Bois à tous les étages

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SERIE FORÊT Monts du Forez Bois à tous les étages

En suivant le Vizézy, de Montbrison à sa source, la forêt change peu à peu d'essences et d'aspect. Des "pinateaux", curiosités locales, aux prés-bois encore pâturés, promenade guidée par le technicien du Centre Régional de la Propriété Forestière Les "pinateaux", vous connaissez? On dit aussi les "garolles". Ce sont ces pins spectaculairement tourmentés qui poussent à proximité de Montbrison, dans le Forez. La nature fait de curieuses choses, dîtes-vous? La nature n'y est pas pour beaucoup. Elle ne fait que les pins -ce qui n'est déjà pas si mal. Et ils n'auraient tout bonnement que l'allure de pins sylvestres qu'ils sont si l'homme n'y avait mis la main. Et la serpette. Mais ce n'est pas pour le plaisir de produire cette sorte de "bonzaïs" géants que l'on a taillé dans ces arbres. Les "pinateaux" sont tout près de la ville et de ses boulangers de naguère qui chauffaient leur four aux fagots. On appréciait ici la mie parfumée de résine. Les fagottiers ont donc blessé la dure écorce et entamé par ci, et raccourci par là et contrarié ailleurs les poussées de la sève. Et les arbres ont lutté, changeant de tactique à chaque amputation. Si on les faisait manchots dans un sens, c'est de l'autre qu'ils retendaient les bras... Au fil des fournées meurtrissantes ils ont pris ces airs de télégraphes affolés. Les messages qu'ils lancent sont ceux de la douleur et de la vitalité. "Que faire de mes garolles?" se lamentent aujourd'hui les


propriétaires des rives du "Vizézy". "Surtout rien!" leur répondent les randonneurs admiratifs qui n'osent tout de même pas leur demander de perpétuer la lignée des torturés en coupant un peu dans la ramure des plus jeunes. Si banalement droits qu'ils en paraissent plus raides que normal auprès de leurs aînés. Des marcheurs, on commence à en compter pas mal dans les bois du Forez. "Pas autant que dans le parc du Pilat, mais on nous fréquente aussi..." constate Jean Pomarat, conseiller, en ces terres depuis 22 ans, du Centre Régional de la Propriété Forestière. Ce Cantalou d'origine a adopté le Forez -et vice versa- et c'est presque "son" domaine qu'il montre lorsqu'il guide le visiteur le long de la rivière. De Montbrison à la source là-haut près de la "Pierre Basane" qui chapeaute un volcan apaisé -pour l'instant. De 440 mètres et les "pinateaux" à plus de1400 et les pins plus classiques des "prés-bois", qui, comme le nom l'indique, sont des prés dans les bois où l'herbe abondante et drue profite des larges éclaircies. En le suivant on comprend que les gens viennent et reviennent, boussole en main ou se fiant aux balises des sentiers. Dieu se prénomme Adolphe

Rien d'ennuyeux au cours de cette balade dans un décor qui évolue à mesure que l'on s'élève. La forêt est telle qu'on la rêve, telle qu'on la préconise dans les nouvelles écoles: variée au possible, bien aérée, lumineuse, propice au mûrissement de la myrtille et de la framboise, à la poussée des chanterelles ou des cèpes, à l'épanouissement de la fougère et de la bruyère. Champ aussi de lentes empoignades dont l'apparente immobilité est trompeuse. On se bat farouchement sur ces pentes pour la conquête du


territoire. On place ses glands ou ses faînes contre le babet aussi haut que l'on peut monter. Les fayards envahissent les sapaies, le frêne gagne sur le châtaignier malade, le sapin guette sous le pin sylvestre le coin de ciel qui le tirera vers la victoire. Le maître incontesté en son domaine un peu trop vaste ici aussi sur les hauteurs, c'est le douglas qui fait la nuit sous lui, acidifie ses bases, et étale à son pied ses branches mortes en étouffant tapis que rien ne traverse...un de ces dictateurs qui n'admet que sa race. Mais à l'étage des pinateaux, ce sont les feuillus qui dominent laissant peu à peu la place aux résineux...Pas sans réticence ni ruses qui redonnent parfois l'avantage à celui que l'on pensait vaincu: à plus de 1000 mètres les hêtres étalent sournoisement leurs branches au dessus des petits sapins. Un coup de vent et l'arbre de Noël en a terminé de sa belle et droite croissance: sa cime est cassée. "Si l'homme n'intervient pas c'est souvent le hêtre qui l'emporte de ces deux ennemis" commente Jean Pomarat. L'homme, c'est Dieu en somme dans cette martiale histoire dont il faudrait dire aussi les emblématiques figures des grands peupliers qui baignent leurs racines au bas de la cascade de la joyeuse Trezaillette, les sorbiers qui jouent personnels, les vénérables merisiers, les aulnes et les sycomores, les noisetiers pacifistes (vraiment?)..et les présences animales que l'on devine (ou perçoit à pleines oreilles pour les oiseaux) et qui sont aussi engagées dans leurs luttes à vie et pour la vie. Dieu, nous l'avons rencontré avant les chaumes et les renoncules. Dans les prés-bois, entre l'airelle et la gentiane. Il se prénomme Adolphe et habite à Pivadon la ferme la plus élevée de ces Monts du Forez. Il est à la retraite mais n'a pas encore vraiment posé sa "jaille" qu'il use des deux tranchants: il y a toujours une motte à couper, une rigole à creuser dans ces


pâturages. Dieu connait le nom des vaches, des Montbéliardes aux pis gonflés qu'il appelle "Bardelée", "Barrade", ou "Vigale". C'est un dieu un peu antique en ces temps techniciens. Mais tellement sympathique. Guy Rougier


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