Managing Lawyer Numero 7 - 2018-1

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L’entrepreneur éthique – Der ethische unternehmer

managing lawyer

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RSE des cabinets d’avocats Die gesellschaftliche Verantwortung der Anwälte

Trimestriel – janvier/février/mars P921171 - Bureau de dépôt : 3000 Leuven MassPost

01.2018 | N.7

Éditeur responsable : Paul-Etienne Pimont, Rue Haute 139/6, 1000 Bruxelles

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Fin de la tarification horaire

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L’avocat virtuel Der virtuelle Anwalt

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Sommaire

design cerise.be

Rédacteur en chef | Chefredakteur Jean-François Henrotte, Avocat / Rechtsanwalt — Secrétaire de rédaction | Redaktionssekretär Alexandre Cassart, Avocat / Rechtsanwalt — Comité de rédaction | Redaktionsausschuss Jean Belleflamme, Expert-comptable Robert De Baerdemaeker, Avocat / Rechtsanwalt Yves Derwahl, Avocat / Rechtsanwalt Gaël D’Hotel, Avocat / Rechtsanwalt Olivier Haenecour, Avocat / Rechtsanwalt Denys Leboutte, Réviseur / Revisor — Editeur responsable Paul-Etienne Pimont, ELS Belgium s.a. Rue Haute 139/6 | 1000 Bruxelles — Régie publicitaire | Werbeagentur The Future is Now Laurence Thomsin 0032 471 63 67 01 info@the-future-is-now.net

UN PROGRAMME D’ASSURANCES SPÉCIALEMENT NÉGOCIÉ POUR LES AVOCATS Consultez le site www.marsh.be/avocat et www.marsh.be Marsh, Avenue Herrmann-Debroux 2, B-1160 Bruxelles +32 2 674 97 01 - stephane.herbauts@marsh.com

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RSE des avocats : social-washing

17 La formation des avocats

Sibylle Gioe

ou engagement citoyen ?

de demain

Olivier Haenecour

Noyé sous vos mails ? 4 La tarification horaire, talon d’achille 21

de la profession d’avocat – 2e partie : la transformation externe des cabinets d’avocats Le juriste de demain

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Témoignage : l’avocat virtuel Alex Tallon

15 Immeuble partiellement affecté

à l’activité professionnelle : « ils se marièrent et eurent beaucoup… plus de déductions fiscales » Sarah Lemmens

Quelques suggestions pour une gestion plus efficace des flux d’information Benoit Evrard

24 Fin d’une discrimination :

l’assurance-groupe pour tous les indépendants Yves Derwahl


Responsabilité

Sibylle Gioe

Avocate au barreau de Liège, M-LAW — s.gioe@avocat.be http://www.barreaudeliege.be/FR/ FicheAvocat-11535.aspx

Veiller au bien-être de ses collaborateurs, soutenir le développement durable dans sa chaîne d’approvisionnement, former ses collaborateurs aux droits de l’homme, pratiquer l’aide juridique ou offrir ses services à des causes d’intérêt collectif, … autant de mesures que votre cabinet peut mettre en œuvre pour contribuer à une société plus juste et se démarquer par rapport à ses concurrents. Acte de foi, marketing ou palliatif : à vous de trouver la formule équilibrée !

RSE DES AVOCATS : SOCIAL-WASHING OU ENGAGEMENT CITOYEN ? Die gesellschaftliche Verantwortung der Anwälte: Social-Washing oder bürgerliches Engagement? Sich um das Wohlergehen seiner Mitarbeiter bemühen, die nachhaltige Entwicklung in der Arbeitskette unterstützen, die Mitarbeiter in Menschenrechtsfragen schulen, kostenlosen Rechtsbeistand leisten oder sich für kollektive Interessen einsetzen, ... so viele Maßnahmen kann Ihr Unternehmen umsetzen, um zu einer gerechteren Gesellschaft beizutragen und sich von seinen Mitbewerbern abzuheben. Glaubensakt, Marketing oder Palliativ: es liegt an Ihnen, die ausgeglichene Formel zu finden! « C’est pourquoi l’on a de la vertu après avoir perdu la Voie ; de l’humanité après avoir perdu la vertu ; de l’équité après avoir perdu l’humanité ; de l’urbanité après avoir perdu l’équité. » (Lao Tseu).

La responsabilité sociale des entreprises La softlaw dédiée à la responsabilité sociale (ou sociétale) des entreprises (RSE) s’est dessinée au sein des organisations internationales dans les années 1970, en vue d’inciter les entreprises multinationales à réguler et contrôler les effets de leurs activités sur le respect, la protection et la promotion des droits de l’homme. Faute d’un consensus pour adopter un code contraignant. Il s’agit, par exemple, du Global Compact adopté par les Nations Unies en 1999, des Principes Directeurs de l’OCDE à l’attention des entreprises multinationales, dans ses différentes versions de 1976 à 2011 ou encore, les lignes directrices de la norme

ISO26000, produite par l’Organisation internationale de normalisation en 2010. La Commission européenne fait expressément référence à ces instruments dans sa stratégie en matière de RSE, invitant les grandes entreprises à s’engager d’ici 2014. Selon les lignes directrices ISO26000, les politiques de responsabilité sociale d’une entreprise doivent se préoccuper des incidences de leurs activités et profiter de leur sphère d’influence, y compris dans leur relation avec des tiers comme les fournisseurs, clients ou prestataires de services, en vue de contribuer positivement au bien-être de la société dans sept domaines fondamentaux : 1° la bonne gouvernance de l’organisation ; 2° les droits de l’homme ; 3° les relations et conditions de travail ; 4° l’environnement ; 5° la loyauté des pratiques ; N.7 | 01.2018 | managing lawyer | 1


Responsabilité

6° la relation aux consommateurs ; 7° la relation aux communautés et au développement local.

La responsabilité sociale des avocats À l’instar d’autres associations d’avocats, le Conseil Central des Barreaux Européens (CCBE) s’est saisi de ces instruments d’autorégulation pour les adapter aux spécificités de la profession d’avocats et clarifier le concept de responsabilité sociale (ou sociétale) des avocats (RSA) ou des cabinets d’avocats (RSCA). Dans ses lignes directrices II rédigées en 2014 le CCBE aborde notamment : –  la responsabilité de l’avocat qui est consulté en matière de RSE – quelle est l’étendue de sa responsabilité professionnelle lorsque des conseils juridiques sont donnés à propos de soft-law ? – ; –  la RSE que le cabinet d’avocats pourrait être tenu d’adopter en tant que prestataire de services d’un client attentif à sa chaîne d’approvisionnement et les conflits éventuels entre ces politiques ou avec le secret professionnel ; –  le rôle des ordres d’avocat dans la mise à disposition de lignes directrices et l’information relative à la RSE des avocats en tant qu’entreprises. Ces lignes directrices sont un véritable outil de réflexion et d’élaboration d’un instrument de responsabilité sociale au sein de votre cabinet.

Les avocats socialement responsables : ethique-washing, cercle vertueux, moindre mal ? Avant de vous lancer dans la rédaction ou l’adoption d’un code de conduite ou d’une charte, mieux vaut être conscients des deux écueils de la RSE. Quant à l’éthique-washing – ou l’instrumentalisation de l’éthique à des fins publicitaires –, d’une part, il nous est inutile d’imiter ce par quoi nous ne 2 | managing lawyer | 01.2018 | N.7

nous sommes pas réellement laissés convaincre : l’engagement de telle chaîne de supermarché (made in China) à se préoccuper pleinement de l’environnement, ou de celui d’une grande enseigne de l’habillement à produire son coton et confectionner ses fripes sans recourir à des enfants (sauf ceux du Rana Plaza), ou de celui du chocolat tartinable qui assure que son huile de palme est produite dans le cadre d’un développement durable, label (dépourvu de tout contrôle crédible) à l’appui. Quant à l’angélique profession de foi, d’autre part, elle consiste à parier sur le cercle vertueux suivant : chaque entreprise qui adopte une politique de responsabilité sociale a un avantage concurrentiel, à tout le moins publicitaire mais également vis-à-vis de ses clients soucieux de la RSE ou dans le cadre de marchés publics, qui oblige les autres acteurs du marché à niveler par le haut leurs propres pratiques en matière de droits de l’homme pour rester compétitifs. Peu à peu, toutes les entreprises s’adaptent à qui mieux mieux. Elles se fournissent de manière locale, biologique, équitable et durable, réduisent leur empreinte carbone au strict minimum, fonctionnent uniquement aux énergies vertes, assurent des avantages et une sécurité sociale augmentée à leurs collaborateurs et employés en vue de leur bien-être, instruisent chaque dossier sous l’angle des droits de l’homme en jeux, boycottent les contractants à l’éthique douteuse, s’engagent à réinvestir leurs bénéfices dans des causes utiles à la collectivité, paient des impôts justes et éradiquent les comportements nuisibles que peuvent susciter leurs activités. Dans cette utopie de l’équilibre général, où les progrès en matière de droits de l’homme sont relégués à une saine concurrence entre les acteurs privés, les pouvoirs publics sont devenus inutiles – la déforestation, la pollution, l’exploitation et la corruption ont un coût plus élevé que celui d’une réputation éthiquement responsable et ont par conséquent disparu des pratiques économiques.

Sans doute pouvons-nous être plus réservés sur la probabilité d’un tel enchantement et admettre que la responsabilité sociale des entreprises n’est pas la panacée du déséquilibre social et environnemental de notre civilisation, de même que la responsabilité de l’effectivité des droits de l’homme ne repose pas entièrement sur les initiatives individuelles – si honorables soient-elles. Par ailleurs, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Les avocats assument déjà un haut degré de responsabilité et ont un rôle fondamental dans la réalisation de l’État de droit, en assistant le justiciable dans le règlement civilisé des conflits, au travers d’une déontologie et de valeurs fortes. À l’heure où le budget de la justice et son corollaire, l’État de droit, sont intentionnellement compressés, l’initiative individuelle en matière de RSE ne doit pas non plus occulter la nécessaire mobilisation collective et l’indispensable responsabilisation des autorités normatives et exécutives pour préserver et renforcer l’indépendance des avocats et du pouvoir judiciaire, afin que chaque citoyen ait accès à une justice de qualité digne d’une société démocratique. À tout le moins, l’apport de ce concept est d’engager chacun de nous à sous-peser les responsabilités individuelles et collectives, les ambitions morales et concurrentielles, l’impact réel ou fantasmé de l’action que chacun peut mener pour le bien collectif.

Adopter une politique de responsabilité sociale, comment faire ? Les engagements supplémentaires auxquels votre cabinet peut s’associer en vue d’un comportement socialement vertueux sont de quatre ordres. Il s’agit d’abord des responsabilités environnementales, sociales et relatives aux droits de l’homme, qui vont au-delà des règles en vigueur. Inutile donc de préciser que vous triez vos déchets,


Responsabilité

Les engagements supplémentaires auxquels votre cabinet peut s’associer en vue d’un comportement socialement vertueux sont de quatre ordres que vous n’embauchez pas des enfants et que vous rémunérez vos stagiaires. Les lignes directrices du CCBE nous offrent quelques pistes pour aller plus loin : « – Encourager le bien-être et la santé de ses employés, en offrant par exemple un soutien psychologique afin d’éviter le surmenage et de gérer les dépressions et les crises personnelles, en offrant également des séances de physiothérapie et des programmes d’activités physiques afin d’éviter les maux de dos, etc. – Les questions liées au sexe et à la diversité, notamment le processus de recrutement consciencieux, le tutorat et l’encadrement professionnel, les programmes destinés aux femmes en activité, les objectifs en matière d’emploi et l’équité dans l’association, les programmes de formation continue, le matériel technique pour offrir de la souplesse concernant le lieu de travail, les congés de maternité et de paternité en prenant en compte les deux sexes, le travail à temps partiel, les politiques en faveur des personnes handicapées, etc. – La promotion de l’environnement, notamment la diminution de consommation de papier, la diminution ou la compensation de l’empreinte carbone, la numérisation, les mesures de réduction des déchets, les dispositifs visant à réaliser des économies d’énergie, le recyclage d’ordinateurs, la diminution des déplacements professionnels, etc. ». Dans le cadre des relations avec le client, il est évidemment inconcevable d’adopter une ligne dure, consistant à ne défendre que des personnes physiques ou morales dont les activités n’ont pas porté atteinte aux droits sociaux, environnementaux et fondamentaux… au risque individuel de n’avoir plus de clientèle et au risque sociétal de promouvoir l’absence de procès équitable pour « les méchants ».

Vous pouvez toutefois rassurer la société sur la capacité de votre cabinet à examiner les questions de droits de l’homme, à prodiguer des conseils appropriés pour le meilleur respect de ceux-ci et à veiller à la formation de votre équipe dans la matière spécifique des droits de l’homme. Quant à la gestion de votre chaîne d’approvisionnement, vous pouvez vous assurer, par exemple, que vos fournitures (papiers, produits d’entretien, mobilier, …) proviennent d’entreprises elles-mêmes soumises à une RSE, ou disposant d’un label crédible, ou produites localement, ou biologiques ou équitables – ou tout cela en même temps.

– Notre conseil

Enfin, les engagements caritatifs ou pro bono peuvent également être mis en avant dans le cadre d’une politique de responsabilité sociale personnalisée. Par exemple, certains cabinets d’avocats offrent un nombre défini d’heures de travail au secteur associatif de défense des droits de l’homme ou contribuent financièrement ou personnellement à des projets humanitaires. Vous pourriez également détailler l’implication de votre cabinet dans la cité, notamment votre soutien et votre participation dans les activités des organisations professionnelles d’avocats ou dans les organisations non gouvernementales qui contribuent à rendre accessible la justice ou qui veillent au respect, par les pouvoirs publics, des garanties démocratiques.

– Si votre cabinet est une grande entreprise, votre politique de responsabilité sociale sera davantage crédible si elle se réclame d’une norme déjà existante et pourvue de mécanismes de contrôles externes (par exemple, celles de l’OCDE ou des Nations Unies). – Si votre cabinet est de plus modeste envergure, dressez sur un tableau quatre colonnes : social et environnemental, clientèle, fournisseurs, collectivité. Ajoutez-y vos pratiques actuelles que vous jugez positives pour la collectivité. Établissez des objectifs plus ambitieux. Associez vos collaborateurs et votre personnel à la réflexion et à la mise en œuvre de ce plan d’action. – Inspirez-vous des cabinets d’avocats qui s’inscrivent déjà dans une démarche socialement responsable et des instruments existants, notamment ceux du CCBE. Soyez créatifs et curieux de votre empreinte sur la société. – Élaborez, sur un support accessible au public, une présentation de votre démarche qui soit claire, concrète et compréhensible. Sortez des sentiers battus en personnalisant votre réflexion sur la plus-value sociétale de votre cabinet dans le cadre de la RSE. Par conséquent, évitez de recourir à la citation de Gandhi « sois le changement que tu veux voir dans le monde », par trop empreintée. – Contrôlez l’adéquation de vos pratiques à vos objectifs et réévaluez à la hausse vos ambitions de manière régulière. Mettez à disposition du public vos rapports ou contrôles quantitatifs et/ou qualitatifs éventuels.

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Le juriste de demain Legal Futurologist — @Juristededemain https://lejuristededemain.blogspot.fr/

Nous avons vu dans la première partie1 qu’en plus d’être un mode de tarification, le taux horaire constituait à lui seul un modèle économique pour les cabinets d’avocats. Or, force est de constater que l’adoption des technologies emporte beaucoup trop de conséquences sur ce business model. C’est pourquoi il doit être revu et adapté. S’agit-il d’abandonner la tarification horaire du jour au lendemain ? Absolument pas dans l’immédiat. Toutefois, il serait opportun de l’envisager à terme car les problèmes que soulève cette pratique auprès des clients ne feront que croître au fil du temps. Par conséquent, la transformation des cabinets d’avocats doit à la fois être interne (revoir la « chaîne de production » des prestations juridiques et l’organisation du cabinet) et externe (travailler la « vitrine » visible par le client). Commençons par voir la transformation externe des cabinets d’avocats et en quoi cela consiste.

LA TARIFICATION HORAIRE, TALON D’ACHILLE DE LA PROFESSION D’AVOCAT – 2E PARTIE : LA TRANSFORMATION EXTERNE DES CABINETS D’AVOCATS Das Stundenhonorar, die Achillesferse des Anwaltsberufs, 2. Teil: Externe Umwandlung von Anwaltskanzleien Wir haben im ersten Teil gesehen, dass der Stundensatz mehr als eine Festlegung der Tarife ist, sondern für die Anwaltskanzleien selbst ein wirtschaftliches Modell verkörperte. Es ist jedoch klar, dass die Einführung der Technologien zu zu vielen Konsequenzen für dieses Geschäftsmodell führt. Deshalb muss dieses Modell überprüft und angepasst werden. La transformation externe du cabinet d’avocats : le fractionnement des prestations juridiques (Unbundling), la stratégie du « pricing » et les modes alternatifs de tarification A. « Unbundling legal services » ou le fractionnement des prestations d’avocat Remettre à plat le business model d’un cabinet d’avocats implique nécessairement, selon nous, d’entreprendre un réel travail de fond sur les prestations du cabinet.

En effet, cette « segmentation des tâches » est tout à fait possible qu’il s’agisse de prestations de conseil ou de contentieux.

« Certains avocats plaideurs affirment la main sur le cœur qu’il n’est pas possible de procéder à

Concrètement, il ne s’agit pas seulement de fractionner pour mieux déterminer si la tâche doit

Managing lawyer, n° 5, 2017/3, pp. 17 et s.  http://www.blog-nouveaumonde-avocats.com/wp-content/uploads/2013/09/le-nouveau-maintenant_.pdf.

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cette segmentation des tâches de leur travail. En d’autres termes, on ne peut travailler autrement que par une approche artisanale. Généralement, ces personnes sont surtout convaincues de la grandeur de leur propre talent, et ne se sont jamais interrogées sur l’adaptation au monde du service de certains principes essentiels adoptés dans l’industrie et les services. »2 Maître Bernard Lamon.


Honoraires

Mettre un prix (estimé) à chaque fraction de tâche Cette pratique a pris de l’ampleur ces dernières années au Canada. Selon le Chief Justice Robert Bauman de la Colombie-Britannique, « Sans le fractionnement des prestations juridiques, les justiciables sont contraints de se défendre seuls du début à la fin de la procédure ». Ce dernier encourage donc fortement les avocats à aller dans le sens du fractionnement3.

être confiée à telle ou telle personne ou tel ou tel service. Il faut aller plus loin : mettre un prix (estimé) à chaque fraction de tâche. C’est comme les pièces détachées dans l’industrie automobile. Chaque pièce dispose d’un prix et plus celle-ci est sophistiquée, plus son prix grimpe. Il faut faire de même pour la prestation d’avocat : définir des sous-prestations, des tâches voire des sous-tâches. (Voir schéma 1)

exact. Une différence (de taille !) nous en a persuadés : le niveau de responsabilité de l’avocat. Lorsqu’un avocat parle avec son client au téléphone, « techniquement », il ne s’engage pas et ne prend donc aucun risque ! Il ne s’engage en réalité que lorsqu’il met tout par écrit dans le cadre d’une consultation ou de la rédaction d’un document juridique.

Le premier niveau correspond à l’ensemble des prestations effectuées par l’avocat (dix prestations au total). Vous remarquerez que nous distinguons délibérément « le conseil-stratégie » de la « consultation » et de la « négociation ». Cette distinction permet d’isoler ou plus précisément de scinder une prestation en deux ou en trois.

Entendons-nous bien : il n’est pas question de dire que l’avocat n’encourt aucune responsabilité mais tout simplement d’indiquer que celle-ci est moins importante que lorsqu’il met ses arguments par écrit. Nous en avons tiré la conclusion qu’il fallait nécessairement distinguer ces prestations et les estimer à des tarifs différents (l’écrit pourrait bénéficier du tarif le plus élevé des deux pour les raisons que nous venons d’évoquer).

Nous faisons une grande différence entre le conseil (en one to one) au téléphone et la rédaction de consultation (réponse écrite à une question client). Ces prestations se regroupent aisément sous un même intitulé : le conseil. Or en réalité, dans les faits cela n’est pas tout à fait

Dans le deuxième niveau, nous expliquons à quoi peut correspondre chaque prestation du premier niveau. Enfin, le troisième niveau correspond aux « zones » où la technologie pourrait intervenir et se positionner en soutien aux avocats dans l’exercice de leur métier.

Aux États-Unis, ce fractionnement a permis à de nombreux avocats de réduire les coûts de leurs prestations et ainsi doubler leur nombre de clients car il est beaucoup plus pratique pour ces derniers de recourir à un avocat qui favorise le paiement « à la pièce » ou à la tâche (prix moins élevé donc beaucoup plus attractif)4. Le rapport de l’American Bar Association précise à juste titre : « Certains clients obtiennent des prestations juridiques fractionnées car cela leur permet d’acheter des prestations précises et éviter ainsi des dépenses inutiles liées au travail juridique non souhaité… »5. Pas aisé à entendre mais cela peut aider à y voir plus clair. Pour réaliser un fractionnement efficace des prestations d’avocat (en vue d’un changement de business model), il est nécessaire de travailler sur du « pricing » pour chaque prestation. Le cabinet doit avoir une « idée précise » du coût de chaque prestation (tarif a minima). Pour ce faire, encore faudrait-il pouvoir évaluer financièrement une prestation juridique autrement que par le temps passé… B. La stratégie de « pricing » de la prestation d’avocat Avant de vous proposer un modèle alternatif de « pricing » excluant le temps passé, nous tenons à revenir sur le modèle actuel utilisé par les cabinets d’avocats. Il permet de comprendre en quoi, au-delà des habitudes et des certitudes,

https://www.thestar.com/news/gta/2017/01/26/concept-of-unbundled-legal-services-gaining-support.html. « Without the option of unbundled services, the alternative is litigants are forced to represent themselves from beginning to end ». 4  http://abafuturesreport.com/, p. 30. 5  Idem. 3

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il est difficile pour ces derniers d’abandonner la facturation au taux horaire. a)  Le coût-plus-marge, une stratégie de « pricing » dénuée de valeur pour le client Déterminer le prix d’une prestation pour un avocat revient à s’interroger sur son coût. L’objectif est alors de faire répercuter le coût de ladite prestation ainsi que la marge souhaitée sur le prix proposé au client. Aujourd’hui, tout avocat qui s’installe ou qui gère son cabinet, doit déterminer son seuil de rentabilité qui est défini par Maître Christophe Thevenet « comme le chiffre d’affaires à réaliser à partir duquel le cabinet, ayant assuré la couverture de ses charges, commence à dégager un bénéfice »6. Ce dernier explique très clairement à travers des exemples concrets les modalités de calcul de ce seuil de rentabilité. Il indique également le calcul de quelques autres ratios pertinents permettant de déterminer le taux horaire. Il ressort de cette stratégie de « pricing » la formule suivante : (Vo

L’avocat part de la prestation de service pour estimer le coût de production et charges afférentes. De ce constat, il établit un prix. Ce n’est qu’après avoir établi le prix qu’il se pose la question de la valeur qu’il apporte à son client. Il est intéressant de relever la dépendance aux coûts dans l’élaboration d’un prix pour une prestation. Oui : le prix est défini par les coûts. C’est la base de ce système. Le raisonnement de l’avocat est donc le suivant : – il évalue la prestation à réaliser ; –  il se demande combien de temps elle va prendre ; – il détermine un prix ;

–  il se pose éventuellement la question de la valeur pour le client.

Résultat, nous arrivons aux conclusions exprimées dans le précèdent numéro.

Cette méthode de « pricing », appelée « coûtsplus-marge » est l’une des plus utilisées dans la profession (mais également dans un grand nombre d’entreprises en Belgique et dans le monde). Cela prouve donc qu’il s’agit d’une stratégie qui fonctionne très bien. Elle est très pragmatique car non seulement elle est facile à calculer mais elle est totalement « secure ». L’avocat ne prend aucun risque et fixe sa marge là où bon lui semblera.

L’enjeu est donc de replacer le client au cœur de la prestation d’avocat mais surtout de définir un prix basé sur la valeur perçue par le client. C’est une stratégie alternative que nous vous proposons d’étudier (et d’essayer).

Enfin, c’est une stratégie de tarification que les entreprises comprennent car elles fonctionnent elles aussi sur ce même principe. Cependant, trois inconvénients majeurs sont à relever dans l’utilisation de ce modèle (et tout particulièrement pour les cabinets d’avocats !) : –  cette stratégie ne tient aucun compte du client et de la valeur que ce dernier peut attribuer à la prestation d’avocat ; –  elle ne prend pas en compte les prix du marché des prestations juridiques (et notamment ceux des entreprises concurrentes) ; –  le coût du « travail » de l’avocat est un élément incontrôlable qui le rend imprévisible et pouvant rapidement faire exploser la facture du client.

http://www.editions-dalloz.fr/media/upload_doc_cms/Rentabiliser-son-cabinet-DallozAvocats.pdf.  https://en.wikipedia.org/wiki/Labor_theory_of_value.

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b)  « Value pricing », une stratégie orientée sur la valeur ressentie par le client Quelle est la valeur d’un bien ? Selon Karl Marx, la valeur d’un bien dépend de la quantité de travail direct et indirect nécessaire à sa fabrication7. Cela veut dire que pour l’avocat, la valeur de sa prestation est déterminée par le temps qu’il passe sur un dossier. La notion de valeur selon Marx correspondait à une réalité économique qui dépendait d’un contexte précis (révolution industrielle). Aujourd’hui, nous faisons face à d’autres réalités économiques et sociales beaucoup moins évidentes surtout lorsque l’on parle de prestation intellectuelle. La valeur d’une prestation ne peut être déterminée par le temps passé à la réaliser. Aussi, l’avocat n’est pas en mesure de déterminer la valeur de sa prestation car celle-ci ne peut être évaluée que par le client qui la reçoit (l’avocat peut seulement indiquer le coût de sa prestation : charges, temps, ressources…).


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La valeur est subjective. C’est un sentiment qui varie selon les personnes. Il n’existe pas « Une » valeur commune. Par conséquent, la valeur donnée à une prestation d’avocat varie selon les clients et ces derniers sont les seuls à pouvoir la déterminer. Le schéma qui suit définit bien la valeur ajoutée et permet de voir à quel moment celle-ci peut être visible par l’avocat et le client : (Voir schéma 3)

par Yan OSLM, co-fondateur de la plateforme Olawgram.fr

La zone rose correspond au moment clé où la prestation d’avocat se transforme en valeur ajoutée pour le client. C’est le résultat attendu, le rendu, l'« output » selon Ron Baker8. En effet, dans son livre intitulé « Implementing Value Pricing : A Radical Business Model for Professional Firms », ce dernier estime, à raison, que le travail effectué par l’avocat à l’occasion de la réalisation de la prestation constitue un « input » (c’està-dire qui n’a aucun intérêt pour le client). Cela veut dire que la recherche, la rédaction, l’analyse, la lecture, la relecture… constituent des tâches sans valeur pour celui-ci. Il n’est donc pas réaliste de le facturer au client. Par contre, la solution, le document, les recommandations issues de ce travail de l’avocat constituent, elles, LA vraie valeur pour le client. C’est pour cette raison qu’il parle d'« output » pour bénéfice, résultat, rendu ou conséquence si vous voulez.

Il convient donc pour l’avocat de se saisir pleinement de la relation-client qui non seulement lui permettra de déterminer le montant de ses honoraires mais aussi l’aidera à garder longtemps ses meilleurs clients. Dès lors, il devient indispensable pour l’avocat d’identifier avec précision le besoin du client puis d’y mettre un juste prix (estimé). Cela implique que celui-ci ait une excellente connaissance dudit client mais également du secteur dans lequel ce dernier intervient. Selon le rapport sur la tarification horaire du barreau québécois, « La clé réside encore une fois dans l’évaluation faite de la valeur du service juridique. Il est impératif que la valeur coïncide avec celle perçue par le client. Une bonne connaissance du client et de l’industrie au sein de laquelle il évolue est nécessaire »9. Communiquer avec le client, échanger avec lui, poser les bonnes questions permet de savoir ce qui est important pour lui. Toujours demander le « why behind the what » (ce qui se cache derrière la décision du client) qui permet de connaître l’origine de la problématique. La connaissance du client et de son « industrie » permet donc de saisir avec précision la valeur attendue par ce dernier. C’est sur cette valeur qu’il conviendra de mettre un prix. Rien d’autre. Quid du risque dans tout cela ? Vous savez ? Le fameux risque qu’aucun avocat n’ose prendre car ne pouvant pas l’assumer. Cela se traduit généralement par la question suivante : « comment puis-je mettre un prix fixe sur une prestation dont je n’ai aucune idée du temps qu’elle prendra ni de l’argent qu’elle me coûtera ? ». Un dossier peut prendre énormément de temps pour plusieurs raisons : –  soit, il s’agit d’un dossier compliqué, auquel cas, il faut mettre un prix sur la complexité du dossier (ce qui nécessite donc la connais-

sance du client et du secteur afin de saisir les enjeux et besoins donc la valeur ajoutée) ; –  soit, parce que l’avocat ne maîtrise pas le sujet et qu’il ne trouve personne pour l’aider, auquel cas, facturer le client serait à mon sens « indécent » et malhonnête ; –  soit, il s’agit d’un dossier dont la procédure est généralement longue et dans ce cas, il faut mettre un prix sur la spécificité du dossier et éviter de prendre en compte le temps qui ne constitue pas une valeur ajoutée pour le client (le temps judiciaire ne doit pas être facturé au client). Rappelons que depuis près de 50 ans, des techniques d’évaluation des processus se sont développées. C’est le cas notamment des méthodes de gestion de projets… (Nous y reviendrons). Mais surtout, de par les domaines d’expertises des cabinets d’avocats, ils sont tous sollicités selon leurs spécialités. Les problématiques juridiques sont souvent vues et revues, facturées et refacturées (et au même prix !)… Nous verrons plus bas que pour pallier cette notion de risque, il existe l’alternative de l’honoraire au résultat. Et le coût de la prestation nous direz-vous ? Les coûts de production, les charges ? Dans le cadre de la tarification à la valeur, il faut partir du client pour déterminer la valeur puis le prix des prestations avant de partir de ce même prix pour estimer combien de prestation (en unité) le cabinet devra facturer à ces clients pour couvrir l’ensemble de ses coûts et ainsi faire du profit. Le schéma reproduit dans la stratégie « cost plus pricing » sera inversé dans le « value pricing » : sch4

Dès lors, le cabinet est certain de ne pas facturer du superflu à ses clients puisqu’il aura déterminé un prix sur la valeur bien avant de se poser la question des coûts et charges.

)

https://www.amazon.fr/Implementing-Value-Pricing-Business-Professional/dp/0470584610.  http://www.barreau.qc.ca/pdf/publications/2016-rapport-tarification.pdf, p. 24.

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Honoraires

Toutefois, le cabinet devra, quoi qu’il arrive, déterminer ses prix « plancher » (en ayant pour base les données clients très chiffrées) qui constituent l’assurance d’une rentabilité garantie.

tarification. Aussi, la tarification à la juste valeur que nous venons de voir constitue un mode alternatif à part entière. Il en existe d’autres qui méritent que l’on s’y attarde un peu.

Pour déterminer un tarif « plancher », il est nécessaire d’obtenir des données suffisantes sur chaque client.

C. Le choix des modes alternatifs de tarification (MAT) ou Alternative fees arrangements (AFAs)

Par la suite, voici les étapes clés à respecter : – établir la liste des clients ; – établir une cartographie des prestations pour chaque client ; – définir les typologies de client ; – définir les prestations à valeur pour chaque typologie de client ; – établir les fourchettes de prix pour chaque prestation à valeur.

Les MAT se définissent comme tout autre modèle de facturation qui fait abstraction du taux horaire (il s’agit là de notre postulat de base).

La mise en place du « value pricing » est un processus particulièrement difficile. Mais la profession aura tout à y gagner en l’expérimentant. Enfin, la tarification horaire a fait son temps. Oui, elle a largement contribué à garantir des revenus confortables aux avocats. Mais aujourd’hui, le monde change et les modes de consommation de prestations juridiques se transforment. Toutefois, abandonner brusquement le taux horaire est complexe et c’est pourquoi nous pensons que cet abandon doit être progressif. D’ailleurs, il existe des modes alternatifs de tarification qui apparaissent pertinents à étudier dans la mesure où ils permettent d’entamer progressivement la « grande transformation » de la

Pour l’American Bar Association : « Utiliser des MAT ne signifie pas facturer plus cher que le taux horaire : ils permettent de mettre en place une tarification appropriée en fonction de la valeur de la prestation que le client reçoit et de la manière dont celui-ci perçoit ladite valeur. La facturation alternative devrait être basée sur ce qui est juste et raisonnable tant pour le client que pour l’avocat. Le temps passé devrait être la mesure du coût de l’avocat, pas nécessairement une mesure de la valeur des prestations qu’il fournit aux clients pour leurs besoins juridiques »10. En effet, des forfaits ou abonnements (qu’ils soient mensuels, semestriels ou annuels) proposés au client sur la base du taux horaire (c’est-à-dire, sous la forme d’un nombre d’heures) ne constituent pas en soi un mode alternatif de tarification. Il s’agit plutôt d’une variation du taux horaire. Par exemple, un forfait ou abonnement de 20 heures (plafonnées ou pas) proposé au client et payable en 2, 3 ou 4 fois, revient à appliquer

une variation du taux horaire. Seules les modalités de versement des honoraires changent. Pourtant, à en croire l’édito sur la facturation des cabinets d’avocats français, ils sont 68,56 % en 2016 à affirmer qu’ils utilisent des modes alternatifs de facturation11 ! Cela voudrait-il dire que 68,56 % des cabinets parisiens parviennent à proposer une tarification déconnectée du taux horaire ? Nous doutons qu’il y en ait autant en réalité car lorsqu’on leur demande s’ils ont significativement changé leur approche stratégique de tarification, 49 % des cabinets admettaient qu’il n’en était rien (chiffres de 2015)12. Peut-être aurait-il été plus pertinent de définir comment s’articule un MAT en précisant la nécessaire déconnexion avec le taux horaire aussi bien en « input » qu’en « output » (absence de prise en compte du temps et de l’effort produit par l’avocat). Nous n’allons pas citer tous les MAT existants sur le marché juridique. Nous vous invitons à consulter notre documentation pour tous les découvrir. Toutefois, en voici quelques-uns : Le forfait fixe sous abonnement : il s’agit d’un mode alternatif où l’avocat et le client fixent un montant payable à intervalle régulier qui peut être mensuel, semestriel, trimestriel… Il est généralement taillé sur mesure, en fonction des moyens et des possibilités du client. Il est intéressant car il met l’accent sur les besoins réels du client. Il oblige les parties à s’entendre sur un périmètre d’intervention de l’avocat bien défini. Bien sûr, il n’est pas censé faire référence au taux horaire ni même avoir ce dernier pour base

10  http://www.americanbar.org/publications/law_practice_magazine/2011/september_october/alternative_fee_arrangements.html : « AFAs are not about charging more than what an hourly rate might be – they are about charging an appropriate fee based on what value the client receives and how that client perceives value. Alternative billing should be based on what is fair and reasonable both to the client and the lawyer. Keeping track of time should be the lawyer’s measure of cost, not necessarily a measure of the value he or she is providing the clients in their legal needs ». 11  http://www.juristesassocies.com/images/PDF/Table_2016.pdf, n° 441, mars 2016. 12  http://www.juristesassocies.com/images/PDF/Archives/JA_414.pdf.

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Honoraires

de calcul. Il y a un vrai effort à faire sur la détermination des prestations mais également sur le « pricing » de celles-ci. Nous en parlons pour faire écho au forfait pratiqué au sein de la profession qui a pour base le taux horaire. À ce jour, nous n’avons connaissance que d’un seul avocat qui, lui, a osé le jeu de la transparence en excluant tout facteur horaire dans sa proposition d’honoraires : Getavocat.fr.13. Ce site propose un véritable forfait sous la forme d’abonnement avec des tarifs fixes. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que précisément, le forfait est utilisable « sans limite d’heures » ! Il a été créé par Maître Christophe Landat, avocat au barreau de Montpelier. Bel exemple à suivre… L’honoraire fixe (fixed fees) : précisément, il s’agit pour l’avocat de proposer un travail bien défini à un tarif fixe. Ce MAT est sans doute le plus connu des avocats aujourd’hui car il se démocratise de plus en plus au sein de la profession. Mais en réalité, il est utilisé pour des tâches bien précises, prévisibles, maîtrisées et surtout… automatisables. C’est le cas pour certains documents juridiques. En effet, depuis l’arrivée des legaltechs, les tarifs de nombreux documents juridiques ont baissé. Cela a obligé les avocats à revoir leur politique tarifaire sur ce terrain. C’est l’occasion pour nous de partager une belle découverte : Flavie Hourtolou, avocate en droit du travail propose sur son site14 toute une palette de « fixed fees » assez pertinente qui permet à des clients d’y voir plus clair dans une matière si souvent complexe. Elle donne une idée de ce à quoi peuvent ressembler des

prestations d’avocats à tarifs fixes. Son modèle peut être reproduit dans de nombreux domaines du droit avec différentes adaptations. Autre bel exemple à suivre… L’honoraire au résultat : c’est un MAT qui est déjà beaucoup utilisé en France notamment par les avocats qui font du contentieux. Le principe est simple : il est demandé au client de payer à l’avocat un prix d’entrée (une sorte d’avance) dès le début du dossier puis de payer un pourcentage à la fin de celui-ci (taux qui varie entre 10 et 30 % selon les spécialités). Ce mode alternatif est intéressant dans la mesure où il oblige les parties, avocat et client, à discuter, faire connaissance et surtout trouver un terrain d’entente sur le pourcentage

dédié au résultat. Il est très pratique pour les clients en ce qu’il rend la prestation d’avocat transparente et financièrement accessible. Il présente un intérêt tout particulier pour les avocats qui utilisent les technologies. En effet, avec la venue de nouveaux outils comme Supralegem.fr15, Predictice.com16 ou caselawanalytics.com17, il sera de plus en plus aisé de prédire l’issue d’un contentieux. Comme nous vous l’indiquions précédemment, il existe d’autres MAT avec des avantages très intéressants comme en témoigne l’article d’Ilina Rejeva18. Nous vous invitons à le lire non seulement parce qu’il est plein d’informations mais également parce que son auteur y cite différents cabinets d’avocats qui sont passés aux MAT.

– Notre conseil En définitive, nous voyons que la transformation externe d’un cabinet d’avocats implique nécessairement une étude de fond du business model. Aussi, nous verrons que celle-ci ne suffit pas. En effet, cette transformation doit également s’opérer en interne : comment impacter tous ces changements au sein de l’organisation du cabinet ? Comment tirer profit des nouvelles technologies pour gagner en rentabilité et efficacité ? Comment reconsidérer les relations avec les collaborateurs ? Je tenterai d’apporter des réponses concrètes dans la dernière partie consacrée à ce thème de la tarification horaire.

http://www.getavocat.fr/tarifs-avocat-mutualise.html.  http://www.avocat-hourtolou.fr/honoraires/#contrats-de-travail-8211-avenants.  http://www.supralegem.fr/. 16  https://www.predictice.com/. 17  http://caselawanalytics.com/. 18  https://legaltrek.com/blog/2015/09/alternative-fee-arrangements-a-comprehensive-law-firm-guide/?utm_content=buffer65c5c&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_ campaign=buffer. 13 14 15

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Digital

Alex Tallon

Avocat associé du cabinet d’avocats Praetica © — at@praetica.com http://www.praetica.com

Lorsque, en 2010, j’ai quitté la charge du bâtonnat du barreau de Bruxelles, ordre néerlandais, j’ai eu à cœur de reconsidérer ma manière d’exercer la profession d’avocat. Confronté aux nouvelles technologies par le fait même des communications qui parviennent par la voie digitale, j’avais improvisé la tenue d’un dossier électronique. Mais celui-ci ne correspondait souvent pas au dossier papier. Il en résultait une confusion, préjudiciable à une bonne gestion du dossier et à un accès au dossier global.

TÉMOIGNAGE : L’AVOCAT VIRTUEL Erfahrungsbericht: Der virtuelle Anwalt Als ich im Jahr 2010 die Aufgabe als Bâtonnier der flämischen Anwaltskammer Brüssel niederlegte, war es mir ein Herzensanliegen, die Art und Weise meiner anwaltlichen Tätigkeit zu überdenken. Konfrontiert mit den neuen Technologien durch die Tatsache, dass selbst die Kommunikation und der Austausch auf digitale Weise erfolgt, improvisierte ich die Führung einer elektronischen Datei. Jedoch entsprach diese oft nicht der „Papierakte“. Dies führte zu Verwirrung, die die ordnungsgemäße Verwaltung der Akte und den Zugriff auf die gesamte Akte beeinträchtigte. Les nouvelles technologies permettant de digitaliser tout document et de constituer ainsi un dossier électronique unique, j’ai estimé qu’il fallait prendre le pari du tout digital et de s’inscrire dès lors dans ce que l’on appelle, improprement, le cabinet virtuel. C’est ainsi qu’avec Serge Dufrene nous avons créé un cabinet radicalement innovant, sortant du créneau classique de l’organisation du cabinet d’avocats ayant pour ambition d’utiliser des techniques modernes et une plate-forme électronique de travail collaboratif. J’ai conceptualisé quelques idées à ce propos dans ma contribution, rédigée en 2013, au Liber amicorum en l’honneur de Pierre Legros et François Glansdorff1. Cet article reste d’actualité quant à la plupart de ses aspects et le constat doit être fait que

Bruxelles, Bruylant, 2014, « Het virtueel Advocatenkantoor », pp. 717-736.

1

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l’évolution organisationnelle des cabinets d’avocats en général est assez lente. Le fait d’être parti d’une feuille blanche nous a probablement facilité la tâche, car il n’est pas toujours simple de faire évoluer une structure existante. Les technologies modernes autorisent différentes formes de digitalisation ou de dématérialisation des activités d’avocats. La forme la plus poussée de dématérialisation est la gestion du cabinet sans recours au papier, organisant la collaboration entre ses membres sur une plateforme de collaboration électronique (PCE). C’est le pari que nous avons pris. Ceci implique non seulement des outils qui peuvent être mis à disposition de chacun, mais c’est aussi repenser les méthodes de collaboration. Elles exigent une grande rigueur dans la nomenclature des documents et la structure commune de l’archivage.


Digital

Fournir des services de plus en plus standards fera évoluer la profession de la fourniture de services à façon à la fourniture de services aussi standardisés qu’un produit Toute la documentation est ainsi partageable électroniquement. Le knowledge management est organisé par groupe de compétences, selon une structure qui est laissée à l’initiative de chaque groupe. Il vise à conserver la mémoire de l’association, du travail accompli, et à mettre en commun les sources de documentation pour chaque domaine spécialisé. Outre l’accès en commun des banques de données en ligne, cela permet un accès à une source d’information appréciable et peut ainsi générer un gain de temps. Cet investissement de l’association s’accompagne de règles qui ont pour vocation de conserver au sein de l’association le know how acquis. Cette organisation, rendue possible par les technologies modernes, est optimalisée par l’externalisation du stockage digital des données et de la documentation, ainsi que de tous autres services qui sont en rapport avec la gestion des software utilisés, en d’autres mots par le cloud computing. À partir d’une telle approche, la façon de travailler dans un dossier est modifiée. Le travail avec une plate-forme collaborative électronique permet une grande souplesse. Ainsi le travail peut être délégué d’une manière optimale, avec une plus grande efficacité et avant tout avec un contrôle plus réactif puisque le travail fourni est immédiatement disponible en totalité, et par conséquent immédiatement contrôlable. Il est aussi plus aisé de travailler à plus de deux personnes en même temps sur un dossier. Il est même possible de travailler simultanément à

plusieurs sur un même document, ce qui permet de rencontrer les nécessités des situations d’extrême urgence. La qualité en elle-même dépend bien entendu de la compétence de l’avocat concerné. Mais l’organisation en plate-forme collaborative électronique peut faciliter l’émergence de cette qualité, par un meilleur accès à la documentation, par un contrôle plus strict par le client (auquel on peut accorder l’accès au dossier électronique et en conséquence, aux tâches accomplies), et par l’optimalisation de la collaboration en associant force de travail et expérience. Notre association étudie actuellement la possibilité de mettre à disposition de nos clients des accès à nos banques de données juridiques. Nous sommes persuadés que fournir des services de plus en plus standards fera évoluer la profession de la fourniture de services à façon à la fourniture de services aussi standardisés qu’un produit. Ceci modifie fondamentalement le métier d’avocat, car les prestations vont être à l’avenir davantage tournées vers les mises à jour de données que vers le dossier précis et les réponses spécifiques à la question juridique concernée. Le but poursuivi est aussi une réduction des coûts. Bien sûr, beaucoup de cabinets d’avocats mettent l’accent sur le rapport qualité-prix du service offert. Dès lors que le travail peut être de plus en plus standardisé et que la présence sur le net peut donner une plus grande visibilité à davantage de cabinets, la concurrence s’accroît, en sorte que les tarifs peuvent s’avérer

déterminants dans le choix de l’avocat. Chez Praetica, nous avons mis l’accent sur le télétravail, les bureaux individuels ont été supprimés et le support administratif a été déchargé de la réception téléphonique et de la dactylographie, ce qui permet évidemment une réduction sensible des overhead costs. Il en va aussi du bien-être de l’avocat individuel. Jongler entre les méthodes de travail traditionnelles d’un cabinet avec papier et des méthodes de travail approximatives induites par une dématérialisation mal conçue, augmente le stress, accroît la charge de travail puisque entre autres un double contrôle est nécessaire, et aggrave le risque d’erreurs, de malentendus, de confusions et donc de fautes professionnelles. L’élimination de tout papier et l’adoption de méthodes de travail collaboratives nous permettent de planifier et d’exécuter notre travail d’une manière plus confortable, plus qualitative et plus sûre. Plus précisément, les méthodes électroniques de gestion des tâches ôtent l’aspect stressant d’une deadine non identifiable. Une organisation de la collaboration par voie électronique ne diminue pas le travail, pas davantage que les délais impératifs, mais permet de gérer tout cela avec une plus grande sérénité. Mais il faut aussi anticiper sur les risques qu’une telle organisation peut engendrer. Il en va d’abord de créer une communauté de travail, et d’entretenir des moments de rencontres. Il convient d’assurer une animation en son sein et développer un business model qui renforce

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Digital

le lien entre les participants. On le fait en organisant notamment des petits déjeuners d’information, également ouverts à la clientèle, et des lunch de formation qui sont réservés aux avocats du cabinet au cours desquels il est débattu d’un thème d’actualité. Mais il s’agit également d’intensifier la motivation de chacun et le sentiment d’appartenance de tous par une communication interne régulière à propos des nouvelles

qui concernent le cabinet et par l’amélioration constante des services, des méthodes et des outils innovants dont nous nous servons tous les jours. Il faut coupler cela avec la mise en place d’une « marque de cabinet » forte (branding, communication), ce qui renforce, aussi pour la clientèle, le lien entre les membres du cabinet.

Le cabinet Praetica n’est donc pas un « cabinet virtuel », dans le sens où ce n’est pas la version second life2 du cabinet d’avocats. Il s’agit d’une organisation qui s’engage pleinement dans la digitalisation et dans l’utilisation de techniques les plus modernes pour exercer la profession d’avocat.

N.d.l.r. : Second Life est un univers virtuel accessible en ligne qui permet à ses utilisateurs d’incarner des personnages virtuels dans un monde créé par les résidents eux-mêmes. http://secondlife.com/.

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Agenda

20 mars 2018

18‑19 mai 2018

Larcier Group – Formation – Gérer le temps et le stress au travail pour gagner en efficacité et en bien-être association – Louvain-la-Neuve ➔ https://www.larciergroup.com/fr/ formation-gerer-le-temps-et-le-stressau-travail-pour-gagner-en-efficacite-eten-bien-etre-2018‑9781109172362.html

Drafting Effective International Contracts : Workshop-Seminar on International Sales, Agency and Distributorship Contracts – Poznan (Pologne) ➔ http://www.uianet.org/fr/evenement/type-46989/drafting-effectiveinternational-contracts-worksho

27 mars 2018 Larcier Group – Formation Management for Lawyers – Réussir son association – Louvain-la-Neuve ➔ https://www.larciergroup.com/fr/ formation-management-for-lawyers-reussir-son-association-2018‑ 9781109155129.html

6‑7 avril 2018 UIA – Les évolutions des métiers de l’Avocat – Fes (Maroc) ➔ http://www.uianet.org/fr/evenement/ type-46989/les-évolutions-des-métiersde-l’avocat

12‑13 avril 2018 IBA – 8th World Women Lawyers’ Conference : From Courtroom to Boardroom : The Impact of Women – Londres (Royaume-Uni) ➔ https://www.ibanet.org/Conferences/ conf857.aspx

19 avril 2018 Larcier Group – Formation Management for Lawyers – Rédiger autrement – Bruxelles ➔ https://www.larciergroup.com/fr/formation-management-for-lawyers-rediger-autrement-2018‑9781109155082.html

3‑4 mai 2018

18‑19 juin 2018 Anglais Juridique pour les Avocats Perfectionnement : Draft & Negociate with Clients & Counsel – Paris (France) ➔ http://www.uianet.org/fr/evenement/ type-46992/anglais-juridique-pour-lesavocatsperfectionnement

20‑21 septembre 2018 Leadership and Management of a Law Firm ; Delivering Excellent Client Service Cost-effectively – Londres (Royaume-Uni) ➔ http://www.uianet.org/fr/evenement/type-46992/leadership-andmanagement-law-firm-delivering-exce

7‑12 octobre 2018 IBA – Congrès annuel – Rome (Italie) ➔ https://www.ibanet.org

30 octobre-2 novembre 2018 UIA – Congrès annuel – Porto (Portugal) ➔ https://porto.uianet.org

5‑8 décembre 2018 CIB – Congrès annuel – Lausanne ➔ http://www.cib-avocats.org

Win, Keep and Grow your Clients : Marketing and Communication Strategies for Law Firms – Paris (France) ➔ http://www.uianet.org/fr/evenement/ type-46992/win-keep-and-grow-yourclients-marketing-and-commu

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Fiscalité

Sarah Lemmens

Avocate au barreau de Liège — s.lemmens@avocat.be http://www.bours-law.be

Beaucoup d’avocats choisissent d’affecter une partie de leur habitation à l’exercice de leur activité professionnelle. Ceci leur permet, entre autres, de prétendre à la déduction, au titre de frais professionnels, d’une partie des frais relatifs à cet immeuble. Si la quote-part déductible sera, bien évidemment, fonction de la proportion d’immeuble affecté à l’activité, elle sera également influencée par l’éventuel mode de vie commune choisi.

IMMEUBLE PARTIELLEMENT AFFECTÉ À L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE : « ILS SE MARIÈRENT ET EURENT BEAUCOUP… PLUS DE DÉDUCTIONS FISCALES »1 Teilweise der beruflichen Tätigkeit zugewiesenes Gebäude: Sie heirateten und bekamen... mehr ” steuerliche Vorteile“ Viele Anwälte entscheiden sich dafür, einen Teil ihres Hauses der Ausübung ihrer beruflichen Tätigkeit zuzuordnen. Das erlaubt ihnen, unter anderem, einen Teil der mit diesem Gebäude verbundenen Kosten als berufliche Kosten geltend zu machen. Der steuerlich absetzbare Teil hängt einerseits von dem Teil des Gebäudes ab, der der beruflichen Aktivität zugeordnet ist, andererseits wird er auch von der möglichen gemeinsamen Lebensweise beeinflusst. Soit un avocat fraîchement marié sous le régime légal de communauté (le fameux « ce qui est à moi est à toi »). Cet avocat décide d’acheter, avec son conjoint, une demeure des plus coquettes. L’avocat étant, par essence, submergé de travail, il souhaite également installer, dans son immeuble privé, un bureau secondaire depuis lequel il pourra traiter quelques dossiers (la nuit, les week-ends et jours fériés…).

Passée l’euphorie des nouveaux projets, l’avocat se voit contraint de se pencher sur la très prosaïque question fiscale : dès lors qu’il affectera une partie de son immeuble à l’exercice de son activité professionnelle, dans quelle proportion pourra-t-il déduire une partie des frais liés à cet immeuble (notamment l’amortissement du prix d’acquisition), au titre de frais professionnels ?

Article initialement publié dans la revue Open Barreau de Liège, juin 2017, http://open.barreaudeliege.be/.  Chambre, sess. 2015-2016, n° 54 COM 465 – Question n° 12453 de Monsieur Luk Van Biesen, le 6 juillet 2016.

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Fiscalité

Le voisin qui a opté pour la cohabitation légale aura, lui, moins de chance Cette question intéresse aussi son voisin, également avocat et copropriétaire d’un immeuble, mais qui lui a fait le choix de la cohabitation légale. À l’occasion d’une réponse à une question parlementaire, le ministre des Finances a récemment exposé la position de son administration concernant ce cas de figure2. Le ministre indique que, dans le cas de conjoints mariés sous le régime de la communauté, l’immeuble appartient en totalité au patrimoine commun. L’époux qui affecte partiellement l’immeuble à son activité professionnelle, peut donc déduire les frais qui s’y rapportent, à concurrence du pourcentage correspondant à l’affectation professionnelle. Dans l’exemple de notre avocat de départ, à supposer que 20 % de son immeuble soient affectés à son activité, il pourra déduire les amortissements concernant l’immeuble à concurrence de 20 % (soit 100 x 20 %). Le voisin qui a opté pour la cohabitation légale aura, lui, moins de chance. En effet, dans l’hypothèse d’une cohabitation légale, le ministre des Finances considère que, en l’absence de patrimoine commun, l’immeuble appartient pour moitié au patrimoine de chaque copropriétaire. Chaque copropriétaire n’est donc en mesure d’affecter que sa partie (50 %) à son activité professionnelle, ce qui a pour effet de diminuer la quote-part de frais déductibles. Ainsi, le voisin de notre avocat qui affecte également une partie de son immeuble à son activité,

à concurrence de 20 %, ne pourra déduire les amortissements relatifs à son immeuble, qu’à concurrence de 10 % (soit 100 x 50 % x 20 %). À noter que cette considération vaut également pour les autres modes de vie caractérisés par l’absence de patrimoine commun, telle la séparation de bien pure et simple ou la cohabitation de fait3. Le député à l’origine de la question parlementaire voit dans ce cas d’application une différence de traitement injustifiée, qui démontre que la réglementation actuelle est inadaptée aux nouvelles formes de vie commune. À l’estime du ministre des Finances, cette différence de traitement ne provient pas d’une volonté de traiter différemment les conjoints et les cohabitants légaux, mais résulte uniquement d’une différence dans le droit de propriété de chacun. Rappelons, à ce sujet, que la Cour constitutionnelle considère que la situation juridique des conjoints et des cohabitants légaux est différente, en ce qui concerne tant leurs devoirs personnels mutuels que leur situation patrimoniale. Selon la

Cour, « cette situation juridique différente peut, dans certains cas, lorsqu’elle est liée au but de la mesure, justifier une différence de traitement entre conjoints et cohabitants légaux »4. Cette inégalité pourrait être atténuée au moyen de clauses conventionnelles, destinées à créer une communauté, et non plus une simple indivision, autour de l’immeuble. Certes, ces dispositions ne valent, en principe, qu’entre les parties qui y ont consenti, et sont donc inopposables aux tiers. Toutefois, au stade de l’établissement de l’impôt, le fisc n’est pas considéré comme un tiers. Il pourra donc valablement se voir opposer une telle convention (sous réserve, bien évidemment, d’une simulation ou de l’application d’une disposition anti-abus). Compte tenu de ce qui précède, l’on aurait tort de considérer que la cohabitation légale est pleinement assimilée au mariage ; ceci n’est vrai que pour certaines mesures (notamment, le tarif des droits de succession). Il convient de garder cette considération à l’esprit au moment de l’acquisition conjointe d’un immeuble, plus encore si celui-ci sera partiellement affecté à une activité professionnelle.

– Notre conseil Certes, le choix du type de vie commune n’est, en principe, pas uniquement guidé par des considérations fiscales. Il reste que, en présence d’un partenaire qui souhaite exercer partiellement son activité dans le logement privé, ce choix est important et peut avoir un réel impact financier. Dans cette hypothèse, l’intégration de certains aménagements contractuels peut constituer une alternative au mariage sous le régime de la communauté.

E. Masset, « Immeuble acheté par des cohabitants et amortissement de la partie professionnelle », Brève, 16 mars 2017, disponible sur www.fiscalnet.be.  Cour const., 18 novembre 2010, arrêt n° 129/2010 ; Cour const., 20 septembre 2012, arrêt n° 109/2012.

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Compte-rendu

Olivier Haenecour

Associé Meritius Avocat Membre du comité de rédaction de Managing Lawyer — @OHaenecour http://www.meritius.be

Ce 13 décembre 2017, à la veille de l’électrochoc numérique 2, un éditeur juridique avait rassemblé à Éghezée les doyens des facultés de droit, les bâtonniers, les administrateurs d’Avocat. be, les membres de l’incubateur d’Avocat.be pour partager au sujet de la formation des avocats de demain. Un membre de notre comité de rédaction nous relate ce qui s’y est dit.

LA FORMATION DES AVOCATS DE DEMAIN Die Ausbildung der Anwälte von morgen Am 13. Dezember 2017, am Vorabend des „Électrochoc numérique 2“, hat juristischer Herausgeber in Eghezée die Dekane der juristischen Fakultäten, die Bâtonniers, die Verwalter von Avocat.be und die Mitglieder des Inkubators von Avocat.be versammelt, um sich über die Ausbildung der Anwälte von morgen auszutauschen. La soirée a été introduite par, Stanislas Van Wassenbove, avocat au barreau de Bruxelles et maître d’œuvre de l’électrochoc numérique, et Carine Lecomte, Publishing Director. Stanislas Van Wassenhove a insisté sur ce que les enjeux de la révolution numérique sont encore mal connus, y compris des étudiants sortants, même s’ils sont rompus aux nouvelles technologies. Il y a encore 850 diplômés en droit par an, dont 60 % entreront au barreau. L’université enseigne notamment à ces étudiants la méthodologie et la science juridique, elle permet d’y faire des stages, et de pratiquer les langues. Au terme de leur formation, il faut que les avocats soient experts, spécialistes, compétents, rigoureux et indépendants. La révolution numérique a apporté : • L’automatisation (des documents). • La transparence (référencement dans les notations).

• L’innovation (légalité). • L’intelligence artificielle (notamment la justice prédictive). Un certain nombre de caractéristiques générales revues chez les avocats rendent cette appropriation difficile. Les avocats sont allergiques aux risques. Ils ne sont pas facilement enclins à réaliser des investissements. En outre, la tendance est pour les associés de prendre les liquidités produites par la société d’avocats, en sorte qu’il ne subsiste pas de moyen pour l’investissement. Le client doit payer l’avocat sur base des minutes prestées par celui-ci, sans véritable contrôle sur les prestations effectuées. Avec ce système de tarification horaire, le risque est reporté sur le client. Les cabinets d’avocats fonctionnent généralement de manière pyramidale, là où il faudrait davantage de collaboration. N.7 | 01.2018 | managing lawyer | 17


Compte-rendu

Il faut que les avocats osent prendre des risques et gérer les finances Il faut que les avocats osent prendre des risques et gérer les finances. Il faut innover. Pour cela, il faudrait trouver un lieu de rencontre entre les universités et les avocats, et faire un travail commun pour arriver à un nouveau mode de fonctionnement des cabinets. Carine Lecomte a exposé que son employeur est tout à fait conscient de la mutation de la profession. Il veut s’engager et collaborer de manière constructive aux initiatives qui vont être reprises. Le digital est déjà bien introduit dans les auditoires. Mais qu’en est-il de la formation à la dimension managériale ? Comment préparer les étudiants aux besoins de la société de demain ? L’éditeur souhaiterait pouvoir travailler avec les barreaux et les universités pour relever ensemble ces défis communs. Elle cite l’exemple de l’accès gratuit aux étudiants de sa base de données juridiques. Un outil de nouvelle génération basé sur le big data et l’intelligence artificielle a été lancé récemment. Avec des graphiques interactifs et des pistes stratégiques pour présenter l’argumentation et prédire les chances de succès. L'éditeur privilégie la co-création avec les utilisateurs comme ce fut notamment le cas, pour ce nouvel outil, avec les barreaux de Mons et de Gand. Enke Kedebe a fondamentalement changé la manière d’enseigner aux futurs avocats à l’école des avocats de Strasbourg (Erage). À moyen terme, il n’y aura plus besoin déjà des avocats pour ce qu’ils font aujourd’hui. Le marché a totalement changé depuis 2 ans pour former les avocats avec les compétences de demain. Les futurs avocats ont besoin de compétences managériales. Ils doivent pouvoir créer un business model innovant. 18 | managing lawyer | 01.2018 | N.7

Les compétences dont ils auront besoin sont 80 % des compétences personnelles (travail collaboratif, en mode projet, …). Les jeunes avocats devront travailler avec legaltech, voire les créer eux-mêmes. Les nouveaux champs d’expertise s’ouvrent, comme pour les modèles, les objets connectés, ou la protection des données. Elle prône la mise en place d’un laboratoire d’innovation pour l’avenir avec différentes thématiques : activités commerciales accessoires, block chain, la salle d’audience de demain, … Il faut faire un ensemble cohérent et penser le parcours du futur avocat depuis le jour où il entame ses études de droit jusqu’au jour où il rentre dans le monde professionnel. Il est utile de mettre en place un cycle universitaire court centré sur des thématiques comme la cyber-justice, les avocats-ingénieurs, … Fabrice Demoléon est un business transformer. Il aide les entreprises à évoluer pour ne pas disparaître. Il a travaillé à une époque comme professeur de droit. Il accompagne aujourd’hui la transformation des entreprises. Il secoue l’assistance en indiquant que quand on se trouve face à une rupture technologique (ce qui est le cas actuellement), 80 % des entreprises sur le marché meurent parce qu’elles regardent les modifications de loin, elles pensent qu’elles seront peu ou pas touchées, ou si peu. Or les enjeux digitaux sont là. Les clients des juristes sont digitalisés. Les clients ne supportent plus d’attendre. Le client veut savoir rapidement s’il va pouvoir voir son avocat, ce que ça va coûter, et qu’elles sont les chances réelles de succès. Les clients ont viscéralement changé, cela pourrait être destructeur sur le marché des avocats. Si les avocats ne réagissent pas, les legaltech vont prendre ces marchés. L’avenir se vivra avec un avocat connecté, utilisant les outils prédictifs à sa disposition, les

dernières technologies pour s’organiser au mieux. L’avocat relira sur son outil d’automatisation à préparer. Il fera ses rendez-vous à distance. Le cabinet sera un lieu plus ouvert, orienté vers la collaboration entre les membres du cabinet. On disposera d’espaces individuels, pour réfléchir ou pour la confidentialité. La relation client devra être construite avec les clients. Fabrice Demoléon fait sienne la prédiction selon laquelle, dans un avenir relativement proche, soit l’entreprise sera une plateforme, soit elle travaillera pour une plateforme. Il s’étonne de la prétention des juristes, ils croient toujours qu’ils vont pouvoir effectuer toutes les mutations sans aide extérieure. Nicolas Petit, professeur à l’Université de Liège, rappelle d’abord une phrase de Churchill : « If you don’t take innovation in the hands, it will take you by the throat ». La réflexion est en cours à l’Université de Liège autour de l’innovation. Un cours du droit des robots et de l’intelligence artificielle pourrait être envisagé. L’idée d’un master en data-science (pour les ingénieurs) suit son cours. Il faut envisager de former les professionnels du droit à la technique du codage et de création des algorithmes. Ces données doivent amener à modifier le cursus de l’étudiant en droit. Le professeur Petit prévoit que certaines disciplines du droit vont disparaître (droit des marques, corporate housekeeping, …) tandis que d’autres disciplines vont apparaître (protection des données, comportement humain face aux machines, …). En ce qui concerne l’intelligence artificielle, on est encore au niveau de l’effet d’annonce. L’intelligence artificielle n’utilise pas encore le deep learning. Il est annoncé que le système droit continental sera vraisemblablement moins impacté par les logiciels de justice prédictive que les systèmes de common law, régis par la règle du précédent.


Compte-rendu

Il lui paraît en tout cas clair que le temps des étudiants qui régurgitent le contenu du syllabus du professeur est dépassé. Les ordinateurs auxquels seront confrontés les étudiants des études de droit vont sortir bien plus de savoir que les étudiants eux-mêmes après leurs cinq années. Il faut développer des compétences interactives, apprendre aux étudiants à étudier les progiciels, développer la logique et la compréhension des algorithmes, … Les connaissances extra-juridiques seront essentielles pour gagner un procès et essentielles aussi pour survivre à la révolution numérique. Les facultés doivent garantir la neutralité technologique, vis-à-vis de tous les opérateurs du secteur, vu leur caractère d’intérêt public. Il faut arriver à ce qu’il y ait un accès pour tous à l’intelligence artificielle. Il faut surtout éviter que les données soient captées par des intérêts privés. Dans la discussion qui a suivi et les exposés, il est apparu que les universités devaient enseigner ce que ne peut faire l’algorithme, donc se centrer sur le caractère humain. Il conviendrait que les avocats, les gouvernements, les universités, mettent en place des outils de normalisation juridique pour tester les algorithmes.

Le client a besoin de l’empathie, de l’écoute. L’aspect humain sera encore plus important demain qu’aujourd’hui. La structuration des cabinets d’avocats devra également changer. L’organisation pyramidale des cabinets est vraisemblablement dépassée. Il faut s’orienter vers une organisation collaborative.

Il faudra aussi changer la méthode de tarification pour davantage de prévisibilité. Jean-Pierre Buyle termine en déplorant les difficultés rencontrées pour coordonner avec les universités la formation des futurs avocats, et pour conséquence que le barreau a décidé de reprendre en main lui-même cette formation. La main reste toutefois tendue.

Jean-Pierre Buyle a conclu la soirée en insistant sur l’indispensable et rapide accès libre aux décisions judiciaires, qui n’existe absolument pas à ce jour. L’intelligence artificielle doit être accessible par tout le monde. Les avocats doivent s’accaparer les paramètres et les algorithmes pour que d’autres ne décident pas de la proportionnalité des valeurs. L’intelligence artificielle doit être développée sur une base solidaire pour que l’avocat qui dispose de moins de moyens n’en soit pas exclu.

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Formation – Dernières évolutions TVA dans le secteur immobilier Mercredi 18 avril 2018 – Louvain–la–Neuve Ivan Massin et Lionel Wellekens - 335,00 € Formation Management for Lawyers – Rédiger autrement Jeudi 19 avril 2018 – Bruxelles Antoine Henry de Frahan - 590,00 € Formation – Pensions complémentaires pour indépendants : 10 questions d’actualité Mercredi 25 avril 2018 – Louvain–la–Neuve Paul Van Eesbeeck - 325,00 € Cycle de formations – Communication NonViolente - Jour 1 Initiation à la Communication NonViolente Lundi 23 avril 2018 – Namur Jean-Yves Lagasse de Locht et Patrick Kileste - 278,00 € Cycle de formations – Communication NonViolente - Jour 2 Gestion des clients difficiles Vendredi 25 mai 2018 – Namur Jean-Yves Lagasse de Locht et Patrick Kileste - 278,00 € Cycle de formations – Communication NonViolente - Jour 3 Gestion des situations de conflits Lundi 18 juin 2018 – Namur Jean-Yves Lagasse de Locht et Patrick Kileste - 278,00 € Formation – Le nouveau Code des sociétés et des associations Enjeux et opportunités pour les praticiens Mercredi 30 mai 2018 – Liège Edouard-Jean Navez, Henri Culot et Yves De Cordt - 295,00 € Formation – Le nouveau Code des sociétés et des associations Enjeux et opportunités pour les praticiens Jeudi 31 mai 2018 – Louvain–la–Neuve Edouard-Jean Navez, Henri Culot et Yves De Cordt - 295,00 €

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Informatique

Benoit Evrard

Directeur général SECIB — @bevrard1 www.secib.be

Noyé sous vos mails vous avez l’impression de ne plus faire que cela. Si vous ajoutez à ce sentiment la complexité de capturer le temps que vous y consacrez et la difficulté de le comptabiliser sous une forme ou sous une autre, alors probablement éprouvezvous ce malaise relativement répandu que nous allons évoquer dans les lignes qui suivent.

NOYÉ SOUS VOS MAILS ? QUELQUES SUGGESTIONS POUR UNE GESTION PLUS EFFICACE DES FLUX D’INFORMATION Kein Durchblick in Ihren Emails? Einige Vorschläge für eine effektivere Verwaltung der Informationsflüsse Sie haben den Eindruck, dass Sie nur noch damit beschäftigt sind die Übersicht über Ihre Emails zu behalten. Wenn Sie zu diesem Gefühl die Komplexität der Zeiterfassung, die sie mit dieser Aufgabe verbringen, hinzufügen, und die Schwierigkeit, es in der einen oder anderen Form anhand von Zahlen festzumachen, dann erleben Sie wahrscheinlich dieses relativ weit verbreitete Unbehagen, das in den folgenden Zeilen geschildert wird. Le basculement progressif du courrier ordinaire et du fax vers l’email a provoqué cet étrange phénomène de désorganisation au sein des cabinets, phénomène auquel on assiste depuis une dizaine d’années et face auquel de nombreux cabinets semblent bien en peine d’apporter une solution efficace. En soi ceci pourrait ne pas être problématique si au final l’arbitrage et la priorisation des tâches à accomplir vous revenaient à coup sûr. Or nous devons bien constater que ce n’est pas toujours le cas et les avocats sont nombreux à s’en plaindre. Dès lors que cette situation devient génératrice de stress, de frustration et de désorganisation, il nous est apparu que ceci méritait de nous y arrêter et de partager avec vous

quelques éléments de « bonnes pratiques » dont la mise en œuvre, souvent simple, peut aider celles et ceux qui se seront reconnus à la lecture de ce qui précède à reprendre le contrôle. L’arrivée de l’IA (Intelligence Artificielle) dans les solutions informatiques va encore accroître ce sentiment de perte de contrôle dès lors que vos outils iront jusqu’à vous proposer de quelle manière poursuivre telle ou telle tâche en fonction du contexte dans lequel vous poserez le moindre geste. Si l’évolution des outils est une bonne chose en ce qu’elle vous permet de vous concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, il faut garder à l’esprit que ces outils sont à votre service N.7 | 01.2018 | managing lawyer | 21


Informatique

et qu’il vous appartiendra toujours de prendre la décision finale. Ce changement s’étant opéré progressivement, peu de cabinets ont mené une vraie réflexion sur la manière de gérer ces nouveaux flux d’information.

Délégation et travail collaboratif Avec la généralisation de l’email sont rapidement apparues des difficultés en termes de volumétrie et de pertinence, certes, mais aussi des difficultés organisationnelles. S’agissant d’un email plutôt que d’un courrier ordinaire ou d’un fax, les avocats se sont mis à gérer eux-mêmes la production et la réception de correspondances, tâches jusqu’alors dévolues aux secrétaires. Il est même devenu naturel pour un client que son avocat lui réponde lui-même et idéalement par retour. Chaque avocat disposant de sa propre boîte de messagerie, en plus de celle du cabinet, nous sommes aujourd’hui en présence d’une multiplication des points d’entrée, ce qui doit absolument être géré. Il est indispensable de mettre en place des règles de fonctionnement et de délégation dépendant de ce point d’entrée, de la nature de l’information reçue et, bien entendu, de la structure du cabinet. La référence à l’organisation qui prévalait avant l’arrivée de l’email (pour ceux qui

22 | managing lawyer | 01.2018 | N.7

ont exercé durant cette période) peut souvent nous aider à mieux définir le rôle de chacun dans le processus. Il convient de neutraliser l’incidence du canal de communication (courrier, fax, email…) sur les règles de traitement à appliquer. Disposer d’une boîte « info » pour la réception des emails « non qualifiés » est un plus incontestable et pourra régler bien des difficultés.

Soulignons ici que certains logiciels de gestion intègrent le travail collaboratif et la délégation en proposant des fonctionnalités allant de la numérisation des contenus « papier » à la notification via système de parapheur électronique en passant par le classement dans les dossiers. La chaîne est ainsi garantie et le risque de perte d’informations maîtrisé. L’intégration de l’accès à vos dossiers « métier » au sein d’Outlook vous offre une fluidité accrue dans le processus de traitement et entraîne un gain de temps et de productivité évident.

Intrusion et immédiateté, précipitation vs qualité du travail réalisé

Dès lors et quel que soit le support, courrier, fax ou email, l’arrivée d’un document déclenche typiquement cinq actions : 1.  la réception ou collecte de l’information en question ; 2.  le classement de celle-ci dans le dossier « métier » concerné – papier ou électronique ; 3.  la notification de l’arrivée d’une nouvelle information à l’avocat en charge du dossier ; 4. la prise de connaissance du contenu ; 5.  la décision de l’action à mener en fonction de celui-ci.

Le second effet pervers induit par l’arrivée massive de l’email réside dans son caractère intrusif et le délai de réponse que l’on imagine devoir appliquer.

Dans une organisation que nous qualifierons de « traditionnelle », celles dont nous entendons qu’elles semblent les plus impactées par la gestion des emails et où avocats et secrétaires se répartissent l’ensemble des tâches du cabinet, il nous semble qu’en matière de traitement du flux entrant, les tâches 1 à 3 relèvent du secrétariat tandis que les tâches 4 et 5 incombent aux avocats.

Afin de se détacher de la tentation de traiter chaque email reçu en temps réel, puisque c’est bien cela l’enjeu, il convient de prendre un peu de distance avec son Outlook. Selon votre mode de fonctionnement interne, vous pourriez aller jusqu’à ne vous y connecter que ponctuellement, vous libérant ainsi l’esprit pour la réalisation des tâches nécessitant toute votre concentration.

Ici aussi devons-nous considérer que, de manière systématique, c’est le canal de communication qui induit le délai de réponse, plutôt que la complexité de celle-ci ? Un client doit pouvoir entendre que certaines demandes impliquent un temps de réflexion et de traitement. Bien présenté, cet argument vous permettra également de défendre, si nécessaire, la valeur du travail réalisé, voire sa facturation au juste prix.


Informatique

Il est indispensable de prévoir du temps dans les agendas pour la réalisation des tâches

Le délestage vers une boîte « info » de tout ce qui ne doit pas être réceptionné personnellement par l’avocat contribuera à rendre cette pratique possible. Certes, la réactivité et la disponibilité de l’avocat sont des critères importants pour les clients, et il conviendra de prendre ceci en compte dans la stratégie mise en place afin de ne pas entacher l’image du cabinet. Bien souvent un message d’accusé de réception automatique permettra d’expliquer au client ce qu’est la position du cabinet et comment cette position relève d’un choix visant à satisfaire ses clients sur le plan qualitatif et non d’une absence de réactivité. Dans le prolongement de ce qui précède, mais ceci pourrait faire l’objet d’une future contribution tant la question de la gestion du temps est également critique, il est indispensable de prévoir du temps dans les agendas pour la réalisation des tâches. Ceci peut sembler évident ainsi formulé, mais il est très fréquent que les tâches soient déclenchées au départ d’un email reçu, parfois dans la précipitation, et au détriment d’un cadre minimum en termes de planification et/ou de facturation future. Dans de nombreux cas, seuls les rendez-vous, les audiences et les réunions figurent dans les agendas, tandis que la rédaction de conclusions ou de projets de contrats pour vos clients n’y serait pas prévue.

Bien que renvoyant par moment à des références quelque peu historiques, notre propos ne vise pas à prôner l’immobilisme et il conviendra de trouver l’équilibre entre le respect de bonnes pratiques organisationnelles et les attentes de vos clients, en constante mutation et à l’image de la société. Certains membres d’un cabinet vont privilégier une approche plus réactive et moins structurée

là où d’autres auront besoin de plus de cadre et de plus de temps pour traiter l’information et y répondre. Certains de vos clients vont devoir être accompagnés de manière plus structurée tandis que d’autres préfèreront recevoir des SMS rapidement rédigés et avec un minimum de forme, privilégiant ainsi la rapidité de vos réponses à une analyse plus fouillée et une présentation plus formelle.

– Notre conseil Afin de minimiser les risques de distraction, désactivez la notification Outlook d’arrivée de nouveaux emails, au minimum, ou ne vous connectez à Outlook qu’à trois ou quatre reprises durant la journée afin de traiter les emails reçus. Ne stockez pas vos emails dans Outlook, mais bien dans votre logiciel métier ou dans une GED. Outlook n’est par ailleurs pas destiné à stocker du contenu ; il s’agit d’une boîte aux lettres, on l’oublie trop souvent. Une analyse des flux entrants vous permettra de détecter d’éventuelles incohérences dans la répartition des tâches entre avocats et secrétaires. Prenez le temps de scénariser les tâches afin de les répartir efficacement. Tentez de définir quel mode de fonctionnement correspond le mieux à votre personnalité, à votre organisation ainsi qu’aux attentes de vos clients. Immanquablement, il vous faudra composer selon les cas, mais la mise en place d’un processus de traitement de l’information (Workflow) de référence vous aidera en cas de doute. Enfin évitez de mettre en copie de vos emails des personnes sans rapport avec l’échange en question, ceci est fréquent et générateur d’aller-retour et de pertes de temps facilement évitable.

N.7 | 01.2018 | managing lawyer | 23


Brève

Yves Derwahl

ENDE EINER DISKRIMINIERUNG: DIE GRUPPENVERSICHERUNG FÜR ALLE SELBSTSTÄNDIGEN

Rechtsanwalt an der Anwaltskammer Eupen Membre du comité de rédaction de Managing Lawyer —

Fin d’une discrimination : l’assurance-groupe pour tous les indépendants

@Yvipivi www.yvesderwahl.be

Die Abgeordnetenkammer hat Anfang Februar grünes Licht für die Reform der Gruppenversicherung gegeben.

Dès cette année, les indépendants qui ne sont pas en société pourront souscrire une pension extralégale. L’engagement individuel de pension ne sera plus réservé aux seuls dirigeants d’entreprise et s’ouvre aux indépendants en personne physique.

24 | managing lawyer | 01.2018 | N.7

Von nun an ist es auch den Selbstständigen, die nicht im Rahmen einer Gesellschaft tätig sind, gestattet, ein individuelles Pensionsversprechen abzuschließen. Dieses Privileg war bislang lediglich den Geschäftsführern (etwa von PGmbHs) vorbehalten. Diese Möglichkeit dürfte 432.500 belgischen Freiberuflern zugutekommen, die von nun an vom gleichen steuerlichen Rahmen wie ihre Pendants mit juristischer Person profitieren können. Aber auch die nebenberuflichen Unternehmer und mithelfenden Ehepartner kommen für die neue Regelung in Frage.

Das System der freien Zusatzpension bestand bereits für alle Selbstständigen, ob sie nun mit oder ohne Gesellschaft tätig waren. Neu ist die Ausweitung auf die Gruppenversicherung, auch „individuelles Pensionsversprechen“ genannt. Dieses ist die am niedrigsten besteuerte Variante, um Geld aus seiner Firma zu seinen Gunsten zu transferieren. Der einzige Nachteil besteht darin, dass das Geld nicht sofort verfügbar ist, sondern erst mit dem Renteneintritt oder dem frühzeitigen Ableben. Während von 100 € Bruttogehalt (netto 38%) und den Dividenden (netto 48,19%) mehr als die Hälfte beim Fiskus und dem Landesamt für soziale Sicherheit landet, bleiben bei der Gruppenversicherung 79% netto übrig. Wir werden in unserer nächsten Ausgabe ausführlicher auf dieses Thema eingehen.


Sommaire

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Rédacteur en chef | Chefredakteur Jean-François Henrotte, Avocat / Rechtsanwalt — Secrétaire de rédaction | Redaktionssekretär Alexandre Cassart, Avocat / Rechtsanwalt — Comité de rédaction | Redaktionsausschuss Jean Belleflamme, Expert-comptable Robert De Baerdemaeker, Avocat / Rechtsanwalt Yves Derwahl, Avocat / Rechtsanwalt Gaël D’Hotel, Avocat / Rechtsanwalt Olivier Haenecour, Avocat / Rechtsanwalt Denys Leboutte, Réviseur / Revisor — Editeur responsable Paul-Etienne Pimont, ELS Belgium s.a. Rue Haute 139/6 | 1000 Bruxelles — Régie publicitaire | Werbeagentur The Future is Now Laurence Thomsin 0032 471 63 67 01 info@the-future-is-now.net

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1

RSE des avocats : social-washing

17 La formation des avocats

Sibylle Gioe

ou engagement citoyen ?

de demain

Olivier Haenecour

Noyé sous vos mails ? 4 La tarification horaire, talon d’achille 21

de la profession d’avocat – 2e partie : la transformation externe des cabinets d’avocats Le juriste de demain

10

Témoignage : l’avocat virtuel Alex Tallon

15 Immeuble partiellement affecté

à l’activité professionnelle : « ils se marièrent et eurent beaucoup… plus de déductions fiscales » Sarah Lemmens

Quelques suggestions pour une gestion plus efficace des flux d’information Benoit Evrard

24 Fin d’une discrimination :

l’assurance-groupe pour tous les indépendants Yves Derwahl


m

L’entrepreneur éthique – Der ethische unternehmer

managing lawyer

1

RSE des cabinets d’avocats Die gesellschaftliche Verantwortung der Anwälte

Trimestriel – janvier/février/mars P921171 - Bureau de dépôt : 3000 Leuven MassPost

01.2018 | N.7

Éditeur responsable : Paul-Etienne Pimont, Rue Haute 139/6, 1000 Bruxelles

4

Fin de la tarification horaire

10

@managinglawyer

L’avocat virtuel Der virtuelle Anwalt

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