"déterritorialisation et reterritorialisation"

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Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris La Villette Halfaoui Asma

Philosophie : Déterritorialisation et reterritorialisation

On entend souvent dire aujourd’hui que les nouvelles technologies sont "révolutionnaires" mais on ne précise pas si cette révolution est bénéfique ou non. Il suffit de jeter un petit coup d’œil pour se rendre compte de cette révolution qui jouent un rôle dominant ou exercent l’impact le plus important. L’automobile, la télévision et les ordinateurs sont devenus si consubstantiels à notre société, et on ne se rend compte de ca que si nous nous souvenons de ce qu’était le monde avant leur avènement. L’envahissement de ces technologies est accepté avec une passivité alarmante et sans examen systématique des bouleversements sociaux et politiques qu’elles entraînent. En fait tout en les qualifiant de révolutionnaires nous admettons rarement qu’elles ont des implications politiques, telles qu’un effet d’accélération sur la mondialisation. Il est devenu fréquent de lire dans les différents ouvrages et articles critiques de la mondialisation que cette dernière conduirait à une ‘ déterritorialisation. Le terme de ‘déterritorialisation’ nous vient des philosophes postmodernistes Gilles Deleuze et Félix Guattari. Il s'agit d'un phénomène qui conduit un territoire, un objet, à perdre son usage conventionnel ou premier. Ce phénomène s'accompagne d'un processus de reterritorialisation qui redonne un usage à l'espace, au territoire ou à l'objet. Dans la mondialisation, il n'y a donc pas tant ‘déterritorialisation’ que ‘reterritorialisation’. Le non-lieu n'est pas une absence de lieu ou de territoire, mais une représentation particulière du lieu et du territoire. Un lieu qui aurait perdu son caractère ‘traditionnel’ au profit d'une approche fonctionnaliste pure devient peut-être un ‘non-lieu’ sociologique ou philosophique mais il ne s'agit pas d'un ‘non territoire’ ou d'un ‘non-lieu’ géographique. Qu'est-ce qu'un territoire ? Le territoire est un synonyme de lieu et se réfère le plus souvent à une spécificité locale, il peut être désigné comme un espace socialisé, comme un espace ‘approprié’, ou encore comme espace contrôle-borné.(Cette définition renvoie à celle du territoire national avec son Etat et ses frontières.) Le territoire est aussitôt définit comme « un espace à métrique topographique ». Cette définition a le mérite de s'opposer à une autre grande famille de métrique : les réseaux. Lorsqu'on parle de déterritorialisation, on passerait donc selon la dernière définition du territoire au réseau. Mais on comprend bien que l'ensemble des autres définitions nous permet de nuancer l'usage abusif du terme de ‘déterritorialisation’. Pour ne pas prendre le sujet à l'envers, on peut déceler, chez beaucoup d’auteurs, une approche de ce concept essentiellement centrée sur l'affaiblissement des Etats-nations. Il y aurait donc ’déterritorialisation’ car le territoire n'est pas, ou n'est plus, cet Etat-nation borné par des frontières, contrôlant les flux entrant et sortant.


C'est une vision trop rapide du phénomène car l'appropriation de l'espace par un groupe humain, que les postmodernes appelleraient la reterritorialisation, ne fait que produire une autre approche, une autre définition, du territoire. En ce sens la privatisation par des entreprises d'une partie du territoire national ne signifie pas la fin du ou des territoires, elle signifie simplement que l'on passe d'un usage du territoire à un autre. Par ailleurs le territoire ne peut être limité au local, qui n’est qu’une définition du territoire parmi d’autres, quand bien même le local, que la population fréquente, habite et s’approprie quotidiennement, peut sembler être le territoire par excellence car il est un ‘espace vécu’. L'emploi abusif du terme « déterritorialisation » est donc une erreur conceptuelle car la mondialisation ne déterritorialise pas. Couplée à l'explosion démographique, elle a plutôt tendance à ‘territorialiser’ de nouveaux espaces par un phénomène d'anthropisation. Les fronts pionniers*, qu'ils soient forestiers ou maritimes, en sont des exemples. La mondialisation produit de nouveaux territoires et elle change la nature de certains autres dans le cadre d'une mutation globale des systèmes productifs. Les phénomènes d'urbanisation, de métropolisation ou de littoralisation produisent des territoires et des manières d'habiter qui diffèrent des générations précédentes mais il n'y a là-dedans aucune déterritorialisation. Il y a plutôt une forte fragmentation et spécialisation spatiale. La mondialisation redessine la carte des lieus. Ce terme, qui renvoyait à la philosophie mais qu'on applique désormais à la géographie, est donc souvent employé en lieu et place de ‘déracinement’. Les sociétés contemporaines sont ‘déracinées’ mais elles ne sont pas ‘déterritorialisées’. Or le déracinement doit plutôt être étudié sous un angle anthropologique plutôt que strictement géographique. Espaces et territoires sont modelés par ces bouleversements anthropologiques mais ils ne peuvent pas cesser d'exister. La mondialisation est donc un changement d'échelle. C'est l'étude à l'échelle mondiale des grands phénomènes géographiques, des échanges économiques et des relations entre Etats. En ce sens, la mondialisation est « l'avènement du monde », c'est à dire que le « le monde est devenu le Monde ». Mais cet avènement n'a été possible que par les progrès techniques. La mondialisation, c'est l'échange généralisé entre les différentes parties de la planète, l'espace mondial étant alors l'espace de transaction de l'humanité. La technique donc n'est pas neutre et c'est par les progrès techniques que les sociétés humaines se retrouvent bouleversées. C’est grace à elle qu’ à nos jours , le Monde est vu comme un système, tel qu'aucun de ses points n'apparaît plus comme isolé, que l'information circule vite et même quasi instantanément autour du globe, que tous les lieux sont plus ou moins interdépendants, que les décisions d'un Etat ou d'une entreprise sont susceptibles d'avoir des répercutions lointaines, et qu'il est indispensable de prendre conscience de cette solidarité de fait. La vitesse et le numérique qui favorisent la mondialisation actuelle peuvent apparaître comme une ‘ nouvelle révolution néolithique’ au sens où il y a bouleversement total des sociétés. L'économie dont nous parlons actuellement doit beaucoup à la vitesse et aux techniques. Nous produisons des objets qui nous permettent de « gagner du temps », les micro-ondes ou les machines à laver, mais aussi d'être connectés avec nos ordinateurs ou nos téléphones portables.


Ajoutons à cela, même si cela concerne plutôt d'autres pays, la production de voitures. Et si la Chine est intégrée à la mondialisation, c'est bien pour nous permettre d'aller plus vite, d'être connectés et de gagner du temps. Il n'y a donc pas ici « déterritorialisation » car il y a tout au contraire un aménagement très important du territoire : usines, routes, quartiers pavillonnaires, centres d'affaire, centre commerciaux. Le déracinement va de pair avec l'aménagement du territoire donc avec la territorialisation. C'est parce qu'on a aménagé nos territoires, pour les rendre plus productifs, que des milliers d'enfants de paysans se sont retrouvés dans les usines et les bureaux en France. En effet rappelez-vous qu'une des définitions de territoire est « toute portion humanisée de la surface terrestre ». Quoi de plus humanisé qu'une métropole ? Et pourtant quoi de plus déraciné qu'un habitant de cette métropole ?


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