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PARTIE 2 : Transgresser pour progresser

Pourquoi y a-t-il transgression ?

Ça y est, le jeu était prêt, tout le matériel était prévu, le temps était au beau fixe, les Aventures étaient motivés et ton Staff était au taquet pour faire de cette activité un succès ! Et pourtant… il a fallu que cet Animé en particulier trouve la faille, triche ou sabote carrément le jeu. C’est l’heure du gouter, et lors de la distribution des biscuits, ton Lutin dévore le sien alors qu’il sait qu’il faut attendre que tout le monde soit servi. Un Nuton s’énerve et déchire son bricolage plutôt que de le terminer... Il arrive régulièrement que l’on se retrouve dans une situation où il y a transgression du cadre établi.

Avant de pointer du doigt celui ou celle qui transgresse, ne serait-ce pas l’occasion de requestionner nos pratiques éducatives et la légitimité du cadre que l’on met en place ? Il arrive qu’on n’en connaisse plus les raisons, l’historique ou le sens. La transgression d’une règle est parfois la tentative maladroite d’appréhender et de questionner le monde. Il s’agit simplement de tester les limites : les tiennes, celles du cadre que tu incarnes, celles de la société ou du système. Le fait qu’un jeune n’accepte pas d’emblée les règles qui lui sont imposées est plutôt une bonne nouvelle ! Dans un monde où on prône le sens critique, il serait bien hypocrite d’attendre de la part du jeune une obéissance aveugle. Personne ne devrait accepter d’emblée des règles qui ne peuvent être justifiées. Dans cet esprit, l’enfant va venir se cogner aux repères énoncés, à la structure établie autour de lui, à l’image d’un corps à corps. Il cherche à savoir s’il y a cohérence entre ce qui se dit et ce qu’il ressent, à cerner le monde dans lequel il vit.

En fait, animer des jeunes, c’est accepter qu’il y aura des transgressions : cela fait partie du développement sain et normal du jeune. Un jeune ne doit pas être soumis, il doit pouvoir s’exprimer sur son intention, son impulsion et être invité ensuite à réfléchir aux conséquences des transgressions. Attention, même si la transgression est un processus normal, cela ne remet pas en question l’utilité et la pertinence de la mise en place d’un cadre. Si certaines règles peuvent être questionnées, toutes ne sont pas bonnes à jeter ! L’instauration d’un cadre est nécessaire : les règles et les limites permettent au jeune de vivre en sécurité, de grandir en développant ses compétences et de s’ouvrir au monde et aux autres. Elles constituent un véritable « code de sécurité », à l’image du « code de la route » pour les conducteurs, et sont donc à déterminer avec sens et conscience. 3 e BE - Etterbeek

Le cadre établi pourrait être symbolisé par un ring de boxe dans lequel ton Animé évolue :

• Il est connu de ton Animé. • Il doit être suffisamment souple pour que l’Animé puisse s’y cogner, le tester sans se faire mal. • Il doit être suffisamment grand pour permettre une certaine liberté à l’Animé, tout en sachant qu’un espace trop grand, sans limites perceptibles, est insécurisant. • Il doit être stable et prévisible : il ne disparait pas ou ne change pas de forme selon la météo du jour. • Il arrive que l’on sorte du ring de boxe, avec les conséquences que cela entraine, mais on doit toujours pouvoir y revenir en toute sécurité.

Formation Guide

Qu’est-ce que ça bouscule chez moi, Animateur?

Colère, énervement, irritation, désemparement, impuissance… beaucoup d’émotions peuvent te traverser lorsque ton Animé ne respecte pas les règles ou les limites qui sont établies. Ce sont des réactions humaines, et c’est important de reconnaitre ainsi que de dépasser ces émotions qui risquent de pousser à des décisions irréfléchies et regrettables. Les difficultés comportementales de ton Animé peuvent se manifester de diverses façons et la manière dont elles sont perçues peut également différer d’une personne à l’autre, selon son vécu, ses convictions personnelles et son propre seuil de tolérance vis-à-vis de tel ou tel comportement. En fait, tous les comportements de tes Animés pourraient être symbolisés dans un rectangle, sorte de fenêtre à travers laquelle on regarde, séparé en deux parties par une ligne de démarcation : le seuil de tolérance.

La fenêtre d’observation des comportements

Dans la partie orange, on pourrait retrouver :

• Un Nuton qui console celui qui est blessé. • Un Lutin qui utilise le mot « merci ». • Un Aventure/Horizon qui propose son aide. • …

Comportement que l’on juge acceptable Seuil de tolérance lon son état physique et/ou émotionnel.

Comportement que l’on juge inacceptable

Dans la partie bleue, on pourrait retrouver :

• Un Animé qui en bouscule un autre. • Crier à la place de parler. • Détériorer le matériel. Ces deux parties sont séparées par le seuil de tolérance qui est le degré d’acceptation des comportements observés. Il varie d’une personne à l’autre. Certains ont un seuil de tolérance plus élevé que d’autres, mais ce même seuil de tolérance peut fluctuer chez une même personne, se

• …

Lorsqu’un comportement est considéré comme inacceptable, il franchit ce seuil de tolérance et se retrouve dans la partie bleue de la fenêtre d’observation. Cela pose alors un problème à celui qui regarde (Animateur).

Un nouveau modèle d’autorité ? La place de l’enfant et celle de l’autorité absolue de l’adulte ont beaucoup évolué ces dernières années. Il y a quelques dizaines d’années encore, l’autorité de l’adulte n’était jamais remise en question, pour la simple raison qu’elle allait de pair avec le pouvoir de contrôle associé à l’adulte. L’acceptation de l’autorité était basée sur les rôles qu’avaient les adultes (parents, enseignants…), dans une logique très hiérarchique : on demandait l’obéissance sans condition des enfants face au pouvoir de l’adulte.

Aujourd’hui, on se rend compte que ce type d’autorité verticale ne fonctionne plus avec les jeunes. Pire, elle entraine souvent une escalade de violence, que l’autorité soit contestée ou non. Cette violence se manifeste certes lorsqu’il y a une réaction de rébellion de la part du jeune, mais elle est aussi vécue par le fait que les choses sont imposées sans possibilité de les comprendre, de les questionner, de donner son avis, d’en être acteur.

L’autorité actuelle n’est plus basée sur les rôles, mais sur les valeurs incarnées par l’adulte : elle ne sera acceptée que si elle est porteuse de sens ! L’adulte n’est plus le seul détenteur du savoir ou le seul garant des règles édictées de façon autoritaire. L’enfant ou le jeune est désormais au centre du processus pédagogique et a le droit de poser la question : « pourquoi me demandes-tu d’obéir ? ». Il ne s’agit pas de justifier toutes les décisions ou les règles que l’on prend, mais bien de s’assurer que l’enfant comprend pourquoi elles existent et de le responsabiliser. Aujourd’hui, il y a plus de dialogue et de liberté d’expression : l’autorité toute-puissante de l’adulte a laissé place à la reconnaissance de l’enfant en tant que personne dès son plus jeune âge, bien qu’un cadre définisse tout de même des limites. Ces dernières peuvent notamment être suggérées par les enfants eux-mêmes. Elles sont indissociables de l’éducation.

Cette nouvelle conception de l’autorité implique que l’adulte adopte une posture :

• authentique : il exprime clairement ses émotions et ses besoins ; • respectueuse de l’intégrité physique et psychologique de l’enfant ; • responsable de l’interaction et du dialogue avec l’enfant ; • garante du cadre et de la sécurité de l’enfant.

Ainsi, on comprend que les Animés respectent ton autorité parce que tu incarnes un modèle et que tu les considères avec respect, et non pas simplement parce que tu as le rôle d’Animateur. Et la sanction dans tout ça ? Bien que la transgression fasse partie de la vie de notre Mouvement et que la conception de l’autorité évolue, la sanction n’en est pas moins pertinente et nécessaire : elle permet de réaffirmer les règles qui, même si elles peuvent parfois être questionnées, garantissent un repère et une sécurité.

L’enfant doit apprendre que ne pas respecter les règles entraine des conséquences. Appliquer une sanction annoncée donne un fondement à nos paroles et permet aux Animés de comprendre l’environnement dans lequel ils évoluent. Signifier une limite par une sanction, c’est leur permettre de marquer un temps d’arrêt et de recul pour réfléchir et réparer leur action.

Un comportement inadéquat non sanctionné signifie à l’enfant une autorisation implicite qui encourage cette manière d’être.

Pour rappel, c’est le comportement qui doit être sanctionné, pas la personne !

Quelques points d’attention concernant la sanction :

• Elle a du sens, compte tenu du « manquement » commis ; • L’enfant doit la connaitre à l’avance si possible ou, du moins, savoir qu’il y en aura une ; • Elle doit venir rapidement après l’acte, sinon elle perd de son sens pour l’enfant ; • Elle est limitée dans le temps ; • Elle est adaptée aux capacités, au développement et à l’âge de l’enfant ; • Elle lui permet de prendre ses responsabilités ; • Elle doit être juste et tenir compte des circonstances aggravantes/atténuantes ; • Elle ne porte pas atteinte à l’intégrité physique de l’enfant ; • Elle ne doit pas humilier ou constituer une vengeance.

Tu l’auras compris : la sanction se différencie de la punition. Si tu souhaites avoir plus d’informations concernant la sanction éducative, les Guides te proposent un outil consacré entièrement à cette thématique. Il s’agit du dossier RéSeAu Choisir une sanction éducative que tu peux retrouver sur la bibliothèque en ligne : www.guides.be/bibliothèque.

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