Le retour du père

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le retour du père (nuit du dimanche 22 au lundi 23 août 2004) ­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­ Alors mon père n'était pas mort....Tout d'un coup voilà que je rencontre le petit bonhomme, tout guilleret. Enfin plus guilleret qu'on pourrait l'attendre d'un défunt. Il me hèle en se portant à ma rencontre. "Oui oui c'est moi, n'aie pas peur, j'étais pas mort" qu'il me fait. Et moi d'accepter sans broncher cette affirmation. Mais pas sans creuser un peu. J'y crois pas trop à une résurrection. D'ailleurs quand on prévient "J'étais pas mort" c'est justement qu'on n'est pas "ressuscité d'entre les morts", comme l'Autre Grand Charlatan qui prétend ou fait prétendre.. Comment t'as fait ? que je le questionne... "Ben c'était pas moi dans le cercueil" qu'il m'explique. Et abonde en révélations : "Tu te souviens que vous avez attendu pour me voir sur mon lit de mort ? Ben c'était qu'on était en train de préparer le coup à l'hôpital..." Je me souviens en effet. ça recoupe tout à fait les événements. Même que je m'étais fâché des manières des administratifs de cet établissement pour lesquels l'heure c'était l'heure et vous n'avez qu'à repasser demain... Mais ça n'élucide pas tout. Je me rends compte qu'il y a des lacunes dans cette version des faits. A détailler avant que je puisse l'avaler tout à fait...Je veux bien croire comme il me le suggère qu'on avait mis un autre cadavre que le sien dans le cercueil livré à la disparition par le feu. ça me paraît dans l'ordre du possible. Dans les hôpitaux, j'imagine, doit y en avoir des tas de corps qui traînent, des décédés non réclamés. Alors en sacrifier un pour l'opération "papa fait semblant" ça me paraît dans les règles du réel. Mais quel est le corps qui était exposé dans la chambre funéraire. Dont j'ai touché le visage ? Certes j'ai bien remarqué (et répété à loisir) qu'il ne ressemblait pas à mon père, mais tout de même c'était à peu près ses traits, une corpulence identique, et sous mes doigts ça ne semblait pas être du plastoc. Donc c'était un humain..Dont l'aspect approchait tant celui de l'André Rougier ? Curieux . A étudier. A demander quelles furent précisément les sentiments de ma frangine et de mes frères, et d'Isabelle, et des neveux­nièces, enfin


de tous ceux qui l'ont vu alors... Bref, doit bien y avoir un éclaircissement à ce mystère. Passons à autre chose. Pourquoi cette mascarade ? Qu'en a­t­il tiré ? La mascarade,dit­il, c'était pour voir, pour se rendre compte. De sa popularité sans doute ? Mon esprit galope autour de ce thème. Et où était­il donc pour savoir quelles furent les réactions ? Il faut nécessairement que quelqu'un les lui ai rapportées... Quel fut le "traître". Ou "la traîtresse" ? Quel crédit pouvait­il lui prêter ? Après tout on peut bien imaginer que la personne en question ne lui a pas tout dit. Pour ne pas le chagriner. Si proche est­elle de lui qu'elle doit avoir eu ce tact à son égard. Sûrement même. Alors à quoi ça a pu rimer cette histoire. D'autant qu'il est certain qu'il n'a pu assister en direct à son enterrement, (au dépôt de ses cendres plutôt) ni à la sabouture (1) : on l'aurait repéré dans le décor ! ça aurait fait bizarre... Au fait, qu'a­t­il pensé en découvrant que l'on n'avait pas suivi ses directives à propos de cette (ces) mise(s) au caveau de ses prétendus résidus poussiéreux ? Il n'a pas l'air de m'en vouloir d'avoir négligé totalement ses dernières volontés... Me vient à l'esprit par ailleurs que c'est pour ça qu'il m'avait mis sur la touche dans la dernière mouture de ses recommandations à ce sujet. Pour augmenter les chances que je ne subodore point le montage. Le coup fourré...Michelle a­t­il sans doute pensé serait moins attentive. La Michelle, c'est une gonzesse, n'est­ce pas. Il n'avait rien à craindre. J'ai rien remarqué. Et pourtant je ne me suis pas mis à l'écart de l'organisation de ses funérailles. Plus nul encore qu'il me voyait. Qu'il me voit puisqu'il est toujours là. Toujours là à ne point répondre aux questions qu'on lui pose : qu'a­t­il appris ? quelles sont ses impressions ? Pas moyen de lui tirer un mot là­dessus. Il me les casse à faire comme d'hab son intéressant cultivateur de secrets minables. En revanche, et toujours dans le droit fil de son personnage, il se montre très curieux de savoir ce qu'on pense de cette histoire. Je lui dis sans ambage que je la trouve plus sympa que la plupart des conneries qu'il se plaît d'ordinaire à mettre en scène dans ses parlottes séniles. Et toc !. Qu'il a fait preuve de créativité, même si on ne comprend pas très bien le fin du fin, et même s'il reste tant évasif sur ce qu'il espérait et ce que ça a pu lui rapporter. Il se


rengorge. Pas mort,mais pas changé. D'ailleurs il confirme qu'il est bien le même en sortant un petit paquet de sa poche : enveloppé dans un mouchoir en papier un minuscule bout de je ne sais quoi . Me souviens plus des commentaires. Mais il tend le tout à Jojo...C'est un morceau de son cadavre (?!), arraché au cours des manipulations, faudrait lui remettre en place. Elle s'en chargera n'est­ce pas ? Les femmes faut bien que ça serve à quelque chose dans la réalité. On leur fait tellement de place dans les mondes mytho qu'elles nous doivent bien ça. Toujours le même en effet, le paternel. Rien appris malgré ses subterfuges à la noix. Et moi voilà que je me fais en aparté "la prochaine fois je vérifierai..Des fois que ça serait encore un coup de bluff, il en est bien capable, l'ancêtre..." (1) Chez nous en Auvergne la sabouture c'est le moment d'après funérailles où l'on danse,où l'on rit et où l'on s'amuse comme des fous, c'est le be bop après le blues de la New Orleans, c'est la fiesta mexicaine le jour des ossements sucrés, c'est le bal des squelettes, la sarabande des foutus pour foutus ça nous empêchera pas de nous marrer, le grand apéro à la santé de ceux qui restent.


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