Causes Toujours n°33

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Groupe Socialiste d’Action et de Réflexion sur l’Audiovisuelasbl

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numéro

CAUSES TOUJOURS Trimestriel - Hiver 2014

Dossier Spécial : La technique comme outil politique


Sommaire


Dossier spécial

Page 6 La technique comme outil poilitique : l’exemple Beauviala Page 8 Rencontre avec Philippe Vandendriessche, réalisateur de Mille chemins du temps Page 16 L’histoire du cinéma documentaire, l’histoire de ses techniques

Grandes Campagnes

Page 20 La neutralité du Net cassée par la justice américaine, adieu Internet ?

Commémoration

Page 22 Saga en trois temps, 50 ans déjà !

Atelier de Production Page 26 Comité de lecture

Régionales

Page 28 On a testé pour vous…la 404 Page 30 Un nouvel animateur à La Louvière Page 32 Un nouveau responsable à la régionale de Charleroi


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Dossier spécial

Dossier spécial :

La technique comme outil politique

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LA TECHNIQUE COMME OUTIL POLITIQUE : L’EXEMPLE BEAUVIALA Jean-Pierre Beauviala, fondateur de multiples inventions et de la société Aaton, a développé une manière à la fois politique et poétique de penser le cinéma et ses outils. Retour sur l’enfant terrible des caméras.

Le marquage du temps Né à Arles en 1937, JeanPierre Beauviala étudie la physique et les mathématiques à l’université de Grenoble où il est également responsable du ciné-club. Jeune, passionné de cinéma et engagé, il décide en 1967 de réaliser un film sur la vieille-ville de Grenoble pour s’opposer au projet de la Villeneuve et lutter contre les politiques urbanistiques de l’époque: “Je voulais faire un film pour tordre le cou à Le Corbusier, architecte potable mais urbaniste réac et dégueulasse. Il s’agissait d’un pamphlet déambulatoire dans le vieux Grenoble où j’habite, un quartier plein d’artisans encore à l’époque (1967). Et cela contre le projet de ville nouvelle qui se tramait. Pour ce film il me fallait une caméra tout à fait libre de parcourir les rues et places de ce quartier, pur produit du chemin des ânes selon Camillo Sitte. Le parcours-image était baigné de l’espace sonore, enregistré au même instant par quatre ou cinq magnétos répartis dans les échoppes, ateliers

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et appartements de copains et voisins alentour. A cette époque, il n’existait aucun moyen technique pour réaliser un tel film”. (discours de Beauviala rapporté par Philippe Vandendriessche). Pour réaliser ce film, il est impératif d’enregistrer plusieurs sources sonores simultanément. L’idée était de montrer les parcours et lieux de vie dans la ville, représentés par les sons de manière asynchrone. Beauviala cherche des solutions pratiques et invente le marquage du temps (timecode) en donnant une référence unique au son et à l’image qui lui permet non seulement de couper le “cordon ombilical” entre la caméra et le magnétophone mais également de supprimer le fameux “clap”. Il créé son premier prototype avec une caméra Arriflex mais son film pamphlétaire ne verra jamais le jour. Grâce à son invention, Beauviala fera un bref passage chez Éclair où il développera - pour faire plaisir à son ami Jean-Philippe Carson - la première caméra

16 mm légère avec prise de son intégré (single system) qui précède de plus d’une décennie les enregistreurs numériques. Bien que cette innovation soit en contradiction avec ses principes et signifiait l’asservissement du son à l’image, Beauviala dépose un brevet pour le single system qui lui permettra par la suite de créer la PME Aaton (qui s’écrivait originellement Aäton). En 1970, Beauviala installe au cœur de la ville de Grenoble la société Aaton - avec un double A qui permettait de se retrouver en tête dans les annuaires téléphoniques devant Agfa, Angénieux et Arriflex - et s’impose comme un îlot de résistance dans le monde de la production d’outils audiovisuels. Il offre un modèle de société à dimension humaine avec une échelle de salaire réduite. Travaillant comme de véritables horlogers, cet ingénieur à l’esprit hippie et son équipe prennent leur temps dans la conception de chaque outil. Un temps qui s’oppose clairement à celui du monde industriel capitaliste dont la logique ne cessera jamais de mettre à l’épreuve la société Aaton.


Dossier spécial

La caméra brousse et le chat sur l’épaule À peine installé dans ses bureaux, Beauviala s’attelle à la conceptualisation de deux caméras distinctes. La première était destinée à son ami Jean-Philippe Carson qui voulait une caméra simple et robuste pour que les guerrilleros en Amérique latine filment eux-mêmes leurs actions. Il s’agissait d’un “outil de combat” qui symboliserait le projet d’une école de cinéma de guerrila avec une caméra, développeuse et projecteur de brousse (CINEMINIMA). Le projet fut avorté suite à la mort accidentelle de Carson. L’autre caméra est celle qui confirma la carrière de Beauviala: la caméra 16 mm “chat sur l’épaule” (Aaton 7A) qui incarnait l’ergonomie par excellence. Plus tard, il y ajoutera un viseur vidéo afin de suivre sur un petit écran ce que filme la caméra. Cette extension mènera à une autre invention spéciale Beauviala : une caméra vidéo miniature, la Paluche.

Jean-Luc Godard a pensé à vous. Et vous ? L’évolution des outils Aaton attira la curiosité des grands cinéastes du documentaire. Jean-Luc Godard paya l’étude d’une caméra 35 mm professionnelle qui devait tenir dans le vide-poche de sa voiture. Elle comportait l’inscription “Jean-Luc Godard a pensé à vous. Et vous ?” sans que personne ne réussisse à saisir le sens de cette formule. Au final, cette caméra ne fut que très peu utilisée par

Godard lui-même. Aaton continua à travailler avec ceux qui étaient amenés à utiliser ses produits, comme par exemple Jean Rouch, Raymond Depardon, Louis Malle et tous ceux qui font partie du cinéma documentaire en Europe et aux Etats-Unis. Grâce à la société Aaton, Beauviala développa des outils destinés à révolutionner les pratiques de tournage pour démocratiser le documentaire. Les caméras Aaton LTR 16 mm, A-Minima, la Pénélope ou encore l’enregistreur audionumérique, le Cantar, furent pensés avant toute chose pour l’écriture du cinéma : “À chaque fois que j’ai fait une caméra, c’était toujours pour un certain type de cinéma, pour l’écriture du cinéma”, affirme Beauviala (Beauviala dans l’émission “Citizen Beauviala”, France Culture, 2/10/2007).

monde, la télévision amène dans les foyers une vision formatée de la société. Dans les années 1960 et 1970, le cinéma direct voit le jour pour produire une nouvelle parole et rendre le documentaire plus proche de nous. Il fallait proposer une technique à des coûts moindres aux syndicats et aux mouvements politiques pour qu’ils puissent pénétrer des mondes dégagés du discours dominant. Les inventions de Beauviala sont présentées comme une alternative qui permettent de poser un autre regard sur les choses et de libérer cette parole. “Je vois la caméra de Beauviala comme une sorte de cristallisation de toutes ces questions à la fois techniques et politiques”, souligne Pazienza.

Beauviala, le geste politique et poétique Le rapport poétique de Beauviala avec le cinéma se traduit dans la création d’outils audiovisuels hautement professionnels dont le dispositif est à chaque fois étudié comme l’extension de notre corps. L’idée était d’imaginer des solutions techniques pour que le cinéma ne soit plus une barrière entre les personnes. Pour le cinéaste Claudio Pazienza, le travail de Beauviala s’inscrit dans quelque chose de beaucoup plus vaste que la technique. Il y voit un geste profondément politique qui est celui de créer des outils dans un contexte où partout dans le

Aurélie Ghalim

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RENCONTRE AVEC PHILIPPE VANDENDRIESSCHE, RÉALISATEUR DES MILLE CHEMINS DU TEMPS.

Philippe Vandendriessche est un ingénenieur du son et photographe belge. Il a collaboré en tant que preneur de son à de nombreux films depuis 1980. Chargé de cours de prise de son à l'Institut des Arts de Diffusion (IAD) de Louvain-la-Neuve et au Conservatoire de Mons/ARTS², il est aussi professeur invité à l'ESAV (Université de Toulouse - Le Mirail). Il a constitué une sonothèque qui réunit plus de 75000 sons. http : //www.adhocsound.be/ http : //www.philvdd.be/fr/accueil.html

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Dossier spécial

Projection-débat autour du film Mille chemins du temps de Philippe Vandendriessche sur Jean-Pierre Beauviala et la société Aaton. Vendredi 14 mars à 14h30 Cinémathèque française Salle Henri Langlois 51, rue de Bercy - Paris XIIe www.cinematheque.fr

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Pour son premier film, Mille chemins du temps, Philippe Vandendriessche nous dresse le portrait de Jean-Pierre Beauviala, inventeur-poète et fondateur de Aaton. Une histoire méconnue du cinéma, de ses techniques et de ses outils.

Mille chemins du temps est votre premier film en tant que réalisateur. Quelle a été votre rencontre avec le monde du cinéma ? J’ai reçu un appareil photo à sept ans car tout le monde recevait un appareil photo à cet âge-là. L’image m’a toujours intéressé à savoir la prise de vue et le regard qu’on peut avoir sur les choses. Parallèlement à ça, j’ai fait des études secondaires techniques en électronique et en électricité. Lorsqu’on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je disais inventeur. J’étais passionné par la façon dont fonctionnent les objets. Par chance, j’étais issu d’un milieu familial manuel. J’étais aussi inscrit dans une mouvance de gens qui ont envie de s’engager

dans la société et éventuellement de la changer. J’avais un ami qui était sociologue et ensemble nous refaisions le monde. Nous discutions de mécanismes économiques et du monde du travail. Un jour, il m’annonce qu’on lui a proposé de travailler comme régisseur sur un film politique-fiction réalisé par Paul Meyer, cinéaste très important dans l’histoire du cinéma politiquement engagé. Paul Meyer réalisait un film qui était co-produit par le mouvement ouvrier chrétien. Moi, le cinéma ne m’intéressait pas plus que ça. Cet ami m’a dit qu’il recherchait des électriciens pour ce film. Je terminais mes études et je me suis retrouvé sur un film à un moment de ma vie où je me questionnais sur mon avenir professionnel. J’étais partagé entre la philosophie et la littérature qui

me passionnent et la technique. Néanmoins, je ne me voyais pas à l’université en ayant fait mes études de secondaire dans une école technique. Je ne faisais plus partie du monde intellectuel et j’appartenais désormais à un monde ancré dans le concret. Je ne me voyais pas non plus travailler à l’entretien des ascenseurs ou dans une usine. Le fait d’avoir eu par hasard l’accès à un plateau de tournage m’a permis de me rendre compte qu’il y avait un lien possible entre la technique et l’art. Aussi, ce qui me passionnait dans un film, c’est que de la qualité du travail de chacun ressorte la qualité du travail global. Si chacun fait ce qu’il fait de mieux et qu’il est bien organisé, on fait une création collective où chacun est mis en valeur. Voilà ma rencontre avec le cinéma.

Ça donnait du sens à ma pratique professionnelle de pouvoir partager mes problèmes techniques avec un inventeur et quelqu’un qui a les moyens de résoudre ces problèmes techniques en fabriquant les outils les plus adaptés 10


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Dossier spécial

À ce moment-là, vous avez décidé de vous lancer dans le cinéma ?

Comment avez-vous entendu parler pour la première fois de JeanPierre Beauviala et des caméras Aaton ? Juste après ça, je décide de continuer mes études et de m’inscrire dans une école de cinéma. Ce qui me passionnait c’était l’image. Avec mon premier salaire, j’avais acheté une caméra et j’ai fait un film (co-réalisé avec Luc Hermant) pour lequel j’ai reçu le prix de la meilleure image. Je me suis dit, si tu vas dans une école de cinéma c’est pour apprendre quelque chose : le cinéma. Je n’allais pas apprendre l’image car je n’avais rien à apprendre. Je me suis donc inscrit en son. Depuis 1981 – année à laquelle je suis sorti de l’école - j’ai participé au son de 1700 films publicitaires, 250 fictions, documentaires, etc. J’ai créé une sonothèque de plus de 75000 effets sonores et bruitages répertoriés. Je n’ai plus travaillé sur des projets de cinéma personnel sauf pour celui-ci, Mille chemins du temps.

André Goeffers qui était mon professeur de technologie de caméra lorsque j’étais à l’école de cinéma nous expliquait le fonctionnement des caméras. C’est lui qui en 1977-1978 m’a parlé de Aaton. C’était le début de la grande histoire de Aaton. A la même période, il y a eu des articles qui étaient parus dans les Cahiers du Cinéma dans lesquels on parlait de Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Beauviala. Des années plus tard, j’ai pu investir dans des outils et des instruments de son qui étaient très perfectionnés. En 1991, j’ai eu le premier enregistreur numérique multi-pistes portable, un Nagra. Au début des années 2000, j’ai entendu dire que Aaton comptait fabriquer un enregistreur de son digital. Je me suis dit : « Ah Beauviala va faire un instrument pour nous, les preneurs de son ! ». En me souvenant du génie qu’on avait décrit dans les années 1970,

je savais que ça allait être génial mais il fallait surtout que je les rencontre pour leur expliquer l’expérience que j’ai avec l’enregistrement numérique multi-pistes. Je devais les rencontrer car j’avais des choses à leur apprendre. Je suis allé les voir à Amsterdam dans un salon professionnel et c’est là que j’ai rencontré Beauviala pour la première fois de ma vie. Rapidement, ils se sont intéressés à ce que je racontais et mes centres d’intérêt ont rejoint ceux de Jean-Pierre et inversement. A partir de 2003, on a commencé à avoir des contacts très réguliers l’un avec l’autre à propos de l’amélioration et du développement de l’enregistreur son qu’ils ont conçu et qui s’appelle le Cantar. On avait le désir de se voir, je suis allé régulièrement à Grenoble pour passer du temps avec Jean-Pierre. Ça donnait du sens à ma pratique professionnelle de pouvoir partager mes problèmes techniques avec un inventeur et quelqu’un qui a les moyens de résoudre ces problèmes techniques en fabriquant les outils les plus adaptés.

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L’idée était de raconter l’histoire de ce personnage et aussi surtout de raconter une histoire du cinéma qui n’avait pas encore été racontée jusqu’à présent

Beauviala attache une importance particulière aux réalités des techniciens du cinéma. Pouvez-vous nous expliquer sa manière de concevoir les outils du cinéma ? En fait, il a toujours collaboré avec des cinéastes et pas des moindres. Pour ma part, je lui ramenais toutes les informations du terrain. Il en avait besoin car c’était sa nourriture. Sa passion, son génie ou sa folie consistait à essayer de trouver des solutions pratiques à des problèmes qui rejoignent aussi une réflexion globale sur la société, sur le cinéma et sur la façon dont on fait le cinéma. C’est très rare d’assister à une telle implication de la part de quelqu’un qui fabrique les instruments que j’utilise. Pendant des années, j’ai travaillé avec un enregistreur numérique à cassette qui était une saleté, il fallait n’avoir rien compris

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à la pratique de la prise de son pour fabriquer un appareil comme ça. On les fabriquait en grande quantité, ils ne coûtaient pas cher. Mais nous, on était malheureux de travailler avec ça. Les caméras Aaton n’ont rien à voir avec celles de Nikon ou Canon qui fabriquent des appareils photo qui permettent de filmer. Tout ça est génial, l’image est beaucoup mieux que la pellicule, ça ne coûte rien mais tu n’es pas du tout dans le même monde que celui proposé par Aaton. Dans une société de consommation, celui qui fabrique les objets est intéressé par l’argent qu’il va amasser en les vendant. Chez Aaton, ce qui importe c’est que l’instrument corresponde à ce que la personne cherche à faire. Il y a des cinéastes qui interviennent dans le film comme Éliane de Latour qui n’est pas du tout cinéaste à la base. Elle est chercheuse-ethnologue et Jean-Pierre lui donne une caméra film en main et

lui explique son fonctionnement. Lorsque tu vois les films d’Éliane, c’est beau à pleurer. Avant tout, elle a une sensibilité et elle a envie de rencontrer des gens. Pour ce faire, elle a besoin d’un instrument. On lui explique et on lui donne l’instrument qui convient. Le but n’est pas l’instrument, le but c’est de rencontrer des gens. L’instrument est nécessaire. Il y a des gens qui peuvent maintenant acheter une caméra mais ils ne savent pas quoi en faire, ils n’ont pas de projet.


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A partir de quel moment avez-vous eu l’envie de faire un film sur Beauviala et ses inventions ? J’ai commencé à passer du temps avec Jean-Pierre. Sa vie est belle, il fait vivre des gens, il a une entreprise qui fonctionne sur base de ses idées, de son imagination et de sa capacité à résoudre des problèmes. De cette manière, il fait vivre une trentaine de personnes et ils ont l’air heureux de travailler pour cette entreprise. La société Aaton est installée dans la ville où les gens peuvent se retrouver, aller manger au restaurant et ne sont pas obligés d’être habillés en costar cravatte avec un badge à leur nom. Il y a une dimension humaine. Il y avait même un cours de gymnastique organisé dans le bureau de Jean-Pierre. Ça ne ressemble pas au modèle américain ou chinois. Pour moi, c’était une boîte qui fonctionnait un peu comme sur un tournage de film où l’on essaye tous ensemble de réaliser quelque chose. Le but n’est pas de faire du pognon mais de faire des instruments qui permettront de faire du cinéma. Il y a des moments dans l’histoire de Aaton où ils ont décidé de ne pas faire ceci ou cela car ça ne leur semblait pas être en accord avec leur philosophie. Par exemple, il y avait le cas du viseur vidéo qu’ils auraient pu acheter chez Sony mais qu’ils ont préféré concevoir de A à Z eux-mêmes pour ne pas être dépendants d’une grosse

boîte multinationale. On retrouve une éthique chez Aaton. Au fil des années, j’ai appris à connaître la société Aaton et à rencontrer ceux qui la composent. Je prenais quelques photos et je me disais que je pourrais peutêtre déjà écrire un livre sur le sujet. Au départ, je ne pensais pas être capable de réaliser un film. J’ai travaillé sur énormément de films mais j’étais toujours au service d’autres réalisateurs. Je pensais plutôt écrire un bouquin, prendre des photos et discuter avec les gens. Ça me plaît d’écrire, j’écrivais dans un magazine et j’avais déjà rédigé des articles sur Aaton. Naturellement, j’ai voulu enregistrer JeanPierre qui me racontait des tas de choses. Alors je réfléchissais et je me suis dit qu’il allait falloir mettre en place un micro et un enregistreur et que ça serait bête de ne pas le filmer à ce moment- là. Ce n’est tout même pas rien de passer du temps avec quelqu’un comme Beauviala. Je me demandais où placer la caméra. Est-ce que c’est une caméra qui regarde la situation, notre relation en train de discuter ? Si je tiens cette caméra, ma relation avec Jean-Pierre va être cachée. Avant même de faire le film, je me suis posé la question de savoir où se trouvait le regard de quelqu’un qui est dans une relation avec une autre personne au moment où l’on introduit une caméra dans l’équation.

Quel a été l’élément déclencheur qui vous a permis de passer à la réalisation ? J’ai commencé à imaginer et à chercher du sens aux choses. Persuadé que je n’étais pas un réalisateur, j’en ai discuté avec Benoît Mariage qui est un ami. Il m’a répondu que je devais faire ce film et qu’il suffisait que je décide d’être un réalisateur. Le WIP et le CBA ont lancé un appel à projet pour un atelier documentaire et j’ai donc envoyé mon projet de film qui a finalement été sélectionné. Je me suis retrouvé pendant une journée à Marche-en-Famenne avec Jean-Pierre Dardenne qui m’a encouragé à réaliser et à écrire un vrai dossier. Grâce à ça, j’ai reçu l’aide au développement, ce qui m’a permis de croire définitivement à l’idée de réaliser un film. Je me suis demandé comment je pouvais faire ça en respectant Jean-Pierre et en respectant son image et son inquiétude par rapport à son image. L’idée était de raconter l’histoire de ce personnage et aussi surtout de raconter une histoire du cinéma qui n’avait pas encore été racontée jusqu’à présent.

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on va mettre une caméra sur votre corps et qui va permettre d’avoir encore une relation humaine avec les gens que vous rencontrez, éventuellement leur montrer l’image que vous captez sur un petit moniteur. Vous permettre aussi de réfléchir à votre pratique professionnelle

Pourquoi est-il important, selon vous, de raconter cette histoire-là du cinéma ? J’ai aussi une activité d’enseignement, je partage mes connaissances et je réfléchis sur mes pratiques professionnelles et les gestes que je fais. En voyant l’évolution du son et l’évolution de l’image - de l’analogique vers le numérique en son et de la pellicule et puis la vidéo en image - je me suis dit qu’on devait raconter cette histoire-là car les gens qui n’auront pas connu ce qu’il y avait avant la révolution ne comprendront pas qu’il y a eu une révolution et qu’ils se trouvent à point de l’histoire des techniques du cinéma qui est particulière. Dans mon film, il y a un plan à la fin où l’on voit une voiture qui roule sur une route sinueuse de montagne. L’idée est de montrer que la vie est une route, semée de virages et au bout, une montagne. Tu vois qu’il y a quelque

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chose de grand, tu ne sais pas si tu y arriveras mais ça se projette devant toi. C’est un parcours, et les parcours sont intéressants. Là où tu t’arrêtes, là où tu as commencé, là où tu arriveras et la manière dont tu négocies les virages. Ce parcours en fait c’est les mille chemins du temps. Ce qui est intéressant, c’est le parcours de ce personnage que je trouve admirable. Il a fait dans sa vie toute une série de choix mûrement réfléchis et il y a une noblesse dans les choix qu’il a fait. Beauviala c’est le plaisir, le partage, la liberté. L’argent n’est pas le but de l’expérience. Le but est d’être heureux en faisant un travail qui te plaît, en rendant service et qui améliore la société. L’idée des outils de Aaton et de sa manière de penser les instruments pour le cinéma peut être résumée de cette manière : «  Qu’est que vous voulez faire  ? On va faire quelque chose

pour vous  ». «  Vous voulez être proche des gens, on va mettre une caméra sur votre corps et qui va permettre d’avoir encore une relation humaine avec les gens que vous rencontrez, éventuellement leur montrer l’image que vous captez sur un petit moniteur. Vous permettre aussi de réfléchir à votre pratique professionnelle ».


Dossier spécial

Votre film et les propos de Beauviala émettent une critique sur la manière de faire du cinéma aujourd’hui et sur l’outil numérique généralisé et accessible à tous. Pouvez-vous nous expliquer les enjeux ? La pellicule était chère. Il fallait un budget pour l’acheter et payer le développement. Si tu n’avais pas un minimum d’argent, tu ne pouvais pas faire ton film. Alors ça filtrait un peu. Il y avait aussi des gens qui avaient quelque chose à dire mais ils n’avaient pas les moyens d’acheter ce matériel. Ils le volaient ou ils l’empruntaient, ils étaient dans des réseaux parallèles. Ils créaient des associations. Aujourd’hui, on est dans une autre société audiovisuelle où quelqu’un peut faire un film militant avec un iPhone, un Nokia ou un petite caméra Sony. Lorsque tu mets de la pellicule qui dure que 10 minutes dans ta caméra et que tu pars au fin fond de je ne sais où avec 20 bobines de 10 minutes, tu n’auras que 200 minutes au total pour faire ton film. Ça t’oblige à réfléchir. Tandis qu’ici tu n’as aucune limitation dans le temps, l’outil d’expression est accessible. Il n’y a plus de limitation de support, il faut que tu t’inventes un langage et une façon de raconter ton histoire. Tu ne peux pas tout filmer. Mille chemins du temps pose cette problématique. On sort d’un monde dans lequel les outils imposaient un certain type de pratique. Ces outils

ont disparu, ont changé et ont évolué. Les cinéastes doivent inventer une nouvelle manière de raconter des histoires quand on sait que le support d’expression est illimité et facile d’accès. Godard parlait déjà du langage cinématographique à créer dans les années 1970 lorsqu’il disait qu’on devait faire autre chose que la télévision.

Les caméras de Beauviala représentaient pour vous les meilleurs outils conçus pour le cinéma documentaire. Quel est votre regard sur l’avenir de ces outils à l’ère numérique ? Le chantier est encore ouvert par rapport à la caméra du cinéma documentaire. Pour le moment, les caméras numériques proposent une visée qui est retardée par rapport à la réalité. Ce que tu vois sur l’écran est décalé par rapport à la réalité. De plus, l’ergonomie de ces caméras est très mauvaise ; c’est-à-dire que ce sont des appareils photos avec des grands capteurs. La profondeur de champ n’est pas très grande. Finalement, tu montres qu’une certaine tranche de netteté dans la réalité. C’est flou devant et c’est flou derrière. Il y a des caméras qui sont plus petites avec des capteurs plus petits mais elles ne sont pas ergonomiques. Aaton a eu une caméra numérique qui a été fabriquée en 5 exemplaires (une caméra de cinéma avec un

grand capteur) et puis il y a eu le projet de fabriquer une petite caméra documentaire et ce projet n’a pas encore eu lieu, puisque la société Aaton a été vendue et que JeanPierre n’en fait plus partie. Il m’a avoué qu’il y pensait mais malheureusement, il ne possède plus l’outil Aaton qui lui permettait de réaliser ses rêves : une caméra de documentaire numérique avec une visée en direct. A partir du moment où les gens vont se rendre compte qu’il peuvent être branchés sur le direct en ayant une vraie visée optique et avec une petite caméra, ils ne voudront plus les autres. Ce qui existe pour le moment ce sont des milliers de petites caméras Super 16 dont il suffirait de retirer le magasin pour la pellicule et de mettre un boîtier numérique et qui permettrait de réutiliser les objectifs et les parties de caméras.

P ro p o s re c u e i lli s p a r

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L’HISTOIRE DU CINÉMA DOCUMENTAIRE, L’HISTOIRE DE SES TECHNIQUES Benjamin Durand est cinéaste et enseignant. Il a vécu dix ans au Vénézuela où il a participé à l’expérience des Télévisions communautaires, à l’École Populaire et Latino-américaine de cinéma, à la télévision publique Vive et à la fondation du réseau AlbaTV. Il a enseigné la réalisation et l’histoire du documentaire social à l’Université Expérimentale des Arts (UNEARTE) de Caracas. Aujourd’hui, il s’est installé à Bruxelles et est le nouveau réalisateur du Gsara. Benjamin Durand revient sur l’histoire des techniques, nécessaire pour comprendre l’histoire du cinéma documentaire.

L’histoire du cinéma documentaire est aussi l’histoire des techniques cinématographiques. Comment ces techniques ontelles favorisé le développement d’un cinéma militant ? On ne peut pas penser le cinéma sans penser la technique ; surtout si on parle de cinéma militant. Certains pensent que le cinéma est un art mais c’est avant tout une industrie : une industrie au service de certains intérêts économiques, sociaux,

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politiques, … Comme d’autres, je pense que le cinéma doit être un outil au service d’une nécessité, un outil de réflexion et de transformation du monde et de la société. Le cinéma militant ou plutôt engagé, part de cette nécessité. Pour savoir utiliser au mieux cet outil, il faut avant tout maîtriser sa technique. Maîtriser la technique permet de construire un langage spécifique à cette technique. Le philosophe Louis Althusser expliquait que c’est de la technique que découle l’idéologie. Cette question me paraît primordiale. Elle est très présente aussi dans mes ateliers et


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dans mes films. Si tu veux dire quelque chose, il faut penser la « technique » que tu vas utiliser pour le dire. Lorsqu’on étudie l’évolution des techniques cinématographiques, on comprend l’histoire du documentaire social ou plutôt l’histoire social du documentaire. Mais il n’est pas possible de comprendre l’évolution du cinéma sans faire à chaque fois référence à la technique. Surtout, quand il s’agit de cinéma social, militant ou engagé. D’ailleurs on parle souvent des films « politiques » ou des cinéastes engagés en se référant à la technique qu’ils utilisent : le montage discursif des soviétiques, le point de vue documenté de Vigo, les commentaires de Marker, les cinés-tracts, le cinéma direct, le montage et les trucages d’Alvarez, les plans-séquences de Watckins, etc. Dans la même idée, c’est l’évolution du matériel cinématographique, notamment l’arrivée de caméras plus légères, plus faciles à utiliser qui a permis de filmer 0r, de donner à voir les luttes d’indépendance et de libération nationale (Vautier en Algérie, Ivens au Vietnam, etc.) Le cinéma « engagé » s’est à chaque fois adapté aux évolutions techniques, en se les réappropriant. Les techniques évoluent mais les objectifs restent très souvent les mêmes. Avec l’arrivée du son, le documentaire social paraissait condamné. On croyait que tout le travail créatif et politique des cinéastes du muet allait disparaître, que le son des

« puissants » allait s’imposer dans toutes les salles de cinéma. Mais cette « nécessité  » de penser le cinéma comme un outil, comme arme de lutte n’a pas disparu pour autant. Des cinéastes ont réfléchi sur cette révolution technique au service d’une révolution sociale. De là, des nouvelles formes, un nouveau « langage », des nouvelles possibilités ont vu le jour et le cinéma « engagé » a poursuivi son combat. L’appropriation de l’animation cinématographique est également intéressante. L’exemple du Noticiero ICAIC avec le réalisateur cubain Santiago Alvarez est exemplaire dans ce sens. Au moment de la création de l’Institut cubain de l’art et de l’industrie cinématographie (ICAIC), en 1959 avec l’arrivée de Fidel Castro au pouvoir, Alvarez a mis en place une sorte de journal d’actualité El noticiero ICAIC qui était projeté au cinéma avant les films. Pour ce faire, il a travaillé avec toute une équipe d’animation : des animations simples - les techniques numériques n’existaient pas encore - avec des insert de titres, des photos-montages, des dessins, etc. C’est une expérience fort enrichissante, presque unique dans l’histoire du documentaire social et du journalisme. Alvarez a d’ailleurs écrit un texte très intéressant « Le journalisme cinématographique  » qu’il faudrait enseigner dans toutes les écoles de journalisme.

Par contre, il faut attendre l’arrivée de la vidéo pour voir l’outil se démocratiser… L’arrivée de la vidéo a opéré un énorme changement de paradigme. Les coûts de production, de matériel, de postproduction ont baissé. Auparavant, le cinéma était réservé à une certaine classe sociale et les cinéastes « engagés », dotés d’une conscience politique, étaient issus de la bourgeoisie. Les classes populaires n’avaient pas accès à cet outil pour s’exprimer. Bien qu’il y ait eu des expériences comme celle menée par les groupes Medvedkine qui mis des caméras dans les mains des ouvriers pour filmer leur lutte, il fallait toujours quelqu’un qui maîtrise cette technique à savoir le cinéaste ou le technicien. L’arrivée de la vidéo a permis à des personnes qui ne venaient pas de grandes écoles de cinéma ou d’un milieu social élevé d’avoir accès à un outil, devenu un moyen de communication, d’information au service des luttes… de toutes les luttes (mouvements féministes, les mouvements écologiques, ouvriers,..).

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La vidéo est le premier outil réellement démocratique pour celles et ceux qui veulent faire du cinéma. Par contre, le non-professionnalisme des utilisateurs soulève la question du langage. Quels ont été les défis à surmonter ?

seule information disponible venait du monde occidental et surtout des États-Unis. Il y avait une vérité qui diffusait l’idée d’une guerre nécessaire. Les Vietnamiens avaient besoin de donner leur vérité, leur information. On observe ce même processus pendant la guerre en Irak. Il n’y avait pas de contre-champ. C’est Malgré la baisse des coûts donc fondamental face aux de production, l’outil ne médias dominants d’avoir devient pas accessible à accès à un outil d’informa; tout le monde pour autant tion et de communication  de créer ces contre-champs car il y a aussi un savoir à maîtriser. Il y a d’ailleurs mais encore faut-il que ces eu un soucis à un moment : contre-champs soient vus de nombreux groupes et et compris. Il est donc nécollectifs se sont retrouvés cessaire d’avoir accès à la à utiliser l’outil vidéo sans technique mais aussi de forcément avoir de « connais- savoir l’utiliser. Il faut alors sance du langage cinémato- un réseau de cinéastes miligraphique ». Ainsi, les films tants qui permettent de détournés en vidéo s’adres- mocratiser ce savoir et qui saient uniquement à des aide les personnes a utiliser convaincus et n’amenaient cet outil comme René Vautier pas d’autres personnes à ré- l’a fait en Algérie et Ivens fléchir et à penser ensemble au Vietnam. C’est d’ailleurs la transformation sociale. La avec ces exemples que l’on a technique permet donc de développé l’école populaire démocratiser l’accès à l’outil de cinéma au Venezuela mais on se retrouve face (avec le réseau des télévisons à de nouvelles questions : communautaires et AlbaTV) exclus  », les comment utiliser cette tech- pour que les «  paysans, les ouvriers, les nique et pour quel public ? jeunes des quartiers puisSi on réalise un film que sent filmer, eux-mêmes, leur pour soi, ça ne sert à rien. réalité. Certes, il faut qu’il y ait une nécessité de parler de À l’heure actuelle, quelque chose mais il faut le poids des images aussi que ce message touche semble pourtant moins le plus grand nombre. percutant… Pas seulement en terme de quantité mais aussi de Oui, il y a une forme de Chris Marker qualité. Par exemple, dans noyade. disait que la télévision est les luttes de libération naun robinet qui coule et ne tionale, il y avait un besoin de filmer car le discours s’éteint jamais. C’est une faet l’information n’allaient brique de l’oubli, alors que que dans un sens. Pendant le cinéma devrait être une la guerre du Vietnam, la fabrique de mémoire…la

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télévision aussi d’ailleurs  ! Aujourd’hui, même si on est capable de tout filmer, on participe aussi à cette création de l’oubli. Nous nous retrouvons toujours confrontés à la question de la rapidité. Mais la rapidité tue la pensée. Nous favorisons toujours le quantitatif sur le qualitatif. Nous allons être attentifs au nombre de vues mais nous ne savons pas si les personnes ont compris le message, si elles ont réfléchi sur les questions soulevées. Se pose alors la question de la diffusion et de la réception. Un film d’une heure sur un conflit social ne va pas toucher un grand nombre de personnes, non pas qu’elles ne sont pas intéressées mais parce que rares sont les personnes habituées a voir ce genre de films. Il est important de favoriser l’éducation à l’image, au langage cinématographique et ce, depuis tout petit. Il faut démocratiser la technique, le langage et apprendre à regarder.

Qu’est-ce qui a changé avec l’avènement du web ? Chaque nouvelle technique amène une nouvelle problématique. Internet et les réseaux sociaux reposent davantage sur une approche consommatrice que réflexive. Il y a énormément plus de diffusions qu’auparavant mais nous regardons généralement un film seul chez soi sur un petit écran, en faisant parfois autre chose. Quand nous regardons un film au cinéma avec d’autres personnes autour de nous


Dossier spécial

L'heure des brasiers Fernando Ezequiel Solanas, Santiago Alvarez & Octavio Getino (1968)

- surtout s’il y a un débat après par exemple - l’impact du film est tout autre. Le chef-d’œuvre, L’heure des brasiers (qui reprend dix ans de lutte en Argentine et qui est techniquement incroyable) comporte plusieurs parties. Les programmateurs du film interrompaient le film à la fin de chaque partie pour que les spectateurs présents dans la salle puissent discuter. Il y avait une implication directe avec les spectateurs. Le film est proposé comme un véritable outil. Maintenant, quasi tout le monde peut faire des films très facilement parce que la technique le permet. Mais il faut repenser la diffusion et la réception… Transformer la société se fait collectivement et non pas chacun

derrière son écran.

L’histoire du cinéma devrait être aussi racontée à travers ses techniques… Le cinéma a vocation à créer de la mémoire : la mémoire des luttes sociales, d’expériences etc. mais aussi la mémoire de cette propre technique qu’est le cinéma. C’est important de le faire. Nous devrions faire des films sur les techniciens du cinéma !

Pr o p o s r e c u e illi s p a r

A urélie G h alim

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LA NEUTRALITÉ DU NET CASSÉE PAR LA JUSTICE AMÉRICAINE, ADIEU INTERNET ? Législation : mardi 14 janvier, les règles de neutralité du Net définies par la FCC (The Federal Communications Commission) en 2011 ont été cassées par la justice étasunienne. Les Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) et opérateurs mobiles n’ont plus qu’à s’y soumettre.

B er nard Fostier

_ C o o r din a t e u r p é d a g o gi q u e

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Grandes campagnes

B

ref rappel  : la neutralité du Net est un concept qui vise principalement les fournisseurs d’accès (de par leur position-clé de « facteur ») mais pas seulement. Le principe veut garantir que tous les paquets d’information qui arrivent sur votre écran soient traités de la même manière, c’est-à-dire sans tenir compte du type de contenu, de l’émetteur ou du destinataire du message. Les opérateurs et FAIs se voyaient ainsi imposer, entre autres, une obligation de transparence et l’interdiction de filtrer ou discriminer le trafic, le service ou l’application jugés légaux. Ce qui intéresse les FAIs (en Belgique  : Belgacom, Voo, Telenet, etc.), c’est de pouvoir passer outre cette recommandation afin de bloquer ou, au contraire, de favoriser certains services en ligne. Ce qui revient à pouvoir rançonner les fournisseurs de contenus (Mr Youtube, veuillez payer pour arriver à bonne vitesse chez Mr Pierre Paul Jacques) et les consommateurs directs que nous sommes (Mr Jacques choisissez-vous l’option « réseaux-sociaux » avec votre bouquet ? Pour Youtube, ce sera 5€ supplémentaires au prix de base).

Barbara Stripling, présidente de l’American Library Association, estime ainsi que cette décision de la Cour d’appel de Washington « donne aux entreprises commerciales l’incroyable autorité légale de bloquer le trafic Internet, de fournir un traitement préférentiel à certains services en ligne ou applications, et d’attirer ou, au contraire, d’écarter de certains sites Internet les utilisateurs en fonction de leurs propres intérêts commerciaux ». (citation recueillie par Le Monde) Pour les FAIs américains, c’est donc une victoire. Cette décision fera-t-elle tâche d’huile en Europe ? La proposition de légiférer sur la Neutralité sera-t-elle finalement inscrite dans la loi belge à temps pour protéger notre accès à internet ?

Les recherches et innovations qui s’effectuent aux quatre coins du monde permettront-elles de créer un autre type de réseau qui passera outre le passage obligé par un FAI ? L’internet va-t-il se diviser en plusieurs réseaux, plusieurs bouquets ? Il semble en tous les cas que notre web va devenir encore un peu plus commercial dans sa structure et son comportement. Les Etats-Unis abritant la majorité des grands acteurs du secteur. Le Gsara, dans la lignée de sa campagne de sensibilisation 2011 suivra le sujet. www.neutralitedunet.be

Au niveau européen, la commission votera le 24 février prochain un projet de règlement qui risque de mettre en péril la Neutralité du net. Actuellement, le texte de Neelie Kroes autoriserait la priorisation des données de certains fournisseurs de service au détriment de la liberté d’expression de l’innovation. Le site de la campagne SaveTheInternet.eu appelle à une large mobilisation citoyenne afin de garantir nos libertés.

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Saga en 3 temps,

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50 ans dé jà

!

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Chapitre en cours

© Espace Magh / RTBF

La commémoration des 50 ans de l’immigration marocaine a débuté le 17 février 2014. À cette occasion, le documentaire Saga en 3 temps, 50 ans déjà !, réalisé par Khiti Benhachem, Mehrdad Taghian et Safà-Eddine Taghian et auquel le Gsara a fourni un soutien technique, fut projeté pour la première fois au Bozar. Retour sur un bel hommage à la mémoire de la communauté d’origine marocaine en Belgique.

« Diversité culturelle » et « vivre ensemble » sont devenus des expressions couramment utilisées dans le langage des institutions et des pouvoirs publics. Elles renvoient à des enjeux essentiels de la gestion des espaces urbains. Malgré cela, leur définition n’est pas univoque, et surtout, leur utilisation fréquente dans les discours n’en garantit pas une bonne mise en application dans les faits.

A

Bruxelles, la diversité culturelle de la population renvoie notamment à la présence d’une communauté d’origine marocaine. Cette présence est le fruit d’une histoire d’un demi-siècle qui débute par une immigration économique. Le 17 février 1964, la Belgique signait en effet un accord bilatéral avec le Maroc afin d’encourager la population marocaine à venir travailler en Belgique, face au besoin de main-d’œuvre

dans un contexte économique favorable. De nombreux ouvriers marocains sont ainsi venus travailler principalement dans les secteurs des mines, de la sidérurgie et de la construction. Progressivement, Bruxelles deviendra un pôle d’attraction économique pour les travailleurs marocains. Aujourd’hui, la communauté d’origine marocaine constitue une part importante de la population bruxelloise d’origine étrangère.

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i cette présence est manifeste, on peut toutefois s’interroger sur les connaissances de la population bruxelloise à propos des différentes influences culturelles dont la capitale est le reflet. Les différences culturelles, couplées dans certains cas à des écarts sociaux et spatiaux, ouvrent la voie à une méfiance et des incompréhensions allant à l’encontre du vivre ensemble dont on nous parle avec tant d’enthousiasme. Dans ce contexte, on peut souligner l’intérêt de la programmation d’une commémoration pour les 50 ans de l’immigration marocaine en Belgique dont l’ouverture s’est déroulée symboliquement le 17 février 2014, afin de revenir sur une histoire méconnue par de nombreux belges. Un ensemble d’activités culturelles et festives coordonnées par l’espace Magh se dérouleront de février à juin, et seront consacrées à mettre en lumière l’histoire de l’immigration maghrébine en Belgique. Le gala d’ouverture sera l’occasion pour Khiti Benhachem et Mehrdad Taghian, deux figures historiques de la RTBF, de présenter un documentaire inédit brossant un portrait de la communauté belge d’origine marocaine dans sa diversité, au travers de regards croisés de différentes générations. La soirée sera également l’occasion de rendre hommage à ces deux journalistes qui ont, au travers de plusieurs émissions s’adressant aux différentes générations de la communauté d’origine

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marocaine, offert une représentation de celle-ci et une place pour son expression culturelle.

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e documentaire réalisé spécialement à l’occasion de la commémoration de ces 50 ans par Khiti Benhachem, Mehrdad Taghian et SafàEddine Taghian est la prolongation d’un premier volet réalisé dans le cadre des 40 ans de l’immigration marocaine en Belgique. Alors que le premier constitue une rétrospective sur l’histoire de cette immigration, le deuxième atteste d’une volonté de relier cette histoire au présent et de confronter les regards croisés des différentes générations, jetant ainsi les bases pour une réflexion sur l’état actuel de cette présence et les perspectives possibles d’amélioration de la situation à l’avenir. C’est ce qui a motivé Khiti Benhachem et Mehrdad Taghian à participer à cette commémoration : « On vit dans une société où on tourne les jeunes vers l’avenir. Grâce à cette commémoration, on les incite à poser des questions à leurs parents et grands-parents, à s’interroger sur le passé et leurs racines. Le film est pour nous une manière de revenir sur le passé pour comprendre le présent et mieux préparer l’avenir ».

L

e retour historique sur la présence marocaine en Belgique proposé par les réalisateurs à travers un travail combiné d’archives et d’interviews, constitue un précieux outil de restitution d’une mémoire

vouée sans cela à disparaître progressivement. Comme ils nous le rappellent, cette immigration s’est enclenchée dans un contexte d’expansion économique où la Belgique rencontrait un besoin important de main-d’œuvre que les entreprises n’arrivaient pas à combler à l’aide des travailleurs belges. Dans un premier temps, les travailleurs marocains sont venus seuls en Belgique, souvent dans des conditions de vie difficile, et rejoints ensuite par leur famille. Il s’agissait pour la Belgique de stabiliser les hommes dans leur emploi et d’empêcher par là cette main-d’œuvre d’être accaparée par les pays voisins. La crise économique qui a touché la Belgique dans les années 1980 a vu surgir en lien avec ce contexte un mouvement de racisme et de rejet vis-à-vis des communautés immigrées travaillant dans le pays. Cette situation a engendré des tensions latentes et profondes, dont attesteront plus tard les émeutes de Forest en 1992. Les années 1990 et 2000 ont été marquées par une série de difficultés pour les jeunes générations de cette communauté, notamment au niveau scolaire, où des mécanismes d’exclusion et de relégation aux filières professionnelles des enfants issus de parents immigrés se sont mis en place ainsi que la constitution d’un processus conduisant à la délinquance.

C

’est donc une histoire qui a évolué dans le temps, chaque génération vivant des situations


Chapitre en cours

multiples et des problématiques spécifiques. Il n’y a pas un parcours typique, mais plutôt de multiples histoires personnelles. Le film ne prétend pas être exhaustif mais entend lancer quelques réflexions d’actualité. Il pose notamment la question de l’identité et de l’intégration. La construction de soi et de son identité est un processus complexe, particulièrement pour ceux que l’on nomme « de seconde génération » ou de « troisième génération ». Nés en Belgique et y ayant grandi, tout en ayant des racines dans un ailleurs nommé Maroc, les enfants de parents immigrés en Belgique ont parfois l’impression d’avoir « le cul entre deux chaises ». Dans ce contexte, comment créer et définir son identité ? D’autant plus que l’origine étrangère devient rapidement le critère qui cristallise les tensions sociales dans un contexte économique défavorable. Un sentiment d’appartenance en même temps qu’un sentiment d’exclusion, voilà probablement la contradiction inhérente à cette identité en construction. La discrimination à l’emploi, les préjugés, une certaine ségrégation spatiale et sociale, sont des indices de la méconnaissance mutuelle et de la barrière invisible qui persiste envers une partie de la population d’origine étrangère. Le sentiment d’être belge et à la fois de ne pas être légitimement perçu comme tel crée une fracture sourde et latente. Derrière le mot intégration se cache ainsi une série de problématiques d’identité et de

reconnaissance. Quelques jours après la mort du sociologue Stuart Hall, père de la pensée du multiculturalisme, il est intéressant de rappeler que l’identité est un processus et non une entité fixe. Et bien qu’il faille se prémunir du danger de l’essentialisme culturel, il reste primordial dans une société saine de (re) connaître les identités culturelles dans un espace social et d’analyser leurs relations aux inégalités sociales. Bien entendu, les enjeux évoqués brièvement ici sont le résultat d’un ensemble complexe d’éléments. Il est toutefois utile de remarquer que la représentation politique, médiatique, et culturelle joue un grand rôle dans la compréhension mutuelle et le vivre ensemble. On peut pour cette raison regretter la disparition d’émissions représentant les spécificités culturelles du pays. Ileykoum, Sinbad, 1001 cultures, les trois émissions successives de Khiti Benhachem et Mehrdad Taghian diffusées à la RTBF en sont des bons exemples. Elles ont constitué un espace d’expression et de représentation de la communauté marocaine ainsi qu’une source d’archives riche pour le présent, sans laquelle ce documentaire n’aurait pas pu voir le jour. Il convient donc de réfléchir aux pistes d’actions possibles pour l’avenir.

E

n fin de compte, quel peut être le bilan après 50 ans de ce pan de l’histoire belge ? Comme Khiti Benhachem et Mehrdad Taghian l’ont souligné lors de notre rencontre « Les enfants

ne sont pas restés à remplacer leurs parents dans les mêmes industries où ils ont travaillé. Pour nous cette diversité après 50 ans, c’était quelque chose à souligner ». Une grande diversification des profils s’est progressivement établie au sein de la communauté d’origine marocaine. Mais force est de constater que certaines difficultés restent largement partagées par cette population. La méconnaissance mutuelle, les préjugés et les discriminations sont encore présents et participent à complexifier les questions d’identité et de vivre ensemble. Ces enjeux sont des défis pour les institutions publiques et les acteurs institutionnels. En attendant, les projets qui favorisent une reconnaissance des identités culturelles et une meilleure compréhension mutuelle méritent d’être salués, à l’instar de ce documentaire qui sera présenté le 17 février. Il remplit la tâche nécessaire de rendre hommage à ces générations qui ont participé à construire la Belgique d’aujourd’hui. En effet, « si le but c’est arriver à un vivre ensemble harmonieux, la condition c’est que les uns sachent un peu plus sur les autres. C’est le fait de connaître des choses sur l’autre qui crée l’empathie, ou en tout cas permet de savoir qui il est », concluent les réalisateurs. L’appel est lancé. Pour en savoir plus sur la programmation de la commémoration voir http : //50anscestdubelge.be

Lynn Dewi tte

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Atelier de Production

de Milena Bochet

De Lola à Laila

Comité de lecture du jeudi 16 janvier 2014 Résultats •

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De Felipe Sandoval

Guy Marc Hinant

Porcherie

Que reste-t-il… ?

Atelier de production

Photo by Leandro Lucarella / CC BY

De Lola à Laila

de Milena Bochet Production Atelier Graphoui asbl

Porcherie

Guy Marc Hinant Production Stempel

Aide : Promotion

Aide : Montage son – Mixage

De Lola à Laila prend pour tremplin le récit personnel de ma mère durant les années d’après guerre en Espagne, son cheminement dans une famille austère, pour parler peu à peu d’émancipation, de libération, de lutte, de mouvement, de cinéma.

Des cochons tatoués de Wim Delvoye à la prophétie de Mala Crisna

D’une génération à l’autre, du passé au présent, d’une femme à l’autre, le film avancera au rythme des vagues, pour faire éclater la vie.

Que reste-t-il… ? De Felipe Sandoval

Aide : Montage son mixage sous-titrage – Promotion

Tina et Claude sont un heureux « jeune couple » de 87 ans chacun. Ils se sont rencontrés dans une résidence pour personnes âgées et ayant perdu leurs partenaires respectifs, ils ont décidé de vaincre la solitude en formant un couple. Jean-Bathiste a ses 85 ans et, malgré son parkinson qui avance inévitablement, est toujours à la recherche d’une partenaire. Angèle, 86 ans, souffre en permanence d’avoir dû partir de sa maison et n’arrive pas se faire à la perte de son mari. Marcel a été contraint de placer Liliane en résidence, sa femme dont l’état physique et mental se détériore, car il n’est plus capable de s’occuper d’elle tout seul. Comment vit-on l’amour dans un tel contexte ? Que reste-t-il à la fin de nos jours quand on est seul… ?

Dans l’épuisement de la fin de tournage d’un film à 10 000 kilomètres d’ici, nous pénétrons, mon cadreur et moi, dans la porcherie. Cette scène de tatouage de cochons a été tournée non loin de Beijing, un an avant les Jeux olympiques. Wim Delvoye était absent, son assistante réglant les affaires courantes. Trois heures de rushes où prennent forme sur la peau du cochon les contours bleus de Blanche Neige. On filme ça comme une opération à cœur ouvert. Tous les cochons qui vivent ici participent au commerce de l’Art mondial : l’un après l’autre, ils seront envoyés au MoMa, au Louvre, à la New Tate. Face à cette machinerie, tout près de chez nous, une jeune femme dont l’origine ne nous est pas révélée, se faisant appeler Mala Crisna, pratique quotidiennement un rituel qui consiste à s’endormir et à parler. Si pas mal de phrases ne semblent avoir aucun sens (raclement de gorge, répétition du même mot, râles), certaines sortent au contraire avec la clarté à moitié limpide d’une prophétie d’un autre âge. Elle nous emmène où le monde changera de nature et littéralement s’écroulera mais sans fracas. Le film doit passer subtilement d’une scène à une autre : du choix du cochon, de l’image qu’on lui imprime sur le corps, de la fabrication de cette image conçue au cœur de la jeune femme en état de transe. Ce film dira sans doute quelque chose sur le monde. Le monde tel qu’il n’est vu de personne.

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ON A TESTÉ POUR VOUS…

LA 404 Isabelle Tonglet

La page 40 4, c’est cet te page web qui af fiche un mes sage d’erreur. Celle qui sur vient lor sque vous avez suivi un lien mor t ou fait une faute dans l’ex tension de l’adres se url. Elle est souvent délais sée par les développeur s web puisque finalement à quoi bon se démener à en réaliser une alor s que très peu d’internautes tombent des sus.

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Régionale - Bruxelles

Cependant, certaines pages 404 prennent le temps de rediriger correctement l’internaute qui se serait perdu dans les méandres du site qu’il visite. Ou au moins lui offrent un petit quelque chose avant qu’il ne reprenne la route. Car s’il est arrivé là, ce n’est que très rarement par sa faute. C’est généralement un bug qui empêche la redirection vers la page demandée. Vous qui lisez cet article sur internet, remplissez votre mug de café et préparez-vous à un long voyage en 404. Croyez-nous, certaines pages valent le détour, et vous n’avez pas fini d’être étonné. Petite typologie des pages 404. 1. La page oubliée : Dans le pire des cas, c’est la page par défaut, noir sur blanc, en anglais ou en français. Dans le meilleurs des cas, le graphiste a pris soin de placer un logo ou a fait en sorte que la page ait la même apparence que le site. Vous ne pouvez retourner que penaudement en arrière, sans avoir aucune autre information.

5. La page d’utilité générale : Là, on redevient plus sérieux. « La page n’a pas été trouvée, xxx non plus. » grâce à www.notfound.org il est possible d’afficher un avis de recherche d’enfants disparus. Nous on trouve ça un peu glauque, mais plutôt pertinent. Cette page inutile devient alors très utile. Le site du PS, par exemple, propose ce genre de page 404.

2. La page humoristique : Le webmaster égaye un peu votre journée. C’est bien la moindre des choses. Au final, c’est de sa faute si vous vous êtes perdu sur son site. Les geeks apprécieront celle de www.pixiapps.com (une application qui customise iTunes). Mais bon, l’humour c’est délicat et ça peut rapidement tomber à plat. Les petits chats et les lamas ne sont plus originaux depuis 2010.

6. La page qui redirige correctement (parce qu’au final, c’est à ça que devrait servir une page 404). www.deezer.com propose une barre de recherche qui vous permet de trouver la chanson que vous désirez. www.arteradio.com vous redirige sur la page d’accueil, où vous avez accès aux derniers podcasts, avec en prime, un petit message du webmaster.

3. La page graphique : Certains travaillent sur l’apparence de la page 404 jusqu’au bout. L’air de dire : « on a pris le temps de faire quelque chose de bien pour cette page inutile, c’est bien la preuve qu’on va jusqu’au bout des choses ». Vos yeux sont régalés et vous repartez le cœur un petit peu plus léger. Essayez www.brandcrowd.com, une entreprise de logo), ou www.audiko.net qui propose des sonneries pour portables. 4. La page ludique : Attention chronophage ! Certains développeurs considèrent que quitte à être arrivés sur cette page, autant vous y faire perdre votre temps de manière ludique. Des petits jeux y sont proposés. Vous quitterez la page dix (ou plutôt vingt) minutes plus tard en ayant oublié comment vous êtes arrivé là, ce que vous y cherchiez et comment vous vous appelez. (On confirme, on a testé !) www.bluefountainmedia.com (création de design web) vous propose de jouer à Pac-Man alors que www.romainbrasier.fr (développeur web) vous demande de sauver des lemmings.

7. La page promotion : Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir ! Quitte à avoir une page qui ne sert à rien, autant qu’elle fasse un peu de promo. C’est le cas de www.rtbf.be qui fait de la pub pour The Voice (Mais seulement les mardis apparemment). 8. La page tout à fait à propos  : Mais là, allez voir par vous-même sur www.rollingstones.com. Mais pourquoi 404 ? D’après une légende urbaine, ce chiffre correspond à la salle dans laquelle se trouvait un serveur du CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire, inventeur du World Wide Web) qui ne cessait de planter.

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Équip e G sara L a L o u viè r e

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Chapitre en cours

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oucieuse d’amplifier ses activités en Éducation Permanente, la régionale de La Louvière, en partenariat avec la Maison de la Laïcité et avec le CeRAIC (Centre Régional d’Action Interculturelle du Centre), s’est dotée d’un nouvel animateur en la personne de Marc Cerfontaine. Présentonsle brièvement. « Le cheveu en bataille, souvent caché derrière un objectif, Marc Cerfontaine, depuis qu’il est diplômé de l’IAD en 1997, s’escrime à utiliser l’audiovisuel par monts et par vaux (normal pour un gaumais d’origine). Lui-même se définit comme un généraliste de l’audiovisuel « bon à rien, bon à tout » pour paraphraser la définition du mot « artiste » que fait Robert Filiou. Le Gsara, il le découvre lors de ses études en tant que spectateur du festival Filmer à tout prix et est subjugué par la qualité des documentaires qui y sont proposés, alors lorsqu’il voit l’offre d’emploi diffusée sur le site culture.be il plonge (normal pour un ancien nageur) et ressort la tête à La Louvière pour vous rejoindre dans l’aventure avec enthousiasme et humour (pas toujours très bien compris, il l’avoue). Pour ce qui est de la couleur des yeux : www.marccerfontaine.be ».

Désireuse de promouvoir le dialogue interconfessionnel, la régionale de La Louvière est devenue un partenaire à part entière de la Maison de la Laïcité en vue de permettre à tout un chacun de poser un acte citoyen en participant à diverses rencontres dans le cadre du projet « T’y crois ? T’y crois pas ? Parlons-en… ».

d’organisation de notre société ainsi que ses codes sociaux et culturels. Nous nous devons d’assurer une compréhension des nouveaux contextes économiques, sociaux, politiques, culturels et de la vie quotidienne dans lesquels ils sont plongés afin qu’ils puissent se situer, agir et s’impliquer dans une citoyenneté interculturelle.

En 2012, la Maison de la Laïcité de La Louvière avait initié un projet avec les communautés musulmanes, catholiques et protestantes de La Louvière, à savoir les religions reconnues et ayant une présence sur le territoire de la commune. Ce dialogue s’est transformé en parcours à la découverte de l’autre, de ses convictions, doutes, rites, croyances…

Suite à la proposition d’Alexander Weiss, directeur artistique de Filmer à tout prix, de décentraliser le festival en Wallonie, le Gsara La Louvière proposera la projection d’un film issu de la compétition 2013. Le film pressenti est Démocratie année zéro, nous sommes encore à la recherche d’un lieu de projection et d’un intervenant sur le sujet. Il est envisagé de lancer un ciné-club du documentaire (encore inexistant sur La Louvière) se basant sur le thésaurus du Gsara. L’idée est de créer un rendez-vous mensuel : un film, un intervenant.

Après une première édition réussie, les partenaires proposent de nouveaux lieux à découvrir, de nouveaux sujets de débats, d’autres personnes à rencontrer de manière conviviale. L’occasion, non pas de se mettre d’accord sur tout mais de faire connaissance et de dialoguer ouvertement ! Dans le même ordre d’idées, la régionale déploiera, en partenariat avec le CeRAIC, un programme d’intégration citoyenne dans une approche interculturelle. Pour des raisons diverses, nous constatons qu’une partie des immigrés méconnaissent toujours les modes de fonctionnement et

Pour en savoir plus sur le projet « T’y crois ? T’y crois pas ? Parlons-en… » voir http : //tycroistycroispas.be

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UN NOUVEAU RESPONSABLE

à la régionale de Charleroi

Un vent de changement souffle sur le Gsara de Charleroi. La régionale carolo accueille un nouveau responsable. Après 28 ans de carrière au Gsara, Roland Schulte tire sa révérence et cède sa place à Bernard Fostier.

Él o die B e a u p è r e

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Chapitre en cours

Roland peut se vanter d’une belle et longue carrière au Gsara. Il rejoint l’asbl en 1986. D’abord réalisateur à Bruxelles, il évolue rapidement vers un poste de responsable de production. En 1999, il rejoint l’équipe de Charleroi. Pendant 14 ans, il contribue à faire évoluer la régionale. Passionné de tournage, il met également un point d’honneur à conserver les trésors réalisés par le Gsara. C’est à Roland que l’on doit la création d’un centre de conservation des archives audiovisuelles, toujours disponibles à Charleroi. À la demande de la Ville et de l’échevin de la Culture, il met en place un festival, Arrêts sur Images, qui succède au Festival du Film Social, disparu deux ans auparavant. Durant huit éditions, Arrêts sur Images traite de problématiques sociales, mais s’intéresse aussi aux thématiques importantes de l’époque. Par la suite, la régionale favorise le travail de terrain, axé sur la production pour répondre à la demande du tissu associatif local.

Bernard connaît les réalités carolos et les exigences du métier. Sa formation d’historien colle aux missions de conservation de la mémoire du Gsara Charleroi. Bien que la régionale continue à s’intéresser à l’histoire ouvrière et à la production audiovisuelle, elle suit l’évolution technologique et travaille sur de nouvelles thématiques. Très branché web, Bernard fait de l’initiation à internet depuis longtemps. Il compte bien faire évoluer le champ d’expertise du Gsara sur des thématiques liées aux libertés individuelles sur le Net ou à l’évolution de ce medium. Roland souhaite que ses successeurs prennent autant de plaisir que lui dans leur travail, face à ce métier en constante évolution et aux défis qu’il pose. Son désir est exaucé. Bernard possède les qualités essentielles : la passion, les idées et la motivation. La régionale est entre de bonnes mains et prend un nouveau tournant.

En mars, c’est Bernard Fostier qui reprend les rennes de la régionale. Cet amoureux des terrils et du patrimoine carolo, diplômé en histoire de l’art et musicien à ses heures, travaille au Gsara depuis quatre ans. De coordinateur pédagogique à responsable régional, il n’y a qu’un pas.

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gsara


CONTACTS GSARA asbl

Rue du Marteau 26 - 1210 Bruxelles - 02 / 218 58 85

gGSARA asbl

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CONSEIL D’ADMINISTRATION

Jean-Charles Luperto (Président), Olivia P’tito & Yanic Samzun (Vice-Présidents), Annie Valentini (Trésorière), André Ceuterick, Benoît Delbeque, Etienne Derue, Valérie Devis, Loïc Delhuvenne, Jean-Michel Heuskin, Ozlem Ozen, Mélanie Boulanger, Benoît Provost, Olga Zrihen.

STRUCTURE FAÎTIÈRE direction coordination pédagogique campagnes sensibilisation secrétariat graphisme informatique Communication

Renaud Bellen Bernard Fostier Julie Van der Kar Karine Morales Clément Hostein Roberto Paredes Aurélie Ghalim

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Thibault Coeckelberghs Rue Vandenboogaerde 93 -1080 Bruxelles - 02 / 218 80 88 Mario Leiva 02 / 250 13 24 (formation Cyberspace) Roland Schulte Rue de Montigny 39 - 6000 Charleroi - 071 / 651 945 Jean-Marie Blave Rue A. Chavée 60 - 7100 La Louvière - 064 / 882 120 Damien Seynave Rue de la Citadelle 124 - 7500 Tournai - 069 / 767 269 Éric Lumay Rue d’Ougrée 69 • 4031 Angleur - 04 / 344 52 02 Laurence Schalkwijk Fonteny Maroy 13 - 6800 Libramont - 061/ 658.576

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DIFFUSION SOCIALE & CULTURELLE DISC asbl Distribution/Médiathèque Duplication/Location

FESTIVAL Festival Filmer à tout prix

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Alexander Weiss

COLOPHON collaboration rédactionnelle Graphisme

Élodie Beaupère, Sandra Démal, Lynn Dewitte, Bernard Fostier, Aurélie Ghalim, Isabelle Tonglet Clément Hostein.

Editeur responsable : Renaud Bellen - rue du Marteau 26 - 1210 Bruxelles

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