Emile& Ferdinand Gazette
2018/2 | N°28 Trimestriel gratuit Bureau de dépôt : 3000 Leuven Masspost | P-916169
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Actu Axel Beelen
Retour sur trois chantiers de mise en conformité au RGPD
8 Team spirit
JTT - Journal des tribunaux du travail : Claude Wantiez a passé le flambeau à Pierre Joassart
12 Sponsoring Le quiz de la Cour de justice de l’Union européenne
14 Rencontre
Jean Caeymaex Le Manuel des sûretés mobilières, des Éditions du Herdal aux Éditions Larcier…
Et aussi L e mot de l'éditeur . ..
ÉDITO
bonne lecture !
colophon Rédacteur en chef Dimitri Grollemund Secrétaire de rédaction Anne-Laure Bastin Équipe rédactionnelle Anne-Laure Bastin, Charlotte Claes, Muriel Devillers et Dimitri Grollemund Lay-out Julie-Cerise Moers (Cerise.be) Régie publicitaire The Future is Now sprl Soins de Laurence Thomsin 0032 471 63 67 01 info@the-future-is-now.net © Larcier Group s.a. Éditeur responsable Paul-Étienne Pimont ELS Belgium s.a. Rue Haute 139 - Loft 6 1000 Bruxelles Les envois destinés à la rédaction sont à adresser par voie électronique à emileetferdinand@larciergroup.com
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Chers lecteurs, Chers auteurs, Le RGPD est dorénavant applicable (et non plus seulement en vigueur). Le texte, présenté par tous comme la législation la plus importante en matière de protection des données à caractère personnel, peut livrer ses pleins et entiers effets. Toutefois, beaucoup d’entreprises européennes ne sont pas encore conformes au texte. C’est pourquoi, après quelques mois d’expérience du RGPD, Axel Beelen revient pour les lecteurs d’Émile & Ferdinand sur quelques chantiers de bonne conformité au texte européen : la modification de la clause vie privée, l’établissement et la tenue du registre des activités de traitement et le chantier relatif aux sous-traitants. Juriste spécialisé en protection des données à caractère personnel et en droit d’auteur, Axel Beelen a récemment publié, sous la marque Bruylant, le Guide pratique du RGPD – Fiches de guidance. L’ouvrage approfondit, grâce à des fiches de guidance courtes, claires et précises, toute l’information utile afin de réaliser au mieux la mise en conformité au RGPD et de pouvoir adéquatement répondre aux questions qui se posent sur le sujet. Depuis le 1er janvier 2018, la responsabilité de rédacteur en chef du JTT - Journal des tribunaux du travail, publié sous la marque Larcier depuis 1970, est assurée
par Pierre Joassart. Avocat aux barreaux de Bruxelles et du Brabant wallon et collaborateur scientifique à l'UCL, il succède ainsi à Claude Wantiez qui continue pour sa part à siéger dans le Comité de rédaction du JTT. L’occasion pour Émile & Ferdinand de revenir sur ce passage de flambeau. Jean Caeymaex, avocat honoraire, nous retrace la genèse et l’évolution du Manuel des sûretés mobilières dont il en est l’auteur avec Thierry Cavenaile. Édité depuis 2016 chez Larcier, le Manuel est à présent publié annuellement en livre broché et sa mise à jour est permanente et accessible sur la base de données Strada lex. Cette année encore, le quiz de la Cour de justice de l’Union européenne a rencontré un beau succès. En tant qu’éditeur d’ouvrages de référence en droit européen, le Groupe Larcier a la chance d’être partenaire de cette soirée depuis 2012.
Belles découvertes et belles lectures… L’équipe rédactionnelle d’Émile & Ferdinand
Cette gazette est la vôtre ! N’hésitez pas à proposer des articles, à formuler des suggestions, à réagir aux articles publiés et, ainsi, à faire évoluer et faire grandir Émile & Ferdinand. Adressez-nous vos messages à l’adresse suivante : emileetferdinand@larciergroup.com
ACTU
Retour sur trois chantiers de mise en conformité au RGPD Axel Beelen Juriste indépendant spécialisé en protection des données personnelles et en droit d’auteur, Axel Beelen anime aussi le site internet ipnews.be. Il a récemment suivi avec fruits la formation Solvay pour être Délégué à la Protection des Données (le fameux DPO du RGPD) des sociétés et des institutions publiques.
Allo la Terre ?
Le tremblement de terre n’a pas eu lieu. La météorite RGPD a évité la Terre. Les inspecteurs de l’Autorité de contrôle ne sont pas descendus dans les locaux de toutes les entreprises du pays pour bloquer leurs activités non conformes. Ouf ! Le 25 mai 2018 est venu et la vie a continué.
Juriste spécialisé en protection des données à caractère personnel et en droit d’auteur, Axel Beelen a récemment publié, sous la marque Bruylant, le Guide pratique du RGPD – Fiches de guidance. L’ouvrage approfondit, grâce à des fiches de guidance courtes, claires et précises, toute l’information qui vous est utile afin de réaliser au mieux votre mise en conformité au RGPD et de pouvoir adéquatement répondre aux questions qui se posent sur le sujet. Axel Beelen revient pour les lecteurs d’Émile & Ferdinand sur trois chantiers de mise en conformité au RGPD : la modification de la clause vie privée, l’établissement et la tenue du registre des activités de traitement et le chantier relatif aux sous-traitants. Toutefois, tout n’est pas vraiment comme avant. Le RGPD est dorénavant applicable (et non plus seulement en vigueur). Le texte, présenté par tous comme la législation la plus importante en matière de protection des données à caractère personnel, peut livrer ses pleins et entiers effets. Malheureusement, beaucoup d’entreprises européennes ne sont pas encore conformes au texte.
C’est pourquoi, nous aimerions approfondir ici, après quelques mois d’expérience du RGPD, quelques chantiers de bonne conformité au texte européen. Notons que la compliance au texte européen ne s’arrêtera pas là. En effet, il s’agira de toujours avoir le RGPD et ses exigences en tête dans le cadre de toutes vos activités. La mise en conformité au RGPD est un chemin qui ne s’arrête
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pas et qui s’accomplit en complément d’autres mises en conformité (à la directive NIS, à la ePrivacy, à PSD2 pour les sociétés financières, etc.). Parcourons dans le détail trois chantiers : la modification de la clause vie privée, l’établissement et la tenue du registre des activités de traitement et le chantier relatif aux sous-traitants. La réécriture de la clause vie privée
Les sociétés ont dû adapter leur clause vie privée (appelée aussi parfois « privacy statement », « charte vie privée », « politique vie privé », etc.) aux articles 13 et 14 du Règlement. Ces articles mentionnent les informations qui, dans le but d’informer au maximum les personnes concernées (= celles dont les données ont été collectées et vont, pour des besoins divers, être traitées), doivent apparaître dans cette clause vie privée. Les informations à fournir sont l’identité et les coordonnées du responsable de traitement, les coordonnées de son Data Protection Officer (DPO) (s’il en a un), les finalités des traitements pour lesquels les données ont été collectées, les (catégories de) destinataires des données personnelles, l’existence des différents droits des personnes concernées, les délais de conservation des différentes données collectées… Il ne s’agit donc pas uniquement de retranscrire fidèlement le texte du Règle-
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Comme beaucoup, vous avez certainement reçu, aux alentours du 25 mai 2018, de nombreux messages électroniques vous demandant de confirmer à nouveau que vous êtes d’accord de recevoir dans le futur des messages publicitaires électroniques de l’entreprise à l’origine du message. C’est ce que l’on a appelé dans le milieu, des messages de « re-optin », de « confirmation à nouveau ». Ces messages n’étaient pas nécessaires. Ces messages comportaient trois options : « je veux encore continuer à recevoir vos messages », « je ne veux plus en recevoir » et que le silence du destinataire devait être considéré comme un refus. Dès lors que la grosse majorité des personnes n’ont pas répondu aux emails (en matière de marketing, on parle de la règle des 3% = pour 100 messages envoyés par email, 3 auront des conséquences positives), il s’ensuit que les sociétés qui ont envoyé ces emails de re-optin ont perdu énormément de contacts pour leurs futures campagnes marketing.
ment au bas de vos pages web (là où se trouve le plus souvent la clause vie privée des entreprises), mais de l’implémenter en tenant compte du contexte des activités de l’entreprise. Le travail n’est pas facile car il importe de bien connaître l’organisme, ce qu’il fait, quelles données il traite, où sont situées ces données, qui les utilise, comment, pour quelles raisons, quels sont les logiciels pour y avoir accès et pour transmettre les données, etc.
La tenue du registre des activités de traitement
Le registre remplace l’obligation qui était imposée aux sociétés par la directive de 1995 (maintenant abrogée car remplacée par le RGPD) de déclarer leurs traitements préalablement à leur mise en œuvre.
Cet exercice se réalise dans le cadre de ce que l’on appelle un « mapping » de la société, autrement dit, une cartographie de ses données.
Dorénavant, les sociétés devront mentionner dans un registre toutes leurs activités de traitement. Elles devront mettre ce registre à disposition de leur autorité de contrôle si celle-ci leur en fait la demande.
Grâce à cette cartographie (si elle a été réalisée complètement en interrogeant tous les départements qui traitent des données personnelles), la société a une vue sur les données qui servent à ses activités.
Les déclarations de traitement pouvaient être consultées par tout le monde via les sites des autorités de contrôle. Maintenant que les registres ne sont pas publics, on s’aperçoit que la transparence sur les activités des sociétés a diminué
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d’un cran. Rappelons toutefois que les personnes concernées disposent d’un droit d’accès et de copie, mais qui ne vaut que pour leurs données. Uniquement les autorités de contrôle en cas de contrôle ou demande de renseignements disposeront dorénavant d’une vision globale sur les activités de traitement des sociétés. Notons que le texte parle d’un registre des « activités » de traitement et non d’un registre des traitements. Le registre devra contenir les informations relatives aux catégories de traitement que l’entreprise réalise. Si un traitement par après est une copie conforme d’un traitement déjà encodé, il n’est pas nécessaire de le retranscrire lui aussi. Ici aussi, le RGPD renseigne sur le contenu du registre (article 30) : nom et coordonnées du (co)responsable de traitement, les finalités des traitements, les catégories de personnes et de données concernées par le traitement, les catégories de destinataires, etc. Les autorités de contrôle nationales mettent à disposition du public des registres types, des modèles de registre. Nous vous conseillons celui de la CNIL française à remplir avec les informations qui accompagnaient le registre type (beaucoup trop compliqué : 73 colonnes !) proposé par l’APD belge. Vous avez aussi plein de logiciels proposés par des sociétés privées dont les licences varient en fonction des modules que vous proposez d’acheter en complément, des services qui accompagnent le
Axel Beelen
registre type, si vous téléchargez le logiciel ou si celui-ci reste dans le cloud, etc. Veillez à bien lire les conditions du contrat qui vous est proposé. Par exemple, celui-ci est-il facile à utiliser, dispose-t-il déjà de données préremplies, pourrez-vous facilement en mettre à disposition de l’autorité de contrôle
une copie, dans le cas où vous rompriez le contrat avec le fournisseur du logiciel, récupérez-vous uniquement vos données ou aussi le registre en son état à ce moment, pourrez-vous alors transférer facilement les données vers un autre logiciel de registre (un bon exemple de portabilité des données n’est-il pas ?), etc.
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... La mise en conformité des contrats
Un petit mot de vocabulaire pour commencer. Un responsable de traitement est celui qui détermine les « finalités » et les « moyens » du traitement. Parfois (voire le plus souvent ?), le responsable effectuera le traitement lui-même. Toutefois, il peut arriver que le responsable passe par un « sous-traitant » pour faire réaliser le traitement. Un sous-traitant est donc celui qui va traiter les données personnelles « pour le compte » du responsable du traitement. Attention à ne pas confondre « sous-traitant » au sens du Code civil et « sous-traitant » version RGPD. En effet, il pourrait arriver qu’un sous-traitant au sens du Code civil car il a beaucoup de libertés pour réaliser le traitement soit en vérité
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un coresponsable avec le responsable initial du traitement. Dans le cas de responsables conjoints, le RGPD impose en son article 26 que les coresponsables concluent entre eux un accord de coresponsabilité qui définit de manière transparente leurs obligations respectives. Le RGPD précise aussi que les « grandes lignes » de cet accord doivent être mises à la disposition des personnes concernées (comment et que doit contenir ces grandes lignes, le RGPD ne le dit pas). Dans le cas où une société a confié des activités de traitements à un sous-traitant, elle devra obligatoirement conclure un contrat avec le sous-traitant. L’article 28 du RGPD reprend le contenu minimum de ce contrat. La liste est longue et nous
y renvoyons le lecteur. À nouveau, il s’agit pour les entreprises de ne pas faire une pure copie du texte de l’article 28 du RGPD et d’en faire une annexe à leurs contrats existants. En effet, chaque contrat est différent. Chacun requiert une analyse fine des modifications à y apporter. Chaque contrat mérite que l’on se pose plusieurs questions : s’agit-il d’un contrat qui a comme conséquence des traitements de données personnelles ? Si oui, s’agitil d’un contrat avec un sous-traitant au sens du RGPD ou bien (en fonction d’une analyse poussée du cas d’espèce) sommes-nous en face d’une situation de coresponsabilité (de deux ou plus responsables conjoints) ? Les modifications à apporter à la situation contractuelle ne sont pas les mêmes. ■
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À propos de l’ouvrage Guide pratique du RGPD – Fiches de guidance Émile & Ferdinand : En quelques mots et sans reprendre ce qui vient d’être mentionné dans votre article, pourquoi parle-t-on autant du RGPD ?
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Axel Beelen : Le Règlement Général sur la Protection des Données personnelles (RGPD) est l’une des réglementations les plus importantes de ces vingt dernières années. Les données personnelles (les nom, prénom, email, géolocalisation, numéro de registre national, ADN, etc.) sont l’or noir du XXIème siècle. Rappelons que le succès de Google, Facebook, Amazon et Apple est basé sur une utilisation très intelligente et fine (mais parfois très opaque) de nos données personnelles. Il était donc normal que l’Europe modernise sa législation en la matière. Et surtout la rende plus clairement applicable aux sociétés étrangères dès que celles-ci traitent des données personnelles de citoyens européens. Il s’agit d’un Règlement européen et non d’une directive. Quelle en sera la conséquence ?
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Un Règlement européen est d’application directe (à partir d’une certaine date – ici ce fut le 25 mai 2018) et dans tous ses termes. Une directive doit être transposée nationalement pour sortir ses effets. Le RGPD va maintenant être appliqué par les citoyens, les entreprises, les institutions publiques de l’ensemble des 28
pays de l’Union. Chaque interprétation risque d’être différente. Le RGPD a institutionnalisé une institution qui aura la lourde tâche de tenter d’harmoniser et d’unifier ces interprétations. Mais il va de soi que les interprétations et les décisions administratives ou jurisprudentielles de l’ensemble des pays européens vont interagir entre elles. Je veux dire par là que, par exemple, une décision tchèque (si elle est correctement argumentée) pourrait très bien servir de début d’argumentation dans le cadre d’un litige espagnol. Le travail de veille des juristes (avocats, juristes d’entreprise ou juriste indépendant comme moi) va s’en trouver alourdi.
concrètes du RGPD sur, par exemple, la blockchain, le big data, le marketing, la directive NIS, le cloud computing. J’ai terminé l’ouvrage par des Fiches bonus dont une reprenant les mesures à prendre pour être conforme au RGPD. Nous espérons que le livre plaira et surtout qu’il sera utile aux sociétés et aux juristes dans le travail de mise en conformité et de résolution de questions qu’ils auront en la matière. ■
Quelle est la particularité de votre ouvrage ? Quelle en est son originalité ?
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De nombreux ouvrages ont et seront encore publiés sur le RGPD (les meilleurs étant chez Larcier/Bruylant bien sûr). Le sujet est vaste et en constante évolution. Plutôt que d’écrire un livre continu sur le sujet, j’ai préféré « découper » le RGPD en Fiches de guidance claires, courtes et très pratiques. Par exemple, le lecteur trouvera des Fiches sur les droits des personnes concernées, sur le DPO, sur les Autorités de contrôle, etc. Puisque la matière de la protection des données personnelles est vraiment une matière tentaculaire, j’ai aussi écrit des Fiches de guidance sur les conséquences
Guide pratique du RGPD Fiches de guidance Collection - Pratique du droit européen Bruylant - Édition 2018 - 370 p. Découvrez plus d’infos sur l’ouvrage sur www.larciergroup.com
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TEAM SPIRIT
JTT - Journal des tribunaux du travail… Claude Wantiez a passé le
flambeau à Pierre Joassart
Depuis le 1er janvier 2018, la responsabilité de rédacteur en chef du JTT Journal des tribunaux du travail, publié sous la marque Larcier depuis 1970, est assurée par Pierre Joassart. Avocat aux barreaux de Bruxelles et du Brabant wallon et collaborateur scientifique à l'UCL, il succède ainsi à Claude Wantiez qui continue pour sa part à siéger dans le Comité de rédaction du JTT. L’occasion pour Émile & Ferdinand de revenir sur ce passage de flambeau. Émile & Ferdinand : Pouvez-vous nous retracer brièvement votre parcours professionnel ?
Pierre Joassart Avocat aux barreaux de Bruxelles et du Brabant wallon et collaborateur scientifique à l'UCL. Rédacteur en chef du JTT.
Claude Wantiez Avocat au barreau de Bruxelles, chargé de cours aux Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur et à l’ICHEC. Rédacteur en chef du JTT de 1981 à 2017.
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Claude Wantiez : Mon parcours professionnel est,
pour partie, indissociable de celui du JTT. Avocat depuis 1968, j’ai toujours été séduit par le droit social et particulièrement, le droit du travail. Pendant l’année de mon troisième doctorat – on terminait à l’époque docteur en droit – j’ai suivi les cours d’une licence spéciale en droit social. C’est à cette occasion que j’y ai rencontré Marcel Taquet, professeur qui allait devenir mon « maître de stage » et avec lequel j’ai collaboré de très longues années. C’est Marcel Taquet qui, avec Jean Dal, alors rédacteur en chef du Journal des tribunaux et Louis Duchâtelet, magistrat à la Cour de Cassation ont eu l’idée d’accompagner la naissance des juridictions du travail – dénommées auparavant conseils de prudhommes – de la création d’une publication régulière dédiée à leurs décisions.
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Pierre Joassart : J’ai embrassé la carrière d’avocat en 2004, au sein du cabinet Taquet, Clesse & van Eeckhoutte. J’ai ensuite rejoint le cabinet Gérard & Associé en qualité d’associé en 2011, pour ensuite fonder mon propre cabinet,
TEAM SPIRIT
Deckers & Joassart, en 2016. En parallèle, j’ai été assistant à l’Université catholique de Louvain de 2004 à 2017. Je l’ai été également deux ans à l’Université libre de Bruxelles. Je suis, depuis 2017, collaborateur scientifique à l’U.C.L. Le Journal des tribunaux du travail existe depuis plus de 45 ans. Quelles ont été les dates clés de l’histoire du JTT depuis sa création en 1970 ?
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Comment s’est fait le passage de relais entre vous ?
Claude Wantiez : C’est dans ces circonstances que – le
15 avril 1970 – le Journal des tribunaux du travail a vu le jour : j’en étais un des secrétaires de rédaction avec, notamment, Thierry Claeys et Guy Rommel, ce dernier étant toujours en fonction.
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e Journal était le petit frère du Journal des tribunaux. Mais, d’emblée, il s’en distinguait par son bilinguisme : les décisions publiées provenaient de toutes les juridictions du pays et les sommaires étaient, comme aujourd’hui, rédigés dans les deux langues. Ce qui a progressivement évolué, c’est le volume : bimensuel au départ, le journal est devenu trimensuel en 1984. En 1992, pour renforcer le caractère national de la publication, le titre du journal a abandonné sa connotation francophone pour devenir un sigle, le JTT …
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Claude Wantiez : Le passage de relais s’est passé sans aucun problème. Je connaissais personnellement Pierre pour avoir collaboré avec lui au bureau Taquet : il a, je pense, ce mélange de pragmatisme et de connaissance scientifique qui fera de lui un bon rédacteur en chef. J’ai d’ailleurs le plaisir de continuer à faire partie du comité de rédaction et, donc, de prendre part aux réunions qu’il organise – plus souvent, du reste, que je ne le faisais …
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Pierre Joassart : De la meilleure des manières. Le pas-
sage de flambeau s’est décidé aux environs du mois de juillet 2017, ce qui a permis de préparer la transition jusqu’au mois de janvier 2018 et de réaliser un renouvellement partiel du comité de rédaction.
Comment s’organise la rédaction du JTT ?
Avez-vous des anecdotes relatives au JTT à nous raconter ?
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Claude Wantiez : Je n’ai pas d’anecdotes particulières
à raconter : le JTT a toujours tourné tout seul, sans accrocs. L’équipe n’a jamais subi de pression pour orienter les publications dans telle ou telle direction : le JTT a toujours été indépendant, il n’a jamais été le journal des syndicats, pas plus que celui de la F.E.B.
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Pierre Joassart : J’ai tout de suite perçu, à mon arrivée, l’esprit de respect mutuel et d’amitié qui caractérise l’équipe du JTT. C’est une équipe qui fonctionne (et dont les membres s’apprécient) depuis de très nombreuses années et cela se manifeste par de nombreux automatismes. Mon objec-
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TEAM SPIRIT
... tif a été de conserver autant que possible ces habitudes, qui constituent les rouages essentiels du fonctionnement du JTT. Concrètement, le travail de fond consiste en la sélection des décisions pertinentes, la rédaction des sommaires et leur traduction. Tous les membres du comité de rédaction s’occupent de ces tâches. Le rédacteur en chef a, en plus, une fonction de coordination et d’animation. Il s’occupe, par ailleurs, des relations avec les auteurs de doctrine et veille à la qualité scientifique des contributions, notamment par le biais du peer review. Comment voyez-vous l’avenir de la revue ?
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Pierre Joassart : Florissant, bien entendu ! Plus sérieu-
sement, je suis convaincu que le JTT restera une publication de référence dans les prochaines années. Mon objectif est de rééquilibrer le nombre de décisions publiées en néerlandais, pour préserver la richesse d’une des dernières revues bilingues en droit social. Les contributions doctrinales sont déjà aussi nombreuses en néerlandais qu’en français et je m’en réjouis. Quels sont les défis auxquels le JTT devra faire face dans les prochaines années ?
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Pierre Joassart : Comme toutes les revues, le JTT
devra tenir compte, à l’avenir, d’une numérisation croissante, d’une part, et d’un accès direct des praticiens à l’ensemble des décisions de justice, d’autre part. En ce qui concerne la numérisation, il est évident que les plus jeunes générations consultent plus le JTT par le biais de Strada lex qu’en le lisant tous les dix jours… Il faut, à mon sens, autant préserver le plaisir et l’intérêt du lecteur « papier », qui doit pouvoir lire le JTT comme un bon livre (ou presque…) que de faire en sorte que les décisions pertinentes soient facilement identifiables dans un moteur de recherche. D’autre part, il y aura certainement, à l’avenir, des canaux de transmission plus exhaustifs des décisions de justice : même si nous n’y sommes pas encore (loin s’en faut…), il arrivera certainement un moment où toutes les décisions de justice seront disponibles en ligne. Le JTT continuera à avoir pour « valeur ajoutée » de sélectionner les décisions les plus pertinentes et de fournir une catégorisation pertinente de ces décisions. Dès à présent, le JTT doit démontrer son importance par rapport à d’autres médias qui publient (à l’instar de l’excellent site www.terralaboris.be) déjà des décisions de jurisprudence, le cas échéant commentées, en de très brefs délais. Le JTT devra donc continuer à démontrer son utilité et sa valeur ajoutée. Je dois dire qu’il a toutes les cartes en main pour répondre à ce double défi. ■
LE MOT DE L'ÉDITEUR
Prix du livre de la pratique juridique Le samedi 6 octobre 2018, le Prix du livre de la pratique juridique a été remis à Marie Cresp, maître de conférences de droit privé à l’Université Bordeaux Montaigne et Marion Ho-Dac maître de conférences de droit privé à l’Université Polytechnique Hauts-de-France pour l’ouvrage Droit de la famille Droits français, européen, international et comparé, paru aux éditions Bruylant et co-écrit avec Sandrine Sana-Chaillé de Néré, Professeur à l'Université Montesquieu de Bordeaux et feu Jean Hauser, Professeur émérite de l’Université Montesquieu – Bordeaux IV.
Toutes nos félicitations à elles !
L’EUROPE AU PRÉSENT ! Le 24 septembre 2018, les Mélanges L’Europe au présent ! (Liber amicorum Melchior Wathelet) édités sous la marque Bruylant ont été remis au Premier avocat général Melchior Wathelet par le Président de la Cour de justice de l’Union européenne Koen Lenaerts et le Ministre de la justice de Belgique Koen Geens. Cette remise a été suivie d’une réception qui a réuni de nombreux hauts praticiens européanistes dans les locaux du siège d’ELS Belgium à Bruxelles. 2018/2|N°28|Emile & Ferdinand|11
SPONSORING
Le quiz de la Cour de justice de l’Union européenne Cette année encore, le quiz de la Cour de justice de l’Union européenne a rencontré un beau succès. En tant qu’éditeur d’ouvrages de référence en droit européen, le Groupe Larcier a la chance d’être partenaire de cette soirée depuis 2012.
Événement annuel et soutenu par l’Amicale des référendaires, le quiz de la Cour de justice de l’Union européenne est né à l’initiative de deux référendaires en 1999. Si l’objectif initial du quiz, à savoir réunir le personnel de la Cour autour d’une soirée conviviale et ludique, mais également collecter des fonds au profit d’associations caritatives, est toujours le même depuis presque 20 ans, le nombre de personnes impliquées dans son organisation et son ampleur n’ont cessé de croître au fil des ans.
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Le quiz voit
s’affronter pas moins de 50 équipes de 6 personnes
Devenu l’un des événements phares des activités sociales de la Cour, le quiz voit s’affronter pas moins de 50 équipes de 6 personnes autour de questions, posées en français et en anglais, portant sur des sujets aussi divers et variés que l’actualité, l’art, le sport, l’histoire, la géographie, la gastronomie, avec parfois des ingrédients ou des parfums à identifier à l’aveugle, sans oublier le Luxembourg où la Cour de justice de l’Union européenne a son siège. L’engouement est tel que, chaque année, les inscriptions sont clôturées en l’espace de quelques minutes ! Pour faire vivre cette soirée, une soixantaine de bénévoles, ayant tous en commun de travailler à la Cour de justice de l’Union européenne, se mobilise chaque année. Le quiz est donc aussi une occasion pour des personnes appartenant à des services différents de se retrouver afin de préparer cet événement dans une ambiance chaleureuse. Chacun sa spécialité ! Un groupe d’une dizaine de personnes venant d’horizons géographiques différents élaborent les questions les plus variées possibles afin de couvrir le plus largement possible la culture européenne, un autre est chargé du sponsoring, sans compter tous les volontaires qui, l’après-midi et le soir du quiz, veillent à la bonne marche de la soirée ! L’ensemble des profits collectés est reversé à des associations caritatives, tant internationales que locales, choisies chaque année par les organisateurs, mais selon une clé de répartition qui est décidée lors du quiz par les participants. En 2018, plus de 13.000 euros de bénéfices vont ainsi être reversés à SOS Villages d’enfants, Avocats Sans Frontières, Femmes en détresse ou encore l’association Walking In the Streets’ Essence. ■
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Le Manuel des sûretés mobilières, des Éditions du Herdal aux Éditions Larcier… Jean Caeymaex, avocat honoraire, nous retrace la genèse et l’évolution du Manuel des sûretés mobilières dont il en est l’auteur avec Thierry Cavenaile. Édité depuis 2016 chez Larcier, le Manuel est à présent publié annuellement en livre broché et sa mise à jour est permanente et accessible sur la base de données Strada lex. Étant avocat depuis 1969, j'ai été amené à pratiquer la matière des sûretés dans le cadre de mon activité de curateur de faillites et liquidateur. J'ai progressivement constitué une documentation que j'ai cherché, ayant pris goût à la matière, à rendre la plus exhaustive possible et à tenir à jour au fil des évolutions légales, doctrinales et jurisprudentielles. M'est alors venue l'idée que cette documentation pouvait être utile à d'autres en la proposant sous une forme permettant une actualisation rapide et permanente de la matière, ce qui n'est pas le cas des traités, pourtant nombreux et de qualité, qui traitent de la matière des sûretés. Ainsi est née la première édition du Manuel des sûretés mobilières publiée
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en 1985, en un classeur sur feuillets mobiles. Au fil de l'évolution de la matière, des mises à jour ont été publiées au rythme de trois à quatre par an, en fonction des nécessités. L'ouvrage a pris progressivement de l'ampleur, en deux puis trois classeurs. Fin 2015, trente ans après la sortie de presse, 82 mises à jour avaient été publiées. La rédaction des mises à jour est le fruit d'un suivi permanent de la matière par la consultation de la législation, de la doctrine et de la jurisprudence, soit le dépouillement du Moniteur et d'une bonne vingtaine de revues. Ce suivi de la matière est inhérent à l'exercice de la profession et ne demande donc pas un investissement particulier. Il est parfois
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enrichi par des décisions intéressantes communiquées par des confrères et par des demandes d'avis (à inscrire au Grand Livre des consultations gratuites …). L'envoi des mises à jour imprimées avait lieu lorsque la matière justifiait l'édition de 40 à 50 pages environ. Entre-temps, les principales nouveautés étaient disponibles sur le site web de l'ouvrage en attendant la sortie de presse de la mise à jour. Ayant atteint l'âge de la retraite, je suis devenu avocat honoraire en 2008 ce qui m'a laissé tout loisir de poursuivre ce travail d'auteur et de préparer l'avenir. En 2014, j'ai été rejoint par Me Thierry Cavenaile, avocat et curateur de faillite, qui a accepté de reprendre progressivement le flambeau. En 2016, nous avons été approchés par le Groupe Larcier et un accord est intervenu, aboutissant à la poursuite de la publication du Manuel dans sa forme actuelle. Dès le départ, le but du Manuel était de fournir une documentation aussi exhaustive que possible en matière de sûretés réelles mobilières et surtout de la mettre
à jour constamment et rapidement. Ce souci d'une information actualisée et pertinente répond à un réel besoin des praticiens de la matière. L'accès au Manuel via une banque de données comme Strada lex répond mieux encore à ce besoin. La loi sur les sûretés mobilières, le livre XX du Code de droit économique, la réforme du droit des sociétés, celle du Code civil témoignent d'une créativité législative presque fébrile. Ces nouveautés législatives génèrent à leur tour doctrine et
jurisprudence. Les traités classiques ne peuvent rendre compte de ces évolutions sans être rapidement dépassés. Les Éditions du Herdal publiaient également Fonds de commerce et contrats, autre ouvrage sur feuillets mobiles et régulièrement mis à jour que j'avais rédigé en 1997 avec mon associé feu Me Jean Materne. Cette publication a été abandonnée, faute d'un repreneur pour la poursuivre. ■
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LE MOT DE L'ÉDITEUR
Vidéo RÉSUMÉ du Colloque La boîte à outils de l’avocat
Vous n’étiez pas présent au colloque du 27 avril dernier organisé par le Barreau de Bruxelles ? Nous avons réalisé pour vous une vidéo résumé de cette journée riche en informations.
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GAZLAR28 ISBN : 978-1-1091-9609-2
16|Emile & Ferdinand| N°28 |2018/2