2 minute read

Deseos Encerrados

DESEOS ENCERRADOS por Guillemette Bonvalet

Ce pays respire le sexe par tous les pores : les danses, la chaleur, même les couleurs, les odeurs et les tee-shirt humides de transpiration tendus sur les corps musclés… Et tout cela à distance, un mètre minimum. Je n’ai frôlé aucune sensation, enfermée entre ces quatre murs.

Advertisement

Du sexe, j’en ai par les mots de Mario Vargas Llosa dans la moiteur d’Haïti de son livre El paraíso en la otra esquina. Et finalement, nul besoin de recourir au dictionnaire. Les sonorités sont parlantes et les mots ressemblent au français.

J’en ai aussi par les sons. Assise sous la fenêtre du salon pour prendre le frais de la nuit qui tombe, j’entends les gémissements d’un couple. Le plaisir de la femme et puis, finalement, la jouissance de l’homme. Souvent des hommes, il ne me parvient que le râle guttural et satisfait de l’éjaculation. Je n’ai pas connu d’hommes bruyants, à peine des souffles plus prononcés, mais qui aux creux de l’oreille résonnent fort.

Mais du sexe, ce que j’en ai surtout, c’est le manque. En ce moment plus qu’auparavant, j’ai conscience d’avoir un corps qui n’est pas là que pour m’emmerder. Un corps qui marche pendant des heures, qui transpire sous le soleil, qui a faim, qui a soif, qui a ces heures de tranquillité et d’agitation. Et ce soir tout ce que j’ai à t’offrir c’est une bière, mon ami. Il se pourrait même qu’un jour, qui sait, avec ce corps là, je puisse apprendre à danser. Je finirai peut-être par débloquer cette fonction qui m’est pour le moment inaccessible pour une raison qui m’est inconnue. Je n’ai pas encore réussi à analyser d’où elle venait, cette honte.

Il fait plus frais ce soir, j’ai quelques frissons, mais je ne sais plus dire si c’est le vent ou s’ils viennent de plus loin, du fond de mon ventre, d’un désir de musique, de jouissance et de liberté. Frissons vite passés, refrénés par les circonstances, la solitude, les peaux contre lesquelles il ne pourront pas se frotter. Il y a quelques jours, j’ai cédé à la tentation et profité de nos outils modernes à disposition pour me connecter au monde, de façon virtuelle et lointaine.

J’ai fait défilé les profils, comme sur un catalogue les pages de vêtements. Pas à ma taille, trop grand, mal coupé, next. Parfois j’ai juste envie de choisir au hasard, de proposer une rencontre et ne plus réfléchir. Avidement me jeter sur les bouches comme si je n’allais plus jamais sortir de ma cage après ça. Griffer des dos comme pour punir mes geôliers. J’ai eu des premiers rendez-vous avortés avant même que s’insinue l’ambiguïté, comme des parenthèses qui n’ont que des débuts et pas de fin, pas même des point de suspension. À qui la faute ? À moi ? Aux circonstances ? À quoi bon chercher un coupable la finalité est la même : je suis enfermée avec mes désirs.

This article is from: