MAGAZINE PARTENAIRES
SUR LE FIL DE LA SOIE
FOCUS mythes et réalités sur la croissance démographique PROFESSION INSTALLATRICE une jeune Bhoutanaise au travail RAPPORT SUR LE CLIMAT contribution d’une experte d’Helvetas CONCOURS gagner une nuit à l’hôtel Hospezi, à Trun
No 217 août 2014
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PERSPECTIVES
Soif de savoir .........................................................................04
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EN CLAIR
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Non à l’initiave Ecopop .......................................................05 REPORTAGE
Tisseuses de soie à Madagascar .................................................. 06
REPORTAGE
FOCUS «MYTHES ET RÉALITÉS SUR LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE»
Politique démographique, planning familial, Ecopop: la position d’Helvetas ............................................................ 12 Point de vue du comité central: Therese Frösch, vice-présidente ........................................... 15 Formation ou préservatif? Débat contradictoire sur les revendications d’Ecopop .... 16 Profession mères éducatrices: engagement pour l’éducation des filles ............................. 19 Réaliser par soi-même: une coiffeuse est un modèle pour de jeunes Népalaises . 20 Commentaire de l’invité: Pierre Dessemontet, géographe .......................................... 21 En savoir plus ......................................................................... 21
© GMB Akash
Chemin de la soie
ÉVÉNEMENT
Profession installatrice: apprentissage au Bhoutan ......... 22 Rapport sur le climat: Rupa Mukerji parle d’urgence ...... 25 SUISSE
La Fedevaco a 25 ans: grande fête en septembre à Morges! ................................... 26 ACTUALITÉS
Météo du développement ...................................................... 27 Semaine d’actions pour le Bénin: idées originales recherchées ................................................. 27 Un paysan des Andes à l'AG d'Helvetas ............................... 28 À Lausanne: journée de bénévoles en octobre .................... 28 Hommage à Serge Chappatte ................................................ 28 Impressum ............................................................................... 28 Festival FILMAR en América latina.....................................29 Agenda......................................................................................29 Concours: gagner une nuit à l’hôtel Hospezi, à Trun.........29 COMMERCE ÉQUITABLE
Traverser les frontières: nouvelle impulsion à nos produits de calendriers .............30
© Flurina Rothenberger
SOMMAIRE
2,2 enfants par femme, telle est la moyenne au Bangladesh. Avec ce taux de fécondité, le pays le plus peuplé de la planète se situe à peine au-dessus du taux de maintien (qui est de 2,1 enfants). D’autres faits surprenants sur la croissance démographique sont livrés dans ce Partenaires.
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12 FOCUS
Page de couverture: Flurina Rothenberger
HELVETAS – Agir pour un monde meilleur VISION Nous voulons un monde dans lequel toutes les personnes vivent dignement et en sécurité, de façon autonome et responsable face à l’environnement. MISSION Nous nous engageons dans des pays en développement pour les personnes et les communautés qui veulent améliorer activement leurs conditions de vie.
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SOMMAIRE
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«Des conditions doivent être remplies pour faire exister un planning familial»
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16 FOCUS
Rupa Mukerji d'Helvetas et Alec Gagneux confrontent leurs points de vue dans un débat.
© Mitjia Rietbrock
Rupa Mukerji
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ÉVÉNEMENT
Avoir du métier
© Vera Hartmann
Éditorial
Une jeune Bhoutanaise apprend son métier de rêve: installatrice sanitaire. Premier grand chantier pour les lieux d’aisance d’un vénérable couvent.
Mesures adéquates? Voulez-vous savoir quand j’ai acheté mon premier préservatif? C’était pendant des vacances en Écosse, j’étais une teenager et j’ai dû sauver une bouteille de camping qui fuyait. Le remède: mettre un préservatif sans gel sur l’embout et revisser le bouchon! Au Bangladesh, on apprend que les préservatifs font d’excellentes rustines pour réparer les pneus de vélos. Naturellement, les «capotes» sont terriblement importantes pour planifier les naissances et protéger des infections. Mais leurs ventes ne disent rien de leur utilisation. Les gens décident seuls d'en faire usage. Notamment si une famille avec peu d’enfants est souhaitée. Dans les régions les plus pauvres, en particulier en Afrique, les couples n’ont souvent pas la sécurité socio-économique permettant d’avoir peu d’enfants. De plus, les femmes n’ont guère droit à la parole quant à la taille de la famille. L’initiative Ecopop veut que bien plus de fonds suisses pour le développement soient attribués à la contraception. Au détriment de projets qui créent les conditions cadres favorables à des familles plus petites. Le focus de ce numéro explique pourquoi cela ne peut pas fonctionner.
Susanne Strässle, rédactrice de «Partenaires»
HELVETAS Swiss Intercooperation 7-9, ch. de Balexert 1219 Châtelaine Tél. +41 (0)21 804 58 00 Fax +41 (0)21 804 58 01 romandie@helvetas.org www.helvetas.ch CP 10-1133-7
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ÉDITORIAL
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© Nick Onken
© Keystone/Alessandro della Valle
SOIF DE SAVOIR
C’est la rentrée scolaire. En Suisse (en haut), d’innombrables enfants se réjouissent de cette nouvelle vie et de faire enfin partie des «grands». De même au Guatemala (en bas), la joie de ces fillettes est immense. Et communicatrice. C’est bien ainsi, la soif de savoir devrait tous nous habiter. Mais dans bien des régions du monde, les filles sont encore privées d’école. Elles doivent aider à la maison et les familles considèrent leur formation comme un «mauvais investissement», puisqu’elles seront de toute façon bientôt mariées et qu’elles partiront. Mais le développement durable et le progrès aussi bien économique que social ne sont possibles que lorsque les filles peuvent aller à l’école. –SUS
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PERSPECTIVES
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NON À ECOPOP
«La vraie clé d’une croissance démographique durable est l’éducation» de l’immigration, il faut être totalement naïf ou dangereusement populiste. Qu’une personne consomme de l’énergie, de l’air, de l’eau et des produits de la terre en Suisse ou ailleurs en Europe n’a aucune importance d’un point de vue global. Cette revendication n’est rien de plus qu’une nouvelle tentative d’ériger des murs encore plus hauts autour de ce pays pour empêcher que n’entrent des réfugiés et des travailleurs des pays voisins. Cette initiative veut faire de la Suisse une sorte de quartier sécurisé: ceux qui sont dedans consomment à satiété aux frais de ceux qui sont dehors. En ma qualité de citoyen, je dis catégoriquement non à une telle vision. En tant qu’expert de la coopération au développement, je dis doublement non à Ecopop. Car l’initiative exige aussi que la Confédération consacre 10% de l’aide publique au développement à des programmes de planification familiale dans les pays en développement. Cela représente quelque 200 millions
de francs par an, soit plus du double du montant actuel. Il s’agit là aussi d’une fausse bonne idée pour préserver les ressources. En effet, la consommation d’une famille moyenne suisse est sans commune mesure avec celle d’une famille rurale en Éthiopie. La planification familiale décidée de plein gré est évidemment une bonne chose. Les femmes et les hommes doivent pouvoir choisir le nombre d’enfants souhaités et utiliser les contraceptifs en fonction. Le problème est que dans de nombreux pays africains, les femmes ne le peuvent pas. Pourquoi? Les auteurs de l’initiative esquivent la question, pourtant la réponse est relativement simple. Il ne suffit pas de mettre à disposition des contraceptifs, comme aimerait le faire croire Ecopop: la vraie clé du développement et d’une croissance démographique soutenable est l’éducation, en particulier celle des jeunes femmes. La formation leur donne accès à des revenus et à l’autonomie économique et sociale. L’expérience et les statistiques le montrent clairement, en Suisse aussi: les femmes gagnant un salaire sont plus
respectées au sein de leur famille, leur avis sur le nombre d’enfants est écouté. Cependant, en bien des endroits, laisser les fi lles fréquenter l’école plus de deux ou trois ans et suivre une formation n’est toujours pas la norme. À l’heure actuelle, partout dans le monde, les couples veulent peu d’enfants. Les taux de fécondité de la plupart des pays d’Asie et d’Amérique latine sont de deux à trois enfants par femme. Cette évolution ne doit rien à des programmes de planning familial ou à l’inquiétude face aux ressources qui se raréfient. Elle est plutôt due à une meilleure formation et à la baisse de la mortalité infantile, qui ont offert de nouvelles perspectives aux couples et une alternative aux enfants nombreux destinés à servir de bras supplémentaires et d’assurance vieillesse. C’est à cela que nous consacrons nos efforts.
Melchior Lengsfeld, directeur d'HELVETAS Swiss Intercooperation, avec sa fille Nausicaa.
© Maurice K. Grünig
Fin novembre, le peuple se prononcera sur un objet relatif à la coopération suisse au développement. Une telle occasion est exceptionnelle et donc à priori réjouissante. Mais l’initiative Ecopop n’a rien pour me plaire. Dans le but de préserver des ressources toujours plus rares, ses auteurs veulent freiner la croissance démographique: en Suisse, par une limitation stricte de l’immigration; dans les pays en développement, par un investissement disproportionné dans des mesures de planning familial. Or cela ne contribue que peu à protéger les ressources, et seulement indirectement. Pour prétendre résoudre le problème des ressources par une limitation
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EN CLAIR
TISSEUSES DE SOIE
La teinture naturelle exige de très bonnes connaissances et beaucoup d’attention: des expertes de la coopérative à l’œuvre.
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Les foulards en soie cachent de nombreuses heures de travail. Les tisseuses de soie de Sandrandahy, dans le haut pays malgache, se sont regroupées et vendent leurs foulards à un prix équitable.
Par Hanspeter Bundi (texte) et Flurina Rothenberger (photos) «Il est difficile d’aimer la soie lorsque celle-ci a été bouillie trop longtemps», raconte Marie-Louise Rasoanirina, dont la vie a toujours été étroitement liée à la soie sauvage. Elle a assisté à la cuisson de la soie pour la première fois il y a presque 60 ans. Ses parents faisaient tremper les cocons de vers à soie, récoltés dans les forêts de tapias, dans de l’eau bouillante qu’il fallait maintenir chaude toute la journée. Elle avait alors observé avec attention comment les femmes rassemblaient les fils de soie sur leur jambe pour les filer à la main. Très vite, MarieLouise avait fait de même. Par ailleurs, elle aidait à recueillir les écorces et les feuilles utiles pour la teinture et regardait les femmes faire glisser les écheveaux dans le bain, avant de les en ressortir quelques heures après et de les suspendre pour les laisser sécher. Ce qu’elle préférait était s’asseoir à côté du métier à tisser et regarder sa mère faire aller la navette. Lentement, si lentement, l’étoffe se formait. Marie-Louise demandait toujours à essayer, et c’est à douze ans qu’elle a commencé à tisser. Les tissus étaient de couleurs vives s’il s’agissait de cadeaux de mariages, de teintes neutres ou rouges s’ils étaient desti-
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De la soie sauvage bouillie, avant le filage.
Jean lave la soie dans la rivière.
Embobinés: les fils sont rassemblés par Vivianne en écheveaux de soie.
nés aux morts. Marie-Louise est rapidement devenue une Rester et tisser ouvrière compétente. Lorsqu’elle parle d’«aimer la soie», elle Sandrandahy est ce que l’on peut appeler une petite ville asveut dire «travailler la soie». Mais il n’était pas question de soupie. Des écoles, un hôpital rudimentaire, une petite place penser à une formation scolaire digne de ce nom et, malgré de marché, une église. Dans tous les quartiers de la ville, il ses quatre années d'école, Marie-Louise le dit aujourd’hui: «Je est frappant de voir un grand nombre de maisons bien enn’ai aucune formation.» tretenues dont les portes et N’a-t-elle jamais les volets sont fermés, voire trouvé ennuyeux d’accomcloués. Ces maisons appar«Tant qu’il y aura des cocons de soie, tiennent à des familles plir le même travail toute qui ont émigré, mais à qui la journée, toute la semaine il se trouvera des gens pour en faire l’honneur impose de mainà Sandrandahy, un endroit quelque chose» tenir en bon état la maison reculé? «Quand tes parents Marie-Louise Rasoanirina, tisseuse de soie de leurs défunts parents et sont pauvres, que tu veux les tombes de leur famille. pouvoir t’habiller comme «Ce sont toujours les les autres et quand tu vois les efforts que font tes parents, la volonté de travailler est une hommes qui décident de partir. Les femmes veulent rester», évidence. Il faut alors gagner de l’argent», dit-elle aujourd’hui. explique Marie-Louise. Elles souhaitent vivre et élever leurs Elle répète trois fois cette phrase… enfants là où leurs ancêtres reposent et veulent pour cela pou-
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REPORTAGE REPORTAGE
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Marie-Louise coud les derniers points.
Au métier à tisser: une technique séculaire pour une étoffe chatoyante.
voir s’assurer un revenu. Comme la plupart des parcelles sont trop petites pour subvenir à leurs besoins et que les emplois sont rares dans la région, elles se lancent dans le tissage de la soie. Les femmes de Sandrandahy travaillent de manière traditionnelle la soie sauvage des forêts de tapias malgaches. Si ces dernières couvraient autrefois de vastes surfaces des Hautes Terres de Madagascar, elles ont reculé face au défrichage pour l'agriculture et à l’extraction du charbon. Ce qui subsiste de la forêt est désormais protégé. Les habitants de la région, pour la plupart des paysans, ont le droit de récolter et de vendre les cocons de la chenille Borocera madagascariensis (voir «3 questions à»). Ces cocons sont plus petits et plus difficiles à travailler que ceux du ver à soie d’élevage. Avant le filage, les fils doivent être bouillis et trempés des jours entiers. «Pour confectionner un foulard de soie, il est essentiel de connaître toutes les étapes de sa fabrication», affirme
Les vers à soie vivent dans l’arbre tapia.
Marie-Louise. À 17 ans, quand elle s’est mariée, elle maîtrisait toutes les étapes. Elle a dispensé son savoir à la famille de son mari, et c’est à cinq qu’ils ont commencé à tisser des soieries. Pendant tout le début du processus de production, la beauté de la soie reste cachée. Les cocons bouillis ressemblent à des champignons avariés. Avant d’être tissée, la soie rappelle le rembourrage d’un vieux fauteuil, et les pelotes qui trempent dans les bains de teinture font penser à des boyaux en train de cuire. C’est seulement lorsque les fils de couleurs jaune moutarde, rouge grenat ou vert olive sèchent que la noblesse du matériau apparaît pour la première fois. Créatrices de petite entreprise Marie-Louise est une femme à l’esprit pratique. Si possible, elle réalise elle-même toutes les étapes de la fabrication. Il ne lui viendrait jamais à l’idée de vanter la beauté d’un foulard. On pourrait presque dire que seules les personnes qui admirent et celles qui achètent voient la beauté de l’objet. Pour
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REPORTAGE
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Marie-Louise, il n’existe pas de travail de grande ou de petite valeur, mais un travail facile ou délicat. Ainsi, la cuisson des cocons est délicate et requiert une grande attention tout au long de la journée. La teinture est également un processus délicat, car il faut être très précis pour obtenir les couleurs justes. C’est pourquoi les productrices réalisent elles-mêmes ces étapes. En revanche, la préparation des cotonnades ou le filage de la soie peuvent être délégués à d’autres travailleuses. Au fil du temps, beaucoup de tisserandes ont créé de petites entreprises et organisé les différentes tâches, comme l’expérimentée Raoly. Lorsqu'elle a besoin d’aide, elle fait passer le message au marché pour que tout le monde sache que Raoly cherche des fileuses. Elle ne parle pas de salaire. Les femmes sont payées en fonction du volume produit, obtenant ainsi entre 3000 et 5000 ariary par jour, l’équivalent de 1,20 à 2 francs. Les petites entrepreneuses sont certes conscientes que ces sommes ne suffisent pas à nourrir une famille, mais pour les justifier elles recourent à des arguments semblables à ceux des entreprises suisses actives dans les branches à faible rémunération. «Sans nous, il n’y aurait plus du tout de travail» «Nous assumons tous les risques» «Si le prix des foulards augmente, nous n’en vendrons plus et tout le monde sera perdant» Autrefois, la soie faisait partie intégrante de la vie malgache. Les étoffes de soie marquaient l’origine et le statut social. La tradition voulait qu’on offre de magnifiques foulards de soie comme cadeaux de mariage, et les morts étaient enveloppés d’étoffes de soie appelées «lamba mena» avant de reposer dans le tombeau familial. Aujourd’hui, seules les classes aisées de la population peuvent s’offrir de la soie. C’est pourquoi nombre de tisserandes ont commencé à produire pour les touristes. Les femmes de Sandrandahy espèrent elles aussi gagner plus d’argent ainsi qu’avec les foulards traditionnels. Étoffes pour les morts – étoffes pour les vivants Mais les habitantes de Sandrandahy ne sont pas les seules à avoir eu cette idée, ce qui a fait baisser le prix des foulards de soie sauvage. Dans les rues d’Ambositra, une ville touristique de la région, un foulard se vend 25 000 ariary, parfois même 20 000 ariary, soit sept à dix francs suisses. Un montant dérisoire pour un objet qui a exigé 25 à 30 heures de travail, sans compter le ramassage des cocons. Pour pouvoir mieux vendre leurs produits, les tisserandes de Sandrandahy ont fondé une coopérative. Soutenus par Helvetas dans un projet financé par la DDC, 98 femmes et trois hommes ont amélioré leurs techniques de teinture et découvert le filage au fuseau, comme cela se fait entre autres sur l’Altiplano sud-américain. Ils ont appris à tenir une comptabilité, à convoquer une assemblée, à établir des procès-ver-
Photo de groupe: les femmes et quelques hommes, portant des foulards
baux et des budgets et, surtout, à apprécier la valeur de leur propre travail. Au nouveau siège de la coopérative, situé aux confins de la ville, trente femmes se sont réunies pour rencontrer un groupe de touristes. Elles ont expliqué leur travail et présenté les foulards qu’elles espèrent vendre. Dans le local de vente, des soieries sont suspendues. Toute la variété du travail des tisserandes est représentée: tissus en rangs serrés ou en rangs lâches, étoffes monochromes, à carreaux ou à rayures. Les tisserandes ne laissent rien transparaître, mais elles sont curieuses de connaître les réactions des visiteuses et attendent devant le local. Contrairement à la vente dans les quartiers touristiques, personne ne doit se sentir forcé d’acheter et les prix ne sont pas négociés. Selon le poids et la qualité, les foulards se vendent au moins 60 000 ariary. C'est autant que le prix obtenu - tel que négocié par une jeune Américaine - lors d'une foire à Santa Fe, aux États-Unis. Grâce aux contacts entretenus avec les États-Unis, les entrepreneuses de la coopérative se sont assuré aujourd’hui une modeste prospérité. C’est notamment le cas de MarieAngeline Rasoarimanana, 44 ans. Elle possède un minuscule terrain de la taille d’un potager, son mari est alcoolique, et ses cinq enfants vont encore à l’école. Néanmoins sa production d’étoffes de soie lui permet d’entretenir toute la famille. «Tous mes enfants vont à l’école bien nourris. Et ils n’ont pas à avoir honte de leurs habits», raconte Marie-Angeline. L’année dernière, elle a même pu économiser deux millions d’ariary, une
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REPORTAGE
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questions à Julia Randimbisoa, directrice adjointe d’Helvetas Madagascar
Non seulement les tisseuses de soie mais aussi les écologistes mentionnent à plusieurs reprises les forêts de tapias. Pourquoi sont-elles si importantes pour votre pays? Le tapia est un arbre qui se trouve uniquement à Madagascar. Les forêts de tapias sont un habitat pour le ver à soie malgache, mais elles sont fortement menacées par les activités humaines (bois de chauffe, utilisation pour l’agriculture, etc.) Les forêts de tapias sont protégées. Il est interdit de couper des arbres ou de défricher.
qu’ils ont produits eux-mêmes.
somme supérieure à ce qu’elle aurait gagné en une année en travaillant en ville. Fair veut dire équitable pour tous Lorsqu’Helvetas a conclu le projet Sandrandahy en 2012, il était déjà clair que la coopérative serait un succès. Aujourd’hui, ses membres se portent bien. Les femmes envisagent l’avenir avec confiance. Malheureusement le fossé qui sépare les entrepreneuses de leurs employées est toujours aussi profond, et les cueilleurs de cocons restent trop peu payés pour leur travail. Cela doit changer. Les foulards de soie sauvage malgache ont suscité l’enthousiasme des responsables du Fairshop d’Helvetas, qui vont les inclure dans l’assortiment. Au printemps prochain, le «Fair Trade Code» d’Helvetas doit être signé par les productrices et par Helvetas. Ce document engage les deux parties et porte sur des points tels que l’équité des salaires pour tous, la sécurité sociale des travailleuses, la liberté syndicale, la stabilité des relations commerciales ainsi que le versement d’une prime Fairtrade aux projets communautaires. Mandaté par le Fairshop, Helvetas Madagascar clarifiera sur place les besoins et les possibilités. Dès l’automne 2015, les foulards en soie de Madagascar doivent être en vente au Fairshop, des foulards non seulement beaux mais qui contribuent à la prospérité de tout un village. Dans le hameau de Belanitre, en dehors de Sandrandahy, Marie-Louise termine de coudre un foulard de couleur jaune moutarde sur la terrasse de sa maison. Le soleil vient à peine
Qu'en est-il des personnes qui recueillent des cocons de soie dans ces forêts? Cette activité est-elle illégale? Au contraire, la gestion durable des forêts de tapias est confiée par l’État aux communautés riveraines. Les parcs nationaux sont généralement respectés et la population locale peut en tirer profit avec les produits pouvant être vendus ou consommés, avec l'exploitation contrôlée du bois ou encore avec l'écotourisme. Dans ces forêts, ce sont les fruits de l’arbre, les champignons sauvages et les cocons de vers à soie qui créent des revenus. Les populations ont donc un intérêt vital à ce que les tapias, dont les feuilles sont l'aliment de base des vers à soie, soient protégés. Mais ce travail génère très peu de revenus. Est-ce qu'un salaire d’un à deux francs par jour est une incitation suffisante? Je ne sais pas combien de temps ce salaire restera attrayant. Il est clair que la collecte de vers à soie est un travail d’appoint pour les femmes leur apportant des revenus réguliers. C'est pourquoi il est si important que les productrices des foulards en soie sauvage obtiennent un prix équitable et qu'une partie de ces gains permette de mieux rémunérer les gens habitant près des forêts de tapias. Car ils sont ainsi prêts à protéger activement la forêt, qui est leur capital.
de se coucher, colorant les murs de la maison d’un rouge intense. L’eau des rizières scintille. Au loin on entend une voix de femme, puis c’est le silence. Pas même un chien qui aboie. Marie-Louise caresse le tissu. Le voilà, l’amour de la soie dont elle parlait plus tôt. «Mes ancêtres ont travaillé la soie. C’est maintenant notre tour. Tant qu’il y aura des cocons de soie, il se trouvera des gens pour en faire quelque chose», conclut-elle. Traduit de l’allemand par Maude Hermann
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REPORTAGE
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FOCUS
«Mythes et réalités sur la croissance démographique»
PETITES FAMILLES AVEC AVENIR L’initiative populaire de l’association Ecopop demande que la coopération suisse au développement consacre bien davantage de fonds au planning familial. Son argument est simpliste et passe totalement à côté du problème.
Par Bernd Steimann
© Stephanie Sinclaire
Fin novembre, le peuple suisse se prononcera sur un projet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, surtout depuis l’acceptation de l’initiative sur l’immigration de masse en février 2014. L’association Ecopop – environnement et population a lancé l’initiative «Halte à la surpopulation – Oui à la préservation durable des ressources naturelles» par
souci de l’environnement et du bien-être des générations futures. Le texte formule deux exigences: premièrement, la limitation en Suisse de la croissance de la population par l’immigration à 0,2% par an; deuxièmement, l’obligation pour la Confédération de consacrer au moins 10% des fonds de la coopération au développement à des mesures renforçant le planning familial. L’argument invoqué est simple: à ce jour, le changement des compor-
Ce que ces jeunes filles ont besoin en priorité c’est… a) une loi qui les protège du mariage précoce b) d’une information sur la sexualité
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tements individuels et les progrès techniques n’ont pas permis de tendre vers plus de durabilité, si bien que la pression sur l’environnement continue d’augmenter. Par conséquent, la manière de progresser serait de limiter la croissance démographique, en Suisse comme ailleurs. À première vue séduisante, cette idée poussiéreuse datant de plus de deux siècles passe complètement à côté du problème. Pression sur les ressources naturelles: les vraies causes En 1798 déjà, l’économiste anglais Thomas Malthus stipulait, dans son fameux essai, que la cause réelle des famines récurrentes n’était pas une mauvaise répartition des denrées alimentaires, mais le nombre élevé de pauvres. Cette hypothèse a inspiré bien des programmes nationaux de contrôle des naissances tout au long du 20e siècle et trouve encore d’ardents défenseurs de nos jours, bien qu’elle ait été réfutée à plusieurs reprises pendant les deux derniers siècles. S’il est certes vrai que la pression sur les ressources naturelles continue de s’accroître et que les ressources en terre, en eau et en forêt se raréfient à l’échelle planétaire, cela n’a pas grand-chose à voir avec l’augmentation de la population mondiale ou les pauvres. Bien au contraire, en ce 21e siècle, la consommation des ressources n’a jamais été si inégale: aux États-Unis ou en Suisse, on vit sans se soucier des lendemains en
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consommant l’équivalent de respectivement 4,4 et 2,8 planètes, alors que la majorité des habitants des pays en développement vivent toujours dans la pauvreté. Ils n’ont ni seconde ni première voiture, ne mangent pas de fraises en hiver et la plupart d’entre eux n’osent pas même rêver d’un voyage touristique en Extrême-Orient. Les causes de la pression sur les ressources et les changements climatiques sont donc essentiellement à chercher dans les pays fortement industrialisés, comme la Suisse.
Plus une région est développée, moins elle compte de naissances. L’Afrique est la seule région du monde où le taux de natalité moyen est toujours de 4,6 enfants par femme. En particulier dans les pays subsahariens, la transition démographique, soit la baisse des taux de mortalité et de natalité, est advenue beaucoup plus tard qu’ailleurs. Par conséquent, l’ONU s’attend à ce que la population africaine,
© Annette Boutellier
Croissance démographique: différences régionales Il est néanmoins évident qu’une croissance démographique débridée poserait problème. La population mondiale a plus que doublé depuis 1960. Aujourd’hui notre planète ne compte pas moins de sept milliards de personnes. Selon les estimations de l’ONU, nous serons plus de dix milliards en 2100. Cependant un fléchissement se fait sentir: l’augmentation n’est plus que de 1% par an et le taux de fécondité global se situe aujourd’hui à
2,5 enfants par femme (4,5 en 1970). En Chine et en Inde, la population devrait se stabiliser autour des années 2025 et 2060. Les statistiques montrent que plus une région est développée, c’est-à-dire plus le niveau d’éducation, le revenu et l’espérance de vie sont élevés, moins elle compte de naissances.
Quatre bonnes raisons de voter contre Ecopop Cynique
ce sont surtout les pays fortement industrialisés comme la Suisse qui accaparent une part largement supérieure à la moyenne des ressources naturelles. Si l’on veut agir concrètement contre la pression globale sur les ressources, c’est par soi-même qu’il faut commencer.
Lutte contre les symptômes
le planning familial est certes important, mais ce n’est pas le meilleur moyen de lutter contre un taux de fécondité élevé. On sait qu’il est bien plus efficace d’investir de façon ciblée dans la formation, la rémunération et l’émancipation des femmes ainsi que dans la santé de la mère et de l’enfant, d’autant qu’on en retire de multiples avantages.
Disproportionné
en 2013, la coopération suisse au développement a consacré 69 millions de francs suisses à la santé sexuelle et reproductive. Augmenter ce montant à plus de 200 millions de francs par an prétériterait d’autres domaines tout aussi importants et qui se sont révélés plus efficaces pour faire baisser le taux de natalité.
Une offre artificielle Ce dont cette jeune mère a besoin maintenant c’est… a) de contraception b) d’une alimentation saine et d’eau potable
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la coopération suisse au développement doit continuer à orienter son action en fonction de la demande sur le terrain au lieu de créer une offre artificielle. Inscrire une obligation dans la Constitution n’a aucun sens.
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Niger
6.5 Afghanistan 6 5.5
Burkina Faso Mali Éthiopie
Mozambique 4.5
Madagascar
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Pakistan
Guatemala
3.5
Haïti Laos
3
Vietnam Inde
Népal
2.5 2
Bangladesh
Honduras Nicaragua
Tadjikistan
Bolivie Équateur
Kirghizistan
Pérou
USA
Birmanie Chine
1.5
Albanie
Géorgie
Arménie
Macédoine
Canada
Suisse
1
Corée du Sud
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2
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5 6 7 8 9 10 11 Nombre d’années de formation (femmes entre 15 et 44 ans)
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La formation entraîne le changement: plus les femmes sont formées, moins elles ont d’enfants. (Sur ce graphique, les pays partenaires d'Helvetas apparaissent en rouge.)
actuellement de 1 milliard, atteigne jusqu’à 3,6 milliards d’ici à 2100 (voir graphique). Cette croissance a pour effet de neutraliser les efforts de développement entrepris en Afrique subsaharienne: les écoles redeviennent trop petites, les réserves d’eau ne suffisent plus et beaucoup de jeunes ne trouvent pas de travail. Malgré tout, il serait faux de croire que les États africains souffrent en premier lieu d’une trop grande densité de population. Avec ses 198 habitants au km2, la Suisse se place devant le Nigeria, pourtant le pays le plus densément peuplé d’Afrique (180 hab./km2). D’autres pays comme l’Érythrée (59 hab./km2) ou le Tchad (10 hab./km2) pointent loin derrière. Planning familial: un paquet global La clé du problème est de comprendre pourquoi la population subsaharienne continue de croître autant. Les auteurs de l’initiative avancent l’argument d’une demande insatisfaite de moyens de contraception et de planning familial:
les femmes tomberaient enceintes sans le vouloir parce qu’elles n’auraient pas accès aux préservatifs et autres contraceptifs. Toutefois, selon des enquêtes globales de la Banque mondiale et de l’ONU, le planning familial préventif échoue d’abord parce qu’elle se heurte à la pression sociale et économique qui pèse sur les jeunes femmes. D’un côté, les hommes et les beaux-parents s’opposent à l’utilisation de contraceptifs et, de l’autre, avoir une progéniture nombreuse est une assurance pour la vie. En effet, celui qui n’a ni formation ni revenu garanti et qui ne peut pas compter sur un système de sécurité sociale performant a tout intérêt à avoir suffisamment d’enfants: d’abord comme main d’œuvre supplémentaire, puis comme soutien concret pendant la vieillesse. En 1994, la Conférence internationale des Nations Unies sur la population et le développement au Caire a admis que la planification familiale ne fonctionne qu’en tant que paquet global. Il ne sert à rien de faire de la sensibilisa-
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tion, de donner accès aux contraceptifs et de défendre le droit à la santé reproductive si parallèlement on ne cherche pas à lutter contre la pauvreté, à instaurer l’égalité des sexes et à proposer une offre de formation aux jeunes femmes. Cette combinaison s’est révélée payante au Bangladesh. Grâce aux investissements dans la santé et la formation, à une lutte ciblée contre la pauvreté et à l’introduction de microcrédits, le taux de fécondité a chuté de plus de 7 enfants en 1970 à 2,2 enfants par femme, et ce dans le pays le plus densément peuplé du monde. Ce qui prouve qu’investir dans la formation de base et professionnelle des jeunes femmes est très efficace pour faire diminuer le taux de natalité à long terme. Plusieurs enquêtes ont montré que les femmes ayant des qualifications professionnelles ont moins d’enfants (voir graphique), car une solide formation ne les protège pas seulement d’un mariage précoce mais leur permet également de prendre leur vie en main en leur procurant revenus, reconnaissance et sécu-
© Gapminder
Nombre d’enfants par femme
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Tanzanie
Bénin
© Asad Salim
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rité. Les exemples du Burkina Faso et du Népal sont parlants (voir p. 19 et 20). L’engagement d’Helvetas Helvetas s’engage depuis de nombreuses années pour la formation de base et professionnelle en milieu rural. Les jeunes ont la possibilité de terminer leur scolarité puis d’entreprendre une formation professionnelle dans des filières agricoles, artisanale ou technique. Helvetas veille tout particulièrement à inclure la participation des filles et des femmes. Grâce à ce soutien, 94 146 filles et femmes ont pu aller à l’école ou faire une formation en 2013, dont 59 410 en Afrique. L’action d’Helvetas n’est pas motivée par le souci d’une croissance démographique potentiellement démesurée. Il serait aberrant d’envoyer les filles et les femmes à l’école uniquement pour qu’elles mettent moins d’enfants au monde. N’oublions pas que la for-
Que doivent Was müssen apprendre diese Mädchen ces fillettes lernen, pour um Ingenieurinnen devenir des ingénieures: zu werden: a) àLesen, lire, écrire Schreiben et calculer und Rechnen b) comment Wie man ein utiliser Kondom un préservatif benutzt
mation est un droit humain et donc un bien universel, ce qui n’est pas le cas des contraceptifs.
Bernd Steimann est coordinateur de la politique de développement chez Helvetas. Traduit de l’allemand par Claudia Gämperle
© Alexander Egger
Commentaire du comité central Seule l’éducation est efficace Au Bénin, plusieurs personnes m’ont dit que les ateliers de confection peinaient à trouver des apprentis et des tailleurs qualifiés. La raison est simple: les jeunes n’ont pas les moyens de payer leur apprentissage. Car au Bénin un apprenti doit verser des sommes conséquentes pendant sa formation, contrairement à ce qui se passe en Suisse où les apprentis reçoivent un salaire, ce qui est une incitation dans le bon sens, vers l’autodétermination, la qualification et l’indépendance financière. Couplée à la pauvreté, la croissance démographique toujours aussi forte en Afrique subsaharienne est certes inquiétante. Mais on aurait tort de croire que des mesures isolées de planning familial feraient baisser le taux de natalité, sans compter que les femmes du Sud ne sauraient y être contraintes. En effet, avec leurs faibles ressources, elles n’ont guère d’options pour tenter d’améliorer l’existence des leurs. Pour elles, une progéniture nombreuse est synonyme de main d’œuvre additionnelle dans le combat quotidien pour la survie et de soutien à la vieillesse.
Le meilleur moyen de lutter contre les causes structurelles de la pauvreté et de faire baisser les taux de natalité en Afrique est d’investir dans la formation de base et professionnelle, dans la santé ainsi que dans l’émancipation socioéconomique et la participation des jeunes femmes. Car plus leur parcours scolaire est long, plus elles se marieront et feront des enfants tard. Les femmes ayant une bonne formation savent tout sur le planning familial et les grossesses non désirées. De surcroît, elles sont plus respectées et ont plus d’influence au sein de leur famille et de leur communauté. Forte de ce constat, Helvetas a fait de la formation des jeunes un pilier important de son travail, ce qui constitue aussi une réponse efficace à un taux de natalité élevé. De son côté, l’initiative Ecopop exige qu’une part fixe de l’aide au développement soit vouée à la planification familiale. Cet argent ne sera alors plus disponible pour d’autres projets, de formation notamment, qui seraient bien plus utiles. C’est pourquoi le comité central d’Helvetas rejette clairement l’initiative Ecopop. Therese Frösch, vice-présidente d’HELVETAS Swiss Intercooperation
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FORMATION OU PRÉSERVATIF? Faut-il consacrer au planning familial une part importante de l’aide suisse au développement? Débat contradictoire entre Alec Gagneux d’Ecopop et Rupa Mukerji d’Helvetas.
Modération: Mike Weibel L’initiative Ecopop veut intégrer le planning familial dans le programme de la coopération suisse au développement. Quelles sont vos expériences à ce sujet dans les pays en développement? Rupa Mukerji: Les années 1970 ont été marquantes pour moi, lorsqu’Indira Gandhi, alors premier ministre de l’Inde, a introduit un système de planning familial rigide. Les hôpitaux devaient atteindre des quotas de stérilisations, si bien qu’ils stérilisaient des patients sans leur assentiment. J’ai vu comment les droits fondamentaux étaient violés au nom d’un «objectif supérieur» fixé par le gouvernement. Aujourd’hui encore le planning familial reste un sujet tabou en Inde. C’est très délicat de fixer des objectifs autoritaires en la matière. Alec Gagneux: Le problème de la croissance démographique me préoccupe depuis vingt ans. En 1994, la conférence des Nations Unies au Caire a déclaré que la santé reproductive était un droit humain. Cette conférence est restée sans suite, par crainte d’un revers et sur pression des États-Unis et du Vatican. En tant que conseiller, je me déplace dans les pays en développement. Je construis par exemple des fours solaires avec la population locale. Dans tous mes projets, j’intègre le planning familial volontaire et je donne aussi des conseils à propos du sida et d’autres maladies sexuellement transmissibles. Je suis frappé de voir que la DDC et la plupart des organisations suisses de développement montrent si peu d’empathie envers les 80 millions de grossesses annuelles non désirées et les 40 millions d’avortements qui en résultent.
Différents points de vue: Rupa Mukerji d’Helvetas (à g.) et Alec Gagneux d’Ecopop (à d.).
Au cours des prochaines décennies, l’Inde va devenir le pays le plus peuplé du monde. Quels problèmes et quelles solutions y voyez-vous? Alec Gagneux: Le problème se situe au niveau des grossesses non désirées qui représentent environ un tiers de la croissance démographique. Il manque surtout un accès aux contraceptifs et à l’information. Avec l’accord des chemins de fer indiens, j’ai installé des distributeurs de préservatifs et de brochures d’informations dans diverses gares comme New Delhi, Mumbai ou Tirupur. Cette action a été très bien accueillie. Rupa Mukerji: L’impact des contraceptifs est controversé. En Inde, selon des études approfondies, c’est dans l’État du
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Pendjab que l’utilisation de préservatifs est la plus courante, mais le nombre d’enfants par femme y est nettement plus élevé que par exemple au Tamil Nadu. Dans cet État, un programme social offrant le repas de midi dans les écoles a vu le jour. Pour en profiter, les familles les plus pauvres qui peinent à nourrir leurs enfants les ont envoyés à l’école, filles comprises. Au terme de leur scolarité, ces jeunes femmes ont créé des groupes d’entraide et développé leur propre vision de l’avenir. Lorsque les filles vont à l’école de façon suivie et apprennent ensuite un métier, elles ne sont plus à la charge de leurs parents, même si elles continuent à vivre chez eux. De telles offres donnent de bien meilleurs résultats que la distribution de préservatifs.
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Le problème n’est donc pas le manque de contraceptifs?
à attribuer quelque 200 millions de francs par an au planning familial, alors qu’elle y consacre déjà 69 millions. Pourquoi cette nouvelle répartition?
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Rupa Mukerji: Certainement pas, comme le démontre l’enquête du Fonds des Nations Unies pour la population
Alec Gagneux: Nous voulons que le droit humain à la planification familiale et à la santé reproductive soit une réalité aussi dans les pays en développement. Chacun doit pouvoir décider librement du nombre d’enfants qu’il souhaite. Les pays partenaires de la coopération suisse au développement devraient proposer les mêmes services que ceux qui sont si évidents pour nous: conseils, accès aux contraceptifs, suivi médical pendant la grossesse et l’accouchement. Nous voulons un développement durable qui assure les moyens de subsistance pour les générations futures. En 1971, le WWF préconisait, non sans courage, de ne pas avoir plus de deux enfants sinon la nature y veillerait en élevant les taux de mortalité. Cet avertissement est plus actuel que jamais. Rupa Mukerji: Les pays à forte croissance démographique où la coopération suisse est engagée ne sont plus très nombreux. Et là où nous sommes actifs, nous nous
(FNUAP). Moins d’un pourcent des personnes interrogées pointent du doigt l’absence de contraceptifs comme motif pour ne pas en utiliser. L'opinion individuelle occupe la première place, que les raisons soient religieuses ou culturelles. Dans les régions les plus pauvres, les communautés religieuses sont souvent très actives et ont beaucoup d’influence. Alec Gagneux: Je ne suis pas de cet avis. À New Delhi par exemple, le planning familial dans les hôpitaux publics n’est ouvert que le matin, ce qui empêche de nombreuses personnes d’en profiter. Dans les régions rurales, ce service n’existe tout simplement pas. L’initiative populaire veut obliger la coopération suisse au développement
«La Suisse ne doit pas servir à constituer des stocks de préservatifs dans des pays du Sud. En Inde par exemple, on trouve des préservatifs dans tous les kiosques» Rupa Mukerji
préoccupons de facteurs fondamentaux comme le renforcement de la place des femmes dans la société, la mortalité infantile et la santé des femmes, combinés si nécessaire au planning familial. Lorsque nous investissons 60 francs
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dans la formation de filles et de femmes, l’incidence sur le taux de natalité est la même que si ce montant avait été consacré exclusivement au planning familial. En outre, la formation a plus d’impact à long terme et procure de multiples avantages! Alec Gagneux: La DDC est active au Nigeria, au Mali et au Burkina Faso, trois pays dont la population a doublé au cours des vingt dernières années et continue d’augmenter de 3% par an. Plus de 220 millions de personnes dans le monde n’ont pas accès au planning familial! Rupa Mukerji: Je pense que l’aide suisse au développement ne doit pas servir à constituer des stocks de préservatifs à destination des pays du Sud. En Inde par exemple, on trouve des préservatifs dans tous les kiosques. Si l’initiative devait être acceptée, comment ses auteurs imaginent-ils sa mise en place? Alec Gagneux: Le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a un trou béant dans son budget parce que les pays industrialisés ne l’alimentent pas comme promis. La charge repose sur les pays en développement. Si la Suisse montrait l’exemple et versait au FNUAP plus que les 16 millions de 2013, ce geste serait certainement bien accueilli. Nous demandons que le planning familial soit intégré dans tous les programmes financés par les fonds publics suisses, comme l’est aujourd’hui la lutte contre le sida. Rupa Mukerji: Il s’agit là d’une démarche axée sur l’offre qui vise à imposer notre volonté politique aux habitants d’autres pays. Et anachronique de surcroît: c’est ainsi qu’on faisait de «l’aide au développement» dans les années 1960 et 1970. Quelles en seraient les conséquences pour la coopération suisse au développement?
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Rupa Mukerji: Il y aurait nettement moins de moyens à disposition d’autres programmes, comme l’école primaire ou la promotion d’un revenu pour les femmes, avérés plus durables et efficaces que les mesures prônées par Ecopop.
sance économique: plus d’êtres humains = plus de consommateurs.
Alec Gagneux: Il restera toujours 90% du budget pour d’autres activités. Si nous pouvons empêcher des grossesses non désirées, nous devons le faire. Cela permet d’éviter beaucoup de violence tant sur le plan humain qu’écologique.
Alec Gagneux: Selon la London School of Economics, il est cinq fois plus efficace d’investir dans la planification familiale que dans des mesures de protection du climat.
Rupa Mukerji: S’il est vrai que la croissance démographique intensifie la pression sur notre planète et ses ressources limitées, il n’en reste pas moins que l’Afrique subsaharienne n’utilise qu’une part infime des ressources par rapport à l’Occident. Dans les pays industrialisés et émergents, la croissance de la consommation, sous l’effet d’une volonté politique, accentue considérablement la pression.
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Alec Gagneux: Effectivement. La croissance démographique est encore une conséquence du paradigme de la crois-
Rupa Mukerji: C’est une logique cynique: au lieu de prendre des mesures politiquement controversées pour réduire la consommation des ressources dans les pays industrialisés, nous impo-
«Nous ne voulons pas attendre que des conditions quelconques soient remplies» Alec Gagneux sons le planning familial aux pays en développement, seulement parce que ça coûte moins cher et que c’est plus consensuel. Comment Helvetas met-elle en pratique le lien entre la croissance démographique et la protection des ressources? Rupa Mukerji: Par anticipation: nous parlons ici du corps féminin et de ce que la société en attend. À l’époque coloniale, les femmes étaient priées de faire plus d’enfants pour produire plus de forces de travail. Pourquoi ne soutenons-nous pas les femmes dans leur droit à l’autodétermination? Souvent, ce ne sont pas elles qui décident du nombre d’enfants. Cette initiative me pose un réel problème d’éthique. Je considère que le droit au planning familial est un droit individuel. Chaque pays doit déterminer lui-même comment appli-
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L’initiative populaire ne traite pas du planning familial en tant que droit humain, mais associe la croissance démographique à la pression globale sur l’environnement. Mme Mukerji, que pensez-vous de cette corrélation?
Que dire de la planification familiale et de l’efficacité dans l’utilisation des ressources du point de vue économique?
quer ce droit, par exemple en enseignant l’éducation sexuelle à l’école. Pour qu’il y ait une demande de planning familial, certaines conditions doivent être remplies: une formation élémentaire des femmes, une scolarité plus longue et des perspectives, pour donner un avenir aux enfants et investir dans cet avenir. C’est là-dessus que se concentre Helvetas. Alec Gagneux: Nous ne voulons pas attendre que des conditions quelconques soient remplies, nous voulons promouvoir l’accès global à la planification familiale, comme les Nations Unies le demandent depuis des années. Alec Gagneux est ingénieur en génie mécanique et activiste indépendant pour le développement durable depuis 1994. Il s’engage en faveur de l’énergie solaire, l’économie équitable et la planification familiale dans le cadre de projets en Inde, au Togo, en Haïti et en Suisse. Il est membre du comité directeur de l’association Ecopop et du comité d’initiative. Rupa Mukerji est membre de la direction d’Helvetas et codirectrice des Services de conseil depuis 2011. Auparavant, elle a travaillé dans des projets de développement dès 1990 en Inde, son pays d’origine, et a intégré Intercooperation en 2004. Elle est experte en adaptation aux changements climatiques (voir p. 25), en gestion durable des ressources naturelles ainsi qu’en questions de genre. Mike Weibel est consultant en communication indépendant et a une longue expérience de journaliste. Traduit de l’allemand par Claudia Gämperle
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MÈRES ÉDUCATRICES Alors qu’elles n’ont souvent pas pu aller à l’école, ou justement pour cette raison, elles s’engagent aujourd’hui pour la jeune génération. Les mères éducatrices du Burkina Faso expliquent aux parents des villages ce dont les filles ont besoin pour leur avenir: non pas d’un mariage précoce mais d’une bonne formation.
Tikoa Yonli le dit ouvertement: «Les mariages arrangés sont un problème ici. Les jeunes filles sont simplement expédiées ailleurs. Souvent dès l’âge de 12 ou 13 ans.» À la campagne, les filles sont considérées comme peu utiles pour leur famille qui n’investit de ce fait qu’un minimum dans leur éducation. Il en résulte que les filles ne peuvent pas contribuer réellement à l’entretien de la famille. Tikoa et les autres mères éducatrices de la commune s’attaquent à ce cercle vicieux – même si elles-mêmes n’ont jamais pu aller à l’école. Leurs propres filles sont évidemment scolarisées. Plus tard, elles seront infirmières ou maîtresses d’école. Il n’est pas question de les marier à l’adolescence, cela ne cause que des problèmes, autant pour le couple que pour la santé. «Mais lorsque les filles n’ont aucune formation, elles n’ont souvent pas d’autre choix. Il faut d’abord qu’elles possèdent une formation pour pouvoir être en position de force tout au long de leur vie», explique Tikoa. Il s’agit surtout de convaincre les parents. Les mères éducatrices leur expliquent l’importance de la formation, y compris pour les filles – et qu’il existe des centres de formation soutenus par Helvetas. Les enfants plus âgés, qui n’ont jamais ou peu fréquenté l’école, peuvent y apprendre à lire et à écrire pour ensuite intégrer une école ordinaire ou suivre une formation dans des métiers recherchés. Il n’est cependant pas facile de convaincre les gens du village. À cela s’ajoute la difficulté de pouvoir parler aux femmes. Les hommes se méfient et ne veulent pas que leurs femmes participent à ce genre de rencontres. «Ils pensent que ces sensibiliseuses leur montent la tête», dit Tikoa. Le fait qu’elle et ses collègues soient de la région est
un avantage. «Comme nous sommes connues, les gens discutent plus facilement.» Diapoa, 19 ans, en a profité. En deuxième année d’apprentissage de couturière, elle raconte: «J’ai interrompu l’école très tôt pour aider à la maison. J’ai soudain réalisé que les filles du village qui n’allaient plus à l’école étaient mariées par leur famille. J’ai été effrayée, je ne voulais absolument pas connaître le même sort.» Les mères éducatrices savent convaincre. Pourtant cela ne suffit pas: «Nous vérifions aussi que les filles participent régulièrement aux cours et n’arrêtent pas leur formation», ajoute Tikoa. Elle parle avec passion. On
la croit sur parole lorsqu’elle dit qu’elle ne se contente pas de plates excuses. La formation protège et motive des filles comme Diapoa de plusieurs façons. En principe, les mariages n’ont pas lieu pendant la durée de la formation. Et une fois que les filles ont terminé leur apprentissage, elles connaissent mieux leurs droits et leurs possibilités. Grâce à leurs revenus, elles sont davantage respectées par leur famille. L’engagement des mères éducatrices d’Helvetas porte ses fruits. Les familles qui acceptent que leurs filles soient âgées de 18, 20 ans ou plus avant de se marier sont toujours plus nombreuses à Tansarga. Traduit de l’allemand par Stephanie Zutter © Simon B. Opladen
Par Susanne Strässle
Tenaces: Tikoa Yonli (à g.) et ses collègues s’engagent pour la scolarisation des filles.
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COUPE PARFAITE Dans la société népalaise, où il ne reste aux femmes sans formation souvent que le rôle d’épouse et de mère, Rama Kathariya s’impose dans un métier dominé par les hommes. Elle est devenue un modèle pour d’autres jeunes femmes. Usha Pandey, collaboratrice du projet, raconte son histoire.
Par Usha Pandey Le jour où j’ai effectué une visite de contrôle du projet de formation, vingt élèves du cours de coiff ure attendaient le début de la leçon. Parmi les jeunes hommes, j’ai soudain aperçu un visage délicat, encadré de longs cheveux foncés. Une femme dans le cours de coiffure? Je n’avais jamais vu cela! Curieuse, j’ai cherché à parler avec la seule élève durant la pause et j’ai appris l’histoire surprenante de Rama Kathariya. Cadette de six enfants, Rama est venue au monde il y a 22 ans dans le district de Kailali dans l’est du Né-
pal. Sa famille fait partie de l’ethnie défavorisée des Tharu. Elle a fréquenté l’école primaire juste assez longtemps pour savoir lire et écrire, puis elle a dû travailler aux champs pour soutenir sa famille sans ressources. Le destin de Rama était tracé d’avance: selon la tradition locale, elle se marierait jeune et fonderait rapidement une famille, comme l’ont fait ses trois sœurs aînées. Mais Rama avait autre chose en tête: elle voulait être autonome. Lorsqu’un collaborateur d’Helvetas lui a parlé d’un cours de coiff ure, proposé dans le cadre d’un de nos projets de formation, elle a d’abord été sceptique. Au Népal, ce
Une exception au Népal: en tant que «Hair Cutting Girl», Rama fait les gros titres dans la presse.
métier est réservé aux hommes, et son père en priorité désapprouvait cette idée saugrenue. Mais Rama pressentait que cette formation serait la porte d’entrée vers une vie autonome, et elle s’imposa. Elle a suivi les cours avec vingt apprentis masculins et a réalisé qu’elle aimait couper les cheveux. J’ai revu Rama lors d’une visite ultérieure aux diplômés du cours. Elle venait d’ouvrir son propre salon de coiffure, ce qui m’a fortement impressionnée. Au début les clients la regardaient d’un air incrédule, mais ils ont vite compris qu’elle connaissait son métier et lui sont restés fidèles. Ses clients attitrés, dont beaucoup d’anciens collègues de l’école, l’appellent respectueusement «Rama didi» (sœur Rama). En plus des coupes de cheveux actuelles que propose Rama, les gens apprécient la propreté de son salon et les installations sanitaires. Grâce à son revenu, Rama peut subvenir à ses besoins et à ceux de ses parents, âgés de 70 ans, heureux aujourd’hui du chemin qu’elle a pris. Dans notre société, ce sont normalement les fi ls qui soutiennent financièrement leurs parents. Rama est fière d’avoir repris le rôle traditionnel des hommes dans sa famille. Elle a même acquis une certaine célébrité. J’ai vu l’histoire de Rama à la télévision népalaise et j’ai aussi lu un article sur elle dans un hebdomadaire népalais. Grâce à son courage, Rama est devenue un modèle pour les femmes qui luttent pour leur autonomie, au-delà des frontières de son village. À ma question sur l’homme qu’elle voudrait épouser, elle répond spontanément «un homme qui respecte et soutient mon travail.» Usha Pandey est collaboratrice pour la gestion des connaissances chez Helvetas Népal. Traduit de l’allemand par Stephanie Zutter
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Commentaire de l’invité Les non-dits nauséabonds d’ECOPOP L’association ECOPOP dit considérer que la Terre, et la Suisse avec elle, est surpeuplée, risquant ainsi une catastrophe écologique mondiale. Pour y remédier, elle a déposé une initiative populaire sur laquelle nous serons appelés à voter en novembre. L’initiative ECOPOP se décline en deux volets: l’un sur la limitation drastique du solde migratoire en Suisse, l’autre sur l’attribution d’une part considérable de l’aide au développement à la limitation des naissances dans les pays récipiendaires. Dans son discours, point d’amalgame avec les xénophobes: l’association se défend de toute discrimination envers les étrangers et prétend ne viser que des buts de développement durable. Pourtant, la limitation des naissances n’est pas pour tout le monde: ECOPOP assigne ce but uniquement dans le volet «aide au développement» de son initiative. Il naît trop de bébés, certes, mais seulement là-bas. ECOPOP n’a pas la moindre intention de limiter les naissances ici. Simple oubli, de la part d’ECOPOP, de balayer devant sa porte? En tous cas, venant d’une association qui dit poursuivre des buts écologiques, cette position peut sembler curieuse quand on connaît la différence d’empreinte écologique entre un bambin d’ici et un de là-bas. Ne serait-ce pas plutôt l’admission, par la bande, que le problème n’est pas tant qu’il naît trop d’enfants dans le monde, mais bien qu’ils naissent étrangers? Pierre Dessemontet est géographe, fondateur de MicroGIS SA et chargé de cours UNIL-EPFL Blog de Pierre Dessemontet sur www.hebdo.ch/ les-blogs/ dessemontet-pierre
EN SAVOIR PLUS Sur le thème du focus «Mythes et réalités sur la croissance démographique»
Articles & documentation Prise de position d’Helvetas «Croissance démographique et aide au développement» Quelle est la position d’Helvetas sur les questions de l’augmentation de la population? Que disent les études récentes? Que fait Helvetas pour que des jeunes femmes et hommes aient une alternative au mariage précoce et que l’option d’une petite famille, avec peu d’enfants ayant une bonne formation, soit souhaitable pour les couples? Notre prise de position apporte des réponses et démontre pourquoi il faut faire plus que seulement s’attaquer aux symptômes. www.helvetas.ch → nos activites → nos prises de position
HeLVeTAS priSe De poSiTion
foto: Tanja Demarmels
CroiSSAnCe DémogrApHique eT AiDe Au DéVeLoppemenT Des mesures efficaces au lieu de combattre les symptômes Le 30 novembre 2014, l’initiative Ecopop sera soumise à la votation. Outre une restriction significative de l’immigration en Suisse, le texte exige que la Confédération consacre au moins 10% de l’aide publique au développement à la planification volontaire dans les pays en développement. Les auteurs prétendent que c’est le seul moyen de préserver durablement l’environnement en Suisse et à l’étranger. En réalité, c’est de la poudre aux yeux. Premièrement la pression sur la nature en Suisse est avant tout due à la consommation effrénée de ressources et d’énergie induite par notre style de vie. Deuxièmement les causes réelles d’un taux de natalité élevé sont occultées une nouvelle fois. Dans les pays en développement, il n’est souvent que le reflet de la pauvreté et de l’insécurité économique. Pour des parents sans formation ni revenu, avoir de nombreux enfants représente une force de travail dans la lutte quotidienne pour la survie et une assurance vieillesse. L’une des mesures les plus efficaces pour faire baisser les taux de natalité à long terme est donc d’investir dans la formation de base et professionnelle, la santé, l’émancipation socio-économique et la participation des jeunes femmes. Contact: Bernd Steimann, Coordinateur de la politique du développement Tel 044 368 65 76; bernd.steimann@helvetas.org
«L’initiative Ecopop rate la cible» Alliance Sud, la communauté de travail pour la politique de développement, critique l’initiative Ecopop. www.alliancesud.ch Dossier sur la démographie mondiale chez Alliance Sud Alliance Sud propose un dossier électronique avec des documents disponibles en ligne, des illustrations et des articles audio sur la croissance démographique et l’initiative Ecopop. www.alliancesud.ch/fr/infodoc/dossiers/demographie «Croissance démographique – l’éducation prime sur la politique démographique» Cet article de Shalini Randeria, professeure d’anthropologie et de sociologie du développement à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève, est paru dans le magazine de Greenpeace en avril 2013. La spécialiste indienne ne mâche pas ses mots. www.greenpeace.org/switzerland → magazine 04/2013 «Population Quiz: How well do you know the world?» Dans ce quizz en ligne sur la population (en anglais, 7.1.2013), vous pouvez savoir si vos connaissances sur la population mondiale sont d’actualité. Avec le risque d'être surpris! www.theguardian.com (recherche): «Population quiz»
Film «DON’T PANIC — The Facts About Population» Film de Gapminder, 59 min, en anglais Les connaissances que nous avons sur les questions de population sont souvent poussiéreuses. En réalité, le monde est peut-être mieux que nous le pensons. Personne ne l’explique aussi bien que Hans Rosling, professeur pour la santé internationale. Son show sur les statistiques est amusant, frappant et facilement compréhensible. www. gapminder.org (recherche): «Don’t panic»
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INSTALLATRICE DE BONHEUR © Mitja Reitbrock
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Le bonheur humain est prioritaire au Bhoutan. Le bonheur national brut est même ancré dans la Constitution. Les emplois, et les perspectives d’être heureux qui en découlent, manquent cependant souvent aux jeunes. Mais Sangay Yangzom, 18 ans, peut suivre la formation dont elle rêve depuis longtemps: installatrice sanitaire.
Sangay explique au moine les nouvelles installations sanitaires qu’elle a mises en place au monastère de Kharchu.
Par Mitja Rietbrock Pour l’instant, Sangay n’a pas envie de rire. L’effort qu’elle fait pour libérer un écrou coincé avec une pince surdimensionnée fait trembler son avant-bras. Une fois de plus, elle reprend son souffle, pince les lèvres et tente de toutes ses forces de desserrer le boulon – qui cède finalement. Son instructeur lui tape sur l’épaule. La jeune femme respire. «Ce que j’entreprends doit réussir», explique la future installatrice sanitaire. Elle rit maintenant, mais ses propos sont sérieux. Sangay est l’une des 25 apprenti-e-s d’une formation soutenue par Helvetas, dans le district de Bumthang au cœur du Bhoutan. Les apprentis doivent travailler pendant des semaines sur différents chantiers pour mettre en pratique les connaissances techniques acquises. Et cette fois il ne s’agit pas de n’importe quel chantier, mais de celui du
monastère de Kharchu, l’un des sites nationaux les plus importants de la culture tibétaine bouddhiste. Les 350 moines ont ordonné des travaux d’agrandissement pour créer un lieu d’accueil pour d’autres moines ‒ une symbiose entre architecture traditionnelle et aménagement intérieur moderne. Sangay est heureuse de pouvoir mettre en pratique les connaissances acquises. «Il y a toujours plus de jeunes mais peu de places d’apprentissage, explique-t-elle. Beaucoup de mes amis n’ont pas cette possibilité. Je suis fière de pouvoir participer à ce projet.» Métier stable, emplois sûrs Peu de pays au monde sont aussi isolés que le Bhoutan. Ce n’est qu’en 1999 que ses citoyens ont reçu le droit de posséder une télévision et d’accéder à Internet. Il y a huit ans, le roi a entrepris un processus de démocratisation en douceur.
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Le Bhoutan est depuis sur la voie d’une monarchie constitutionnelle, même si beaucoup d’habitants regrettent le bon vieux temps où le roi les dispensait de prendre des décisions. Sangay secoue la tête pendant qu’elle installe une conduite d’eau. «C’est bien de prendre ses propres décisions, dit-elle. J’ai su très tôt que je voulais devenir installatrice sanitaire. Et ça a marché!» En appuyant l’apprentissage dans le milieu du bâtiment, Helvetas aimerait permettre au plus grand nombre possible de jeunes d’accéder au marché du travail et, parallèlement, répondre au manque d’ouvriers qualifiés dans le domaine de la construction. Sangay est tendue. Le mandataire aimerait inspecter une salle de bain, et l’apprentie doit présenter son travail au vénérable moine. Cela fait partie de la formation. Emplie de révérence et presque en chuchotant, elle
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lui explique les avantages du réservoir d’eau chaude qu’elle a installé. La jeune femme lui conseille d’utiliser dorénavant du papier-toilette plutôt que du papier journal, pour éviter que les toilettes ne se bouchent. Le léger signe de tête et le visage détendu du moine laissent deviner qu’il apprécie ce qu’il voit. «La plupart du temps, ce genre de travail est exécuté par des travailleurs indiens, explique-t-il après l’inspection. Mais ils ne connaissent pas nos traditions. Nous faisons régulièrement de bonnes expériences avec les apprenti-e-s et nous leur faisons confiance.» Du chantier au cybercafé Sangay aime ces semaines de pratique sur les chantiers où elle prend des responsabilités au même titre que les adultes. Mais une fois le travail terminé, elle se remet dans la peau de l’adolescente et part avec deux collègues dans l’unique cybercafé de la localité. À l’ombre du monastère, les jeunes sont assis sur des chaises en plastique autour de cinq ordinateurs. Les garçons et les
«Il y a tellement à faire ici. J’aimerais m’engager pour mon pays» Sangay Yangzom, installatrice sanitaire en formation
filles séparément, réunis par le site en ligne qui attire leurs regards comme par magie. Le logo Facebook scintille sur tous les écrans. Les trois amies étouffent des rires. Elles regardent les photos de jeunes hommes. «Vas-y! Ecris-lui quelque chose, dit Sangay à son amie en la poussant du coude. Demande-lui ce qu’il fait!» Depuis que le roi a autorisé Internet, les jeunes ont trouvé une voie d’accès au monde. En riant, Sangay montre du doigt la photo d’un jeune Indien qui lui plaît particulièrement. «J’ai des amis dans beaucoup de pays. Je peux ainsi apprendre ce qui se passe ailleurs.»
Après son travail, Sangay retrouve avec plaisir des collègues au cybercafé.
Pour Sangay, il n’est pourtant pas question de quitter le Bhoutan. À travers la fenêtre, elle regarde les contreforts enneigés de l’Himalaya. Elle a grandi dans cette partie inaccessible du monde. C’est ici, où la loi n’autorise que la construction traditionnelle, où la plupart des gens ne portent que les habits traditionnels, le gho pour les hommes et la kira pour les femmes, que Sangay aimerait passer sa vie. «C’est l’une des raisons pour lesquelles je fais cet apprentissage, dit-elle, pendant que ses amies envoient des messages dans le monde via Facebook. Il y a tellement à faire ici. J’aimerais m’engager pour mon pays.» Le changement mais pas de travail Le changement dans le pays du Dragon Tonnerre est difficile. En l’espace d’une seule génération, le taux d’analphabétisme a baissé, passant de presque 90% à moins de 30%. Des jeunes toujours plus nombreux ont un bon niveau d’éducation aujourd’hui, mais pas de travail. Et tandis que le secteur de la construction en particulier cherche désespérément des personnes qualifiées, les places d’apprentissage manquent dans tout le pays ainsi que l’estime pour les professions d’artisans. Dans son soutien aux programmes de formation, Helvetas
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ÉVÉNEMENT
s’engage pour une qualité constante tout au long du processus d’apprentissage, pour que l’acquisition d’un métier manuel devienne une option attractive pour les jeunes. La nuit est tombée. C’est le cœur serré que les filles se séparent de leurs flirts virtuels. Un vent glacial venu du Tibet balaie les rues vides de Jakar. Le regard de Sangay se pose sur les montagnes. C’est là-bas, au-delà de la ville, que se trouve son lieu de travail, le monastère sacré. Encore une année et elle aura terminé sa formation. Ensuite elle trouvera un travail, c’est certain. Puis elle commencera le projet qui lui tient à cœur: «Avec les connaissance que j’ai acquises, j’aimerais faire en sorte que même dans les régions reculées les gens aient l’eau courante dans leur maison», dit-elle. C’est ainsi, à sa façon, qu’elle aimerait contribuer au bonheur national brut. Mitja Rietbrock est photographe et cinéaste à la télévision suisse. Traduit de l’allemand par Stephanie Zutter
Le portrait de Sangay sera diffusé dans l’émission «Ensemble» sur la RTS1, le dimanche 24 août vers 12:30. www.rts.ch/emissions/ensemble
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Ensemble, changeons le monde
avec un parrainage pour la formation.
«Je suis très reconnaissante de pouvoir faire une formation pour devenir agricultrice. Depuis le début de l’apprentissage, j’ai déjà beaucoup appris sur l’élevage de bétail et la culture des céréales. Je sais désormais comment garder les fruits et les légumes pour qu’ils se conservent longtemps. Le temps où ma fille devait aller au lit le ventre vide appartient heureusement au passé.» Mahabat Maldybaeva, de Sary-Dobo, Kirghizistan, paysanne
Avec 30 francs par mois, vous permettez chaque année à une jeune personne d’accomplir une formation.
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Vous trouverez plus d’informations en couverture de ce magazine et sur www.helvetas.ch. Nous vous remercions de parrainer une jeune personne et vous invitons à utiliser le bulletin de versement rouge situé au dos (CP 80-3130-4) pour le versement de votre contribution. Merci. SUISSE
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IL EST URGENT D’AGIR Par Rupa Mukerji
© Astrid Rana
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié cette année son cinquième Rapport d’évaluation sur le changement climatique, assorti de divers rapports spéciaux. Plus de 830 scientifiques y ont contribué et j’ai eu l’honneur d’en faire partie. En tant qu’auteure principale, j’ai pu témoigner des conséquences des changements climatiques sur certaines populations et régions parmi les plus menacées dans le monde. J’ai aussi pu analyser les mesures qui ont été prises, notamment par Helvetas dans ses projets, pour permettre à ces populations de faire face à des catastrophes naturelles plus graves et plus fréquentes, de s’adapter aux changements climatiques et de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), même si les contributions de ces populations au réchauffement climatique sont moindres. Ratifiée par 195 pays, la convention-cadre des Nations Unies sur le
Rupa Mukerji, directrice de rédaction du rapport sur le climat mondial, est une interlocutrice sollicitée.
changement climatique (CCNUCC) a pour but de stabiliser les concentrations de GES dans l’atmosphère à un niveau empêchant toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Or les dernières conclusions sont formelles: la concentration de GES a atteint un niveau jamais égalé depuis 800 000 ans. Le CO2 atmosphérique a augmenté de 40% depuis l’ère préindustrielle: l’impact des activités humaines sur le système climatique est évident. L’atmosphère et les océans se sont réchauffés, la couverture neigeuse et les nappes glaciaires ont diminué, le niveau de la mer s’est élevé. Les efforts réalisés ces dernières années, notamment dans la décarbonisation de l’économie, ont été réduits à néant en raison de la croissance du niveau de vie et de la démographie, ainsi que celle du recours aux combustibles fossiles. Si les émissions se maintiennent au stade actuel, nous nous dirigeons vers une élévation de la température moyenne de 3,7 à 4,8 degrés d’ici à 2100. Les effets d’un tel réchauffement sur les sociétés humaines n’ont pratiquement encore fait l’objet d’aucune étude. Alors que l’agriculture pourrait en profiter à court terme dans certains endroits, une concentration élevée de CO2 risque fort d’avoir de terribles répercussions partout dans le monde à partir de 2050. Les régions et les communautés les plus pauvres sont les plus exposées, ce qui pourrait entraîner de fortes tensions sociales par-delà les frontières. Nous ne pouvons pas rester indifférents. La valeur cible de concentration atmosphérique de GES a déjà été revue à la hausse (de 350 ppm à 450 ppm d’éq.CO2). Mais même pour cette nouvelle valeur, il faudrait réduire la consommation mondiale de biens et d'énergie de 1,7% d’ici à 2030. Or, les plus de 1,2 milliard de personnes vivant aujourd’hui
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© Fotalia
Le GIEC vient de publier son 5e Rapport d’évaluation sur le climat. L'un de ses auteurs principaux, Rupa Mukerji, qui est aussi spécialiste du climat chez Helvetas, présente ses conclusions centrales et appelle à agir.
Les catastrophes naturelles, effets du changement climatique, vont aller en augmentant.
dans une pauvreté extrême, parfois sans électricité, dépendent de la possibilité d’augmenter leur consommation de ressources pour sortir de la misère. Il est donc grand temps de changer d’attitude. Bien que les preuves et les connaissances scientifiques sur le changement climatique ne cessent de s’accumuler, il n’y a toujours pas de réelle volonté de réduire la consommation en Occident, de créer une économie mondiale plus écologique ou de respecter les objectifs climatiques. Le courage politique fait défaut pour imposer des mesures radicales, car cela reviendrait à restreindre nos velléités de consommateurs. En tant que citoyens, il est pourtant de notre devoir de prendre les bonnes décisions en toute connaissance de cause, tant en ce qui concerne notre consommation que notre positionnement politique. Rupa Mukerji est membre de la direction d’Helvetas, codirectrice des services de conseil et experte en climat.
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LA FEDEVACO FÊTE SES 25 ANS Samedi 13 septembre, la Fédération vaudoise de coopération et ses associations membres vous invitent à fêter 25 ans d’engagement public pour le développement. Dès le début de l’après-midi et jusque tard dans la soirée, les Halles CFF de Morges prennent les couleurs de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine. Gratuites, les animations proposées par la FEDEVACO emmènent tous les publics à la découverte du travail des personnes qui s’engagent pour un monde plus juste.
Au programme, des espaces diversifiés et animés pour mieux saisir la coopération avec: des courts-métrages, des expositions de dessins, des trésors du Sud à découvrir dans le souk, des animations pour petits et grands, et bien sûr des saveurs du monde à déguster. Les ados sont à la fête avec la troupe lausannoise Nuncha Crew et sa Sur scène, le chanteur K donne libre cours à sa fougue poétique.
breakdance, tandis que le champion suisse de «Human Beatbox», Keumart, montrera l’art d’imiter percussions et instruments avec la voix. De spectateur à spectActeur, il n’y a qu’un pas que la compagnie de théâtre LesArts franchira en proposant au public de modifier ses sketches sur le commerce équitable. Dans la même veine, un défilé de mode pas comme les autres donnera une seconde vie aux vêtements récoltés par Textura. Dès 20 heures et jusqu’après minuit, place est donnée aux concerts avec K et son univers poétique, les percussions déchaînées du groupe sénégalais Nana Cissokho & The Baye Fall Family et le DJ Soul Koffi pour terminer la soirée en feu d’artifice! Organisation faîtière regroupant une quarantaine d’associations actives dans la coopération au développement, dont Helvetas, la FEDEVACO se mobilise depuis 25 ans pour faire vivre des projets liés à l’eau, à l’éducation, aux droits humains ou à la santé. Elle représente ses associations membres auprès du canton de Vaud et des communes vaudoises. Pour célébrer son quart de siècle, elle convie la population à une grande fête aux couleurs d’ici et d’ailleurs.
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Toutes les informations et le programme détaillé sont sur www.fedevaco.ch et sur sa page spéciale Facebook. Un événement à partager!
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Meilleur accès à l’eau Selon un rapport de l’OMS et de l’ONU, l’approvisionnement en eau potable s’est beaucoup amélioré. Alors que seulement 76% de la population mondiale pouvait boire de l’eau propre en 1990, le chiffre s’élevait à près de 89% à la fin de 2012. La plupart des 748 millions de personnes toujours privées de ce droit fondamental vivent en milieu rural, où souvent des toilettes hygiéniques font aussi défaut. –KCA
Participez à la semaine d’action pour Bénin – du 27 septembre au 4 octobre Lancez votre propre appel aux dons, créatif et original, et changez des vies sur www.mon-souhait.ch © Fotalia
Météo du développement
Perspectives sombres Les pays du Nord sont la première source du réchauffement climatique. Ses répercussions – inondations et sécheresse croissantes – frappent avant tout le Sud. La seconde partie du 5e rapport mondial sur le climat le montre: dans de nombreux pays en développement côtiers et insulaires, les catastrophes naturelles entraîneront des factures élevées jusqu’à la fin de ce siècle. Des dépenses pour des mesures d’adaptation au changement climatique s’y ajoutent. Voir p. 25. –KCA
Chance passée Les entreprises suisses doivent s’engager pour les droits humains et l’environnement à l’étranger. C’est ce que la pétition «Droit sans frontières» a demandé en 2012. Un rapport au Conseil fédéral le confirme: il est temps de passer à l’acte – et il est possible d’inscrire le devoir de diligence dans la loi. Malheureusement le Conseil fédéral a laissé passer sa chance de formuler un plan d’action. C’est pourquoi les initiants envisagent de lancer une initiative populaire. –KCA
Une invitation à un repas extraordinaire, un défi sportif à relever, un pari percutant à lancer ou une fête de l’eau pour tous: les idées ne manquent pas pour réunir des fonds et offrir de l’eau dans des écoles.
Invitez des amis à une «fontaine-party» ou à une traversée en canot pneumatique. Pariez avec eux sur une demande en mariage. Ou prouvez-leur que vous pouvez vivre avec seulement 3 litres d’eau par jour. Ces quelques idées parmi d’autres vous donnent la bonne occasion de partager des rires et de changer la vie d’enfants au Bénin en même temps. Lancez votre propre action pour des enfants au Bénin: en seulement une semaine, nous voulons permettre à 3000 enfants d’avoir de l’eau potable, cela en finançant des fontaines dans des écoles. Sur www.mon-souhait.ch choisis sez une idée d’action ou imaginez-en une personnelle. Puis en quelques clics lancez votre action jusqu’au 27 septembre. L’action la plus populaire gagnera un bon de voyage avec Globebtrotter.
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ACTUALITÉ
Et qui sait, peut-être votre action changera aussi votre vie! –PHA Devenez coureurs solidaires! La plateforme mon-souhait.ch vous permet de lancer des défis, à vousmême et à vos proches! Faites sponsoriser votre course ou tout autre événement pour apporter un maximum d’eau potable à des enfants au Bénin. Par exemple le samedi 14 décembre, vous pourrez devenir coureurs solidaires à l’occasion du «Midnight Christmas Run» de Lausanne (www.midnightrun.ch). Plus d’informations seront disponibles dans le Partenaires de décembre et sur notre site en ligne, ou en contactant Frédéric Baldini: 021 804 58 10, frederic.baldini@helvetas.org.
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Serge Chappatte, économiste, a travaillé pendant près de 35 ans pour la DDC, dont il a été vice-directeur. À sa retraite, il s’est engagé pour Intercooperation en étant élu en 2008 au conseil de fondation. Après la fusion avec Helvetas, Serge Chappatte a fait partie du comité central d’HELVETAS Swiss Intercooperation depuis 2011. Helvetas fait le deuil d’une personne engagée dans
la coopération au développement pendant des années. «Son professionnalisme, sa grande expérience et son engagement ont beaucoup apporté au comité central. Elmar Ledergerber, président d'Helvetas, témoigne: «Avec sa grande intelligence et ses compétences, Serge a toujours mis l'humain au centre.» Serge Chappatte est décédé le 2 juillet 2014 à l’âge de 71 ans, après une brève maladie. –SMI
Journée des bénévoles à Lausanne Samedi 18 octobre, nous aurons le plaisir d'accueillir à Lausanne les bénévoles d’Helvetas de toute la Suisse pour leur rencontre bisannuelle. À l’ordre du jour, des échanges autour de la communication avec les médias et les actions à réaliser pour la recherche de fonds. Et le cycliste Maurizio Ceraldi parlera de son voyage à vélo qu'il a fait pendant deux à travers l'Afrique (la photo cidessous a été prise au Burkina Faso): un des buts qu’il s’était fixé était de réunir des fonds pour offrir de l’eau potable à des villages, et l’objectif a été atteint © Maurizio Ceraldi
Hommage: décès de Serge Chappatte, membre du comité central
© Michèle Matthäus
Miguel Ortega, paysan, à l’assemblée générale d’Helvetas
Pour l’Année internationale de l’agriculture familiale, le petit paysan bolivien Miguel Ortega (voir Partenaires 216) a été l’hôte d’honneur de l’assemblée générale d’Helvetas le 20 juin à Fribourg. Il y a expliqué, en mots et en images, comment dans son village les familles font face au changement climatique dans les Andes en appliquant des méthodes
agricoles associant les connaissances traditionnelles et des méthodes écologiques actuelles. Puis, dans une discussion animée réunissant Marie Garnier, ministre de l’agriculture du canton de Fribourg, Francis Egger de la direction de l’USP, le président d’Helvetas Elmar Lederberger et des personnes participant à l’AG, il a parlé avec enthousiasme et fierté des progrès réalisés grâce au travail mené en collaboration avec Helvetas. –SUS Miguel Ortega et sa famille documentent leur vie quotidienne sur Facebook. En ligne, il partage ses rencontres avec des paysans en Suisse: www.facebook.com/familieortega
avec succès! Cette journée est ouverte à toute personne intéressée à s’engager et à agir! –MSW Pour en savoir plus sur le bénévolat chez Helvetas, le rendez-vous est donné: Lausanne, Maison de Quartier sousgare, samedi 18 octobre, de 10 h 30 à 16 heures. Pour vous inscrire, contactez Marie Schaffer-Wyler, responsable des groupes régionaux, au 021 804 58 13 ou par courriel marie.schaffer@helvetas.org
Impressum No 217/août2014 Journal des membres et donateurs d’Helvetas, 54e année. Paraît quatre fois par an (mars, mai, août, décembre) en français et en allemand. Abonnement annuel CHF 30, inclus dans la cotisation des membres. Editeur HELVETAS Swiss Intercooperation, Weinbergstrasse 22a, Postfach, 8021 Zurich, tél. 044 368 65 00, fax 044 368 65 80, e-mail: info@helvetas.org, Homepage: www.helvetas.ch CP 80-3130-4 Zurich Bureau Suisse romande, 7-9, ch. de Balexert, 1219 Châtelaine, tél. 021 804 58 00, fax 021 804 58 01, e-mail: romandie@helvetas.org Ufficio Svizzera italiana, Via San Gottardo 67, 6828 Balerna, tél./fax 091 683 17 10, e-mail: svizzeraitaliana@helvetas.org Rédaction: Susanne Strässle (SUS) Collaboration fixe: Hanspeter Bundi (HBU) Ont collaboré à ce numéro: Therese Frösch, Peter Haberstich (PHA), Anna Knecht (AKN), Kathrin Krämer (KCA), Melchior Lengsfeld, Simon Ming (SMI), Rupa Mukerji, Usha Pandey, Mitja Rietbrock, Marie Schaffer-Wyler (MSW), Bernd Steimann, Mike Weibel Rédaction images/Production: Andrea Peterhans Edition française: Catherine Rollandin (CRO) Graphisme: Spinas Civil Voices Zurich Mise en page: GrafikWerk Zurich Correction: Textmania, Zurich Litho et impression: Imprimerie Kyburz Dielsdorf Papier: Cyclus Print, 100% Recycling
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ACTUALITÉ
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Swiss Fairtrade Town 8. 9. lancement de la campagne en Suisse italienne, à Monte Carasso 9. 10. lancement de la campagne en Suisse Romande à Lausanne www.fairtradetown.ch 8.10. Helvetas Clip Award remise des prix lors du festival de courts-métrages shnit, à Berne www.clipaward.ch Cinéma Sud Derniers jours! 19.8 au 23.8 à Genève 24.8 au 27.8 à Plan-les-Ouates 28.8. au 31.8. à Rolle www.cinemasud.ch
Festival FILMAR en América latina La 16 e édition du Festival FILMAR en América latina aura lieu du 15 au 30 novembre 2014. Il continue de proposer de larges ref lets du cinéma latinoaméricain avec une centaine de films, fictions et documentaires. Un voyage passionné entre cultures et esthétisme garanti! Le programme encore en construction annonce déjà une place d’honneur au cinéma argentin. Un panorama d’œuvres récentes faisant la part belle aux arts est aussi au cœur du programme, et le jeune public ne sera pas oublié. Des salles de cinéma à Genève et ailleurs en Suisse romande accueillent le festival. Des prix seront décernés, notamment par le public: ce prix est offert par Helvetas et sera remis par le groupe régional genevois de bénévoles. –CRO
Concours Répondez aux questions en lien avec ce numéro de «Partenaires» et gagnez une nuit pour deux personnes à l’auberge Hospezi, à Trun. 1) Quel métier, peu ordinaire pour une femme au Népal, Rama Kathariya a-t-elle appris? 2) Quel est le produit de planification annuelle auquel Nicole Aeby d'Helvetas a donné une nouvelle forme? 3) Quel est le nom de l’experte d’Helvetas qui a été l’un des auteurs principaux du rapport mondial sur le climat? Prix: une nuit pour deux personnes en chambre double à l’auberge Hospezi, à Trun, avec repas du soir composé de trois plats et petit déjeuner paysan. Envoyez vos réponses par poste à Helvetas, «Concours», 7–9, ch. de Balexert, 1219 Châtelaine, ou par courriel (avec votre adresse complète) à concours@helvetas.org. Délai d’envoi: 20 septembre 2014. Aucune correspondance ne sera échangée au sujet du concours. Tout recours juridique et paiement en espèces sont exclus. Les collaborateurs d’Helvetas ne peuvent pas participer. Les adresses dans notre fichier peuvent être utilisées pour l’envoi d’informations sur Helvetas. Les annulations sont possibles en tout temps. Les adresses ne sont pas transmises à des tiers. La gagnante du concours du Partenaires n° 216 est Anita Kiss, à Zurich.
Auberge Hospezi – se détendre en toute bonne conscience Perchée au-dessus du Rhin antérieur, l’auberge Hospezi se situe dans les montagnes calmes et idylliques du district de Surselava. Lieu de culte dans les temps préhistoriques, l’endroit a conservé quelque chose de singulier. Depuis seize ans, les hôtes, Ursula et Christian Weber, s’engagent pour une alimentation locale qui préserve les ressources. L’auberge dispose de sa propre exploitation agricole écologique, où l’on élève pour les générations futures des races de bétail menacées de disparition ainsi que quantités de plantes, cela sans soutien financier de l’État. Toutes les denrées alimentaires ainsi obtenues arrivent directement dans l’assiette des pensionnaires, qui sont hébergés dans les chambres simples et accueillantes de la partie historique de la maison. La qualité et le goût des plats sont uniques, tout comme le bilan écologique. Ce régal de saveurs à base de produits rares incite à réfléchir sur l’importance de manger local, dans un monde globalisé et industriel. Auberge et agriculture écologique Hospezi, Nossadunna, 7166 Trun, tél. 081 943 11 73, www.hospezi.ch
© LDD
Agenda
Pour en savoir sur le festival: www.filmaramlat.ch
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ACTUALITÉ
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TRAVERSER LES FRONTIÈRES © Matthieu Paley
© Javier Medina Verdolini
Les frontières peuvent indiquer des limites, ou alors être franchies. Les images du calendrier panoramique 2015 d’Helvetas illustrent différentes formes de frontières. Nicole Aeby, rédactrice photo, est convaincue que des images fortes aident à traverser les frontières.
Image forte du calendrier panoramique 2015: en Sibérie, un cavalier et son cheval traversent le lac Baïkal gelé.
Nicole Aeby voyage aujourd’hui depuis son bureau dans le désert libyen et à la rencontre des troupeaux de rennes en Sibérie, mais aussi dans la ville côtière de Pondicherry en Inde. «Sans jetlag, sans coup de soleil et sans doigts gelés.» La productrice du calendrier d’Helvetas tourne les pages de la nouvelle édition. Des photographies de neuf pays sont liées entre elles par le thème «Au-delà des frontières». Les frontières séparent le travail et le temps libre, le jour et la nuit, le monde des hommes et des femmes, les peuples et les pays. «La notion de frontière est un espace dynamique, les images qui la composent sont variées et passionnantes», déclare Nicole Aeby. La particularité des images du calendrier 2015 tient au fait que tous les photographes ont séjourné sur place et longuement fréquenté les gens et les lieux qu’ils ont photographiés. Leur travail artistique résulte d’une
recherche approfondie. Pour Nicole Aeby, cette démarche journalistique est importante dans le choix des images: «Parce que celles-ci racontent des histoires fortes.» L’histoire cachée suscite la curiosité, stimule l’imagination et incite à réfléchir au-delà des perceptions du quotidien. Nicole Aeby s’arrête sur l’image de janvier: une personne sur un cheval blanc se déplace sur un fond bleu foncé strié de lignes blanches. L’image a quelque chose d’irréel. Les lignes font penser à une toile d’araignée, à des prises de vue microscopiques, à des traînées d’avion dans le ciel. «En regardant cette image, des questions me viennent: quel est ce paysage? D’où vient cette personne et où va-t-elle? Est-elle chargée d’une mission?», s’interroge Nicole Aeby. La légende qui l’accompagne en dit plus: il s’agit d’un cavalier traversant le lac Baïkal gelé, en Russie. En raison de la température hivernale, il peut franchir en toute sécurité la barrière d’eau, large de 80 kilomètres. Mais
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l’eau bouge sous la surface et laisse des fissures fines ou larges dans la couche de glace. Nicole Aeby a toujours été captivée par la volonté de certaines personnes d’aller au-delà de leurs limites © Andrea Peterhans
Par Kathrin Krämer
Nicole Aeby, avec le nouvel agenda de poche.
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FAIRSHOP Fairshop pour réaliser des images exceptionnelles pour les autres. Elle a fait ses propres expériences des frontières. À 18 ans, elle a franchi celles de sa petite ville natale, Horgen, pour se rendre à Londres. Là, elle a visité une exposition du photographe anglais Chris Killip. «À cet instant, j’ai su que je me consacrerai à la photographie documentaire», raconte Nicole. Après des années de formation à Hambourg et à New York, elle a fondé l’agence «Lookat Photos», qu’elle a dirigée pendant quinze ans. Elle a engagé des photojournalistes et des reportersphotographes spécialisés dans les documentaires sociaux. Des histoires du monde ont atterri chaque jour sur son bureau à Zurich. Elle a ensuite transmis ses connaissances à de jeunes étudiants, en donnant des cours à l’école de journalisme MAZ. Nicole Aeby considère le fait de travailler pour Helvetas comme un «heureux hasard». En 2011, elle a été mandatée pour organiser une exposition itinérante à l’occasion du 40e anniversaire du calendrier panoramique. Il y a une année à peine, l’équipe d’Helvetas Fairtrade l’a encouragée à envoyer sa candidature pour le poste qu’elle occupe actuellement. Elle aimerait trouver un langage imagé pour les cartes et calendriers, qui soit adapté à la communication d’une ONG tout en répondant à des exigences artistiques. Un objectif qu’elle a déjà atteint avec le nouvel agenda de poche: «Il offre des images prenantes du projet à long terme Tiksi de la photographe sibérienne Evgenia Arbugaeva», confie Nicole Aeby. Elles illustrent de manière poétique le quotidien dans l’Arctique, la lutte contre le froid et la vie âpre dans cette région. Les photographies rapprochent la réalité des gens qui vivent très loin de chez nous. «Ce qui importe finalement, c’est de se mettre à la place de son prochain plutôt que de l’exclure, de participer à la vie ici ou ailleurs dans le monde». Pour Nicole Aeby, c’est une conviction. Kathrin Krämer est collaboratrice pour la communication d’Helvetas
«Im Bild» cahier annexé au calendrier panoramique 2015 En allemand.
Informations et fiches de travail pour les classes. Dès la 6e primaire. 32 pages, A4, 12 portraits. (BXG15) Fr. 15.–
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mande de calendriers pour les écoles: 25% de rabais; en abonnement 25% de rabais supplémentaire. Le cahier «Im Bild» est offert. Important: indiquer l’école et le niveau scolaire! Calendrier avec le cahier (KAB) Fr. 25.50. Calendrier 2015 en abonnement avec cahier: (KAB1) Fr. 20.25
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avec le thème «Au-delà des frontières», et ses photographies sélectionnées. Légendes en franç./all./ital./ angl./esp. Imprimé sur papier FSC. 56 x 26 cm (K15) Fr. 34.-. À partir de 5 exemplaires Fr. 27.20. Abonnement (KAD) Fr. 27.-
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portfolio d’images fortes et poétiques prises par la photographe sibérienne Evgenia Arbugaeva, qui jette un regard tendre sur sa ville natale. 12 photographies exceptionnelles sur la vie quoti-
doubles avec enveloppes, 21 x 10,5 cm (DAB) Fr. 26.– La carte avec enveloppe Fr. 3.– (codes v. images) dienne dans l’Arctique. Petit format, avec calendrier, échéancier annuel, espace pour des notes. Calendrier hebdomadaire sur une double page. Couverture rigide bleu nuit, relié, sans spirales. Papier FSC, 11,5 x 13,5 cm, bilingue franç./all. (HC15) Fr. 25.–
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