour violation de l’article 8. Dans l’importante affaire Tatar c. Roumanie de 2009, la Cour refuse de constater l’existence d’un lien, non démontré par les requérants, entre l’exposition de leur fils au cyanure de sodium provenant de l’exploitation de la mine d’or et ses problèmes de santé (asthme). Elle consacre néanmoins dans cette affaire l’obligation d’appliquer le principe de précaution, notamment lorsque la santé des riverains est menacée.

57. H. sMets, « Une Charte des droits fondamentaux sans le droit de l’environnement ? », REDE, 2001, p. 383. Id., Une Charte des droits fondamentaux sans droit à l’environnement, Funchal, éd. Conseil européen du droit de l’environnement, 2001, p. 17.


Les interactions

EXERCICE : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez cette section attentivement. 1. Que contient l’article XX du GATT de 1947 ? Quel intérêt pour l’environnement ? 2. Citez une affaire environnementale jugée par l’O.R.D. Quelle est la solution retenue par l’Organe d’appel ? 3. Existe-t-il un droit à l’environnement ? Expliquez. 4. Quelle est la portée de l’affaire Lopez Ostra c. Espagne de la Cour européenne des droits de l’homme ? 5. Quels sont les droits des individus en matière environnementale ? 6. Quels sont les droits des peuples en matière environnementale ? 7. Quels instruments régionaux africains en matière de droits de l’homme protègent l’environnement ? 8. Citez un instrument international protecteur de l’environnement issu de la coopération avec l’O.M.S. 9. Existe-t-il un droit de l’homme à la santé ? Expliquez. 10. Quels étaient les faits de l’affaire Tatar c. Roumanie jugée par la Cour européenne des droits de l’homme ?

145



Chapitre 4 Application des règles

1.

Contrôle de l’application ..................................................................... 148

2.

Responsabilité internationale ............................................................. 171


148

Application des règles

173. Le droit international de l’environnement, bien que caractérisé par un important développement de la soft law, doit être considéré comme un corps de règles de nature à s’appliquer par elles-mêmes. En effet, le droit international lie les États qui sont tenus d’agir dans le respect de leurs obligations internationales. Pourtant, il a souvent été reproché à cette branche du droit son manque d’effectivité. Les spécificités de la protection de l’environnement ont amené les États et les organisations internationales à développer des mécanismes particuliers afin de contrôler l’application des normes. Ceux-ci se distinguent par une certaine souplesse, favorisant le contrôle et le suivi plutôt que la sanction (Section 1). Les techniques traditionnelles du droit international intervenant en réaction à un manquement ont également dû être revisitées. C’est ainsi que la responsabilité environnementale est en perpétuelle évolution (Section 2).

Section 1

contrôLe de L’appLication Pour aller plus loin : Ministère de l’Environnement et Environnement sans frontière (dir.), L’application renforcée du droit international de l’environnement, Paris, Frison-Roche, 1999. K. bannelier-christaKis, « Le système des rapports », in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle et mise en œuvre des conventions internationales (Cl. Imperialli dir.), Paris, Economica, pp. 91-110. L. boisson De chazournes, « Les mécanismes conventionnels d’assistance économique et financière et le fonds pour l’environnement mondial », in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle et mise en œuvre des conventions internationales, op. cit., pp. 187-199. S. Doumbé-billé, « Les secrétariats des conventions internationales, in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle et mise en œuvre des conventions internationales, op. cit., pp. 57-78. W. lang, « L’enquête et l’inspection », in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle et mise en œuvre des conventions internationales, op. cit., pp. 137-145. S. maljean-Dubois, « La mise en œuvre du droit international de l’environnement », Studies, n° 03/2003, Iddri, 2003. Id., « Un mécanisme original : la procédure de ‘‘non compliance’’ du Protocole relatif aux substances appauvrissant la couche d’ozone », in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle et mise en œuvre des conventions internationales, op. cit., pp. 225-247. S. Maljean-Dubois et j.-ch. martin, « L’affaire de l’Usine Mox devant les tribunaux internationaux », JDI, 2007, n° 2, pp. 437-471. N. De saDeleer, environnement et marché intérieur. Commentaire J. Mégret, Bruxelles, Éd. ULB, 2010. J.-P. marguénauD, « La protection de l’environnement », in Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme (F. suDre, J.-P. margénauD, J. anDriantsimbazovina, A. gouttenoire, M. lévinet et G. gonzalez collab.), Paris, PUF, 2011, pp. 535545. P. tavernier, « La Cour européenne et la mise en œuvre du droit international de l’environnement », Act. et dr. intern., juin 2003, p. 3 (http://www.ridi.org/adi/ articles/2003/200306tav.htm). T. treves, « Les différends en droit international de l’environnement », S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, Colloque d’Aix-en-Provence (2009), Paris, Pedone, 2010, pp. 433–450.


Contrôle de l’application

149

174. Le contrôle de l’application des règles relatives à la protection de l’environnement passe tout d’abord par le développement de procédures souples, basées sur la coopération interétatique (§ 1). C’est seulement en dernier recours que les États se tournent vers les méthodes de règlement des différends bien connues du droit international (§ 2).

§ 1 Souplesse du cadre d’application A.

Clauses d’application et de conditionnalité

175. Afin de renforcer l’application du droit de l’environnement, les États vont développer deux types de clauses particulièrement intéressantes, incluses essentiellement dans les traités commerciaux. Dans un premier temps, des accords commerciaux régionaux vont prévoir l’obligation pour les États parties de prendre les mesures nécessaires pour une mise en œuvre efficace et effective de leur propre réglementation environnementale. Ce système est très utilisé par les États-Unis et le Canada. Ainsi, l’article 5 de l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement conclu entre les États-Unis, le Canada et le Mexique (A.N.A.C.D.E.) prévoit que : « [a]fin de parvenir à des niveaux élevés de protection environnementale et d’observation de ses lois et réglementations environnementales, chacune des Parties assurera l’application efficace de ses lois et réglementations environnementales par la mise en œuvre, sous réserve de l’article 37, de mesures gouvernementales appropriées […] ». On retrouve ce type de clause dans de nombreux autres traités de libreéchange tels que les accords États-Unis/CAFTA-DR (art. 17.2 (1)(a)), États-Unis/ Australie (art. 19.2 (1)(a)), États-Unis/Bahreïn (art. 16.2 (1)(a)), États-Unis/Chili (art. 19.2 (1) (a)), États-Unis/Corée (art. 20.3 (1)(a)), États-Unis/Maroc (art. 17.2 (1)(a)), États-Unis/Oman (art. 17.2 (1)(a)), États-Unis/Panama (art. 17.3 (1) (a)), États-Unis/Pérou (art. 18.3 (1)(a)), États-Unis/Singapour (art. 18.2 (1) (a))1. Le Canada a également inséré une telle obligation dans ses accords sur l’environnement, joints aux accords de libre-échange, avec la Colombie (art. 2.2), le Pérou (art. 2.2) et la Jordanie (art. 4). Pourtant, en application du principe de souveraineté, les États conservent une marge de liberté quant à la détermination du niveau de protection de leur propre législation2. Ces clauses ont donc pour objectif non seulement de 1. Pour un ex. de formulation, voy. l’accord États-Unis/CAFTA-DR entre, d’une part, les États-Unis et, d’autre part, le Costa Rica, El Salvador, le Guatemala, l’Honduras, le Nicaragua et la République dominicaine : « A Party shall not fail to effectively enforce its environmental laws, through a sustained or recurring course of action or inaction, in a manner affecting trade between the Parties, after the date of entry into force of this Agreement ». 2. Voy. en ce sens art. 17.1 de l’Accord États-Unis/CAFTA-DR ; art. 19.1 de l’Accord ÉtatsUnis/Australie ; art. 16.1 de l’Accord États-Unis/Bahreïn ; art. 19.1 de l’Accord États-Unis/ Chili ; art. 20.1 de l’Accord États-Unis/Corée ; art. 17.1 de l’Accord États-Unis/Maroc ; art. 17.1 de l’Accord États-Unis/Oman ; art. 17.1 de l’Accord États-Unis/Panama ; art. 18.1


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Application des règles

maintenir l’acquis en matière de législation environnementale, mais également de favoriser un renforcement du niveau de protection. De plus, dès lors que les normes internes sont prises en application de normes internationales, ces clauses vont, indirectement, jouer en faveur de l’application du droit international de l’environnement. 176. En outre, certains accords de libre-échange renforcent directement l’application du droit international de l’environnement, en prévoyant explicitement à la charge des États parties l’obligation de respecter un certain nombre de conventions environnementales. Certains partenaires des États-Unis sont ainsi tenus au respect de sept conventions, au titre desquelles la Convention de Washington sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES), le Protocole de Montréal de 1987, le Protocole de 1978 relatif à la Convention sur la prévention de la pollution par les navires, la Convention Ramsar, la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marine de l’Antarctique, la Convention internationale sur les baleines (1946) et la Convention relative à la Commission interaméricaine pour le thon tropical (1949)3. Un tel schéma a été développé dans le cadre de l’Union européenne, que ce soit à travers des accords de partenariat économique tel que l’Accord Cariforum/CE, ou à travers son système de préférences généralisées, « SPG+ » (voy. supra, § 163).

B.

Techniques de contrôle

a)

Le contrôle administratif

i.

le systèMe Des raPPorts

177. En droit international de l’environnement, le rapport demeure une technique fondamentale dans la procédure de contrôle de l’application des règles. Celle-ci, consistant à récolter des informations sur la mise en œuvre des conventions environnementales, a pour objectif de promouvoir leur respect par les États parties. Elle permet ainsi un suivi des modalités pratiques de mise en œuvre. Les États ont l’obligation de présenter des rapports périodiques afin de rendre compte des mesures prises au niveau interne pour mettre en œuvre les obligations imposées par la convention. Sous la dénomination de « rapport » on trouve des réalités diverses. Certaines conventions, comme la Convention sur la lutte contre la désertification de 1994, font expressément référence à ce terme (art. 26), alors que d’autres se bornent à évoquer des « communications étatiques périodiques » (art. 7 du de l’Accord États-Unis/Pérou ; art. 18.1 de l’Accord États-Unis/Singapour. Voy. égal. les Accords Canada/Colombie sur l’environnement (art. 2.1), Canada/Pérou sur l’environnement (art. 2.1), Canada/Jordanie sur l’environnement (art. 3). 3. Voy. art. 20.2 et ann. 20-A de l’Accord États-Unis/Corée ; art. 17.2 et ann. 17.2 de l’Accord États-Unis/Panama ; art. 18.2 et ann. 18.2 de l’Accord États-Unis/Pérou.


Contrôle de l’application

Protocole de Montréal relatif aux substances appauvrissant la couche d’ozone du 16 septembre 1987). 178. On constate également l’hétérogénéité des précisions relatives aux informations devant figurer dans les rapports. Certaines conventions, telles que le Protocole de Montréal, prévoient des dispositions particulièrement détaillées. Ce dernier indique, en son article 7, le contenu et la fréquence des rapports4. D’autres restent plus lacunaires et prévoient uniquement l’obligation pour chaque État partie de présenter un rapport sur les mesures qu’il a prises « pour remplir chacune des obligations énoncées par la […] Convention » (art. 5 de la Convention sur la sureté nucléaire du 17 juin 1994). Par ailleurs, il n’est pas rare qu’une convention prévoyant un tel système de contrôle confie à la Conférence des Parties le soin de préciser les modalités du rapport. C’est ainsi que l’article 5 de la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone du 22 mars 1985 dispose que « la forme et la fréquence de ces rapports [sont] déterminées par les réunions des Parties aux instruments considérés ». La détermination de modalités précises est fondamentale car elle conditionne l’efficacité du mécanisme. En outre, comme il n’existe pas un contrôle centralisé de l’application des conventions internationales, celles-ci renvoient très souvent aux Conférences des Parties le soin d’examiner les rapports. La portée de ce contrôle, réalisé non par un comité d’experts indépendants, mais par un organe politique, s’en trouve donc limitée. Se développe en parallèle l’institution de comités nationaux chargés d’examiner le suivi de l’application. Tel est le cas dans le cadre de la Convention internationale sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique. Le reporting system connaît toutefois un inconvénient qui n’est pas des moindres : ces communications sont réalisées par les États eux-mêmes. Par conséquent, leur objectivité et leur impartialité peuvent être mises en doute. Pour nuancer cette idée, on peut relever la place laissée par certaines conventions à des rapports émanant de sources non gouvernementales. Ainsi, la Convention-cadre sur les changements climatiques prévoit, en son article 7, § 2 (l), que « [l]e cas échéant, elle [la Conférence des Parties] sollicite et utilise les services et le concours des organisations internationales et des organismes intergouvernementaux et non gouvernementaux compétents, ainsi que les informations qu’ils fournissent ». Cette référence à des entités non gouvernementales est également présente dans la CITES (art. 12), la Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage du 23 juin 1979 (art. 9) et la Convention sur la lutte contre la désertification (art. 22, § 2 (h)). La publication et la publicité de ces rapports étatiques peuvent constituer un moyen de pression vis-à-vis des États défaillants. Toutefois, force est de constater une certaine réserve des organes chargés du suivi en raison de 4. Voy. égal., à titre d’ex., la Convention-cadre sur les changements climatiques du 9 mai 1992 (art. 12).

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Application des règles

la nécessité de concilier la transparence de l’information et la confidentialité attachée à certaines données5.

ii.

les eNquêtes

179. Afin de renforcer le contrôle de l’application des règles relatives à la protection de l’environnement, les conventions peuvent autoriser la tenue d’enquêtes qui, comme le reporting system, aident à évaluer le respect, par les États, de leurs obligations conventionnelles. Contrairement aux rapports, elles ne visent pas seulement à recevoir passivement l’information et permettent aussi de demander aux Parties des compléments d’information6. Conduites par des tiers, elles offrent la possibilité de contourner le manque d’objectivité et d’impartialité qui peut être reproché aux rapports. Toutefois, elles doivent être menées avec précaution afin de ménager la susceptibilité des États. Sur le fondement de la souveraineté, elles ne peuvent également être réalisées qu’avec le consentement de l’État intéressé. En 1804 déjà, la Commission du Rhin prévoyait un tel mécanisme. Aujourd’hui, on le retrouve notamment dans la CITES. Selon son article 13, dès lors que le Secrétariat considère « à la lumière des informations reçues » qu’une Partie n’applique pas effectivement les dispositions de la Convention, il peut en avertir son organe de gestion compétent. La Partie intéressée pourra alors faire procéder à une enquête « par une ou plusieurs personnes agréées » par elle, dont les résultats seront examinés « lors de la session suivante de la Conférence des Parties ». Notons également que les commissions d’enquête peuvent être mises en place et mener leur mission avec l’appui des organisations internationales. Ce fut le cas, par exemple, dans l’affaire du navire Le Probo Koala, dans laquelle était en cause un déversement de déchets toxiques à Abidjan. En effet, une Commission internationale d’enquête sur les déchets toxiques a été créée dans laquelle siégeaient, entre autres, des responsables d’O.N.G. internationales, un expert en droit international de l’environnement et un représentant des Nations Unies. À celle-ci se sont ajoutées des investigations du P.N.U.E., menées à travers le Secrétariat de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination7.

5. Voy., sur ce point, K. baNNelier-ChristaKis, « Le système des rapports », in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle et mise en œuvre des conventions internationales, op. cit., pp. 91-110. 6. S. MaljeaN-Dubois, « La mise en œuvre du droit international de l’environnement », Studies n° 03/2003, Iddri, 2003, p. 36 ; W. laNg, « L’enquête et l’inspection », in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle et mise en œuvre des conventions internationales, op. cit., p. 137. 7. Voy., sur ce point, l’arrêté n° 168 du Premier ministre ivoirien du 15 septembre 2006.


Contrôle de l’application

b)

L’assistance technique et financière

180. En droit international de l’environnement, la souplesse du cadre d’application se traduit par le développement de mesures incitant la mise en œuvre des conventions, au rang desquelles se place l’assistance technique et financière. Elle peut intervenir en amont ou en aval d’un manquement à des obligations environnementales. Dans le premier cas, elle se caractérisera par son caractère préventif. Dans le second, elle viendra remplacer une éventuelle sanction. Ces mécanismes d’assistance sont prévus par de nombreuses conventions internationales et visent principalement les pays en développement et les pays à économie en transition. Ils se basent sur le constat de l’insuffisance des ressources des pays concernés et s’ancrent dans le principe de la coopération interétatique. Ils peuvent prendre des formes très diverses, allant du simple partage d’informations concernant la mise en œuvre des normes, au transfert de technologie et de ressources financières. C’est dans ce cadre que s’inscrit le développement des fonds d’assistance. D’une part, des fonds d’affectation spéciale, comme le Fonds pour l’environnement, ont été créés. Ce dernier, à vocation générale, a accompagné la création du P.N.U.E. Alimenté par des contributions volontaires, il a pour objectif d’« assurer le financement additionnel des programmes relatifs à l’environnement » et de financer des programmes d’intérêt général ainsi que des initiatives nouvelles relevant d’activités relatives à l’environnement. Il va donc assumer certaines tâches d’assistance technique8. Plus généralement, ces fonds d’affectation spéciale renforcent la mise en œuvre des conventions en finançant des activités déterminantes pour la protection de l’environnement, en assurant la promotion de certaines activités d’assistance technique et en couvrant les dépenses administratives liées à la mise en œuvre de ces accords. D’autre part, des fonds entretenant des liens particuliers avec les conventions qui les prévoient ont été institués. Leur constitution et leur gestion sont alors une condition de mise en œuvre de l’accord en question. Tel est le cas pour le Fonds multilatéral pour l’application du Protocole de Montréal de 1987 et pour le Fonds pour l’environnement mondial (F.E.M.) (voy. supra, §§ 43 et s.). Le premier a pour mission de couvrir les coûts marginaux encourus par les pays en développement pour lutter contre les émissions de substances appauvrissant la couche d’ozone. Une assistance technique est également prévue9. Le second a pour objet de financer les activités en faveur de la protection de l’environnement global en particulier dans le domaine du changement climatique, de la biodiversité, des eaux internationales et de la dégradation de la couche d’ozone.

8. Résolution 2997 (XXVII) de l’Assemblée générale des Nations unies en date du 15 décembre 1972. 9. Décision II/8 de la 2e Réunion des Parties au Protocole de Montréal, 29 juin 1990.

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Application des règles

La Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel prévoit également la constitution d’un fonds, le fonds du patrimoine mondial, dont l’objectif principal est d’aider les Parties à protéger les biens du patrimoine mondial en leur fournissant une assistance technique et financière. Il a servi de modèle à la création du fonds de conservation des zones humides dans le cadre de la Convention de Ramsar10. Ces mécanismes financiers favorisent la coopération entre États, et plus particulièrement entre les pays développés et les pays en développement, dans la mise en œuvre des conventions. Celle-ci passe alors par l’établissement de principes et mécanismes prévoyant une assistance technique et financière, tels que celui des responsabilités communes mais différenciées11 (voy. supra, § 7). L’assistance technique et financière permet donc de renforcer l’application des règles relatives à la protection de l’environnement en tentant de pallier, dans une certaine mesure, les difficultés techniques et financières.

c)

La procédure de non-conformité

181. La procédure de non-conformité (ou non-compliance) reflète la souplesse du contrôle de l’application des conventions environnementales12. Comme l’a exposé le professeur Pierre-Marie Dupuy, en droit international de l’environnement, les États vont « contourner » la mise en œuvre de la responsabilité internationale en instaurant des procédures originales fondées sur l’assistance et la coopération interétatique13 plutôt que sur la sanction et la réparation. Le Protocole de Montréal de 1987 relatif aux substances appauvrissant la couche d’ozone constitue le premier cadre dans lequel un telle de procédure a été expérimentée. Elle a été adoptée en 1990, par une décision de la 2e Réunion des Parties (déc. II/5), en application de l’article 8 du Protocole qui engageait les États signataires à examiner et approuver « des procédures et des mécanismes institutionnels pour déterminer la non-conformité avec les dispositions du présent Protocole et les mesures à prendre à l’égard des Parties contrevenantes ».

10. Sur ces mécanismes, voy. D. NaviD, « l’assistance technique », in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle et mise en œuvre des conventions internationales, op. cit., p. 177. 11. Principe consacré, p. ex., dans la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et de leur élimination du 22 mars 1989, le Protocole de Montréal et la Convention-cadre sur les changements climatiques. 12. Voy., sur la procédure de non-conformité, la thèse de M. sabil, L’autorité renforcée des accords multilatéraux sur l’environnement – essai sur la nature, la place et la fonction de la procédure de non-conformité, Lyon 3. 13. Voy. P.-M. DuPuy, « Où en est le droit international de l’environnement à la fin du siècle ? », RGDIP, 1997, p. 893.


Contrôle de l’application

Dans un premier temps provisoire, elle été formellement adoptée en 199214, puis révisée en 199815. La procédure ainsi révisée est décrite dans l’annexe II du rapport de la 10e Réunion des Parties (1998). Elle peut être ouverte dans trois hypothèses. Tout d’abord, si un ou plusieurs États ont des réserves quant à l’exécution par une autre Partie de ses obligations découlant du Protocole, ils peuvent les transmettre par écrit au Secrétariat. La première originalité de cette procédure tient donc au fait qu’elle peut être à l’initiative de toute Partie. Elle dépasse le bilatéralisme qui, en principe, caractérise la mise en œuvre de la responsabilité internationale. Le Secrétariat informera ensuite la Partie intéressée des réserves formulées. Celle-ci répondra en fournissant des explications sous la forme d’un rapport. Le Secrétariat peut également être à l’initiative de la procédure au vu des informations transmises dans le cadre du système de rapports. Enfin, une Partie peut déclencher la procédure pour elle-même, en constatant dans une communication écrite transmise au Secrétariat, qu’elle rencontre des difficultés dans la mise en œuvre de ses obligations. Les informations et pièces du dossier seront ensuite transmises à un organe politique, le Comité d’application, qui va dans un premier temps « résoudre la question à l’amiable » (ann. II, (8)). En cas d’échec, la question est soumise à la Réunion des Parties. Le Comité lui transmet alors un rapport accompagné « de toutes recommandations qu’il juge utiles » (ann. II, (9)). Les Parties, à l’exception des Parties concernées qui ne prennent pas part au vote, adoptent ce rapport et arrêtent « les mesures à prendre aux fins d’aider la Partie incriminée à respecter les dispositions du Protocole » (ann. II, (9)). Au titre de ces mesures, on compte graduellement, l‘« [a]ssistance appropriée », notamment pour « la collecte et la communication des données, l’assistance technique, le transfert de technologie et l’assistance financière, le transfert de renseignements et la formation », les « [m]ises en garde » et enfin la « [s]uspension, conformément aux dispositions du droit international applicables à la suspension des effets d’un traité, de droits et de privilèges spécifiques découlant du Protocole, pour une durée limitée ou illimitée, notamment ceux concernant la rationalisation industrielle, la production, la consommation, les échanges, le transfert de technologie, les mécanismes de financement et les arrangements institutionnels » (ann. V du rapport de la 4e Réunion des Parties (1992)). Cette procédure de non-compliance combine donc incitation, assistance et sanction. Elle a pour objectif de répondre à un illicite, même si celui-ci n’est pas qualifié comme tel. De plus, au niveau terminologique, le vocabulaire choisi reflète clairement la volonté des Parties de se démarquer des procédures contentieuses traditionnelles : il n’est pas question de différend, ni d’États parties à un différend, mais de Parties concernées et intéressées. Par l’expérimentation de cette procédure originale, le Protocole a déjà servi de modèle à d’autres systèmes conventionnels. Elle a ainsi été reprise dans 14. Déc. IV/5 de la 4e Réunion des Parties, 25 novembre 1992. La procédure est décrite à l’ann. IV du rapport de la 4e Réunion des Parties (1992). 15. Déc. X/10 de la 10e Réunion des Parties, 24 novembre 1998.

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Application des règles

l’article 7 du Protocole à la Convention de Genève sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, relatif aux émissions de soufre (1994) ou encore dans le Protocole de Kyoto.

C.

Institutions chargées du contrôle

a)

Les secrétariats des conventions

182. Dans le cadre du contrôle de l’application des traités environnementaux, les secrétariats des conventions vont avoir pour fonction d’identifier les manquements. Ils collectent les rapports étatiques sur l’application des conventions puis dressent un rapport dit « de synthèse » afin de rendre plus accessibles les informations transmises par les États. C’est en application de ce mécanisme que le secrétariat de la CITES dresse un rapport général sur l’application de la Convention. Les secrétariats reçoivent également les plaintes émanant d’individus, d’associations et d’O.N.G. relatives au non-respect des dispositions de la convention. Ils vont ainsi mettre à jour les problèmes de non-conformité et sont pour la plupart autorisés, le cas échéant, à demander des explications complémentaires à la Partie concernée. Le concours des O.N.G. dans l’exercice de cette mission de contrôle est important. Il permet de compenser le fait que les États dressent eux-mêmes les rapports relatifs à l’application de la Convention au niveau interne. Dans le cadre de la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel (1979), la pratique a reconnu un véritable « droit de pétition »16 aux O.N.G. Lorsque le cas rapporté est sérieux, il est transmis au Comité permanent qui demandera à l’État en cause de se justifier. Toutefois, lorsqu’il s’agit de constater un manquement aux dispositions de la Convention et d’en décider les conséquences, les secrétariats s’effacent devant l’organe politique que constituent les Conférences des Parties. Dans ce cadre, le secrétariat du Protocole de Montréal – qui peut déclencher lui-même la procédure de non-conformité – et de celui de la CITES – particulièrement actif jusqu’à formuler des recommandations aux Parties afin de corriger les situations de non-conformité – font figurent d’exception.

b)

Les comités d’application

183. Dès lors qu’une convention internationale prévoit un mécanisme de contrôle souple, elle institue également un Comité de contrôle et de suivi. Ce dernier est un groupe à composition restreinte qui fonctionne dans le cadre de 16. S. MaljeaN-Dubois, « Le foisonnement des institutions conventionnelles », in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle et mise en œuvre des conventions internationales, op. cit., p. 46.


Contrôle de l’application

la Réunion des États parties. L’étendue de ses pouvoirs ainsi que sa composition varient selon les conventions. Concernant sa composition, il s’agit souvent de représentants d’État parties. Tel est, par exemple, le cas pour le Comité d’application institué dans le cadre du Protocole de Montréal. Plus rarement, les comités de contrôle et de suivi sont composés de membres élus à titre personnel. À ce titre, on peut citer les comités de la Convention d’Aarhus, du Protocole de Carthagène et du Protocole de Kyoto. En effet, pour ce dernier, il a été décidé en 2001 qu’il serait composé « de 20 membres élus par la Conférence des Parties agissant comme Réunion des Parties au Protocole »17. L’avantage de ce mode de désignation est double. D’une part, il est le gage d’une plus grande indépendance. D’autre part, les experts seront élus en fonction de leurs compétences dans les domaines en cause. Enfin, les conventions peuvent également prévoir la possibilité d’élire des candidats présentés par les O.N.G. Ainsi en est-il de la Convention d’Aarhus18 et de la Convention sur la protection des Alpes (art. 8). S’agissant de leurs attributions, elles varient également selon les conventions. Souvent, le résultat du travail du Comité se présente sous la forme d’un rapport qui sera soumis à la Conférence des Parties. Celle-ci prendra la décision finale19. Toutefois, on trouve certaines variantes. Ainsi, dans le cadre du Protocole de Kyoto, le Comité prendra directement les décisions alors que la Réunion des Parties n’interviendra qu’en cas d’appel relatif à l’irrégularité de la procédure20. La Convention d’Aarhus, quant à elle, met en place encore un autre système dans lequel la Réunion des Parties conserve une compétence pour prendre les décisions finales. Pour ce faire, elle se basera sur les rapports du Comité. Toutefois, en attendant qu’elle intervienne, le Comité peut, en accord avec la partie concernée, décider des mesures de facilitation21.

c)

Les Conférences des Parties

184. Dans le cadre du contrôle souple de l’application des conventions, elles constituent l’organe principal en charge de constater officiellement la violation des dispositions conventionnelles. Elles décideront alors de recourir à des recommandations (voy. supra, § 64), à une assistance technique, financière ou juridique ou encore à une mise en œuvre de la procédure de non-conformité. En dernier ressort, elles décideront des sanctions à adopter à l’endroit de l’État concerné. Leurs décisions s’appuieront sur les rapports fournis par le secrétariat.

17. Rapport de la Conférence des Parties sur les travaux de sa 7e sess., FCCC/CP/2001/13/ Add.3, ann. II.3. 18. Rapport de la 1re Réunion des Parties, déc. I/7, 23 octobre 2002, ann. I.3. 19. T. treves, « Les différends en droit international de l’environnement », in S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, op. cit., p. 446. 20. Rapport de la Conférence des Parties sur les travaux de sa 7e sess., FCCC/CP/2001/13/ Add.3, ann. XI. 21. Rapport de la 1re Réunion des Parties, déc. I/7, 23 octobre 2002, ann. XI et XII.

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Application des règles

Les Conférences des Parties procèdent à un contrôle de nature politique : l’évaluation du respect des engagements conventionnels est réalisée par les États parties eux-mêmes. Un tel mécanisme favorise la coopération interétatique et reflète la volonté des États d’éviter de mettre en œuvre la responsabilité internationale. À ce stade, les O.N.G. vont avoir un poids considérable. En effet, lorsque les O.N.G. participent à ces réunions, elles font peser sur les États une pression supplémentaire : les manquements sont constatés devant l’opinion publique. Cette publicité apparaît en elle-même comme une sanction pour l’État concerné.

§ 2 Importance des procédures de règlement des différends 185. D’une manière générale, afin de régler les différends portant sur des questions environnementales, les États peuvent recourir aux mécanismes classiques de règlement pacifique des différends, à savoir ceux énumérés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies. Tous les mécanismes de règlement des différends, qu’ils soient diplomatiques, arbitraux ou juridictionnels, visent à l’élimination du différend. Ils vont, le cas échéant, déboucher sur la condamnation de l’État qui a agi en violation des règles du droit international et sur la réparation des dommages subséquents. Dans le domaine du droit de l’environnement, les États vont être réticents à recourir aux modes juridictionnels de règlement des différends. Par ailleurs, comme l’affaire Usine MOX (Royaume-Uni c. Irlande) l’a illustré, la multiplication des forums de règlement des différends va complexifier l’appréhension et la cohérence de la matière22.

A.

Choix du mode de règlement des différends

186. Les accords multilatéraux sur l’environnement contiennent en général des dispositions relatives au règlement des différends. Pourtant, la plupart des mécanismes proposés reposent sur l’accord des parties. Peu d’entre eux prévoient des mécanismes obligatoires pouvant être déclenchés unilatéralement par une des Parties.

22. Voy., sur cette affaire, Y. Kerbrat, « Le différend relatif à l’usine MOX de Sellafield (Irlande/Royaume-Uni) : connexité des procédures et droit d’accès à l’information en matière environnementale », AFDI, 2004, pp. 607-623 ; S. MaljeaN-Dubois et j.-Ch. MartiN, « L’affaire de l’Usine Mox devant les tribunaux internationaux », JDI, 2007, n° 2, pp. 437471 ; J. verhoeveN, « Sur les relations entre le juge communautaire et les “autorités” internationales », AFDI, 2008, pp. 1-22 ; Y. Kerbrat et P. MaDDaloN, « Affaire de l’Usine Mox : la C.J.C.E. rejette l’arbitrage pour le règlement des différends entre États membres », Rev. trim. dr. eur., 2007, pp. 165-182.


Contrôle de l’application

On constate que, dans les conventions environnementales, les clauses relatives au règlement des différends sont souvent rédigées sur le même modèle, à moins qu’elles ne prévoient un mécanisme obligatoire. Elles préconisent, dans un premier temps, la recherche d’une solution par la négociation, puis, en cas d’échec, par d’autres moyens pacifiques de leur choix (bons offices, médiation notamment). Dans un deuxième temps, elles prévoient une faculté pour les États de choisir, au moment de la ratification, de l’acceptation ou de l’approbation, une méthode de règlement pour les éventuels différends à venir. L’article 27 de la Convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992 illustre clairement cela en prévoyant que : « […] [a]u moment de ratifier, d’accepter ou d’approuver la présente Convention ou d’y adhérer, et à tout moment par la suite, tout État ou organisation régionale d’intégration économique peut déclarer par écrit auprès du Dépositaire que, dans le cas d’un différend qui n’a pas été réglé conformément aux paragraphes 1 ou 2 ci-dessus, il ou elle accepte de considérer comme obligatoire l’un ou l’autre des modes de règlement ci-après, ou les deux ; L’arbitrage, conformément à la procédure énoncée à la première partie de l’annexe II ; La soumission du différend à la Cour internationale de justice ». Une clause formulée en des termes similaires se retrouve à l’article 11 de la Convention de 1985 pour la protection de la couche d’ozone, à l’article 14 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à l’article 28 de la Convention sur la désertification, à l’article 22 de la Convention de 1992 sur les cours d’eau frontaliers, à l’article 33, § 10, de la Convention de 1997 sur les utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, à l’article 18 de la Convention de Stockholm de 2001 sur les polluants organiques persistants, etc. Enfin, il n’est pas rare de trouver dans les conventions environnementales une disposition prévoyant que, si les parties au différend n’ont pas choisi le même mode de règlement, elles devront recourir à la conciliation. Ce schéma de rédaction des clauses relatives au règlement des différends se retrouve dans un certain nombre de conventions, au rang desquelles la Convention pour la protection de la couche d’ozone, la Convention sur les changements climatiques, la Convention sur la diversité biologique, la Convention sur les polluants organiques persistants. En revanche, d’autres conventions – telles que la Convention d’Aarhus, la Convention de Bâle sur le mouvement transfrontalier des déchets dangereux et leur élimination, la Convention d’Espoo de 1991 – prévoient seulement les deux premiers éléments. Enfin, il arrive parfois que les conventions ne prévoient qu’un règlement par la négociation ou d’autres modes choisis par les Parties. Ainsi en est-il de la Convention de 1979 sur la pollution transfrontière de l’air à longue distance.

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160

Application des règles

À titre exceptionnel, certaines conventions imposent aux États parties une méthode pour régler leurs différends en prévoyant un recours obligatoire au juge ou à l’arbitre. 187. Au niveau régional, on retrouve une telle clause dans l’article 20 de la Convention de Bamako relative à l’interdiction d’importer des déchets dangereux (1991), et l’article 18 de la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage. Au niveau universel, la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer (dont la part. XII est spécifique à la protection de l’environnement marin) prévoit un mécanisme de règlement des différends complexe, dont « l’axe central est que les différends portant sur son interprétation et son application sont soumis à la compétence d’un juge ou d’un arbitre »23. 188. D’autres conventions admettent qu’une partie puisse soumettre unilatéralement un différend à un tribunal arbitral. Ainsi, la Convention MARPOL de 1973 prévoit, en son article 10, que : « [t]out différend entre deux ou plusieurs Parties à la Convention relatif à l’interprétation ou à l’application de la présente Convention, qui n’a pu être réglé par voie de négociation entre les Parties en cause est, sauf décision contraire des Parties, soumis à l’arbitrage à la requête de l’une des Parties, dans les conditions prévues au Protocole II de la présente Convention ». Une disposition pose également ce principe dans le cadre la Convention OSPAR de 1992 (art. 32) ou de la Convention alpine (art. 2 du Protocole de 2001 sur le règlement des différends).

B.

Règlement arbitral

a)

Les tribunaux arbitraux

189. Plusieurs tribunaux arbitraux ont eu à connaître d’affaires relatives à la protection de l’environnement, ce qui confère à l’arbitre un rôle important dans le développement de cette branche du droit. Parmi les plus importantes, on peut citer la sentence du 11 mars 1941 dans l’affaire Fonderie de Trail (États-Unis c. Canada) (Rec. sent. arb., vol. III, pp. 1905 et s.), celle du 16 novembre 1957 dans l’affaire Lac de Lanoux, (Espagne c. France) (Rec. sent. arb., vol. XII, pp. 281 et s.), celle du 24 mars 2005 dans l’affaire du Rhin de Fer, (Belgique c. Pays-Bas) (Rec. sent. arb., vol. XXVII, pp. 35 et s.). La sentence rendue dans l’affaire Fonderie de Trail est considérée comme la base d’un certain nombre de développements en droit international de l’environnement, et notamment du principe selon lequel les États ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement sur d’autres territoires (voy. S.A., p. 1965). Dans l’affaire du Lac de Lanoux, on trouve une référence au principe d’information sur les activités pouvant avoir des effets néfastes à l’étranger (S.A., § 21). Enfin, dans la sentence du Rhin de fer, l’arbitre 23. T. treves, « Les différends en droit international de l’environnement », loc. cit., p. 441. Voy. égal. part. XV de la Convention de Montego Bay.


Contrôle de l’application

précise la nature du principe général de l’obligation de prévention, l’élevant au rang de principe du droit international général (S.A., § 59). Le tribunal arbitral prévu par la Convention OSPAR a également eu à connaître d’une affaire importante en matière environnementale : l’Usine MOX (2 juillet 2002, Irlande c. Royaume Uni). Sa compétence se limitant au champ d’application de la Convention, il devait se prononcer sur la partie du différend portant sur l’interprétation des dispositions concernant les obligations d’information prévues par la Convention. Par ailleurs, en 2001, la Cour permanente d’arbitrage (C.P.A.) s’est dotée en 2001 d’un Règlement facultatif pour l’arbitrage des différends relatifs aux ressources naturelles et/ou à l’environnement.

b)

Le Tribunal international du droit de la mer

190. En application de la Convention de Montego Bay, la compétence du Tribunal international du droit de la mer (T.I.D.M.) est plus large que les différends environnementaux. Toutefois, la Convention de Montego Bay contenant des dispositions relatives à la protection de l’environnement (voy. partic. sa part. XII sur « la protection de l’environnement marin »), le tribunal a eu à connaître de plusieurs différends ayant trait à ce domaine. L’article 290, § 1, permet en particulier de demander au T.I.D.M. des mesures conservatoires « pour empêcher que le milieu marin ne subisse de dommages graves ». À ce titre, trois affaires comportant des aspects environnementaux très importants24 ont donné lieu à des ordonnances du T.I.D.M. relatives à des mesures conservatoires : l’affaire Thon à nageoire bleue25, celle de l’Usine MOX26 et enfin, celle de la Dépoldérisation dans le détroit de Johor27. Cette jurisprudence se fonde notamment sur le principe de coopération afin d’amener les parties « à mener conjointement des activités qui leur permettent de régler leur différend »28. Le T.I.D.M. a également constitué une chambre spéciale pour les questions d’environnement : la Chambre pour le règlement des différends relatifs au milieu marin. Créée conformément à l’article 15, § 1, du Statut du Tribunal et composée de sept juges, elle est compétente pour connaître des différends relatifs à la protection et à la préservation du milieu marin que les parties conviennent de lui soumettre.

24. T. treves, « Les différends en droit international de l’environnement », loc. cit., p. 442. 25. Ord. en prescription de mesures conservatoires, 27 août 1999 (Nouvelle-Zélande c. Japon et Australie c. Japon), aff. jtes, nos 3 et 4. 26. Ord. en prescription de mesures conservatoires, 3 décembre 2001 (Irlande c. RoyaumeUni), aff. n° 10. 27. Ord. en prescription de mesures conservatoires, 8 octobre 2003 (Malaisie c. Singapour), aff. n° 12. 28. T. treves, « Les différends en droit international de l’environnement », loc. cit., p. 442.

161


162

Application des règles

Enfin, en application de l’article 15, § 2, du Statut du Tribunal, les États ont la possibilité de demander la constitution d’une chambre spéciale pour une affaire déterminée. Tel a été le cas dans l’affaire concernant La conservation et l’exploitation durable des stocks d’espadon dans l’océan Pacifique sud-est (Chili c. Union européenne, aff. n° 7) qui soulevait notamment des questions de pêche et d’environnement.

C.

Règlement juridictionnel

a)

Au niveau universel

i.

l’orgaNe De règleMeNt Des DiFFéreNDs De l’o.M.C.

191. L’organe de règlement des différends (O.R.D.) de l’O.M.C. contribue, dans une certaine mesure, à la mise en œuvre du droit international de l’environnement. En effet, l’O.R.D. a eu à connaître de plusieurs affaires qui opposaient la protection de l’environnement à la liberté des échanges. Au rang des plus importantes, on compte les affaires Essence nouvelle et ancienne formules de 199629, Hormones de 199830, Crevettes de 199831, Saumons de 199832, Amiante de 200133 et Produits biotechnologiques de 200634. Bien que la jurisprudence de l’O.R.D. soit plutôt défavorable à la protection de l’environnement (voy. supra, § 160), l’originalité de la procédure est remarquable en ce qu’elle crée un organe « quasi juridictionnel », alliant souplesse de la procédure et obligatoriété de la décision. La procédure de règlement des différends dans le cadre de l’O.M.C. comprend plusieurs étapes. Dans un premier temps, les parties au différend sont invitées à se concerter afin de trouver une « solution mutuellement acceptable » et compatible avec les règles du GATT (art. 3, § 7 du Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends). L’article 5 du Mémorandum d’accord prévoit également la possibilité de recourir aux procédures de bons offices, de médiation et de conciliation. À côté de ces règlements à l’amiable, l’article 6 du Mémorandum prévoit la possibilité de créer, à la demande de la partie plaignante ou sur déci29. WT/DS2/R, 29 janvier 1996, États-Unis - Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules (96-0326). 30. WT/DS48/AB/R, 16 janvier 1998, CE - Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones) - AB-1997-4 - Rapport de l’Organe d’appel. 31. WT/DS58/AB/R, 12 octobre 1998, États-Unis - Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes - AB-1998-4 - Rapport de l’Organe d’appel. 32. WT/DS18/AB/R, 20 octobre 1998, Australie - Mesures visant les importations de saumons - AB-1998-5 - Rapport de l’Organe d’appel. 33. WT/DS135/AB/R, 12 mars 2001, CE - Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant - AB-2000-11 - Rapport de l’Organe d’appel. 34. WT/DS291/R, WT/DS292/R, WT/DS293/R, 29 septembre 2006, CE – Mesures affectant l’approbation et la commercialisation des produits biotechnologiques – Rapport du groupe spécial.


Contrôle de l’application

sion d’une réunion de l’O.R.D., un groupe spécial, composé d’experts (art. 8 du Mémorandum). Ce dernier examinera la question posée à la lumière des dispositions pertinentes et fera des recommandations afin d’aider l’O.R.D. à formuler des recommandations ou à statuer sur la question (art. 7). Il procédera « à une évaluation objective de la question » et devra « avoir régulièrement des consultations avec les parties au différend et leur donner des possibilités adéquates d’élaborer une solution mutuellement satisfaisante » (art. 11). Le travail du groupe spécial donnera lieu à un rapport qui sera (ou non) adopté par l’O.R.D. Avant la réunion de l’O.R.D. en vue de l’adoption du rapport, les membres ayant des objections pourront les transmettre par écrit. Les parties aux différends auront également « le droit de participer pleinement à l’examen du rapport du groupe spécial par l’O.R.D. et leurs vues seront dûment consignées ». À ce stade de la procédure, une partie peut notifier à l’O.R.D. sa décision de faire appel. Dans ce cas, le rapport du groupe spécial ne sera pas examiné avant l’achèvement de la procédure d’appel (art. 16). La composition de l’organe d’appel de l’O.R.D. est gage d’un niveau élevé d’expertise et d’une certaine indépendance. En effet, l’article 17 du Mémorandum d’accord prévoit que « [l]’Organe d’appel comprendra des personnes dont l’autorité est reconnue, qui auront fait la preuve de leur connaissance du droit, du commerce international et des questions relevant des accords visés en général. Elles n’auront aucune attache avec une administration nationale. La composition de l’Organe d’appel sera, dans l’ensemble, représentative de celle de l’O.M.C. ». Le rapport de l’organe d’appel sera adopté par l’O.R.D. et « accepté sans condition par les parties au différend » (art. 17), à moins que celui-ci décide de ne pas adopter le rapport dans un délai de 30 jours après sa communication aux membres. L’article 21 du Mémorandum d’accord insiste sur l’importance de mettre en œuvre les décisions de l’O.R.D. dans les moindres délais. Il offre également la possibilité à tout membre de soulever à l’O.R.D. une question sur la mise en œuvre des recommandations ou des décisions. Sauf décision contraire, cette question sera inscrite à l’ordre du jour de la réunion de l’O.R.D. Le membre concerné présentera alors un rapport de situation écrit indiquant l’état de la mise en œuvre (art. 21 du Mémorandum d’accord). Cette procédure, mise en place en 1995, renforce l’application du droit. Avant cette date, les mécanismes de règlement des différends « se caractérisaient par leur souplesse, leur pragmatisme et leur résultat non obligatoire »35.

35. Q.-D. NguyeN, P. Dailler, M. Forteau et A. Pellet, Droit international public, op. cit., p. 1247.

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164

Application des règles

ii.

la Cour iNterNatioNale De justiCe

192. La Cour internationale de justice (C.I.J.) ne pourra intervenir que si les parties acceptent sa clause facultative de juridiction ou si, dans un accord bilatéral ou multilatéral, elles ont admis au préalable l’application d’une telle clause (art. 6, § 2, du Statut de la C.I.J.). De la même manière qu’il existe des clauses d’arbitrage facultatives, il existe des clauses prévoyant une compétence facultative de la C.I.J. En 1993, une chambre environnementale avait été créée au sein de la C.I.J. (voy. supra, § 85). Toutefois, aucun État ne l’ayant saisie, la Cour a décidé en 2006 de ne pas organiser les élections nécessaires à son renouvellement. Le président, lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies (2006), a en effet considéré « le droit de l’environnement comme faisant partie du droit international dans son ensemble […] ». L’article 26, § 2, laisse tout de même la possibilité aux États de demander la création d’une telle chambre pour connaître d’une affaire déterminée. Cela ne signifie pas que la Cour n’a jamais été saisie de questions environnementales. À titre consultatif, elle a eu à se prononcer sur de telles questions dans le cadre de l’Avis sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (8 juillet 1996). Au contentieux, elle compte plusieurs affaires. Tout d’abord, en 1997, elle a connu la célèbre affaire du Projet Gabcikovo-Nagymaros, qui opposait la Hongrie et la Slovaquie (arrêt du 25 septembre 1997). En 2010, elle a rendu son arrêt dans l’affaire Usines de pâte à papier (20 avril 2010, Argentine c. Uruguay). À l’heure actuelle, trois affaires sont toujours pendantes : une opposant l’Équateur et la Colombie (aff. Épandages aériens d’herbicides) introduite en 2008, une autre opposant le Nicaragua et le Costa Rica (aff. Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan) introduite fin 2011 et enfin une dernière portant sur un différend entre le Japon et l’Australie relatif à La chasse à la baleine dans l’Antarctique (requête introduite en mai 2010). Force est pourtant de noter que dès les années 70, la Cour s’est trouvée confrontée à des considérations environnementales avec l’affaire des Essais nucléaires français dans le Pacifique. Toutefois, elle ne s’est pas prononcée sur le fond, puisque le Gouvernement français, dans une déclaration du 8 juin 1974, s’est engagé à ne plus procéder à des essais nucléaires dans l’atmosphère. Par conséquent, l’affaire a été rayée du rôle36. L’une des limites de la C.I.J. quant à l’application des normes environnementales tient à son mode de saisine. Elle est fermée aux individus, et seuls les États et les organisations intergouvernementales (pour la demande d’avis consultatif) peuvent la saisir (art. 34 et 65 du Statut de la C.I.J.).

36. Voy., en compl., C.I.J., Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l’affaire des essais nucléaires (NouvelleZélande c. France), Rec. C.I.J., 1995, p. 288.


Contrôle de l’application

b)

Au niveau régional

i.

le systèMe euroPéeN

193. La Cour de justice de l’Union européenne. L’Union européenne a des compétences particulièrement importantes dans le domaine de la protection de l’environnement. Il est donc naturel que la Cour de justice de l’Union européenne (ex-Cour de justice des Communautés européennes) ait un rôle important dans le contentieux environnemental. La première spécificité de cette Cour tient à ses modes de saisine. Elle peut être saisie par les institutions de l’Union (art. 226, 229 et 230, al. 2 et 3, T.C.E., et art. 258 et 263, al. 2 et 3, T.F.U.E.), par les juridictions nationales (art. 234, T.C.E., et art. 267, T.F.U.E.), par les État (art. 227 et 230, T.C.E., et art. 259 et 263, al. 2, T.F.U.E.), et enfin par les particuliers (art. 230, al. 4, et 288, T.C.E., et art. 263, al. 4, et 340, T.F.U.E.). En matière environnementale, l’essentiel des jugements rendus par la Cour de justice a trait au contentieux en manquement (art. 258, T.F.U.E., et art. 226, T.C.E.). Souvent, lorsque la Commission agit sur ce fondement, elle intervient à la suite de plaintes individuelles37. Ces arrêts sont souvent suivis de demandes de condamnation à une astreinte et à une somme forfaitaire (art. 260, T.F.U.E., et 228, T.C.E.)38. La Cour doit également répondre à de nombreuses questions préjudicielles du fait de la formulation parfois floue des obligations, particulièrement dans le domaine de la protection de la nature et des déchets39. Le droit de l’Union entretient un lien étroit avec le droit international. En effet, l’article 3 du T.U.E. (version consolidée) prévoyait notamment que l’Union contribue « à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète […] ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international […] ». La Cour est ainsi amenée à confronter les normes de l’Union européenne et celles du droit international relatives à la protection de l’environnement. En admettant l’invocabilité de ces dernières, elle contribue au renforcement de l’effectivité du droit international de l’environnement. Dans plusieurs affaires, dont deux particulièrement significatives, la Cour a eu à se prononcer sur la possibilité d’invoquer une norme internationale relative à la protection de l’environnement dans le cadre du contrôle de légalité d’une directive. En 2008, tout d’abord, dans l’affaire Intertanko (C-308/06, Gr. Ch., 3 juin 2008). La demande de décision préjudicielle portait sur la validité des articles 4 et 5 de la directive 2005/35/CE du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions, notam37. A.-Ch. Kiss et J.-P. beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 114. 38. N. De saDeleer, environnement et marché intérieur. Commentaire J. Mégret, Bruxelles, Éd. ULB, 2010, p. 146. 39. Ibid.

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Application des règles

ment au regard de la Convention MARPOL, sachant qu’à l’époque, alors que tous les États membres de l’Union étaient parties à cette convention, la Communauté européenne ne l’était pas. Lorsqu’elle est confrontée à un instrument international, la Cour recherche systématiquement trois éléments : si l’Union est liée par ces règles ; si la nature et l’économie du traité ne s’opposent pas à la création de droits au profit de particuliers ; si les dispositions du traité concerné apparaissent, du point de vue de leur contenu, comme « inconditionnelles et suffisamment précises » (§§ 44 et 45 de l’arrêt Intertanko). En l’espèce, la Cour écarte l’invocabilité de la Convention en considérant que la participation de tous les États membres à cet accord n’est pas un élément suffisant pour lier l’Union elle-même (§§ 49 et 50). Pourtant, dans le même temps, elle admet que ce seul fait est « susceptible d’avoir des conséquences pour l’interprétation […] des dispositions du droit dérivé qui entrent dans le champ d’application de la Convention Marpol 73/78 ». Elle conclut alors que « compte tenu du principe coutumier de bonne foi, qui fait partie du droit international général, et de l’article 10 CE, il appartient à la Cour d’interpréter ces dispositions en tenant compte de la convention Marpol 73/78 » (§ 52). Dans cette affaire, la Cour semble donc écarter l’invocabilité de la Convention au titre du contrôle de validité, mais la retenir au titre de l’interprétation. Cette conclusion est d’autant plus ambiguë que la directive 2005/35/CE avait comme objectif d’intégrer dans le droit communautaire des dispositions de ladite Convention. En 2011, dans l’affaire ATAA (Air transport Association of America)40, la Cour devait notamment répondre à la question de savoir si le Protocole de Kyoto (et partic. l’art. 2, § 2) et l’article 15 de l’Accord « ciel ouvert » entre la Communauté européenne et les États-Unis étaient invocables dans le cadre du contrôle de légalité de la directive 2008/101/CE, qui visait à intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. En l’espèce, la Cour constate que le Protocole de Kyoto comme l’Accord « ciel ouvert » lient l’Union, puisqu’elle est elle-même partie à ces accords. Ensuite, elle analyse les autres conditions. Pour ce qui est du Protocole de Kyoto, et particulièrement de l’article 2, § 2, spécialement mentionné, la Cour considère qu’il n’est pas invocable pour contester la validité de la directive puisque les obligations prévues ne sont pas inconditionnelles et suffisamment précises. En effet, le Protocole prévoit des engagements chiffrés en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, tout en laissant les parties s’acquitter de leurs obligations « selon les modalités et la célérité dont elles conviennent » (§ 76). En revanche, la Cour tranche dans un sens contraire concernant l’article 15 de l’Accord « ciel ouvert » (§ 84)41. 40. C.J.U.E. (Gr. Ch.), 21 décembre 2011, Air Transport Association of America et autres c. Secretary of State for Energy and Climate Change, aff. C-366/10. 41. Voy. D. siMoN, « Droit international conventionnel et coutumier : l’invocabilité au cœur de la lecture juridictionnelle des rapports de systèmes (à propos de l’arrêt Air Transport) », Europe, n° 3, 2012, pp. 5-8.


Contrôle de l’application

Enfin, dans une affaire du 8 mars 2011, la Cour a refusé de reconnaître un effet direct à l’article 9, § 3, de la Convention d’Aarhus42 au motif qu’il ne contient « aucune obligation claire et précise de nature à régir directement la situation juridique de particuliers » (§ 45). Pourtant, dans le même temps, la Cour relève que ces stipulations, « bien que rédigées en termes généraux, ont pour objectif de permettre d’assurer une protection effective de l’environnement » (§ 46) et impose aux États membres de les mettre en œuvre effectivement et d’en reconnaître l’invocabilité (§§ 47 et s.)43. 194. La Cour européenne des droits de l’homme. Comme le rappelle le premier Principe de la Déclaration de Stockholm sur l’environnement, les droits de l’homme et l’environnement sont intimement liés (voy. supra, § 165). Pourtant, la Convention européenne des droits de l’homme ne fait pas explicitement référence à la protection de l’environnement, ni même à l’existence d’un éventuel droit à l’environnement. C’est par le mécanisme de la protection par ricochet, permettant à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) d’« étendre la protection de certains droits garantis par la Convention à des droits non expressément garantis par elle »44, qu’une référence à l’environnement est apparue. Fruit d’une construction prétorienne, le droit à un environnement sain est rattaché par le juge aux articles 8, 10, et 6, § 1, de la Convention, et plus exceptionnellement à l’article 245 (voy. supra, §§ 165 et s). Bien que la Cour refuse de reconnaître une protection générale de l’environnement « en tant que tel » qui découlerait de la Convention46, elle n’en reste pas moins sensible aux préoccupations environnementales. Elle a eu à connaître de nombreuses affaires relatives au droit à un environnement sain (voy. supra, §§ 165 et s). Dans l’affaire Mangouras contre Espagne du 28 septembre 2010 (req. n° 12050/04), le juge européen a même rappelé la « préoccupation croissante et légitime qui existe tant au niveau européen qu’international à l’égard des délits contre l’environnement » (§ 86). Rattacher l’environnement à la Convention européenne des droits de l’homme permet de renforcer l’effectivité de sa protection. En effet, les mécanismes d’application tout comme le contrôle exercé par la C.E.D.H. sont « extrêmement sophistiqués »47. Ses décisions sont obligatoires pour les États parties 42. C.J.U.E., 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie VLK, aff. C-240/09. 43. Voy. L. CoutroN, « Sur une apparente lapalissade : les associations de protection de l’environnement doivent pouvoir... protéger l’environnement ! (à propos de l’arrêt de la Grande chambre de la C.J.U.E. en date du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie, C-240/09) », Rev. trim. dr. eur., n° 4, 2011, pp. 819-824. 44. F. suDre, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris, PUF, 2008, p. 593. 45. Voy. not. sur ce thème, J.-P MarguéNauD, « La protection de l’environnement », in Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (F. suDre, J.-P. MargéNauD, J. aNDriaNtsiMbazoviNa, A. goutteNoire, M. léviNet et G. goNzalez collab.), Paris, PUF, 2011, pp. 535-545. 46. C.E.D.H., 22 mai 2003, Kyrtatos contre Grèce, req. n° 41666/98. 47. P. taverNier, « La Cour européenne et la mise en œuvre du droit international de l’environnement », Act. et dr. intern., juin 2003, p. 3, http://www.ridi.org/adi/ articles/2003/200306tav.htm.

167


168

Application des règles

aux litiges et la saisine est ouverte non seulement aux États parties (art. 33), mais également aux individus et aux groupes de particuliers, associations ou organisations non gouvernementales (art. 34). Toutefois, deux éléments fondamentaux doivent être respectés et sont de nature à limiter le contrôle : d’une part, la requête doit être recevable (conditions posées à l’art. 35) et d’autre part, le droit visé doit se rattacher à une disposition de la Convention (Kyrtatos contre Grèce, § 52).

ii.

le systèMe aMériCaiN

195. À l’instar de l’Europe, sur le continent américain, les différends liés à des considérations environnementales ne vont pas faire l’objet d’un mode de règlement en tant que tel, mais vont être rattachés à la protection des droits de l’homme. En effet, même si l’A.N.A.C.D.E. établit une procédure particulière de règlement des différends, celle-ci reste souple. Les considérations politiques et les acteurs étatiques conservent une place privilégiée ; elle n’impose pas le recours à un juge spécifique, ni ne débouche sur une décision contraignante (voy. part. V de l’A.N.A.C.D.E.). Ainsi, sur le continent américain, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (C.I.A.D.H.) et la Commission interaméricaine des droits de l’homme (Com. I.A.D.H.) peuvent apparaître comme des moteurs dans le développement de la protection de l’environnement. La première a été créée en 1978 avec l’entrée en vigueur de la Convention américaine relative aux droits de l’homme (Conv. A.D.H.) et la seconde a été instaurée en 1959. Le lien entre la protection de l’environnement et les droits de l’homme a été affirmé par la Commission interaméricaine des droits de l’homme. En effet, dans l’affaire Metropolitan Nature Preserve c. Panama (Rapport 88/03, 2003), elle a estimé que pour entrer dans le cadre des procédures relatives à la protection des droits de l’homme, le dommage environnemental doit affecter l’homme48. On retrouve une référence explicite à l’environnement dans l’article 11 du Protocole additionnel à la Convention A.D.H. traitant des droits économiques, sociaux et culturels de San Salvador du 17 novembre 1988. Il prévoit que « [t] oute personne a le droit de vivre dans un environnement salubre et de bénéficier des équipements collectifs essentiels. Les États parties encourageront la protection, la préservation et l’amélioration de l’environnement ». En cas de violation de la Convention A.D.H. par un État partie, « [t]oute personne ou tout groupe de personnes, toute entité non gouvernementale et légalement reconnue dans un ou plusieurs États membres de l’Organisation » peut soumettre des pétitions à la Commission (art. 44, Conv. A.D.H.). Toutefois, seuls les États parties à la Convention A.D.H. ou la Commission peuvent saisir la Cour (art. 61).

48. Com. I.A.D.H., Metropolitan Nature Preserve c. Panama, Rapport 88/03, 2003.


Contrôle de l’application

En matière environnementale, l’originalité de la jurisprudence de la Commission et de la Cour réside dans la reconnaissance d’une dimension tant individuelle que collective du droit à un environnement salubre. C’est ainsi qu’elles ont développé une jurisprudence relative poussée dans le cadre d’atteintes portées aux droits des peuples autochtones (voy. supra, §§ 165 et s).

iii.

le systèMe aFriCaiN

196. Sur le continent africain, la protection des droits de l’homme va également être un vecteur de développement du règlement juridictionnel des différends liés à des considérations environnementales. L’article 24 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 prévoit que « tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement ». Comme dans le système américain, on retrouve une Commission et une Cour africaine des droits de l’homme. Cette dernière a été instituée par le Protocole de Ouagadougou du 9 juin 1998, remplacé par le Protocole de Lomé du 11 juillet 2000, annexé à l’acte constitutif de l’Union africaine (entré en vigueur en 2004). Toutefois, la contribution du juge africain au renforcement de l’application du droit international de l’environnement reste limitée, pour deux raisons principales. La première est liée à son mode de saisine. En effet, seuls les États, la Commission et les organisations intergouvernementales africaines peuvent saisir la Cour. La saisine de la Commission est également restreinte, car si elle est ouverte aux États parties et aux organisations non gouvernementales, la saisine par les particuliers ne peut avoir lieu que si l’État mis en cause l’a acceptée (art. 5 et 34, § 6). La seconde tient au faible nombre d’affaires qu’ont eu à connaître la Cour et la Commission (voy. supra, §§ 165 et s).

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Application des règles

À retenir : Article 287, Convention de Montego Bay- Choix de la procédure 1. Lorsqu’il signe ou ratifie la Convention ou y adhère, ou à n’importe quel moment par la suite, un État est libre de choisir, par voie de déclaration écrite, un ou plusieurs des moyens suivants pour le règlement des différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la Convention : a) le tribunal international du droit de la mer constitué conformément à l’annexe VI ; b) la Cour internationale de justice ; c) un tribunal arbitral constitué conformément à l’annexe VII ; d) un tribunal arbitral spécial, constitué conformément à l’annexe VIII, pour une ou plusieurs des catégories de différends qui y sont spécifiés. […] 3. Un État Partie qui est partie à un différend non couvert par une déclaration en vigueur est réputé avoir accepté la procédure d’arbitrage prévue à l’annexe VII. 4. Si les parties en litige ont accepté la même procédure pour le règlement du différend, celui-ci ne peut-être soumis qu’à cette procédure, à moins que les parties n’en conviennent autrement. 5. Si les parties en litige n’ont pas accepté la même procédure pour le règlement du différend, celui-ci ne peut-être soumis qu’à la procédure d’arbitrage prévue à l’annexe VII, à moins que les parties n’en conviennent autrement.

EXERCICE : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez cette section attentivement. 1. En quoi consiste le reporting system ? 2. Comment fonctionne la procédure de non-conformité prévue par le Protocole de Montréal ? 3. Citez des exemples de conventions prévoyant la création de fonds d’assistance. 4. Quelle est la place des entités non gouvernementales dans le système des rapports ? 5. Quels sont les modes de règlement des différends environnementaux ? 6. Par qui la Cour I.A.D.H. peut-elle être saisie ? 7. Quelles sont les attributions des comités de contrôle et de suivi ? 8. Le droit international est-il invocable devant la C.J.U.E. dans le cadre d’un contrôle de validité d’une directive ? Justifiez. 9. Quelle est la procédure devant l’O.R.D. ? 10. Citez trois affaires de la C.I.J. relatives à des considérations environnementales.


Responsabilité internationale

Section 2

reSponSabiLitÉ internationaLe Pour aller plus loin : P.-M. Dupuy, La responsabilité internationale des États pour les dommages d’origine technologique et industrielle, Paris, Pedone, 1976. Id., « À propos des mésaventures de la responsabilité internationale des États dans ses rapports avec la protection internationale de l’environnement », in Les hommes et l’environnement quels droits pour le XXIe siècle ? Mélanges en hommage à Alexandre Kiss, Paris, Frison-Roche, 1998, pp. 269-283. M. clément, Droit européen de l’environnement, Bruxelles, Larcier, 2012. G. haFner et I. buFFarD, « Les travaux de la commission du droit international : de la responsabilité à la prévention des dommages », in S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, Colloque d’Aix-en-Provence (2009), Paris, Pedone, 2010, pp. 145-164. G. haFner, « Le contexte particulier de la responsabilité dans le droit international de l’environnement », in Droit international 5. Cours de l’Institut des hautes études internationales de Paris (P. Weil, P.-M. Dupuy et Ch. leben dir.), Paris, Pedone, 2001, pp. 5-73. G. hanDl, « State Liability for Accidental Transnational Environmental Damage by Private Person », American Journal of International Law, 1980, pp. 525-565. M. jacobsson, « L’indemnisation des dommages résultant des atteintes à l’environnement dans le cadre du régime international CLC/FIPOL », Droit maritime français, 2010, pp. 463-480. Y. Kerbrat, « Le droit international face au défi de la réparation des dommages à l’environnement », in S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, op. cit., pp. 125-144. N. pelzer, « Les principaux aspects du régime international révisé de la responsabilité civile nucléaire – les avancées et les blocages », in Agence pour l’énergie nucléaire, Le droit nucléaire international : Histoire, évolution et perspectives, O.C.D.E., 2010, pp. 391-447. C. Wu, « La Convention internationale sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses », AFDI, 1997, pp. 727-750.

197. Le régime général de la responsabilité internationale de l’État a pour fondement l’illicéité. Autrement dit, la violation d’une règle juridique internationale entraîne la responsabilité du sujet du droit auquel elle est imputable. L’application de ce principe au droit international de l’environnement est consacrée dans la sentence arbitrale du 11 mars 1941, Fonderie de Trail49. Pourtant, la protection de l’environnement reste un domaine spécifique qui tend à bouleverser les règles traditionnelles de la responsabilité internationale (§ 1). Ainsi, aujourd’hui, l’absence d’une règle générale en la matière (§ 2) incite au développement de régimes particuliers prenant mieux en compte son originalité (§ 3).

49. A.-Ch. Kiss et J.-P. beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 507.

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§ 1 La spécificité de l’environnement dans la responsabilité 198. Malgré quelques affaires significatives dans le domaine de la protection de l’environnement, la responsabilité de l’État est peu mise en œuvre. Cela s’explique par des raisons financières, techniques, diplomatiques et juridiques. La nature particulière des obligations environnementales et les difficultés rencontrées dans le cadre de l’identification de l’auteur, de l’action en responsabilité et dans l’évaluation et la réparation du dommage sont autant d’obstacles auxquels la victime devra faire face.

A.

Les obligations environnementales

199. Le fait illicite, fondement de la responsabilité, est constitué lorsqu’il y a violation d’une obligation internationale. Afin de déterminer si une telle violation est avérée, il faut tout d’abord définir la nature de l’obligation dont il s’agit. En matière environnementale, la première difficulté réside dans la souplesse des engagements internationaux. La plupart des traités environnementaux tracent uniquement les contours d’objectifs à atteindre. Dès lors, leur consistance dépend entièrement de la volonté des parties. L’obligation environnementale est également une obligation d’anticipation et de prévention dont le contenu exact peut varier d’une activité à l’autre ou selon les moyens et progrès techniques. Souple et ambiguë, celle-ci n’est pas aisée à appréhender. Or, la détermination de l’obligation primaire est nécessaire pour qualifier l’illicite et déterminer le moment d’engagement de la responsabilité.

B.

L’identification de l’auteur et l’attribution de l’illicite

200. La question de l’attribution du fait internationalement illicite à un sujet de droit international est abordée dans les articles 4 à 11 du Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite50. Selon ce Projet, dont l’A.G.N.U. a pris note, mais qui n’est toujours pas formellement adopté comme traité, un comportement est imputable à un État si celui-ci ou l’un de ses organes (art. 4), une personne ou une entité exerçant des prérogatives de puissance publique (art. 5), viole une obligation internationale, et ce, même s’il s’agit d’actes dépassant la compétence de l’organe ou de l’entité en question (art. 7). Tel est également le cas lorsqu’une entité privée exerçant des prérogatives de puissance publique en cas de carence de l’État (art. 9) ou un organe d’un autre État mis préalablement à la disposition de 50. Voy. Rés. 56/83 de l’Assemblée générale des Nations Unies, du 12 décembre 2001, annexe.


Responsabilité internationale

l’État en question (art. 7) commet un fait internationalement illicite. De même, si une personne agit sous le contrôle ou la direction d’un État, la violation d’une obligation est imputable à ce dernier (art. 8). Enfin, le comportement d’un mouvement insurrectionnel est imputable à un État dans les conditions prévues à l’article 10 du Projet d’articles. Afin de régler la question de l’attribution, il faut donc définir l’auteur de l’illicite, ce qui en matière environnementale est particulièrement problématique. En effet, une distance plus ou moins grande peut séparer l’auteur du lieu de la pollution. De plus, il n’est pas rare qu’une entité privée cause un dommage transfrontière sur le territoire d’un autre État. Dans cette hypothèse, dans quelle mesure, la responsabilité internationale de l’État pourra être engagée ? Selon une jurisprudence internationale constante51, un État a le devoir de s’assurer que les activités exercées sur son territoire ou sous son contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou régions. Cette jurisprudence met en évidence l’importance du critère de contrôle. Dès que l’État a un contrôle sur l’activité d’une entité ou d’une personne privée, le comportement de cette dernière pourra lui être imputable. Dans le cas d’un contrôle exercé par une pluralité d’États sur une même activité, l’État qui a la priorité sur le contrôle se verra attribuer l’acte de l’acteur privé52. Si toutefois, aucun des États n’a la priorité sur le contrôle, en application de l’article 47 du Projet d’articles de 2001, on admettra qu’il y a une pluralité d’États responsables et la responsabilité de chacun d’eux pourra être engagée. L’attribution d’un fait illicite à l’État est donc liée à la notion de contrôle. Celle-ci apparaît comme particulièrement ambiguë en droit de l’environnement en raison du risque inhérent aux activités environnementales. Ainsi, l’obligation de contrôle est étroitement liée à l’obligation de prévention de l’État. C’est notamment sur ce fondement que de nombreux droits internes ont mis en place des systèmes d’autorisation. La délivrance d’une autorisation pour exercer une activité comportant un risque peut-elle être considérée comme un contrôle au sens du régime général de la responsabilité internationale ? Cette question reste débattue.

C.

L’invocation de la responsabilité

201. La nature particulière de la responsabilité pour fait internationalement illicite rend cette technique peu adaptée à la protection de l’environnement, celle-ci impliquant de relever des défis globaux, ayant un intérêt pour chacun et pour l’humanité. En 1997, dans l’affaire Gabcikovo-Nagymaros, la C.I.J. avait déjà reconnu que les préoccupations de la Hongrie relatives à son environnement avaient trait à un intérêt essentiel de l’État. Elle avait également 51. Voy., p. ex., C.I.J., 9 avril 1949, Détroit de Corfou, Royaume Uni c. Albanie ; Sentence arbitrale, Fonderie de Trail, préc. 52. Voy., sur ce point, G. HaNDl, « State Liability for Accidental Transnational Environmental Damage by Private Person », American Journal of International Law, 1980, pp. 525-565.

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souligné « toute l’importance que le respect de l’environnement revêt […] non seulement pour les États, mais aussi pour l’ensemble du genre humain » (§ 53). Au regard de la nature du droit international de l’environnement, il n’est pas rare que les obligations environnementales relèvent d’une norme erga omnes ou d’un intérêt collectif. Dans ce cas, en application de l’article 48, § 1, du Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, un État autre que celui lésé par le fait internationalement illicite pourra invoquer la responsabilité de l’auteur à condition que l’obligation violée soit due à un groupe d’États dont il fait partie ou à la communauté internationale dans son ensemble. Par ailleurs, à la suite d’un fait illicite, des dommages peuvent être causés à des res communis ou au patrimoine commun de l’humanité, autrement dit, à des espaces pouvant être utilisés par tous, mais échappant à toute compétence territoriale. Tel est le cas de la haute mer, de la Zone, de l’espace aérien international, de l’espace cosmique, et dans une certaine mesure de l’Antarctique. En cas de dommage causé à l’une de ces zones, aucun État ne pourra être considéré comme étant spécialement lésé par le fait internationalement illicite. C’est plutôt l’humanité qui serait la véritable victime. Or, en droit international, il n’existe pas de possibilité de présenter une réclamation au nom de l’humanité. Il peut exister un régime conventionnel spécifique prévoyant la possibilité, pour une autorité spéciale, de présenter une réclamation en cas de dommage causé à l’un de ces espaces. Tel est le cas pour la Zone. Une lecture constructive des articles 145 et 139 de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1982 permettrait d’envisager une mise en jeu de la responsabilité des États contrevenant à la réglementation par l’Autorité des fonds marins53. La nécessité de se placer sur le terrain du droit des traités reflète les limites du régime de responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite face au caractère commun de certains biens liés à l’environnement.

D.

L’établissement du lien de causalité

202. Si, dans le cadre de la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, le dommage n’est pas nécessaire à l’engagement de la responsabilité, il en est différemment lorsque la réparation d’un préjudice est demandée. Dans cette hypothèse, l’État agissant en responsabilité doit établir un lien de causalité entre la violation du droit international et le dommage pour lequel il demande réparation. En matière environnementale, la preuve de ce lien de causalité est problématique à rapporter en raison de « l’interaction de phénomènes naturels, dont certains ne sont pas encore suffisamment connus et échappent […], du moins partiellement, à la connaissance humaine »54. 53. A.-Ch. Kiss et J.-P. beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 508. 54. G. HaFNer, « Le contexte particulier de la responsabilité dans le droit international de l’environnement », in Droit international 5. Cours de l’Institut des hautes études internationales de Paris, Paris, Pedone, 2001, p. 31.


Responsabilité internationale

La difficulté d’établir un lien de causalité résulte également de la grande distance matérielle et surtout temporelle pouvant séparer le fait générateur du dommage. Les effets néfastes d’une pollution peuvent se produire à plus ou moins longue échéance55. Ce problème a été mis en lumière par l’accident nucléaire de Tchernobyl survenu le 26 avril 1986 en Ukraine. Dans certains cas, il n’y aura de dommages que si la pollution est continue. En outre, différentes pollutions peuvent également se combiner, ce qui rend d’autant plus difficile l’établissement du lien de causalité. Celui-ci peut également s’avérer complexe puisque la même émission polluante peut avoir des conséquences différentes en fonction, par exemple, de circonstances physiques ou météorologiques. Dans un tel cas, il est impossible d’imputer le dommage à une cause précise56. Si le lien de causalité entre la violation du droit international et le dommage n’est pas établi, une demande en réparation ne saura être utilement présentée.

E.

L’évaluation et la réparation du dommage

203. L’obligation de réparation a été posée par la jurisprudence dès 1927 en ces termes : « [l]a réparation est […] le complément indispensable d’un manquement à l’application d’une convention, sans qu’il soit nécessaire que cela soit inscrit dans la convention même » (C.P.J.I., 26 juillet 1927, Usine de Chorzów (compétence), série A, n° 8, p. 21). Ce principe a été repris dans l’arrêt sur le fond rendu par la C.P.J.I. dans cette même affaire (C.P.J.I., 13 septembre 1928, Usine de Chorzów (fond), série A, n° 17) : « c’est un principe du droit international, voire une conception générale du droit, que toute violation d’un engagement comporte l’obligation de réparer » (p. 29). Cette obligation a été reprise par la C.D.I. qui, dans l’article 31 du Projet d’articles, prévoit que l’État responsable doit réparer intégralement le préjudice causé. Pour ce faire, trois formes de réparation sont reconnues par le texte : la restitution, l’indemnisation et la satisfaction. La restitution consiste à rétablir la situation qui existait avant que le fait internationalement illicite ne soit commis. Elle ne sera possible que dans la mesure où elle est matériellement réalisable et proportionnelle (art. 35). À défaut, l’État responsable devra indemniser la victime pour le préjudice causé (art. 36). Lorsque l’indemnisation est impossible, l’État responsable devra donner satisfaction pour le préjudice causé. Celle-ci peut, par exemple, prendre la forme d’une reconnaissance de la violation, de l’expression de regrets ou encore d’excuses formelles (art. 37).

55. Voy. G. HaFNer, « Le contexte particulier de la responsabilité dans le droit international de l’environnement », loc. cit., p. 31 ; A.-Ch. Kiss, « la réparation pour atteinte à l’environnement », in S.F.D.I., La responsabilité dans le système international, Colloque du Mans, 1990, Paris, Pedone, 1991, p. 228. 56. Voy. A.-Ch. Kiss et J.-P. beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 510.

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La plupart du temps, en cas de dommage environnemental, la restitution est matériellement impossible. Si l’indemnisation peut être considérée comme une forme de réparation plus adéquate, elle ne va pas sans poser des difficultés certaines. Selon l’article 36 du Projet d’articles de la C.D.I., l’indemnité qui est versée au titre de la réparation doit couvrir « tout dommage susceptible d’évaluation financière, y compris le manque à gagner dans la mesure où celui-ci est établi ». Pourtant, certains éléments de l’environnement ne se sont pas vus attribuer de valeur économique. Comment, par exemple, évaluer le prix d’un oiseau englué dans une marée noire ? De plus, le coût de la remise en état de l’environnement devrait être inclus si elle est réalisée par l’État victime. Le caractère intégral de la réparation s’avère bien être une condition nécessaire à son effectivité.

§ 2 Absence persistante d’une règle générale 204. L’illicite étant un fondement insuffisant pour la responsabilité environnementale, on pouvait penser que les spécificités liées à la protection de l’environnement donneraient naissance à un régime général de responsabilité fondé sur le risque. Pourtant, malgré une tentative de la C.D.I., il n’existe toujours pas un tel régime.

A.

L’élaboration d’un Projet d’articles sur une responsabilité objective

205. Dès 1963, la C.D.I. s’est penchée sur l’élaboration d’un régime de responsabilité pour risque. Alors que dans un premier temps, la Commission avait considéré que cette question était liée à la responsabilité internationale de l’État pour fait illicite, Roberto Ago, Rapporteur spécial pour le Projet d’articles sur la responsabilité pour fait internationalement illicite, opéra une dissociation entre les deux thèmes. Selon lui, la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite relevait de la responsibility de l’État, alors que la responsabilité pour risque relevait de la liability. Le recours au vocabulaire anglo-saxon permet de distinguer très clairement ces deux régimes de responsabilité. En français, on pourrait opposer au terme de responsabilité internationale de l’État, celui de responsabilisation. Ces deux régimes doivent être distingués par leur nature. La responsibility implique que l’État réponde de ses actes et par conséquent de la violation d’une obligation internationale. La liability ne dépend pas d’une faute ou d’un illicite, mais apparaît plus comme une garantie de la part de l’État qui s’engage à réparer les dommages causés, quand bien même il n’y a aucun illicite. L’ensemble de la C.D.I., puis l’Assemblée générale des Nations Unies, se rallièrent à cette idée de division entre les deux projets, laissant alors la question de la responsabilité pour risque en suspens.


Responsabilité internationale

Les travaux sur la « Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international » débutèrent seulement en 197857. Un groupe de travail fut créé, avec comme Rapporteur spécial Quentin-Baxter. En 1984, ce dernier présenta un projet d’articles58 qui avait notamment pour objectif de définir le sujet et d’en poser les fondements59, sans pour autant que la Commission ne lui donne suite60. En 1985, un nouveau Rapporteur spécial, Julio Barboza, continua les travaux entrepris par son prédécesseur. Toutefois, aucun de ses différents projets d’articles ne fut adopté par la C.D.I.61 En effet, celle-ci se trouvait face à une mission particulièrement complexe : « codifier l’incodifiable », établir au titre du développement progressif du droit un régime de responsabilité qui n’existait pas dans le droit coutumier62. En 1997, alors qu’aucun projet d’articles n’avait encore été adopté, le Groupe de travail de la C.D.I. chargé de cette question considéra que l’intitulé du projet posait des difficultés « d’ordre conceptuel et théorique »63. Elle nomma un nouveau Rapporteur spécial, l’indien Pemmaraju Sreenivasa Rao, et divisa l’examen du sujet en deux volets : la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses64. Force est de constater que ces deux aspects n’embrassent qu’imparfaitement le projet de départ : ils font référence aux seules activités dangereuses et non aux activités non interdites par le droit international. Il fallut attendre 2001 pour que la C.D.I. adopte un Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses. Il fut soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies dans le cadre du rapport de la Commission sur sa cinquante-troisième session (2001), afin qu’elle en prenne note65. La Commission n’acheva son travail qu’en 2006 avec l’adoption du Projet de principes sur la répartition des pertes en cas de dommage trans-

57. Rés. 32/151 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 19 décembre 1977. 58. Rapport sur la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international par M. Robert queNtiN-baxter, Rapporteur spécial (doc. A/CN.4/383 et Add.1), in Annuaire de la C.D.I., 1984, II/1, pp. 161 et s. 59. Annuaire de la C.D.I., 1984, II/1, pp. 161 et s. 60. Rapport de la C.D.I. de la 53e sess., A/56/10, p. 394, § 79. 61. Ibid., p. 395. 62. P.-M. DuPuy, « À propos des mésaventures de la responsabilité internationale des États dans ses rapports avec la protection internationale de l’environnement », in Les hommes et l’environnement quels droits pour le XXIe siècle ? Mélanges en hommage à Alexandre Kiss, Paris, Frison-Roche, 1998, p. 272. 63. Annuaire de la C.D.I., 1997, I, p. 159 ; Rapport de la C.D.I. sur les travaux de la 53e session, A/56/10, p. 396. 64. Rapport de la C.D.I. sur les travaux de la 53e session, A/56/10, p. 396. 65. Id., A/56/10 (et Corr. 1), pp. 399 et s. ; Rés. 56/82 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 12 décembre 2001.

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frontière découlant d’activités dangereuses. Ce texte également fut soumis à l’Assemblée générale pour qu’elle en prenne note66. L’on peut observer que le travail de la C.D.I. a duré près de trente ans, ce qui est révélateur de la complexité du sujet. En effet, l’élaboration d’un régime général de responsabilité pour risque est problématique du fait de l’étendue et de l’imprécision du concept. La C.D.I. s’est d’ailleurs rapidement éloignée du projet de départ pour se diriger vers la codification des obligations internationales à la charge de l’État en matière de prévention des dommages. Elle établit un régime de responsabilisation de l’État en lui imposant une obligation de prévention.

B.

Le contenu des Projets d’articles de la C.D.I.

a)

Les obligations de prévention dans le cadre d’activités dangereuses

206. Le renforcement des obligations de prévention est la conséquence logique de la prise en compte du risque inhérent aux activités liées à l’environnement. La question de la prévention n’était pas totalement absente des travaux de la C.D.I. dans le cadre de la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite. Elle est envisagée dans l’article 14, § 3 qui prévoit le principe suivant : « [l]a violation d’une obligation internationale requérant de l’État qu’il prévienne un événement donné a lieu au moment où l’événement survient et s’étend sur toute la période durant laquelle l’évènement continue et reste non conforme à cette obligation ». Le Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières67, quant à lui, vient renforcer les obligations des États en matière de prévention des dommages transfrontières. Il impose de véritables obligations de comportement qui, à ce titre, relèvent plus des normes primaires que des normes secondaires. En application de ce texte, l’État doit prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir les dommages transfrontières significatifs, ou tout au moins, pour en réduire le risque au minimum (art. 3). Cette obligation générale de prévention a pour corollaire l’obligation de coopérer de bonne foi (art. 4), de favoriser les échanges d’informations, notamment concernant le risque que les activités comportent et les dommages qui peuvent en résulter (art. 12 à 14). Les États ont également l’obligation de prendre au niveau interne toutes les mesures nécessaires pour satisfaire cette obligation générale de prévention et d’établir un système de délivrance d’autorisation concernant les activités 66. Rapport de la C.D.I. sur les travaux de la 58e session (2006), A/61/10, pp. 109 et s. ; Rés. 61/36 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 4 décembre 2006. 67. Texte reproduit dans le Rapport de la C.D.I. sur les travaux de la 53e session (2001), A/56/10 (et Corr. 1), pp. 399 et s.


Responsabilité internationale

dangereuses (art. 5 et 6). Selon l’article 7, ce système d’autorisation doit reposer en particulier sur une évaluation du risque de la part de l’État. Si l’évaluation du risque révèle que l’activité est susceptible de causer un dommage transfrontière, l’État d’origine doit le notifier à l’État pouvant être affecté en lui communiquant toutes les informations nécessaires, dont l’évaluation préalablement réalisée (art. 8, § 1). Dans un tel cas, les États sont fortement invités à coopérer afin de trouver les mesures les plus aptes à prévenir le risque de dommage transfrontière ou à en réduire le risque au minimum (art. 9). Les mesures en question doivent être fondées sur un juste équilibre des intérêts des parties, à savoir l’État d’origine et l’État susceptible d’être affecté. Ce juste équilibre doit notamment tenir compte du degré du risque, de l’importance de l’activité, de sa viabilité économique, du risque de causer un dommage significatif pour l’environnement, de la possibilité de réhabilitation de ce dernier ou encore de la capacité de l’État susceptible d’être affecté à assumer le coût de la prévention (art. 10). Cette liste n’est pas limitative et de nombreux autres facteurs peuvent entrer en considération. Le Projet d’articles envisage également les hypothèses où les États se retrouvent confrontés à une situation d’urgence, autrement dit à des situations où le risque se matérialise. Ils doivent notifier la situation à l’État susceptible d’être affecté et établir des plans d’action en coopération avec ce dernier ainsi qu’avec les organisations internationales compétentes (art. 16 et 17).

b)

La répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses

207. Le Projet de principes de la C.D.I. sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses68 pose des principes très généraux en matière d’indemnisation. Ce régime a vocation à être un régime supplétif et général et s’applique sans préjudice des règles de la responsabilité internationale de l’État pour fait internationalement illicite69. Par ailleurs, il n’exclut pas l’élaboration de régimes internationaux spécifiques pour des catégories particulières d’activités dangereuses. Au contraire, il prévoit cette possibilité et encourage son développement en son principe 7. Les objectifs de ce régime de responsabilité sont clairement énoncés dans son principe 2 : « assurer une indemnisation prompte et adéquate aux victimes de dommages transfrontières » et « préserver et […] protéger l’environnement en cas de dommage transfrontière, en particulier en ce qui concerne l’atténuation des dommages à l’environnement et sa restauration ou sa remise en état ».

68. Texte reproduit dans le Rapport de la C.D.I. sur les travaux de la 58e session (2006), A/61/10, pp. 109 et s., et la rés. 61/36 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 4 décembre 2006, annexe. 69. Comm. gén. du Projet de principes, § 7, in Rapport de la C.D.I. sur les travaux de la 58e session (2006), A/61/10, p. 115.

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À cette fin, le principe 4 prévoit explicitement l’obligation pour les États d’établir un système d’indemnisation prompte et adéquate, qui comprendrait la mise de la responsabilité à la charge de l’exploitant, indépendamment de toute faute. Il prévoit également, afin d’éviter les problèmes d’insolvabilité de l’exploitant ou l’insuffisance de fonds, la mise en place de garanties et la création de fonds pour tous les exploitants d’une même branche d’activité. En cas d’insuffisance de ces mesures, l’État d’origine devra « assurer la disponibilité de ressources financières supplémentaires » (princ. 4). Une indemnisation prompte et efficace passe également par la mise en place de recours internes et internationaux rapides, adéquats et efficaces (princ. 6). Le principe 5, quant à lui, concerne les mesures d’intervention. Il impose à l’État d’origine de prendre toutes les mesures nécessaires à la suite de la survenance d’un dommage transfrontière. Elles comprennent une obligation de notification auprès des États affectés et doivent permettre de maîtriser les conséquences de l’incident en limitant le dommage. Enfin, le principe 8 impose à chaque État de prendre toutes les mesures internes nécessaires pour mettre en œuvre le Projet de principes.

C.

Une portée limitée

a)

Absence de fondement coutumier

208. Contrairement au Projet d’articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, les Projets d’articles et de principes sur la liability relèvent, pour la plupart de leurs dispositions, d’un développement progressif du droit70. En effet, à l’exception de l’obligation de prévention des dommages transfrontières, les obligations prévues sont dépourvues de fondement coutumier. Il n’existe pas non plus de principe ou de régime général de responsabilité pour risque en droit international général. Les seuls régimes existants relèvent du droit conventionnel.

b)

Un champ d’application restreint

209. Le Projet d’articles de la C.D.I. s’applique « aux activités non interdites par le droit international qui comportent un risque de causer un dommage transfrontière significatif de par leurs conséquences physiques » (art. 1 du Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses). Il s’applique tant aux activités dangereuses qu’aux activités extrêmement dangereuses.

70. Sur ce point, voy. C. toMusChat, « International Liability for Injurious Consequences Arising out of Acts not Prohibited by International Law: the Work of the International Law Commission », in International Responsibility for Environmental Harm (F. FraNCioNi et T. sCovazzi dir.), Londres, Graham and Trotman, 1991, pp. 64-65.


Responsabilité internationale

À ce stade, se pose le problème de déterminer quelle activité doit être qualifiée de dangereuse, voire d’extrêmement dangereuse. Le concept de risque – concept central de la liability – se rapporte à des possibilités futures. Il doit pouvoir être évalué de manière objective. Ce n’est pas parce qu’une activité cause un dommage transfrontière qu’elle constitue une activité dangereuse, à risque. Cette qualification sera écartée dès lors qu’aucun observateur dûment informé n’a pu ou n’aurait pu être conscient de ce risque. En revanche, une activité peut comporter un risque de causer un dommage transfrontière significatif même si ceux qui en étaient responsables avaient sous-estimé ce risque ou n’en avaient pas conscience71. Par conséquent, pour qu’une activité puisse être, objectivement, considérée comme comportant un risque, il faut qu’un observateur, dûment informé, ait pu être en mesure d’avoir conscience de ce risque au moment où l’activité est exercée. Au cours de l’élaboration du Projet d’articles de 2001, avait été avancée la proposition d’établir une liste, non définitive et modifiable, des activités pouvant être considérées comme dangereuses. Cette idée fut toutefois écartée du fait des difficultés liées au caractère limitatif d’une liste. En effet, l’évolution des techniques et des activités est telle que l’élaboration d’une liste est peu compatible avec la protection de l’environnement au sens large. Par conséquent, les situations et les risques doivent faire l’objet d’une évaluation au cas par cas. La première limitation du champ d’application tient donc au fait que les Projets d’articles et de principes de la C.D.I. n’ont pas vocation à couvrir toutes les activités non interdites par le droit international, mais seulement les activités comportant un risque de causer un dommage. Or, toutes les activités liées à l’environnement ne sont pas nécessairement d’une telle nature. Une deuxième limitation tient à la qualification du dommage : il doit être transfrontière et significatif. Les Projets d’articles et de principes incluent dans la notion de dommage, le dommage aux personnes, aux biens et à l’environnement (art. 2 des Projets d’articles et de principes de 2001 et 2006). Ils définissent également le dommage transfrontière comme étant « le dommage causé sur le territoire ou en d’autres lieux placés sous la juridiction ou le contrôle d’un État autre que l’État d’origine, que les États concernés aient ou non une frontière commune » (art. 2 des Projets d’articles et de principes). La notion de dommage significatif, quant à elle, n’est pas dépourvue d’ambiguïté. À la lecture du commentaire de l’article 2 du Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, il doit être entendu comme un dommage « plus que détectable, mais sans nécessairement atteindre le niveau de grave ou de substantiel ». Deux éléments entrent donc en compte dans l’évaluation des effets préjudiciables : des critères objectifs et factuels et

71. Comm. sous l’art. 1 du Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, § 14, in Rapport de la C.D.I. sur les travaux de la 53e session (2001), A/56/10, pp. 415-416.

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des critères plus subjectifs qui dépendent des circonstances du cas considéré et du moment de l’évaluation72. Ces limitations du champ d’application s’expliquent par un impératif auquel s’est trouvée confrontée la C.D.I. : ménager un équilibre entre les intérêts en présence, à savoir, les exigences économiques et sociales d’une part et la protection de l’environnement d’autre part. En effet, la multiplication des activités humaines conduit à une augmentation et à une diversification des risques environnementaux, ce qui accroît la probabilité de causer des dommages irréversibles. L’on pourrait alors envisager d’interdire purement et simplement toute activité pouvant avoir un effet préjudiciable sur l’environnement. Toutefois, dans nos sociétés actuelles, sur le fondement de considérations économiques, cette solution n’est pas acceptable73.

§ 3 Développement des régimes spécifiques 210. L’absence d’un régime général de responsabilité objective n’a pas empêché son développement par la voie conventionnelle. En la matière, alors que la plupart des instruments prévoient une responsabilité civile pesant sur les individus, un seul envisage la responsabilité de l’État. Des régimes originaux se sont également développés, comme en droit de l’Union européenne. Enfin, plusieurs conventions régionales et universelles renforcent l’application du droit international de l’environnement en prévoyant une responsabilité pénale des individus.

A.

Un régime de responsabilité de l’État pour les dommages causés à l’environnement terrestre par des engins spatiaux

211. Le régime de responsabilité de l’État pour les dommages causés à l’environnement terrestre par des engins spatiaux a, dans un premier temps, été établi par le Traité régissant les activités des États en matière d’exploitation et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique y compris la Lune et les autres corps célestes du 27 juillet 1967. Il a été complété par la Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux du 29 mars 1972. Si l’article 1 de la Convention de 1972, définissant le dommage, ne vise pas expressément le dommage environnemental, on ne peut douter aujourd’hui de son application en cas de tel dommage. En effet, au moment de l’élaboration 72. Comm. sous l’art. 2 du Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, § 7, in Rapport de la C.D.I. sur les travaux la 53e session (2001), A/56/10, p. 419. 73. Voy., en ce sens, Y. Kerbrat, « Le droit international face au défi de la réparation des dommages à l’environnement », in S.F.D.I., Le droit international face aux enjeux environnementaux, op. cit., p. 153.


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de ce texte, les circonstances ne permettaient pas d’envisager que l’environnement puisse faire l’objet d’une protection autonome74. L’article 6 du Traité de 1967 pose un principe de responsabilité internationale de l’État pour les activités nationales dans l’espace extra-atmosphérique, peu importe qu’elles soient entreprises par des entités gouvernementales ou non. À cette fin, il pèse sur les États parties une obligation de mettre en place un système d’autorisation et de surveillance approprié pour toute activité relevant de ce domaine. L’article 7, quant à lui, pose le principe d’une responsabilité objective de l’État de lancement d’un objet dans l’espace, pour les dommages causés par les engins spatiaux. Enfin, l’article 2 de la Convention de 1972 pose le principe suivant : « [u]n État de lancement a la responsabilité absolue de verser réparation pour le dommage causé par son objet spatial à la surface de la Terre ou aux aéronefs en vol ». Le régime de responsabilité qui découle de ces textes est exclusif de toute responsabilité privée. Même si l’activité à l’origine du dommage a été mise en œuvre par une personne de droit privé, l’État de lancement, sous la juridiction duquel elle se trouve, endossera l’entière responsabilité du dommage. Le professeur Pierre-Marie Dupuy a qualifié cette technique de « canalisation » de la responsabilité75. Cette responsabilité objective de l’État de lancement dispense l’État lésé d’établir l’existence d’une faute ou d’une négligence. La survenance d’un dommage suffit pour mettre en œuvre sa responsabilité et son obligation de réparation. Il sera alors tenu d’indemniser la victime quelles que soient les conditions de réalisation du dommage. Les Conventions de 1967 et 1972 n’admettent qu’un seul cas dans lequel l’État de lancement pourrait s’exonérer de sa responsabilité : lorsqu’il « établit que le dommage résulte, en totalité ou en partie, d’une faute lourde ou d’un acte ou d’une omission commis dans l’intention de provoquer un dommage, de la part d’un État demandeur ou des personnes physiques ou morales que ce dernier État représente » (art. 7 de la Convention de 1972). L’introduction de la responsabilité objective de l’État en droit international public permet de résoudre certains problèmes liés à la responsabilité environnementale et de mieux répondre aux impératifs du droit de l’environnement.

74. Voy., en ce sens, P.-M. DuPuy, La responsabilité internationale des États pour les dommages d’origine technologique et industrielle, Paris, Pedone, 1976, partic. pp. 51-59 ; G. HaFNer, « Le contexte particulier de la responsabilité dans le droit international de l’environnement », op. cit., partic. p. 44. 75. P.-M. DuPuy, La responsabilité internationale des États pour les dommages d’origine technologique et industrielle, op. cit., partic. p. 59.

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Application des règles

Le fondement n’étant plus l’illicite, cette responsabilité est plus adaptée à la nature des activités liées à l’environnement qui sont des activités règlementées, mais non interdites par le droit international. Elle est fondée sur le risque et sur l’utilisation particulièrement dommageable des activités visées. Or, force est de constater que, tout comme les activités spatiales, les activités liées à l’environnement peuvent être, par nature, dangereuses, voire extrêmement dangereuses. Exclure le fondement de l’illicite permet également de contourner les difficultés liées à son attribution. La canalisation de la responsabilité sur un seul sujet, l’État, permet enfin de résoudre les problèmes liés à l’identification de l’auteur du dommage. L’établissement du lien de causalité entre le dommage et l’activité en question suffit pour engager la responsabilité de l’État.

B.

Des régimes de responsabilité civile

a)

La responsabilité en cas de dommages causés en matière d’utilisation pacifique de l’énergie atomique

212. Le régime de responsabilité en cas de dommages causés en matière d’utilisation pacifique de l’énergie atomique, développé à partir des années 60, constitue l’un des premiers domaines de développement d’une responsabilité civile conventionnelle. Une justification se trouve dans l’ampleur des dommages environnementaux, mais également humains, pouvant résulter de l’utilisation de l’énergie nucléaire. Deux instruments principaux ont été adoptés dans ce domaine. Le premier, la Convention de Paris sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire du 29 juillet 1960, complétée par la Convention de Bruxelles du 31 janvier 1963, a vocation régionale. Elle a été adoptée sous les auspices de l’Agence européenne pour l’énergie nucléaire, institution au sein de l’O.C.D.E. Le second, la Convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires, a plutôt vocation mondiale et a été adoptée dans le cadre de l’Agence internationale pour l’énergie atomique le 21 mai 1963. Un Protocole commun (du 21 septembre 1988) lie l’application de ces conventions et met fin à leur existence indépendante. Il est entré en vigueur le 27 avril 1992. Ces conventions mettent en place un régime de responsabilité objective qui dispense la victime de prouver l’existence d’une faute pour obtenir indemnisation. De plus, la responsabilité est canalisée sur l’exploitant de l’installation ou du navire nucléaire (art. 2 de la Convention de Vienne, et 6 de la Convention de Paris). Toutefois, cette responsabilité admet des exonérations (voy., p. ex., l’art. 4 de la Convention de Vienne). Elle peut également être limitée à un montant maximum et l’exploitant a l’obligation de souscrire à un régime d’assurance. Cette limitation de responsabilité permet dans une certaine mesure d’éviter les problèmes qui seraient liés à l’insolvabilité de l’exploitant. L’intervention différée de l’État prévue par l’article 7 de la Convention de Vienne va également dans ce sens : l’État sur le territoire duquel se trouve l’installation nucléaire « assure le paiement des indemnités pour dommage nucléaire reconnues comme étant à la charge de l’exploitant, en fournissant les sommes


Responsabilité internationale

nécessaires dans la mesure où l’assurance ou la garantie financière ne serait pas suffisante […] ».

b)

La responsabilité pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures

213. Le transport d’hydrocarbures en mer est apparu comme un terrain propice au développement d’un régime de responsabilité spécial et conventionnel. La Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 a joué un rôle particulièrement important en la matière. Elle a été amendée et complétée par plusieurs protocoles adoptés en respectivement en 1976, 1984 (celui-ci n’est jamais entré en vigueur) et 1992. S’ajoute à cela une Convention du 18 décembre 1971, signée à Bruxelles, et portant création d’un fonds international d’indemnisation, modifiée et complétée depuis lors. Cet ensemble de textes institue un régime de responsabilité objective. L’article 3 de la Convention de Bruxelles de 1969 canalise la responsabilité sur le propriétaire du navire au moment de l’événement. Toutefois, il admet aussi, de manière restrictive des exonérations. Le propriétaire n’est pas responsable s’il prouve que le dommage résulte d’un acte de guerre, d’hostilités, d’une guerre civile, d’une insurrection, ou d’un phénomène naturel de caractère exceptionnel, inévitable et irrésistible (art. 3, § 2, b). Il en est de même si le dommage est en totalité le résultat d’une action délibérée d’un tiers de causer un dommage, ou d’une négligence ou action préjudiciable de l’État ou d’un gouvernement ou autre autorité responsable de l’entretien des feux ou autres aides à la navigation dans l’exercice de cette fonction (art. 3, § 2, b et c). Le paragraphe 3 de ce même article admet une exonération totale ou partielle de la responsabilité du propriétaire si le dommage résulte en totalité ou en partie d’une négligence ou d’un fait de la victime qui aurait agi ou omis d’agir dans l’intention de causer un dommage (art. 3, § 4). La spécificité de ce régime de responsabilité tient au fait que le destinataire ultime demeure toujours le pollueur, autrement dit, dans la plupart des cas, une personne privée (à moins que l’État ne soit lui même le pollueur). La Convention de 1969 prévoit également une obligation de souscrire à un régime d’assurance (art. 7) et une limitation de responsabilité à un montant maximum (art. 5). Cette limitation a pour conséquence de créer des plafonds pour les indemnités versées dans le cadre de la réparation du dommage. C’est sur ce point que la Convention de 1971 complète le système initial mis en place par la Convention de Bruxelles de 1969, puisqu’elle crée un Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL). Ce dernier a pour but d’assurer l’indemnisation pour les dommages par pollution dans trois cas : lorsque le propriétaire n’est pas responsable ou qu’il est incapable financièrement de s’acquitter de ses obligations ou encore lorsque les dommages excèdent la responsabilité du propriétaire (art. 4, Convention de 1971). Le FIPOL a donc vocation à intervenir dans les cas

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Application des règles

où la protection prévue par la Convention de Bruxelles de 1969 est insuffisante (art. 2, Convention de 1971). Ces mêmes principes – responsabilité objective, canalisation et limitation de la responsabilité, assurance obligatoire, indemnisation complémentaire par un fonds international – sont repris par le « nouveau » régime applicable en la matière qui repose essentiellement sur les Conventions de 1992, l’une relative à la responsabilité civile et l’autre portant création d’un fonds d’indemnisation. Celles-ci résultent des protocoles de 1992 aux Conventions de 1969 et 1971. D’ailleurs, depuis le 24 mai 2002, la Convention de 1971 a cessé d’être en vigueur et ne s’applique donc plus aux pollutions survenues après cette date.

c)

La responsabilité du pollueur dans d’autres domaines

214. La responsabilité pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures a posé des principes particulièrement utiles pour le développement de la responsabilité environnementale. Il est donc apparu opportun de les transposer à d’autres domaines. Dans un premier temps, ils ont été généralisés à toutes les activités dangereuses par la Convention internationale sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substance nocives et potentiellement dangereuses (Convention S.N.D.P.), signée à Londres le 3 mai 1996 et complétée par un Protocole du 30 avril 2010. Malgré la rédaction, en 2005, par le secrétariat du FIPOL d’un manuel pour la mise en œuvre de la Convention S.N.D.P. dans le but de faciliter les ratifications, ni l’un ni l’autre ne sont encore entrés en vigueur. Toutefois, il est intéressant de constater que cet ensemble de textes prévoit une canalisation de la responsabilité sur le propriétaire du navire (art. 7), une limitation de sa responsabilité (art. 9), ainsi qu’un régime d’assurance obligatoire (art. 12). Comme dans le cadre de la responsabilité pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures, des causes d’exonérations, qui se rapprochent de celles énoncées dans la Convention de Bruxelles de 1969, sont prévues (art. 7, § 2) ainsi qu’un deuxième niveau d’indemnisation avec l’institution d’un fonds international. Ce dernier a vocation à intervenir dans les cas où la personne demandant l’indemnisation de dommages liés au transport par mer de substances nocives et dangereuses n’a pas pu être indemnisée sur la base de la responsabilité du propriétaire (art. 13). L’article 14 de la Convention S.N.D.P. liste les hypothèses dans lesquelles le Fonds international doit intervenir : elles recoupent entièrement celles prévues par les Conventions de 1971 et 1992. Ce régime de responsabilité objective et canalisée a été repris pour l’indemnisation des dommages survenus à terre. Dans un premier temps, une convention a été adoptée dans le cadre du Conseil de l’Europe : la Convention de Lugano sur la responsabilité civile pour des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (adoptée en 1993, mais encore non entrée en vigueur). Le régime qui en découle canalise la responsabilité sur l’exploitant de l’activité dangereuse dès lors qu’il exerce un contrôle sur l’activité et sur le


Responsabilité internationale

dernier exploitant en cas de cessation définitive de l’activité en cause (art. 6). Peu de circonstances peuvent permettre à l’exploitant de s’exonérer de cette responsabilité (art. 8). Ensuite, par l’adoption du Protocole de Bâle sur la responsabilité et l’indemnisation en cas de dommages résultant de mouvements transfrontières et de l’élimination des déchets dangereux (Protocole à la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination, 1999), ce principe de responsabilité objective et canalisée a trouvé une application dans le cadre de la réglementation en matière de déchets dangereux. Enfin, en 2010, le Protocole additionnel de Nagoya – Kuala Lumpur relatif au Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques est entièrement dédié à la responsabilité et la réparation en cas de dommage résultant de mouvements transfrontières d’organismes vivants modifiés. Il pose certains principes relatifs à un régime de responsabilité civile, mais renvoie essentiellement au droit interne des États parties pour leur mise en œuvre.

C.

Un régime de responsabilité environnementale en droit de l’Union européenne

215. Le 21 avril 2004, le législateur communautaire a adopté la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale. Elle fait écho à la Convention de Lugano du 21 juin 1993 sur la responsabilité civile pour des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, adoptée dans le cadre du Conseil de l’Europe, qui n’est pas entrée en vigueur et à laquelle l’Union n’est pas partie. Elle est le résultat d’un long processus de réflexion et d’élaboration qui a débuté avec le Livre vert sur la réparation des dommages causés à l’environnement (voy. Comm. CE au Conseil, au Parlement et au Comité économique et social, du 14 mai 1993) puis s’est poursuivi le Livre blanc sur la responsabilité environnementale (présenté par la Commission européenne, le 9 février 2000). La directive sur la responsabilité n’impose pas aux États membres, un mécanisme de responsabilité civile en matière environnementale. Elle ne prévoit pas non plus une généralisation d’une responsabilité objective ou sans faute76. En revanche, elle consacre expressément un principe fondamental de la politique environnementale de l’Union européenne (art. 191, § 2, T.F.U.E.), et plus largement du droit international de l’environnement : le principe pollueurpayeur (2e consid. du préambule, art. 1). À ce titre, elle a pour objectif d’établir un cadre de responsabilité « en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux » (art. 1).

76. M. Prieur, « La responsabilité environnementale en droit communautaire », REDE, 2004/2, pp. 129-141, partic. p. 129 ; N. De saDeleer, Environnement et marché intérieur. Commentaire J. Mégret, op. cit., p. 197.

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Application des règles

a)

Champ d’application

216. La directive de 2004 s’applique dans deux hypothèses clairement définies à l’article 3 : pour tous les dommages causés à l’environnement par l’une des activités professionnelles énumérées à l’annexe III et pour toute menace imminente de tels dommages77 ; pour tous les dommages « causés aux espèces et habitats naturels protégés par l’une des activités professionnelles autres que celles énumérées à l’annexe 3, […] lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence » (art. 3, (1)). Ainsi couvre-t-elle les dommages causés aux espèces et habitats protégés et ceux affectant les eaux et les sols78, qu’il s’agisse de dommages immédiats ou médiats (art. 2, (2)). Elle n’a pas pour autant retenu une conception extensive du dommage79, puisque sont exclus de son champ d’application les dommages corporels, les dommages aux biens privés et les pertes économiques (14e consid. du préambule). Sont exclus également certains dommages environnementaux ou menace imminente de tels dommages – essentiellement des dommages nucléaires ou liés à la pollution des mers – déjà couverts par des conventions internationales (art. 4, (2) et (3))80. Elle ne s’applique pas non plus en cas de dommages causés par une pollution diffuse lorsqu’il est impossible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités en cause (art. 4, (5)) ; en cas de dommages causés par des activités « menées principalement dans l’intérêt de la défense nationale […] » ou « dont l’unique objet est d’assurer la protection contre les catastrophes naturelles » ; ou encore en cas de dommages (ou de menace imminente de tels dommages) causés par « un conflit armé, des hostilités, une guerre civile ou une insurrection » ou « un phénomène de nature exceptionnelle, inévitable et irréversible ». Ratione temporis, la directive n’a pas d’effet rétroactif et ne s’applique qu’aux dommages causés postérieurement à l’expiration de son délai de transposition (art. 17).

b)

Mise en œuvre

217. La directive repose sur un mécanisme de mise en œuvre de la responsabilité de l’exploitant (18e consid. du préambule, art. 6), sous le contrôle des pouvoirs publics. Elle privilégie la prévention des dommages plutôt que la réparation. Ainsi impose-t-elle tant aux exploitants qu’à l’État de prendre des mesures de prévention nécessaires (art. 5), qui doivent être entendues comme « toute mesure prise en réponse à un événement, un acte ou une omission qui 77. Cette liste particulièrement exhaustive compte un nombre étendu d’activités. 78. Pour la définition de ces notions au sens de la directive, voy. son art. 2. 79. N. De saDeleer, Environnement et marché intérieur. Commentaire J. Mégret, op. cit., p. 199. 80. Pour la liste des conventions internationales visées, voy. l’annexe IV de la dir. Elle inclut les conventions relatives à la responsabilité en cas de dommages dus à la pollution par hydrocarbures et en cas de dommages liés au transport par mer de substances nocives et marchandises dangereuses. Voy. égal. l’annexe V pour les dommages nucléaires.


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a créé une menace imminente de dommage environnemental, afin de prévenir ou de limiter au maximum ce dommage » (art. 2, (10)). L’État peut obliger l’exploitant à fournir des informations concernant la menace de dommage et lui imposer des mesures appropriées (art. 5, (3)). Si toutefois le dommage survient, l’exploitant doit informer « sans tarder l’autorité compétente de tous les aspects de la situation » et prendre les mesures nécessaires pour limiter l’étendue du dommage (art. 6). Si l’exploitant n’exécute pas ses obligations, la directive transfère à l’État la charge d’assurer la prévention ou la réparation. L’inaction des autorités pourra alors être contestée devant les tribunaux (art. 12 et 13). Dès lors, même si l’exploitant est tenu de prendre les mesures de prévention et de réparation appropriées, c’est l’État qui conserve la responsabilité principale du déclenchement de telles mesures81. La directive canalise la responsabilité sur l’exploitant de l’activité. Ainsi, en application du principe du pollueur-payeur, celui-ci est tenu de supporter les coûts liés aux mesures de prévention et de réparation (art. 8). Il peut toutefois être exonéré d’une telle obligation s’il est en mesure de prouver que le dommage ou la menace imminente de sa survenance « est le fait d’un tiers, en dépit de mesures de sécurité appropriées » ou « résulte du respect d’un ordre ou d’une instruction émanant d’une autorité publique » (art. 8 (3)). Les États peuvent également prévoir que l’exploitant n’est pas tenu de supporter les coûts liés aux actions de réparation « s’il apporte la preuve qu’il n’a pas commis de faute ou de négligence » (art. 4). Pour bénéficier de cette exonération, l’exploitant devait respecter les conditions d’exploitation ou devait, eu égard aux connaissances scientifiques, être dans l’incapacité de soupçonner le risque (art. 4, (a) et (b)).

D.

Des régimes de responsabilité pénale

218. Il n’existe à ce jour aucun régime de responsabilité pénale internationale qui trouverait à s’appliquer en cas de dommage environnemental. La plupart du temps, qu’ils soient d’application régionale ou mondiale, les traités évoquant une telle responsabilité renvoient au droit interne des États qui ont alors l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect du traité.

a)

Le droit régional

219. Plusieurs conventions régionales insistent sur la nécessité d’adopter des sanctions pénales afin de renforcer l’effectivité du droit de l’environnement.

81. M. Prieur, « La responsabilité environnementale en droit communautaire », loc. cit., p. 136.

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Concernant le continent africain, on peut citer la Convention de Bamako du 30 janvier 1991 sur l’interdiction d’importer des déchets dangereux et le contrôle de leurs mouvements transfrontières en Afrique. L’article 4, § 1, de cette Convention pose le principe selon lequel l’importation de tels déchets est déclarée illicite et passible de sanctions pénales. Le paragraphe 4 de ce même article engage les parties « à faire appliquer les obligations de la présente Convention et de poursuivre en justice les auteurs de violations conformément à leur législation nationale et/ou au droit international » en adoptant une législation nationale appropriée (art. 9, al. 2). Dans le cadre du droit européen, le Conseil de l’Europe a abordé la problématique de la responsabilité pénale des individus dans le domaine de l’environnement lors de l’élaboration de la Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal, adoptée à Strasbourg, le 4 novembre 1998. Le préambule de cette Convention souligne que « si la prévention des atteintes à l’environnement doit être recherchée en premier lieu par d’autres moyens, le droit pénal a un rôle important à jouer dans la protection de l’environnement ». Ainsi, les articles 2, 3 et 4 énumèrent toute une série d’infractions commises intentionnellement ou par négligence et engagent les parties à adopter les mesures appropriées qui pourraient être nécessaires pour les qualifier d’infractions pénales, en vertu de leur droit interne. L’article 9 prévoit la responsabilité pénale des personnes morales ; elle n’est pas exclusive de poursuites contre les personnes privées. Les articles 6 à 8 traitent des sanctions. Celles-ci doivent tenir compte du degré de gravité de l’infraction et doivent permettre l’emprisonnement et les sanctions pécuniaires. Elles peuvent également prévoir la remise en état de l’environnement. Enfin, l’article 7 engage les parties à adopter des mesures de confiscation appropriées. Ces développements sur la protection de l’environnement par le droit pénal ont été repris dans le cadre de l’Union européenne qui, dans un premier temps, avait pris acte de la Convention de Strasbourg dans sa décision-cadre 2003/80/ JAI (J.O.C.E, 5 février 2003, n° L 29/55). Toutefois, ce texte a été annulé par la C.J.C.E. en 2005 pour manque de base légale (C.J.C.E., 13 septembre 2005, Commission des Communautés européennes contre Conseil de l’Union européenne, aff. C-176/03). À la suite de cela, en 2008, une directive sur ce même thème a été adoptée (dir. 2008/99/CE du 19 novembre 2008). Le préambule de la directive insiste sur la nécessité de prévoir des sanctions pénales adaptées et suffisamment dissuasives, afin de renforcer le respect de la législation en matière de protection de l’environnement. C’est ainsi que l’article 3 liste une série d’actes que les États membres devront incriminer, s’ils sont commis intentionnellement ou par négligence grave et violent une réglementation communautaire dans le domaine de la protection de l’environnement. Cette directive oblige également les États à veiller à « ce que le fait d’inciter à commettre de manière intentionnelle un acte visé à l’article 3 ou de s’en rendre complice soit passible de sanctions en tant qu’infraction pénale » (art. 4). Elle impose que les sanctions pénales prévues soient « effectives proportionnées et dissuasives » (art. 5). Comme la Convention de Strasbourg, elle envisage enfin la responsabilité pénale des personnes morales (art. 6 et 7).


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b)

Le droit universel

220. Plusieurs conventions universelles font référence à des infractions environnementales tout en renvoyant aux États parties le soin de prendre les mesures d’application nécessaires dans leur droit interne. Tout d’abord, on peut citer la CITES, qui impose aux parties de prendre toutes les mesures appropriées, dont des sanctions pénales, aux fins de l’application des dispositions de la Convention « ainsi que pour interdire le commerce de spécimens en violation de ses dispositions » (art. 8). On retrouve ce principe en ce qui concerne les infractions aux règles internationales relatives à l’environnement marin. La Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) prévoit ainsi, en son article 4 que « [t]oute violation des dispositions de la présente Convention est sanctionnée par la législation de l’Autorité dont dépend le navire en cause, quel que soit l’endroit où l’infraction se produit » et que « [t]oute violation des dispositions de la présente Convention commise dans la juridiction d’une Partie à la Convention est sanctionnée par la législation de cette Partie ». Le Statut de la Cour pénale internationale, quant à lui, inclut dans la notion de « crime de guerre », « [l]e fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causera incidemment […] des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu » (art. 8, 2, (b)). Par conséquent, il est tout à fait possible d’envisager que la responsabilité d’un individu en cas de dommage environnemental soit engagée devant la C.P.I. sur ce fondement. Notons toutefois que cette responsabilité individuelle n’exclut pas une éventuelle responsabilité de l’État (voy. C.I.J., 26 février 2007, aff. Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, BosnieHerzégovine c. Serbie-et-Monténégro). L’ancien article 19 du Projet d’articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite faisait même référence au crime écologique qui était entendu comme « une violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde et la préservation de l’environnement humain, comme celle interdisant la pollution massive de l’atmosphère ou des mers »82. Toutefois, bien trop controversé, le concept de crime international, et par conséquent celui de crime écologique, a été abandonné par la C.D.I. Cela n’a toutefois pas empêché le développement de la notion de crime environnemental.

82. Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, tel que proposé par R. ago, 1976, art. 19, (3), (d).

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Application des règles

À retenir : C.I.J., 25 septembre 1997, Gabcikovo-Nagymaros, § 140 : « La Cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de réparation de ce type de dommages ». S.A., aff. du Rhin de Fer, 24 mai 2005, § 59 : « where development may cause significant harm to the environment there is a duty to prevent, or at least mitigate, such harm. This duty, in the opinion of the Tribunal, has now become a principle of general international law ».

EXERCICE : Répondez aux questions suivantes. Si vous ne savez pas répondre, relisez cette section attentivement. 1. Qu’est ce que la liability ? 2. Sur qui est canalisée la responsabilité en cas dommage causé à l’environnement par un engin spatial ? 3. Pourquoi la responsabilité internationale de l’État pour fait internationalement illicite est-elle peu adaptée à la responsabilité environnementale ? 4. Comment fonctionne le régime de responsabilité mis en place en cas de dommages dus à la pollution par hydrocarbures ? 5. Pourquoi la portée des travaux de la C.D.I. dans le cadre de la responsabilité pour les activités non interdites par le droit international est-elle limitée ? 6. La responsabilité pénale de l’individu exclut-elle la responsabilité de l’État ? Justifiez votre réponse par un exemple de jurisprudence. 7. Comment se justifie le développement d’un régime conventionnel de responsabilité dans le domaine de l’énergie nucléaire ? 8. La Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal adoptée par le Conseil de l’Europe en 1998 prévoit-elle une responsabilité pénale pour les personnes morales ? Justifiez. 9. Quelle obligation vient renforcer le Projet d’articles de la C.D.I. sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses ? Justifiez. 10. En application de la directive 2004/35/CE, qui supporte le coût des mesures de prévention et de réparation ?


Table de jurisprudence SentenceS arbitraleS S.A., Cour permanente d’arbitrage, affaire Rhin de fer, 24 mai 2005. S.A., tribunal arbitral franco-espagnol, affaire Utilisation des eaux du lac Lanoux, Espagne c. France, 16 novembre 1957. S.A., Déclaration et décision des Commissaires de Grande-Bretagne et des États-Unis, en vertu de l’article VI du Traité de Gand de 1814, concernant leurs frontières, au niveau des lacs Ontario, Érié et Huron et du fleuve SaintLaurent, décision du 18 juin 1822. S.A., Cour permanente d’arbitrage, Différend opposant l’Irlande au RoyaumeUni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant l’accès à l’information prévu par l’article 9 de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du nord-est (Convention OSPAR), Sentence définitive, Décision du 2 juillet 2003. S.A., Sentence entre les États-Unis et le Royaume-Uni relative aux droits de juridiction des États-Unis dans les eaux de la mer de Behring et à la préservation des phoques à fourrure, décision du 15 août 1893. S.A., affaire Fonderie de Trail, États-Unis c. Canada, 16 avril 1938 et 11 mars 1941.

coUr permanente de jUStice internationale C.P.J.I., affaire Dérivation des eaux de la Meuse, Belgique c. Pays Bas, 28 juin 1937. C.P.J.I., affaire Juridiction territoriale de la Commission internationale de l’Oder, Allemagne c. Danemark, 10 septembre 1929. C.P.J.I., Commission européenne du Danube, Avis n° 14, 8 décembre 1927. C.P.J.I., Usine de Chorzów (fond), série A, n° 17, 13 septembre 1928. C.P.J.I., Usine de Chorzów (compétence), série A, n° 8, 26 juillet 1927.

coUr internationale de jUStice C.I.J., affaire Détroit de Corfou, Royaume-Uni c. Albanie, 9 avril 1949. C.I.J., affaire Essais nucléaires, Nouvelle-Zélande c. France, mesures conservatoires, ordonnance du 22 juin 1973.


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C.I.J., affaire Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine, Canada c. États Unis d’Amérique, 12 octobre 1984. C.I.J., affaire Certaines terres à phosphates à Nauru, Nauru c. Australie, 26 juin 1992. C.I.J., Avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, 8 juillet 1996. C.I.J., affaire Projet Gabcikovo-Nagymaros, Hongrie c. Slovaquie, 25 septembre 1997. C.I.J., affaire Application de la convention pour la prévention et la répression du Crime de génocide, Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, 26 février 2007. C.I.J., affaire Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes, Costa Rica c. Nicaragua, 13 juillet 2009. C.I.J., affaire Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c. Uruguay, 20 avril 2010. C.I.J., affaire pendante, Épandages aériens d’herbicides, Équateur c. Colombie. C.I.J., affaire pendante Chasse à la baleine dans l’Antarctique, Australie c. Japon. C.I.J., affaire pendante, Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan, Nicaragua c. Costa Rica.

tribUnal international dU droit de la mer T.I.D.M., affaire Thon à nageoire bleue, Nouvelle-Zélande c. Japon et Australie c. Japon, Ordonnance du 27 août 1999. T.I.D.M., affaire Conservation et l’exploitation durable des stocks d’espadon dans l’océan Pacifique sud-est, Chili c. Union européenne, n° 7 (rayée du rôle). T.I.D.M., affaire Dépoldérisation dans le détroit de Johor, ordonnance en prescription de mesures conservatoires, Malaisie c. Singapour, 8 octobre 2003. T.I.D.M., affaire Usine Mox, Ordonnance du 3 décembre 2001. T.I.D.M., Avis consultatif, Responsabilités et obligations des États qui patronnent des personnes et entités dans le cadre d’activités menées dans la zone, 1er février 2011.

organe de règlement deS différendS (o.m.c.) GATT, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, Rapport non adopté, 3 septembre 1991. O.R.D., Organe d’appel, États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, 12 octobre 1998. O.R.D., Organe d’appel, États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules, 29 avril 1996. O.R.D., Organe d’appel, Mesures communautaires concernant les viandes et produits carnés, 16 janvier 1998. O.R.D., Communautés européennes – Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant, 12 mars 2001.


Table de jurisprudence

O.R.D., Organe d’appel, Australie – Mesures visant les importations de saumons, 20 octobre 1998. O.R.D., Communautés européennes – Mesures affectant l’approbation et la commercialisation des produits biotechnologiques, 29 septembre 2006. O.R.D., Japon – Mesures visant les produits agricoles, 22 février 1999.

coUr de jUStice de l’Union eUropéenne C.J.C.E., 5 mai 1998, Royaume-Uni c. Commission, aff. C-180/96, Rec. C.J.C.E., 29 avril 1999, Standley et a. et Metson et a., aff. C-293/97. T.P.I.C.E., 26 novembre 2002, Artegodan c. Commission. C.J.C.E., 7 septembre 2004, aff. C-127/02. C.J.C.E., 24 novembre 1993, Armand Mondiet, aff. C-405/92. C.J.C.E., 3 juin 2008, The Queen, à la demande de International Association of Independent Tanker Owners (Intertanko) et autres contre Secretary of State for Transport, aff. C-308/06. C.J.C.E., 14 mai 2009, Commission c. Luxembourg, aff. C‐390/08. C.J.U.E., 8 mars 2011, Lesoochranarske zoskupenie VLK, aff. C-240/09. C.J.U.E., 21 décembre 2011, Air transport Association of America, aff. C-366/10.

coUr eUropéenne deS droitS de l’homme C.E.D.H., 9 décembre 1994, Lopez Ostra c. Espagne. C.E.D.H., 19 février 1998, Guerra et autres c. Italie. C.E.D.H., 22 mai 2003, Kyrtatos contre Grèce. C.E.D.H., 8 juillet 2003, Hatton c. Royaume-Uni. C.E.D.H., 10 novembre 2004, Taskin c. Turquie. C.E.D.H., 30 novembre 2004, Öneryıldız c. Turquie. C.E.D.H., 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique. C.E.D.H., 27 janvier 2009, Tatar c. Roumanie. C.E.D.H., 28 septembre 2010, Mangouras c. Espagne. C.E.D.H., 10 février 2011, Dubetska et autres c. Ukraine. C.E.D.H., 10 janvier 2012, Di Sarno et autres c. Italie.

coUr interaméricaine deS droitS de l’homme C.I.A.D.H., 31 août 2001, Communauté Mayagna (Sumo) Awas Tingni c. Nicaragua. Com. I.A.D.H, Metropolitan Nature Preserve c. Panama, rapport 88/03, 2003. C.I.D.H., 17 juin 2005, Yakie Axa c. Paraguay. C.I.A.D.H., 28 novembre 2007, Communauté Saramaka c. Surinam. C.I.D.H., 24 août 2010, Fond et réparations, Communauté indigène Xácmoc Kásek c. Paraguay. C.I.D.H., 27 juin 2012, Kichwa de Sarakayu c. Équateur.

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commiSSion africaine deS droitS de l’homme et deS peUpleS Com A.D.H.P., 27 octobre 2001, Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR) / Nigeria, n° 155/96. Com A.D.H.P., 25 novembre 2009, Communication – Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights Group International on behalf of Endorois Welfare Council v Kenya, n° 276/2003.


Liste des instruments internationaux 1902 1. Convention sur la protection des oiseaux utiles à l’agriculture, Paris, 19 mars 1902 1911 2. Convention sur la conservation et la protection des phoques à fourrure du Pacifique nord, 7 juillet 1911. 1933 3. Convention relative à la conservation de la faune et de la flore à l’état naturel, Londres, 8 novembre 1933. 1940 4. Convention pour la protection de la flore, de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de l’Amérique, Washington, 12 octobre 1940. 1948 5. Accord relatif à la création de la Commission Asie-Pacifique des Pêches, Bagulo, 26 février 1948. 6. Statuts de l’Union Internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (tels que révisés en 1996), Fontainebleau, 5 octobre 1948. 1949 7. Accord relatif à la création d’un Conseil général des pêches pour la Méditerranée, 24 septembre 1949. 8. Convention pour la protection internationale des oiseaux, Paris, 18 octobre 1950. 1951 9. Convention internationale pour la protection des végétaux, nouveau texte révisé et approuvé par la Conférence de la FAO en 1997, Rome.


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1952 10. Accord entre le Chili, l’Équateur et le Pérou relatif à l’organisation de la commission permanente de la conférence sur l’exploitation et la conservation des ressources maritimes du Pacifique sud, Santiago, 18 août 1952. 1954 11. Convention pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par hydrocarbures, Londres, 12 mai 1954. 1967 12. Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, Moscou, Londres, Washington, 27 janvier 1967. 1968 13. Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, 15 septembre 1968. 1969 14. Accord concernant la coopération en matière de lutte contre la pollution des eaux de la mer du Nord par les hydrocarbures, 9 juin 1969, remplacé par un nouvel accord du 13 septembre 1983. 15. Convention internationale sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures et le Protocole y afférent, Bruxelles, 29 novembre 1969. 16. Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, Bruxelles, 29 novembre 1969. 1970 17. Convention de Benelux en matière de chasse et de protection des oiseaux, Bruxelles, 10 juin 1970. 1971 18. Convention relative aux zones humides d’importance internationale particulière comme habitats et des oiseaux d’eau, 2 février 1971, amendée le 28 mai 1987. 19. Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction, 3 mars 1971, amendée le 22 juin 1979 et le 30 avril 1983. 1972 20. Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, 23 novembre 1972.


Liste des instruments internationaux

21. Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Stockholm, 16 juin 1972. 22. Résolution 2997 (XXVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies – Dispositions institutionnelles et financières concernant la coopération internationale dans le domaine de l’environnement. 23. Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’ immersion de déchets, Londres, 29 décembre 1972. 24. Convention de Londres pour la protection des phoques de l’Antarctique, Londres, 1er juin 1972. 1973 25. Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), Washington, 3 mars 1973. 26. Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL), 2 novembre 1973. 27. Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, 2 novembre 1973, telle que modifiée par le Protocole du 17 février 1978. 28. Protocole sur l’intervention en haute mer en cas de pollution par des substances autres que les hydrocarbures, Londres, 2 novembre 1973. 1974 29. Convention nordique sur la protection de l’environnement, Stockholm, 19 février 1974. 1975 30. Directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets. 1976 31. Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, Barcelone, 16 février 1976, telle qu’amendée le 10 juin 1995. 32. Directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté. 33. Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d’immersion effectuées par les navires et aéronefs, Barcelone, 16 février 1976, tel qu’amendé le 10 juin 1995. 1977 34. Convention sur la protection de la nature dans le Pacifique sud, Apia, 12 juin 1977. 35. Accord portant création de l’organisation pour l’aménagement et le développement du Bassin de la Rivière Kagera, Rusumo, 24 août 1977.

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36. Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles, Genève, 18 mai 1977. 1978 37. Convention régionale pour la coopération en vue de la protection du milieu marin contre la pollution, Koweït, 24 avril 1978. 38. Directive 78/319/CEE du Conseil du 20 mars 1978 relative aux déchets toxiques et dangereux. 39. Directive 78/659/CEE du Conseil du 18 juillet 1978 concernant la qualité des eaux douces ayant besoin d’être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons. 40. Protocole concernant la coopération régionale en matière de lutte contre la pollution par hydrocarbures et autres substances nuisibles en cas de situation critique, Koweït, 24 avril 1978. 1979 41. Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, Berne, 19 septembre 1979. 42. Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, Bonn, 23 juin 1979. 43. Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, Genève, 13 novembre 1979. 44. Directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. 45. Directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, modifiée pour la dernière fois par la directive 2006/105/CE de janvier 2007. 1980 46. Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique, Canberra, 20 mai 1980. 47. Directive 80/68/CEE du Conseil du 17 décembre 1979 concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses. 1981 48. Accord concernant la coopération régionale dans la lutte contre la pollution par les hydrocarbures et autres substances nuisibles en cas de situation critique dans le Pacifique sud-est, Lima, 12 novembre 1981. 49. Charte mondiale des sols, 26 novembre 1981. 50. Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Nairobi, 27 juin 1981. 51. Convention pour la protection de l’environnement marin et la zone côtière du Pacifique sud-est, Lima, 12 novembre 1981.


Liste des instruments internationaux

52. Convention relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones côtières de la région de l’Afrique de l’ouest et du centre, Abidjan, 23 mars 1981. 53. Protocole relatif à la coopération en matière de lutte contre la pollution en cas de situation critique, Abidjan, 23 mars 1981. 1982 54. Charte mondiale de la nature, 28 octobre 1982. 55. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 10 décembre 1982. 56. Protocole relatif à la coopération régionale en matière de lutte contre la pollution par les hydrocarbures et autres substances nuisibles en cas de situation critique (mer Rouge et golfe d’Aden), Jeddah, 14 février 1982. 1983 57. Convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes, Cartagena de Indias, 24 mars 1983. 58. Protocole à la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des caraïbes, relatif à la coopération en matière de lutte contre les déversements d’hydrocarbures dans la région des Caraïbes Cartagena de Indias, 24 mars 1983. 59. Protocole supplémentaire à l’Accord concernant la coopération régionale dans la lutte contre la pollution par les hydrocarbures et autres substances nuisibles en cas de situation critique dans le Pacifique sud-est, Quito, 22 juillet 1983. 60. Protocole sur la protection du Pacifique sud-est contre la pollution d’origine tellurique, Quito, 22 juillet 1983. 1984 61. Directive 84/631/CEE du Conseil du 6 décembre 1984 relative à la surveillance et au contrôle dans la Communauté des transferts transfrontaliers de déchets dangereux. 1985 62. Convention pour la protection de la couche d’ozone, Vienne, 22 mars 1985 (amendée le 29 juin 1990 et le 25 novembre 1992). 63. Convention pour la protection, la gestion et la mise en valeur du milieu marin et côtier de la région de l’océan Indien occidental, Nairobi, 21 juin 1985, telle que révisée lors de la Conférence des Parties n° 6 du 31 mars 2010. 64. Directive 85/411/CEE de la Commission du 25 juillet 1985 modifiant la directive 79/409/CEE du Conseil, concernant la conservation des oiseaux sauvages. 65. Directive 85/469/CEE de la Commission, du 22 juillet 1985, portant adaptation au progrès technique de la directive 84/631/CEE du Conseil relative à

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la surveillance et au contrôle dans la Communauté des transferts transfrontaliers de déchets dangereux. Protocol for Sustainable Development of Lake Victoria Basin, Tarragona, 12 décembre 1985. Protocole à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, de 1979, relatif à la réduction des émissions de soufre ou de leurs flux transfrontières d’au moins 30 %, Helsinki, 8 juillet 1985. Protocole relatif à la coopération en matière de lutte contre la pollution des mers en cas de situation critique dans la région de l’Afrique orientale, 21 juin 1985. Protocole relatif aux zones protégées ainsi qu’ à la faune et la flore sauvages dans la région de l’Afrique orientale, Nairobi, 21 juin 1985. Recommandation du Conseil concernant l’évaluation environnementale des projets et programmes d’aide au développement, 20 juin 1985. 1986

71. Convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques, Strasbourg, 18 mars 1986. 72. Convention pour la protection des ressources naturelles et de l’environnement dans la région du Pacifique sud, Nouméa, 24 novembre 1986. 73. Directive 86/278/CEE du Conseil du 12 juin 1986 relative à la protection de l’environnement et notamment des sols, lors de l’utilisation des boues d’épuration en agriculture. 74. Directive 86/279/CEE du Conseil du 12 juin 1986 modifiant la directive 84/631/CEE relative à la surveillance et au contrôle dans la Communauté des transferts transfrontaliers de déchets dangereux. 75. Protocole relatif à la coopération en matière de lutte contre la pollution en cas de situation critique dans la région du Pacifique sud, Nouméa, 25 novembre 1986. 1987 76. Directive 87/112/CEE de la Commission du 23 décembre 1986 portant deuxième adaptation au progrès technique de la directive 84/631/CEE du Conseil relative à la surveillance et au contrôle dans la Communauté des transferts transfrontaliers de déchets dangereux. 77. Protocole relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, Montréal, 16 septembre 1987, tel qu’amendé en 1999. 1988 78. Décision – recommandation concernant la communication d’informations au public et la participation du public au processus de prise de décision visant les mesures de prévention applicables aux accidents liés aux substances dangereuses, 8 juillet 1988.


Liste des instruments internationaux

79. Directive 88/610/CEE du Conseil du 24 novembre 1988 modifiant la directive 82/501/CEE concernant les risques d’accidents majeurs de certaines activités industrielles. 80. Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques et culturels, San Salvador, 17 novembre 1988. 1989 81. Accord concernant la coopération transfrontière pour prévenir et limiter, en cas d’accident, les conséquences dangereuses pour la santé, la propriété et l’environnement, Stockholm, 20 janvier 1989. 82. Accord relatif à la coopération en matière de lutte contre la pollution dans les mers de Béring et des Tchoukotsk, Moscou, 11 mai 1989. 83. Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, Bâle, 22 mars 1989 amendée le 22 septembre 1995 84. Déclaration de Kampala sur le développement durable en Afrique, 12-16 juin 1989. 85. Protocole concernant la conservation et la gestion des zones marines protégées du Pacifique du sud-est, Paipa, 21 septembre 1989. 86. Protocole concernant la pollution du milieu marin résultant de la prospection et de l’exploitation du plateau continental, Koweït, 26 juin 1989. 87. Protocole concernant la protection du Pacifique du sud-est contre la pollution radioactive, Paipa, 21 septembre 1989. 88. Recommandation du Conseil relative aux politiques de gestion des ressources en eau : intégration, gestion de la demande et protection des eaux souterraines, 31 mars 1989. 89. Accord de coopération pour la protection des côtes de l’Atlantique du nord-est contre la pollution, Lisbonne, 17 octobre 1990. 1990 90. Charte des entreprises pour le développement durable, 27 novembre 1990. 91. Convention internationale sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par les hydrocarbures, Londres, 29 novembre 1990. 92. Déclaration de Limoges, 16 novembre 1990 93. Protocole pour la protection du milieu marin contre la pollution d’origine tellurique, Koweït, 21 février 1990. 94. Protocole relatif aux zones et a la vie sauvage spécialement protégées a la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes, 18 janvier 1990. 1991 95. Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique, 30 janvier 1991.

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96. Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, Espoo, 25 février 1991. 97. Convention sur la protection des Alpes, Salzbourg, 7 novembre 1991. 98. Déclaration sur un programme d’action sur la protection de l’environnement global, 2 septembre 1991. 99. Directive 91/156/CEE du Conseil du 18 mars 1991 modifiant la directive 75/442/CEE relative aux déchets. 100. Directive 91/244/CEE de la Commission du 6 mars 1991 modifiant la directive 79/409/CEE du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages. 101. Directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. 102. Directive 91/689/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 relative aux déchets dangereux. 103. Engagement de Bamako sur l’environnement et le développement durable, 30 janvier 1991. 104. Déclaration de Tunis sur l’environnement, 23 avril 1991. 105. Protocole au traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement, Madrid, 4 octobre 1991. 106. Recommandation relative à l’utilisation des instruments économiques dans les politiques de l’environnement, 31 septembre 1991. 1992 107. Accord sur la conservation des petits cétacés de la mer Baltique, du nordest de l’Atlantique et des mers d’Irlande et du nord, New York, 17 mars 1992 tel qu’amendé le 22 août 2003. 108. Agreement between the Government of the Russian Federation, the Government of Ukraine and the Government of the Republic of Hungary on cooperation in the field of transportation of nuclear fuel between the Republic of Hungary and the Russian Federation across the territory of the Ukraine (1992), Moscou, 29 décembre 1992. 109. Agreement on cooperation in the sphere of ecology and environment protection, Moscou, 8 février 1992. 110. Charte maghrébine pour la protection de l’environnement et le développement durable, 11 novembre 1992. 111. Conclusions et propositions de Rio des juristes de l’environnement, 10 juin 1992. 112. Convention pour la protection du milieu marin dans la zone de la mer Baltique, Helsinki, 9 avril 1992. Cette convention remplace la Convention sur la protection du milieu marin dans la zone de la mer baltique, Helsinki, 22 mars 1974. 113. Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du nordest (OSPAR), Oslo et Paris, 22 septembre 1992. 114. Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, 5 juin 1992.


Liste des instruments internationaux

115. Convention sur la protection de la mer Noire contre la pollution, Bucarest, 21 avril 1992. 116. Convention sur les effets transfrontières des accidents industriels, Helsinki, 17 mars 1992. 117. Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, New York, 9 mai 1992. 118. Convention-cadre sur les changements climatiques, Rio de Janeiro, 9 mai 1992. 119. Cooperation Agreement on the Forecast, Prevention and Mitigation of Natural and Technological Disasters, Vienne, 18 juillet 1992. 120. Décision IV/18 : Mécanisme de financement (Réunion des Parties au Protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone). 121. Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Rio de Janeiro, 12 août 1992. 122. Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux, Helsinki, 17 mars 1992. 123. Déclaration des principes, non juridiquement contraignante, mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, Rio de Janeiro, 14 juin 1992. 124. Directive 92/3/Euratom du Conseil du 3 février 1992 relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs entre États membres ainsi qu’à l’entrée et à la sortie de la Communauté. 125. Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. 126. Directive 92/72/CEE du Conseil du 21 septembre 1992 concernant la pollution de l’air par l’ozone. 127. Protocole sur la coopération pour lutter contre la pollution de l’environnement marin de la mer Noire par hydrocarbures ou d’autres substances dangereuses, Bucarest, 21 avril 1992. 128. Protocole sur la protection de l’environnement marin de la mer Noire contre le risque d’immersion, Bucarest, 21 avril 1992. 129. Treaty of the Southern African Development Community, Windhoek, 17 août 1992. 130. Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, modifiée pour la dernière fois par la directive 2006/105/CE de janvier 2007. 1993 131. Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement, Washington, Ottawa, Mexico, 13 septembre 1993. 132. Agreement between Kazakhstan, Kyrgyzstan, Uzbekistan, Tajikistan and Turkmenistan on ecological rehabilitation of the Aral Sea and the adjacent area, 26 mars 1993.

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Droit international de l’environnement

133. Convention portant création du programme régional océanien de l’environnement, Apia, 16 juin 1993. 134. Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, Lugano, 21 juin 1993. 135. Directive 93/67/CEE de la Commission, du 20 juillet 1993, établissant les principes d’évaluation des risques pour l’homme et pour l’environnement des substances notifiées conformément à la directive 67/548/CEE du Conseil. 136. Protocol to the agreement on cooperation in the sphere of ecology and environment protection, Tashkent, 28 mai 1993. 1994 137. Accord international sur les bois tropicaux, 26 janvier 1994. 138. Accord sur les opérations concertées et de coercition visant le commerce illicite de la faune et la flore sauvages, 8 septembre 1994. 139. Commerce et environnement, 10 avril 1994. 140. Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique, Paris, 17 juin 1994. 141. Convention sur la sureté nucléaire, Vienne, 20 septembre 1994. 142. Directive 94/31/CE du Conseil du 27 juin 1994 modifiant la directive 91/689/ CEE relative aux déchets dangereux. 143. Protocole d’application de la Convention alpine dans le domaine de l’agriculture de montagne, Chambéry, 20 décembre 1994. 144. Protocole d’application de la Convention alpine dans le domaine de l’aménagement du territoire et du développement durable, Chambéry, 20 décembre 1994. 145. Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution résultant de l’exploration et de l’exploitation du plateau continental, du fond de la mer et de son sous-sol, Madrid, 14 octobre 1994. 1995 146. 1995 Accord de coopération pour un développement durable du bassin du Mékong, Chiang Rai, 5 avril 1995. 147. 1995 Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’AfriqueEurasie, 16 juin 1995. 148. 1995 Accords aux fins d’application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs, 4 août 1995. 149. 1995 Agreement between the Government of the Republic of Lithuania, Government of the Republic of Estonia, and the Government of the Repu-


Liste des instruments internationaux

blic of Latvia on cooperation in the field of environment protection, Tallinn, 21 juillet 1995. 150. 1995 Convention sur la Protection du milieu marin et du littoral de la mer Méditerranée, Barcelone, 10 juin 1995. 151. 1995 Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée, Barcelone, 10 juin 1995. Ce Protocole remplace le Protocole relatif aux aires spécialement protégées de la Méditerranée, Genève, 3 avril 1982. 152. Accord de coopération pour un développement durable du bassin du Mékong, Shanghai, 5 avril 1995. 1996 153. Directive 96/82/CE du Conseil du 9 décembre 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses. 154. Protocole à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets, Londres, 7 novembre 1996. 155. Protocole d’application de la Convention alpine de 1991 dans le domaine des forêts de montagne, Brdo, 27 février 1996. 156. Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination, Izmir, 1er octobre 1996. 157. Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre, Syracuse, 7 mars 1996. Il remplace le Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d’origine tellurique, Athènes, 17 mai 1980. 158. Déclaration sur la protection de l’environnement arctique, Inuvik, 21 mars 1996 Déclaration sur la création du Conseil de l’arctique, Ottawa, 19 septembre 1996. 159. Convention internationale sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, Londres, 3 mai 1996. 1997 160. Convention sur le droit relatif à l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, New York, 21 mai 1997. 161. Directive 97/49/CE de la Commission du 29 juillet 1997 modifiant la directive 79/409/CEE du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages. 162. Protocole d’amendement de la convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires, Vienne, 12 septembre 1997. 163. Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Kyoto, 11 décembre 1997.

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Droit international de l’environnement

164. Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, Vienne, 1997. 1998 165. Agreement between the Government of the Republic of Kazakhstan, Government of the Kyrgyz Republic and Government of the Republic of Uzbekistan on cooperation in the sphere of biological diversity conservation of West Tien Shan, 17 mars 1998. 166. Agreement between the Government of the Republic of Kazakhstan, the Government of the Kyrgyz Republic and the Government of the Republic of Uzbekistan on cooperation in the area of environment and rational nature use, Bishkek, 17 mars 1998. 167. Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, Aarhus, 25 juin 1998. 168. Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal, Strasbourg, 4 novembre 1998. 169. Memorandum of Understanding between the Republic of Kenya the United Repubic of Tanzania and the Republic of Uganda for Cooperation on Environment Management, Nairobi, 22 octobre 1998. 170. Protocol on the Control of Marine Transboundary Movements and Disposal of Hazardous Wastes and Other Wastes, Téhéran, 17 mars 1998. 171. Protocole d’application de la convention alpine de 1991 dans le domaine du tourisme, Bled, 16 octobre 1998. 172. Convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international, Rotterdam, 10 septembre 1998. 173. Protocole à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, de 1979, relatif aux polluants organiques persistants, Aarus, 24 juin 1998. 1999 174. Agreement on transboundary cooperation, Moscou, 26 février 1999. 175. Protocole additionnel n° 6 à la Convention révisée pour la navigation du Rhin, Strasbourg, 21 octobre 1999. 176. Protocole relatif à la pollution due à des sources et activités terrestres à la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des caraïbes, Oranjestad, 6 octobre 1999. 177. Protocole sur l’eau et la santé à la Convention de 1992 sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux, Londres, 17 juin 1999. Protocole sur la responsabilité et l’indemnisation en cas de dommages résultant de mouvements transfrontières et de l’élimination de déchets dangereux, Bâle, 10 décembre 1999.


Liste des instruments internationaux

2000 178. Accord portant création d’une Commission de lutte contre le criquet pèlerin dans la région occidentale, Rome, 25 novembre 2000. 179. Agreement of the Heads of State of CIS Member States regarding cooperation in the sphere of ecological monitoring, 19 avril 2000. 180. Acte constitutif du Réseau africain pour le développement de l’horticulture (RADHORT), Rome, 14 avril 2000. 181. Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. 182. Directive 2000/76/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2000 sur l’incinération des déchets. 183. Protocole d’application de la convention alpine de 1991 dans le domaine des transports, Lausanne, 31 octobre 2000. 184. Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique, Montréal, 29 janvier 2000. 185. Protocole sur la préparation, la lutte et la coopération contre les événements de pollution par les substances nocives et potentiellement dangereuses, Londres, 15 mars 2000. 2001 186. Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, Rome, 3 novembre 2001. 187. Accord-cadre relatif à l’environnement du MERCOSUR, Asunción, 22 juin 2001. 188. Convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissures nuisibles sur les navires, Londres, 5 octobre 2001. 189. Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil - Déclaration de la Commission. 190. Convention internationale sur la responsabilité civile pour des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute, Londres, 23 mars 2001. 191. Convention sur les polluants organiques persistants, Stockholm, 22 mai 2001. 192. Projet d’articles sur la responsabilité internationale de l’État pour fait internationalement illicite. Résolution 56/83 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 12 décembre 2001, annexe. 193. Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, Rapport de la C.D.I. sur les travaux de la 53e session (2001), A/56/10 (et Corr. 1), pp 399 et s. ; Résolution 56/82 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 12 décembre 2001.

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Droit international de l’environnement

2002 194. Convention pour la coopération, la protection et le développement durable de l’environnement marin et côtier du Pacifique nord-est, Antigua, 18 février 2002. 195. Directive 2002/3/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2002 relative à l’ozone dans l’air ambiant. 196. Directive 2002/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 portant modification des directives relatives à la sécurité maritime et à la prévention de la pollution par les navires. 197. Framework Agreement on the Sava River Basin, Kranjska Gora, 3 décembre 2002 198. Protocol on Forestry, Luanda, 3 octobre 2002 (Treaty of the Southern African Development Community). 199. Protocole relatif à la coopération en matière de prévention de la pollution par les navires et, en cas de situation critique, de lutte contre la pollution de la mer Méditerranée, La Valette, 25 janvier 2002, remplaçant le Protocole relatif à la coopération en matière de lutte contre la pollution de la mer Méditerranée par les hydrocarbures et autres substances nuisibles en cas de situation critique, Barcelone, 16 février 1978. 200. Protocole sur la protection de la biodiversité et des paysages de la mer Noire, Sofia, 14 juin 2002. 201. Charte des eaux du fleuve Sénégal, 28 mai 2002. 202. Règlement (CE) n° 1406/2002 instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime, 27 juin 2002. 203. Instrument pour la restructuration du fonds pour l’environnement, Beijing, 18 octobre 2002. 2003 204. Accord-cadre pour un programme multilatéral environnemental dans le domaine nucléaire en Fédération de Russie (PMENR), Stockholm, 21 mai 2003. 205. Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, Maputo, 11 juillet 2003. 206. Convention-cadre sur la protection de l’environnement de la mer Caspienne, Téhéran, 4 novembre 2003. 207. Directive 2003/105/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2003 modifiant la directive 96/82/CE du Conseil concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses. 208. Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil. 209. Framework Convention on the Protection and Sustainable Development of the Carpathians, Kiev, 22 mai 2003.


Liste des instruments internationaux

210. Protocol on claims, legal proceedings and indemnification to the framework agreement on a multilateral nuclear environmental programme in the Russian Federation, Stockholm, 21 mai 2003. 211. Protocol on Conservation and Sustainable Use of Biological and Landscape Diversity to the Framework Convention on the Protection and Sustainable Development of the Carpathians, Kiev, 22 mai 2003. 212. Protocole à la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, relatif à l’évaluation stratégique environnementale, Kiev, 21 mai 2003. 213. Protocole sur la responsabilité civile et l’indemnisation en cas de dommages causés par les effets transfrontières d’accidents industriels sur les eaux transfrontières, se rapportant à la Convention de 1992 sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux et à la Convention de 1992 sur les effets transfrontières des accidents industriels, Kiev, 22 mai 2003. 214. Protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants à la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, Kiev, 21 mai 2003. 2004 215. Directive 2004/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, au titre des mécanismes de projet du protocole de Kyoto. 216. Directive 2004/4/CE de la Commission modifiant la directive 96/3/CE instituant une dérogation en ce qui concerne le transport par mer d’huiles et de graisses liquides en vrac, à certaines dispositions de la directive 93/43/CEE du Conseil relative à l’hygiène des denrées alimentaires, 15 janvier 2004. 217. Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, 21 avril 2004. 2005 218. Accord entre le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, le Gouvernement du Royaume du Maroc et le Gouvernement de la République tunisienne portant plan d’urgence sous-régional entre l’Algérie, le Maroc et la Tunisie pour la préparation à la lutte et la lutte contre la pollution marine accidentelle dans la zone de la Méditerranée du sud-ouest, Alger, 20 juin 2005. 219. Directive 2005/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions. 220. Mémorandum d’accord concernant les mesures de conservation en faveur des populations ouest-africaines de l’éléphant d’Afrique (Loxodonta afri-

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cana), 22 novembre 2005 (dép. CMS Convention on the Conservation of Migratory Species). 221. Protocole additionnel à l’Accord-cadre relatif à l’environnement du MERCOSUR, Asunción, 3 novembre 2005. 2006 222. Directive 2006/11/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 février 2006 concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté. 223. Directive 2006/117/Euratom du Conseil du 20 novembre 2006 relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible nucléaire usé. 224. Directive 2006/118/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration. 225. Directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets. 226. Directive 2006/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 concernant la qualité des eaux douces ayant besoin d’être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons. 227. Framework Convention on Environmental Protection for Sustainable Development in Central Asia, Ashgabat, 22 novembre 2006. 228. Projet de principes sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses, Rapport de la C.D.I.sur les travaux de la 58e session (2006), A/61/10, pp. 109 et s. ; Résolution 61/36 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 4 décembre 2006. 2007 229. Protocol to the Statutes of the International Centre for Genetic Engineering and Biotechnology on the Seat of the Centre, Trieste, 24 octobre 2007. 2008 230. Accord relatif à la gestion concertée de la réserve de biosphère transfrontalière du W, Niamey, 28 janvier 2008. 231. Directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. 232. Directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe. 233. Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre stratégie pour le milieu marin).


Liste des instruments internationaux

234. Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives. 235. La Charte de l’eau du bassin du Niger, Niamey, 30 avril 2008. 236. Mémorandum d’accord sur la conservation des lamantins et des petits cétacés d’Afrique occidentale et de Macaronésie, Bonn, 3 octobre 2008. 237. Mémorandum d’entente sur la conservation des oiseaux de proie migrateurs d’Afrique et d’Eurasie, Bonn, 22 octobre 2008. 238. Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée, Madrid, 21 janvier 2008. 2009 239. Convention de Hong-Kong pour un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, Hong-Kong, 15 mai 2009. 240. Directive 2009/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 modifiant la directive 2005/35/CE relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions. 241. Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages. 242. Directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. 2010 243. Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la diversité biologique, Nagoya, 29 octobre 2010. 244. Protocole additionnel sur la responsabilité et la réparation relatif au protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, Nagoya – Kuala Lumpur, 15 octobre 2010. 2011 245. Directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs. 246. Protocol on Sustainable Tourism to the Framework Convention on the Protection and Sustainable Development of the Carpathians, Bratislava, 27 mai 2011. 2012 247. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies « Rio+20 », Rio de Janeiro, 22 juin 2012.

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Index A Actes unilatéraux 80-82 États 80 Organisations internationales 80, 82 Arbitrage 74, 158-161, 164, 170

B Biodiversité 32, 108, 110, 126-127, 131, 153, 210 Bons offices 159, 162

C Comité de contrôle et de suivi / Comité d’application 155-157, 170 Commerce 206 Conciliation 140, 159, 162 Conférence des Parties 50-51, 57, 124-125, 151, 156, 158 Coopération interétatique 20-21, 149, 153-154, 158 Cour africaine des droits de l’homme 169 Cour de justice de l’Union européenne 166-167, 170 Cour européenne des droits de l’homme 114, 138, 140, 167 Cour interaméricaine des droits de l’homme 168 Cour internationale de justice 13, 16-18, 23, 36, 41-42, 39, 54-55, 57-58, 60-63, 66-67, 71, 73-78, 80-81, 85-86, 91-92, 94, 97-98, 112, 116, 136, 143, 164, 170, 173, 191-192 Coutume 36, 42, 58-59, 61-62, 70, 78 Coutume sauvage 59

D Déchets Déchets dangereux 113 Déclaration de Stockholm 12-13, 16-17, 25-26, 61, 64, 70, 83, 89, 99, 136, 167 Désertification 129 Doctrine 15, 21, 36, 42, 71-73, 78, 86, 93 Doctrine Brejnev 15 Doctrine Harmon 15


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Droit international de l’environnement

Droits de l’homme 136 Droit à l’information 26, 41, 137

E Exonération (responsabilité) 185, 189

F Fonds pour l’environnement mondial 29-30, 32-33, 131, 153 Forêts 107, 109, 207

H Hard law 41-42, 64, 66

I Intérêt général de l’’humanité 20, 123

J Juge 77

L Limitation (responsabilité) 184-185

M Médiation 159, 162

O Obligation de conservation de l’environnement 15-16, 101 Obligation de coopération 15, 17-18, 20, 55, 96-97 Organe de règlement des différends (OMC) 133, 135, 145, 162-163, 170 Organisation internationale 20, 30, 33, 57, 82 Agence internationale de l’énergie atomique 23, 119-122 Agence internationale des énergies renouvelables 23 Banque internationale pour la reconstruction et le développement 23 Conseil de l’Europe 24 Organisation de coopération et développement économiques 24, 27, 69, 83, 116, 119, 124, 134, 171, 184 Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture 23-25, 108-110, 116, 128, 197 Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture 23 Organisation maritime internationale 23, 25, 103 Organisation météorologique mondiale 23


Index

Organisation mondiale de la santé 23, 116, 141-143, 145 Organisations généralistes 22 Organisations régionales 23-25 Organisations spécialisées 23 Organisations universelles 23 Programme des Nations unies pour l’environnement 22, 24, 30, 43, 51, 72, 83, 101-102, 115-116, 127, 130, 152-153 Programme des Nations unies pour le développement 29-30 Union africaine 24, 90, 169 Union européenne 23-25, 28, 69-70, 72, 90, 92, 103, 107, 109, 114, 116117, 121-122, 124, 134-135, 162, 165, 182, 187, 190 Agence européenne de l’environnement 23

P Patrimoine commun de l’humanité 13, 127, 174 Res communis 174 Pollution Pollution par immersion 48, 100, 102-105, 121, 199, 205, 207 Pollution tellurique 48, 100, 104, 201, 203, 207 Précaution Principe de précaution 12, 16, 63, 65-70, 78, 95, 118, 124, 133, 144 Prévention Obligation de prévention 161, 173, 178, 180 Principes 63-64 Principe de précaution 12, 16, 63, 65-70, 78, 95, 118, 124, 133, 144 Principe pollueur-payeur 27, 69, 95, 187, 189 Procédure de non-conformité (non compliance) 50, 154, 156-157, 170 Produits chimiques et toxiques 116

R Règlement pacifique des différends 158 Réseaux inter-acteurs 12, 29, 31 Union mondiale pour la nature 29, 31-32, 71, 90, 127 Responsabilité Activités non interdites par le droit international 177, 180-181 Crime environnemental/écologique 191 Dommage transfrontière 173, 177-181, 212 Indemnisation 17, 22, 80, 82, 95-96, 140, 171, 175-176, 179-180, 184187, 207-208, 211 Liability 171, 173, 180 Lien de causalité 66, 174-175, 184, 188 Réparation 57, 120, 129, 154, 158, 171-172, 174-176, 182-183, 185, 187189, 192, 211, 213 Responsabilité absolue 183 Responsabilité civile 45, 95, 112, 119, 171, 182, 184, 186-187, 198, 206207, 209, 211

217


218

Droit international de l’environnement

Responsabilité commune mais différenciée 14, 124 Responsabilité environnementale 75, 148, 176, 183, 186-187, 189, 192, 211 Responsabilité objective 73, 176, 182-187 Responsabilité pénale 182, 189-190, 192 Responsabilité pour fait internationalement illicite 173, 176

S Santé 141 Société civile 12, 25, 29 Entreprises 16, 96, 114 Responsabilité sociétale des entreprises 27 Individu 26, 37, 64, 143, 191-192 Organisations non gouvernementales 25-26, 28, 30-31, 33, 130, 152, 156-158 Soft law 13, 40-42, 47, 64, 66, 69, 148 Sources 13, 36, 41, 48, 71, 73, 82, 84, 86, 105, 139, 151, 204, 207-208 Souveraineté absolue 15 Souveraineté étatique 13, 15, 63 spécificités 31, 36, 40, 42, 45-46, 55, 58-59, 71, 84, 148, 176 S.P.G. / conditionnalité 134, 150

T Traité 43, 45-48, 50-54, 56, 64, 76, 78, 101, 103, 110-111, 120, 155, 166, 172, 189, 204 Traité Conférences des Parties 50-51, 57, 124, 151, 156, 158 Révision 52 Traités cadres 43, 47-48, 123, 125, 134 Tribunal international du droit de la mer 49, 68, 97, 100, 161, 170 T.I.D.M., Affaire de l’Usine Mox, Ordonnance du 3 décembre 2001. 100, 148, 158 T.I.D.M., Dépoldérisation dans le détroit de Johor, ordonnance en prescription de mesures conservatoires, (Malaisie c. Singapour), 8 octobre 2003. 161

U Utilisation équitable et raisonnable 93 Utilisation non dommageable 12, 14-16, 18, 105, 112

Z Zone 13, 23, 104, 174 Zone économique exclusive 13, 100-101


Table des matières Introduction...........................................................................

7

Chapitre 1 Les acteurs .................................................................

11

Section 1 L’État .............................................................................

12

§ 1 Le fondement de l’action de l’État : la souveraineté ..... 13 § 2 La souveraineté et les limites de l’action de l’État .......... 14

Section 2 Les organisations internationales ..............................

19

§ 1 Le fondement de l’action des organisations

intergouvernementales (O.I.G.) ..................................... 19 A. Les O.I.G. : vecteur de la coopération interétatique ...................

20

B. Les O.I.G. « environnementales » : expression

et représentation de l’intérêt général de l’humanité .................. 20 § 2 La diversité des organisations intergouvernementales

intervenantes ............................................................... 22 A. Une diversité foisonnante .........................................................

22

B. Une diversité problématique .....................................................

24

Section 3 La société civile ............................................................

25

§ 1 L’individu ..................................................................... 26 § 2 Les groupements privés ................................................ 27


220

Droit international de l’environnement

A. Les entreprises .........................................................................

27

B. Les associations et organisations non gouvernementales...........

28

Section 4 Les réseaux inter-acteurs ............................................

29

§ 1 Fonds pour l’environnement mondial (FEM) .................. 29 § 2 Union mondiale pour la nature (U.I.C.N.) ...................... 31

Chapitre 2 Les règles ...................................................................

35

Section 1 La nature singulière du droit international de l’environnement .....................................................

37

§ 1 Des enjeux spécifiques .................................................. 37 § 2 Un droit d’avenir .......................................................... 38 § 3 L’intégration de normes à valeur juridique relativisée..... 40 § 4 Un droit spécifique, aux difficultés spécifiques .............. 41

Section 2 Le traité, entre terreau et moteur du droit international de l’environnement ..............................

43

§ 1 Le traité, une tentative de réponse formalisée

aux atteintes environnementales................................... 43 A. L’affirmation de la protection de l’environnement

au travers des traités ................................................................ 43 B. Une approche sectorielle des traités environnementaux .............

44

§ 2 Les spécificités du droit international de

l’environnement, intégrées dans la formation du traité . 46 A. Le traité, une norme répondant à l’évolution

de l’environnement .................................................................. 47 B. L’adaptation de la procédure de révision du traité

en matière environnementale ................................................... 52


221

Table des matières

§ 3 La pratique des traités environnementaux ..................... 53 A. L’application en droit interne ....................................................

53

B. L’application du traité par le juge international .........................

54

Section 3 L’irrigation du droit international de l’environnement par la coutume et les principes ................................... 58 § 1 La coutume en matière environnementale .................... 58 A. La coutume, une norme aux critères difficilement applicables

à la protection de l’environnement .......................................... 58 B. L’adaptation de la coutume aux spécificités environnementales .... 59 C. La consécration de coutumes en matière environnementale ......

61

§ 2 Les principes de droit international de l’environnement. 63 A. Une catégorie particulière .........................................................

63

B. Exemples de principes consacrés en droit de l’environnement ....

65

a) Le principe de précaution ....................................................... 65 b) Le principe de pollueur-payeur .............................................. 69

Section 4 La consécration d’autres règles en matière environnementale, une relecture des normes classiques du droit international ................................

71

§ 1 La doctrine, une contribution intellectuelle

en matière de création de règles ................................... 71 § 2 La jurisprudence, vers une consolidation

de la protection environnementale ............................... 73 A. La place de l’environnement au sein de la jurisprudence

de la Cour internationale de justice........................................... 74 B. L’opinion des juges ..................................................................

77

§ 3 Les actes unilatéraux, l’affirmation d’une catégorie

importante de norme. .................................................. 80 A. Les actes unilatéraux des États .................................................

80

B. Les actes unilatéraux des organisations internationales .............

82


222

Droit international de l’environnement

Chapitre 3 Les domaines de protection .....................................

87

Section 1 La protection sectorielle ..............................................

88

§ 1 La faune et la flore ....................................................... 88 A. Les instruments régionaux ........................................................

90

B. Les instruments universels ........................................................

91

§ 2 Les eaux continentales .................................................. 92 A. Les principes régissant l’utilisation

des cours d’eau internationaux ................................................ 93 a) Utilisation équitable et raisonnable ....................................... 93 b) Obligation de ne pas causer un dommage important ............. 96 c) Obligation générale de coopérer ............................................ 96 B. Les règles relatives à la prévention, réduction et maîtrise

de la pollution .......................................................................... 97 § 3 L’environnement marin ................................................. 98 A. Le cadre de la Convention des Nations Unies

sur le droit de la mer ................................................................ 99 a) La lutte générale contre les pollutions.................................... 99 b) La conservation des ressources naturelles de la mer .............. 100 B. La protection des mers régionales ............................................. 101 a) Le programme des mers régionales du P.N.U.E. ..................... 101 b) Les autres accords régionaux ................................................. 102 C. La protection contre les différentes formes de pollution ............. 102 a) La pollution due à l’exploitation de la mer par les navires ..... 102 b) La pollution par immersion de déchets ................................... 104 c) La pollution d’origine tellurique et atmosphérique ................. 104 § 4 L’air .............................................................................. 105 A. Espace de transit des pollutions ................................................ 105 B. Espace nécessaire à la préservation de l’écosystème global

et de la santé ........................................................................... 106


223

Table des matières

§ 5 Les sols et les forêts ...................................................... 107 A. Les sols .................................................................................... 107 a) Absence de convention universelle......................................... 108 b) Faiblesse du droit régional ..................................................... 108 B. Forêts ...................................................................................... 109 a) L’échec du sommet de Rio en matière de protection

des forêts................................................................................ 110 b) L’existence d’un cadre juridique minimal ............................... 110

Section 2 La protection intersectorielle .....................................

112

§ 1 Déchets ........................................................................ 113 § 2 Produits chimiques et toxiques...................................... 116 A. Le développement d’un cadre universel..................................... 116 B. Les avancées du droit régional .................................................. 117 § 3 Rayons ionisants ........................................................... 119 A. La sûreté des installations nucléaires ........................................ 119 B. Les déchets radioactifs ............................................................. 120

Section 3 La protection globale ..................................................

123

§ 1 Le climat ...................................................................... 123 A. La Convention-cadre des Nations Unies

sur les changements climatiques ............................................... 123 B. Le Protocole de Kyoto............................................................... 125 § 2 La biodiversité .............................................................. 126 A. La Convention sur la diversité biologique .................................. 127 B. Les protocoles à la Convention sur la diversité biologique ......... 127 § 3 Désertification .............................................................. 129 A. Définition du phénomène ......................................................... 129 B. Régime juridique applicable ...................................................... 129


224

Droit international de l’environnement

Section 4 Les interactions ...........................................................

131

§ 1 Les relations conflictuelles entre commerce

et environnement ......................................................... 132 A. L’environnement comme une exception générale

aux règles du commerce international ....................................... 132 B. Le soutien des accords commerciaux

aux normes environnementales ............................................... 134 § 2 Les interactions entre le droit international

de l’environnement et les droits de l’homme ................ 136 A. Le développement du droit de l’environnement

comme moteur de l’enrichissement des droits de l’homme ........ 136 a) La place de l’homme dans le droit de l’environnement .......... 136 b) Le développement d’un droit à l’environnement .................... 137 B. Le développement de l’environnement comme frein :

nécessaire conciliation. ............................................................. 140 § 3 Les interactions entre le droit international

de l’environnement et la santé ..................................... 141 A. Les liens entre santé et environnement ..................................... 141 B. L’influence du développement du droit à la santé

sur le droit international de l’environnement ............................. 142 a) L’action de l’O.M.S. ................................................................ 142 b) Le développement d’un droit de l’homme à la santé.............. 143

Chapitre 4 Application des règles ..............................................

147

Section 1 Contrôle de l’application .............................................

148

§ 1 Souplesse du cadre d’application ................................. 149 A. Clauses d’application et de conditionnalité ............................... 149 B. Techniques de contrôle ............................................................. 150 a) Le contrôle administratif ........................................................ 150


225

Table des matières

b) L’assistance technique et financière ....................................... 153 c) La procédure de non-conformité ............................................ 154 C. Institutions chargées du contrôle .............................................. 156 a) Les secrétariats des conventions ............................................ 156 b) Les comités d’application ....................................................... 156 c) Les Conférences des Parties ................................................... 157 § 2 Importance des procédures de règlement

des différends............................................................... 158 A. Choix du mode de règlement des différends.............................. 158 B. Règlement arbitral.................................................................... 160 a) Les tribunaux arbitraux .......................................................... 160 b) Le Tribunal international du droit de la mer ........................... 161 C. Règlement juridictionnel ........................................................... 162 a) Au niveau universel ................................................................ 162 b) Au niveau régional ................................................................. 165

Section 2 Responsabilité internationale .....................................

171

§ 1 La spécificité de l’environnement dans la responsabilité 172 A. Les obligations environnementales ........................................... 172 B. L’identification de l’auteur et l’attribution de l’illicite ................. 172 C. L’invocation de la responsabilité ............................................... 173 D. L’établissement du lien de causalité .......................................... 174 E. L’évaluation et la réparation du dommage ................................ 175 § 2 Absence persistante d’une règle générale ..................... 176 A. L’élaboration d’un Projet d’articles

sur une responsabilité objective ................................................ 176 B. Le contenu des Projets d’articles de la C.D.I. ............................. 178 a) Les obligations de prévention dans le cadre

d’activités dangereuses .......................................................... 178 b) La répartition des pertes en cas de dommage transfrontière

découlant d’activités dangereuses.......................................... 179


226

Droit international de l’environnement

C. Une portée limitée.................................................................... 180 a) Absence de fondement coutumier .......................................... 180 b) Un champ d’application restreint ........................................... 180 § 3 Développement des régimes spécifiques ....................... 182 A. Un régime de responsabilité de l’État pour les dommages causés à

l’environnement terrestre par des engins spatiaux ..................... 182 B. Des régimes de responsabilité civile .......................................... 184 a) La responsabilité en cas de dommages causés en matière

d’utilisation pacifique de l’énergie atomique ......................... 184 b) La responsabilité pour les dommages dus à la pollution

par hydrocarbures .................................................................. 185 c) La responsabilité du pollueur dans d’autres domaines ........... 186 C. Un régime de responsabilité environnementale en droit

de l’Union européenne ............................................................. 187 a) Champ d’application .............................................................. 188 b) Mise en œuvre ....................................................................... 188 D. Des régimes de responsabilité pénale ....................................... 189 a) Le droit régional ..................................................................... 189 b) Le droit universel .................................................................... 191

Table de jurisprudence .........................................................

193

Liste des instruments internationaux..................................

197

Index ......................................................................................

215


Droit international de l’environnement

L

e droit international de l'environnement a connu un développement rapide à partir de la deuxième moitié du XXe siècle. Dans le cadre de ce mouvement d’expansion, des centaines de textes internationaux et régionaux ont vu le jour pour préserver les différents éléments de l’environnement mondial : la mer, les sols, l’atmosphère, la biodiversité, le climat, les déchets, le transport de produits dangereux, etc. Le présent ouvrage analyse ces différentes règles, leurs sources, leur contenu, leurs auteurs ainsi que les acteurs de leur mise en œuvre. Le droit international de l’environnement est devenu indispensable pour assurer une protection réelle de l’environnement global. Pourtant, les défis qu’il doit relever sont multiples : renforcer son application, rendre opérationnels ses principes, combler ses lacunes, dégager des moyens institutionnels, juridiques, financiers. Les auteurs entendent mettre à profit leur expérience pratique du droit international de l’environnement au profit de la clarification des règles et des mécanismes. L’ouvrage est destiné tant aux étudiants, aux spécialistes qu’aux praticiens.

Stéphane Doumbé-Billé est professeur de droit public à l'Université Jean Moulin Lyon 3, directeur du Centre de droit international ainsi que du Master 2 recherche de droit international public. Caroline Migazzi est doctorante, enseignante à l'Université Jean Moulin Lyon 3 et chercheur au Centre de droit international. Kiara Neri est docteur en droit, enseignante à l'Université Jean Moulin Lyon 3 et à l'Université catholique de Lyon et chercheur au Centre de droit international. Françoise Paccaud est doctorante contractuelle-monitrice à l'Université Jean Moulin Lyon 3 et chercheur au Centre de droit international. Anna Maria Smolinska est docteur en droit, enseignante à l'Université Jean Moulin Lyon 3 et chercheur au Centre de droit international. La collection Masters s’adresse directement aux étudiants en Master 1 et 2. Ces manuels clairs, concis parcourent l’ensemble des matières communautaires et internationales qui doivent être maîtrisées par tous les étudiants désireux d’évoluer dans une future carrière juridique. Augmentés d’index, de nombreux exemples et d’outils pédagogiques, ces manuels sont les incontournables d’un parcours universitaire réussi.

www.larcier.com • www.stradalex.com DROINTENV ISBN : 978-2-8044-6069-3


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