Emile & ferdinand 8 2014 6

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Emile& Ferdinand Gazette du

Janvier 2015 | N°8 Bimestriel gratuit Bureau de dépôt : 3000 Leuven Masspost | P-916169

l

ia c é p s o r é Num

Histoires s de femme

3

6

Être avocate mais rester femme

La CUP. Ses origines, ses points forts, son avenir

Mabeth Bertrand-Henry

16

Michèle Lenoble-Pinson

Madame le Président ou Madame la Présidente ?

Véronique d’Huart

19

8

Julie Henry

Les combats de mes grand-mère et mère ont changé énormément de choses

u’y a-t-il Sous la Q robe de Nathalie

Penning?

23

9

Daniela Coco

Les femmes et le Président

A nne De Wolf

Directeur général de l’Institut des juristes d’entreprise

12

Jehanne Sosson

Mauvais Genre

Et aussi

L es dates à ne pas manquer L es Minimes exposent

...


ÉDITO

Chers lecteurs, Chers auteurs, Pour son 8ème numéro, Émile & Ferdinand a voulu mettre à l’honneur

la gent féminine

Émile & Ferdinand et les équipes du Groupe Larcier vous présentent leurs meilleurs vœux pour l’année 2015 !

WER O P N E WOM

Nous vous proposons le portrait familial de Mabeth Bertrand-Henry, Véronique d’Huart et Julie Henry. Toutes trois sont avocates et secrétaires de rédaction de la Revue de Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles. Focus sur trois générations de femmes juristes, leurs parcours, leurs combats.

colophon Rédacteur en chef Élisabeth Courtens Secrétaire de rédaction Anne-Laure Bastin Équipe rédactionnelle Anne-Laure Bastin, Élisabeth Courtens, Charlotte Claes et Muriel Devillers Lay-out Julie-Cerise Moers (Cerise.be)

Des femmes juristes, mais pas que ! Jehanne Sosson et Nathalie Penning sont avocates et vivent leur passion. Jehanne Sosson écrit des nouvelles et des pièces de théâtre qu’elle publie sur un site internet. Découvrez Mauvais genre, une de ses nouvelles drôles et décalées. Depuis février 2014, Nathalie Penning joue sur les planches du Théâtre de la Toison d’Or Sous la robe, un seule-enscène dans lequel elle tourne en dérision la vie du barreau.

nel. Elle a en effet été la première juriste d’entreprise de la société internationale BASF. Michèle Lenoble-Pinson, docteur en philosophie et lettres et grande dame de la langue française, nous offre un état des lieux nuancé de la féminisation des noms de professions. Et parce qu’il fallait bien un homme dans ces histoires de femmes, Daniela Coco, avocate au Barreau de Bruxelles, nous raconte l’histoire de Paul Magnaud. Ce magistrat progressiste surnommé le « Bon Juge » joua un rôle important dans les combats féministes de la fin du XIXe siècle.

Nous vous souhaitons de savoureuses lectures…

Anne De Wolf, directeur général de l’Institut des juristes d’entreprise, revient pour nous sur son parcours profession-

Dessins Johan De Moor © Groupe Larcier s.a.

Le comité de rédaction d’Émile & Ferdinand

Cette gazette est la vôtre !

Éditeur responsable Marc-Olivier Lifrange, directeur général Groupe Larcier s.a. rue des Minimes 39 – 1000 Bruxelles

N’hésitez pas à proposer des articles, à formuler des suggestions, à réagir aux articles publiés et, ainsi, à faire évoluer et faire grandir Émile & Ferdinand.

Les envois destinés à la rédaction sont à adresser par voie électronique à emileetferdinand@larciergroup.com

Adressez-nous vos messages à l’adresse suivante : emileetferdinand@larciergroup.com

2|Emile & Ferdinand| N°8 | Janvier 2015


MABETH BERTRAND-HENRY

Véronique d’Huart

Julie Henry

Mabeth Bertrand-Henry

Points communs : elles font partie de la même famille,

elles sont avocates, elles sont secrétaires de rédaction de la Revue de Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles

Être avocate mais rester AUTOMNE 1927 Cinq jeunes femmes viennent de prêter le serment d'avocat. Les cinq premières avocates de Liège. Non pas lors d'une séance solennelle, mais au cours de différentes audiences, présentées par leur patron de stage. Constance Schottel, Hélène Daxhelet, Jenny Lefèbvre, Marie Nizet et Julia Grandry, ma mère. Maman m'a souvent raconté les batailles qu'elle avait dû livrer pour convaincre son père, alors journaliste, de sa volonté de devenir avocat. Ses combats furent sans doute ses premières plaidoiries.

femme

Ces jeunes femmes devaient, après 3 années d'école moyenne, suivre - en deux ans - des cours complémentaires dans un institut appelé, si mes souvenirs sont bons, " Bracaval". En effet, les années supérieures des écoles moyennes n'étaient pas, en principe, ouvertes aux jeunes filles qui devaient compléter leur formation pour obtenir le diplôme de fin d'études moyennes et ainsi pouvoir s'inscrire à l'université.

Dans les auditoires universitaires, ces jeunes étudiantes avaient des "places réservées" au premier rang, les jeunes gens ne s'installant que 5 ou 6 rangs plus haut

Mabeth Bertrand-Henry

...

Avocat au Barreau de Liège. Médiateur familial. Belle-mère de Véronique d'Huart et grand -mère de Julie Henry

Janvier 2015|N°8|Emile & Ferdinand|3


MABETH BERTRAND-HENRY

Durant le stage, il convenait de remplir ses obligations auprès du Bureau de consultations gratuites et de suivre certaines conférences: il n'y avait alors ni formation permanente, ni CAPA...

...

AUTOMNE 1927. Constance Schottel, Hélène Daxhelet, Jenny Lefèbvre, Marie Nizet et Julia Grandry.

dans l'auditoire, ce qui n'empêcha cependant pas maman d'y rencontrer mon père. Son diplôme en poche, elle installa son cabinet à Jemeppe-sur-Meuse, où elle était née: elle désirait aider la population la moins favorisée et surtout les femmes. Même après son mariage, en 1931 avec son " candidat-notaire frais émoulu de notre Alma Mater », elle fut fidèle à sa clientèle des faubourgs, tout en vivant à Liège.

Je me souviens de l'étonnement d'Edouard Vieujean, et de mes copains de cours, lorsque - à l'occasion d'une arrivée tardive au cours – je me suis faufilée dans l'auditoire, portant marinière... En "1er doc" , nous les filles , nous n'étions pas très nombreuses, cinq si mes souvenirs sont bons, mais nous pouvions suivre les cours aux côtés des garçons, sur les mêmes bancs: nous n'étions plus des "pestiférées".....

Si les souvenirs qu'elle m'a contés maintes fois sont fidèles, elle n'a cessé de pratiquer la profession qu'après la naissance de ma jeune sœur. Elle resta cependant inscrite au Tableau de l'Ordre par fidélité. C'est ainsi qu'en 1944-1945, à la libération, lorsque la justice repris son cours, elle fut désignée d'office pour défendre certains "inciviques", auxquels elle prêta sa voix Elle décida ensuite de ne plus plaider, tout en restant inscrite à la liste des avocats honoraires.

AUTOMNE 1950 C'est donc très normalement que j'ai entamé mes études de droit, à Liège, en 1950 ( 2 années de philo et 3 années de droit) en lui promettant, lors de mon mariage avec Jacques Henry en 1953 et de la naissance de Patrick Henry en 1954, de terminer mes études. Après une année sabbatique au moment de la naissance de Patrick, j'ai décroché mon diplôme en 1956. Sans doute ai-je déçu mon père lorsque j'ai préféré l'avocature au notariat...

Les chefs de colonne du BCG recevaient les indigents au 2ème étage du Palais de justice, près des locaux de la police judiciaire, entourés des stagiaires qui s'intéressaient tout particulièrement aux déclarations de revenus des requérants, louchant par dessus l'épaule du président...Il y avait foule dans ce petit bureau peu confortable: "la cahute" chantée par Paul Martens "où nous devenions avocats". Cette pratique regrettable de désignation des jeunes confrères aux indigents a été abandonnée à Liège, dès 1974 -1975. Le BCG est devenu le BCD ( Bureau de consultation et défense) . Ses locaux ont été transférés dans un corridor glacial, dans les sous-sols du Palais, ce qui a fortement étonné les parlementaires de la

AUTOMNE 1956

AUTOMNE 1956 J'ai prêté le serment d'avocat devant la première chambre de la Cour, le 18 septembre 1956. Nous étions 3 jeunes femmes. Mon stage fut peu orthodoxe car mon patron ne m'invitait guère à son cabinet. C'est donc Jacques Henry, avocat depuis 1950, qui m'a appris la vie d'avocat.... Puis vinrent les années de Jeune barreau et la Revue qui me tient tant à cœur....

4|Emile & Ferdinand| N°8 | Janvier 2015

région liégeoise, invités par le bâtonnier Michel Franchimont, à une visite de nos locaux. Puis au fil du temps et grâce à la prise de conscience de cette nécessité de respecter la dignité et l'accès à la justice, le BCD est devenu le BAJ ( Bureau d'aide juridique ), créé par la loi en 1998. La loi a également créé les Commissions d'aide juridique qui veillent à l'organisation harmonieuse de consultations quotidiennes et de plus en plus nombreuses, ouvertes à tous, gratuitement.


MABETH BERTRAND-HENRY

Être avocat n'est pas, à mes yeux, une réjouissance solitaire. C'est un moyen d'aider le plus grand nombre d'hommes en leur offrant le meilleur de soi-même (selon Albert Camus)

Je pense que tous, nous devons participer à cet effort d'aide juridique, non seulement en assistant les "indigents" lors des consultations organisées dans nos Palais, mais aussi dans leur défense. Les locaux qui nous sont réservés sont plus vastes et plus confortables, les équipes sont renforcées, et l'affluence des " demandeurs d'aide " ne faiblit pas.

UNE AUTRE VIE Mon beau-père, Marcel Henry, qui fut le dernier référendaire (président) du tribunal de commerce de Liège, aurait souhaité que je devienne magistrat. J'ai donc postulé pour lui être agréable, la suppléance de la justice de paix du 1er canton de Liège, dont le chef de corps était atteint d'une maladie grave et j'ai ainsi gardé des contacts avec le Palais et le Barreau, pendant la période où ma vie de " femme" a pris le pas sur ma vie d'avocat. Je garde des souvenirs émus de mes visites aux administrés provisoires de ce canton populeux. C'est sans doute le souvenir des lueurs que je percevais dans leurs yeux lorsque je leur rendais visite qui m'a incitée à signaler aux juges de paix de la région que j'étais désireuse d'assumer des missions d'administrateur provisoire, que je remplis encore actuellement.

Être avocate mais rester femme préparé des rapports et accueilli souvent des jeunes et des aînés dans le désarroi: les assurances collectives du barreau venaient d'être créées, qui assuraient la responsabilité professionnelle des avocats, leur permettait d'obtenir un revenu garanti, des interventions en cas d'hospitalisation et une aide du Fonds de solidarité de la Caisse de prévoyance des avocats, à laquelle je suis encore fidèle... Puis vint le 1er avril 1987: je venais de remettre mon mandat de secrétaire permanent en mains du bâtonnier, dont je devenais l'aînée.... Dès le décès de Jacques Henry, j'ai décidé d'apposer une plaque d'avocat sur la façade de notre maison et de me consacrer aux clients " pro deo" et à mes administrés provisoires, après avoir eu l'honneur et la joie d'être élue comme membre du conseil de l'Ordre, dont j'avais découvert les rouages quelques années auparavant.

Parallèlement et dès 1974, j'ai été désignée par le Conseil de l'ordre " secrétaire permanent du barreau".

J'ai eu, et j'ai encore la joie de participer à certains travaux de l'Union internationale des avocats et de la Commission internationale des barreaux de tradition juridique commune (CIB) auxquelles je reste très attachée. Je tente d'y représenter au mieux le barreau de Liège.

Durant treize ans dans le petit local bleu, ancien "cabinet d'aisance" des PrincesÉvêques, face au bureau du Bâtonnier et proche de la bibliothèque, j'ai découvert la déontologie, classé les décisions du conseil de l'ordre sur des fiches (il n'y avait pas d'ordinateur à l'époque…),

La Revue de Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles (J.L.M.B.) fait partie de ma vie depuis bientôt 50 ans. Depuis la mort de Jacques Henry, qui avait succédé à son père en qualité de rédacteur en chef, je participe, sans doute d'une manière moins intensive, à son secréta-

riat de rédaction, aux côtés de Véronique d'Huart et Julie Henry, sous la haute surveillance de Patrick, qui a pris la relève. C'est une autre vision de la vie du Palais, qui permet de participer aux efforts des avocats et des magistrats, dans leur approche d'un droit qui doit être admis et compris par tous les justiciables.

2014 Le temps passe inexorable et, si le plaisir qu'une avocate de mon âge peut encore avoir de plaider, d'aider ses clients, l'informatisation de la profession complique sa vie quotidienne. En transparence de mes confidences, j'espère que vous aurez compris combien une avocate, restée femme - du moins je l'espère - peut vivre sa vie au barreau d'une manière intense. Le Barreau est, pour tous les confrères, une grande maison où nous nous croisons de jour en jour. Les saluts, très souvent amicaux que nous y échangeons, l'aide que, très souvent, nous y rencontrons font partie des grandes joies de la vie. Permettez-moi une dernière confidence: le nouveau palais oblige les anciens à s'adapter, donc à vivre. Oserai-je vous avouer, que ce palais où je vis depuis tant d'années - et j'espère y passer encore quelque temps - est comme je l'ai chanté il y a quelques années dans cette Revue du Jeune barreau qui me tient tant à cœur aussi, un peu " ma maison".

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VÉRONIQUE dd'HUART

La CUP ses origines, ses points forts, son avenir Émile & Ferdinand : Quel a été votre parcours professionnel depuis le début de votre carrière jusqu’à maintenant ? Véronique d’Huart : J’ai prêté le serment d’avocat le 15 septembre 1981 devant la cour d’appel de Liège, en stage chez Maître Michel Delhaye, puis collaboratrice, essentiellement en charge de dossiers de droit d’auteur et de droit de la construction, chez Maître VictorVincent Dehin, cabinet que j’ai quitté en septembre 1994 pour entamer mes fonctions à la Commission Université-Palais (CUP).

“ Véronique d’Huart

Secrétaire d’administration de la Commission UniversitéPalais (CUP), avocat au Barreau de Liège, belle-fille de Mabeth Bertrand-Henry et mère de Julie Henry

La CUP existait depuis longtemps ; elle est le fruit d’une étroite collaboration entre le Barreau de Liège et la Faculté de droit de l’Université de Liège. C’est sous l’impulsion des bâtonniers Louis Aendekerk et André Musch et du professeur Jacques Hansenne qu’a germé, au début des années septante, l’idée d’organiser des formations, à l’époque sous la forme de grands colloques annuels, à l’attention des anciens étudiants en droit. Ce fut le début de la CUP… Mais la fonction proposée en 1994 était nouvelle : il s’agissait de mettre sur pied un programme complet de formation permanente et récurrente destinée aux praticiens du droit. La Faculté de droit de l’ULg et le Barreau de Liège avaient, en effet, décidé de dégager des fonds ensemble pour développer ce type de formation devenue indispensable. Ce fut le début de la CUP nouvelle mouture, et de la formation continue…

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D’abord au service du Professeur Georges de Leval en qualité d’assistante à mi-temps, puis membre du personnel administratif quelques années après, je n’ai jamais souhaité quitter la profession d’avocat, car il me paraissait essentiel de rester dans le milieu pour en cibler au mieux les besoins. Côté barreau, la paternité du projet revient au Bâtonnier Michel Mersch qui fut le véritable moteur… Aujourd’hui, la CUP est chapeautée par un comité d’accompagnement composé de représentants de la Faculté de droit, de l’Ordre des avocats et de la magistrature. Elle est présidée par les Professeurs Jacques Clesse et Pascale Lecocq. C’est donc sous une double casquette que je remplis ma mission depuis un peu plus de 20 ans… Il a fallu tout créer, à partir de rien. De telles organisations n’existaient pas à l’époque et d’ailleurs, la formation continue n’était pas obligatoire. L’objectif premier était d’orchestrer huit séances annuelles et d’obtenir des auteurs des schémas référencés, photocopiés, et remis aux participants le jour même de chaque formation. Les thèmes abordés devaient couvrir les différentes branches du droit et coïncider avec l’actualité et les besoins des praticiens. Mais dès le premier recyclage, les auteurs ont remis des textes complets et élaborés de sorte que la décision a été prise de s’adresser à un imprimeur pour réaliser nos propres livres. La CUP a ainsi été son propre éditeur de début 1995 à fin 2003.


VÉRONIQUE dd'HUART

Dès 1997, le Barreau de Charleroi, représenté par feu le Bâtonnier Jacques van Drooghenbroeck, s’est montré intéressé par la décentralisation des formations à Charleroi. Bruxelles suivit peu de temps après sous l’impulsion du Bâtonnier François Glansdorff et c’est ainsi que la CUP s’est décentralisée : les mêmes formations seraient dispensées à Liège, puis à Bruxelles et enfin à Charleroi, avec le même support.

Durant l’année 2008, la technique du streaming video a été généralisée à titre expérimental, sans augmentation des prix : les huit recyclages organisés à Liège ont été accessibles en direct, via la plateforme de formation à distance de l’ULg, depuis le site web de la CUP (http:// www.droit.ulg.ac.be/cup). Cette expérience a été renouvelée en 2009 et se poursuit, depuis lors, dans les mêmes conditions.

Forte de son succès, la CUP ne pouvait plus continuer le cumul de toutes les tâches de conception et d’édition. Et surtout, il était regrettable de ne pas donner une vie après formations à des ouvrages d’une telle qualité. Je frappai alors à la porte des éditeurs juridiques… C’est la maison Larcier qui obtint le marché de janvier 2004 à décembre 2006. Ensuite, par l’effet de la procédure négociée pour les dépenses engagées au sein de l’ULg, c’est l’éditeur Anthemis qui a travaillé pour la CUP de janvier 2007 à décembre 2012. Depuis janvier 2013, la CUP collabore à nouveau avec les Éditions Larcier.

En janvier 2012, la plate-forme de l’ULg s’est modernisée et modifiée en « eCampus ». Elle permet d’assurer une stabilité accrue de la qualité de la transmission et d’aligner le contrôle de l’effectivité de la formation en ligne sur celui de la formation « en présentiel ». Les participants désireux de profiter de ce système en font impérativement la demande et reçoivent alors un identifiant et un mot de passe qui leur ouvrent l’accès à la formation en direct ainsi que la possibilité de poser des questions en ligne et d’obtenir l’attestation de formation continue en ligne, moyennant réponse à deux questionnaires de validation à la pause et en fin de recyclage. Il est également possible, selon les mêmes modalités, de suivre les recyclages en différé. En effet, les vidéos des formations sont découpées par thèmes et par orateurs et sont hébergées sur la plate-forme eCampus. Chaque formation suivie en différé est proposée avec une progression vidéo par vidéo. L’accès à la vidéo suivante est conditionné à la réponse à une question proposée. Une attestation de formation continue est délivrée à l’internaute qui a visionné l’ensemble des vidéos et répondu à toutes les questions.

En 2005, j’ai répondu à un appel à projet « Formadis », projet interuniversitaire (ULg-ULB) subventionné par le Fonds social européen, prévoyant « l’accompagnement d’une quinzaine d’institutions dans la réalisation de leurs propres cours ouverts et à distance ». J’ai immédiatement pensé que l’enseignement à distance était l’avenir et que la CUP devait saisir cette chance et rester ainsi à la pointe du progrès. Bien dosé, il permet aux professionnels de suivre une formation plus à la carte et en fonction de leurs disponibilités. La candidature de la CUP a été retenue, de sorte que j’ai pu bénéficier pendant une année (2005-2006) d’une formation technique et pédagogique ainsi que d’un accompagnement pédagogique, graphique et technique pour la mise en ligne d’une formation.

Enfin, depuis fin 2012, la CUP a mis en place un nouveau système de remise des attestations de présence, avec la collaboration de la société Lynxor. Chaque participant à la CUP reçoit une carte magnétique qui lui est liée. Il suffit de passer cette carte à l'entrée et à

la sortie devant un des lecteurs proposés à l’accueil. L’attestation de présence est alors immédiatement envoyée à l'adresse courriel fournie lors de l’inscription à la CUP, les points de formation étant octroyés en fonction de l’assistance réelle.

Et l’avenir ? La CUP doit continuer à viser l’excellence, maintenir un rapport qualité-prix inégalé et rester à la pointe du progrès. Un dosage harmonieux entre « présentiel » et « à distance » doit permettre de maintenir les contacts, la convivialité et la culture de formation commune des professionnels, tout en offrant une plusvalue aux participants qui pourrait résider davantage dans le caractère interactif de la formation à distance. La CUP souhaite aussi cultiver et étendre l’esprit d’ouverture avec les autres universités et centres de formation. Au sein de votre université, y a-t-il encore des combats « féministes » à mener ? Une évolution de mentalité est-elle nécessaire sur certains aspects ? Il y aura toujours des combats « féministes » dans la mesure où demeure l’éternelle question de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale. Mais les femmes sont bien présentes à l’ULg, au niveau tant du corps académique que du personnel scientifique; notre doyen est d’ailleurs une femme !

Au sein des orateurs de la CUP : y a-t-il un équilibre hommes-femmes ? Nous avons eu des équipes exclusivement masculines, mais aussi exclusivement féminines ! Dans l’ensemble, l’équilibre hommesfemmes est naturellement bien respecté.

Quels conseils donneriez-vous à votre fille, Julie Henry ? Fais ce que tu aimes, et si tu aimes, donne-toi !

Janvier 2015|N°8|Emile & Ferdinand|7


JULIE HENRY

Les combats

Julie Henry

de mes GRAND-MÈRE et MÈRE,

et ceux des générations précédentes, ont changé énormément de choses.

Émile & Ferdinand : En quoi les parcours professionnels de vos mère et grand-mère ont-ils influencé le vôtre ?

Julie Henry : Venant d’une famille d’avocats, on peut dire que je suis tombée dans la marmite étant petite. Cela ne signifie pas que j’avais toujours rêvé d’en faire mon métier, mais plutôt qu’au moment de faire mes choix d’étude et professionnels, cela a vite coulé de source. Les carrières de mes maman et grandmaman ont très certainement déteint sur moi en me donnant un fort besoin d’indépendance, ce qui caractérise le métier d’avocat. Ce sont de plus des femmes de caractère, et elles m’ont plus d’une fois inspirée dans les choix que j’ai eu à faire. Vos grand-mère et mère vous ont-elles donné des conseils au début de votre carrière ? Lesquels ?

L’une et l’autre ont insisté sur le fait de rester soi-même et de vivre pleinement l’expérience du métier d’avocat. Elles m’ont également poussée à participer à la vie du barreau, dans laquelle elles sont toutes les deux investies également, chacune à leur manière. J’ai tenté de suivre au mieux ces conseils. En quoi voyez-vous, dans votre profession d’avocat, les retombées positives des combats « féministes » menés par les

générations précédentes de femmes ?

Avocat au Barreau de Liège, petite-fille de Mabeth Bertrand-Henry et fille de Véronique d'Huart

Les combats de mes grand-maman et maman, et ceux des générations précédentes, ont changé énormément de choses. En effet, dans un arrêt du 12 décembre 1888 (Bruxelles, 12 décembre 1888, J.L.M.B., 2011, p. 1394), la Cour d’appel de Bruxelles refusait à Marie Popelin son inscription au tableau de l’Ordre, motivant notamment sa décision comme suit : « Attendu que la nature particulière de la femme, la faiblesse relative de sa constitution, la réserve inhérente à son sexe, la protection qui lui est nécessaire, sa mission spéciale dans l'humanité, les exigences et les sujétions de la maternité, l'éducation qu'elle doit à ses enfants, la direction du ménage et du foyer domestique confiée à ses soins la placent dans des conditions peu conciliables avec les devoirs de la profession d'avocat et ne lui donnent ni les loisirs, ni la force, ni les aptitudes nécessaires aux luttes et aux fatigues du barreau »… Force est de constater qu’aujourd’hui, les mentalités ont (heureusement !) bien fort évolué ! En effet, dans ma promotion, nous étions plus de femmes que d’hommes à prêter serment. En outre, la magistrature se féminise de plus en plus. Il y a cependant le revers de la médaille : aujourd’hui, certains ont

8|Emile & Ferdinand| N°8 | Janvier 2015

tendance à assimiler la profession de magistrat aux mères au foyer, ce qui aboutit à dévaloriser celle-ci. Les associations d’avocats ouvrent davantage de places aux femmes, même s’il est vrai que les plus hautes fonctions dans les grosses structures restent majoritairement réservées aux hommes. Il n’est en effet pas toujours facile de concilier une vie de famille avec les conditions imposées par l'exercice d'un poste de direction dans un cabinet d’avocat. On constate aussi la persistance de certains clichés : les femmes font du droit de la famille et de la jeunesse, les hommes pratiquent les matières du droit des affaires. Par ailleurs, une avocate affairiste sera plus vite confondue avec la secrétaire par le client, ce qui n’arrivera jamais avec un confrère masculin. Aussi, certains clients se permettront plus facilement d’être familiers avec une femme, ce qu’ils ne feront bien sûr pas avec un homme. On peut donc dire qu’aujourd’hui, les combats qui promeuvent la valeur de la femme aboutissent à des résultats certains, mais qu’il reste encore du chemin à parcourir.


DANIELA COCO

Les femmes et le Président Daniela Coco Avocat au Barreau de Bruxelles Congrès féministe de 1900

Passionnée des questions de genre, et plus particulièrement de l'histoire des femmes-avocates à travers le monde, Daniela Coco écrit des articles et donne des conférences sur le sujet. En 1900, à l’occasion de l’Exposition Universelle, furent organisés à Paris pas moins de trois congrès féministes. Trois, parce que ces dames unies dans leur combat pour l’émancipation, restaient séparées par leurs convictions religieuses. Le premier Congrès était catholique. Le dernier, laïque. Entre les deux, se tint le Congrès des Œuvres et Institutions féminines, surnommé le « Congrès des Protestantes » à cause de la composition de son Comité organisateur. Congrès de tendance modérée dont les initiatrices avaient jusque là pratiqué plus la bienfaisance que la revendication, il accueillit toutefois certains grands noms du féminisme de la Belle Epoque, comme Jeanne Chauvin, la première femme docteur en droit de France, ou Marie Popelin, la première femme licenciée en droit de Belgique. Toutes deux avaient sollicité leur inscription au Barreau et toutes deux avaient été déboutées de leur demande, Marie Popelin en 1888

par la Cour d’appel de Bruxelles et Jeanne Chauvin en 1897 par celle de Paris. Mais certains magistrats étaient plus progressistes que d’autres et l’un d’entre eux, des plus illustres, assistait en personne au Congrès féministe protestant. Paul Magnaud (1848-1926), Président du tribunal de ChâteauThierry, était devenu célèbre deux ans plus tôt à l’occasion de l’affaire Louise Ménard, une jeune mère célibataire qui avait dérobé du pain chez un boulanger de Charly-sur-Marne. Il l’avait acquittée par un jugement retentissant du 4 mars 1898 : «Attendu qu’au moment où la prévenue a pris un pain chez le boulanger Pierre, elle n’avait pas d’argent et que les denrées qu’elle avait reçues étaient épuisées depuis trente-six heures ; que ni elle, ni sa mère n’avaient mangé pendant ce laps de temps, laissant pour l’enfant les quelques gouttes de lait qui étaient dans la maison ; Qu’il est regrettable que dans une société bien organisée, un des membres de cette "société", surtout une mère de famille, puisse manquer de pain autrement que par sa faute; que lorsqu’une pareille

...

Janvier 2015|N°8|Emile & Ferdinand|9


DANIELA COCO

“ accueillie avec un égal enthousiasme par tous vos Cette loi n’a pas été

confrères masculins.

d'emportement déterminé par le spectacle, si pénible pour son cœur de femme et de mère, auquel elle venait d'assister ;

...

Paul Magnaud

situation se présente et qu’elle est, comme pour Louise Ménard, très nettement établie, le juge peut, et doit, interpréter humainement les inflexibles prescriptions de la loi (…)1. Le magistrat remboursa ensuite lui-même le coût du vol au boulanger. Cette affaire valut à Magnaud, le surnom de « Bon Juge » dans un article que Georges Clémenceau consacra dans L'Aurore du 14 mars 1898 à cette affaire. Le Bon Juge conserva son surnom toute sa carrière. Il était clément envers les plus faibles, équitable et capable d’anticipation juridique (cause d’excuse découlant de l’état de nécessité, divorce par consentement mutuel, abandon de la condamnation pénale de l’adultère etc…). Ainsi, dans une affaire Eulalie Michaud, du nom d’une jeune ouvrière qui avait blessé d’une pierre le fils de son patron qui paradait au bras de sa dernière conquête, alors qu’il avait précédemment séduit et abandonné Eulalie avec leur bébé, Magnaud avait condamné la jeune fille à une peine d'amende symbolique d'un franc avec sursis en constatant qu' : "à l'audience, l'attitude d'Eulalie Michaud a été excellente et qu'elle a exprimé tous ses regrets de n'avoir pu résister à un mouvement

1

Décision confirmée par la Cour d'appel d’Amiens le 22 avril 1898.

10|Emile & Ferdinand| N°8 | Janvier 2015

Qu'il n'en a pas été de même du plaignant, "don Juan de village » qui, au lieu de racheter son odieuse conduite en se montrant très indulgent pour celle à qui il avait promis de donner son nom, a poussé l'infamie jusqu'à tenter de la faire passer pour une fille de mauvaises mœurs, alors que le maire de la commune atteste, au contraire, qu'elle mène une vie des plus régulières". Notons qu’au 19ème siècle la situation des « filles-mères » était particulièrement pénible. En France comme en Belgique, l’article 340 du Code civil interdisait en effet à la femme enceinte et non-mariée de désigner le père de l’enfant et de lui réclamer des aliments pour son enfant. Justification de cette disposition : assurer la paix des familles. Les familles des séducteurs s’entend…car la situation familiale des servantes, des couturières, des ouvrières qui risquaient de perdre leur emploi et de se retrouver sans ressources pour élever un enfant, ne préoccupait guère le législateur de l’époque. Or il ne s’agissait pas de cas isolés : entre 1880 et 1891, sur 670.000 naissances en Belgique, un tiers furent illégitimes. Le résultat de cette condamnation sociale était terrible : les infanticides et les abandons d’enfants étaient légion. Et les hommes (qui composaient de façon exclusive les sièges des tribunaux et jurys des Cours d’Assises) les sanctionnaient à leur manière. Ainsi, en 1893, Léopold Antoine, Numa Rayée et Jules Porée furent successivement déférés devant la Cour d’Assises du Brabant. Chacun d’entre eux avait tué son épouse avec préméditation. Les 18, 19 et 27 juillet 1893, trois acquittements furent prononcés. Mais quand le 25 juillet, ce fut au tour de la petite Euphémie Rigaux, âgée de dix-huit ans, d’être jugée pour avoir tué son nouveau-né, elle écopa de dix ans de travaux forcés. Le Président Magnaud ne hurlait pas avec les loups. Après avoir accordé le sursis à Eulalie Michaud, il accueillit volontiers la procédure en rupture de promesse de mariage qu’elle intenta contre son séducteur et, par jugement du 23 novembre 1898, lui accorda


DANIELA COCO

des dommages et intérêts sous la forme d’une rente réversible sur la tête de l'enfant jusqu'à sa majorité. Il réussit ainsi habilement à contourner l’interdiction de l’article 340 du Code civil. L’on comprend dès lors que sur proposition de Maria Pognon, Présidente de la Ligue française du droit des femmes, le public du Congrès des Œuvres et Institutions féminines réserva une belle ovation à ce magistrat atypique. Juste après ce Congrès, où il s’était clairement exprimé contre l’article 340 du code civil qui interdisait la recherche de paternité, le Bon Juge fut saisi du cas pitoyable d’une jeune fille qui avait accouché seule, avait laissé mourir son enfant d’hémorragie, faute de ligature du cordon ombilical. Magnaud admit des circonstances atténuantes dans le chef de la prévenue, et la condamna à une peine avec sursis, considérant : "que si la société actuelle n'avait pas inculqué et n'inculquait pas aux générations qui la composent, le mépris de la fille-mère, celle-ci n'aurait pas à rougir de sa situation et ne songerait à le cacher ; que c'est donc à la société contemptrice des filles-mères et si pleine d'indulgence pour leurs séducteurs qu'incombe la plus large part des responsabilités dans les conséquences, si souvent fatales pour l'enfant, des grossesses et accouchements clandestins » (Jugement du 24 août 1900). Dans un chapitre moins grave, après qu’en décembre 190 une loi française eût enfin permis aux femmes de devenir avocates, le Président Magnaud accueillit Jeanne Chauvin dans son prétoire avec un discours éloquent : « Cette loi n’a pas été accueillie avec un égal enthousiasme par tous vos confrères masculins. Le tribunal de Château-Thierry y a au contraire applaudi. Et il applaudira très énergiquement à toute mesure qui sera

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de nature à émanciper la femme, à l’arracher aux griffes de l’obscurantisme, et avec elle ses enfants et…leur père aussi peut-être ».2 Le moins que l’on puisse dire est que le Bon Juge n’appréciait guère l’hypocrisie qui imprégnait les mœurs de l’époque. L’institution de la séparation de corps en était l’un des exemples les plus frappants. Créée pour permettre aux gens qui refusaient le divorce en raison de convictions religieuses, d’échapper à l’obligation légale de cohabitation, elle avait pour effets que les enfants nés d’un second lit n’étaient légalement considérés que comme des bâtards, et que l’épouse séparée restait soumise aux diktats de son mari pour ce qui concerne la gestion de ses biens et revenus, ce qui la maintenaient dans une situation d’insupportable dépendance économique. Le Président Magnaud statua dans l’une de ces affaires avec des attendus vigoureux dans lesquels transparaissait en filigrane son opinion du clergé: « Attendu que la séparation de corps est une solution bâtarde, hypocrite et contre nature, favorisant les unions clandestines d’où sortent ces malheureux être sans complet état civil, sans filiation régulière que, si indignement, notre législation subissant le joug des stupides préjugés de la société actuelle, traite en véritables parias ; Que, quand elle n’est pas imaginée par l’un des époux dans le but de troubler indéfiniment l’existence de l’autre, elle est, dans la plupart des cas, en raison de son caractère confessionnel, imposée par l’influence néfaste de personnes vouées au célibat et n’ayant pour tout foyer que celui des autres » (Jugement du 5 février 1903)3. Le Bon Juge était franc, moderne et ouvertement féministe, ce qui témoignait d’une disposition d’esprit particulièrement audacieuse chez un homme… 100 ans se sont écoulés. Où sont les Magnaud ?

Raymond Hesse « Quarante ans de Palais » éd. Peyronnet p.43 Diverses publications ont eu lieu au fur et à mesure du temps, de ces jugements, voir not. Leyret Henry, « Les nouveaux jugements du Président Magnaud » Paris, Livrairie C. Reinwald, 1903

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JEHANNE SOSSON

Mauvais genre

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Comment la distinction entre des toilettes « hommes » et des toilettes « femmes » devient un casse-tête politiquement incorrect.

le Découvrez une nouvelosson écrite par Jehanne S

Jehanne Sosson Avocat au Barreau de Bruxelles et professeur de droit de la famille à l’Université catholique de Louvain. Elle publie régulièrement des nouvelles.

- Bonjour, Monsieur le Président. - Bonjour, Madame, Messieurs. J’ai très peu de temps à vous consacrer. Je dois terminer le discours que je prononce au parlement demain sur l’état de l’union… - Bien sûr, Monsieur le Président. Mais il s’agit véritablement d’une urgence. Nous avons un problème majeur pour la visite du président brésilien dans dix jours. - Du président… ou de la présidente, je ne sais plus… - Effectivement, c’est bien de cela qu’il s’agit. - Comment cela ? - Hé bien, nous avons un problème… de toilettes. - Vous voulez dire de tenues vestimentaires ? - Non, non. De … WC ! - Un problème de WC ? En quoi est-ce que cela me concerne ? Demandez à l’équipe technique de faire le nécessaire. Je suppose qu’il y a bien ici un plombier compétent. - Heu non, enfin oui… Mais le problème n’est pas là. - Où est-il, alors ? - Le problème, c’est que les toilettes du 1

parlement sont des toilettes hétérosexuelles. - Des quoi ? - Des toilettes hétérosexuelles ! Hommes/femmes, si vous préférez. - Hé bien oui. Et alors ? - Alors cela pose un problème aux services protocolaires brésiliens. - Ah bon ? Pourquoi ? - Parce que… comment dire… ils exigent des toilettes unisexes, ou au minimum des toilettes transgenres, mais ils préfèreraient des unisexes. - Je ne comprends rien à ce que vous me dites... - Bon, comme vous le savez, le président Bayo était encore une femme il y a six mois lors de sa dernière visite. - Ah oui, je m’en souviens ! Une teigne d’ailleurs ! Peut-être que maintenant qu’elle est un homme, elle est un peu moins… - Monsieur le Président, voyons… - Oui, bon… On est entre nous… - Mais donc il est hors de question qu’elle, euh… pardon, il aille dans les toilettes des hommes. - Et pourquoi, puisque c’est un homme maintenant ? - Mais, Monsieur le Président, c’est un

Librement inspiré par « Les toilettes publiques sont très hétérosexuelles », Observatoire de l’hétérosexualité, La norme dominante décryptée par Louis-Georges Tin et Ariel Marin Pérez, 9 décembre 2008, http://heterosexualite.blogs.liberation.fr/tin/2008/12/lhtrosexualit-d.html.

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JEHANNE SOSSON

peu délicat. Les toilettes hommes ne sont pas… comment dire… configurées de la même façon. Le président Bayo non plus, d’ailleurs… - Et bien réservez lui une toilette à part, homme, femme, peu importe, et le tour est joué ! - Non. Il en fait une question de principe. Il veut en profiter pour faire évoluer les mentalités. Donc il souhaite que toutes les toilettes soient adaptées. Sinon, c’est l’incident diplomatique. Et vous savez qu’avec les gisements d’uranium qu’on vient de découvrir au Brésil, nous ne pouvons pas nous le permettre. - Je sais, je sais… Bon, eh bien, vous êtes mes conseillers… alors conseillez-moi ! Je vous propose de faire un tour de table. Je veux connaître l’avis de chacun. On a peut être encore le temps de faire voter en urgence une résolution par le parlement. Mais avant cela, j’aimerais qu’on m’explique ce que c’est exactement ces toilettes… comment avez-vous dit… ? - Transgenres, Mister President… Chez nous, en Angleterre, on dit « genderneutral ». Cela fait quelques années qu’il y en a dans nos universités pour nos étudiants travestis, transexuels ou hermaphrodites. Ils se disaient victimes de harcèlement de la part des autres garçons et gênés du regard inconfortable des filles dans les toilettes « sexuées ». On a créé des toilettes « sans genre » pour résoudre ce problème et, dans le même temps, normaliser la transsexualité aux yeux de la communauté. Les traditionnels logos représentant un homme et une femme ont été remplacés par des plaques annonçant « toilettes avec urinoirs », d’une part, et « Toilet » tout court, d’autre part, ou un dessin avec une silhouette coupée en deux, d’un côté un homme dessiné en bleu et de l’autre une femme en rose. - Et vous en pensez quoi, vous, personnellement, Lord Pembrooke ? - Je ne suis pas convaincu, Mister Président, car depuis lors certains trans-

sexuels ont l’impression d’être mis à part et veulent au contraire être considérés comme étant des femmes ou des hommes au complet, et non d’un troisième sexe. - Vous voilà bien avancés… - Si je puis me permettre, Monsieur le Président… - Oui, Monsieur Henriksson ? - Si je puis me permettre, je comprends que le Président Bayo en fasse une affaire de principe. C’est une question éthique en effet. - Éthique ? Vous êtes certain qu’il faille aller jusque là ? - Oui. Ce n’est en effet qu’un épiphénomène de la vaste question du genre car la distinction homme/femme d’une manière générale et son prolongement dans les toilettes publiques sexuées sont en effet une construction sociale. - Hum… je ne vous suis plus tout-à-fait là… Où voulez-vous en venir ? - Je m’explique. De nombreuses études universitaires très sérieuses démontrent que l’ensemble de ce que sont et de ce que font les hommes et les femmes, et qui paraît spécifique à chaque sexe, est en fait entièrement social… Une construction culturelle, si vous voulez. C’est ce qu’on appelle le genre. Le genre, c’est en fait le sexe social. - ??? - C ’est simple. Comme l’explique si clairement Scott, la distinction genre/sexe vise à mettre en question la réalité de la puissance explicative du sexe biologique et du lien jusque là considéré comme évident et inéluctable entre les différences biologiques et les différences psychosociales.

- C ’est limpide ! Mais, Monsieur Henriksson, je ne comprends pas bien le lien avec cette histoire de toilettes… - Si, si ! C’est évident : puisque c’est le genre qui créé le sexe, il faut aujourd’hui déconstruire nos catégories culturelles pour instaurer une réelle égalité des sexes. Et cela passe par l’éradication de toutes les constructions sociales sexuées, telles que les toilettes pour les hommes et pour les femmes. Il est de notre responsabilité, en tant que gouvernement de l’Europe, de promouvoir l’égalité, y compris dans les lieux d’aisances. - Certes, mais il me semble qu’aller aux toilettes n’est pas un besoin social, mais bien un besoin physique… - Oui, mais un besoin physique sur lequel on a construit une distinction sociale, une distinction de genre, si vous voulez… - Excusez mon côté germanique très terre à terre, chers collègues, mais cet usage me paraît au contraire tout à fait naturel. Il est assez logique, vu la conformation différente des organes, qu’on ait construit des urinoirs pour les hommes et des WC pour les femmes ! - Mais pourquoi ne pas faire des WC pour tout le monde ? Ce dispositif convient aux deux ! - Sauf que… Excusez-moi, Monsieur Henriksson… Sauf que… - Nous vous écoutons, Madame Alvega… - Sauf que… je ne voudrais pas paraître plus terre à terre encore que notre collègue allemand, mais je me dois de relever que les hommes utilisent bien souvent les WC de façon telle que les femmes qui suivent… doivent… comment dire… éviter…

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JEHANNE SOSSON

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- Je pense comprendre ce que vous voulez dire, chère collègue ! Au Japon, ils ont recours à une technique toute simple pour lutter contre ce phénomène : ils dessinent une mouche au fond de la cuvette ; cela focalise adéquatement l’attention, paraît-il. - En tous cas, moi, en tant qu’homme, je peux vous dire que je voterais contre des toilettes unisexes. Vous avez déjà vu la queue devant les toilettes des dames ? Je refuse de faire la file dix minutes pour quelque chose qui dure vingt secondes ! - C ’est donc bien une question d’égalité ! Il est injuste que les femmes doivent faire la file et pas les hommes. - Mais il serait tout aussi injuste et inéquitable que les hommes doivent la faire ! - Yes ! Mais que fera-t-on dans les toilettes avec la règle « Ladies first » ? - Franchement, je ne vois pas où est le problème : à la maison, ce sont des toilettes unisexes, non ? - R aison de plus pour ne pas les partager ailleurs, avec des étrangers qui plus est ! - Mais dans les entreprises et les bureaux, cela peut injecter un air de camaraderie ! Vous avez déjà vu la série Ally McBeal ? Ça se passe dans un cabinet d’avocats à Boston (où soit dit en passant, la ville a adopté une réglementation permettant officiellement l’accès aux toilettes publiques aux personnes selon leur « perceived gender identity » plutôt que leur sexe de naissance). Et les toilettes unisexes y sont un lieu de rencontre et de détente ! - Je suis désolée, mais pour une femme, avoir ses collègues masculins, voire son patron, qui attendent derrière la porte et qui entendent, ce n’est pas de la détente… De plus, et ceci me paraît plus fondamental (et étant la seule femme ici je me dois de le souligner), ce dispositif pourrait considérablement augmenter le risque de harcèlement sexuel. La bienséance exige que les femmes puissent éviter que la

concupiscence des hommes ne vienne les troubler jusque dans ce moment intime. - Si je comprends bien, pour vous les hommes sont tous des goujats qui cherchent à assaillir les pauvres femmes dans les WC ! - Soyez réaliste, Monsieur Henriksson ! Le passe-temps favori des garçons, dans les écoles, n’est-il pas d’épier les filles dans les toilettes pour surprendre leur intimité ? - Mais qu’est-ce que c’est que cette remarque ? Dans quelques minutes, vous allez nous dire que le mur qui sépare les toilettes hommes et les toilettes femmes est une ceinture de chasteté collective ! - Il y a peut-être un peu de cela... D’ailleurs, quand on y réfléchit bien… - Oui, Madame Alvega ? Que voulezvous ajouter ? - Quand on y réfléchit bien, c’est plus une question d’orientation sexuelle que de différence de sexes… - Quelle est votre idée ? - Et bien oui ! En voulant éviter d’embarrasser les femmes avec des hommes qui les regardent dans les toilettes, on néglige peut-être d’autres dangers : ainsi

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protégées des hommes, il se pourrait bien que les femmes (hétérosexuelles) soient harcelées par des lesbiennes ! Et il se pourrait bien que les hommes (hétérosexuels) qui voudraient harceler les femmes soient eux-mêmes harcelés par des gays. On n’a rien prévu pour empêcher cet inconvénient majeur ! Il faudrait dès lors aménager quatre espaces : un pour les femmes hétérosexuelles, un pour les femmes lesbiennes, un pour les gays et un autre pour les hommes hétérosexuels. Ah oui, mais il faudrait encore prévoir des toilettes spécifiques pour les bisexuels hommes et femmes, et pour les trans, qui peuvent être hommes, femmes, homo, bi ou hétérosexuels… Evidemment, ça ne va pas être simple ! Et puis, finalement, il y a fort à parier qu’il n’y aura plus personne dans les espaces réservés aux hétérosexuels… Ça doit être pour ça en définitive qu’on se contente de proposer des toilettes pour hommes et des toilettes pour femmes ! - Bon, Monsieur le Président, nous allons vous laisser réfléchir tranquillement à tout cela. Nous devons vous quitter : nous avons la visite officielle du musée Magritte dans trente minutes !


JEHANNE SOSSON

“ INTERVIEW Émile & Ferdinand : Madame Sosson, au travers de votre nouvelle Mauvais Genre, drôle et décalée, vous soulevez la question des « toilettes unisexes ou transgenres ». Vous abordez au fond une question éthique, la question du « genre », de la construction sociale de la distinction homme/femme qui trouve un de ses prolongements dans les toilettes publiques sexuées. Quelle est votre position en tant que professeur de droit de la famille ? Jehanne Sosson : Il est vrai que j’aime au travers de textes comme celui-ci susciter la réflexion sur des thèmes qui font aussi l’objet de réflexions plus académiques.

Je ne suis pas une grande adepte des études de genre. Je pense qu’il s’agit d’une notion qui a permis de faire progresser les mentalités et reculer les stéréotypes mais qui, parfois, est utilisée aujourd’hui de façon trop extrême, ce qui me paraît contreproductif. J’ai conscience d’appartenir à une génération qui profite des combats menés par la génération de femmes qui l’a précédée, mais je pense aussi qu’aujourd’hui, on a tendance à voir des discriminations partout et à ne plus accepter la différence. Comme s’il n’était plus acceptable aujourd’hui qu’être un homme ou une femme, c’est une différence qui peut, aussi, être enrichissante ! Ressentez-vous parfois des « actes machistes ou misogynes » de la part de vos collègues masculins qui « portent également la robe » ? Franchement non !

A ujourd'hui, on a tendance à ne plus accepter la différence

Existe-t-il un clivage, entre les hommes et les femmes, au sein de la profession d’avocat ? S'il est vrai qu’au barreau, et en amont à l’université, le droit de la famille attire plus les femmes, je pense que ce serait un cliché de considérer qu’il est des domaines du droit plus masculins (le droit pénal, le droit financier…) et d’autres plus féminins. Je rencontre heureusement de nombreux confrères (et non consœurs) dans les dossiers, et je ne trouve pas que leur vision des choses soit profondément différente de la mienne. Tout dépend en fait de la personne ellemême, non de son sexe ou, pardon, de son genre ! J’ai juste un regret : qu’il n’y ait pas plus de juges de la famille « hommes».

D’où vous vient cette passion pour l’écriture ? C'est venu un peu par hasard. J’ai deux métiers où l’on écrit beaucoup, et des choses fort sérieuses. L’envie m’est venue d’utiliser le matériau brut et si riche de ma pratique professionnelle ou de mes recherches théoriques et de les aborder par un autre prisme. Oscar Wilde disait que ce qui ne supporte pas l’humour ne tolère pas la réflexion. Je suis entièrement d’accord !

Vous avez également co-écrit une pièce de théâtre « Trois mariages et un entêtement » ? Écrivez-vous toujours des textes en rapport avec la famille ? Pas toujours. Mais il est vrai que ce sont des sujets qui me tiennent à cœur. Et où la réalité dépasse parfois la fiction !

Quel métier rêviez-vous d’exercer étant enfant ? Tout restait possible ! J’ai en revanche hésité jusqu’à mon premier jour à l’université entre étudier l’histoire ou le droit…

On peut découvrir vos textes sur www.courteligne.com ? Parlez-nous de votre site. Même si j’aime passionnément, comme beaucoup, tenir un livre en main, je suis convaincue que la littérature passera à l’avenir aussi par internet. C’est un formidable outil pour sa diffusion, qui permet d’éviter de dépendre de maisons d’édition qui acceptent (ou non) de vous publier et qui réalisent une diffusion parfois trop limitée. Surtout pour des nouvelles, qui sont un genre très prisé dans la littérature anglo-saxonne, bien moins chez nous. J’ai donc eu envie de créer un site consacré à des textes courts, mais intenses, d’auteurs belges qui aiment jouer avec peu de mots. Y figureront des nouvelles surtout, mais aussi des billets d’humeur, voire de courts romans, en accès libre, pour le plaisir d’une lecture sur ordinateur, tablette, iphone, etc… en quelques instants et une diffusion large.

Découvrez d’autres textes de Jehanne Sosson sur www.courteligne.com, le « site du texte court ».

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MICHÈLE LENOBLE-PINSON

Madame le Président ou Madame la Présidente ? Féminisation des noms de professions : un état des lieux nuancé avec Michèle Lenoble-Pinson

France : la féminisation ne laisse pas indifférent Le débat est récurrent, surtout chez les députés de droite, à l’Assemblée nationale française. Madame le Président, lancé par Julien Aubert, député UMP du Vaucluse, au Palais-Bourbon, s’adressant à la présidente de séance, Sandrine Mazetier, le 24 septembre 2014, a déclenché un énième incident. « Moi j’applique les règles de l’Académie française », s’est défendu le parlementaire. Il s’est fait plusieurs fois rappeler à l’ordre avec, finalement, inscription au procès-verbal, ce qui lui vaudra une sanction financière. L’élu sera privé d’un quart de son indemnité parlementaire pendant un mois, soit 1378 euros1. L’Académie française admet le souhait de madame Mazetier d’être une présidente et aussi le refus de monsieur Aubert de la désigner ainsi. Sur son site2, l’Académie explique qu’elle accueille dans son Dictionnaire des noms féminisés de métier et de fonction « pourvu qu’ils soient formés correctement et que leur emploi se soit imposé » : avocate, compositrice, artisane, postière. Elle n’entend pas « rompre avec la tradition de féminisation des noms de métier et de fonction qui découle de l’usage ». Elle affirme néanmoins que le genre masculin est le genre non discriminant puisqu’il englobe l’autre. Le masculin est le genre non marqué, le genre indifférencié. En France, bien que la féminisation des noms de métier et de fonction remonte aux circulaires ministérielles de Laurent Fabius (1986) et de Lionel Jospin (1998), le sujet reste délicat. Qu’en est-il en Belgique ?

Michèle Lenoble-Pinson Michèle Lenoble-Pinson est docteur en philosophie et lettres, membre du Conseil international de la langue française (Paris) et professeur émérite de l’Université Saint-Louis (Bruxelles). Elle a reçu le titre de chevalier de la Légion d'honneur en 2014. michele.lenoble@usaintlouis.be

Belgique : le décret de 1993 contribue à l’emploi de formes féminisées Rendre les femmes visibles dans les textes, tel est, en 1993, le souhait de parlementaires écologistes. En résulte un acte de politique linguistique, un fait exceptionnel en Communauté française de Belgique. Le décret du 21 juin 1993 installe la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre, dans les textes officiels et administratifs. L’arrêté d’application date du 13 décembre. Accompagné du livret Mettre au féminin3, dont j’ai dirigé la rédaction, ledit décret contribue à l’évolution des mentalités et à la visibilité des femmes dans les écrits.

Le Figaro, 8 octobre 2014 ; Le Point, 16 octobre 2014. www.academie-francaise.fr 3 Guide de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre, Bruxelles, Conseil supérieur de la langue française - Service de la langue française, 1994 ; 2e éd., 2005. 1 2

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MICHÈLE LENOBLE-PINSON

La venderesse Au Moyen Âge, les fonctions juridiques et les titres de noblesse se disent au féminin. De cette époque se maintiennent des formes en -(er)esse comme demanderesse, défenderesse, bailleresse, comtesse, duchesse, princesse. Des formes en -e, épicènes4, telles que notaire, maire, se sont substituées à notairesse, mairesse. Après avoir désigné l’épouse du notaire, l’épouse du maire, ces formes s’appliquent aujourd’hui à la femme notaire, à la femme maire, qui occupent la fonction. Dans l’usage, maire et mairesse pourraient coexister, comme au Québec, mairesse présentant l’avantage d’éviter l’homophonie avec mère. Maître, épicène, se dit d’un avocat ou d’une avocate. Le suffixe -trice remplace aussi le suffixe -esse : administratrice (de biens), curatrice, tutrice. En Belgique, nombre de femmes évitent les formes en -esse. Elles préfèrent poète à poétesse, chasseuse à chasseresse (sauf pour Diane), docteur à doctoresse. L’usage est différent en Suisse où les féminins en -esse, tels que mairesse, doctoresse, contremaîtresse, sont très vivants5.

La procureur Sauf majeur, mineur, prieur, supérieur, qui dérivent de comparatifs latins pris comme noms et qui prennent un -e au féminin, les noms masculins (empruntés du latin) se terminant par -eur ou -seur n’ont pas de forme féminine. Ils sont épicènes : la procureur, la proviseur, une assesseur, la précurseur, la successeur. Procureuse s’est dit de la femme du procureur. Celle qui agit par procuration s’est appelée procuresse, et plus tard procuratrice. Afin d’uniformiser le mode de féminisation, les Québécois ajoutent un -e aux noms en -eur, -seur et -teur : la procureure, une ingénieure, une assesseure, la professeure, la tuteure, une auteure. Depuis la fin du XXe siècle, ces formes féminisées, historiquement peu fondées, se répandent dans l’usage européen. Le e final est muet. Il s’écrit mais ne se prononce pas et donc ne s’entend pas.

Résistances En français, il est aisé de mettre au féminin la plupart des noms de métier et de fonction. Si, en Europe, la féminisation rencontre des résistances, celles-ci sont faiblement morphologiques et majoritairement idéologiques, sociales ou culturelles.

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Madame le Secrétaire perpétuel. Madame le Juge. Madame le Conseiller. Le masculin est le genre indifférencié (cf. l’Académie française, supra), il exprime la fonction (cf. infra) ou témoigne de la résistance de la femme dont il s’agit. La première femme, diplômée et compétente, qui arrive à occuper une fonction jusque-là réservée à un homme, veut qu’on lui en donne le titre au masculin. Madame le Ministre. Madame le Procureur. Madame le Directeur général du fonds monétaire international. Alors, elle se sent l’égale de l’homme. Féminiser le titre de la fonction risquerait de la dévaloriser. De même, la femme qui, la première, prend la direction d’une société, déclare en être le directeur. « Et pas la directrice ? – Directrice d’école, soit, mais directeur de société, directeur d’entreprise », explique-t-elle. Toutefois, l’usage peut être double. Dans une Faculté de sciences politiques, la première femme élue à la fonction de doyen se présente comme le Doyen de la Faculté. Pendant les réunions facultaires, ses collègues parlent spontanément de la Doyenne. Malgré le décret, il convient de respecter la demande de la femme, d’autant plus que ce type de demande finit par disparaître. Dès la nomination de la deuxième femme à un poste jusqu’il y a peu toujours attribué à un homme, la fierté d’être femme réapparaît et la visibilité qu’apporte l’appellation au féminin l’emporte sur le prestige de l’appellation masculine.

Épicène adj. Du grec epikoinos : commun. Qui peut être utilisé à l’un ou l’autre genre sans variation de forme. Les féminins avocate, huissière, magistrate, notaire, venderesse… sont traités, à leur ordre alphabétique, dans Dire et écrire le droit en français correct, Bruylant, Bruxelles, 2014, par M. LENOBLE-PINSON.

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MICHÈLE LENOBLE-PINSON

“ féminisées ne cesse de croître dans l’usage L’emploi de formes

oral comme dans les quotidiens, les revues et les écrits en général. Cet usage contribue à la visibilité des femmes dans la société.

Robe sur robe ne vaut : l’adage n’est plus valable À l’université, de plus en plus d’étudiantes choisissent les études de droit. Dans les formations organisées par le C.S.J., puis par l’IFJ, auxquelles je participe en tant que linguiste, le nombre de stagiaires femmes augmente chaque année au point de dépasser le nombre de stagiaires hommes. Devenues gens de robe, ces femmes sont bien visibles dans l’usage courant de la langue, en particulier dans la presse écrite. « C’est vous, ça ? demande la magistrate [montrant une photo…] Moi, je ne le reconnais pas, dit son avocate. Ah si, la ressemblance est flagrante ! Vous ne trouvez pas, madame la présidente ?, lance la substitute. Moi, je ne m’exprime que par jugement, répond la magistrate. La représentante du parquet n’en démord pas : c’est bien de Basile qu’il s’agit » (La Libre Belgique, 30 septembre-1er octobre 2006, p. 10). Six formes féminisées, conformément au décret de 1993.

La fonction Il existe un besoin de communication non marquée, ni féminine ni masculine. Par exemple, dans les textes de loi et les règlements. Lorsque l’on nomme la fonction indépendamment de la personne qui l’exerce, le nom de la fonction au masculin (genre indifférencié, non marqué) doit être retenu, surtout s’il s’agit de fonctions qui incarnent l’autorité de l’État. L’invitation s’adresse au conseiller d’État, madame X. On attend la réponse du procureur, madame Y. Élire un chancelier n’exclut pas les candidatures féminines alors qu’élire une chancelière écarterait les

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candidats masculins. L’usage de la langue permet de s’adresser à une femme sans féminiser le nom de la fonction qu’elle occupe : Madame le Président, vous qui êtes le président de séance. Quoi qu’il en soit, à la suite du décret, l’emploi de formes féminisées ne cesse de croître dans l’usage oral comme dans les quotidiens, les revues et les écrits en général. Cet usage contribue à la visibilité des femmes dans la société. Toutefois, le féminin n’est pas neutre. Aussi, afin d’éviter les incidents, ayons de l’entregent6 et restons courtois.

Michèle Lenoble-Pinson vient de publier, avec le concours de Paul Martens, sous la marque Bruylant, l’ouvrage de référence : Dire et écrire le droit en français correct – Au plaisir des gens de robe. Ce lexique fournit une réponse claire et rapide aux difficultés lexicales et grammaticales propres au monde juridique.

Cf. Dictionnaire de termes de chasse passés dans la langue courante. Poil et plume, Honoré Champion, Paris, 2013, par M. LENOBLE-PINSON.

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NATHALIE PENNING

Qu’y a-t-il

sous la robe

de Nathalie Penning ? Depuis 2014, Nathalie Penning joue sur les planches du Théâtre de la Toison d’Or Sous la robe, un seuleen-scène dans lequel l’avocate tourne en dérision la vie du barreau. Interview passion… Émile & Ferdinand : Comment vous définissez-vous d’un point de vue artistique ? Comédienne ? Humoriste ? Nathalie Penning : Je dirais plutôt « observatrice ». Partout où je vais, j’ai un malin plaisir à observer tout ce qui m’entoure, comme un caméléon. Quand je rentre dans une salle d’audience ou quand je vais à un dîner ou une fête quelconque, j’observe. J’observe tout et cette observation m’amène à faire rire, le plus souvent. « Humoriste », je trouve que cela fait un peu « clown » et le terme « comédienne » est me semble-t-il un peu prétentieux. J’aime assez me définir donc comme « observatrice ».

devienne comédienne. Pour eux, c’était exclu. La bonne élève que j’étais a donc suivi la filière ‘latin maths’ et ensuite, j’ai étudié le droit à l’ULB.

Comment vous est venue l’envie de monter sur scène ? J’ai un parcours un peu particulier. J’ai commencé le théâtre à l’âge de 13 ans, sans passer par des académies. J’ai participé à beaucoup de spectacles montés dans l’école que je fréquentais, l’Athénée Royal d’Uccle 1. Certains élèves ont fait le Conservatoire. À 18 ans, lorsque je terminais mes études, mon professeur a glissé à l’oreille de mes parents que ce serait bien que je

Et puis, je suis arrivée au barreau. À la fin de la première année de stage, j’ai assisté à la revue du barreau, sous la présidence du futur bâtonnier Jean Cruyplants.

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Ensuite, j’ai présenté l’examen d’entrée du Conservatoire, en art dramatique, et là, j’ai échoué. J’ai été très déçue. Je me suis retrouvée face à un jury me demandant de justifier mon parcours universitaire.

Nathalie Penning Avocate au Barreau de Bruxelles

J’ai trouvé cela très peu ouvert. Je voulais qu’on me juge par rapport à l’existence ou non d’un talent artistique quelconque et pas par rapport à mes études.

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Je trouvais cela amusant et en même temps je trouvais qu’il n’y avait pas beaucoup de sketches réellement écrits. Et encore moins de filles qui osaient faire de l’humour.

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NATHALIE PENNING

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L’année suivante, j’ai participé à l’aventure. Pendant dix ans, j’ai fait aussi bien l’écriture que la comédie et la mise en scène. Avec mon amie Florence Vandeputte, nous avons mis en scène la revue Titanic, sous la présidence de Geneviève Tassin. Nous étions parties du film Titanic que nous avions transposé à l’Affaire Agusta. Nous avions tout conçu nousmêmes avec les autres acteurs : décors, accessoires, fausse chaloupe… C’était une revue magnifique. Il y a deux ans, Nathalie Uffner, qui est la directrice du Théâtre de la Toison d’Or a proposé un cycle de conférences, le lundi, jour de relâche au théâtre, sur le thème des professions. La première était intitulée « Tu feras l’université mon fils ». Il y a avait un chirurgien, un ingénieur commercial et un ingénieur civil. J’ai été approchée pour parler de mon métier d’avocat. Le public pouvait poser des questions. Très bizarrement, les gens sont arrivés avec des anecdotes personnelles. C’est là que je me suis rendue compte que le métier d’avocat était

de mes grands amis, m’a beaucoup aidée. Il m’a bien expliqué les règles déontologiques, les limites à ne pas franchir. Nous nous sommes réunis avec Nathalie et Jean-Pierre pour discuter de la réalisation de l’affiche de mon spectacle Sous la robe. Il fallait une affiche qui annonce le métier d’avocat. Moi je ne voulais pas y apparaître pour ne pas indisposer mes clients.

perçu de l’extérieur comme une profession corporatiste, sombre, intrigante, presqu’occulte. Il y a confusion dans l’esprit des gens entre ce qu’ils voient à la télévision dans les séries et l’exercice de notre profession. Cela m’a fait sourire et, quelques jours après, Nathalie est venue me trouver et elle m’a dit « dans un an, je te programme ». Elle me laissait carte blanche. J’étais donc programmée au Théâtre de la Toison d’Or pour février 2014. J’avais toute une série d’anecdotes et de sujets en tête comme les litiges de copropriété qui, pour moi, sont fabuleux parce que vous pouvez y trouver une panoplie de personnages différents. J’ai testé ces sujets aussi bien auprès de confrères que de non juristes afin de voir si cela parlait à tout le monde. Je ne souhaitais pas un spectacle qui soit la prolongation de la revue du barreau. En tant qu’avocate, pouvez-vous rire de tout sur scène ? Le bâtonnier Jean-Pierre Buyle, qui a été mon chef de colonne, mon mentor au barreau et qui reste un

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Mes clients ne viennent pas chez moi en se disant « on va chez l’avocate qui fait l’humoriste ». Donc, je me suis dit que les justiciables qui aiment le théâtre regarderont l’affiche et puis diront « c’est mon avocate ». Ceux qui n’aiment pas le théâtre ne seront pas agressés en disant « mais que fait mon avocate sur une affiche ? » Sur l’affiche, on voit juste ma bouche et le début de mon nez. Quant au contenu de mes sketches, on m’a dit « Tu peux faire ce que tu veux, mais sois prudente ». Ce qui est bien plus hypocrite en fait : « Si tu te casses la figure, tant pis pour toi. On t’aura prévenue. » C’était à moi d’avoir le feeling et en cas de doute, j’appelais Jean-Pierre Buyle et on en discutait. Il a toujours cru en moi et m’a poussée dans ce projet. Mon spectacle est politiquement incorrect. J’explique mon expérience dans une école à discrimination positive, dans une école d’enfants sourds. J’évoque l’affaire Dutroux, les vieux, les dîners chics, les Antiquaires du Sablon. Mais, je me moque surtout de moi-même et de la profession. Je parle aussi du côté corporatiste puisque nous avons nos soirées dansantes, notre rentrée, notre spectacle.


NATHALIE PENNING

“ Au niveau de vos confrères et de votre clientèle, comment a été perçu le fait que vous montiez sur scène? J’ai prévenu mes clients et je dois dire qu’il n’y en a eu aucun qui a souhaité changer d’avocat. Au contraire, ils sont quasiment tous venus en me disant que cela me rendait « plus humaine ».

En ce qui concerne mes confrères avocats, je dirais que de toute façon je ne fais pas l’unanimité et je ne cherche surtout pas à la faire. Ceux qui n’ont pas aimé ne sont pas venus me le dire. D’un autre côté, j’ai eu tellement de marques de sympathie, de gentillesse, des messages que je conserve précieusement. J’étais fleurie, c’était Sarah Bernhardt tous les jours ! Au théâtre, ils n’avaient jamais vu cela. Il y a encore beaucoup d’élégance dans notre milieu professionnel. En revanche, je n’ai pas plaidé le mois où j’ai joué au Théâtre de la Toison d’Or. Je trouvais irrespectueux pour mes clients d’être dans l’humour la veille au soir jusque 22 heures et d’aller plaider le lendemain dès 8 heures du matin. Mais je continuais mes démarches au greffe, les réunions etc. Le Théâtre de la Toison d’Or est à côté de mon cabinet. Donc je quitte mon bureau à 17 heures. À 18 heures, je suis dans ma loge. Je mange toujours la même chose : des chips paprika et des cuberdons, le tout arrosé de coca zéro. Et à 20 heures, je suis sur scène. J’ai besoin de ces deux heures, dans ma loge, à ne rien faire parce que je suis une traqueuse épouvantable. L’article de Jean-Pol Masson, dans le Journal des tribunaux m’a beaucoup tou-

Mon spectacle est politiquement incorrect. Mais, je me moque surtout de moimême et de la profession.

chée. Il est venu voir mon spectacle et il a écrit un article magnifique. Il m’a donné le crédit du rire au sein de la profession. La presse peut vous le donner, ce n’est pas la même chose. Là, c’était dans mon milieu professionnel.

conclusions que dans la plaidoirie. Tout est logique et argumentation. Est-ce qu’il y a, au sein de la profession d’avocat, un clivage entre les hommes et les femmes ? Non, j’ai l’impression que c’est une profession qui est très féminisée ces derniers temps. Ce qui est flagrant, c’est que, plus vous avancez en âge, moins vous retrouvez de femmes dans certaines matières, par exemple, en droit bancaire.

J’étais très émue quand je l’ai lu, car il légitimait le rire et mon humour sans dire « c’est Penning qui fait son numéro ». Je ne pouvais rêver mieux.

Que des gens extérieurs au barreau me trouvent drôle, j’ai rempli mon contrat en tant que « comédienne ». Mais que la profession dise « Tu nous a fait rire », « tu avais le droit » et « nous avons passé un bon moment », cela voulait dire qu’on me prenait au sérieux dans mon exercice sur scène sans remettre en question ma crédibilité d’avocat.

Est-il plus facile d’être une femme artiste ou une femme avocate ? La difficulté, c’est d’être une femme qui veut vivre ses passions à 100%. Ce n’est pas difficile parce qu’on vous en empêche, mais c’est difficile pour une question d’organisation.

Sur scène, vous portez une toge à certains moments. Est-ce votre propre toge ? Je n’ai pas voulu jouer tout le temps en toge. Je commence mon spectacle avec la toge. Et je termine avec la toge. C’est ma toge. J’y tiens beaucoup. Elle a 24 ans de barreau comme moi. Elle est un peu rapiécée par endroit

Dans quelle mesure votre métier d’avocat vous a aidée sur scène ? Mon métier d’avocat m’aide dans l’écriture. J’ai discuté avec des comédiens qui écrivent également des spectacles et ils m’ont dit après avoir vu Sous la robe que ce qui les avait frappés, sans prétention de ma part, c’était le mot, le plaisir du mot. C’est un spectacle très précis au niveau du langage. Et cette rigueur-là, on la tient de notre métier. Aussi bien l’importance du mot dans les

Est-ce plus facile d’être une femme avocate ou une femme artiste ? Être une femme comique, ce n’est pas toujours facile, parce que l’humour, dans un certain milieu social, est encore réservé aux hommes. Je pense qu’en disant des horreurs avec élégance, un brushing et des hauts talons, ça passe plus facilement qu’en arrivant avec les deux mains dans les poches. Pouvoir balancer une horreur avec élégance, je crois que c’est ma force. Je refuse d’attaquer quelqu’un sur son physique. Je ne vois pas l’intérêt de rire de la pauvreté que ce soit une pauvreté matérielle ou intellectuelle sauf si elle est mêlée à la prétention. La vraie misère, cela ne me fait pas rire. La détresse ne me fait pas rire.

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NATHALIE PENNING

... En revanche, la mort me fait rire Je trouve que les enterrements, même si c’est politiquement incorrect de dire ça, ont toujours un côté très cocasse. Tout le monde est content de se retrouver. On finit par manger de la tarte au riz ensemble. Et c’est tout cela qui me fait rire : ces convenances, que j’enseigne tout de même à mes enfants : « Tenez-vous droits, faites attention, exprimez-vous correctement, soyez gentils. » Je suis moi-même là-dedans à du 200%, mais je sais en rire. Ma hantise, c’est de ne plus en rire, de devenir une caricature. Rire, c’est ce qu’il y a de plus sain et si je peux en faire bénéficier les autres, c’est tout gagné.

Avez-vous d’autres projets de spectacle ? Je vais continuer à écrire, je m’amuse trop. C’est un exutoire et j’en ai besoin. Presque chaque année, j’ai participé à un spectacle. Sous la robe est mon premier spectacle professionnel. Si j’ai d’autres projets ? Oui. Peut-être plus sur la profession. Je pense que je ne serais pas aussi heureuse si je n’avais pas le théâtre et je ne serais pas aussi heureuse au théâtre si je n’avais pas gardé mon activité professionnelle. Le jour où je n’aimerai plus mon métier, j’arrêterai. Le jour où je ne m’amuserai plus au théâtre, j’arrêterai.

Nathalie Penning sera en tournée avec son spectacle Sous la robe, du 4 mars au 3 avril 2015 au Théâtre de la Toison d’Or à Bruxelles. Plus d’infos sur http://www.ttotheatre.com/

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ANNE DE WOLF

Anne De Wolf revient pour nous sur son parcours professionnel et sur LE MÉTIER de juriste d’entreprise. Émile & Ferdinand : Quel est votre parcours professionnel en quelques mots ?

Anne De Wolf : Mon parcours de juriste était des plus classiques. Quelques années de barreau m’ont fait comprendre que mon âme d’entrepreneur serait plus à l’aise dans un milieu commercial. J’ai eu la chance de pouvoir commencer comme la seule et première juriste d’entreprise dans la grande société internationale qu’était BASF. Dans le temps, il était plutôt exceptionnel d’avoir un juriste en interne. Mon employeur s’est vite rendu compte qu’un service juridique dans une pareille entreprise était une plus-value considérable. J’ai donc pu mettre en place un département juridique à Bruxelles. Nous étions des pionniers. J’ai dès lors vécu de près toutes les contraintes que connaissaient les juristes à l’époque. Il fallait convaincre le management et les autres services du fait que j’étais plus que « madame non ». Quant au moment où, après une longue lutte, l’Institut des juristes d’entreprise a vu le jour et qu’on m’a demandé d’en devenir le premier CEO, je n’ai pas hésité. On a commencé de rien et je suis vraiment fière de voir avec quel enthousiasme notre équipe réussit aujourd’hui à mettre la profession de juriste d’entreprise à l'honneur. Votre équipe est exclusivement composée de femmes. Une volonté ? Mon équipe de 7 super-women, je les appelle. Ce ne fut pas un choix

Anne De Wolf Directeur général de l’Institut des juristes d’entreprise

d’avoir une équipe uniquement féminine. Je ne crois d’ailleurs pas dans cette distinction homme/femme. Je vois une grande différence entre les caractères des membres de mon équipe. Ce qui importe dans notre équipe est d’abord le service aux 1850 membres. Être au service des membres implique aussi avoir une connaissance des évolutions dans le monde juridique et le monde tout court. Être flexible pour s’adapter tous les 3 ans à un nouveau conseil et un nouveau président est également une exigence. Notre petite équipe est très complémentaire. Elles se comprennent sans mots et les stéréotypes de concurrence entre femmes collègues ne s’appliquent pas. Ici, il est important de se serrer les coudes quand il faut arriver à un résultat. Elles le font, comme d’ailleurs nos membres dans leurs services juridiques. Y a-t-il davantage de femmes juristes d’entreprise que d’hommes ? Nous avons l’impression que les différences hommes/femmes jouent moins dans ce métier. Pour commencer il y a 52 % de femmes pour 48 % d’hommes membres. L’enquête salariale de 2014 démontre que les femmes sont en majorité dans toutes les catégories de juristes. Sauf dans la catégorie des dirigeants. Il en est de même pour l’écart salarial. Celui-ci n’existe plus pour les jeunes juristes d’entreprise. Ce métier est essentiellement un métier

de support. La serviabilité, dans le bon sens du mot, est plutôt un trait de caractère féminin. Les femmes juristes d’entreprise ont-elles des combats particuliers à mener ? Les combats que les femmes doivent mener dans ce métier sont les mêmes que ceux que doivent mener toutes les femmes : grossesses, combinaison enfants/boulot/ménage etc. Elles n’ont rien à voir avec le métier de juriste d’entreprise.

Il est primordial, aussi pour les juristes d’entreprise, de pouvoir faire du networking. Un meilleur partage des tâches dans les jeunes ménages est une bonne chose. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui commencent une carrière de juriste d’entreprise ? Je vois de plus en plus de femmes accéder aux postes de CLO ou prendre des positions comme secrétaires généraux. Leur discrète intelligence, leur loyauté à l’entreprise, l’indépendance intellectuelle qui leur permettent de mieux conseiller sont des atouts qui seront de plus en plus importants. Il est crucial qu’elles continuent à se former non seulement en excellentes spécialistes juridiques mais également en êtres équilibrés et curieux du monde qui les entoure.

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LES MINIMES ...

SAVE THE DATES FORMATIONS COMMISSIONUNIVERSITÉ PALAIS (CUP)

... exposent

À DÉCOUVRIR DANS LES PROCHAINS MOIS :

PATRICK BLONDEAU: SÉRIE CHINE Après avoir oeuvré dans l ’univers de la publicité pendant une dizaine d’années en tant que Peintre-Illustrateur, le passage de ce jeune artiste parisien vers la toile s’est fait logiquement. Paris, Monaco, Londres, Shangai ont déjà accueilli ses toiles. En attendant, il continue sa quête intérieure, témoignant sur ses toiles du déroulement de son cheminement. Conservant l’aérographe comme outil de création, il explore divers chemins : transparences qui se superposent ... jeu de cadrage et de proportion... dépouillement chromatique... univers graphique et répétitif... en apparence !

HENNIE LENDERS Les oeuvres qu’il réalise sont le résultat audacieux d’une manière simple de travailler. La peinture, parfois complexe en apparence, en est un résultat logique. " Toute peinture est comparable à une exécution musicale : les notes sont écrites, mais le rendu diffère d’un espace à l’autre, d’un musicien à l’autre et d’un moment à l’autre. " Les oeuvres présentées sont le résultat d’un travail qui se base notamment sur la gravitation. Les peintures de Lenders ne portent pas de titres individuels mais un seul, générique : Hollandschappen, Paysages-Bas, Niederlandschaften, Dutchscapes.

Venez découvrir, chaque mois, à la rue des Minimes, une

nouvelle exposition et devenez peut-être le mécène d’un artiste contemporain. Les originaux exposés sont en effet mis en vente. Si vous souhaitez un renseignement, contactez-nous à emileetferdinand@larciergroup.com

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GAZLAR8 ISBN : 978-1-1009-4180-6

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➔ Février 2015 : Droit patrimonial des couples Liège 30 janvier - Louvain-la-Neuve 6 février - Charleroi 13 février ➔ Mars 2015 : Le Code de droit économique : principales innovations Liège 6 mars - Bruxelles 20 mars Charleroi 27 mars ➔ Avril 2015 : Droit de la responsabilité. Questions choisies Liège 24 avril - Bruxelles 8 mai Charleroi 22 mai ➔ Mai 2015 : Pas de droit sans technologie Louvain-la-Neuve 29 mai

CONFÉRENCES UB3 ➔ Lundi 9 février 2015 Actualités en droit de la responsabilité Bruxelles – ULB ➔ Lundi 27 avril 2015 Actualités en droit de la famille Bruxelles – ULB ➔ Lundi 9 mars 2015 Actualités en droit économique : la liberté d’entreprendre ou le retour en force d’un fondamental du droit économique Bruxelles – ULB

Grand colloque de lancement de la Revue européenne et internationale de droit fiscal Vendredi 20 mars 2015 (de 9h à 17h30) Paris - Bibliothèque de l'Ordre des Avocats de Paris Colloque - Droit de la responsabilité - De la détermination des responsabilités à l'évaluation du dommage Jeudi 5 mars 2015 (de 13h30 à 17h30) Louvain-la-Neuve - UCL

INFOS ET INSCRIPTIONS : Larcier Formation : 0800 39 067 formation@larciergroup.com www.larcier.com (onglet Formations-Colloques)


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