Managing Lawyer – Numéro 5 (2017/3)

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L’entrepreneur éthique – Der ethische unternehmer

managing lawyer

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L’organisation en open-space

GAZMALAW5

Das Open Space Modell

Trimestriel – juillet/août/septembre P921171 - Bureau de dépôt : 3000 Leuven MassPost

03.2017 | N.5

Éditeur responsable : Marc-Olivier Lifrange, Rue Haute 139/6, 1000 Bruxelles

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Évolution des professions de l’information juridique Die Entwicklung In Den Berufen Der Rechtsinformation

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@managinglawyer

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Eric Gillet

Associé Cabinet Equal — eric.gillet@equal-partners.eu http://equal-partners.eu

En 2015, Eric Gillet et plusieurs avocats lancent le cabinet Equal. Leur organisation en open-space nomade, qui tranche avec le bureau classique et encombré de dossiers d'un avocat, interpelle. Cette approche radicale s'inscrit dans une réflexion poussée sur la philosophie de l'exercice de la profession d'avocat. Interview réalisée par Alexandre Cassart.

L'ORGANISATION EN OPEN-SPACE ET CE QU'ELLE RÉVÈLE DE LA CULTURE D'UN CABINET D'AVOCATS Das Open Space Modell und was es über die Philosophie einer Anwaltskanzlei sagt Mehrere Rechtsanwälte, darunter Eric Gillet, haben die Kanzlei Equal gegründet. Dieses neue Open Space Kanzleimodell ist etwas völlig anderes als das klassische, von Aktenbergen vollgepackte Anwaltsbüro. Dieser kühne Ansatz entspringt einer gründlichen Analyse der Philosophie des Anwaltsberufes. Das Interview wurde durch Alexandre Cassart geführt. Pouvez-vous expliquer la genèse de votre cabinet ? À partir de quel moment la réflexion sur l'open-space s'est-elle engagée ? La réflexion sur l'open-space a immédiatement fait partie intégrante de la réflexion plus globale sur le concept de cabinet que nous voulions. Nous venons d'un cabinet « classique ». Comme beaucoup d'autres, il est fondé sur la performance individuelle, singulièrement le chiffre d'affaires réalisé. Nous estimions que ce business model n'est plus du tout adapté aux exigences de qualité de service à rendre au client. En effet, ce mode de fonctionnement instaure une concurrence interne qui induit que la répartition des dossiers n'est pas optimale et que le savoir ne circule pas. Nous avons alors fondé le cabinet sur le principe de l'horizontalité et supprimé toute

hiérarchie. Tous les avocats non stagiaires sont associés et chacun prend des décisions pour ce qui le concerne. La seule règle est qu'il faut consulter toutes les personnes qui peuvent être impactées par la décision prise. Nous évitons ainsi les longs processus d'approbation pour des sujets aussi triviaux que la participation à des colloques… Nos autres principes sont la transparence et la circulation de l'information. Par exemple, chacun fixe sa propre rémunération dans une fourchette définie, en fonction de ce qu'il peut apporter au cabinet. Les rémunérations sont remises à plat tous les 6 mois au cours d'une réunion. Chacun propose le montant le concernant, s'ensuit un tour de table ou chacun formule commentaires et/ou suggestions, et une décision de la personne concernée clôture le processus. Le sujet de la rémunération est central dans le fonctionnement des cabinets N.5 | 03.2017 | managing lawyer | 1


organisation

classiques, et générateur de tensions. Chez nous, ce sujet a disparu. Dès le début, nous avons compris que continuer à vivre dans des bureaux individuels était incompatible avec l'optique collaborative horizontale que nous souhaitions adopter. Que le concept du cabinet devait se refléter dans l'agencement concret du lieu de travail. Avez-vous rencontré des réticences ou l'enthousiasme a-t-il été immédiat ? Dès le départ, nous avons rencontré des positions très favorables à l’open-space, et d’autres plus sceptiques, ou réservées. Mais chacun a accepté de jouer le jeu. Après deux années de fonctionnement, nous ne pouvons que constater que tout le monde est conquis et que l'effet sur le cabinet est extrêmement positif, tant au niveau de l'ambiance, de la qualité des services juridiques et de la productivité. Nous nous demandons même parfois comment nous avons pu vivre dans un modèle de bureau traditionnel aussi longtemps. Pourriez-vous décrire le processus de création ? Vous êtes-vous fait assister par des professionnels ? Oui, nous nous sommes fait assister, tant la conception de départ est cruciale. Nous avons cherché à obtenir un environnement confortable. Tant au niveau visuel, esthétique, qu’acoustique. Ce dernier point est particulièrement crucial et tout, du mobilier aux revêtements de sol et de plafond, est pensé pour absorber les sons. L'ambiance est feutrée et les sons ne circulent pas. Il est possible de tenir des échanges calmes au milieu de l'openspace sans déranger les autres avocats. Lorsque l'on ouvre l'espace, il faut cependant pouvoir restituer la privacy d'une autre manière. Parfois une conversation téléphonique s'anime, un avocat a besoin de concentration ou de calme, une discussion s'éternise… Nous avons donc placé, au milieu de l'open-space, des « bulles » en verre, de 2,5 m sur 2,5 m, équipées

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de tout le nécessaire pour travailler. Je vous parle d'ailleurs d'une de ces bulles. Nous disposons encore de salles de réunion plus classiques pour les réunions avec les clients. Y a-t-il une place attitrée ? Comment se passe l'organisation pratique ? Non, nous avons opté immédiatement pour le principe du nomadisme. Personne n'a de bureau attitré et il est souhaité que chacun s'installe chaque jour – ou presque – à un endroit différent. Cela a mis un peu de temps à se mettre en place, car certains avaient tendance à se familiariser avec un poste de travail. Mais c'est désormais intégré. Concrètement, chacun vient se plugger sur un poste de travail spécialement équipé en ce sens. Cela implique évidemment une politique clean desk – là aussi, disons qu’on y est presque – et une remise en ordre régulière du cabinet, mais cela se passe bien. Nous tentons d'appliquer nos principes logiquement et pleinement, mais souplement pour éviter que ceux-ci ne deviennent oppressants. Après deux années, quel est votre retour ? C'est très satisfaisant. Une ambiance de communication règne au sein du cabinet, puisque tout le monde rencontre tout le monde en permanence. Parfois, il s'instaure une discussion juridique sur un dossier entre deux avocats, et un troisième vient apporter sa contribution. Nous avons constaté à plusieurs occasions que cette circulation du savoir apportait une réelle plus-value dans la gestion des dossiers. L'impact en a d'ailleurs été immédiat dès les premières semaines. Même si nous n'avons pas réfléchi en termes de coûts, le recours à l'open-space permet de réduire l'espace occupé et donc le poids du poste « immobilier ». Plus que cela, nous remarquons d'importants gains de productivité. Nous pouvons par exemple facilement déterminer si quelqu'un est présent et disponible. Auparavant, nous devions arpenter des kilomètres de couloir en risquant de trouver porte close. Désormais, les dossiers voyagent plus facilement en fonction des disponibilités et

des compétences, ce qui aboutit à un meilleur service au client, ce qui est valorisable. Avez-vous rencontré des points négatifs ? Des objections ? Beaucoup de confrères qui passent au cabinet nous disent « c'est génial mais nous on en est incapable ». Pourquoi ? Leur principale objection, c'est la confidentialité. Mais c'est une mauvaise excuse. Nous ne sommes pas obligés de téléphoner devant tout le monde, nous disposons de salles adaptées, etc. De plus, la confidentialité est étendue à l'ensemble des avocats et du staff, c'est le secret professionnel partagé. Je pense qu'il est important de rappeler ce point. L'argument de la confidentialité ne tient en réalité pas. C’est peut-être un prétexte inconscient. Plus fondamentalement, le recours à l'openspace dans de bonnes conditions ne peut pas se faire si on garde un mode de fonctionnement classique. Les collaborateurs serrés les uns contre les autres pour faire des économies et les associés dans leurs bureaux ? Cela devient une source d'inconfort, de discrimination, de rappel de la hiérarchie et le concept est finalement discrédité. La nécessité de changer de culture est probablement la réelle objection sous-jacente. Quel serait votre conseil à des confrères souhaitant mettre en place un open-space ? Si un cabinet veut aménager un espace ouvert, cela ne peut bien se faire sans une réflexion par rapport à la culture que l'on veut insuffler. Nous voyons une vraie intégration entre l'organisation spatiale, surtout en ce qu'elle implique au regard des rapports humains, et la philosophie dans laquelle nous voulons exercer notre métier. Pour nous, l'open-space est inséparable du principe collaboratif de fonctionnement du cabinet. Pour être une réussite, un tel projet ne peut pas être fondé sur des considérations de coût et est incompatible avec une structure hiérarchique. L'ouverture et la transparence au niveau de l'espace doivent se retrouver au niveau du principe même du fonctionnement du cabinet et, au-delà, de l'exercice même du métier d’avocat.


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marketing

Ben Houdmont KnowtoGrow – Legal marketing and business development — @benhoudmont www.knowtogrow.be

Pour faire du marketing de contenu les avocats doivent apprendre à réfléchir et à travailler comme des éditeurs. Le développement de ces compétences demande du temps, des efforts et, en général, un accompagnement. De même pour la rédaction des textes. De très nombreux avocats, jeunes et moins jeunes, ont du mal à créer du contenu adapté aux besoins du marketing de contenu. Il y a alors deux solutions possibles : l’externalisation ou la formation.

L’EXTERNALISATION DU MARKETING DE CONTENU Pourquoi les avocats devraient externaliser leur création de contenu, mais ne le font pas ?

Outsourcing Der Vermarktung Der Inhalte Warum sollten die Rechtsanwälte das Erstellen der Textinhalte besser outsourcen, aber tun es nicht? Zusammenfassung: um Inhalte zu vermarkten, müssen die Anwälte lernen wie Verleger zu denken und zu handeln. Dieses Umgewöhnen erfordert Zeit, Anstrengung und meistens auch eine Begleitung. Gleiches gilt für das Aufsetzen der Texte. Viele Anwälte, ob jung oder alt, haben es schwer, die Texte so zu verfassen, dass sie marketingtauglich sind. Dann gibt es nur zwei Lösungen: outsourcen oder sich selbst schulen lassen. Chaque fois que nous parlons avec des avocats, qu’il s’agisse de clients ou de clients potentiels, le « copywriting » – l’externalisation de la rédaction de textes – se révèle toujours un sujet sensible. De prime abord, cela paraît étonnant. Dans les autres secteurs, cela n’est pratiquement jamais remis en question. En effet, on y considère à juste titre que la rédaction est une discipline tout à fait semblable au graphisme. Aucun avocat ne juge nécessaire de créer le graphisme de sa communication, mais pratiquement tous les avocats souhaitent la rédiger eux-mêmes. À y regarder de plus près, ce point de vue devient peut-être moins étonnant.

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Tout d’abord, un lien étroit unit le droit et le langage. Le droit – la réglementation, la jurisprudence – a toujours recours au langage pour s’exprimer (contrairement aux sciences positives qui s’expriment en majeure partie par le biais de formules). Dès lors, la plupart des juristes possèdent de réelles compétences linguistiques et nombre d’entre eux sont des puristes de la langue. Un deuxième constat s’impose : par définition, le droit repose sur une pléthore de nuances. Les responsables politiques aiment présenter les lois, dont ils sont créateurs, en des termes simples et peu nuancés. Cependant la réalité est tout autre. La société dans laquelle nous


marketing

Une astuce est de commencer l’article par votre conclusion

vivons est très complexe et les règles juridiques sont définies à la mesure de cette complexité. Ensuite, ces règles sont quotidiennement appréciées au regard d’interactions illimitées et en perpétuelle évolution. Ce travail d’appréciation incombe précisément aux juristes. Les juristes pensent qu’ils sont les seuls capables d’exprimer leur expertise. Les juristes, convaincus de leur propre compétence linguistique et obligés de refléter fidèlement la subtilité de l’application des règles dans une situation concrète, estiment qu’ils sont les seuls à pouvoir exprimer leurs points de vue et leur expertise. Pour ce qui est de la rédaction de conclusions, d’avis et de jugements, ils ont bien entendu raison. Toutefois, ce que nous abordons avec nos clients, c’est le marketing de contenu. Il s’agit d’un concept tout à fait différent. L’économie numérique a modifié la façon dont les avocats et les cabinets d’avocats interagissent avec leurs clients. Le marketing de contenu – la création et la diffusion de contenus (textes ou vidéos) à des fins de marketing – s’est imposé comme le premier moteur de réussite dans le nouveau paysage numérique. Il s’agit d’une tendance nette observée dans tous les segments de marché de la profession d’avocat, tant sur le B2B que sur le B2C. La vision de base du marketing de contenu est de générer un contenu de grande valeur à

l’intention de votre groupe cible, afin d’en tirer profit. Pour de nombreux cabinets d’avocats et autres praticiens du droit, même de grande envergure, ce concept constitue encore à l’heure actuelle un défi colossal. Si les cabinets d’avocats créent de grandes quantités de contenu sous la forme de blogs et de newsletters, ils prennent rarement, voire jamais, la peine de conférer à ce contenu le petit plus qui attirera l’attention du groupe cible. Bien trop souvent, les cabinets d’avocats rédigent des « alertes » et des newsletters qui foisonnent de jargon juridique et qui se contentent de relater les faits d’un jugement récemment rendu, ou qui présentent une synthèse d’une nouvelle loi, au lieu de procurer des réflexions, des commentaires et des analyses. Les textes du marketing de contenu ne sont pas des avis juridiques. Les juristes craignent de faire mauvaise impression et même d’engager leur responsabilité s’ils ne rédigent pas des textes exhaustifs et nuancés. Pourtant, les articles de blogs ne sont en rien des avis. S’ils sont lus, c’est pour une autre raison. L’avis juridique est lu dans son intégralité ou, pour le moins, sa conclusion. Il en va de même pour un article juridique et scientifique : la construction logique revêt une importance capitale pour en comprendre les conclusions. La situation est différente pour les textes publiés sur un blog, un site web ou une

newsletter. En effet, ces derniers sont parcourus rapidement, sautant d’un bloc de texte à l’autre. Il existe une autre différence, encore plus fondamentale : les conclusions, avis et articles juridiques sont lus de manière intentionnelle. Le lecteur y consacre du temps et s’isole peutêtre même pour l’occasion. À l’inverse, votre blog et votre newsletter se lisent entre deux activités et ne reçoivent pas le même niveau de concentration. Ainsi, vous devez veiller à ce que votre contenu suscite l’envie d’être lu. De plus, vous devez en permanence garder à l’esprit que le lecteur peut très bien décrocher à miparcours ou ignorer certaines parties du texte. Dans ces cas vous souhaitez qu’il saisisse quand même l’essence de votre message. Une astuce est de commencer l’article par votre conclusion. Dans la plupart des cas, les problèmes commencent dès le titre (lequel de préférence doit déjà refléter la « thèse » de l’article) ou dès la première phrase (« En vertu d’un jugement récemment rendu par la Cour… »). Concernant les contributions de contenu sur des blogs, je peux à la limite comprendre que les avocats en arrivent à publier de tels articles difficiles à lire. Par contre, lorsque je lis des biographies d’avocats sur des sites web, je tombe bien souvent littéralement de ma chaise. Combien de ces articles suscitent l’envie d’être lus ? Combien de fois ai-je pu y trouver une personne en chair et en os m’invitant à prendre contact avec elle ?

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marketing

Comment lancer un programme de marketing de contenu dans un cabinet d’avocats ?

Ce n’est pas seulement la façon de s’y prendre qui pose problème. Le choix du contenu également. Lorsqu’ils diffusent du contenu sur les réseaux sociaux, les cabinets d’avocats ont souvent tendance à se satisfaire d’annoncer les prix que le cabinet a gagnés, les nouvelles missions confiées, ou le nouveau classement établi par Legal 500. Vous pouvez me croire sur parole : vos clients se moquent de lire de telles informations sur Twitter. Vos clients et prospects ne se sentent absolument pas concernés par vos récompenses et vos classements. Ce qui les préoccupe, ce sont les problèmes auxquels ils doivent faire face. Par conséquent, les cabinets d’avocats et les spécialistes en marketing juridique doivent élaborer une stratégie visant à créer et publier du contenu pertinent, de qualité et en quantité suffisante, afin d’ancrer et d’entretenir une « notoriété numérique » dans la tête de leurs clients. Une fois qu’un cabinet d’avocats est parvenu à définir une solide ligne rédactionnelle de fond, avec ou sans une aide extérieure, il lui faut encore trouver une façon de rédiger ce contenu en l’exonérant de tout jargon. En outre, au moment de publier le contenu, il convient encore de prêter attention à toute une série 6 | managing lawyer | 03.2017 | N.5

de points essentiels. Tous autant que nous sommes, nous lisons différemment sur un écran que sur une feuille. Et puis il y a le sujet du SEO (la technique pour être repéré sur Google). En bref : les cabinets d’avocats doivent apprendre à réfléchir et à travailler comme les éditeurs traditionnels. La plupart des cabinets, à des degrés divers, se heurtent à cette série de nouveaux défis. Récemment encore, ils se fiaient aux techniques traditionnelles telles que l’envoi de communiqués de presse, la réalisation d’une brochure et la réaction aux appels d’offres. La transition vers le marketing de contenu implique un changement de perspective considérable et exige une transformation radicale de la méthode de travail. Certains grands cabinets ont désormais engagé des « éditeurs » (spécialistes en marketing de contenu). Pourtant, dans bon nombre de cas, cela ne change rien. Les avocats persistent à vouloir rédiger eux-mêmes leur contenu, ce qui a le don de profondément frustrer les spécialistes en marketing. La rotation du personnel dans les services de Business Development et marketing dans les cabinets d’avocats est d’ailleurs considérable.

Dès lors, comment un cabinet d’avocats doit-il s’y prendre pour lancer un programme de marketing de contenu ? Faire appel à un spécialiste ? Compte tenu des tendances actuelles du marché, il n’est pas étonnant de voir croître rapidement le nombre d’entreprises qui se revendiquent expertes en marketing de contenu. Soudainement, nous voyons surgir un nombre incroyable de services proposés par des agences de communication, des rédacteurs free-lance, des agences de création de sites web, des agences publicitaires, des consultants en médias sociaux et des entreprises de SEO qui souhaitent tous sauter dans le train du marketing de contenu. Chacun d’entre eux vous promet de vous aider à « vous démarquer de la concurrence », à bâtir une grande communauté de followers sur les médias sociaux et à obtenir davantage de visibilité dans les classements Google. Mais la priorité n’est pas là. Les cabinets d’avocats doivent commencer par s’atteler à résoudre des problèmes plus fondamentaux. Tout d’abord, un cabinet doit apprendre à réfléchir et à travailler comme le ferait un éditeur et publier du contenu bien plus prégnant et utile à l’intention de leurs clients. Pour réussir comme le ferait un éditeur, un cabinet d’avocats doit développer une intuition et des connaissances qui ne se forgent pas du jour au lendemain. La plupart des cabinets d’avocats ne disposent simplement pas


marketing

les cabinets d’avocats doivent apprendre à réfléchir et à travailler comme les éditeurs traditionnels

de ces compétences à l’heure actuelle. Un accompagnement externe est alors à conseiller. La présence d’un nouveau cadre marketing est indispensable pour mettre à profit les médias sociaux et ainsi garantir une meilleure diffusion. Il convient de collecter et d’analyser des données en permanence afin de modifier régulièrement la nature du contenu créé en fonction des résultats obtenus.

– Notre conseil La mise en place d’une stratégie de marketing de contenu performante demande qu’un cabinet apprenne à réfléchir et à travailler comme le ferait un éditeur. À tout le moins, cette discipline oblige à vouloir pousser l’analyse un peu plus loin et à se montrer prêt à explorer de nouvelles idées, loin de la conception traditionnelle que l’on se fait d’un cabinet d’avocats. La présence d’un regard neuf se révèle souvent indispensable ou, du moins, très précieuse. De même pour la rédaction des textes. Mieux vaut-il rédiger soi-même le contenu ou est-il préférable de l’externaliser ? Bien évidemment, il est impossible d’apporter une réponse toute faite. Au cas par cas, les avocats peuvent décider de confier la formulation de son expertise à un tiers sur la base d’un entretien, ou d’externaliser la réécriture d’un texte. Les avocats peuvent également suivre une formation afin de rédiger leurs textes conformément aux règles de l’art. De très nombreux avocats, jeunes et moins jeunes, ont du mal à créer du contenu adapté aux besoins du marketing de contenu. Néanmoins, nous voyons de plus en plus de cabinets qui y arrivent. Et les résultats ne se font pas attendre.

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brèves

LES AVOCATS EN PERSONNE PHYSIQUE AURONT ÉGALEMENT LE DROIT DE SOUSCRIRE UN ENGAGEMENT INDIVIDUEL DE PENSION

Outre la pension légale, la plupart des avocats souscrivent à une Pension Libre Complémentaire d’Indépendant (PLCI). Dans le cas d’une PLCI ordinaire, vous pouvez verser jusqu’à 8,17% de votre revenu annuel (avec un maximum de 3.127,24 EUR en 2017). Le taux d’intérêt garanti est de 1,15% (brut). L’opération est intéressante puisque les primes sont fiscalement déductibles à titre de charges professionnelles et peuvent être déduites fiscalement au taux marginal. Les avocats en société disposent également d’un second produit de pension, l’Engagement Individuel de Pension (EIP). Dans ce cadre, la société constitue un complément de pension au bénéfice de son dirigeant. La prime annuelle est libre et déductible au titre de frais, pour autant qu’elle respecte la règle des 80% (la somme de toutes les pensions – légale, PLCI, EIP, assurance groupe – convertie en rente ne peut excéder 80% du dernier salaire annuel brut). Pour l’heure, les indépendants personnes physiques n’ont pas accès à cet intéressant produit. Toutefois, le gouvernement fédéral a annoncé vouloir mettre fin à cette discrimination pour la fin de l’année 2017. Stay tuned !

COEFFICIENT DE REVALORISATION POUR LES REVENUS CADASTRAUX

Le Moniteur publie un arrêté royal du 18 juillet 2017 modifiant, en ce qui concerne le coefficient de revalorisation pour les revenus cadastraux, l’article 1er de l’A.R./C.I.R. 1992. Le coefficient est de 4,39 pour l’exercice d’imposition 2018. Pour rappel, il s’agit d’une disposition légale qui limite le prix des loyers pour les dirigeants d’entreprise. Vous êtes propriétaire d’un bien que vous mettez en location à une société dont vous êtes gérant. Vous percevez alors des revenus immobiliers sur lesquels il n’y a pas de cotisations sociales et de précompte professionnel. Pour éviter des loyers excessifs et des revenus professionnels déguisés, la loi dit que le loyer ne peut pas excéder 5/3 du revenu cadastral revalorisé. Illustration : le revenu cadastral est de 1.000 EUR, le loyer est de 650 EUR par mois. Tout ce qui excède, par an, 1.000 EUR x 5/3 x 4,39 = 7.316,66 EUR/an ou 609,72 EUR par mois, sera considéré comme des revenus professionnels soumis à cotisations sociales et précompte professionnel (ici 40,28 EUR). En conclusion, il ne faut pas être trop gourmand dans la fixation du loyer. Aurélien Bortolotti, avocat au barreau de Liège

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organisation

Régis Panisi

Head of Knowledge Management, Stibbe — Regis.Panisi@Stibbe.com www.stibbe.com

Cet article souligne, en quelques raccourcis, les grandes évolutions des professions de l’information dans les cabinets d’avocats et les problèmes rencontrés, en particulier face aux nouvelles technologies. Il propose, en outre, quelques points d’attention pour la mise en place d’une stratégie d’implémentation indissociable de celle de la gestion des connaissances.

ÉVOLUTION DES PROFESSIONS DE L’INFORMATION JURIDIQUE Die Entwicklung In Den Berufen Der Rechtsinformation Dieser Artikel erklärt in Kurzfassung die bedeutendsten Entwicklungen und die Schwierigkeiten in den beratenden Berufssparten und dies anhand des Beispiels der Anwaltskanzleien. Es geht dabei insbesondere um die neuen Technologien. In diesem Beitrag geht es unter anderem darum, einige wichtige Hinweise bezüglich Implementierungsstrategien und Verwaltung der Kenntnisse zu geben. Pour le praticien du droit, la connaissance de la règle est l’étape par définition inévitable du processus de réflexion juridique. Cette connaissance constitue le résultat de la mise en œuvre de la méthodologie juridique impliquant une stratégie de recherche. Il y a encore une vingtaine d’années, dans les facultés, les techniques enseignées aux candidats juristes, de manière structurée ou non1, étaient encore largement basées sur l’usage des grandes sources en version papier et du bac à fiches. De nouveaux outils de recherches informatisés voyaient le jour comme des OPAC – catalogue de bibliothèque accessible en ligne – de plus en plus performants mais aussi, et surtout, des produits généraux commercialisés sous

forme de CD-Rom, tels que JUDIT2 de Kluwer, le RAJBi3 de Larcier ou plus spécialisés comme le RCCT4 ou encore Juridisk5. Arrivé au barreau, le stagiaire devait souvent réaliser lui-même ses recherches pour ses dossiers ou ceux de son maître de stage. Cette situation était la règle dans les petits cabinets de quelques avocats mais aussi dans les bureaux de plus grande taille et constituait la majeure partie des missions attribuées aux nouveaux arrivants. Dans certains cabinets, la secrétaire pouvait éventuellement fournir une aide et, pour les structures plus importantes, un poste de bibliothécaire-documentaliste était parfois créé. L’accès à ces sources se faisait soit grâce à la présence d’une bibliothèque privée de taille très variable ou encore via la bibliothèque du barreau ou celle d’une

Il existait et existe toujours une grande disparité dans les moyens entre les différentes universités. JUDIT était un produit commercialisé par Kluwer sous forme de CD-Rom avec des mises à jour plusieurs fois par an et comprenant une recension doctrinale cumulative. 3 Recueil annuel de jurisprudence belge informatisé. 4 Recueil des conventions collectives de travail, édité par Kluwer avec la version papier. 5 Idem, mais édité par Standaard Uitgeverij. 1 2

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organisation

Jusqu’ici, les spécialistes de l’information et les nouveaux produits technologiques faisaient encore un très bon ménage

université. Les implications que pouvait avoir l’arrivée de l’informatique sur la profession, tant dans le domaine de la méthodologie que dans celui de la gestion du cabinet, étaient encore difficilement évaluables mais il était évident que nous étions à l’aube de grands changements nécessitant une modification des habitudes mais aussi de nouveaux investissements techniques et humains. Cette prise de conscience était une obligation dans un marché de plus en plus concurrentiel où les cabinets « belges » d’une certaine taille étaient aux prises avec des acteurs anglo-saxons déjà bien avancés dans l’usage de ces nouveaux outils. Au début des années 2000, la pression du marché s’est accentuée et une clientèle de plus en plus exigeante imposait une rentabilité accrue à l’avocat évoluant dans les cabinets d’affaires6. Les structures ayant atteint une taille critique permettant un budget en matière de gestion des connaissances investissaient, d’une part, dans des produits électroniques de plus en plus efficaces (cfr JURA7 ou encore StradaLex8) et, d’autre part, dans des moyens humains nouveaux. À côté des bibliothécaires, de nouvelles fonctions voyaient en effet le jour comme les Professional Support Lawyers (PSL) ou encore les Information Officers. Basées sur des expériences anglo-saxonnes, les dénominations pouvaient grandement varier d’un cabinet à l’autre et parfois induire en erreur sur le contenu de la fonction, mais

tous ces nouveaux rôles tendaient dans tous les cas à mettre en évidence le besoin croissant de services support spécialisés. Ces derniers allégeaient le travail de l’avocat et déplaçaient la charge des recherches juridiques tout en laissant au praticien la partie à haute valeur ajoutée pour laquelle le client était prêt à payer. Au-delà des recherches, ces spécialistes étaient également chargés de la gestion des connaissances internes, par la mise en place de banques de données de know-how, ainsi que de l’entretien des sources externes en version papier comme électronique. Ces missions requéraient un personnel formé au Droit et à la méthodologie juridique mais aussi aux technologies de l’information, à la négociation et à l’inévitable psychologie des cabinets. Ce dernier point n’est pas à sous-estimer car contrairement à une entreprise classique, un cabinet d’avocats est quasi exclusivement composé d’indépendants. Cette indépendance n’est pas simplement le reflet d’un statut, elle est aussi intrinsèquement liée à l’exercice de la profession et, à ce titre, jalousement défendue. Méconnaître cette réalité est une cause majeure et fréquente d’échec en matière de Legal Knowledge Management. L’évolution lente vers une plus grande spécialisation des métiers de l’information dans les cabinets allait connaître des fortunes variées : le principal obstacle étant le recrutement et le maintien d’un personnel particulièrement difficile à trouver. Les juristes ayant résolument fait le choix d’une

fonction du support, même temporaire, dans le domaine de la gestion des connaissances étaient peu nombreux : les professions spécialisées de la documentation sont souvent perçues, à tort, comme peu valorisantes et dépréciant la formation acquise à l’université. Comme dans le monde anglo-saxon, durant les périodes de crise économique, certains praticiens faisaient cependant ce choix de manière transitoire mais ce n’était en aucun cas l’expression d’une vocation quelconque. Durant la phase de recrutement, les candidats exprimaient soit leur ignorance du secteur, ce qui était souvent le cas de jeunes diplômés, soit une fatalité conjoncturelle les ayant plongés dans ce pis-aller. Rares étaient ceux qui témoignaient d’un réel intérêt et, même dans ce cas, les premiers mois de travail produisaient fréquemment de grandes déceptions et se soldaient par des départs prématurés. L’implémentation d’une discipline en matière de gestion des connaissances et l’obligation d’un changement de mentalité vers le partage étaient particulièrement ardus à mettre en œuvre dans un milieu réputé pour son conservatisme. En outre, la valorisation de ces fonctions avait encore un long chemin à parcourir avant d’être à la hauteur de ce qu’elles pouvaient réellement apporter. Ce phénomène était, du reste, renforcé par la fréquente absence de vision pratique des cabinets demandeurs. Un autre problème majeur résidait en effet dans la définition même du rôle de ces fonctions

Le phénomène de commoditization date de cette période. La commoditization est la perception par le client de la possibilité de trouver sur le marché des services juridiques de qualité équivalente et dont le seul critère distinctif est le prix. 7 Successeur online de JUDIT. 8 Successeur du RAJBi et enrichi, entre autres sources, d’une large bibliothèque numérique. 6

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support dans le cabinet. Si tous pouvaient s’accorder sur le besoin de celles-ci, soit par une prise de conscience réelle, soit par effet de mode, peu avaient une idée claire de ce que devaient être les missions dévolues et la manière de les concrétiser. Cette absence de stratégie menait à un sous-emploi du personnel nouvellement engagé, ce que j’appellerais le phénomène de la « supersecrétaire », ou encore à un usage erroné en le considérant comme un « sous-stagiaire ». Le flou autour de ces professions induisait donc une inévitable porosité avec les rôles traditionnels et forcément mieux définis des secrétaires ou des stagiaires. Dans le même ordre d’idées, l’arrivée des nouvelles sources numériques n’avait pas ipso facto produit de changements fondamentaux quant aux stratégies d’abonnements et peu nombreux étaient les cabinets qui avaient concrètement défini, comme un vrai système, leurs besoins en matière de sources juridiques. Toutes ces incertitudes rendaient presque impossible la moindre politique de Legal Knowledge Management ambitieuse. Même les cabinets anglo-saxons devaient admettre que les recettes fonctionnant ailleurs n’avaient pas forcément une application heureuse en Belgique. Les errances décrites, par ailleurs également constatées pour le choix d’un Document Management System ou encore d’un intranet, avaient toutes pour conséquence une grande frustration de la part des avocats qui, tout en percevant les besoins du changement, ne pouvaient concrètement le mettre en œuvre 9

mais aussi, et je dirais même surtout, une grande perte financière dans des projets sans avenir, un personnel instable ou encore des sources non utilisées. Dans une certaine mesure et bien que la plupart de ces difficultés aient pu être finalement surmontées et que les différents acteurs (avocats, spécialistes de l’information, management, éditeurs, ...) se soient montrés plus matures avec le temps, toutes ces réalités restent encore perceptibles de nos jours. L’évolution du marché après la crise de 2008, de même que l’arrivée de technologies d’une puissance inimaginable il y a quelques années ont dramatiquement remis à l’ordre du jour la nécessité d’une réelle révolution des méthodes dans la profession et nous placent face à de nouveaux bouleversements du rôle de chacun. Jusqu’ici, les spécialistes de l’information et les nouveaux produits technologiques faisaient encore un très bon ménage dans la mesure où l’usage qui était fait de ces derniers restait dans un rapport de simple utilisation et non de concurrence. Selon le Washington Post9, si le rôle de l’avocat évolue, il ne sera jamais remplacé par l’intelligence artificielle. Ce constat n’est

par contre pas vrai pour les fonctions support dont je viens de parler et qui semblent pouvoir être aisément mises de côté au profit de technologies plus performantes. Les gains de rendement apparaissent dès lors facilement : réduction de la charge salariale et investissements dans des produits capables de gérer de très grandes quantités d’information et d’accompagner l’avocat durant toutes les étapes de son travail, et ce de manière ininterrompue. Les avantages sont encore plus évidents lorsque cet accompagnement, et donc l’augmentation du rendement, se réalise dans des missions commoditized. Cela signifie-t-il la fin de ce mouvement de diversification des fonctions débuté chez nous il y a une vingtaine d’années ? Rien n’est moins sûr ! Les zones de confort conquises de haute lutte après les difficultés rencontrées et décrites plus haut doivent être remises en cause et le spécialiste de l’information juridique, quelle que soit la dénomination de sa fonction et son statut10, doit revoir son rôle, élargir ses compétences à de nouveaux domaines mais aussi accepter que certaines de ses missions classiques soient laissées à une intelligence

Shelly TAN, « Job Terminator, Can robots learn your skills? », Washington Post, 27 juin 2015, https://www.washingtonpost.com/graphics/health/watson-jobs/ (consulté le 1er août 2017). Certains sont parfois employés mais d’autres ont le statut d’avocat.

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organisation

En termes de moyens humains et techniques, il est aussi évidemment impératif de choisir une solution adaptée à la taille du cabinet

– Notre conseil non humaine. Il est nécessaire de considérer les missions de ces spécialistes comme un véritable métier avec ses particularités et non une simple variante de la pratique du Droit. En ce sens, les connaissances IT prennent une place prépondérante car le professionnel de l’information avec une expérience métier jouera valablement le rôle d’intermédiaire, de facilitateur, entre les avocats et les fournisseurs IT internes ou externes. En termes de moyens humains et techniques, il est aussi évidemment impératif de choisir une solution adaptée à la taille du cabinet mais l’évolution du marché démocratise l’accès à des technologies de plus en plus complexes et même les structures de quelques avocats sont désormais dans l’obligation de penser ou repenser leur gestion des connaissances englobant les aspects techniques.

Pour une politique sérieuse et équilibrée en Legal Knowledge Management et en matière d’implémentation de nouvelles technologies : • affecter le personnel adéquat à la gestion des connaissances : éviter le recyclage (pas de volontaire chinois), privilégier la polyvalence (capacité organisationnelle, autonomie, compétences IT, assertivité, …) et donner à cette personne le temps pour travailler ; • définir avec cette personne de manière précise son rôle, ses limites, ses responsabilités et communiquer en ce sens ; • définir de manière très précise les besoins actuels du cabinet en matière de sources (papier et électronique) et leur évolution au regard de la stratégie de développement du cabinet ; • réaliser un audit complet de ce dont le cabinet dispose et prendre les mesures nécessaires dans le sens du point précédent ; • toute implémentation de nouvelles technologies doit être précédée d’un plan incluant l’ensemble des coûts déclarés mais aussi une évaluation aussi complète que possible des coûts cachés (consulting, effort interne, formation, …) et contenir de manière impérative la définition des critères de performance (éviter les empty boxes). Ces deux derniers points manquent trop souvent et leur absence est fréquemment le fruit d’un achat compulsif : tout ce qui brille n’est pas de l’or mais en a le prix ; • en règle générale, ne jamais laisser de carte blanche à un fournisseur de nouvelles technologies : il est vital de fixer un cahier des charges précis avec des moments prévus pour l’évaluation de l’avancement du projet. Ce conseil peut paraître superflu, mais ce type de situations est très fréquent surtout lorsque le personnel et le temps n’ont pas été consacrés à une réflexion en profondeur.

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agenda

21 septembre 2017

17 novembre 2017

Larcier group – Bruxelles – Marketing juridique 2.0 ➔ https://www.larciergroup.com/ formation-marketing-juridiq ue-2-0-2017-9781100872322.html

IBA – Londres (Royaume-Uni) – Building the Law Firm of the Future ➔ http://www.ibanet.org/Conferences/ conf816.aspx

10 octobre 2017

30 novembre 2017

Larcier group – Watermael-Boitsfort – La gestion du temps et du stress dans la pratique professionnelle ➔ https://www.larciergroup.com/ formation-la-gestion-du-temps-et-dustress-dans-la-pratique-professionnel le-2017-9781100872353.html

Larcier group – Namur – La gestion du temps et du stress dans la pratique professionnelle ➔ https://www.larciergroup.com/ formation-la-gestion-du-temps-et-dustress-dans-la-pratique-professionnel le-2017-9781100872360.html

19 octobre 2017

1er décembre 2017

Larcier group – Louvain-la-Neuve – Initiation au legal design ➔ https://www.larciergroup.com/ formation-initiation-au-legaldesign-2017-9781100875217.html

24 octobre 2017 Wolters Kluwer – Diegem – Networking : nouer les bons contacts professionnels ➔ http://formations.wolterskluwer.be/ formations/developpement-personnel/ competences-sociales/reunion-miseen-reseau/networking-nouer-les-bonscontacts-professionnels/

27-31 octobre 2017 UIA – Congrès annuel – Toronto (Canada) ➔ http://www.uianet.org/fr/evenement/ type-46986/61e-congrès

IBA – Moscou (Fédération de Russie) – 11th Annual Law Firm Management Conference ➔ http://www.ibanet.org

6-9 décembre 2017 CIB – Port-Au-Prince (Haïti) – Congrès annuel ➔ http://www.cib-avocats.org/congres/

14 décembre 2017 Wolters Kluwer – Louvain-la-Neuve – Google Analytics : maîtrisez l'utilisation pratique ➔ http://formations.wolterskluwer. be/formations/vente-marketingcommunication/marketing/data-drivenmarketing/google-analytics-maitrisez-lutilisation-pratique/

7 novembre 2017 Wolters Kluwer – Bruxelles – Créer des newsletters et des e-mailings percutants ➔ http://formations.wolterskluwer. be/formations/vente-marketingcommunication/communication/ communication-marketing/creerdes-newsletters-et-des-e-mailingspercutants/ N.5 | 03.2017 | managing lawyer | 13


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Anne-Laure Losseau

COMMUNIQUEZ-VOUS « À CERVEAU TOTAL » ? Kommunizieren Sie mit dem « ganzen Gehirn »? “In der Kommunikation gilt es, das Ungesagte zu hören”, Peter Drucker.

Executive and Career Coach — al@aligncoaching.be www.aligncoaching.be

« La chose la plus importante en communication, c'est d'entendre ce qui n'est pas dit. » Peter Drucker Éloquence, verve, faconde, bagou, rhétorique et dialectique… Autant de mots pour dire que les avocats parlent beaucoup et qu’ils parlent bien. L’art oratoire est une (belle) chose, mais comment les avocats communiquent-ils, au sein de leurs équipes, avec leurs confrères, avec leurs (futurs) clients ?

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Myers-Briggs Type Indicator. http://www.herrmann-europe.com/fr/nos-outils/le-hbdi.

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Eloquenz, Elan, Sprachgewalt, Rhetorik, Redegewandtheit, Dialektik… alles Attribute um zu sagen, dass die Anwälte viel und gut reden. Die Redekunst ist etwas Wunderbares, aber wie kommunizieren die Anwälte in ihrem Team, mit den Kollegen und mit bestehenden und zukünftigen Kunden? Si vous vous intéressez à cette question, l’idéal est de viser une communication « à cerveau total ». Je fais ici référence à l’approche des préférences cérébrales, modélisée par le chercheur américain Ned Herrmann, à savoir le HBDI (pour Herrmann Brain Dominance Instrument). Les recherches de neurobiologie à propos du fonctionnement du cerveau ont démontré de quelle manière les individus appréhendent leur environnement et « fonctionnent » selon leurs « préférences cérébrales ». Il est ainsi possible de comprendre comment nos choix professionnels, notre manière de travailler, d'apprendre et d’interagir sont influencés par ces préférences. Le modèle HBDI représente une « modélisation » de l’esprit humain (à la différence de l’indicateur MBTI1 par exemple, qui est de l’ordre d’une typologie de personnalités).

Voici le schéma qui illustre ce modèle, divisé en quatre couleurs2.

Le modèle HBDI pose que l’individu développe des préférences cérébrales plus ou moins importantes en ce qui concerne : • le cerveau droit (intuitif et global) ; • le cerveau gauche (logique et analytique) ;


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Chaque fois que vous vous adressez à quelqu’un, vous augmenterez considérablement votre impact en lui parlant « son langage » – • le cerveau limbique (émotionnel et affectif) ; • le cerveau cortical (réfléchi, conceptuel et spéculatif). Chaque personne possède donc une carte mentale unique, représentée par une combinaison de tout ou partie des quatre couleurs du modèle, en proportions plus ou moins importantes, lui faisant percevoir le monde, en ce compris les différentes tâches professionnelles, à travers le prisme de ses préférences cérébrales. L’on peut ainsi déterminer, pour chaque personne, les meilleures stratégies d’apprentissage, de résolution de problèmes, les facteurs de motivation, de démotivation, etc. Dans certaines entreprises, l’usage est de placer en vue sur son bureau son profil HBDI afin de permettre à votre interlocuteur d’adapter son style d’interaction selon vos préférences ! Chaque fois que vous vous adressez à quelqu’un, vous augmenterez considérablement votre impact en lui parlant « son langage », et si vous voulez toucher un groupe entier (votre cabinet ou l’ensemble de vos clients et prospects, sur votre site internet, par exemple), l’idéal sera de communiquer « à cerveau total », c’est-à-dire en vous adressant, à tour de rôle ou en même temps, aux différentes préférences cérébrales : « bleue », « jaune », « verte » et « faire suivre le texte rouge ».

Très concrètement, pour communiquer « à cerveau total » : Aux bleus (type « ingénieurs »)3 : donnez-leur des données objectives, des chiffres, des analyses et des conclusions rationnelles ➔ QUOI Aux verts (type « gestionnaires »)4 : donnez-leur de l’organisation, un planning d’exécution, un séquençage, de l’ordre, du pragmatisme, des étapes concrètes à franchir et des délais aussi précis que possible ➔ COMMENT Aux rouges (type « relationnels »)5 : donnez-leur un sentiment d’appartenance, de l’émotionnel, de la convivialité, de la reconnaissance, l’envie de se rassembler et de porter votre projet ➔ QUI Aux jaunes (type « visionnaires créatifs »)6 : donnez-leur de l’inspiration, une vision, de l’idéal, donnez-leur une marge de créativité, d’invention et projetez-les dans l’avenir et dans la nouveauté ➔ POUR QUOI

Nous l’avons dit, au-delà des aspects de communication, ces dimensions sont à l’œuvre dans une multitude d’autres domaines, tels que la résolution de problèmes, l’apprentissage et l’enseignement, la créativité, mais également le travail en équipe, le leadership, etc. Relevons également que les individus dont le profil se rapproche du profil moyen dans leur profession se déclarent plus satisfaits de leur carrière. Terminons par une illustration en matière de résolution de problèmes. Imaginez-vous un brainstorming (quasiment au sens propre !) entre un « cerveau » droit (jaune et/ou rouge) et un cerveau gauche (bleu et/ou vert). Pour être efficace, ce brainstorming se fera dans les quatre couleurs : le « rouge » permettra à chacun de s’exprimer, le « vert » sera le gardien du temps et du plan d’action final, le « jaune » fournira la nécessaire dose d’innovation et de « disruption » et le « bleu » fera en sorte que la réunion se clôture avec une solution et une décision. On le voit, les groupes présentant des profils à dominances différenciées trouveront moins rapidement le consensus mais c’est de leurs échanges que naîtront des solutions plus affutées et, dès lors, une performance accrue.

L es « logiques, analytiques, factuels, quantitatifs, rationnels ». Les « conservateurs, organisés, dominants, séquentiels, minutieux ». 5 Les « émotionnels, kinesthésiques, sensitifs, symboliques ». 6 Les « intuitifs, synthétiques, imaginatifs, artistiques ». 3 4

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– Le « cerveau gauche », de son coté, trouvera cette démarche absolument illogique, préférant suivre une démarche méthodique, allant de l’observation détaillée des faits jusqu’à la solution par une analyse faite étape par étape. Cette démarche paraîtra complètement stérile et ennuyeuse au « cerveau droit ».

– En apparence occupé à d’autres choses, le « cerveau droit » avancera de manière irrégulière et itérative, avec des périodes d’incubation et d’illumination, revenant en arrière pour revoir le tableau dans son ensemble et les relations entre ses composantes et puis refaisant un saut quantique dans un « Eureka ! » plus ou moins décisif. Aimant raisonner et comprendre par analogie, il n’hésitera pas à tirer force arguments de la comparaison avec un domaine totalement étranger au problème examiné.

Si vous voulez connaître votre profil de préférences cérébrales et celui de votre équipe, le questionnaire HBDI se remplit en ligne par l’intermédiaire d’un consultant certifié qui vous aidera à comprendre vos préférences et à valoriser les complémentarités au sein de votre équipe.

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Le juriste de demain Legal Futurologist — @Juristededemain https://lejuristededemain.blogspot.fr/

Lorsque vous dites aux avocats que leurs tarifs sont chers, voici leur réponse dans 99% des cas : « La qualité a un prix ! ». Ensuite, ils dégainent leur argument favori : « Nous apportons de la valeur au client. C’est pourquoi nos tarifs sont élevés ». Sauf qu’en réalité, cette valeur, le client a beaucoup de mal à la rattacher aux prix pratiqués par les avocats. La tarification horaire, mode de facturation préféré de la profession, met en relief le conflit d’intérêts qui existe entre l’avocat qui a besoin de facturer du temps pour plus de rentabilité et son client, qui, lui, a besoin de réduire ses coûts (le coût des services qu’il achète) et connaître la valeur que lui apporte la prestation juridique. Ce conflit a des conséquences graves pour la relation entre ces derniers et met en exergue les effets pervers de ce modèle de facturation.

LA TARIFICATION HORAIRE, TALON D’ACHILLE DE LA PROFESSION D’AVOCAT Abrechnung auf Stundenlohnbasis, die Achillesferse des Anwaltsberufes Wenn Sie Rechtsanwälten sagen, sie seien teuer, entgegnen sie Ihnen in 99 Prozent der Fälle Folgendes: “Qualität hat ihren Preis!” Anschließend bringen sie ihr Lieblingsargument: “Wir schaffen dem Kunden einen Mehrwert! Aus diesem Grund sind unsere Tarife hoch.” In Wirklichkeit hat der Kunde es jedoch sehr schwer einen Zusammenhang zwischen diesem Mehrwert und den praktizierten Honoraren zu erkennen. Die Abrechnung auf Stundentarifbasis wird in unserer Berufssparte bevorzugt. Diese Berechnungsweise kann jedoch einen Konflikt schüren zwischen einerseits dem Anwalt, der logischerweise Zeit berechnen muss um rentabel zu arbeiten und andererseits dem Kunden, der seine Ausgaben so niedrig wie möglich halten will (den Service, den er kauft, möchte er zum besten Preis haben), jedoch auch erkennen möchte, welchen reellen Wert die juristische Dienstleistung für ihn hat. Dieser Zwiespalt kann die Beziehung zwischen Anwalt und Klient schwer belasten und zeigt die negativen Folgen dieser Berechnungsweise. 1. État des lieux A. La tarification horaire en question Tout d'abord, il convient de rappeler aux juristes de demain en quoi consiste la facturation au taux horaire (le mot « taux » est un abus de langage. En réalité, il s'agit d'un tarif horaire).

Après avoir déterminé un tarif pour une heure de travail, il s'agira pour un avocat de facturer ses services à son client en fonction du temps qu'il passera à travailler sur ses dossiers. Par exemple, si l'avocat passe 10 heures sur les dossiers de son client, ce sont 10 heures facturables à ce dernier. Le concept est dès lors aisé à comprendre et à appliquer. N.5 | 03.2017 | managing lawyer | 17


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En France, la facturation au taux horaire est le mode de facturation « reflex » des avocats. Beaucoup de cabinets fonctionnent sur ce mode de facturation. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est le plus simple, le plus pratique et surtout le plus rentable. En effet, c'est un mode de facturation qui présente l'avantage pour certains clients de la transparence : cela peut paraître étonnant mais la facturation au taux horaire impose à l'avocat d'indiquer de façon détaillée le travail effectué (les fameuses « timesheets », feuilles de temps en français). C'est donc un moyen pour le client de contrôler le travail de l'avocat. Aussi, pour ce dernier, c'est un moyen de s'assurer une rentrée d'argent certaine. Peu importe le résultat obtenu, le client s'engage à rémunérer chaque seconde passée par l'avocat sur ses dossiers, lequel diminue le risque client tout en se garantissant un large pécule. C'est bien là le problème mais nous y reviendrons. En remontant aux sources de la tarification horaire, on constate qu'elle a été mise en place pour la première fois en 1919 aux États-Unis par un certain Reginald Heber Smith, avocat associé au sein du cabinet Legacy Hale and Dorr (actuel Wilmerhale) de 1919 à 1956. Il estimait que cette méthode de facturation était parfaite pour évaluer les services d'un avocat. La feuille de temps qu'il avait mise en place permettait de décrire les tâches effectuées par l'avocat mais aussi le temps qu'il consacrait à la réalisation de celles-ci. Voici ce qu'il disait : « Le service que l'avocat rend réside dans ses compétences professionnelles, mais la matière première qu'il vend au client est son temps or chaque avocat en a une quantité limitée »1. Bien entendu, nous ne ferons pas de raccourci sur la théorie de Smith. Toutefois, il a littéralement convaincu tous les avocats du monde entier que le temps était la valeur ajoutée de l'avocat et que par conséquent, celui-ci avait un coût. Il avait une vision bien précise du « Billable hour » qui impliquait davantage le client dans

le processus de détermination du tarif que ce dernier ne l'est aujourd'hui. J'invite ceux qui souhaitent en savoir plus à se procurer « Law Office Organization »2.

Pendant des années, les clients avaient pour habitude de ne contester que très rarement les factures émises par leurs avocats. Il faut dire que tout le monde y trouvait son compte :

Ce système, que les clients ont souhaité conserver (voir le rapport sur la tarification)3, a produit les conséquences que l'on connaît aujourd'hui au sein de la profession. Tous les cabinets sont structurés à l'identique sauf quelques rares (et nouvelles) exceptions : le business model a pour colonne vertébrale le taux horaire. Toute l'architecture, la structure organisationnelle interne (notamment la détermination de la rétrocession des collaborateurs) d'un cabinet repose sur ce mode de facturation (ou sur le temps). On évalue même la performance d'un avocat à sa capacité à facturer des heures ! (et non juste à la pertinence de ses analyses juridiques). Enfin, la facturation au taux horaire, c'est également un facteur déterminant pour le partage des bénéfices entre associés. Elle est la norme sur le marché des services juridiques en France.

• ce système de tarification à l'heure existe depuis plusieurs décennies ; • le client considère qu'en rémunérant l'avocat au temps passé, il parvient à garder le contrôle sur l'évolution du coût de la prestation ; • l'unité heure est simple et objective.

Comme nous l’indiquions précédemment, le taux horaire est le mode de facturation le plus utilisé par les avocats. Toutefois, il en existe d'autres, moins connus ou moins, voire mal utilisés (nous verrons cela plus loin). B. I ncidences de la tarification horaire sur les entreprises4 Le fameux « Billable hours »5 est source de beaucoup de contentieux entre les avocats et leurs clients entreprises mais pas pour les raisons que l'on croit. En effet, il serait compréhensible de se limiter à penser que la prestation d'avocat coûte cher et qu'il devient de plus en plus difficile pour les entreprises de consacrer un gros budget au « juridique ». Ce raisonnement ne suffit pas. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Le problème est beaucoup plus profond.

Cependant, là où les avocats ont vu leurs revenus augmenter de façon impressionnante, leurs clients eux, ont vu leur budget juridique exploser. Plus les avocats augmentaient leurs tarifs, plus les clients s'intéressaient à la facture et au détail facturé. D'ailleurs, ces mêmes clients reconnaissent avoir du mal à percevoir la valeur de la prestation de l'avocat au quotidien. En effet, l’heure facturable ne traduit pas la valeur des services rendus par les avocats. Partant de ce constat, il fallait que les clients trouvent un moyen de reprendre le contrôle sur les montants affectés au budget juridique. Sauf que ce mode de facturation rend difficile tout processus d'optimisation, de rationalisation, d'amélioration et d'efficacité. Un exemple : votre client décide de vous confier la rédaction d'un document complexe. Vous décidez de le facturer au temps passé car il s'agit là d'un document rare, sur mesure. Votre taux est de 200 euros/heure. Vous mettez finalement plus de 15 heures pour obtenir un bon document. Du coup, le client reçoit une note d’honoraires de 3.000 euros. Pourtant, sur 15 heures, vous avez passé 7 heures en recherches (car vous n'aviez pas la version premium de Doctrine.fr6), 5 heures en rédaction (car vous n'aviez pas d'outil adapté du type Lexdev.fr7) et 3 heures de diligences.

La revue de ce livre est disponible sur ce lien : http://verasage.com/blog/book_review_law_office_organization/. Disponible sur en lecture en ligne sur https://www.jstor.org/stable/25712767?seq=1 - page_scan_tab_contents. 3 Disponible sur le site du barreau québécois http://www.barreau.qc.ca/fr/actualites-medias/communiques/2016/03/22-tarification. 4 Nous avons délibérément choisi de ne pas traiter des incidences de la tarification horaire sur les particuliers. 5 Heures facturables. 6 https://www.doctrine.fr/. 7 http://www.lexdev.fr/. 1 2

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Vous saisissez l'enjeu pour le client ? Voici typiquement le genre de questions qu'il peut légitimement se poser : « Pourquoi payer 3 heures de diligences ? Étaient-elles si indispensables ? » ; « Quid des 7 heures de recherches ? L'avocat maitrisait-il son sujet ? » ; « Me suis-je trompé d'expert ? Peut-être qu'un avocat plus expérimenté n'aurait pas mis autant de temps... » ; « Et puis, je ne suis pas du tout d'accord sur le postulat choisi par l'avocat ! Je ne suis pas satisfait de la prestation (ou je suis à moitié satisfait) ! »... Les interrogations du client peuvent être multiples. Et ce qui est étonnant, c'est qu'à aucun moment celui-ci ne s'interroge sur la valeur réelle de la prestation ! L'avocat, sans le vouloir, en utilisant ce mode de facturation, oblige le client à se concentrer sur la feuille d'honoraires et notamment sur le montant qui y figure. Le client paie mais ne sait pas définir la valeur que lui apporte son avocat. Il se retrouve à payer des heures donc du temps à l'avocat. Finalement, on se rend bien compte que du côté de l'entreprise, le problème n'est pas nécessairement le montant de la prestation d'avocat mais celui-ci corrélé avec la valeur de ladite prestation. La question fondamentale que se pose le client est la suivante : le prix correspond-il à la valeur (ressentie) que procure la prestation d'avocat à mon entreprise ? Il faut savoir que cette inadéquation entre heures facturées et valeur pour le client a des conséquences au quotidien pour les entreprises (prédictibilité difficile des coûts, communication malaisée avec l’avocat, manque de confiance et défiance systématique de l'avocat, ...). En réponse à ces nombreuses problématiques, les entreprises ont, depuis quelques années maintenant, entrepris des changements dans la manière de consommer les prestations juridiques. Ces changements ont pour effet

de bouleverser la structure des business model des cabinets d'avocats. Les clients sont devenus plus exigeants et plus intrusifs (mais aussi beaucoup plus détachés). Ils ne se contentent plus de demander la baisse des tarifs : • i ls investissent dans les technologies disponibles8 ; • ils exigent de plus en plus que les avocats qui travaillent sur leurs dossiers soient expérimentés (réduction du recours aux jeunes avocats) ; • ils externalisent et ont fréquemment recours aux LPO (Legal Process Outsourcing)9 ; • i ls imposent de nouveaux modèles de tarification aux cabinets d'avocats. Enfin, il semblerait que la tarification au temps passé vive ses dernières années. Pourtant, sur ce plan, force est de constater que la profession d'avocat entame à peine ce chantier...

2. P laidoyer pour la « grande transformation »10 de la facturation A. C ombattre le « syndrome de la psychologie horaire » Avant toute volonté de changement organisationnel ou structurel, il est impératif que l'esprit soit en harmonie avec cette volonté de changement. L'avocat doit être mentalement prêt à basculer d'un modèle à un autre. Sans un état d'esprit cohérent avec la volonté de changement, toute tentative sera vaine car penser systématiquement l'activité d'avocat en termes de temps passé, de fait, rend la profession indubitablement réfractaire à toute possibilité de changement. Essayons de proposer une modeste méthode. Aujourd'hui, qu'on se le dise : l'avocat ne peut rien faire sans penser au temps passé. C'est

à la limite une maladie chronique ! La vie professionnelle d'un avocat, c'est comme dans « Time out » (pour ceux qui ont regardé le film). Le temps est précieux ! Plus on en a, plus on vit. Chez les avocats, c'est pareil : plus on facture du temps au client, plus on gagne de l'argent ! Il est psychologiquement atteint. Il passe son temps à se demander : « combien vais-je facturer au client ? », « Ah ! J'ai effectué de nouvelles diligences, je l'ajoute sur la facture ! ». Demandez à un associé d'un cabinet d'avocats s'il souhaite innover, mettre à disposition une salle de sport pour ses collaborateurs, leur donner huit semaines de congés par an (ou juste leur dire : « prenez des jours off quand vous le voulez ! ». Les avocats ne sont-ils pas libéraux avant tout ?), la réponse sera cruellement objective et mathématique : « C'est du temps que je ne facture pas ! Je ne serai donc pas rentable ! ». Il rajoutera avec une touche d'ironie : « Eh oui ! Il faut que je facture moi ! J'ai un business à faire tourner ! ». Pourtant, l'évolution du marché des prestations juridiques semble ne laisser aucun choix aux cabinets d'avocats. Il va bien falloir tout remettre à plat à un moment ou à un autre. Engager la « grande transformation » de la facturation, c'est justement accepter d'envisager le changement donc de tendre vers l'ouverture mais surtout, c'est décider de ne plus raisonner ou réfléchir exclusivement en termes de temps passé. Tout est à revoir : de l'organisation même du cabinet en passant par son business model, à la rentabilité des collaborateurs. Toute la pyramide est à reconstruire. Dès lors, ce « chantier » est juste inenvisageable si la psychologie n'est pas prête. L'heure facturable est un vrai parasite qui empêche d'entamer un travail de fond sur

Étude de janvier 2017 de http://www.dayone-consulting.com/. http://www.cercle-montesquieu.fr/global/gene/link.php?doc_id=680&fg=1. 10 Expression tirée de « La grande transformation des avocats » par Thierry WICKERS. 8 9

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Pour tout vous dire, facturer un client au temps passé n’a pas de sens car la prestation intellectuelle n’est pas quantifiable

la tarification de la prestation d'avocat. Il est urgent de combattre ce syndrome car il est addictif, contre-productif et surtout destructeur : la psychologie horaire tuera à terme le business des avocats. Il faut donc réagir et être force de nouvelles propositions. Après avoir passé ce cap psychologique, il conviendra d’entamer le travail de fond tant redouté : refonder le mode de facturation d’un cabinet d’avocats. B. Pourquoi faut-il abandonner la facturation au taux horaire ? Selon un récent rapport du Centre d’étude des professions juridiques de la faculté de droit de Georgetown, nous assistons à la « mort » de la traditionnelle facturation horaire11. Pour tout vous dire, facturer un client au temps passé n’a pas de sens car la prestation intellectuelle n’est pas quantifiable. Un avocat peut passer 6 heures sur un dossier sans apporter une seule solution à son client. Pourtant, ce dernier se retrouve contraint à payer 6 heures pour rien. À côté de cela, 3 minutes de conseils peuvent positivement transformer un client ! Nous avons vu précédemment les difficultés qu’occasionne cette facturation au client et

à quel point elle est déconnectée de la valeur attendue par celui-ci. Le rapport de la Commission de l’American Bar Association sur le « Billable hours » de 200212 avait déjà tiré la sonnette d’alarme en relevant les vices de la facturation horaire. J’insisterai sur un point qui me semble important : évaluer les compétences d’un collaborateur par le nombre d’heures qu’il facture aux clients est aberrant de même qu’il est totalement incompréhensible de juger un collaborateur au temps qu’il passe au sein du cabinet. Le système de « timesheet » manque cruellement d’efficacité. Aussi, le problème avec les cabinets d’avocats, c’est qu’ils ont tous, à quelques exceptions près, le même business model basé sur la facturation horaire.

Lorsque l’on observe les acteurs de la bulle « Legaltech et futur de la profession », ils tiennent tous à peu près le même discours : « Les avocats doivent agir et utiliser la technologie pour réussir leur transformation ». Cependant, comment libérer du temps pour se consacrer à la technologie ou la relation client (si l'on veut vraiment avoir ces deux axes comme socles du business) si le business model de l'activité repose sur le temps ? Comment l'avocat parvient-il à rentrer dans « ses frais » s'il consacre ne serait-ce qu’un tiers de son temps sur deux axes qui dans l'immédiat restent sans garantie de rentabilité ? Nous voyons bien qu'il est donc compliqué pour les avocats de changer de stratégie du jour au lendemain.

– Notre conseil

Libérer du temps pour une autre activité que celle de la pratique du métier d'avocat (conseiller, rédiger des consultations, conclusions, plaider, ...) passe nécessairement par une transformation du business model (sauf bien sûr si le cabinet dispose de ressources financières solides). Nous apporterons quelques éléments de réponse à cette problématique dans la seconde partie à venir...

http://legalsolutions.thomsonreuters.com/law-products/solutions/peer-monitor/complimentary-reports “One of the most potentially significant, though rarely acknowledged, changes of the past decade has been the effective death of the traditional billable hour pricing model in most law firms.” 12 http://ilta.personifycloud.com/webfiles/productfiles/914311/FMPG4_ABABillableHours2002.pdf. 11

20 | managing lawyer | 03.2017 | N.5


sommaire

design cerise.be

Rédacteur en chef | Chefredakteur Jean-François Henrotte, Avocat / Rechtsanwalt — Secrétaire de rédaction | Redaktionssekretär Alexandre Cassart, Avocat / Rechtsanwalt — Comité de rédaction | Redaktionsausschuss Jean Belleflamme, Expert-comptable Robert De Baerdemaeker, Avocat / Rechtsanwalt Gaël D’Hotel, Avocat / Rechtsanwalt Andrea Haas, Avocate / Rechtsanwältin Olivier Haenecour, Avocat / Rechtsanwalt Denys Leboutte, Réviseur / Revisor Guido Zians, Avocat / Rechtsanwalt — Editeur responsable Marc-Olivier Lifrange, CEO Larcier Group Rue Haute 139/6 | 1000 Bruxelles — Régie publicitaire | Werbeagentur The Future is Now Laurence Thomsin 0032 471 63 67 01 info@the-future-is-now.net

1

L’organisation en open-space et

ce qu’elle révèle de la culture d’un cabinet d’avocats Eric Gillet

4 L’externalisation du marketing de

contenu

Ben Houdmont

8 Brèves —

9 Évolution des professions de

l’information juridique Régis Panisi

13 Agenda —

14 Communiquez-vous

« à cerveau total » ? Anne-Laure Losseau

17 La tarification horaire, talon d’achille

de la profession d’avocat Le juriste de demain


Comp ter su r

eilleu rs o c’est utils, crucia l.

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02.2017

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