Managing Lawyer - Numéro 11 - 2019/1

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L’entrepreneur éthique – Der ethische Unternehmer

managing lawyer Vidéo plaidoirie

GAZMALAW11

Video-Plädoyer

01.2019 | N.11

Éditeur responsable : Paul-Etienne Pimont, Rue Haute 139/6, 1000 Bruxelles

NUMÉRO SPÉCIAL - Le coworking

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Trimestriel – janvier/février/mars P921171 - Bureau de dépôt : 3000 Leuven MassPost

@managinglawyer

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Innovation durch Legal Design

Eine interne Weiterbildungspolitik erstellen

Innover avec le legal design

Adopter une politique de formation interne

#ManagingLawyer


Nouveautés à ne pas manquer Dire et écrire le droit en français correct

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Profession

Jennifer Waldron

Avocate au barreau de Bruxelles — Sybarius http://www.sybarius.net j.waldron@sybarius.net

« Le texte au théâtre, c’est ce qu’il y a de moins important. Ils n’entendent qu’une phrase sur deux. » (Jean Anouilh) Ce n’est pas vrai de la plaidoirie. La plaidoirie c’est la cohabitation de la voix, du corps et du texte. La vidéo plaidoirie permet-elle de préserver toutes les vertus de la communication orale ? Est-ce une autre forme de prise de parole ? Voici quelques conseils pratiques consacrés à la vidéo plaidoirie devant les juridictions civiles1.

L’AVOCAT LOIN DE LA COUR LA VIDÉO PLAIDOIRIE Der Anwalt fernab des Hofes Das Video-Plädoyer Zusammenfassung „Der Text im Theater ist das Unwichtigste. Sie hören nur einen von zwei Sätzen.“ (Jean Anouilh) Dies trifft nicht auf die mündliche Verhandlung zu. Das Plädoyer ist das Zusammenspiel der Stimme, des Körpers und des Textes. Kann das Video-Plädoyer die Tugenden der mündlichen Kommunikation bewahren? Handelt es ich hierbei um eine andere Form des Wortergreifens ? Hier finden Sie einige praktische Ratschläge zum Thema Video-Plädoyer vor den Zivilgerichten (1).

1. Avec de l’ancien on ne peut pas faire des choses neuves La plaidoirie n’est ni un divertissement dans un jargon prestigieux ni un spectacle télévisuel. C’est un outil précieux dans la défense du client. Or plaider à travers un écran ou face à face, ce n’est pas la même chose.

Quelle importance ? Oui quelle importance puisque, paraît-il, l’on gagne du temps, c’est économique et c’est ­inéluctable (argument fallacieux du marteau en or). Donc on n’en discute pas ! (argument fallacieux de la tabouisation) C’est perdre de vue que la finalité de la justice c’est la paix sociale.

1. Si la loi a réglementé « l’utilisation de la vidéo conférence pour la comparution d’inculpés en détention préventive » (M.B., 19 février 2016), il n’y a rien en matière civile à part, à titre d’exemple, l’achat d’une maison via le notaire (loi du 6 juillet 2017, M.B., 24 juillet 2017).

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Profession

Le juge doit pouvoir trouver la solution la plus juste dans le respect des droits de chacune des parties.

automatique pointée sur le juge et une caméra destinée à donner une vue d’ensemble de la salle.

Toute introduction d’une technologie doit servir ce but.

Dans les trois autres sites, les plaideurs et leur client disposeront d’un ordinateur ou d’un écran équipé d’une Webcam, un micro, un système audio et une connexion à haut débit, des appareils portables feront aussi l’affaire.

Le ministère de la Justice britannique l’a compris en consacrant un billion de livres sterling à son programme de modernisation de la justice. Chez nous quelques expériences sont tentées. Les outils de plaidoiries en vidéo ont été installés dans des salles d’audiences traditionnelles. Ils ont été utilisés de manière à renforcer chez les utilisateurs le sentiment de participer à une audience traditionnelle. Ce mélange ne me semble pas heureux. C’est toute la géographie spatiale et le rituel d’une audience traditionnelle qui doivent être repensés et codifiés. La relation par vidéo n’est pas un décalque de la relation en « co-présence ». Ce n’est pas une relation à l’identique dans laquelle seul le support aurait changé.

2. Un petit tour dans le tribunal civil virtuel Imaginons quatre sites géographiquement distants : la salle d’audience traditionnelle dans laquelle se trouvent un ou trois juges et un plaideur, une pièce dans laquelle se trouve un plaideur, une pièce dans laquelle se trouve un autre plaideur, une pièce dans laquelle se trouve un client. Quel est le matériel indispensable ? • Les caméras Dans la salle d’audience idéalement il faut prévoir deux caméras : une caméra de localisation 2 | managing lawyer | 01.2019 | N.11

• L’écran dans la salle d’audience L’écran doit pouvoir être utilisé pour trois types de plans différents : –  le plan rapproché pour transmettre les images des participants des autres pièces ; –  le plan d’ensemble pour donner une vue d’ensemble de la situation ; –  le plan d’information pour transmettre et visionner des documents. Actuellement la vétusté et la configuration non adaptée de nos salles d’audience posent un problème si l’on veut installer le matériel de façon optimale.

3. Le juge aux manettes Dans les expériences de vidéo plaidoirie pratiquées en France, je n’ai vu qu’une seule caméra dans la salle d’audience et c’est généralement le juge qui a pris en charge le maniement de la télécommande (Renne, Paris), parfois elle a été dévolue à l’huissier (Grenoble). Si le juge est aux manettes, il doit posséder des compétences ou des connaissances cinématographiques. Si c’est un technicien, il doit posséder des connaissances juridiques et connaître le déroulement d’un procès. En effet la caméra est mobile.

Pendant l’audience, celui qui manie la télécommande modifie l’angle selon ce qui est en train de se dérouler et qu’il considère comme devant être montré. Ce système fait peser des contraintes sur la personne en charge de la télécommande laquelle doit produire en permanence des images pertinentes et équilibrées à peine d’être soupçonnée de parti pris. En effet afin de garantir l’objectivité, chaque participant doit être montré de la même manière à l’écran. La lumière doit être telle que les expressions du visage soient facilement perceptibles, qu’il n’y ait pas d’ombre autour des yeux et pas de reflets dans l’écran. La personne à la télécommande doit maîtriser le champ et le hors champ. Elle doit veiller à faire paraître les acteurs du procès de manière équilibrée en évitant de donner trop d’importance aux uns en laissant d’autres hors champ avec le risque de les faire apparaître comme étant de moindre importance. Filmer longtemps en contreplongée c’est donner une vue sur les cheveux qui ne sont pas toujours là, de profil c’est allonger le nez et donner l’impression d’un cyclope puisqu’on ne voit qu’un seul œil. Il faut aussi gérer les plans d’écoute où l’on voit réagir l’adversaire. Même avec les dispositifs les plus avancés disponibles actuellement, il subsiste un léger décalage entre la réception de l’image et la réception de son correspondant. Le risque est donc celui d’une superposition de voix du fait qu’à l’écran de manière trompeuse


Profession

Oui il existe une forme de plaidoirie adaptée à l’écran.

apparaîtra une personne qui a terminé de ­parler. Il faudra alors revoir les tours de paroles, en les sériant pour empêcher ces chevauchements.

À cet égard vouloir reproduire à l’identique l’interaction d’une présence réelle entre le juge et l’avocat est une erreur.

Vous trouverez dans le numéro 10 de Managing Lawyer des conseils sur la manière de parler et de se comporter en vidéoconférence.

Ainsi lorsqu’un plaideur fait face à un juge, il peut communiquer avec une certaine force, énergie et inflexibilité. Il en va autrement avec la vidéo, tout geste qui donne une impression de « brutalité » ou de véhémence doit être banni. Il s’agira de laisser transparaître une impression de calme avec des gestes lents et plus coulés.

Nous ne sommes pas des purs cerveaux qui s’adressent à d’autres cerveaux.

Oui il existe une forme de plaidoirie adaptée à l’écran.

Pour les tenants du pur cerveau, la plaidoirie est inutile.

Voilà une mauvaise nouvelle pour ceux qui pensaient s’être débarrassés de la plaidoirie au motif que la vidéo plaidoirie ne serait qu’une forme dégradée de la plaidoirie et qu’à terme elle viendra à disparaître.

4. L’avocat loin de la Cour

la qualité de la connexion et de l’assurance que tous les participants sont présents sur l’écran (« Me X vous êtes visibles à l’écran et on vous entend ; Est-ce que vous nous entendez et vous nous voyez ? »). Quand le tableau est complet, le Président peut déclarer la séance ouverte. Il faut s’armer de patience car bien souvent les connexions sont capricieuses et l’audience se passera en soupirs et agacements à constater que « ah nous avons perdu Me X », « Me Z votre tête est sur la crête de l’écran… ».

6. Perspectives

5. La réécriture de la dramaturgie de l’audience

Au moment où j’écris ces lignes, la vidéo plaidoirie fait l’objet d’expériences isolées dans certaines juridictions du pays. Curieusement les participants à ces expériences se sont déclarés autosatisfaits. Ce que j’ai pu voir m’a laissée très sceptique…

Or les expressions corporelles du visage, des regards, des gestes sont des éléments de la communication et donc de l’appréciation du juge.

Dans une audience classique, la sonnerie annonce l’entrée du magistrat lequel déclare l’audience ouverte et invite les présents à s’asseoir – ce qu’ils font généralement.

Il y a toutefois une véritable volonté politique – que l’on voit au gré des réformes – de développer ce genre de pratique au nom de la modernité et d’impératifs économiques.

Dans son ouvrage La justice digitale (PUF), Antoine Garapon souligne que dans la vidéo plaidoirie, « L’acte du juge se prive d’une masse d’informations et d’interprétations qui passent la plupart du temps par la conscience ».

La vidéo plaidoirie oblige à remodeler et à réécrire les règles sur la tenue et le déroulement des audiences.

De manière assez subtile, la vidéo plaidoirie pour les affaires civiles nous sera d’abord proposée sous forme de choix.

La sonnerie et l’invitation à s’asseoir peuvent passer à la trappe.

On peut dans un premier temps faire une utilisation intelligente de l’outil en choisissant de la réserver aux affaires simples, à celles dont l’enjeu est de faible valeur, à celles dont l’enjeu est plutôt financier ou technique.

C’est l’illusion créée par Descartes qui ferait penser que le cerveau est une machine à penser entourée d’un corps, lequel ne serait qu’un support gênant, parfois désagréable dont on ne doit pas tenir compte.

Faut-il en déduire qu’en l’absence de ces informations il ne pourrait y avoir d’autres informations toutes aussi précieuses précisément liées à l’utilisation de la vidéo. En d’autres termes, l’écran ne fait pas nécessairement écran si on sait l’utiliser.

À titre d’exemple une pré-audience est nécessaire. Le greffier téléphone aux différents intervenants pour s’assurer qu’ils sont présents et que les connexions sont établies. Les différents échanges entre le président et les intervenants sont orientés vers la ratification de

Sans doute ces critères sont critiquables, après tout dans toute affaire il y a toujours un aspect humain, même celles à faible valeur ou celles présentant un côté technique. N.11 | 01.2019 | managing lawyer | 3


Profession

Par ailleurs offrir le choix au client peut avoir comme conséquence de créer une inégalité entre ceux qui peuvent s’offrir le prix d’une plaidoirie sans écran et ceux qui sont obligés de choisir la vidéo plaidoirie.

– Nos conseils En raison du travail supplémentaire face au flux de l’activité dans le déroulement du procès, il serait préférable de confier la télécommande à un technicien formé aux audiences judiciaires. Les barreaux devraient proposer des formations adaptées. Ces formations devraient envisager toutes les configurations possibles. En effet la plaidoirie en vidéo sera différente selon la distribution des personnes dans l’espace selon que l’on a son client près de soi ou que l’on est seul dans un local, ou dans la salle d’audience ou selon le nombre d’intervenants ou selon la complexité de l’affaire. Avant toute participation à une vidéo plaidoirie veillez à demander le protocole. Se former, se former, se former. Entrer dans le jeu et participer à l’élaboration des règles juridiques, éthiques et déontologiques d’utilisation de la vidéo plaidoirie dans le procès. Il ne sert à rien d’opposer une période qui serait un âge d’or de la plaidoirie à notre époque qui serait caractérisée par une plaidoirie appauvrie.

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Financier

Stéphan Raty

Réviseur d’entreprises associé SPRL 3R, Leboutte & Co — s.raty@3rco.be http://www.3rco.be

Alizée Vanspouwen

Auditrice financière SPRL 3R, Leboutte & Co — http://www.3rco.be

La réalisation d’un audit d’acquisition (comptable ou juridique) ne doit pas être négligée dans la procédure de reprise d’une société ou d’un cabinet d’avocats. Il permettra de confirmer les

AUDIT D’ACQUISITION : ÉTAPE INDISPENSABLE LORS DU RACHAT D’UNE ENTREPRISE OU D’UN CABINET D’AVOCATS ? Akquisitionsprüfung: ein wesentlicher Schritt bei der Übernahme bzw. Kauf eines Unternehmens oder einer Anwaltskanzlei? Die Durchführung einer Erwerbsprüfung (buchhalterische oder rechtliche Prüfung) sollte bei der Übernahme eines Unternehmens oder einer Anwaltskanzlei nicht vernachlässigt werden. Diese Prüfung dient dazu, die vom Zielunternehmen bereitgestellten Informationen zu bestätigen. Durch die Identifizierung der Hauptrisiken, die mit der Übernahme bzw. dem Kaufs verbunden sind, können diese durch Einführung von Klauseln in den Verkaufsvertrag abgedeckt werden. Schließlich kann der ausgehandelte Übernahmepreis bestätigt oder dessen Bedingungen festgelegt werden. In diesem Zusammenhang ist eine interprofessionelle Zusammenarbeit zwischen Fachleuten (Wirtschaftsprüfern, Buchhaltungsexperten) und Rechtsanwälten unerlässlich. Der Anwalt kann im Rahmen der Akquisitionsprüfung auch als Koordinator aller Beteiligten fungieren. Die Rolle des Anwalts beschränkt sich nicht nur auf die rechtliche Prüfung des Zielunternehmens, sondern begleitet auch den Abtretenden oder den Übernehmer während des gesamten Verfahrens der Übernahme des Unternehmens. Er kann ebenfalls auch die rechtliche Gültigkeit der Absichtserklärung und der Abtretungsvereinbarung sowie der Klauseln bestätigen, die nach Abschluss der Erwerbsprüfung eingeführt werden.

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Financier

informations transmises par la société cible. Il permettra également de relever les principaux risques liés à la reprise et de couvrir ceux-ci via l’introduction de clauses dans la convention de cession. Il permettra, enfin, de confirmer le prix de cession négocié ou d’en fixer les modalités. Dans ce cadre, une collaboration interprofessionnelle entre les professionnels du chiffre (réviseurs d’entreprises, experts-comptables) et les avocats est indispensable. L’avocat peut également jouer le rôle de coordinateur de l’ensemble des intervenants dans le cadre de l’audit d’acquisition. Le rôle de l’avocat ne se limitera pas à la réalisation de l’audit juridique de la société cible, il accompagnera également le cédant ou le cessionnaire tout au long de la procédure de reprise de la société. Il permettra également de confirmer le bien-fondé juridique de la lettre d’intention et de la convention de cession ainsi que des clauses qui y seront introduites suite à la réalisation de l’audit d’acquisition.

Lors de la cession d’une entreprise ou d’un cabinet d’avocats, le cessionnaire peut requérir du cédant la réalisation d’un audit d’acquisition, également appelé « due diligence ». Dans ce cadre, un ou plusieurs expert(s) externe(s) intervien(nen)t afin de rassurer l’acquéreur sur la qualité des informations reçues par l’entreprise cible. L’audit d’acquisition permet également d’identifier et de quantifier les risques significatifs pour l’acheteur. L’accès à une information complète de qualité permet à l’acquéreur et au vendeur de s’accorder sur le prix de cession et donc de conclure le contrat de vente. Il permet également au cessionnaire de se couvrir des principaux risques relevés par l’introduction de clauses spécifiques dans la convention de cession.

L’avocat ou le réviseur d’entreprises peut jouer un rôle de coordination de l’ensemble de ces intervenants.

Positionnement dans le processus de reprise/cession D’une manière très synthétique, le processus de reprise ou de cession d’une entreprise est un processus long qui peut être divisé en 4 étapes importantes : la préparation de la cession, la due diligence, la conclusion du contrat de cession et « l’après-cession ».

1. La préparation de la cession

Typologie des audits d’acquisition

a. Préparer les informations

Dans le cadre de la réalisation d’un audit d’acquisition complet, plusieurs audits peuvent être réalisés. En plus de l’audit comptable et financier, qui s’avère le plus souvent indispensable, on peut également recourir aux audits suivants, dépendant de la nature et de la complexité de la société cible : – fiscal ; – juridique ; – social ; – opérationnel ; – urbanistique et environnemental ; – technologique ; – etc.

La première étape, pour le vendeur, est de se poser les bonnes questions avant de commencer le processus (Quel est son objectif ? Est-ce le bon moment ? Quelle est la fourchette de prix raisonnable ? Etc.).

Ainsi, un audit d’acquisition complet requiert l’intervention d’experts dans différents domaines. Si le réviseur d’entreprises ou l’expert-comptable peut réaliser l’audit comptable et financier de l’entreprise et poursuivre en matière d’évaluation, l’acquéreur pourra également demander l’intervention d’avocats, d’experts fiscaux, ainsi

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que d’experts dans d’autres domaines tels que l’immobilier, l’urbanisme, l’informatique, etc.

Ensuite, et avant la prise de contact avec de potentiels acheteurs, il faut que le vendeur, à l’aide d’un conseiller, rende sa société attrayante et améliore la qualité des informations juridiques et financières qu’il est susceptible de fournir. Une des erreurs courantes est de négliger cette étape. Les demandes de procéder à un audit d’acquisition ne sont pas uniquement issues d’acheteurs potentiels. Il se peut que le vendeur ait recours à un audit d’acquisition avant d’entamer les négociations. Une due diligence vendor lui permettra de mieux présenter la société cible, de préparer les éventuelles questions des acheteurs potentiels et d’accélérer la négociation. Cela permettra au final au vendeur de maximiser le prix qu’il pourra obtenir de son entreprise.


Financier

Lors de cette phase de préparation des informations, le vendeur, qu’il ait recours ou non à une due diligence vendor, réalisera, le plus souvent, un diagnostic général de l’entreprise dans un dossier de cession (souvent appelé « mémorandum d’informations ») à destination des acheteurs potentiels. b. Négociation Une fois le mémorandum d’informations disponible, la négociation sur les modalités de la cession pourra être entamée. L’objectif pour les acquéreurs, lors de cette étape, est de prendre connaissance des informations mises à leur disposition et d’échanger avec le cédant. Si plusieurs acheteurs sont intéressés par l’acquisition de l’entreprise, la négociation continuera jusqu’à ce qu’il y ait un accord entre le cédant et un des acheteurs potentiels sur les éléments qui seront repris dans la lettre d’intention. Dans le cadre de la négociation et de la remise de son offre, nous conseillons à l’acquéreur potentiel de réaliser, au minimum, une première revue analytique des comptes de la société cible et de ne pas prendre les informations transmises pour argent comptant. Nous relevons effectivement trop souvent que les acheteurs attendent la réalisation de l’audit d’acquisition, après la signature de la lettre d’intention, afin d’avoir un regard critique sur les données qui leur sont transmises. Il est également tout à fait possible que l’audit d’acquisition soit réalisé dès cette étape, en prenant soin de faire signer les clauses de confidentialité adéquates à l’ensemble des intervenants. c. Lettre d’intention La lettre d’intention est, le plus souvent, rédigée par l’acquéreur à destination du vendeur et reprend

une offre chiffrée qui servira de base pour le reste de la procédure. Elle sera généralement signée par les deux parties. L’objectif de la lettre d’intention est de définir le cadre général pour la suite des opérations, dont l’organisation éventuelle d’un audit d’acquisition, quand il ne reste plus qu’un candidat acheteur. Elle s’avère également utile afin de s’assurer que l’acquéreur potentiel a réellement l’envie de procéder à l’achat de la société cible. Dans le cadre de l’établissement de ce document, il est fortement conseillé d’être accompagné par un avocat afin d’en confirmer son contenu et afin de confirmer certaines spécificités juridiques. Par exemple, la lettre d’intention pourrait valoir vente en cas d’échange de consentement sur la chose et le prix. Les modalités relatives au prix de cession (variable ou fixe, avec compléments, délais de paiement, etc.), les conditions de vente, les conditions suspensives, les bases sur lesquelles une renégociation du prix peut être envisagée, ainsi que l’influence que peut avoir l’audit d’acquisition sur l’offre doivent être clairement indiquées.

2. La due diligence L’audit d’acquisition n’intervient donc dans la plupart des cas pas de suite dans le processus de transmission : il est réalisé, le plus souvent, entre la signature de la lettre d’intention et la signature de la convention de cession afin de confirmer ou d’infirmer les engagements pris. Même dans ce cas, nous conseillons la réalisation d’un premier « pré-audit » avant la signature de la lettre d’intention. En effet, l’offre de prix reprise dans cette dernière ne pourra être modifiée que de manière marginale sur la base des conclusions des différents audits. La surévaluation manifeste de la société lors de l’étape précédente pourra difficilement être

rattrapée et la vente ne sera alors souvent pas finalisée. Pour le réviseur d’entreprises ou l’expertcomptable, la mission d’audit d’acquisition comprend trois objectifs globaux récurrents : une vérification des méthodes d’évaluation de l’entreprise qui ont été utilisées pour fixer le prix, une analyse de risque et une revue de la qualité des données financières fournies par l’entreprise cible, dont, éventuellement, le plan financier. Les procédures de vérification qui seront mises en place lors de l’audit d’acquisition (comptable ou juridique) dépendront entièrement des objectifs que le client s’est fixés. Cela permettra, dans certain cas, de réduire le coût des audits en les concentrant sur les zones à risques les plus importantes.

3. La conclusion du contrat de cession Une fois l’ensemble des audits réalisés, une dernière négociation peut être réalisée et le prix peut être définitivement fixé. Les éléments relevés durant les différents audits devront alors être revus afin d’éventuellement les introduire dans la convention de cession sous la forme de clauses spécifiques (garanties, déclarations, etc.). Dans le cadre de la rédaction de la convention de cession, l’avocat a, à nouveau, un rôle important à jouer afin d’accompagner le vendeur ou l’acquéreur et afin de confirmer le bien-fondé juridique de celle-ci et des différentes clauses qui la composent.

4. L’après cession Une fois que l’entreprise a été cédée, l’ancien propriétaire se retire le plus souvent de manière progressive. En moyenne, le cédant accompagne le repreneur durant une période comprise entre 3 et 6 mois. Il conseillera le nouvel N.11 | 01.2019 | managing lawyer | 7


Financier

Une coopération renforcée des deux professions pourrait apporter un réel gain pour les parties impliquées dans la transaction. actionnaire et le présentera aux travailleurs, aux clients et aux fournisseurs. Des audits d’acquisition peuvent également être réalisés après la conclusion de la convention définitive de cession. Ils ont alors pour seuls objectifs de mettre en œuvre les clauses de révisions de prix ou de garanties.

Collaboration interprofessionnelle Il faut souligner l’avantage que représente l’implication d’une équipe pluridisciplinaire lors d’un audit d’acquisition. En effet, si le réviseur d’entreprises ou l’expert-comptable peut procéder à une vérification des informations financières et comptables, cela peut s’avérer insuffisant puisque certaines sociétés se situent dans des environnements juridiques et fiscaux complexes. La plus-value d’un audit d’acquisition complet se trouve dans la complémentarité des experts composant l’équipe d’audit. Souvent, la due dilligence est réalisée par un expert du chiffre seul, sans collaboration d’un juriste. Et très fréquemment, les avocats des parties interviennent à d’autres stades de la procédure, de manière isolée, le plus souvent dans le cadre de la rédaction de la lettre d’intention ou de la convention de cession. Or, une coopération renforcée des deux professions pourrait apporter un réel gain pour les parties impliquées dans la transaction. D’une manière pratique, nous sommes d’avis que l’accompagnement du client ainsi que la coordination des audits doivent être réalisés par un seul intervenant. Celui-ci, après avoir échangé avec le client sur les objectifs à atteindre, répartira les tâches entre les différents conseillers. Cela permettra d’éviter la superposition des interventions pouvant engendrer une confusion des missions et un accroissement possible des frais. L’avocat est un professionnel tout à fait désigné afin de réaliser ce rôle puisqu’il pourra ensuite prendre les mesures juridiques nécessaires (dans la

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rédaction de la lettre d’intention et dans la convention de cession) aux différents éléments relevés par les autres intervenants.

Valeur ajoutée de l’audit d’acquisition Tout d’abord, pour le vendeur comme pour l’acheteur, un audit d’acquisition comptable apporte une aide à la fixation du prix. En effet, le cessionnaire bénéficiera de l’analyse détaillée du réviseur d’entreprises ou de l’expert-comptable sur les informations fournies par le cédant pour fixer le prix. L’accès à une information de qualité est nécessaire pour prendre une décision économique réfléchie. De l’autre côté, la subjectivité et l’émotion des cédants pourront être tempérées par les professionnels externes lors de la fixation de leurs exigences. Un audit d’acquisition complet, réalisé par un professionnel du chiffre ainsi qu’un avocat, permettra également de relever des points d’attention à reprendre dans la convention de cession (garanties, etc.) ainsi que des points d’amélioration dans l’organisation administrative, juridique et financière de la société. Dans le cadre spécifique de la transmission d’un cabinet d’avocats, l’audit d’acquisition

comptable et financier permettra plus particulièrement de confirmer la valeur de celui-ci sur la base d’une analyse de la composition du chiffre d’affaires (de la répartition de la clientèle) et sur la base de l’utilisation de multiples appropriés. Il permettra également d’analyser les comptes de la société afin d’en identifier toutes les surévaluations d’actifs (clients douteux, actifs immobilisés surévalués, etc.) et toutes les sous-évaluations de passifs (provisions non comptabilisées, charges non imputées, etc.). Il permettra également d’analyser la structure des coûts du cabinet et d’en relever des améliorations potentielles. Enfin, il permettra de relever les principaux risques liés à la reprise (engagements importants, risques fiscaux, organisationnels, etc.) et de confirmer les capacités financières (cash-flows) que le cabinet dégage et qui pourront être utilisées dans le cadre du financement du rachat. Nous rappelons également que l’ensemble des interventions de professionnels liées aux cessions d’entreprises peuvent faire l’objet d’un subventionnement important par le mécanisme des chèques-entreprises de la Région wallonne. Nous conseillons dès lors aux avocats intéressés de réaliser les démarches auprès de la plateforme afin de labéliser leurs cabinets.

– Notre conseil Que ce soit dans le cadre de la cession ou de la reprise d’un cabinet d’avocat réalisé par vous-même ou dans le cadre de la cession ou de la reprise d’une société de l’un de vos clients, la réalisation d’un audit d’acquisition nous semble nécessaire. Outre l’audit comptable et financier, un audit juridique de la société cible est également fréquemment souhaitable. Dans le cadre de ces dossiers potentiellement complexes, les parties devraient être accompagnées tout au long de la procédure par des experts du chiffre ainsi que par des avocats. L’intervention d’un avocat ne devrait pas rester sporadique, par exemple, lors de la rédaction de la convention de cession ou lorsqu’un conflit apparaît. Nous conseillons également aux avocats intéressés par la matière de réaliser les démarches nécessaires à la labellisation de leur cabinet afin de rendre leurs interventions subsidiables par la Région wallonne via le mécanisme des chèques-entreprises.


Gestion de projet

Le juriste de demain Legal Futurologist — @Juristededemain https://lejuristededemain.blogspot.fr/

Cela est vrai. Facturer autrement qu’au taux horaire est un exercice difficile. Proposer des tarifs fixes (donc déconnectés dudit taux) aux clients implique une totale maîtrise de la chaîne de valeur interne.

LA TARIFICATION HORAIRE, TALON D’ACHILLE DE LA PROFESSION D’AVOCAT. 4E PARTIE ADOPTER LA GESTION DE PROJET JURIDIQUE (LEGAL PROJECT MANAGEMENT) Der Stundentarif, die Achillesferse des Anwaltsberufs. 4. Teil: Einführung des juristischen Projektmanagements (Legal Project Management) Es ist wahr. Es ist äußerst schwierig, eine andere Abrechnungsart als per Stundentarif anzuwenden. Dem Mandanten Pauschalbeträge (die somit vom Stundentarif abweichen) anzubieten, bedeutet, über eine vollständige Kontrolle und Übersicht der internen Arbeitsschritte zu verfügen. Comme le rappelle le Professeur Todd Hutchison, Président de l’Institut international de gestion de projet juridique (International Institute of Legal Project Management), « Mettre en place des services juridiques à prix fixes requiert d’avoir une idée précise du périmètre d’intervention, d’identifier les ressources nécessaires, d’établir un budget tenant compte des risques d’exécution puis de disposer des processus nécessaires pour exécuter, surveiller et contrôler le travail »1.

À première vue, il est difficile d’imaginer dans quelle mesure la gestion de projet est envisageable dans un domaine comme le droit. Et pourtant, certains cabinets d’avocats (américains et anglo-saxons pour la plupart) s’y sont lancés il y a de cela quelques années. Pour tout vous dire, tous les associés de cabinets d’avocats font quelque part de la gestion de projet (sans le savoir ?). Ils essaient tous de réduire les coûts tout en essayant d’augmenter

1. https://www.legalbusinessworld.com/single-post/2017/09/15/Understanding-the-Legal-Project-Management-Trend.

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Financier

Au-delà de la nouveauté, deux éléments intrinsèquement liés à la pratique du métier d’avocat rendent unique la gestion de projet dans le Droit : la partie adverse et les « problématiques cachées ». leurs profits et bien évidemment, avec le souci de produire des prestations de qualité optimale. Bon. Parlons du fond. Qu’est-ce que la gestion de projet juridique (GPJ) ?

1. Définition La GPJ est une pratique émergente dans le milieu juridique qui aide les professionnels qui l’adoptent à gagner en efficacité, valeur ajoutée et productivité au quotidien. Pour Jim Hasset, pionnier dans le développement de la GPJ aux USA et fondateur de LegalBizDev, un cabinet de conseil qui accompagne les avocats dans le développement de leur business, « LPM adapts proven techniques to the legal profession to help lawyers achieve their business goals, including increasing client value and protecting profitability »1. Susan Raridon Lambreth, directrice chez Lawvision et fondatrice de l’Institut de la gestion de projet juridique (LPM Institute)2, la définit comme « un processus qui consiste à définir les paramètres d’une affaire à l’avance, à planifier l’évolution de la question dès le départ avec les faits dont vous disposez à l’époque, à gérer la question et, à la fin, à évaluer la manière dont la question a été traitée (du point de vue du cabinet ou du service juridique et du point de vue du client) »3. Elle devient un avantage compétitif non négligeable sur le marché des prestations juridiques. Le challenge pour tout cabinet qui veut se mettre à la GPJ est de savoir comment borner le cadre juridique d’une problématique (the scope), délivrer plus rapidement et accroître l’efficacité, le tout en même temps et de façon continue.

Tout est donc question d’état d’esprit et de méthodologie (le process). Or, nous savons à quel point il est difficile pour les avocats d’appréhender la nouveauté encore plus lorsque celle-ci les oblige à revoir leur méthode de travail. Les cabinets d’avocats n’étant pas gérés comme des entreprises, il est nécessaire de les préparer au changement, à l’adoption de la GPJ. Toutefois, au-delà de la nouveauté, deux éléments intrinsèquement liés à la pratique du métier d’avocat rendent unique la gestion de projet dans le Droit : la partie adverse et ce que j’appelle les « problématiques cachées ». – La partie adverse De façon générale, la mise en œuvre d’une gestion de projet dans une entreprise pourrait paraître simple dans la mesure où en principe, aucun paramètre extérieur (si ce n’est la concurrence, et encore…) n’est censé impacter le processus et la réussite du projet. Ce n’est pas le cas pour les cabinets d’avocats. En effet, ces derniers font souvent (toujours ?) face à une partie adverse qui a pour objectif principal de les « empêcher » de gagner leurs dossiers ! Dès lors, mettre en place un projet nécessite forcément une prise en compte en amont de la partie adverse. Dans le cadre d’une GPJ, cela requiert la mise en place d’une stratégie atypique rendant la GPJ particulièrement « agile » : il faut imaginer, anticiper, prévoir, combattre la stratégie de la partie adverse. Autant vous dire que cela n’est pas une mince affaire…

la façon la plus évidente possible : « Bonjour, je viens de licencier un de mes salariés car il n’a pas respecté ses engagements contractuels. Il a décidé de m’attaquer aux Prud’hommes ». À vous, avocat, de savoir, parfois même de deviner, tous les non-dits. Or, ces derniers peuvent rendre difficile la résolution de la problématique de votre client dans des délais impartis. En effet, il suffit de peu pour que vous vous rendiez compte par exemple que : votre client n’est pas l’employeur du salarié et n’avait donc pas le pouvoir de le licencier, que la société qui l’a licencié est en réalité la filiale d’une autre entreprise, que le salarié n’avait pas été licencié pour les motifs soulevés par le client et qu’il s’agissait plus tôt d’un licenciement « sans cause réelle », que le salarié était en fait un délégué syndical, etc. D’une problématique juridique donnée, peuvent découler de nombreuses et différentes autres problématiques juridiques que l’avocat va devoir résoudre. C’est ce que j’appelle les « problématiques cachées ».

– Les problématiques cachées

En pratique, adopter la GPJ, c’est opter pour une démarche proactive permanente qui implique une vraie collaboration avec le client. Susan Lambreth et David Rueff, auteurs du livre The Power of Legal Project Management, a Practical Handbook, parlent d’« une approche étape par étape qui aide les avocats à clarifier la portée et le coût potentiel des prestations qu’ils fournissent à un client, en gérant de manière proactive leurs services conformément aux attentes du client et en utilisant chaque engagement comme une opportunité d’apprentissage et d’amélioration »1.

Lorsqu’un client vient vous voir pour un problème juridique donné, il vous présente les choses de

C’est un fait : les clients, de plus en plus exigeants aujourd’hui, demandent aux avocats de répondre

1. https://www.amazon.com/Project-Management-Pricing-Alternative-Arrangements-ebook/dp/B00BFIFHSQ, p. 22. 2. https://www.lpminstitute.net/. 3. http://www.legalexecutiveinstitute.com/legal-project-management/. « Legal project management is a process of defining the parameters of a matter upfront, planning the course of the matter at the outset with the facts you have at the time, managing the matter, and, at the end, evaluating how the matter was handled (from both the firm or law department perspective and the client perspective) ».

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rapidement et efficacement à leurs besoins et problématiques. Ils deviennent de plus en plus impatients et exigent systématiquement que les avocats justifient leurs prix (ce qui est normal). Comme dans le Lean, la GPJ permet donc de détecter les dysfonctionnements et les temps de latence dans la délivrance de la prestation juridique. Il faut éviter les pratiques qui tendent à ralentir le process. Selon Bill Kleinman, Partner chez Haynes & Boone et Alleen Leventon, Présidente de QLEX Consulting, voici par exemple quelques actions à bannir2 : – « effectuer des tâches répétitives ; –  se demander qui est censé intervenir sur un dossier ; – se demander qui prend les décisions ; –  mettre en place des procédures à validations multiples ; –  avoir un temps de réflexion anormalement long pour trouver la réponse à une question ; –  commettre des erreurs en raison d’un manque de leadership ; –  commettre des erreurs en raison d’un mauvais paramétrage du niveau des intervenants sur un même dossier ; –  avoir des attitudes consistant à dire des phrases du type : “je ne suis pas sûr donc je ne fais rien” ; –  s’en prendre aux autres après avoir constaté qu’une partie du travail n’avait pas été faite ; –  renvoyer systématiquement aux responsabilités des uns et autres au sein des équipes ».

s’agit là d’une problématique dont vous maîtrisez dorénavant les tenants et aboutissants !).

la mise en œuvre d’une GPJ est un indicateur pertinent d’une transformation interne réussie.

Mais pourquoi la GPJ après tout ? Puis-je m’en passer me demanderiez-vous ?

À noter qu’il existe tout de même une idée reçue sur la GPJ : elle ne serait applicable et efficiente qu’au sein de grands cabinets. Il n’en est rien ! Tous les cabinets d’avocats peuvent la mettre en place, peu importe la taille. Seules la technique et la dimension changent.

Je pense que la GPJ est nécessaire pour 3 raisons : –  réussir la transformation de votre cabinet (si toutefois vous souhaitez la faire) ; –  si vos clients actuels ne vous y poussent pas, patientez. Ils vous demanderont très bientôt de mettre en place la LPM pour mieux être en phase avec leurs process. S’ils ne vous le demandent pas, les nouveaux clients vous le demanderont ; –  le fractionnement des prestations juridiques : dorénavant, les clients ne confient plus « tout » un dossier mais sélectionnent les problématiques les plus complexes qu’ils confient aux avocats. Le reste du dossier est réalisé en interne ou par d’autres prestataires de services juridiques (que nous savons nombreux). Par ailleurs, sachez que beaucoup de ses avantages sont connus : amélioration conséquente de la relation client, accroissement des Lead pour le cabinet, accroissement significatif de l’efficacité et la productivité, gestion et prévision des risques, etc. Enfin, pour un cabinet d’avocats,

Justement, voyons maintenant sa mise en œuvre.

2. Mise en œuvre de la gestion de projet juridique Bien au-delà de toutes les techniques de gestion de projet connues (Lean, agile, Prince2, etc.), j’ai décelé 3 principes qui doivent, selon moi, constituer le socle préalable à toute mise en œuvre de la GPJ. Sans ce socle, il me paraît difficile voire impossible de la mettre en place. Il s’agit des principes suivants : –  la GPJ doit être initiée par les associés décideurs. Avant toute chose, il est essentiel d’identifier le LP Manager (qui, à défaut d’être un associé du cabinet, peut être recruté), le leader, le décideur au sein du cabinet. Il est évident que lorsqu’il s’agit d’un cabinet

Il existe plusieurs dimensions dans la GPJ et cela justifie qu’il y ait différentes pratiques selon les cabinets. Aussi, je ne limite pas la GPJ à l’unique réalisation de grands projets corporate comme des FUSACs, restructurations ou « due diligence ». Je pense qu’il s’agit avant tout d’une pratique, d’un process spécifique qui est intégré dans l’opérationnel juridique. Que ce soit en cabinet (grand ou petit) ou en entreprise (grande ou petite), la GPJ peut constituer une solution efficace pour ceux qui l’utilisent. Toutefois, vous imaginez bien que pour un cabinet d’avocats dont le modèle économique et l’organisation en interne reposent sur le taux horaire (ce qui est le cas de la majorité des cabinets), il est indispensable de revoir son organisation (mais il

1. http://www.lawtechnologytoday.org/2017/10/definining-legal-project-management/ : « it is a step by step approach to help lawyers clarify the scope and potential cost of services they are providing for a client, proactively managing the services consistent with the client’s expectations, and using each engagement as an opportunity for learning and improvement ». 2. http://www.haynesboone.com/~/media/files/attorneypublications/2016/bloombergbnafasterbettercheaperthroughlegalprojectmanagementkleinman623162.ashx.

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individuel, la question ne se pose pas. Le décideur détient le rôle le plus important dans la mise en œuvre de la LPM. C’est lui qui donne le ton, l’impulsion, il procède aux réglages et réajustements, observe et corrige. Par exemple, le cabinet américain Seyfarth Shaw avait fait appel à une équipe de consultants en gestion de projet pour mener à bien sa transformation1. Si vous en avez les moyens, n’hésitez pas à vous faire accompagner par des professionnels ! ; –  les collaborateurs prenant part au projet doivent maîtriser (ou en tout cas en comprendre le sens et l’approche) le « unbundling » ou le fractionnement des prestations juridiques (j’en ai parlé précédemment2) ; –  la mise en œuvre de la GPJ doit toujours passer par un projet pilote. Ce pilote doit être mis en place avec l’aide de collaborateurs « friendly ». Ce sont souvent les collaborateurs enthousiastes à l’idée de mettre en place un nouveau projet dans le cabinet. Ils sont souvent très positifs, motivés en toute circonstance et toujours ravis d’être associés à

un projet au sein du cabinet. Ils ont également la particularité d’être très ouverts d’esprit. Dès lors que ces trois principes sont réunis, vous pouvez alors mettre en place la GPJ. L’objectif est le suivant (rappelons-le) : mettre en place un processus de travail qui permet de réaliser des prestations juridiques de qualité et à haute valeur ajoutée, délivrées au « bon moment », dans le « bon ordre », en un temps record tout en respectant un budget défini. Toutes les problématiques juridiques peuvent être envisagées. Il n’y a aucune limite. Prenons un exemple concret et parlant (puisqu’à la mode en ce moment). Un client vous demande de réaliser un audit RGPD (règlement général de protection des données) pour son entreprise. La première chose à faire est de « borner » votre périmètre d’intervention juridique. Il s’agit là de

1. https://www.amazon.com/Great-Legal-Reformation-Notes-Field/dp/1532032188, pp. 103‑104. 2. http://lejuristededemain.blogspot.com/2017/09/la-tarification-horaire-talon-dachille_24.html.

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faire en sorte que le client vous fasse le « Big Picture » : quels sont les objectifs recherchés (être conforme à la réglementation ? rassurer des clients ?) et quels sont les résultats attendus (un rapport ?). Vous devez obtenir toutes les informations nécessaires à la réalisation du projet (l’audit). Souvent, les avocats pensent, à tort, avoir toutes les informations après quelques échanges par mail ou par téléphone avec leur client. Mais en réalité, cela révèle un manque d’attention, de finesse et de perspicacité de ces derniers. Préjuger d’un projet ou d’un client après quelques mails ou deux, trois coups de fil est une erreur fondamentale à éviter dans le cadre de la GPJ. Il faut, avec le client, déterminer les grands axes de travail à développer dans le cadre du projet (et émettre des hypothèses de « problématiques surprises » si nécessaires), lister les collaborateurs qui vont travailler sur le projet (tant du côté client que du côté du cabinet), préciser les livrables attendus, faire un planning et déterminer la date de livraison. Pour une meilleure compréhension de cette étape, j’ai réalisé ce schéma pour vous :


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Toutes les problématiques juridiques peuvent être envisagées. Il n’y a aucune limite. Dans un second temps, il vous faudra procéder au fractionnement du projet : il s’agit ici de le diviser en plusieurs tâches juridiques distinctes. En l’espèce, vous allez devoir fragmenter la prestation d’audit et créer plusieurs tâches différentes. Nous pourrions avoir par exemple les tâches suivantes : –  la collecte (et seulement la collecte !) des données à caractère personnel qui font l’objet d’un traitement par l’entreprise ; –  le recueil du consentement des « clients »/ « prestataires » (une tâche qui sera aussi réalisée auprès des salariés de l’entreprise) ; –  la revue de l’ensemble des documents juridiques impactés par le RGPD ; – la mise à jour de ces documents ; –  la conformité du ou des sites internet de l’entreprise, etc. Vous saisissez la logique ? Le fractionnement peut aller très loin. Notez que pour des raisons de visibilité, il me paraît opportun de définir l’ordre d’exécution de ces tâches. Ensuite, assignez chaque tâche au « bon collaborateur ». Attention : il ne s’agit pas ici de se limiter à la spécialité juridique du collaborateur. Il faut s’assurer que ce dernier est adapté à la tâche : par exemple, il y a des situations où certaines qualités humaines peuvent être recherchées : communication (recueil du consentement), esprit de synthèse (la revue de documents), pragmatisme (collecte des données), empathie… Enfin, vient l’étape de la planification et de la gestion du budget au regard du projet mais aussi au regard de chaque tâche. Le chef de projet juridique doit être en mesure de pouvoir : 1/ organiser les opérations en tenant compte du budget qui est défini avec le client et 2/ réaliser

un planning précis quant à la réalisation des opérations (c’est l’idée du rétro-planning par exemple). Les questions de la budgétisation et du pricing peuvent poser des difficultés. C’est pourquoi il est capital d’avoir une idée précise du coût réel de chaque tâche réalisée par un collaborateur. Un fractionnement des prestations juridiques réussi facilite le pricing et la budgétisation ! Cette opération (de planification et de gestion du budget) est doublée d’une évaluation dite de « monitoring » : le planning doit être réalisé en tenant compte des risques juridiques mais aussi des problématiques cachées qui peuvent rapidement avoir une incidence sur le pricing du projet. Il faut en effet éviter les dépassements d’honoraires (mais aussi gérer le temps de réalisation dudit projet). L’apparition de problématiques cachées doit systématiquement donner lieu à des négociations avec le client. Par exemple, un audit des finances d’une entreprise a de forte chance de laisser apparaître des problématiques d’ordre fiscal et un audit en droit du travail risque d’avoir des conséquences dans la gestion des ressources humaines. Dans ces différentes situations, il est important d’échanger avec le client quant à l’impact de ces paramètres juridiques sur le budget/pricing. Il faudra donc trouver un terrain d’entente.

technologies s’y prêtent parfaitement ! Mais nous verrons cela plus bas). Au terme de la réalisation du projet, il est nécessaire de faire un bilan afin d’analyser la mise en œuvre du projet : c’est l’étape finale, le debrief. Le debrief est tout simplement indispensable dans la GPJ. C’est le moyen de voir distinctement tout ce qui a fonctionné et tout ce qui n’a pas fonctionné. Il vous permet de procéder à des réglages de procédure et d’améliorer votre GPJ car vous l’avez dorénavant compris, la GPJ est un outil purement technique et non juridique. Le debrief permet donc de mettre à jour sans cesse vos process internes et de les rendre plus performants, plus efficaces, de plus en plus en capacité de vous permettre de répondre parfaitement aux besoins clients. Pour terminer sur la GPJ, je dirai ceci : ne faites jamais l’économie de demander un feedback à vos clients !

Je rajouterai pour être (je l’espère) complet deux activités essentielles : la gestion de la qualité du travail et la gestion de la relation client. Ces activités peuvent intervenir à tout moment durant le process de GPJ. Elles doivent constituer le fil rouge de la réalisation de tout projet. Le client doit être en mesure de connaître l’état d’avancement du projet à tout moment (et les

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Agenda

24-25 mai 2019

6‑11 novembre 2019

UIA – Drafting International Contracts – Trumps and Traps – Hambour (Allemagne) ➔ https://www.uianet.org/fr/evenements/ drafting-international-contracts-trumpsand-traps

UIA – Congrès annuel – Luxembourg (GDL) ➔ https://luxembourg.uianet.org

21 septembre 2019

CIB – Congrès annuel – N’Djamena (Tchad) ➔ http://www.cib-avocats.org/

IBA – Fundamentals of International Legal Business Practice: IBA Young Lawyers’ Training – Séoul (Corée du Sud) ➔ https://www.ibanet.org/Conferences/ conf978.aspx

4‑7 décembre 2019

22‑27 septembre 2019 IBA – Congrès annuel – Séoul (Corée du Sud) ➔ https://www.ibanet.org/Conferences/ Seoul-2019.aspx

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Design

Antoine Henry de Frahan

Business coach, consultant en stratégie et organisation — FrahanBlondé www.frahanblonde.com afrahan@frahanblonde.com

Le legal design est l’application dans le domaine du droit du design thinking, qui est une méthode d’innovation inspirée des principes du design. Le legal design invite à repenser l’ensemble des activités de l’avocat en fonction de l’expérience du client. Comment « redessiner » l’organisation du cabinet et les services rendus aux clients pour transformer positivement leur expérience ? Pour les avocats, les applications pratiques sont nombreuses et urgentes.

INNOVER AVEC LE LEGAL DESIGN, REMETTRE L’EXPÉRIENCE DU CLIENT AU CŒUR DE L’ORGANISATION DU CABINET Innovation durch Legal Design Legal Design ist die Anwendung von Design Thinking auf den Rechtsbereich. Design Thinking ist eine innovierende Methode, der wiederum das Design als Vorbild dient. Legal Design lädt dazu ein, die anwaltliche Tätigkeit umzudenken, und das Augenmerk auf das Erlebnis des Mandanten zu lenken. Wie kann man die Kanzleiorganisation und die Dienstleistungen neu erfinden, um das Erlebnis der Mandanten zu verbessern? Der Anwaltschaft bietet sich eine Vielzahl an praktischen Anwendungen an, die dringend umzusetzen sind. Les esprits curieux qui s’intéressent à l’innovation dans le monde juridique ont sans doute déjà entendu parler de « legal design ». De quoi s’agit-il ? Ce concept est-il porteur de transformation positive pour l’univers juridique et pour la manière de concevoir et d’exercer la profession d’avocat ?

Appliquer le design thinking au droit Le legal design est l’application du « design thinking » au domaine juridique. Le design thinking quant à lui est une méthode pour innover et pour résoudre des problèmes qui s’inspire des principes du design. Pour faire court, le design poursuit une double aspiration : la recherche de l’utilité, de l’efficience et

du confort, combinée à la recherche de l’esthétique. Par exemple, une voiture dont le design est réussi est à la fois confortable, pratique et aérodynamique et génératrice d’émotion esthétique (« c’est agréable à regarder, à entendre, à toucher »). Il en est de même pour un téléphone portable, pour un site Internet, pour un salon de coiffure, pour le business lounge d’une compagnie aérienne, pour la procédure d’admission à l’hôpital, et pourquoi pas pour l’expérience du justiciable avec l’appareil judiciaire ! Le client, ou l’utilisateur, est au cœur de cette démarche d’innovation, car c’est bien entendu lui qui est le juge tant de l’utilité et de l’efficience que de la qualité esthétique du produit. N.11 | 01.2019 | managing lawyer | 15


Design

L’idée fondamentale est d’organiser son activité en fonction de ce qui constitue une expérience positive pour ses clients. L’innovation en mode design thinking consiste donc à « redessiner » des objets, des services, des processus, voire des organisations entières afin de les rendre plus utiles, plus efficients, plus confortables pour les utilisateurs, et en même temps plus élégants, plus beaux, plus harmonieux.

Applications pratiques

Une idée nouvelle ?

– De nombreux clients se plaignent du caractère imprévisible du montant des honoraires et du manque de transparence des avocats à propos du coût global de leurs services. Plutôt que de continuer à changer le refrain habituel (« Que voulez-vous, la durée d’une procédure est imprévisible… »), comment innover en offrant une réelle prévisibilité et une meilleure transparence ?

En réalité, le design thinking n’est pas un concept neuf. L’idée d’être attentif à l’expérience du client et de faire le design de ses produits, de ses services et de son organisation de manière à répondre aux attentes des clients n’est guère révolutionnaire. Par exemple, une agence bancaire qui ouvre le vendredi soir et le samedi matin, plutôt que pendant les heures de bureau habituelles durant lesquelles les clients sont au travail, fait du design thinking sans le savoir. Ce n’est donc pas l’idée comme telle du design thinking qui est intéressante – elle est somme toute assez banale – mais c’est sa mise en pratique déterminée et radicale dans des secteurs peu habitués à penser en ces termes, comme par exemple le monde juridique. Quelle est, pour les juges, les avocats, les juristes d’entreprises, les professeurs de droit, et même pour le législateur, l’importance de ces notions dans la manière d’organiser leur profession et de structurer leurs activités ? Quel avocat rédige ses avis juridiques en donnant la priorité à l’efficience et à l’agrément de l’expérience que le client va faire en recevant et en lisant cet avis ? Pour les avocats en particulier, adopter une démarche de legal design consiste à revoir l’intégralité du mode de fonctionnement du cabinet en se demandant comment il peut être optimisé du point de vue du client, afin de rendre l’expérience du client (la « customer experience ») aussi bonne que possible. Il s’agit de faire le design des activités du cabinet, avec à l’esprit la double aspiration à l’efficience (pour les clients) et à l’esthétique. 16 | managing lawyer | 01.2019 | N.11

Lorsqu’on interroge les clients, on s’aperçoit que les motifs d’insatisfaction à l’égard des avocats sont nombreux et que la pratique du droit aurait dans la plupart des cas bien besoin d’un vent frais de legal design.

– Les clients se plaignent souvent de recevoir de longs avis écrits avec des analyses juridiques poussées et un langage abscons qui leur sont incompréhensibles et qui ne leur sont d’aucune utilité en pratique (mais qui leur coûtent très cher). Les avocats, pourtant, s’accrochent à ce style académique qui leur permet de justifier leurs honoraires (comme si la valeur d’un avis se mesurait au nombre de pages) et de protéger leur responsabilité professionnelle en noyant leurs recommandations dans un océan de précautions et de réserves. Appliquer le legal design consisterait à réinventer la manière de composer les avis juridiques – leur structure, leur contenu, et leur style – voire même de repenser l’idée même d’envoyer des avis juridiques et d’imaginer sur des bases tout à fait nouvelles le parcours du client en recherche de guidance juridique. L’idée fondamentale est, pour l’avocat, d’organiser son activité non pas en fonction de ses préoccupations (justifier ses honoraires, se mettre à l’abri d’une mise en cause de sa responsabilité) mais en fonction de ce qui constitue une expérience positive pour ses clients. Dans cet esprit, le nouveau « design » des avis juridiques en ferait des documents courts, pratiques, rédigés dans un style simple, direct et clair, et la délivrance de ces avis serait elle-même incluse dans un « process » ayant

fait l’objet d’un design attentif (réception de la demande d’avis, premier contact, rédaction de l’avis, communication, suivi…). – Les clients valorisent fortement la disponibilité de leur avocat. Réagir rapidement aux emails, rappeler les clients qui ont laissé un message téléphonique, respecter voire anticiper les échéances, produire rapidement le travail demandé, autant de compétences qui font la différence aux yeux des clients entre un bon et un mauvais avocat. Dans l’esprit du legal design, il s’agirait donc de revoir l’ensemble du fonctionnement du cabinet pour imaginer et mettre en place des manières de faire qui garantissent une meilleure réactivité. – Les contrats rédigés par les avocats sont souvent tellement rébarbatifs qu’il est médicalement impossible de s’y plonger pour les lire si on n’est pas payé pour le faire. Les contrats sont pour cette raison d’une inefficience et d’une inélégance extraordinaires. Comment repenser la rédaction et le lay-out des contrats pour en faire des outils utiles et accessibles pour les utilisateurs, pour les rendre « user-friendly » ?

Communication visuelle : le visual law Un domaine particulier du legal design est le « visual law ». Cet anglicisme décrit l’art de communiquer des concepts juridiques dans un langage visuel simple et accessible : graphiques, schémas, dessins, etc. Un très bel exemple est le Code de la route ; des notions juridiques (simples dans ce cas) sont représentées par des symboles visuels simples qui sont quasiment devenus un langage universel compris par tous. Mais ce n’est pas si simple que cela… Étudiant en droit, occupé à étudier mon cours de droits réels, je devais me farcir de longs paragraphes dans des revues juridiques


Design

prestigieuses qui décrivaient un enchevêtrement d’immeubles, de murs mitoyens, de parcelles contiguës (et de récriminations entre voisins). Je devais lire et relire de nombreuses fois ces fastidieuses descriptions pour arriver à m’en faire une image mentale. Il aurait été tellement plus simple d’introduire un schéma, un simple plan, une illustration ! C’est d’une telle évidence, mais certains juristes s’enorgueillissent d’une virtuosité littéraire exceptionnelle, et considèrent que s’exprimer simplement et clairement, c’est déchoir. Lors d’une formation que j’animais en visual law, un exercice consistait précisément à traduire un texte long et touffu en un tableau simple et clair qui permettait de saisir immédiatement les idées importantes dissimulées dans le texte. L’exercice montrait qu’on pouvait remplacer quatre pages de texte indigeste par une schéma simple et limpide. L’une des participantes, avocate de son état, eut une réaction extraordinaire : elle se demandait si une telle simplicité ne manquait pas de professionnalisme, si l’avocat ne se devait pas justement de maintenir dans sa communication un certain niveau d’hermétisme, de complexité et d’inaccessibilité, pour préserver son statut de « sachant ». Cet état d’esprit, assez largement répandu dans la profession, est à l’opposé du legal design. Plus qu’une méthode, plus qu’un ensemble de techniques d’innovation, le legal design est sans doute un état d’esprit qui consiste à remettre résolument en question ses habitudes et de les reconfigurer à la lumière des attentes du client.

– Notre conseil Si vous voulez faire du legal design, commencez par : –  prendre conscience des considérations qui dictent votre conduite mais qui n’ont rien à voir, voire qui sont à l’opposé des besoins de vos clients ; –  mettre la qualité de l’expérience du client au centre de vos préoccupations. Faitesen le critère principal de vos décisions et l’élément fédérateur de votre organisation ; –  revoir tous vos process en fonction de leur efficience du point de vue du client ; –  faire de l’innovation une valeur centrale de votre activité ; –  viser la simplicité, la clarté, la concision, la rapidité et l’utilité pratique ; –  abandonner l’idée que votre statut s’élève quand vous êtes compliqué, long, inaccessible, abscons, incompréhensible et rébarbatif (cela ne vous rend pas prestigieux ; ça vous rend ringard) ; –  vous entraîner à communiquer avec des schémas, des dessins et des tableaux ; –  oser l’élégance, la beauté et la qualité esthétique dans tout ce que vous faites.

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Formation

Frédérique Perrotin

Auteur et journaliste indépendant

CONSTRUIRE UNE POLITIQUE DE FORMATION INTERNE EFFICACE POUR FAIRE RIMER FORMATION ET COMPÉTITIVITÉ : RETOURS D’EXPÉRIENCE1 Aufbau einer effizienten internen Weiterbildungspolitik, damit Weiterbildung mit Wettbewerbsfähigkeit gleichgestellt wird: Erfahrungsberichte En matière de formation continue, « la profession n’a pas su développer un modèle utile efficace et peu onéreux. […] L’une des priorités d’une réforme à intervenir doit être la remise à plat de l’ensemble des systèmes de formation, la frustration exprimée étant dans ce domaine unanime », conclut avec sévérité, le rapport sur l’avenir de la profession d’avocat commandé à Kami Haeri, avocat, associé du cabinet Quinn Émanuel Urquhart & Sullivan publié en février 2017. Depuis longtemps, l’ensemble des avocats inscrits au tableau de l’Ordre est tenu à une obligation de formation continue de 20 heures par année civile, afin d’assurer le perfectionnement des connaissances nécessaires à l’exercice de la profession. Chaque professionnel est responsable du suivi de sa formation continue. Si le

professionnel du droit est conscient de ses obligations en matière de formation, il est peu aisé pour lui de sortir d’une logique quantitative lui permettant d’assurer ses heures de formation et celles de ses collaborateurs pour bâtir une véritable politique de formation interne propre à faire progresser ses équipes et valoriser la performance du cabinet.

1. Une pluralité de solutions Dans le domaine de la formation, plusieurs options s’offrent au professionnel du droit : participer à des actions de formations, assister à des colloques, enseigner, écrire… Par exemple, « au cabinet, nous sommes quatre associés expérimentés et un collaborateur senior, il ne nous

1. Cet article est précédemment paru dans la revue Dalloz Avocats, n° 2, février 2018, pp. 77 et s.

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Formation

est donc pas évident de bâtir des formations internes adaptées à nos besoins, analyse Virginie Tesnière, associée du cabinet Bauer, Bigot et Associés. En revanche, nous dispensons des formations à l’extérieur, assistons à des conférences, rédigeons des articles. J’ai enseigné à l’école du stage et j’écris souvent dans Légipresse. Mon associé Christophe Bigot a écrit quatre ouvrages, c’est également l’un des rédacteurs du Lamy Droit des Média et de la Communication et l’auteur de plusieurs fascicules du jurisclasseur. Il vient d’achever un important travail de mise à jour. Tout cela nous occupe bien ». Sa consœur et associée, Emilie Sudre privilégie colloques et conférences. « Je privilégie les formations hyper spécialisées en droit de la presse, droit de l’audiovisuel et droits de la personnalité. Il peut s’agir de colloques organisés par Légipresse ou de formations organisées par la Cour de cassation, par exemple », témoigne-t‑elle. Forte de son doctorat en droit, la professionnelle ne sélectionne que des formations ultra-pointues qui viennent renforcer son expertise. Ces témoignages sont assez représentatifs de la profession. En effet, les avocats se saisissent assez bien de la variété des solutions qui leurs sont offertes.

2. État des lieux Les cabinets les mieux organisés aménagent leurs propres formations, qu’elles soient assurées par leurs avocats ou par des prestataires extérieurs. Ils mettent en place de véritables politiques de formations adaptées à leurs besoins. Dans le domaine de la formation interne, sans surprise, ce sont les cabinets les plus importants qui ont su le mieux structurer leur offre. « Nous réalisons les deux tiers de notre chiffre d’affaires auprès des cabinets anglo-saxons et des très grands cabinets français », confirme Nathalie Sevestre, associée de Joberwocky, spécialiste de la formation continue dans les cabinets d’avocats. Faute d’un accompagnement structuré en matière de formation continue, l’inégalité

face à la profession est accentuée, pointe le rapport sur l’avenir de la profession d’avocat. « Les collaborateurs de cabinets structurés proposant des formations internes et les jeunes avocats bénéficiant grâce à leur entourage de conseils avisés sur le développement de leur carrière seront mieux orientés, formés et sensibilisés à l’acquisition des outils nécessaires à leur progression. En revanche, les jeunes confrères plus isolés dans la profession ne bénéficieront pas des mêmes soutiens et acquerront plus tardivement, parfois dans l’épreuve, ces enseignements », avertit la mission Haeri. Mais certains petits cabinets se démarquent nettement de cette tendance de fond. « Les cabinets de niches français, fort de leur culture entrepreneuriale et de leur agilité, ont parfaitement compris les enjeux de la formation interne », souligne Nathalie Sevestre.

sur les plans professionnel et personnel. Elles sont donc particulièrement valorisées par les plus jeunes et constituent un facteur d’attraction pour les candidats. « Au sein d’un cabinet elles créent de la cohésion, ne serait-ce que parce qu’elles leur permettent de se retrouver ensemble », analyse Nathalie Sevestre. Elles permettent également d’améliorer les conditions de travail des professionnels du droit. « 10 % de notre activité est consacrée à des formations centrées sur la qualité de vie, ajoute Nathalie Sevestre. N’oublions pas qu’un avocat sur deux a des difficultés en termes de sommeil et fait état d’une situation de stress. Toutes les actions qui permettent d’abaisser le niveau de risque psychosocial sont donc bienvenues ».

3. De vrais atouts

Les avocats intègrent massivement à leur programme de formation des compétences techniques. « Ces hard skills leurs sont nécessaires pour maintenir leurs connaissances à jour, analyse William Cargill, consultant spécialisé dans l’accompagnement des cabinets d’avocats. En revanche, les softs skills, ces compétences comportementales que constituent la gestion du stress, la créativité, l’adaptabilité, etc., ont longtemps été ignorées des avocats. Elles font progressivement leur apparition dans leurs programmes de formation ». À cet égard, le plan de développement individuel prévu pour chaque collaborateur au sein du cabinet d’avocats PwC société d’avocats fait preuve d’équilibre. Il prévoit des actions de formation techniques, non seulement dans le domaine d’expertise de rattachement, mais également dans d’autres expertises de PwC société d’avocats de façon à former les collaborateurs à une vision globale des problématiques et enjeux clients. Il comprend également des formations visant à développer les compétences comportementales telles que la formation à la relation client, à la négociation, à l’encadrement d’équipes ou

« Bien entendu, nous respectons les obligations légales de formation professionnelle, mais il faut convenir que même avec l’aide du e-learning, le rythme très exigeant du métier ne nous facilite pas la tâche. Et bâtir un plan de formation interne, décliné pour les associés, les collaborateurs et les fonctions support s’avère chronophage », explique Delphine Pando, avocat à Paris, qui exerce principalement en droit de la presse. Le premier défi pour l’avocat consiste en effet sans doute à parvenir à intégrer les impératifs d’un plan de formation efficace dans son emploi du temps très serré. « Une partie de notre succès provient sans doute de notre capacité à nous adapter aux impératifs des professionnels du droit. Nous assurons nos formations dans leurs locaux et à l’heure du déjeuner si cela est nécessaire afin de leur permettre d’optimiser au maximum leurs disponibilités de temps », approuve Nathalie Sevestre. Tous s’accordent en revanche, sur les intérêts multiples que peuvent générer ces actions. Les actions de formations engagées permettent aux collaborateurs d’évoluer et de se développer

4. Soft skills versus hard skills

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Formation

encore à la gestion de projets. « L’avocat ne peut plus se limiter à être un technicien du droit, commente William Cargill, consultant spécialisé dans l’accompagnement des cabinets d’avocats. Des compétences en management, en développement commercial, etc., sont essentielles ».

5. Développer les soft skills L’importance de ces soft skills a été soulignée par le rapport sur l’avenir de la profession d’avocat. Il est « indispensable de proposer aux jeunes avocats un programme de formation continue leur permettant d’acquérir les savoir-faire en matière de développement professionnel et personnel (“soft skills”) utiles afin de prendre plus sereinement les décisions déterminantes auxquelles ils seront rapidement confrontés en matière d’orientation de carrière ». Ces compétences ont été précisées par la Commission Haeri. Il s’agit de savoir délivrer un message dans une prise de parole en public en 30 secondes/3 minutes, de savoir développer son identité numérique et son personal branding ; de savoir travailler en mode « projet » et en équipe ; de savoir régler les problèmes de relations individuelles et collectives dans son environnement professionnel ;

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de savoir faire un business plan ou encore de savoir construire une proposition de services. La Commission estime que la maîtrise de ces enseignements est indispensable pour anticiper de manière cohérente et harmonieuse l’évolution de la carrière et propose qu’elle fasse l’objet d’un programme spécifique dans le cadre de la formation continue proposée par les Ordres.

6. Les techniques de management à l’honneur À l’heure actuelle, ce sont sans doute les relations clients et les techniques de management qui sont parmi les formations les plus valorisées en termes de soft skills. À cet égard, les avocats managers du cabinet FIDAL bénéficient depuis peu d’une formation axée sur le développement personnel et le renforcement des compétences managériales : Talents Up, développé avec l’école HEC. « Talents Up est la concrétisation d’un projet ambitieux, s’inscrivant pleinement dans les valeurs prônées par le cabinet, au rang desquelles figurent là développement et la promotion des talents du cabinet », expliquent Régis Lassabe, président du directoire de FIDAL, et Carole Chatelain, directrice exécutive en charge des ressources humaines

de FIDAL. Pour ce parcours de formation surmesure, des modules thématiques ont ainsi été conçus, dédiés au leadership, au management des RH ainsi qu’à des fondamentaux de la gestion d’entreprise, comme la conduite du changement ou le management de projet. « Nous souhaitions dispenser une formation de haut niveau. Le partenariat engagé avec HEC répond parfaitement à nos attentes », résument Régis Lassabe et Carole Chatelain. Le barreau de Paris a résolument innové sur le fond et sur la forme en consacrant un MOOC, sa première formation interactive en ligne au management. Une réponse aux États généraux de la collaboration lancés en 2016 qui avait mis en lumière « un véritable déficit de management », selon la formule de Caroline LucheRocchia, secrétaire de la commission Éthique et responsabilité sociale de l’avocat à l’origine de cette formation. Adaptée aux contraintes des avocats et à leur emploi du temps, la formation se veut résolument pratique avec des vidéos de mises en situations. Une réponse innovante aux enjeux de la formation continue.


Coaching

Anne-Laure Losseau Business & Career Coaching for lawyers — al@aligncoaching.be www.aligncoaching.be

Ben Houdmont

RÉINVENTER LES CABINETS D’AVOCATS, LA VOIE ROYALE DE LA RÉUSSITE POUR LES CABINETS D’AVOCATS (DE PETITE TAILLE) Anwaltskanzleien neu erfinden Der ideale Weg zum Erfolg für die (kleinen) Kanzleien „Ein Beruf, in dem ein Toter, der nach 200 Jahren wiederauferstehen würde, einfach zurück an seinen Arbeitsplatz gehen könnte, ohne sich vollkommen verloren zu fühlen, muss sich gewisse Fragen stellen.“ (nach Seth Godin).

Managing Consultant KnowToGrow Legal —

Un mouvement d’évolution radicale est (enfin) en train d’ébranler le monde des services juridiques et l’avocature en particulier.

@benhoudmont www.knowtogrow.be/fr/

Ce mouvement, déjà initié depuis plusieurs années dans les autres secteurs de l’économie, n’est pas étranger au fait que notre environnement, le monde dans lequel nous évoluons est lui-même en mutation constante, rapide et profonde. On dit de ce monde qu’il est « VUCA » : volatile, (u)incertain, complexe et ambigu.

« Une profession dans laquelle un mort il y a 200 ans sortirait de la tombe pour retourner au bureau et ne serait pas trop dépaysé a des questions à se poser. » (Seth Godin)1

Sur le plan humain émerge par ailleurs de plus en plus clairement une résistance, une

réaction face aux systèmes de production de valeur qui déshumanisent et broient les individus. On réalise que les systèmes mis en place, au lieu de servir les besoins des humains, finissent par les asservir et les écraser. Par un effet de balancier, on observe dans les organisations un retour aux fondamentaux. L’un de ces fondamentaux est « l’humain au centre » : les organisations se veulent « centrées sur leurs clients », d’une part, et d’autre part « centrées sur l’humain », dans leur culture et leur fonctionnement intrinsèque.

1. Seth Godin est l’auteur d’une vingtaine de best-sellers mondiaux sur le marketing, le leadership et l’économie. Voy. son opinion à propos de l’innovation dans les cabinets d’avocats : « Seth Godin tells lawyers how to make art & start a ruckus. Confronting fear, making art, and other reflections on the shifting legal landscape », sur le podcast « Building new law » : https://www.countertax.ca/bnlpodcast/s01e10-seth-godin.

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Coaching

Cette fois, la vague du changement n’épargne pas les cabinets d’avocats et, dans ce contexte agité, les grands gagnants sont ceux qui surfent sur la vague, pas ceux qui construisent des brise-lames. Il nous paraît clair qu’à l’instar des autres acteurs économiques, les cabinets qui continueront à réussir seront : – « centrés sur leurs clients » ; –  « centrés sur leurs membres » et ceux qui cultiveront la cohésion en leur sein ; et – « agiles ».

L’intelligence artificielle et les robots ne sont que des moyens Quand on parle d’innovation dans le secteur juridique on se concentre souvent sur la technologie. Mais la technologie n’est qu’un moyen. L’intelligence artificielle et les robots ne feront une différence fondamentale dans les cabinets que s’ils participent d’une véritable vision et d’une réflexion approfondie sur la façon de créer de la valeur juridique. La technologie sera un accélérateur et un amplificateur de cette valeur. Dans le cas contraire, ils seront, au mieux, de coûteux gadgets de marketing. Ce paradigme implique, comme on le verra, que le modèle de business des cabinets repose, non pas sur les ambitions de la firme, mais sur ses clients1 et, en second lieu, sur les avocats qui la composent2.

L’innovation sera profonde ou ne sera pas et ne réussira que dans le cadre d’une stratégie où les développements technologiques, le modèle de business, l’approche « centrée client » et le développement des membres de l’organisation sont étroitement interconnectés.

clients, de leurs préoccupations, leurs aspirations, leurs projets. Puis faire la synthèse avec les compétences du cabinet et se lancer. Il s’agira ensuite d’analyser la réaction des clients et d’adapter son offre en permanence, dans un processus d’amélioration continu.

Centrés sur les clients

Une fois que le nouveau produit ou service existe, on peut demander aux clients ce qu’ils voudraient comme améliorations, et aux clients potentiels qui n’ont pas encore mordu, quels changements pourraient les convaincre à acheter.

Être « centrés sur ses clients » (« Client centric ») consiste à « être au plus près de ses clients » et de leurs besoins. Le service, même à grande échelle, est personnalisé en ce sens que non seulement il est façonné sur les besoins des clients, mais également qu’il les anticipe. Les besoins des clients évoluent en continu et à un rythme accéléré et les acteurs économiques qui réussissent se réinventent tout aussi vite, voire plus vite encore. En ce contexte on dit souvent qu’il faut être à « l’écoute de ces clients ». Mais en même temps on constate que le client ne sait pas nécessairement ce qu’il veut. Il ne sait pas imaginer ce qui n’existe pas encore. Les vrais innovateurs anticipent les besoins des clients, un des meilleurs exemples en la matière étant sans doute Steve Jobs et sa célèbre marque à la pomme. Il est cependant évident qu’anticiper les besoins des clients est un jeu à risque. Même le visionnaire le plus génial se trompera régulièrement. Être à l’écoute des clients ne signifie donc pas demander aux clients ce qu’ils veulent comme produit ou service. Écouter les clients signifie parler avec les clients, et avec les clients des

Être centré sur les clients signifie que l’intérêt, actuel et futur, du client est le moteur de l’innovation. L’innovation qui aurait pour but de sauvegarder une part de marché menacée ne fonctionnera en général pas. Pour cette raison la vraie innovation ne vient que rarement des grandes organisations ayant de grandes parts de marché à défendre. À titre d’exemple, les discussions concernant les modèles d’honoraires et l’organisation du service (« Service design ») doivent partir de l’intérêt du client, pas de l’intérêt du cabinet. Les innovations dans le service et dans la méthode tarifaire deviennent alors des moyens extrêmement puissants d’attraction et de fidélisation de clients, de vrais vecteurs de croissance. Mais souvent nous voyons que ces deux sujets sont abordés de manière défensive. Les honoraires forfaitaires, notamment, contiennent tellement de réserves que les clients préfèrent un tarif à l’heure prestée, convaincus que cela reviendra moins cher. Mais en même temps cela

1. Dans un article récent, Marc Cohen (thought leader in the legal business industry et professeur à l’Université de Georgetown) argumente que des nouveaux modèles de business sont la clef de l’innovation, pas la technologie. (« New business models, not technology, will transform the legal industry » dans Legal Business World International, repris sur le blog de KnowtoGrow (http://www.knowtogrow.be/fr/business-development-fr/new-business-models-not-technology-will-transform-the-legal-industry/). Thèse que nous partageons entièrement. 2. Voy. notamment Bas Kodden, directeur du programme « Law, Leadership & Management » à Nyenrode Business University. Dans The End of Lawyers ? The Vicious Circle of Turbulence and Bad Results, il répond à Richard Susskind : « Pour grandir les cabinets d’avocats doivent investir dans la croissance de leurs collaborateurs et leurs “personal brands”, plus que dans la technologie » (cité par B. Houdmont, « Le personal branding : meilleur investissement que l’innovation numérique », http://www.knowtogrow.be/fr/branding-fr/le-personalbranding-meilleur-investissement-que-linnovation-numerique/).

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Coaching

Les acteurs économiques qui réussissent aujourd’hui sont « agiles ».

les frustre énormément. Sans compter que, le plus souvent, les éléments de service sont en réalité optimisés dans une logique de rentabilité accrue pour le cabinet (prester un niveau de service égal à moindre coût), pas en vue d’une meilleure satisfaction du client.

Créer l’espace où les membres du cabinet peuvent se développer et favoriser la cohésion Les ressources d’intelligence au sein des cabinets sont largement sous-estimées. Une grande partie du potentiel de leurs membres est occultée, gaspillée et même perdue dès lors que les avocats sont exclusivement (sur)exploités à la manière de petits logiciels de traitement de dossiers. Or si les cabinets veulent trouver leur place dans ce monde « VUCA », ils auront à mobiliser et à cultiver, en leur sein, la capacité d’intuition, l’aptitude à capter les signes du changement, à faire des liens entre des choses disparates, à construire une vision mais aussi la capacité de comprendre profondément ses clients et enfin le talent de créer la confiance et de fédérer1. Et ceci pourrait bien représenter une révolution dans les cabinets où « l’heure facturable » est souvent la seule unité de mesure de la performance et le seul objectif valorisé et récompensé. Du reste, beaucoup de cabinets se trompent en imaginant que « la jeune génération » leur apportera les innovations nécessaires. Ceci nous paraît à la fois naïf et utopique dès lors que, comme on l’a dit, il ne s’agit pas ici de « se mettre au goût du jour » : les innovations que le marché attend touchent le cœur de la valeur

délivrée. Le changement sera organique et il viendra de tous les niveaux de l’organisation. À cet égard les responsables (associés, organes de décision…) auront un rôle majeur à jouer dans la création des conditions favorables à ce changement, et ceci impliquera généralement une amélioration sensible de leur niveau de leadership. Les compétences de management et de leadership seront en effet un enjeu crucial de l’innovation. Enfin, l’innovation ne pourra réussir que si elle est portée par des équipes, unies et solidaires, et non des juxtapositions d’individus préservant chacun son intérêt propre. Le défi des cabinets sera, en définitive, de créer en leur sein l’espace de confiance et de croissance dans lequel tous leurs membres, avocats comme non-avocats, pourront déployer leurs talents, se développer, échanger, et où les idées novatrices trouveront un terreau de croissance fertile.

Agiles Les acteurs économiques qui réussissent aujourd’hui sont « agiles ». En effet, au rythme où tourne l’économie, le changement ne se fait plus en tant que « réforme », dans une séquence classique d’analyse, conception de la solution, planification et exécution. Le changement se fait dans un mouvement continu, itératif et incrémental : les gagnants observent, captent les signaux du changement, anticipent, se préparent, essaient, échouent (souvent), progressent, changent de cap, mais ils restent toujours au contact, au plus près du mouvement.

Différentes méthodologies sont utilisées dans la cadre de l’amélioration et la réinvention de l’économie de la connaissance (Lean, Lean Startup, Agile, Design thinking), qui convergent largement dans leurs idées et principes directeurs : –  être au plus près de son client (« gently customer obsessed »), « être du côté de ses clients », on parle même d’être « en empathie avec son client » ; –  être au cœur de la valeur ajoutée pour le client ; – réinventer en continu ses produits/services ; – oser remettre en cause le statu quo ; – faire la chasse à l’inutile, au gaspillage ; – simplifier les processus de création de valeur ; – faire appel à l’intelligence collective ; –  remettre l’humain au centre des équipes et de leur organisation ; –  avoir la bienveillance et le courage pour valeurs ; –  avoir des leaders moteurs de ce mouvement et pleinement engagés ; –  faire des essais, des erreurs et apprendre en continu ; –  tendre au plus simple, élégant et plus fluide possible ; – avoir du plaisir à ce que l’on fait (« fun factor »). L’état d’esprit des membres des organisations « agiles » est à la base de leur réussite. L’intelligence cultivée, encouragée et valorisée en leur sein combine l’analyse et l’esprit critique avec la créativité et l’empathie. Elle se décline en des comportements tels que : – être humble ; – apprendre ; – agir ensemble ; – faire confiance ;

1. Quin Ross, directeur du programme « Innovator in residence » de l’Ontario Bar Association, mettait lui aussi l’accent sur ces dimensions dans un podcast très intéressant de « Building New Law » (https://www.countertax.ca/bnlpodcast/s04e01-quinn-ross-0) : « Libérons les gens et la croissance suivra. Je crois que nous n’avons pas donné de l’espace aux gens dans notre profession, avocats et autres membres de l’équipe, pour vraiment se développer et pour réaliser leur potentiel. De cette manière je crois que les cabinets laissent beaucoup de valeur sur la table. Je crois que si nous pouvions libérer les gens dans la profession, ils déverrouilleront l’innovation et nous aurons un meilleur barreau ».

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Coaching

– avoir « de la marge » pour innover ; –  créer des liens entre les différentes disciplines.

Comment initier l’innovation dans un cabinet d’avocats ? Ce mouvement d’amélioration et de réinvention continues est en marche au sein de l’économie de la connaissance et bon nombre de cabinets d’avocats s’y sont déjà engagés. Comme dans les autres secteurs économiques, les cabinets qui ont franchi le pas ont simplement décidé de le faire, et de le faire petit bout par petit bout, et d’avancer de trimestre en trimestre, d’année en année. La démarche est celle d’une recherche d’amélioration continue : souvent ce sont des « quick wins » (avancées modestes, « faciles » et rapides) comme l’accueil des nouveaux clients, l’accessibilité des avocats, les processus internes de collaboration, la visibilité sur le marché des talents,… qui donneront le ton et ouvriront le champ à la réinvention de dimensions plus fondamentales telles que le positionnement sur le marché, la politique de prix, la rémunération des membres du cabinet et même le « business model ». Souvent les changements les plus importants et porteurs des meilleurs résultats viennent du cœur de l’organisation (« bottom up »), à la différence de changements uniquement conçus, décidés et imposés par un conseil d’administration, par exemple (« top down »).

Mais, bien entendu, aucun changement ne peut réussir sans le support actif et la volonté sincère des organes de pouvoir de l’organisation.

Les cabinets de taille moyenne ont la cote dans ce panorama Contrairement à ce que l’on entend parfois, les cabinets de taille réduite (petite et moyenne) ont la cote dans l’environnement changeant actuel. Quels sont leurs avantages concurrentiels dans ce panorama ? Probablement le fait qu’ils sont plus libres, en ce sens qu’ils ont moins d’intérêts à défendre. Beaucoup de gens sont motivés par la peur. Ils songent davantage à protéger ce qu’ils ont, à éviter de « perdre », que de « gagner » de

nouvelles opportunités. Ceci est évidemment en proportion directe avec l’importance de l’acquis. Pour les grands cabinets, le gain potentiel en changeant semble souvent moins important que l’acquis. Il y a par ailleurs, dans les petites structures, potentiellement moins d’inertie. Tout changement est difficile et demande de l’énergie. Mais faire tourner un grand paquebot est sensiblement plus difficile qu’un petit voilier. En termes d’agilité, les petits ont clairement l’avantage. Enfin, il n’est pas impossible que les jeunes générations de collaborateurs, qui deviendront les forces vives de ces changements de paradigmes, préféreront les relations souvent moins « codifiées »2 et les modes de travail plus flexibles que l’on retrouve dans les structures plus réduites.

– Notre conseil Nous conclurons notre réflexion en nous inspirant de Peter Drucker et nous rappeler que « le meilleur moyen de prédire l’avenir est de le créer ».

1. Voy. en ce sens également, l’opinion de Stanislas van Wassenhove dans « L’avocat libéré », http://www.knowtogrow.be/fr/algemeen-fr/lavocat-libere/ : « la jeune génération des avocats ne se satisfait plus du modèle hiérarchique ancien et veut entrer dans le modèle collaboratif ».

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Sommaire Rédacteur en chef | Chefredakteur Jean-François Henrotte, Avocat / Rechtsanwalt — Secrétaire de rédaction | Redaktionssekretär Alexandre Cassart, Avocat / Rechtsanwalt — Comité de rédaction | Redaktionsausschuss Jean Belleflamme, Expertcomptable / Wirtschaftsprüfer Céline Deville, Avocate / Rechtsanwältin Robert De Baerdemaeker, Avocat / Rechtsanwalt Yves Derwahl, Avocat / Rechtsanwalt Gaël D’Hotel, Avocat / Rechtsanwalt Olivier Haenecour, Avocat / Rechtsanwalt Denys Leboutte, Réviseur / Revisor Stéphane Raty, Réviseur / Revisor Anne Reul, Avocate / Rechtsanwältin

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www.managinglawyer.be — Éditeur responsable | Verantwortlicher Herausgeber Paul-Etienne Pimont, ELS Belgium s.a. Rue Haute 139/6 | 1000 Bruxelles — Régie publicitaire | Werbeagentur The Future is Now Laurence Thomsin +32 471 63 67 01 info@the-future-is-now.net

1

L’avocat loin de la cour

15 Innover avec le legal design, remettre

er Anwalt fernab des Hofes D Das Video-Plädoyer

Jennifer Waldron

La vidéo plaidoirie

5 Audit d’acquisition : Étape

indispensable lors du rachat d’une entreprise ou d’un cabinet d’avocats ?

l’expérience du client au cœur de l’organisation du cabinet Innovation durch Legal Design Antoine Henry de Frahan

18 Construire une politique de formation interne efficace pour faire rimer formation et compétitivité : retours d’expérience

kquisitionsprüfung: ein wesentlicher A Schritt bei der Übernahme bzw. Kauf eines Unternehmens oder einer Anwaltskanzlei?

Aufbau einer effizienten internen Weiterbildungspolitik, damit Weiterbildung mit Wettbewerbsfähigkeit gleichgestellt wird: Erfahrungsberichte

Stéphan Raty et Alizée Vanspouwen

Frédérique Perrotin

9 La tarification horaire, talon d’achille 21 Réinventer les cabinets d’avocats, de la profession d’avocat. 4e partie adopter la gestion de projet juridique (legal project management)

Der Stundentarif, die Achillesferse des Anwaltsberufs. 4: Einführung des justischen Projektmanagements (Legal Project Management)

Le juriste de demain

14

Agenda

la voie royale de la réussite pour les cabinets d’avocats (de petite taille)

Anwaltskanzleien neu erfinden Der ideale Weg zum Erfolg für die (kleinen) Kanzleien

Anne-Laure Losseau et Ben Houdmont

SAVE THE DATES COLLOQUE - PLEINS FEUX SUR L'ASSURANCE-VIE ET L'ACCROISSEMENT : PÉRILS ET ÉCUEILS Colloque de la Revue de planification patrimoniale belge et internationale Jeudi 04 avril 2019 – Louvain–la–Neuve Frédéric Lalière, Matthieu Van Molle

FORMATION – L’ASSAINISSEMENT DES SOLS POLLUÉS EN WALLONIE  JOUR 1 - Introduction au fonctionnement du nouveau décret entré en vigueur le 1er janvier 2019

Vendredi 26 avril 2019 – Louvain–la–Neuve Alexandre Pirson, Michel Delnoy

 JOUR 2 - Analyse du nouveau décret et de la réglementation en matière de mouvements de terres

Mardi 14 mai 2019 – Louvain–la–Neuve Alexandre Pirson, Michel Delnoy

MATINÉE D’ÉTUDE – ÉLECTIONS SOCIALES Chroniques de jurisprudence

Jeudi 06 juin 2019 – Bruxelles Gaëlle Willems, Henri-François Lenaerts

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Ensemble, prêts pour demain

LARCIER | INDICATOR | INTERSENTIA | BRUYLANT

Ensemble, prêts pour demain Le monde juridique et fiscal évolue rapidement. La digitalisation, l'augmentation de la réglementation et l'amélioration de l'information des clients, qui deviennent de plus en plus exigeants, vous posent d'importants défis. Pour mieux vous accompagner, Larcier, Indicator, Intersentia et Bruylant unissent leurs forces. Ces éditeurs sont des références absolues dans tous les domaines juridiques et fiscaux : chacun d'entre eux s'adresse à son propre groupe cible, qu'il s'agisse d'universitaires, de juristes, de fiscalistes, de comptables, de chefs d'entreprise ou d'indépendants. À présent, nous formons ensemble une entreprise et un partenaire de connaissances pour vous soutenir dans votre pratique quotidienne, aujourd'hui et demain.

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