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L’entrepreneur éthique – Der ethische unternehmer
managing lawyer
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Un manager professionnel pour un cabinet
GAZMALAW8
Ein professionellen Manager für eine Kanzlei
Trimestriel – avril/mai/juin P921171 - Bureau de dépôt : 3000 Leuven MassPost
02.2018 | N.8
Éditeur responsable : Paul-Etienne Pimont, Rue Haute 139/6, 1000 Bruxelles
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Capital tiers – Mode d’emploi FremdkapitalGebrauchsanweisung
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@managinglawyer
Transformation interne des cabinets d’avocats Interne Umwandlung von Anwaltskanzleien
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Après-midi d’étude – Le nouveau décret relatif au bail d’habitation en Région wallonne : modifications et perspectives Jeudi 06 septembre 2018 – Louvain–la–Neuve Nicolas Bernard – 213,00 € Masterclass IPP – Jour 1 Jeudi 06 septembre 2018 – Louvain–la–Neuve Marie-Pierre Donéa, Thierry Blockerye, Laurence Deklerck – 423,50 € Masterclass IPP – Jour 2 Jeudi 13 septembre 2018 – Louvain–la–Neuve Olivier Bertin, Emmanuele Ceci, Gilles de Foy – 423,50 € Formation – Le nouveau Code des sociétés et des associations Enjeux et opportunités pour les praticiens Mardi 25 septembre 2018 – Namur Edouard-Jean Navez, Henri Culot, Yves De Cordt – 295,00 € Formation – Le nouveau Code des sociétés et des associations Enjeux et opportunités pour les praticiens Mardi 09 octobre 2018 – Mons Edouard-Jean Navez, Henri Culot, Yves De Cordt – 295,00 € Masterclass ISOC – Jour 2 Les restructurations d’entreprise et leurs aspects fiscaux Vendredi 19 octobre 2018 – Louvain–la–Neuve – 423,50 € …
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Sources de confiance des avocats
Retour d’expérience
Patrizio Giangiulio
Avocat, Associé au sein du Cabinet 109 — www.avocats109.be @pgiangiulio
Ce cabinet a fait le choix de se doter d’un manager professionnel plutôt que du traditionnel Managing Partner avocat. Voici leur retour d’expérience.
LA QUESTION DU CHOIX D’UN MANAGER PROFESSIONNEL POUR UN CABINET D’AVOCATS OU L’AVOCAT ET LA GRENOUILLE Die Frage nach dem professionellen Manager für eine Kanzlei oder der Anwalt und der Frosch Diese Kanzlei hat sich für einen professionellen Manager anstelle eines geschäftsführenden Anwaltssozius entschieden. Hier gibt’s das Feedback. Connaissez-vous la fable de la grenouille et de l’eau bouillante ? On raconte que si vous jetez une grenouille dans une marmite d’eau bouillante, celle-ci bondira immédiatement dans un réflexe salvateur. Par contre, si vous plongez la même grenouille dans une marmite d’eau froide et que vous chauffez celle-ci lentement jusqu’à l’amener à ébullition, la grenouille se laissera littéralement cuire, habituée à subir de légers changements de température sans jamais prendre conscience de l’existence même d’un danger. Notre expérience du management du cabinet d’avocats s’apparente, à titre tout personnel bien sûr, à cette grenouille. Nous n’avons d’autre ambition dans cet article que de livrer notre témoignage et autres réflexions personnelles, aucune volonté d’universalité dans nos propos loin s’en faut.
Chaque organisation a des besoins propres surtout en fonction des gens qui la composent et de ses aspirations. Il y a déjà 14 ans, lorsque nous étions avec mon premier associé et notre secrétaire mitemps, les problèmes de management étaient très immédiats et évidents : nous étions concentrés quasiment sur le seul exercice de la profession d’avocats et éliminions, quand ils se présentaient, les problèmes de photocopieuses, de personnel, ou de factures impayées… La situation des avocats n’est sur ce point guère différente de celle de nombreux entrepreneurs « techniciens » qui se lancent, forts de leur bagage technique, comme indépendants et souhaitent simplement exercer leur art sans les directives d’un patron, poussés par le vent enivrant de la liberté. Si la liberté acquise est effectivement grisante, il n’est pas rare de sous-estimer très largement N.8 | 02.2018 | managing lawyer | 1
Retour d’expérience
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Selon quel principe un excellent plaideur ou un brillant juriste serait par hypothèse un bon gestionnaire ? les contraintes liées à l’exercice d’une activité en tant qu’indépendant. L’organisation de l’entreprise ou du cabinet est bien plus essentielle et souvent tellement essentielle qu’elle est considérée comme faisant partie de l’ordre naturel des choses. L’on déchante hélas parfois très largement une fois au pied du mur. Aussi, avons-nous dû acquérir de nouvelles compétences pour que le cabinet tourne. Au début, ces tâches, finalement peu nombreuses, se répartissaient entre les deux ou trois associés présents. Mais, à mesure de la croissance, la répartition devient plus complexe tout comme le niveau de compétence nécessaire. Pour reprendre l’image employée ci-dessus, la température de la marmite monte de manière subtile, de secrétaire après secrétaire au collaborateur après collaborateur et votre organisation intuitive devient obsolète. Sans pour autant que les autres tâches naturelles deviennent moins pressantes, le rythme des audiences, rendez-vous et autre 747… Les contraintes s’accumulent et parfois les finances ne suivent pas alors que la masse de travail croît. On arrive alors à ce fameux phénomène du « nez dans le guidon » rencontré également par de nombreux entrepreneurs qui, dans ces conditions de stress, ont tendance à se recentrer sur leur corps de métier, en l’occurrence la profession d’avocats, et de délaisser parfois le cœur du problème, soit les questions d’organisation. Une des solutions est alors de répartir les fonctions d’un organigramme classique, soit la RH, le financier et/ou la production entre les associés et de voir chacun assumer une partie des tâches dans un esprit égalitaire. La difficulté 2 | managing lawyer | 02.2018 | N.8
est alors que certaines fonctions ou tâches sont hybrides ou non formellement réparties. Cela aboutit à des carences de pouvoir ou des conflits d’autorité nuisibles à la structure, les collaborateurs se retrouvant au choix, entre deux chaises ou sans chaise, ce qui vous en conviendrez peut apparaître dans les deux cas absolument inconfortable ! Assez naturellement surgit alors la solution du « Managing Partner » ou « associé-dirigeant » qui assure la coordination et permet de résoudre les incohérences de la répartition purement égalitaire. À cette formule, deux inconvénients se présentent, d’une part le « principe de Peter » et d’autre part, le coût.
Le coût d’un associé n’est pas simplement celui de sa prestation directe mais aussi de toutes les autres fonctions, telles les fonctions d’encadrement de collaborateurs, de représentation du cabinet, etc. D’un point de vue plus personnel, la solution d’un « Managing Partner » aboutit parfois à la naissance d’un sentiment de frustration personnelle aussi bien dans le chef dudit associé qui se voit assigner des tâches qui peuvent lui paraître moins nobles ou, en tout cas, moins en adéquation avec ses attentes, et de même chez les autres associés qui pourraient prendre ombrage de cette position de pouvoir apparent. C’est pour ces raisons que nous avons fait le choix d’un manager extérieur à la profession.
En effet, selon quel principe un excellent plaideur ou un brillant juriste serait par hypothèse un bon gestionnaire ?
Certes le coût direct peut paraître important et ne se conçoit bien évidemment que pour les structures d’une certaine taille mais elle permet à chacun des associés de pouvoir s’exprimer pleinement et au cabinet de faire l’objet d’un management « temps plein ». Audelà de l’accomplissement de chacun des associés, c’est surtout au cabinet que cette professionnalisation est bénéfique.
Or c’est bien naturellement qu’un avocat se lancera avec succès ou sera coopté dans son cabinet pour devenir associé sur ses qualités de plaideur ou de juriste. A-t-il de ce fait les compétences nécessaires pour assumer les fonctions de management et surtout a-t-il simplement conscience de ce qu’implique le management d’un cabinet, de l’urgence du besoin, à l’instar de notre grenouille ?
D’abord par rapport au temps : il se dit qu’une structure comptant 20 équivalents temps-plein nécessite un management temps plein pour sa gestion. Dans une solution de « Managing Partner », bien souvent, l’associé en charge ne raccroche pas sa robe et assume bon an, mal an ses deux fonctions, ne pouvant donner le temps qui leur est nécessaire mais à chacune simplement le temps qui lui reste.
Ensuite le coût.
Le manager extérieur par hypothèse, lui, assumera pleinement sa fonction car il n’a pas pour vocation de faire autre chose dans le cabinet.
D’abord le principe de Peter qui veut que toute organisation hiérarchique aboutit à ce que les meilleurs éléments s’élèvent jusqu’à arriver à leur « niveau d’incompétence ».
Car un associé brillant et compétent comme avocat n’a que 24 heures dans sa journée. À toute heure qu’il n’affecte pas à des fonctions où il excelle, le cabinet est privé d’une ressource rare et précieuse.
Ainsi chacune des fonctions d’un organigramme classique d’une entreprise, ou d’un cabinet qui
Retour d’expérience
n’est qu’une organisation comme une autre, se voit pleinement assumée. Tout bénéfice pour ledit cabinet et qui plus est par quelqu’un qui, par hypothèse, dispose des compétences « extérieures » au droit.
s’en rendre compte. Savoir qu’on ne sait pas c’est déjà une forme de savoir….. Et cet avis extérieur permet de pointer des lacunes qui peuvent échapper à n’importe quel brillant plaideur ou n’importe quel excellent juriste.
Il est un fait que la gestion d’un cabinet d’avocats d’une certaine taille demande l’acquisition de compétences de plus en plus complexes au fur et à mesure de la croissance et l’on peut tout à fait ne pas s’en rendre compte, comme la grenouille de notre exemple.
Enfin, et que l’on ne s’y trompe pas, loin d’être dépossédés du pouvoir et de la gestion du cabinet, les associés avocats l’assument à notre sens finalement pleinement.
Il s’agit là de la plus grande difficulté à notre sens, difficulté un peu à l’image d’un profane qui n’a pas nécessairement les compétences pour se rendre compte qu’il a un ou plusieurs problèmes juridiques, à défaut justement du minimum de compétences nécessaires pour
En effet, les réunions d’associés sont de plus en plus nombreuses, avec des suivis précis par rapport aux décisions prises et finalement un taux d’implication et de présence nettement à la hausse dans le chef de chacun, dans la mesure où l’expérience du management devient plus structurée, plus collégiale et finalement plus respectueuse des attentes de chacun.
– Notre conseil En conclusion, la solution ne se prête évidemment pas à de petites structures et convient parfaitement aux plus grandes, en tout cas à notre sens. La question reste et demeure : quand faut-il faire le pas ? Notre chemin fut progressif et nous avons expérimenté chacune des étapes évoquées ci-dessus. Ce n’est qu’au bout de dix ans et de quelques essais infructueux que nous avons trouvé le bon profil car il convient que le manager extérieur ait une sensibilité liée au caractère de notre profession et la ferme volonté, non pas d’être le gérant isolé d’une fabrique de droit mais un élément de cohésion et d’implication des associés.
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Agenda
18‑19 juin 2018
30 octobre-2 novembre 2018
Anglais Juridique pour les Avocats Perfectionnement : Draft & Negociate with Clients & Counsel – Paris (France) ➔ h ttp://www.uianet.org/fr/evenement/ type-46992/anglais-juridique-pour-lesavocatsperfectionnement
UIA – Congrès annuel – Porto (Portugal) ➔ https://porto.uianet.org
20‑21 septembre 2018 Leadership and Management of a Law Firm ; Delivering Excellent Client Service Cost-effectively – Londres (Royaume-Uni) ➔ http://www.uianet.org/fr/evenement/ type-46992/leadership-and-management-law-firm-delivering-exce
5‑8 décembre 2018 CIB – Congrès annuel – Lausanne ➔ http://www.cib-avocats.org
7‑12 octobre 2018 IBA – Congrès annuel – Rome (Italie) ➔ https://www.ibanet.org
Département Sciences du Comportement www.academie-des-sciences-du-comportement.be
Consultance en détection de la vérité et de la cohérence
Préparation aux entretiens d’embauche
Accompagnement lors de réunions de négociation
Communication de crise
Conseils en communication politique
Profiling • Profilage
Préparateur mental • Mentaliseur
Coaching • Supervision d’équipe
Service de médiation
Formation en lecture et compréhension des émotions, de la vérité et du mensonge
SL Consultance sprl
Département Sciences du Comportement
Rue de Gelbressée, 188 • 5024 GELBRESSEE (NAMUR) Tél. et fax : +32 (0) 81/210.900 Mobiles : +32 (0) 475/76.94.39 • +32 (0) 492/585.485 Email : info@sl-consultance.be • TVA : 0567.949.153
www.sl-consultance.be www.consultance-en-securite.be 4 | managing lawyer | 02.2018 | N.8
Déontologie
Maurice Krings Avocat – ancien membre du conseil de l’Ordre du barreau de Bruxelles – ancien administrateur de l’OBFG (avocats.be)
L'arrêt prononcé le 1er mars 2018 par la Cour de justice de l'Union européenne (C.J.U.E.) posait la question du capital tiers dans les sociétés professionnelles de titulaires de professions libérales (en l'occurrence il s'agissait des médecins vétérinaires) et remet sur le devant de la scène la question du capital tiers, appliquée aux avocats.
CAPITAL TIERS – MODE D'EMPLOI Fremdkapital-Gebrauchsanweisung Der Entscheid des Europäischen Gerichtshofs vom 1. März 2018 stellte die Frage nach dem Fremdkapital in Gesellschaften von Freiberuflern (es ging sich um Tierärzte) und hat dafür gesorgt, dass die Frage des Fremdkapitals, angewandt auf die Rechtsanwälte, erneut in aller Munde ist. Voilà une question qui cristallise les opinions depuis des années : le capital tiers1. On rappellera que l’article 4.17 de notre Code de déontologie stipulait jusqu’en 2017 qu’un avocat pouvait exercer sa profession au travers d’une société civile à forme commerciale constituée par l’avocat ou par plusieurs avocats, d’où il résultait que seuls des avocats pouvaient être associés dans une société dont l’objet social est l’exercice de la profession d’avocat, ce qui était cohérent avec l’article 477octies du Code judiciaire. Mais la question du capital des sociétés d’avocats a été un sujet de débat dès 1999 lorsque la C.J.U.E. a été saisie d’une question préjudicielle sur la question de savoir si la loi néerlandaise qui interdisait l’exercice de la profession d’avocat en collaboration avec une société d’expertise comptable était compatible avec les normes communautaires. La Cour de justice des Communautés européennes a décidé, dans
son arrêt du 19 février 2002 (affaire C-309/99, Wouters), que l’exercice correct de la profession d’avocat implique, selon la réglementation néerlandaise, le devoir de défendre le client en toute indépendance et dans l’intérêt exclusif de celui-ci, ce qui implique notamment le devoir d’éviter tout risque de conflit d’intérêt et de respecter un strict secret professionnel. La Cour observait que ces obligations ont des implications importantes sur les possibilités d’exercer conjointement la profession d’avocat et d’autres professions libérales actives sur le marché. L’avocat doit offrir la garantie que toutes les initiatives qu’il prend dans un dossier le sont dans l’intérêt exclusif du client. En l’occurrence la Cour relevait qu’il existe même un risque de conflit entre le devoir de conseil de l’avocat et celui de « contrôle » de l’expert-comptable. La C.J.U.E. a conclu sur ces bases que le législateur néerlandais a pu raisonnablement considérer comme nécessaire au bon accomplissement de la profession d’avocat la règle de l’interdiction
1 J.-L. Joris, « La participation de tiers dans le capital de cabinets d’avocats », in Liber amicorum François Glansdorff et Pierre Legros, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 627 ; J.-P. De Bandt, « Le Barreau et les Alternative Business Structures », eodem loco, p. 571 ; L. Defalque, « La participation de tiers dans une société d’exercice d’une profession libérale », j.t., 2010, p. 121 ; J.-P. Buyle et D. Van Gerven, « De l’indépendance de l’avocat envers le pouvoir : le blanchiment et le capital externe », in Liber amicorum Georges-Albert Dal, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 181 et Th. Matray, « Contre l’ouverture aux tiers du capital des cabinets d’avocats », in Contestation, combats et utopies – Liber amicorum Christine Matray, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 447.
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Déontologie
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L'ouverture du capital d'une société d'avocats à des non-avocats est strictement encadrée. Les tiers ne pourront interférer avec la gestion des dossiers des avocats. de l’association entre un avocat et un expertcomptable. Sur la base des considérations de l’arrêt Wouters de la Cour de justice, l’Orde van Vlaamse Balies avait promulgué le 22 janvier 2003 un règlement interdisant toute forme d’association structurelle entre un avocat flamand et un expert-comptable. Les articles 2 et 3 de ce règlement furent annulés par un arrêt de la Cour de cassation du 25 septembre 2003, au motif que le règlement de l’OVB interdisait toute forme de coopération entre avocats et experts-comptables, ce qui ne respectait pas le principe de proportionnalité rappelé dans l’arrêt Wouters. La question est revenue d’actualité dans notre pays après que le Parlement britannique eut voté en 2007 le Legal Services Act introduisant en Grande Bretagne la notion d’Alternative Business Structures (ABS), c’est-à-dire autorisant, sous de strictes conditions, l’ouverture du capital des sociétés d’avocats à des non-avocats2. La loi britannique a inspiré diverses évolutions législatives dans d’autres pays de l’Union européenne, parmi lesquelles l’Espagne, l’Autriche et surtout la France avec ses sociétés d’Exercice Libéral (SEL) dont le capital pourrait être détenu par des tiers à hauteur de 49% (loi sur la croissance du 6 août 2015). La réflexion fut entamée dès 2011 au barreau de Bruxelles. J’ai co-présidé à l'époque avec M. JeanPierre De Bandt le groupe de travail commun aux deux Ordres bruxellois qui avait reçu pour mission d’élaborer des propositions. Celles-ci, approuvées en 2012 par le conseil de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, furent transmises à l’OBFG3 et c’est au niveau de la commission déontologie et plus particulièrement d’un groupe de travail auquel j’ai participé sous la direction de M. Jean-Louis Joris, que les discussions se sont poursuivies.
Le résultat atteint par le vote en mai 2017 d’une modification du Code de déontologie de l’avocat se trouve à présent légitimé par l’arrêt prononcé le 1er mars 2018 par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire C-297/16 en cause du Collège des médecins vétérinaires de Roumanie. Il s’agit d’un arrêt sur renvoi préjudiciel d’une juridiction roumaine dans le cadre d’un recours contre un arrêté de l’autorité roumaine ayant pour effet de supprimer l’obligation que le capital social des établissements vendant au détail des médicaments vétérinaires doit être retenu exclusivement par des vétérinaires. La situation des médecins vétérinaires au regard des normes communautaires n’est certes pas comparable à celle des avocats puisque le Collège des médecins vétérinaires de Roumanie pouvait s’appuyer notamment sur l’article 66, § 1er, de la directive 2001/82/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires qui dispose que « les États membres prennent toutes dispositions utiles pour que la vente au détail de médicaments vétérinaires ne soit effectuée que par des personnes qui y sont habilitées en vertu de la législation de l’État membre concerné ». Deux questions préjudicielles étaient posées à la Cour. La seconde concerne notre propos, la C.J.U.E. délimite la portée de cette deuxième question « en tant qu’elle vise la compatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale qui impose une détention exclusive, par un ou plusieurs vétérinaires, du capital des établissements qui exercent le commerce de détail des médicaments vétérinaires » (n° 76 de l’arrêt). La Cour a porté l’essentiel de son examen de la seconde question sur la compatibilité de la norme légale roumaine au regard notamment de la condition de proportionnalité de la mesure par rapport à l’objectif poursuivi et a constaté que la détention exclusive du capital des établissements
de vente de médicaments vétérinaires au détail est apte à réduire le risque d’atteinte à l’indépendance des vétérinaires dans la gestion de ces établissements et donc à réaliser l’objectif poursuivi puisque les vétérinaires sont soumis à des règles déontologiques, contrairement à des tiers non-vétérinaires (n° 82 de l’arrêt). La Cour de justice estime cependant que la norme roumaine va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé, parce que l’objectif d’empêcher que des non-vétérinaires soient en mesure d’exercer une influence déterminante sur la gestion d’établissements commercialisant des médicaments vétérinaires peut être atteint sans qu’il soit nécessaire d’étendre l’interdiction du capital détenu par des tiers « jusqu’à l’exclusion de toute participation de non-vétérinaires au capital de tels établissements » (n° 88 de l’arrêt). En conséquence la Cour a jugé que la réglementation nationale qui impose que le capital social des établissements commercialisant au détail des médicaments vétérinaires soit détenu exclusivement par un ou plusieurs vétérinaires n’est pas compatible avec le droit de l’Union. Cet arrêt du 1er mars 2018 appelle de ma part trois réflexions. Tout d’abord, l’arrêt du 1er mars 2018 met en évidence le fait que le droit positif de l’Union européenne comporte une disposition relative aux médicaments vétérinaires qui légitime une intervention législative de nature à assurer l’effectivité de la protection de la santé humaine. Le Conseil des Barreaux européens (CCBE) demande actuellement que le droit de l’Union européenne comporte une directive définissant les droits et devoirs des avocats exerçant leur ministère sur le territoire de l’Union. L’arrêt du 1er mars 2018 montre l’intérêt d’une telle directive et que cette initiative doit être appuyée.
Voy. l'étude de J.-P. De Bandt citée à la note précédente. Le système complexe mis en place en Grande Bretagne y est exposé de manière synthétique. La synthèse de ces propositions est faite dans l'article de Thibaut Matray cité en note 1 ci-dessus. La synthèse figure en note n° 2 de cette contribution, en bas des pages 447 et 448.
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Déontologie
Ensuite, même si tous les considérants de l’arrêt du 1er mars 2018 dans la cause C-297/16 ne sont bien évidemment pas transposables tels quels à la situation des avocats, il est permis de penser que si la Cour de justice devait être saisie d’une question préjudicielle relative à la compatibilité de l’article 447octies du Code judiciaire avec la directive européenne sur la liberté d’établissement des avocats dans le territoire de l’Union (directive 98/05/CE), la réponse de la Cour de justice pourrait être que la sauvegarde des obligations de secret professionnel et d’indépendance de l’avocat ne requiert pas que le capital des sociétés d’avocats soit détenu exclusivement par des avocats. Enfin, la troisième et dernière remarque (non liée il est vrai à l’arrêt de la C.J.U.E. du 1er mars 2018) concerne toute la section 4 du chapitre 5 de notre Code de déontologie, c’est-à-dire les articles 4.43 et suivants relatifs au capital tiers : ils devront être relus et sans doute partiellement reformulés lorsque sera votée la loi instituant le Code des sociétés et associations et abrogeant l’actuel Code des sociétés. En effet, le nouveau code en projet va supprimer dans les SPRL et SC la notion de capital. Cela ne va pas modifier fondamentalement l’approche dans notre Code de déontologie, mais les textes devront être amendés pour tenir compte du nouveau Code des sociétés et associations. Je me propose à présent de montrer que le système élaboré par les nouveaux articles 4.43 et suivants du Code de déontologie de l’avocat tend à créer un équilibre entre d’une part l’ouverture incontrôlée du capital des sociétés d’avocats à des non-avocats et d’autre part une réglementation selon le modèle britannique impliquant un système de contrôle, qui serait impayable à l’échelle de l’OBFG et de ses 7.900 avocats. La situation peut être résumée comme suit. Les conditions d’admission de tiers au capital de sociétés d’avocats se trouvent
réglées à présent par les nouveaux articles 4.43 et 4.55 de notre Code de déontologie. La matière est traitée à deux articles selon qu’il s’agit d’un avocat membre d’une association établie en Belgique ou s’il s’agit d’un avocat communautaire. Commençons par les avocats membres d’associations établies en Belgique. Aux termes de l’article 4.43 de notre Code de déontologie, les personnes physiques proches de l’avocat propriétaire de parts peuvent participer au capital d’une association d’avocats, en plus des avocats exerçant leur profession au sein de cette association. Ces proches sont : les anciens associés, le conjoint ou le cohabitant légal, les ascendants et descendants ou ayants droit. On y a ajouté les membres du personnel exerçant des fonctions administratives au sein de l’association, tant qu’ils exercent ces fonctions et pour autant que la confidentialité des informations auxquelles ils ont accès soit garantie. S’agissant de l’ancien associé et des ayants droit, cette participation n’est toutefois permise que pour une période ne pouvant excéder 5 ans. Cette participation est toutefois soumise à des conditions fixées au § 2 de l'article 4.43. Les tiers autorisés à détenir la participation soit n’ont pas ou plus d’activité professionnelle, soit exercent une activité incompatible au sens l’article 437, 1° et 2°, du Code judiciaire et qui ne met pas en péril la dignité du barreau. En outre les tiers ne peuvent détenir globalement ni la moitié ou plus du capital de l’association et des parts de celle-ci, ni la moitié ou plus des droits de vote au sein de celle-ci et ne disposent pas de droits contractuels ou statutaires aboutissant à un résultat équivalent. Ainsi les participations des tiers ne peuvent leur permettre individuellement ou globalement, de s’opposer à des décisions soutenues par une majorité des votes exprimés par les avocats associés, sauf s’il s’agit de modifications au contrat d’association ou aux statuts de l’association qui affectent leurs
droits en qualité de participant au capital de l’association. Dernière condition, les tiers ne font pas partie de l’organe de gestion de l’association et ne coopèrent éventuellement avec les avocats pratiquant au sein de l’association que pour y exercer des fonctions administratives. Abordons à présent l’admission au tableau d’un barreau belge francophone ou germanophone d’un avocat communautaire faisant partie dans son pays d’origine d’une association qui compte des associés non-avocats. Cette question est désormais réglée à l’article 4.55 de notre Code de déontologie. Selon le § 1er de cet article, lorsque le conseil de l’Ordre est saisi d’une demande d’un avocat communautaire de s’inscrire à la liste des avocats communautaires en qualité de membre d’un groupe comportant des tiers qui participent à son capital, il accueille ou rejette cette demande en fonction de la compatibilité de la participation dans le capital du groupe par ces tiers avec les principes fondamentaux et les devoirs généraux visés au Code de déontologie de l’avocat et si ces personnes ne sont pas susceptibles d’affecter négativement le respect par les avocats pratiquant au sein du groupe de ces principes fondamentaux et devoirs généraux. Le § 2 de cet article 4.55 fixe les critères d’appréciation de cette compatibilité. Il s’agit d’apprécier : l’absence de risque que les tiers puissent affecter le respect par les avocats des principes fondamentaux et des devoirs généraux de la profession ; les mesures prises au sein du groupe pour prévenir l’accès par des personnes extérieures à la profession à des informations couvertes par le secret professionnel ; le niveau de la participation des tiers ; l’objectif poursuivi par le(s) tiers via cette participation ; le fait que les tiers participent ou non à la gestion du groupe et enfin l’agrément ou le contrôle des conditions d’accès auquel le tiers est soumis dans son État membre N.8 | 02.2018 | managing lawyer | 7
Déontologie
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L'arrêt de la C.J.U.E. du 1er mars 2018, lu conjointement avec l'arrêt Wouters du 19 février 2002, montre que si la porte ne peut être totalement fermée au capital tiers, les Ordres professionnels peuvent édicter des règles propres à contrôler l'accès au capital de sociétés professionnelles de titulaires de profession libérale. d’origine, ainsi que les sanctions auxquelles ce contrôle des conditions d’accès est soumis.
qu’aux participations anonymes et celles librement cessibles.
Les participations au capital permises pour une association d’avocats relevant de l’Ordre des barreaux francophones et germanophone en vertu de l’article 4.43 (ancien associé, ascendants, descendants, conjoint ou cohabitant légal, etc.) sont présumées de façon irréfragable ne pas être susceptibles d’affecter négativement le respect par les avocats pratiquant au sein du groupe des principes fondamentaux et des devoirs généraux de l’avocat.
Avant de prendre une décision d’admission d’un avocat communautaire faisant partie dans son pays d’origine d’une association qui compte des associés non-avocats, le conseil de l’Ordre sollicite l’avis d’une commission d’avis instituée par les nouveaux articles 4.38bis et suivants. Si, ayant reçu cet avis, le conseil de l’Ordre souhaite s’en écarter, il en informe dans une réponse motivée la commission d’avis, qui pourra réagir par un second avis. Le conseil de l’Ordre suspend sa décision jusqu’à la réception du premier avis et, s’il souhaite s’en écarter, la réception du second avis ou l’expiration d’un délai de 30 jours après en avoir informé la commission d’avis. Passé ces délais, le conseil de l’Ordre prend la décision qu’il juge opportune.
En revanche, les participations de plus de 50% du capital ou de droit de votes ou permettant de désigner la majorité des membres de l’organe de gestion du groupe sont présumées de façon irréfragable être susceptibles d’affecter négativement le respect par les avocats des principes fondamentaux et des devoirs généraux de la profession. Sont également présumées irréfragablement être susceptibles d’affecter négativement les devoirs des avocats, les participations qui permettent aux tiers, individuellement ou globalement avec celles détenues par d’autres non-avocats, de s’opposer à des décisions soutenues par une majorité des votes exprimés par les avocats (sauf s’il s’agit de modifications au contrat d’association ou aux statuts de l’association qui affectent les droits des tiers en tant qu’associés). La présomption irréfragable de risque d’atteinte aux devoirs essentiels des avocats s’applique également aux participations détenues par des personnes morales (sauf si celles-ci sont détenues exclusivement par des personnes physiques identifiées, auquel cas les critères s’apprécieront à leur égard), ainsi
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La commission d’avis instituée par l’article 38bis nouveau est composée de neuf membres effectifs et de neuf membres suppléants, nommés par l’assemblée générale pour une durée renouvelable de trois ans. La commission a un président et un secrétaire, ainsi qu’un suppléant pour chacune de ces fonctions. Quatre membres effectifs et quatre membres suppléants doivent être membres de l’Ordre français du barreau de Bruxelles. Les autres membres effectifs doivent être membres de barreaux différents. Les membres de cette commission ont été désignés lors des assemblées générales de l’OBFG des 16 octobre et 20 novembre 2017. M. Jean-Louis Joris en est le président et le Bâtonnier Robert De Baerdemaeker président suppléant. M. Pierre Pichault et M. Yves Kevers en sont respectivement secrétaire et
secrétaire suppléant. Cette commission n’avait été saisie d’aucune demande d’avis à fin avril 2018. La commission d’avis a essentiellement pour mission d’assurer un rôle de conseil. L’objectif implicite est aussi de créer une cohérence entre les décisions d’admission ou de refus des conseils de l’Ordre.
Conclusions Les principes me paraissent ainsi sauvegardés : d’une part l’ouverture du capital d’une société d’avocats à des non-avocats est strictement encadrée. Les tiers ne pourront interférer avec la gestion des dossiers des avocats ; d’autre part chaque conseil de l’Ordre reste maître de son tableau et dispose du dernier mot puisque l’avis de la commission d’avis n’est pas contraignant. Les garde-fous prévus par le règlement de 2017 suffiront-ils à préserver les valeurs essentielles du barreau que sont le secret professionnel et l’indépendance de l’avocat ? Les auteurs du règlement l’ont rédigé dans cet esprit et l’avenir nous dira si ces garde-fous étaient suffisants. L’arrêt de la C.J.U.E. du 1er mars 2018, lu conjointement avec l’arrêt Wouters du 19 février 2002, montre que si la porte ne peut être totalement fermée au capital tiers, les Ordres professionnels peuvent édicter des règles propres à contrôler l’accès au capital de sociétés professionnelles de titulaires de profession libérale. Il est toutefois hautement souhaitable que les valeurs essentielles de la profession d’avocat soient reconnues dans un texte législatif. Le Conseil des barreaux européens (CCBE) a pris une initiative en ce sens et il faut la soutenir.
Relations avec d’autres professions
Stéphan Raty
Réviseur d’entreprises associé S.c.P.R.L. LM&C° — s.raty@reviseurs.net www.lm-reviseurs.be
Le métier de réviseur d’entreprises est souvent méconnu du grand public. De par sa connaissance des organisations et plus spécifiquement des P.M.E., il se présente toutefois comme un partenaire privilégié de l’avocat dans une série de domaines. Dans l’autre sens, l’avocat est un pourvoyeur d’informations indispensables aux réviseurs d’entreprises dans le cadre de leurs mandats de commissaire.
RÉVISEURS D’ENTREPRISES ET AVOCATS – QUELLES RELATIONS ? QUELLE VALEUR AJOUTÉE ? Betriebsrevisoren und Rechtsanwälte-welche Beziehungen? Welcher Mehrwert? Der Beruf des Betriebsrevisors wird häufig von der großen Öffentlichkeit wenig wertgeschätzt. Von seiner Kenntnis der Organisationen und vor allem der K.M.U., entpuppt er sich jedoch als privilegierter Partner des Anwalts in zahlreichen Domänen. Anders herum ist der Anwalt für den Betriebsrevisor -im Rahmen seiner Mandate als Rechnungsprüfer- ein unverzichtbarer Versorger von Informationen. On assimile souvent le réviseur d’entreprises à l’audit (ou contrôle légal des comptes). Pourtant le réviseur d’entreprises est amené à intervenir dans de nombreuses autres situations auxquelles sont confrontés une organisation, une entreprise ou un avocat en dehors de ce contexte de certification. Cet article a pour objectif de présenter (à certains) ou de rappeler (à d’autres) les principales relations professionnelles que peuvent lier les avocats et les réviseurs d’entreprises. Il n’a pas pour vocation à être exhaustif et certains chapitres pourraient faire l’objet d’un examen plus approfondi dans le cadre d’articles ultérieurs. Le réviseur d’entreprises, soumis à des règles déontologiques strictes exigeant notamment son indépendance, à un contrôle qualité
externe poussé, tenu à la réalisation d’une formation permanente exigeante et au secret professionnel, est un partenaire privilégié des avocats que ça soit dans le cadre de l’évolution de leur propre cabinet que dans le cadre des dossiers dont ils ont la charge.
Mandats de commissaire Une relation se tisse tout d’abord entre les réviseurs d’entreprises et les avocats dans le cadre des mandats de commissaire. En effet, dans ce cadre et suivant les normes professionnelles d’audit (norme ISA 501), le commissaire doit définir et mettre en œuvre des procédures d’audit afin d’identifier les procès et les litiges impliquant l’entité contrôlée et pouvant engendrer un risque d’anomalies significatives dans les comptes annuels. Ces procédures d’audit peuvent ne pas se limiter aux demandes d’informations auprès N.8 | 02.2018 | managing lawyer | 9
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Cette solution permet donc de lever les craintes des avocats sur leur obligation au secret et de satisfaire le commissaire qui pourra alors clôturer son rapport par une opinion sans réserve. de la direction, à la revue des procès-verbaux des organes de gestion ou à l’examen des comptes d’honoraires avocats. Le plus souvent, le commissaire doit également s’efforcer de communiquer directement avec le conseil juridique externe de l’entité contrôlée. Pour ce faire, le commissaire doit envoyer au conseil juridique externe de l’entité une lettre de demande d’informations préparée par la direction en l’invitant à communiquer directement avec lui. Ainsi, dans le cadre de la clôture de l’exercice comptable, une lettre de confirmation est adressée aux avocats, leur demandant de communiquer au commissaire des informations concernant certaines affaires ou litiges en cours – dont les informations sur l’état de la (ou des) procédure(s), le montant du ou des recours au profit ou à l’encontre du client, une estimation chiffrée de l’issue probable, etc. – dans lesquels ils assistent ou ont assisté le client personne morale du commissaire. Cette démarche de confirmation externe est importante car si la direction refuse d’autoriser le commissaire à communiquer avec le conseil juridique externe de l’entité ou à rencontrer celuici, ou si le conseil juridique externe de l’entité refuse de répondre de manière appropriée à la lettre de demande d’informations, ou encore s’il lui est interdit d’y répondre et si le commissaire n’est pas en mesure de recueillir des éléments probants et appropriés en réalisant des procédures d’audit alternatives, il sera dans l’obligation de modifier l’opinion exprimée dans son rapport d’audit (opinion avec réserve(s) ou opinion négative). Ceci pourrait avoir pour effet une perte de confiance des tiers dans la société auditée et dans son management avec toutes les conséquences que cela peut impliquer. Il est également à indiquer que des concertations ont eu lieu récemment entre les représentants de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises, de l’Ordre 10 | managing lawyer | 02.2018 | N.8
des barreaux néerlandophones, et de l’Ordre des barreaux francophones et germanophone de Belgique sur la problématique des confirmations d’avocats. En effet, en raison de leur obligation au secret, certains avocats estiment que la communication directe au commissaire de l’information qu’il demande constituerait une violation de leur secret professionnel et rechignent donc à communiquer cette information. Suite à ces concertations, le Conseil de l’I.R.E. a indiqué (circulaire 2016/04) qu’il est admissible que l’avocat communique l’information demandée uniquement au client, qui lui-même décidera de transmettre l’information reçue de l’avocat au commissaire. L’avocat enverra alors au commissaire un courrier l’informant de la communication des informations à son client. Cette solution permet donc de lever les craintes des avocats sur leur obligation au secret et de satisfaire le commissaire qui pourra alors clôturer son rapport par une opinion sans réserve.
Accompagnement dans l’évolution des cabinets d’avocats et de leurs clients Le réviseur d’entreprises est également un conseiller et un accompagnateur des sociétés à tous les moments importants de leur existence. Le réviseur d’entreprises peut donc accompagner les cabinets d’avocats et leurs clients commerciaux à tous les stades de leur évolution. À titre d’exemple, nous pouvons citer les principales missions suivantes : • valorisation de la clientèle de l’avocat indépendant ayant décidé de passer en société ; • aide au choix de la meilleure forme juridique de société ; • évaluation des titres du cabinet tout au long de l’existence de celui-ci ; • accompagnement dans le cadre de la transmission d’un cabinet à la génération d’avocats suivante ;
• assistance lors de la reprise d’un cabinet d’avocats via, par exemple, la réalisation d’un audit d’acquisition (due diligence), l’accompagnement dans le choix du mode de financement de cette reprise et dans la négociation avec le cessionnaire ; • accompagnement dans la mise en place d’outils de gestion (indicateurs, tableaux de bord, gestion de trésorerie, plans financiers, budgets...) ; • aide dans le cadre d’une réorganisation d’un cabinet, par exemple, dans le cadre de fusions, scissions ou d’apports de branches d’activités ; • etc. Si nous nous focalisons sur la seule mission d’audit d’acquisition, qu’il soit comptable, financier ou fiscal, le réviseur d’entreprises dans le cadre de celui-ci permet à l’acquéreur de préserver ses intérêts en prenant une décision en connaissance de cause. Cela est d’autant plus vrai dans le cas où un audit juridique de la société cible est également effectué par un avocat spécialisé. En effet, compte tenu de l’enjeu que représente souvent la reprise d’une société, il est indispensable que le repreneur s’assure que les caractéristiques réelles de celleci correspondent aux informations qui lui sont données par le cédant et sur lesquelles repose son offre, mais également que l’entreprise ciblée n’est pas soumise à des engagements et risques n’apparaissant pas dans la comptabilité et susceptibles de réduire significativement sa valeur. Plus spécifiquement, l’intervention d’un réviseur d’entreprises permettra ainsi et par exemple de minimiser les risques liés à la reprise de la société cible, de confirmer la valeur de celle-ci, de formuler des clauses spécifiques à introduire dans la convention de cession, etc. La même assistance peut être requise par le candidat cédant dans la préparation d’une due diligence d’acquisition auquel il sera confronté et dans l’appréciation d’une fourchette de valeur objective de son entreprise.
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Missions judiciaires et extrajudiciaires du réviseur d’entreprises Le réviseur d’entreprises intervient également régulièrement dans le processus judiciaire. Les avocats pourraient alors être amenés à le rencontrer dans le cadre des fonctions suivantes : • expert judiciaire ; • liquidateur ; • administrateur provisoire ; • mandataire de justice ; • curateur adjoint ; • juge consulaire ; • arbitre ; • médiateur ; • etc. En ce qui concerne plus spécifiquement l’expertise, il est à indiquer que celle concernant « l’organisation comptable des entreprises ainsi que l’analyse par les procédés de la technique comptable de la situation et du fonctionnement des entreprises au point de vue de leur crédit, de leur rendement et de leur risques » est réservée, en vertu de la loi du 22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales, aux personnes physiques et morales inscrites dans la liste des membres de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises et dans la sous-liste des expertscomptables externes de l’Institut des Experts Comptables et des Conseils Fiscaux. Il s’agit donc d’un monopole légal. Dans les domaines économiques et financiers, l’intervention d’un expert est demandée de plus en plus fréquemment. À titre d’exemple, nous pouvons citer les situations suivantes : évaluation du préjudice subi des suites d’une expropriation ou des suites d’un retard dans la réalisation de travaux ; évaluation des titres d’une société des suites d’un conflit entre actionnaires ou des suites
d’un divorce ; estimation des conséquences suite à l’application d’une clause de garantie de passif dans le cadre d’une cession de titres ; évaluation d’un dommage résultant d’une rupture d’une convention de service ou du non-respect d’une clause de nonconcurrence ; évaluation du fonds de commerce d’une société des suites de son appropriation par une tierce personne ; confirmation du caractère probant et adéquat de la comptabilité d’une société ; évaluation des pertes subies suite à la rupture d’une concession de vente ; etc.
Mission de conseil technique Parallèlement aux missions judiciaires et extrajudiciaires présentées ci-avant, le réviseur d’entreprises peut également assister l’avocat et son client dans la défense des intérêts de celui-ci. Ce rôle de conseil technique peut être réalisé lors d’une phase conciliatoire avant l’entame de démarches judiciaires ou lors d’une phase judiciaire. Il peut être réalisé tant dans le cadre de procédures civiles que dans le cadre de procédures pénales (contre-expertises). Le réviseur d’entreprises, dans le cadre de ces missions, constitue ainsi une garantie de qualité quant au travail accompli et permet de donner de la crédibilité et de la légitimité aux informations financières transmises.
– Notre conseil
Autres missions Outre le contrôle des comptes annuels, le Code des sociétés sous sa forme actuelle prévoit également une série de missions légales dévolues aux réviseurs d’entreprises (et, pour certaines, aux experts-comptables). Les avocats pourraient donc également être amenés à être en relation avec un réviseur d’entreprises dans le cadre de celles-ci, que cela soit pour leurs cabinets ou pour leurs clients. Les principales missions concernées sont, par exemple, le contrôle des apports en nature ainsi que des quasi-apports, la certification de la situation comptable établie en discontinuité dans le cadre d’une dissolution d’une société, la certification de la situation comptable établie dans le cadre d’une transformation juridique d’une société, le contrôle des opérations de fusions et de scissions de sociétés, etc. Il est également à noter que lors du dépôt de la requête au tribunal, le débiteur qui sollicite l’ouverture d’une Procédure de Réorganisation Judiciaire (P.R.J.) doit joindre à celle-ci, entre autres, une situation comptable à moins de trois mois, ainsi qu’un budget (recettes et dépenses) pour la durée minimale du sursis demandé, préparés avec l’assistance d’un professionnel du chiffre (réviseurs d’entreprises, expertscomptables, comptables agréés, comptablesfiscalistes agréés). Dans ce cadre, un travail conjoint entre les avocats et les réviseurs d’entreprises est donc également nécessaire.
La consultation d’un réviseur d’entreprises dans le cadre de l’organisation et de l’évolution des cabinets d’avocats ainsi que dans le cadre de la gestion des dossiers dont ils ont la charge est un vecteur de valeur ajoutée de plus en plus recherché eu égard à la complexité et à l’évolution des affaires.
N.8 | 02.2018 | managing lawyer | 11
Fiscalité spécial
Jean Belleflamme
Licencié en droit fiscal Expert-comptable Gérant de la SPRL BELFISCO — belfisco@belfisco.be www.belfisco.be
Suite à la récente réforme de l’impôt des sociétés, applicable à dater de ce 1er janvier 2018, les conditions d’accès au taux réduit ont été modifiées.
FAUT-IL REVOIR À LA HAUSSE LA RÉMUNÉRATION QUE ME VERSE MA SOCIÉTÉ ? Muss das Gehalt, das mir meine Gesellschaft auszahlt, erhöht werden? In Folge der kürzlichen Reform der Gesellschaftssteuer, anwendbar seit dem 1. Januar 2018, sind die Zugangsbedingungen zum reduzierten Tarif geändert worden. Pour ce qui est des taux désormais applicables à l’impôt des sociétés, les principales modifications peuvent être synthétisées comme suit : Le taux de base passe de 33 à 29 % et le taux réduit est modifié de la manière suivante : • auparavant : 24,25 % sur la tranche de 0 à 25.000 € + 31 % sur la tranche de 25.000 à 90.000 € + 34,5 % sur la tranche de 90.000 à 322.500 € ; • désormais : 20 % sur la tranche de 0 à 100.000 €. Les décimes additionnels passent de 3 à 2 %. Le taux réduit est désormais réservé aux PME, c’est-à-dire aux sociétés qui ne dépassent pas plus d’une des limites suivantes : • nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 50 ; • chiffre d’affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée : 9.000.000 euros ; • total du bilan : 4.500.000 euros.
12 | managing lawyer | 02.2018 | N.8
Dorénavant, pour pouvoir accéder au taux réduit, il faut que la société alloue une rémunération annuelle d’au moins 45.000 € à un de ses gérants (contre 36.000 € précédemment), étant toutefois entendu qu’est maintenue la règle selon laquelle, lorsque la rémunération est inférieure à 45.000 €, cette rémunération à charge du résultat de la période imposable doit être au moins égale au résultat de la période imposable. Pour le calcul de cette rémunération minimale, il est non seulement tenu compte de la rémunération brute mais aussi de tous les autres revenus que le dirigeant d’entreprise perçoit de la société : avantages de toute nature (dont les cotisations sociales payées par la société), revenus locatifs requalifiés en revenus professionnels, tantièmes. À noter que cette règle de rémunération minimale est assortie d’une sanction (applicable à toutes les sociétés) : une cotisation de 5 % (fiscalement
Fiscalité spécial
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Pour le calcul de cette rémunération minimale, il est non seulement tenu compte de la rémunération brute mais aussi de tous les autres revenus que le dirigeant d'entreprise perçoit de la société déductible), calculée sur la différence entre la rémunération de 45.000 € et la rémunération effectivement allouée. Pour ce qui est des autres conditions requises pour pouvoir accéder au taux réduit, il est primordial de souligner que la condition qui exclut les sociétés du taux réduit lorsqu’elles octroient un dividende qui excède 13 % du capital libéré est supprimée. En revanche, ont été maintenues les conditions antérieures qui réservaient déjà l’accès au taux réduit, d’une part, aux sociétés dont les parts représentatives du capital social ne sont pas détenues à raison d’au moins 50 % par une ou plusieurs autres sociétés et, d’autre part, aux sociétés qui ne détiennent pas des actions ou parts dont la valeur d’investissement excède 50 % de leur capital libéré, augmenté de leurs réserves taxées. Compte tenu de ces nouvelles règles, le gérant de société qui, jusqu’à présent, limitait sa rémunération annuelle à 36.000 € va donc inévitablement devoir se poser la question de l’opportunité de porter cette rémunération à 45.000 €, de manière à pouvoir continuer à bénéficier du taux réduit à l’impôt des sociétés.
PAS DE MODIFICATION DE LA RÉMUNÉRATION DU GÉRANT Calcul du net en poche Base imposable revenus 2018
90 000,00
Cotisation spéciale Isoc
29%
102%
Dividendes bruts Précompte
RÉGIME ANTÉRIEUR
15%
90 000,00
-450,00
0,00
-26 488,89
-30 591,00
63 061,11
59 409,00
-9 459,17
-8 911,35
Dividendes nets
53 601,94
50 497,65
Rémunérations
27 800,00
27 800,00
IPP sur rémunérations
-9 070,00
-9 070,00
Rémunérations nettes
18 730,00
18 730,00
NET EN POCHE
72 331,94
69 227,65
Rémunérations totales à charge de la société * rémunérations brutes
27 800,00
27 800,00
* cotisations sociales
6 200,00
6 200,00
* ATN voiture
2 000,00
2 000,00
36 000,00
36 000,00
Nous vous proposons de répondre à cette question à l’aide d’un exemple chiffré, basé sur les données suivantes : M. Durand a créé, le 1er janvier 2014, une sprl unipersonnelle, dont le capital a été entièrement libéré en espèces. Ses cotisations sociales sont payées par sa société, qui met à sa disposition un véhicule, qui génère un avantage en nature (ATN) de 2.000 €. La base imposable de la société s’élève à 90.000 €. Sa rémunération annuelle (ATN inclus) s’élevait à 36.000 € par an. N.8 | 02.2018 | managing lawyer | 13
Fiscalité spécial
RESPECT DE LA RÈGLE DES 45.000 € Calcul du net en poche Base imposable revenus 2018
90 000,00
Supplément rémunération
-7 500,00
Supplément cotisations sociales
-1 500,00
Base imposable revenus 2018 rectifiée
81 000,00
Isoc
20%
102%
Dividendes bruts Précompte
-16 524,00 64 476,00
29%
Dividendes nets
-9 671,40 54 804,60
Rémunérations
35 300,00
IPP sur rémunérations
-12 600,00
Rémunérations nettes
22 700,00
NET EN POCHE
77 504,60
Rémunérations totales à charge de la société * rémunérations brutes
35 300,00
* cotisations sociales * ATN voiture
7 700,00 2 000,00 45 000,00
– Notre conseil Dans la plupart des cas, vous aurez intérêt à ajuster votre rémunération à la hausse, afin de respecter la nouvelle « règle des 45.000 € », vu que les suppléments d’impôt des personnes physiques et de cotisations sociales résultant de l’augmentation de rémunération demeureront inférieurs à l’économie d’impôt ainsi procurée à votre société. Cette conclusion est encore renforcée par la suppression de la limitation des distributions de dividendes en tant que condition d’accès au taux réduit.
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Le juriste de demain Legal Futurologist — @Juristededemain https://lejuristededemain.blogspot.fr/
Après avoir étudié le processus de transformation externe d'un cabinet d'avocats, j'aborde maintenant la troisième partie de mon thème qui porte sur les implications qu'impose ce processus au sein même dudit cabinet.
LA TARIFICATION HORAIRE, TALON D’ACHILLE DE LA PROFESSION D’AVOCAT – 3E PARTIE : LA TRANSFORMATION INTERNE DES CABINETS D’AVOCATS Das Stundenhonorar, die Achillesferse des Anwaltsberufs, 3. Teil: Interne Umwandlung von Anwaltskanzleien Nachdem wir den Prozess der externen Umwandlung der Anwaltskanzlei studiert haben, widmen wir uns nun dem dritten Teil unseres Themas, welcher von den Auswirkungen dieses Prozesses in der Kanzlei selbst handelt. Pour rappel, j’exclus délibérément le taux horaire de mon analyse pour les raisons que j’ai évoquées dans les précédents numéros. Parce que procéder à la transformation d’un cabinet d’avocats ne se limite pas à faire un nouveau site internet, proposer de nouveaux packs de prestations juridiques, présenter une nouvelle grille tarifaire ou construire un espace client, il est essentiel d’impacter ces changements externes (visibles par le client) au sein même du cabinet. Il faut revoir l’organisation, la « chaîne de production » des prestations juridiques et tenter d’en améliorer la performance. Cela peut par exemple passer par de nouveaux modes d’évaluation de la rentabilité et de la performance des avocats (1), le recours
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à la gestion de projet juridique (2) ou l’utilisation massive des nouvelles technologies (3). Voyons dans un premier volet comment mesurer la rentabilité et la performance des avocats en cabinet.
Mesurer la rentabilité et la performance des avocats Il est fondamental, pour un cabinet d’avocats, de mesurer sa productivité. Certains le font, beaucoup même. Toutefois, la pratique du taux horaire tend à induire en erreur l’évaluation de la productivité d’un cabinet mais aussi celle d’un collaborateur. Oui, car en réalité, la productivité ne se mesure pas au temps passé !
Honoraires
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Il s’agit ici de réveiller le « loup de Wall Street » qui est en chaque avocat !
Je vais essayer d’être encore plus concret que je ne l’ai été jusqu’à présent. Je ne vais pas m’attarder sur les méthodes connues d’évaluation de la rentabilité et de la performance au sein des cabinets d’avocats dans la mesure où elles ont pratiquement toutes une base horaire. L’objectif de cette partie consistera en une proposition de moyens alternatifs pour mesurer la rentabilité et la performance des avocats en cabinet. Étudions-en quelques-uns successivement.
Rentabilité et performance par le revenu « par avocat sur l’année » (évolution du chiffre d'affaires par tête) L’idée est simple quand il s’agit du temps passé : le nombre d’heures facturées au client détermine le revenu produit par l’avocat. Lorsque l’on éradique le temps passé de ce processus, les choses se compliquent. Pourtant, sur une base autre que le taux horaire, évaluer la rentabilité de l’avocat au regard des revenus présente l’avantage de se concentrer uniquement sur les tarifs et l’argent encaissé (le nerf de la guerre !). Il me semble particulièrement intéressant de faire un arrêt sur « image » au moins une fois par an (si l’on a confiance en ses collaborateurs !, sinon, tous les 6 mois) et examiner la courbe financière de l’avocat. Un exemple : chaque avocat détient au moins un client et disons qu’au départ, l’un d’eux prévoyait un budget conseil de 20k € sur 1 an. L’objectif de l’avocat est dans un premier temps de l’atteindre puis dans un second temps de dépasser ce budget client (ce qui fait appel à l’intelligence de situation mais aussi à des techniques commerciales bien rodées). Même si ce dépassement est de 1k € à la fin d’année, il y a une évolution du chiffre d’affaires pour l’avocat.
Lorsqu’un portefeuille est confié à un avocat, son associé attend généralement de lui qu’il le développe, même s’il s’agit d’un non-dit. C’est dans ce cadre que je distingue les avocats « intrapreneurs » de ceux qui ne le sont pas. Un avocat « intrapreneur », qu’est-ce que c’est ? C’est celui qui a compris que pour survivre et « mériter sa place », être juste avocat c’est-à-dire un technicien du droit, ne suffit plus. C’est celui qui a conscience des enjeux avec lesquels il évolue et souhaite apporter son empreinte. C’est aussi l’avocat qui a compris qu’il constitue luimême une valeur ajoutée pour son associé. C’est l’avocat qui est ouvert aux sujets stratégiques et qui est en mouvement constant avec son environnement. Cet avocat sera celui qui n’aura aucune difficulté à développer son portefeuille, ses revenus et par conséquent, les revenus de son cabinet. Les « autres » avocats ? Ils y arrivent également mais avec beaucoup plus de difficultés car leur valeur ajoutée repose uniquement sur le travail qu’ils produisent et rien d’autre. Oui, ils ne « constituent » pas eux-mêmes une valeur ajoutée pour leurs associés et ceci pour une raison simple : des avocats, il y en a énormément (et je n’ai pas besoin de vous rappeler les chiffres). Ils sont par conséquent interchangeables (raison pour laquelle le turnover fonctionne dans certains cabinets). Développer son portefeuille nécessite donc des compétences de business développement acquises par les avocats durant leur formation ! (Mauvais humour...) Vous comprendrez qu’il s’agit ici de réveiller le « loup de Wall Street » qui est en chaque avocat ! Il faut par conséquent en vouloir, être mentalement fort et avoir un bel esprit de compétiteur.
Enfin, ce mode d’évaluation est favorable aux rémunérations variables, bonus et primes.
Rentabilité et performance par le « multi-tasking » Cette méthode d’évaluation est sans doute un ovni pour la profession. Je tiens toutefois à préciser qu’elle me semble être réservée à de petits ou moyens cabinets car lorsque les moyens le permettent, faire appel à des prestataires spécialisés reste opportun et privilégié. Il est vrai que beaucoup d’avocats se refusent à accomplir des tâches ou missions qui ne relèvent pas de leur champ de compétence. La conséquence en est que les associés se retrouvent trop souvent seuls à développer des compétences complémentaires indispensables pour la profession : marketing, business développement, digital, communication, autres spécialités juridiques (oui car il y a des « niches » que l’on n’apprend pas en faculté de droit !) ... Dans de nombreux cas, ils se font accompagner par des professionnels après avoir payé d’importantes sommes argent. Pourtant, je connais autour de moi un grand nombre d’avocats que j’appelle « couteaux suisses » car ces derniers ont cette chance d’avoir acquis d’autres compétences tout au long de leurs expériences professionnelles. Il serait particulièrement pertinent de mettre ces compétences au service de leur cabinet surtout en ces temps de grande transformation... Rentabiliser par le « multi-tasking » suppose aussi que les associés aient pris conscience de l’intérêt à « réellement » collaborer avec les avocats. Je parle ici d’inclure les avocats volontaires dans une plus large collaboration au sein des cabinets : faire des réunions stratégiques, déléguer des tâches non N.8 | 02.2018 | managing lawyer | 17
Honoraires
juridiques, responsabiliser, écouter, prendre en considération les remarques et suggestions, confier et laisser libre court à la création de projets... N’oublions pas qu’avant tout, le cabinet d’avocats, c’est une entreprise ! Quelques exemples pour illustrer ce point : vous souhaitez refonder votre site internet mais disposez d’un budget limité. Par chance, l’un de vos collaborateurs est passionné de web design. Pourquoi ne pas lui confier la création de votre site au lieu d’aller payer une agence qui va vous taxer le prix fort ? Solliciter votre collaborateur, c’est 1 : un gain de temps car il est en mesure de comprendre vos besoins (il est avocat !), 2 : vous faites un heureux ! En effet, il sera content de vous aider ! et 3 : vous faites des économies ! Bien sûr, vous allez rémunérer le travail du collaborateur mais vous serez gagnant à 100% ! C’est du « Win Win ». Aussi, au lieu de recruter un Community Manager (indispensable en termes de communication pour les cabinets d’avocats !), pourquoi ne pas faire travailler vos collaborateurs ? Confiez cette tâche aux volontaires ! Ils seraient ravis d’apporter leurs connaissances dans le domaine des réseaux sociaux ! Il ne faut pas oublier que le marketing juridique constitue un réel levier de développement pour un cabinet d’avocats. Toutefois, deux conditions sont indispensables pour réussir une évaluation par « multi-tasking » : il faut d’une part budgétiser à l’avance les prestations que l’on souhaite confier (déterminer combien cela vous couterait si vous deviez passer par un professionnel) et, d’autre part, il faut rémunérer chaque avocat pour chaque intervention (cela permet de récompenser la motivation et l’engagement du collaborateur !). https://www.amazon.fr/Implementing-Value-Pricing-Business-Professional/dp/0470584610.
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18 | managing lawyer | 02.2018 | N.8
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Rentabilité et performance par l’évaluation du process REL (Réception – Exécution – Livraison) ou « Turnaround time » par Ron Baker Il s’agit ici d’une évaluation très pratique. Posezvous la question : combien de temps s’écoulet-il entre le moment où le client vous confie un dossier (ou vous pose une question), le temps de traitement du dossier par l’avocat et la livraison (envoi de la consultation ou fin de la procédure) de la prestation ? À combien de temps peut-on évaluer la capacité de « delivery » de l’avocat ? (Il ne s’agit pas là de déterminer un temps passé facturable !) Le process REL (oui je l’ai baptisé R.E.L. pour Réception – Exécution – Livraison) permet très précisément d’évaluer la réactivité et le respect des « deadlines » des avocats. Pour Ron Baker1, il s’agit de « mesurer l’efficacité en termes de délivrance d’une prestation en temps et en heure ». Cet outil de mesure permet d’éviter la procrastination et les livraisons en retard. Concrètement, il s’agit d’évaluer chaque prestation, observer et constater les manquements ou difficultés qui empêchent la livraison d’une prestation normalement prévue à un moment « X ». Tenir une « deadline » est fondamental pour la relation-client. Un client qui reçoit la réponse à sa question tardivement ou quelques heures après le délai convenu a des raisons de contester la prestation. Dès lors, étudier le process REL permet d’obtenir des indications sur le travail fourni, l’organisation, la rigueur... Tant d’indications qui sont importantes lorsqu’il s’agit d’évaluer un
collaborateur ou un département. Ainsi, il est même possible de savoir si : • l’avocat a une charge de travail trop importante ; • l’avocat est compétent ou pas au regard du travail qui lui est demandé ; • les collaborateurs qui travaillent sur le dossier s’entendent bien sur une stratégie ou tout simplement, s’entendent bien ou pas.
De quoi s’agit-il précisément ? C’est la mise en place d’un système de notation des avocats sur la qualité et la valeur de leurs prestations. Bien entendu, l’intérêt de ce procédé réside dans le fait qu’il appartient exclusivement au client de noter les prestations (il faut avoir été destinataire d’une prestation pour pouvoir en apprécier la qualité et la valeur).
Prendre connaissance de ces éléments permet d’intervenir rapidement et de trouver des solutions à ces problématiques. Le REL garantit une amélioration des process d’un cabinet. Mais surtout, il favorise la précision et la correction en temps réel dans le travail « de chaîne ». Par ailleurs, il contribue à faire respecter les engagements des avocats en matière de délivrance de la prestation juridique.
Les retours d’expériences clients sont des sources d’informations capitales pour un cabinet d’avocats. En effet, ces derniers pourraient par exemple permettre d’obtenir de précieuses indications sur : • la qualité de la prestation délivrée par l’avocat ; • la qualité des échanges entre avocat et client ; • les qualités professionnelles de l’avocat ; • l’efficacité en temps de l’avocat ; • le pouvoir de persuasion de l’avocat ; • la capacité de l’avocat à rassurer le client ; • la capacité de démonstration et d’argumentation ; • l’intelligence de situation de l’avocat ; • la valeur de la prestation délivrée par l’avocat ; • le prix de la prestation au regard de la valeur client.
Enfin, la mise en place d’un REL n’est pas compliquée : il suffit d’obtenir une deadline de la part du client. Soit l’avocat délivre la prestation avant ladite deadline auquel cas il pourrait être récompensé, soit il la livre au jour près, honorant alors son engagement, ou soit il la délivre en retard auquel cas, une intervention est nécessaire afin d’en détecter la cause et d’y remédier en vue de la prochaine prestation.
Rentabilité et performance par la notation client (note sur la performance et l’intelligence de situation : the productive lawyer VS the smart lawyer) Cet outil d’évaluation n’est pas ou peu utilisé par les avocats. Pourtant, pour un chef d’entreprise classique, il est essentiel. En plus, d’un point de vue stratégique, il permettrait à l’avocat de mesurer sa notoriété vis-à-vis de ses clients !
Cette liste est non exhaustive. Je n’en citerai pas plus mais sachez que les informations susceptibles d’être obtenues sont nombreuses ! Obtenir ce type d’informations de la part du client n’est pas évident de nos jours. Celui-ci est constamment sollicité et manque de temps pour communiquer des éléments entourant la prestation juridique sollicitée. Il n’est intéressé que par sa problématique et cela est tout à fait compréhensible. Souvenez-vous : seul l’« output » du cabinet l’intéresse.
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Pourtant, nous venons de le voir, ces informations détenues par le client (souvent inconsciemment) sont de réels indicateurs qui permettraient d’évaluer efficacement la rentabilité et l’efficacité d’un avocat ! Il est vrai qu’il est difficile de dire à un avocat que sa prestation pourrait être notée par le client. Pour certains, c’est une question humaine « d’égo » (beaucoup pensent que le client ne peut pas juger la prestation d’un avocat : c’est un profane). Pour d’autres, c’est une question de principe « déontologique » ... Pour ma part, aucune de ces raisons ne suffit à écarter ce système de notation par le client. C’est un fait. Tout le monde évalue la qualité d’une prestation ou d’un service après l’avoir obtenu. J’allais dire que c’est humain. Pourquoi cela poserait-il un problème pour les avocats ? Allez savoir... Je ne terminerai pas ce paragraphe sans vous donner quelques pistes de construction d’un système de notation à destination des clients.
Tout d’abord, il convient de rappeler que ces notes clients n’ont qu’un seul objectif : évaluer la rentabilité et l’efficacité des avocats. Rien d’autre.
Dans un troisième temps, il s’agira de traiter de façon totalement confidentielle les informations recueillies puis de prendre des mesures adaptées en conséquence.
Dans un premier temps, il faut construire un questionnaire qui fera l’objet de réponses clients. Par exemple, il pourrait être demandé au client d’indiquer sur une échelle de 1 (il n’a pas répondu à mon problème), 3 (a fait le job) à 5 (a été force de proposition) la note qui correspondrait le mieux à la nature de sa relation avec l’avocat dans le cadre d’un dossier (REL). Puis, en fonction de la note donnée, il pourrait lui être demandé de donner des exemples pour illustrer son propos (valeur ajoutée !).
Attention, il ne s’agit en aucun cas de punir des collaborateurs qui n’ont pas la chance d’être doués dans les relations sociales ! Pour les associés, c’est un outil précis d’évaluation qui leur permet de donner des axes d’amélioration, de mettre en place des processus de perfectionnement (formations ?) des collaborateurs qui, au final, auront pour objectif de satisfaire clients et avocats. Pour les collaborateurs, il s’agit de permettre aux moins bien notés de pouvoir identifier leurs difficultés, se donner les moyens d’y faire face et de les résoudre.
Dans un second temps, il s’agira de soumettre de façon automatique ce(s) questionnaire(s) après chaque prestation délivrée au client. Pour une efficacité optimale de cet outil, il est nécessaire de communiquer auprès du client et de lui manifester l’importance des retours d’expériences pour les avocats. Les réponses clients, les notes, sont dès lors indispensables !
– Notre conseil Enfin, je rappellerai, pour conclure, qu’il existe d’autres méthodes (excluant le taux horaire) pour mesurer la rentabilité et la performance des avocats toutes aussi efficaces même si elles restent peu connues. Celles que j’ai choisies ici ont la particularité de mettre en grande évidence la valeur ajoutée de l’avocat pour un cabinet. Nous verrons très prochainement comment la gestion de projets juridiques peut contribuer à la réussite d’un projet de transformation d’un cabinet d’avocats.
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Die Frage nach dem professionellen Manager für eine Kanzlei oder der Anwalt und der Frosch
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Textes, commentaires et orientations pratiques 2e édition 2018
Une nouvelle fonction dans l’entreprise 2e édition 2018
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cht Préface de Philippe Lambre c Dechamps Avant-propos de Frédéri
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L LE RÈGLEMENT GÉNÉRA SUR LA PROTECTION DES DONNÉES (RGPD/GDPR)
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