GSARA ASBL
GRANDE CAMPAGNE
2023
ÉTUDE DE TERRAIN
gsara
Sous influence ? À la rencontre des acteurs du marketing d’influence belge
Sommaire Introduction Influenceuses Marques Agences Cadre Légal Conclusion
Introduction Ces dernières années, plus particulièrement depuis la crise du COVID, la popularité des réseaux sociaux ne fait que s’accroître. Cette popularité s’explique par leur facilité d’utilisation et les possibilités qu’ils présentent ; que ce soit pour discuter avec ses amis, partager du contenu, se divertir, s’informer... Avoir toutes ces possibilités en quelques clics du doigt quand on a du temps libre, qu’on s’ennuie, qu’on cherche une information précise et où les barrières de la langue et de la temporalité n’existent pas, fait que les réseaux sociaux sont devenus les géants qu’ils sont aujourd’hui. Avec tous ces avantages, viennent aussi des inconvénients, comme le temps que l’on passe devant nos écrans, la diffusion de fausses informations, le contenu photoshopé, les comparaisons, la course aux likes, l’impact négatif sur la santé mentale… Pour avoir une utilisation plus saine de ces réseaux, il faut être conscient de ces différentes facettes et savoir prendre du recul quant aux contenus, écrits ou visuels que l’on peut voir. Un groupe de personnes très présent sur les réseaux sont les influenceurs. Ils ont su s’approprier les codes de la communication digitale pour se créer une communauté de followers, avoir des partenariats avec des marques et transformer ce type d’opportunité en carrière. De nombreux métiers existent pour que l’influenceur soit épaulé, que ce soit grâce à des managers, éditeurs ou des avocats spécialisés dans le marketing d’influence. De nouvelles opportunités, principalement liées à la façon de faire de la publicité pour les marques, ont également émergé.
Cette étude de terrain va vous permettre de comprendre les motivations, enjeux et obstacles que chaque acteur du marketing d’influence belge peut rencontrer lors de son parcours dans ce milieu. Ce document fait partie des outils développés dans le cadre de la campagne d’Éducation permanente 2023 du GSARA « Sous influence ? À la rencontre des acteurs du marketing d’influence belge ». Les interviews ont été conduites de Mai à Août 2023 par appel vidéo ou téléphonique. Cette étude a été créée pour apporter des témoignages et des points de vue aux chiffres et statistiques liés au marketing d’influence, que l’on peut voir circuler dans les médias. Il était important d’avoir des témoignages variés venant de personnes faisant partie du milieu de l’influence depuis plus ou moins longtemps. Il est également intéressant de croiser les témoignages entre chaque chapitre pour pouvoir créer sa propre vision sur ce type de marketing. Bonne lecture.
Influenceuses Margot @justemargot Active sur Instagram depuis mai 2017 Lors de l’écriture de l’étude, a 309 publications et 7431 abonnés Laurie @Goodmorninglau Active sur Instagram depuis Août 2015 Lors de l’écriture de l’étude, a 399 publications et 8122 abonnés Cynthia @cheapofresh Active sur Instagram depuis Janvier 2015 Lors de l’écriture de l’étude, a 784 publications et 950 abonnés. Elle n’est plus vraiment active dans le monde du marketing d’influence. Anonyme Un quatrième témoignage de créatrice de contenu a été recueilli, celui-ci sera publié de manière anonyme selon les souhaits de la personne.
Vos débuts :
Cynthia : J’ai commencé aux les alentours de 2015 où j’avais envie de partager des recettes, j’ai donc lancé mon blog. Au fur et à mesure, je me suis lancée avec les réseaux sociaux aussi. C’était un peu difficile au début de se faire une place. Les marques sont arrivées, des partenariats se sont instaurés, des produits envoyés, des contrats signés… Margot : Je me considère influenceuse ou créatrice de contenu depuis mars 2021 environ. Laurie : Je me considère influenceuse depuis environ 2 ans. Le compte était à la base mon compte personnel qui est devenu plus militant. Il y a 3 ans, j’ai commencé à écrire sur le blog d’une amie pour parler de consommation durable et éco-responsable et je partageais à chaque fois les articles que j’écrivais sur mon compte Instagram. De fil en aiguille, c’est devenu un compte un peu plus d’influence.
Le rythme du marketing d’influence :
Laurie : Je suis tracassée du fait que je mets beaucoup d’énergie et de temps dans le contenu que je crée et je vois le déclin de l’engagement sur les plateformes alors que le nombre d’abonnés augmente. L’engagement diminue tout simplement parce que la plateforme a un algorithme qui évolue et donc les contenus sont moins montrés.
Cynthia : Les réseaux ont évolué. La communication est différente. C’était un gros changement. À un moment donné, il fallait que je prenne du recul parce qu’on est vraiment pris dans l’engrenage. J’ai essayé de le faire, mais ça ne reflétait pas l’image que je voulais faire paraître. Je n’avais pas envie de suivre le “flow“ des autres gens qui publient 30 stories par jour par exemple. Maintenant, si l’on veut percer, il faut d’office élargir son réseau et devenir plus “lifestyle“. Si je m’embarquais là dedans, ma vie personnelle devenait un réseau social vivant. Margot : J’ai vraiment pas de limites vie professionnelle / vie privée et ça, c’est vrai que c’est un problème donc du coup, j’ai l’impression de tout le temps être derrière ma caméra. Je vais manger, j’ai mon téléphone, je pars en vacances, j’ai mon téléphone. Donc c’est extrêmement compliqué. Je pense que beaucoup de personnes ne comprennent pas, vu qu’on fait un truc qu’on aime bien. Mais c’est extrêmement difficile de poser ses limites pour soi-même.
Le débat “Createur de contenu” VS “influenceur” :
Anonyme : Malheureusement, je ne me retrouve pas dans le terme “influenceur”, en sachant que je fais partie de l’ancienne génération de blogueurs. Avec l’expérience que j’ai eu pendant ces années, aujourd’hui, je propose plus que de la “promo” sur les réseaux sociaux. C’est de la création du contenu, du storytelling, du marketing, coaching, branding, élaboration des stratégies sur les réseaux, etc. En bref, c’est ma passion ; je travaille comme indépendante, et même si parfois c’est super
difficile, justement aussi à cause des gens qui vont aller sur les réseaux pour se faire de l’argent et/ou avoir des choses gratuitement. Moi, je reste quand même très motivée et je suis ma route. Laurie : Tout le monde a une influence qui a une portée plus ou moins grande. En fait, je ne prends pas l’influence ou le fait d’être influenceuse comme étant un mauvais mot, mais je me considère plus comme créatrice de contenu parce que c’est littéralement ce que je fais. Margot : J’avoue que je n’aime pas trop le mot “influenceur” parce que c’est assez péjoratif. Je préfère utiliser le terme créateur de contenu parce qu’il y a vraiment toute une idée derrière. Mais c’est vrai que dans la vie de tous les jours, j’utilise parfois “influenceuse” parce que les gens ne comprennent pas vraiment ce que c’est créateur de contenu.
Le partenariat avec les marques :
Laurie : Malheureusement pour les marques, même quand elles ont de belles valeurs, elles ne vont pas jusqu’à payer tous les partenaires de la même façon. Une marque pourrait dépenser énormément d’argent dans la création de son produit, mais n’avoir plus du tout de budget pour le marketing. Elle cherchera donc probablement à exploiter les prestataires de service qu’elle va utiliser pour la communication. Cynthia : Je n’ai pas eu de mauvaises expériences avec les marques. Niveau rémunération, je n’ai jamais eu de problèmes. J’ai encore maintenant des offres de partenariats même si je poste beaucoup moins.
Margot : Aujourd’hui, je suis toujours à une place où peu importe les contrats que j’ai, je me sens vraiment exploitée et je n’arrive pas à me faire correctement rémunérer. Je pense que c’est dû au fait qu’il y a énormément d’influenceurs qui débutent sur ce marché et qui font des partenariats qui ne sont pas rémunérés. Donc quand une marque va avoir une campagne, ils vont choisir plein de petits influenceurs qui ne seront pas payés et ils vont réduire leur budget publicité.
Le cadre juridique du point de vue des influenceurs :
Margot : Je trouve qu’il y a beaucoup de règles qui sont très mal expliquées. Je regarde souvent ce que SPF Économie écrit puis j’ai ma comptable qui est très intéressée par ce milieu et donc elle aussi elle a des formations sur ce côté-là et via elle, je suis toujours au courant de toutes les actualités. Il faut vraiment aller chercher l’information quand elle ne vient pas à nous-même. Laurie : Juridiquement, je me sens encadrée, je connais mes droits donc il n’y a pas de soucis. Je connais aussi mes devoirs en termes de mentions de la publicité. Je sais aussi gérer ma comptabilité sans trop de problèmes. Je pense que plus d’encadrement ne pourrait pas faire de mal parce que je vois qu’il y a beaucoup de dérives sur les réseaux sociaux, beaucoup de partenariats pas mentionnés. Cynthia : Les restrictions au niveau des lois, je ne le vis pas vraiment. Mettre que c’est une publicité, ce n’est pas impactant.
Ce que le grand public devrait savoir sur la profession :
Laurie : Pour faire du contenu bien fait, construit et à valeur ajoutée, ça prend beaucoup de temps. Moi, je passe beaucoup de temps à lire des rapports, à vérifier des faits. Alors évidemment, ce n’est pas le cas de tous les gens sur les réseaux sociaux, mais en tout cas les créateurs et créatrices de contenu qui prennent leur job à cœur le fond bien. Margot : Quand vous nous voyez filmer des vidéos de 20 secs, en fait il y a 8h de travail derrière et que même si on utilise que notre téléphone et qu’on a pas une grande équipe derrière, c’est vraiment du travail quand on n’est pas accompagné.
S’il fallait changer quelque chose dans le marketing d’influence :
Margot : Pour la Belgique, j’aurais aimé qu’on soit peut-être juste mieux encadré et qu’il y ait vraiment un statut pour ça, limite un syndicat et qu’ils considèrent ça comme un métier à part entière. Laurie : Si je pouvais changer quelque chose dans le marketing d’influence d’aujourd’hui, c’est que ce n’est pas spécialement une bonne idée que ce soit là pour booster l’ego des gens. Donc Instagram, c’est un réseau où il est très facile de se mettre en avant soi-même et en fait, c’est ce que je déplore, ça devient de plus en plus un ego trip que vraiment produire du contenu à valeur ajoutée pour les gens.
Les cas de fraudes et achats de likes et commentaires :
Margot : Non, en plus de ça, ça baisse les statistiques. Je préfère avoir 6 000 followers et avoir 200 likes sur mes posts plutôt que d’avoir 140 000 followers et 200 likes, ça n’a pas de sens. Laurie : Je n’y ai jamais songé tout simplement parce que je trouve ça totalement fou que quiconque puisse y penser et surtout c’est très pénalisé par la plateforme. Par contre, je remarque que certaines personnes le font et malheureusement même si j’essaie de ne pas avoir ce sentiment, j’ai beaucoup de jugement.
Le non-respect des limites par les utilisateurs :
Laurie : J’ai déjà reçu des menaces de mort et menaces en tout genre, de personnes qui ne sont pas d’accord avec ce que je raconte. Encore une fois, parce que j’ai des positions très tranchées. En fait, je ne chipote pas vraiment avec ces personneslà, je les bloque immédiatement. Margot : Avec les liens para-sociaux en fait ça arrive tout le temps. Je pense les gens se disent « Ah, elle raconte tellement sa vie que c’est ma copine, c’est ma meilleure pote » mais en fait pas du tout. Souvent ce que j’ai, ce sont des gens qui me racontent leur trauma sans trigger warning (mise en garde), qui m’envoient 20 vocaux et en fait au début, je répondais, mais aujourd’hui, je n’ai plus la capacité et je ne réponds vraiment plus en fait.
La réaction des communautés par rapport aux partenariats :
Margot : Récemment, j’ai fait un placement de produits pour une chaîne de supermarchés et ça a été hyper mal reçu. Je me suis dit “ok ça craint vraiment en fait”, vu qu’on parle éthiquement et socialement de personnes qui ont des problèmes qui sont autres que de faire des placements de produits sur Instagram. Je me suis sentie hyper mal et je n’ai peut-être pas réagi de la bonne manière vu que c’était la première fois vraiment que ça m’arrivait. Je n’ai pas vraiment répondu publiquement, mais j’ai essayé de répondre du mieux que je pouvais à certaines personnes en privé. Laurie : La réponse des abonnés par rapport à ce que je publie est souvent très bonne donc j’ai pas vraiment de soucis à ce sujet-là. Je suis toujours très transparente quand c’est un partenariat rémunéré, quand on m’a offert quelque chose et je n’ai jamais eu de soucis avec ça avec mes abonnés. Les moments où les réactions de ma communauté ne sont pas les réactions que j’aurai attendues, ça arrive souvent quand je parle de sujets très clivants. Vu que moi, je parle de sujets touchant aux droits humains, à l’environnement, au respect des personnes, c’est vrai que parfois, je peux avoir des positions qui sont très tranchées et donc avoir un retour de personnes qui ne comprennent pas très bien. Ils peuvent être tentés de mal le prendre alors que moi, j’expose mon point de vue et la façon dont ils le prennent vu que moi, je le dis avec bienveillance. Quand j’ai l’énergie, je réponds et quand je vois que ça n’a aucun sens et que c’est juste une attaque pour être une attaque, je ne réponds pas ou je bloque.
Marques Mon lit dans l’arbre Cette entreprise propose des logements insolites dans la forêt Ardennaise depuis 2018. Mon lit dans l’arbre, ce sont « des cabanes qui vous font oublier votre quotidien. Nous avons opté pour des cabanes privilégiant le féerique, l’insolite, le poétique, le tordu, le naturel. Ces aspects sont développés aussi à l’intérieur des cabanes en donnant aussi un accent sur le côté ludique, surprenant. » Chouke Cette entreprise propose de la soupe et des sauces fraîches et bio depuis 2019. « En phase avec notre devise ‘lundi dans le champ, mercredi dans la casserole, vendredi dans ton bol’, les Chouke Soup sont ultra-fraîches et évoluent avec les saisons. »
Customefy Cette entreprise propose de customiser et de personnaliser des cadeaux. « Beaucoup de travail, énormément de plaisir et surtout un réel bonheur à préparer les commandes et imaginer le succès des cadeaux personnalisés que vous offrez à vos proches. Dans ces tourbillons de changements et d’évolution, je garde toujours cette étincelle qui pétille à chaque nouvelle commande, chaque nouvelle maquette, chaque nouveau projet. » Bike Expérience Cette ASBL propose aux citadins de prendre confiance dans la circulation, apprendre à faire du vélo en ville en toute sérénité. « Bike Experience est une action entièrement gratuite de mise en selle. Tous les premiers mercredis du mois, nous vous apprenons à faire du vélo en ville en toute sérénité et vous offrons la possibilité de repartir avec un·e coach pour vous accompagner sur vos trajets réguliers. »
Les types de partenariat possibles avec les marques Les produits gratuits en échange de visibilité Les marques envoient leurs produits, en ayant demandé l’approbation ou non à l’avance à l’influenceur. En recevant le produit, il est sousentendu pour l’influenceur d’en faire la promotion, de remercier la marque d’avoir reçu les articles, d’en faire une review (un retour/commentaire). Des invitations pour des expériences (concerts, musées, voyages) sont aussi possibles pour ce genre de partenariat. Les partenariats rémunérés Il est convenu à l’avance entre marque et influenceur que la marque va envoyer son produit en contrepartie d’une rémunération financière. Un contrat reprenant tous les termes du partenariat peut être signé. L’influenceur aura certains termes à faire apparaître dans la promotion du produit selon les envies de la marque. La marque attendra également un rapport de la part de l’influenceur sur les retours du placement de produit (nombres de personnes ayant vu le post, le nombre de clics sur le lien mis dans la story, retour de la communauté...) Devenir ambassadeur Un ambassadeur va promouvoir de manière plus régulière la marque, le partenariat va se faire sur le long terme. A chaque nouvelle sortie de produits, l’influenceur en fera la publicité, il participera également aux événements, aura des codes de réduction. Ce type de partenariat permet de créer la notoriété d’une marque quand un influenceur ayant une très bonne image sur les réseaux s’y associe.
Les collaborations Un influenceur va créer avec la marque une collection en collaboration. L’influenceur aura eu une liberté créative dans la création des produits/ événements. Les images de la marque et de l’influenceur seront unies. Les collections sont souvent sous format d’édition limitée, l’audience de l’influenceur, voulant le supporter achètera le produit, qui finit souvent en rupture de stocks très rapidement.
Chaque marque a sa propre vision des collaborations avec les influenceurs :
Chouke : Récemment, on avait donné un budget de 500 euros pour faire de la pub avec 5 ou 6 influenceurs. Pour l’une ou l’autre raison, on n’a pas eu un bon sentiment au niveau des retours. Le fait de payer, ça devient un job et une relation client/ fournisseur et on perd un peu l’aspect naturel de la communication. On ne pense pas qu’on va repayer pour faire un partenariat. Bien évidemment qu’il faut les payer, mais bon, pour nous ce n’est pas ce qui fonctionne. On préfère proposer la gratuité de nos produits (30 à 40 euros de produits) aux influenceurs. Mon lit dans l’arbre : On a comme principe même de ne jamais payer les gens pour venir, on offre une nuit en cabane et c’est tout. (Le prix d’une nuit varie de 180 à 235 euros.) Mais après, si dans le futur, on devait commencer à payer, on mettrait plus notre argent vers les influenceurs que vers les pubs traditionnelles dans les journaux.
Customefy : Au début, on a toujours travaillé en offrant des produits et maintenant on a voulu changer de politique. On est plus crédible et on a des accès plus professionnels en proposant de l’argent. Le contenu est plus professionnel, avant, c’était plus carte blanche. C’est très aléatoire pour le retour, et même des fois si ça met lentement au niveau du retour sur investissement, le contenu est très bon et peut être repartagé sur nos différentes plateformes.
Faire de la pub via les influenceurs peut apporter différents types d’avantages pour les marques :
Mon lit dans l’arbre : Faire appel aux influenceurs en tant que tel, ça nous a bien servi, on voit tout de suite qu’il y a des retours directs, ce qui est différent des posts sponsorisés sur Facebook où ça reste dans notre communauté donc ça permet d’étendre notre portée. Les influenceurs ont un lien plus étroit avec leur communauté donc le retour sur les placements de produits est plus rapide. On a déjà eu une cabane qui ne fonctionnait pas, une cabane pour couple, une influenceuse est venue et là, la cabane a décollé rapidement grâce au contenu avec de très bonnes photos. Bike experience : Le défi de l’ASBL est de toucher des personnes pas encore touchées par ce que nous proposons, car nous proposons des expériences uniques et il n’y a pas de principe de fidélisation. Chouke : Avoir des ventes de nos produits via des publications, ce n’est pas évident. Le but premier est de faire grandir la notoriété de la marque via les influenceurs que ce soit pour gagner des abonnés
sur nos réseaux sociaux ou que les acheteurs ou responsables de magasins voient qu’ils sont présents sur les réseaux et veulent les produits dans leur magasin. Customefy : L’influence aide beaucoup pour la notoriété, les codes promos ont une incidence sur les ventes. Garder la cadence, suivre les tendances et être toujours actifs avec les influenceurs.
Chaque marque a sa propre ligne directrice pour sélectionner l’influenceur avec qui travailler :
Mon lit dans l’arbre : On n’a jamais contacté les influenceurs, ce sont toujours eux qui viennent vers nous. Ce qui fait qu’on collabore ou pas avec un influenceur, c’est aussi dans quel système de valeur ils évoluent. Si c’est plutôt dans la mode, les vêtements et donc la surconsommation, on n’est pas intéressé pour un partenariat, mais si quelqu’un est branché animaux et nature, c’est nickel, même s’il a moins de followers. Nous faisons toujours du “one shot” niveau collaboration vu qu’on propose une expérience immersive et donc ça marche bien avec les influenceurs qui proposent aussi une expérience avec leur contenu. Bike Experience : On travaille avec des microinfluenceurs ayant au maximum 15 000 followers. Évidemment, on ne veut pas des influenceurs qui pourraient nuire à l’image de marque. On contacte les influenceurs parlant d’écologie, de nourriture même si on a moins de réponses, de “lifestyle”, mais pas ceux qui parlent de “fast-fashion”. On préfère ne pas contacter les influenceurs via les agences. Il y en a beaucoup d’influenceurs qui ne vont pas répondre, c’est pour ça que l’on en contacte
beaucoup plus que ce dont on a besoin. À partir du moment où ils vont nous répondre, là, le partenariat se concrétise. Il y a parfois beaucoup de demandes de la part des influenceurs, qui demandent par exemple une rémunération plus élevée, mais étant une ASBL nous travaillons toujours avec un budget fixe. Customefy : Pour notre processus de sélection, on suit les marques et on regarde qui a commenté. Après, on examine leur communauté et leur engagement (sur Hypeauditor). Tout se passe via Instagram. On passe quasiment que par du direct vers les influenceurs sans agence, c’est plus direct et c’est plus agréable. On voit la différence avec les agences, c’est plus élevé, le prix, les audiences... L’agence ça freine plus les marques, je trouve. Ça perd son charme, ça devient plus du B2B. On travaille plus avec des femmes, des micro-influenceuses parce que l’audience est constituée de 95 % des femmes, souvent des mères de famille. Les influenceurs qui viennent vers moi ont de moins bons comptes, ceux avec qui on fait un partenariat sont souvent ceux qu’on démarche de nous-mêmes. Chouke : Ce qui nous donne envie de travailler avec un influenceur, ce n’est pas forcément son nombre de followers, mais son style de contenu et le lien qu’il peut avoir avec sa communauté. On va personnellement voir la personne qui reçoit les échantillons de nos produits. On ne va pas expliquer en long et en large tout ce que nous proposons, mais nous donnons notre numéro de téléphone au cas où la personne souhaiterait plus de renseignements. Des influenceurs viennent vers nous pour collaborer, mais ça ne correspond qu’à 10 à 15 % de nos partenariats.
Agences Efluenz Efluenz est une agence de création numérique qui veille à ce que votre public cible soit atteint grâce à des concepts créatifs. L’agence a été fondée en 2018. Walkie Talkie Walkie Talkie est une agence créative de relations publiques et de marketing d’influence. Elle offre une connexion entre les marques, les médias, les influenceurs et la culture de consommation. L’agence a été fondée en 2013.
Différents types d’agences en lien avec des influenceurs existent : Agence d’influenceur/agence de talents Quand les influenceurs commencent à recevoir beaucoup d’offres de partenariat et leur notoriété s’accroît, gérer tout ça sans connaissance au préalable peut être difficile. C’est pourquoi des agences avec des managers gérant les dossiers et offres de chacun existent, de la même façon que les musiciens et acteurs sont gérés. En tant que marques ou en recherche de quelconque partenariat, ce sera le manager de l’influenceur qui recevra les demandes, les filtrera et les fera parvenir à l’influenceur s’il trouve la proposition pertinente. Les points positifs d’avoir ce type de management pour les influenceurs sont d’avoir plus de temps pour le côté créatif du job d’influenceur. Avoir un management permet également de se professionnaliser plus facilement. Les inconvénients d’avoir un management pour les influenceurs sont de rater des offres de partenariat qui auraient pu leur plaire et d’avoir un pourcentage de leur salaire retenu pour payer l’agence et les services fournis. Agence d’influence Des agences plus orientées vers la pub et les relations publiques existent ; où créer la liaison entre influenceurs et marques est leur but. Ce type d’agence va prendre en compte les demandes et besoins des marques au niveau du marketing d’influence et va choisir les influenceurs qui conviennent le mieux à ces critères. L’agence va donc utiliser ses connaissances et expertise du milieu pour garantir une création de contenu pour les marques qui veulent toucher un public en particulier.
Les deux agences interviewées pour cette étude de terrain sont des agences d’influence. Quel est le principe de sélection des influenceurs pour les agences ?
Efluenz : Pour savoir avec quel influenceur nous allons travailler, il y a un travail en interne qui est effectué. Nous avons développé une application en interne pour savoir si les followers du compte sont vrais ou achetés. Si c’est le cas, on va s’assurer que c’est une infime partie des abonnés sinon on ne va pas travailler avec. On suit également les publications des influenceurs, voir s’ils ont du contenu avec une ligne éditoriale. On ne travaille pas avec des influenceurs sortis de la télé-réalité. Walkie Talkie : On ne travaille avec aucune plateforme pour nous aider à trouver des influenceurs avec qui travailler. Dès le début (il y a sept ans), on a développé une base de données comprenant la presse et les influenceurs. Toute personne ayant un compte de plus de 1000 followers, on le rajoute dans notre base de données parce qu’il y a du potentiel pour que le compte continue à grandir et que l’on travaille avec. On classe les influenceurs par thème qu’ils mettent en valeur sur leurs réseaux. Tout cela est bien sur un grand travail de recherche. Pour avoir plus d’informations sur le compte, vérifier les chiffres, connaître la localisation et voir l’audience organique de l’influenceur, on utilise la plateforme d’influence « Stellar ». Le choix des influenceurs dépend un peu des ambitions du client. Si la campagne est créée pour augmenter la visibilité d’un produit, on va travailler avec des macro-influenceurs. Si la campagne est créée pour avoir plus d’engagement, on va aller vers de plus petits profils.
Des influenceurs peuvent se sentir exploités par les marques lors des partenariats, quel est votre point de vue sur ce problème ? Efluenz : Il y a eu pas mal de dérives au niveau de l’exploitation des influenceurs, les marques ont sous-estimé le travail des influenceurs. Le but de l’agence est qu’ils soient rémunérés à leur juste valeur, c’est quelque chose qui est en train de se réguler pas mal. Passer par une agence pour négocier un contrat, c’est plus simple. Pour nous, la rémunération se joue aussi sur la position géographique des abonnées. Par exemple, si l’on vise les followers belges présents dans les followers d’un influenceur français, le salaire sera moins grand.
Quel est votre rôle dans le partenariat entre la marque et l’influenceur ?
Walkie Talkie : On s’occupe de tout le suivi du partenariat. On sélectionne les influenceurs, on les contacte, on envoie le briefing (attentes de la marque quant au partenariat) puis le contrat (comme ça pas de mauvaises surprises). À la fin de la campagne, on envoie un rapport aux clients. On s’occupe de tout de A à Z. Efluenz : On fait un contrat entre nous et l’influenceur et un entre l’influenceur et la marque. Il y a une “deadline” pour envoyer le contenu et le mettre en ligne. Sincèrement, on a confiance avec qui on travaille, c’est pourquoi on travaille plusieurs fois avec les mêmes influenceurs.
Comment sont gérés les imprévus ?
Walkie Talkie : Ça arrive rarement qu’une collaboration se passe mal. Après avoir contacté l’influenceur, on envoie le contrat et il décide de ne plus travailler avec nous. C’est assez classique. Des fois, le client n’est pas satisfait par le contenu de l’influenceur, il faut donc le refaire. Le briefing est très important donc on a très peu de problèmes en général.
Quelles sont les demandes des marques ?
Walkie Talkie : Des fois, les marques veulent travailler avec un influenceur en particulier et ont des attentes qui ne collent pas avec le travail de l’influenceur et nous. On est là pour rediscuter de tout ça pour avoir les résultats voulus. Les marques imaginent des fois que parce qu’elles paient, elles peuvent faire faire aux influenceurs tout ce qu’elles veulent. Mais c’est l’influenceur qui connaît le mieux sa communauté finalement. Ce qui est dommage, c’est de voir le même type de contenu avec la même campagne au même moment, mais par des influenceurs différents. Si la campagne n’est pas rémunérée (surtout si la valeur est assez basse), on n’impose pas de retour aux influenceurs. Les influenceurs apprécient la transparence de l’agence. Des fois, des agences envoient les produits sans demander au préalable et les influenceurs sont plus ou moins surpris et les agences attendent des retours, ce qui n’est pas vraiment professionnel.
Comment se passe votre travail quand vous collaborez avec d’autres agences ?
Walkie Talkie : On voit vite la différence quand un influenceur est avec un manager ou pas. Il y a très peu de macro-influenceurs sans manager ou agence en Belgique. Il y a des avantages et inconvénients des deux cotés. Pour travailler avec l’influenceur en agence, il y a un honoraire à payer à l’agence. Les budgets et salaires demandés sont plus élevés aussi. Mais l’agence facilite aussi la communication avec les influenceurs. Des fois, des influenceurs demandent que l’agence contourne l’email de leur manager et envoie directement sur leur adresse e-mail personnelle. Le contact direct avec l’influenceur est apprécié, c’est un peu dommage de le perdre avec les agences.
Quelles sont les tendances du moment ?
Efluenz : Le principe de l’agence est de créer des concepts créatifs et de ne pas faire que du placement de produits pur et dur. Le fait de proposer des masterclass via des lives, c’est assez intéressant pour les marques. Il y aussi une préférence pour les réels (vidéos) au lieu des photos. Avez-vous déjà arrêté de travailler avec des influenceurs ?
Walkie Talkie : On a déjà mis des influenceurs présents dans notre base de données sur notre liste noire ; par exemple, avec les influenceurs qui
ont fait un “bad buzz” durant la crise du COVID (racisme, propos extrémistes, propos sur les vaccins) ou si on entend via via que la personne est impliquée dans des histoires de fraude. Quand ça arrive, on communique dans toute l’agence. On ne peut pas toujours vérifier les infos, mais dans le doute, on préfère ne plus travailler avec la personne. Les “no-shows” (personne qui réserve mais ne vient pas) sont mal vus lors d’événements aussi, surtout si c’est à répétition. Quel est votre point de vue sur le côté légal du marketing d’influence ?
Efluenz : Il y a un tri qui est en train de se faire parmi les influenceurs grâce aux lois. Efluenz est demandeur de loi et de cadre, on a envie que les influenceurs et créateurs de contenus soient reconnus comme un métier en tant que tel, administrativement ça serait beaucoup plus simple.
Cadre légal Le CSA Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel est l’autorité administrative indépendante en charge de la régulation du secteur des médias audiovisuels en Fédération Wallonie-Bruxelles. Le CSA en Belgique ne monitore que les vidéos sur Instagram, les images fixes sont hors de leur compétence. Les personnes assujetties au contrôle du CSA sont celles qui filment, produisent ou postent leurs vidéos en Belgique. Le SPF Économie Le SPF Économie participe à la politique économique et contribue à l’établissement d’un cadre juridique moderne pour l’économie belge, en tenant compte des contextes institutionnel, européen et international. La protection des consommateurs et des entreprises, avec une attention particulière pour les PME, est au cœur de cette démarche.
Le JEP Le jury d’éthique publicitaire est l’organe d’autodiscipline indépendant de la publicité en Belgique. Le JEP s’assure que le contenu des messages publicitaires est conforme aux règles de l’éthique publicitaire sur la base de la législation et des codes d’autorégulation par le biais d’un Jury représentatif indépendant.
En Belgique, le marché est complètement différent et est beaucoup plus petit que nos pays voisins. C’est pour cela que les règles et lois à respecter peuvent paraître plus strictes. Les influenceurs peuvent facilement avoir les mêmes nombres de spectateurs ou d’audience que les programmes de la télévision traditionnelle. C’est pourquoi en Belgique, dès que quelqu’un a une audience et que des partenariats lui sont proposés (professionnalisation), il devient influenceur. Selon les pays, ce curseur change. Dans certains pays, avoir plus de 1000 abonnés, c’est être considéré comme influenceur, par exemple. Actuellement, il n’existe pas de loi spécifique concernant le marketing d’influence. Les contrôles se basent sur le Code de droit économique, plus spécifiquement sur les pratiques commerciales trompeuses. Les règles reprises dans le Code de droit économique sont une transposition du droit européen, et sont donc similaires dans toute l’UE. En plus de ne pas faire la promotion des boissons alcoolisées, des jeux de hasard, les
cigarettes et la CBD à fumer, les influenceurs doivent identifier clairement les contenus sponsorisés avec des hashtags comme #AD #sponsor. Si ce n’est pas le cas, il y a une infraction à la loi du droit du code économie (SPF) et loi du décret audiovisuel. Selon le CSA, cette règle est la plus enfreinte lorsqu’un influenceur fait la publicité de sa propre marque (de vêtements, de produits dérivés…). Même s’ils ne sont pas payés pour faire la promotion, car la marque leur appartient, il faut cependant mettre les motions propres à la publicité. Les ambassadeurs de marques oublient également souvent de mentionner quand leur contenu est sponsorisé, car pour eux, avoir un contrat à long terme et en être représentant d’une enseigne fait partie de l’ADN de leur compte. Le SPF Économie a publié des recommandations pour les influenceurs il y a un an, expliquant aux influenceurs ce qu’ils attendent d’eux. La plupart du temps, ces règles et lois à respecter ne sont pas nouvelles, il s’agit donc plus d’un rappel.
Que se passe-t-il lorsque le CSA, le SPF économie et le JEP remarquent une infraction à la loi de la part des influenceurs ? Après avoir identifié un problème sur le compte d’un influenceur, le CSA va envoyer un courrier de rappel à l’ordre. Si aucun changement n’est fait sur le compte, une amende proportionnelle au gain engendré sera donnée à la personnalité. Ce type de sanction n’a pas encore été attribué.
Pour le SPF économie, lorsque des infractions sont constatées, un avertissement ou un procès-verbal est rédigé. Si l’influenceur respecte la loi après avoir reçu l’avertissement, le dossier est clôturé sans sanction. Si l’influenceur a reçu un avertissement et continue à ne pas respecter la loi, un procès-verbal est rédigé, qui peut par la suite donner lieu à des sanctions : une transaction, un envoi au Parquet ou une amende administrative. Si l’influenceur a déjà reçu un procès-verbal et continue à ne pas respecter la loi, un procès-verbal subséquent est rédigé en indiquant qu’il s’agit de récidive. Dans ce cas, la sanction sera plus élevée. Le montant des transactions/amendes varie selon la/les infractions commises. Quand le JEP reçoit une plainte (non-respect de l’identification de la publicité ou publicité mensongère) dans le cadre du marketing d’influence sur un réseau social, il demande à l’influenceur de modifier une publication. Dans le cas où rien ne va, il faudra supprimer la publication. Chaque année, 98 à 99 % des décisions du JEP sont respectées. Au cas où l’influenceur ou l’annonceur ne seraient pas d’accord, ils ont la possibilité de faire appel endéans 5 jours ouvrables (cela correspond à seulement 2 à 3 dossiers par an). Pour renforcer leur autorité, chaque organisation agit rarement seule. En effet, le SPF Économie, le CSA et le JEP interviennent en collaboration. Au-delà des lois liées à la publicité, un groupe parlementaire a pour projet de réguler l’utilisation des filtres et la présence des mineurs dans les publications.
Conclusion Dans ce milieu encore relativement nouveau, c’est souvent via des essais et erreurs au niveau des stratégies de communication et marketing que chacun et chacune arrive à trouver sa place. L’expérience de chacun dans ce milieu sera unique comme les témoignages de cette étude ont pu le démontrer. Nous tenons à remercier Cynthia, Théodora Greindl, Julien Latinis, Fabien Ledecq, Laura, Etienne Mignolet, Laurie Pazienza, Maureen Richard, Margot Ruiz, Sandrine Sepul, Noël Theben et Wim Verschueren pour leur participation à cette étude. Que vous soyez un simple utilisateur d’Instagram, un influenceur en devenir ou une marque voulant se lancer dans ce type de promotion, nous espérons qu’avec cette étude de terrain, vous avez pu accroître vos connaissances sur le marketing d’influence. Pour toute question ou remarque concernant ce document ou la campagne d’Éducation permanente 2023, n’hésitez pas à nous contacter sur Instagram @gsara.asbl ou par mail à info@gsara.be
Éditeur responsable : Renaud Bellen — GSARA asbl