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R encont R e Loqman Mooland sur

La Route De Tous Les Possibles

L’humilité. Le respect. Et encore et toujours, le partage. Telles sont les valeurs qui caractérisent Loqman MOOLAND. Cet humaniste âgé de 53 ans, père de trois enfants est, depuis la mort de son père, Osmann, en 2018, le nouveau président du directoire du groupe de transports saint-louisien. En digne héritier, engagé Sur la route… en quête d’horizons toujours plus lointains.

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• Diplôme d’études comptables et financières en poche, parachevant un cursus parisien à l’Ecole de l’expertise comptable et de l’audit (ENOES) en 1990, Loqman Mooland, ne tarde pas, de retour au pays, à rejoindre l’entreprise familiale qu’il intègre en 1993, après une escale de trois ans dans le cabinet de commissariat aux comptes Auditec, à Saint-Denis. Une fois encore, revenu dans le giron familial, le fils du fondateur des transports Mooland ne traîne pas en route. D’abord Responsable administratif et financier (RAF) de la société, Loqman est très vite choisi par son père pour diriger une filiale spécialisée dans le transport de marchandises. L’entreprise venait d’être reprise devant le tribunal de commerce de Saint-Pierre.

À peine trois ans plus tard, Loqman est nommé Directeur administratif et financier du groupe. Nous sommes en 1996, et l’entreprise entame alors une importante et lourde restructuration. Ayant fait ses preuves, il intègre, en 1999, le directoire qui vient tout juste d’être mis en place, à la suite de la transformation de l’entreprise individuelle de son père.

Le très précieux “ capital ” humain

En 2007, lorsque Osmann Mooland lui demande de prendre le poste de directeur général, il accepte. “ Je n’étais absolument pas destiné à assumer une telle fonction au sein du groupe. C’est un concours de circonstances qui m’a conduit à accepter ce poste lorsque mon père me l’a demandé ”, explique-t-il, humblement.

Une conviction l’anime : celle qu’il ne suffit pas d’être diplômé ou brillant pour réussir dans la vie. “ Personnellement, j’accorde beaucoup d’importance à la qualité de la relation humaine, surtout au respect à l’égard des personnes que je côtoie tous les jours. J’ai trop souvent vu des collaborateurs très brillants et/ou bardés de diplômes qui n’ont pas compris l’importance du relationnel avec les collègues et qui n’ont ainsi pas réussi à gagner leur respect et leur confiance. C’est la raison pour laquelle je privilégie l’attitude ”, nous confie-t-il. Le respect des autres, surtout de ses collaborateurs, et la puissance du dialogue social sont au cœur de son action et de ses prises de décision en tant que chef d’entreprise. “ Pour moi, la réussite du

ParOLeS à…

G U illaU me r ivière, responsable du centre d’exploitation de saint-louis • Entré chez Mooland comme conducteur polyvalent en 2003, le jeune bachelier en économie n’a cessé de voir sa carrière évoluer chez le transporteur saint-louisien. Passé responsable d’exploitation en 2008, avant de prendre la direction du centre de Saint-Louis en 2012, Guillaume Rivière salue la “ promotion interne ” érigée comme une marque de fabrique du Groupe Mooland. Maintenant, il l’admet, “ les mentalités changent, et on ne peut plus manager les équipes comme on le faisait il y a encore 10 ans ”. “ Il a fallu s’adapter. Parfois on a l’impression de jouer un rôle d’assistante sociale… ” De la croissance du groupe à l’extérieur des rivages réunionnais, à Mayotte hier, en Guyane aujourd’hui, Guillaume Rivière en tire, lui aussi, une légitime “ fierté ”. “ Le Groupe grandit vite et bien, et il n’est pas question que l’on s’arrête en si bon chemin… ”.

Les L ignes de bonne conduite

groupe de ces dernières années est due en grande partie à la qualité de la relation que nous avons su bâtir avec les partenaires sociaux au fil des années ”. A ce titre, la négociation en 1996 sur un plan de gel des salaires sur trois ans, avec les représentants du personnel, reste dans toutes les mémoires de l’entreprise.

“ Si nos délégués, dont Michel Itema, (le chauffeur le plus ancien des Transports Mooland, 40 ans de maison, NDLR), n’avaient pas joué le jeu, et accepté cet effort du personnel par exemple, les banques et nos partenaires ne nous auraient sans doute pas fait confiance de la même façon, pour nous aider à surmonter la crise de croissance sévère que nous traversions à l’époque, et dont les conséquences auraient pu nous être fatales ” relève Loqman Mooland.

“ Ecoute, partage et confiance… ” Pour le reste, le transporteur l’admet volontiers. Ce qui l’intéresse le plus, c’est relever les défis. “ Le vrai challenge ensuite, c’est de créer les conditions pour atteindre les objectifs fixés en mobilisant au mieux les compétences qui m’entourent. L’écoute, la communication, la capacité à faire confiance ou encore le goût du travail bien fait sont autant de qualités nécessaires pour diriger une entreprise. Il faut aussi une bonne dose d’audace et une capacité de trancher pour prendre les bonnes décisions au bon moment ”, soutient Loqman Mooland.

L’enjeu des nouvelles mobilités…

Il jette aujourd’hui un regard serein sur l’avenir, conscient des défis qui attendent le groupe familial compte tenu des grands enjeux de son secteur d’activité. Son objectif, d’ailleurs, est de le préparer à répondre aux nouvelles exigences en matière de mobilité sur les territoires réunionnais, mahorais et guyanais, sans oublier l’Afrique de l’Est, qui offre de vraies perspectives de croissance. “ Il s’agira, dit-il, de mettre l’accent sur la formation des équipes et le développement des filières dites propres ” (Lire encadré).

Il place également la responsabilité sociale d’entreprise du groupe au cœur de son action en envisageant, notamment, la création d’une structure dédiée.

Bref, sous son leadership, le groupe Mooland n’a pas le loisir de faire du surplace, trop conscient sans doute qu’une entreprise – qui plus est de transport - qui n’avance pas, recule.

Vers la fin des autocars diesels

Face aux enjeux de l’offre des transports collectifs du futur, forcément plus “ propre ”, le groupe Mooland et les autres professionnels réunionnais, ne veulent pas rester sur le bord de la route.

• Alors que les députés ont voté, il y a quelques jours, en première lecture du projet de loi Climat et Résilience, l’interdiction de commercialiser en France des camions et autocars à énergie fossile à partir de 2040, Loqman Mooland y voit une invitation à passer la seconde, même si cette loi – si elle est votée – n’interdira pas la circulation de ces véhicules lourds de transport, après cette échéance butoir. “ Il y a beaucoup de gens qui se préparent, les constructeurs doivent accélérer le développement des énergies alternatives au diesel, car il n’y a plus de temps à perdre ” observe l’autocariste saint-louisien, qui s’inscrit complètement dans cette démarche de “ véhicules propres ”.

Lui-même travaille actuellement sur la filière hydrogène, avec “ un porteur de projet local ” annonce-t-il, sans en dire plus.

Quelle offre et à quel prix ?

Certes, 2040, ce n’est pas encore demain, mais l’échéance n’est pas non plus si éloignée que cela, quand il s’agit pour le gouvernement de la faire coïncider avec le calendrier des industriels. Clairement, le compte à rebours est lancé. D’autant que “ de plus en plus de communes nous ferment leur centre-ville, en installant des zones à faibles émissions (…) Alors que nous n’avons aucune offre en véhicules propres, excepté chinoise ” regrettait, le 15 avril dernier dans les colonnes de notre confrère Le Parisien/Aujourd’hui en France, Ingrid Mareschal, déléguée générale de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV). Sachant que cette évolution technologique devra permettre aux transporteurs, et a fortiori aux chauffeurs de disposer de véhicules à énergie alternative offrant à peu près les mêmes performances qu’un diesel. Mais à quel prix ? “ C’est là toute la question, lorsqu’on sait qu’un véhicule électrique ou roulant à pile à combustible fonc- tionnant à l’hydrogène, coûte 2 à 3 fois plus cher à l’achat… ” admet le dirigeant réunionnais.

Acteurs principaux, pas seconds rôles

Précisément, à La Réunion, cette question du coût des transports collectifs, et des stratégies développées dans le secteur des mobilités nouvelles doit être appréhendée avec “ bon sens ”. “ Si nous ne sommes pas opposés aux nouveaux moyens de transport de passagers étudiés, notamment par la Région et les interco (tramways, téléphériques, etc.), on peut s’interroger sur le temps et les coûts en investissements et en fonctionnement que nécessitera la mise en place de ces futurs équipements ” remarque Loqman Mooland. Lequel transporteur avance, par exemple, la solution BHNS, ces bus à haut niveau de services, que sa société doit mettre en route sur le futur réseau de transport collectif en site propre (TCSP), avec le concours de la Communauté d’agglomération de Cayenne (Guyane).

Selon Loqman Mooland, aucun doute, face à la congestion routière des grands axes dans notre île, la solution de transport en commun, “ à la fois la plus efficace, à court et moyen terme, et la plus raisonnable en termes de coûts ”, reste le bus et le TCSP. Sachant que ce mode de transport (1 500 bus circulent à La Réunion, dont 800 scolaires) rapporte aussi aux collectivités, quelque 20 millions d’euros chaque année. Une chose est sûre, à l’image du Groupe Mooland, les professionnels du transport de voyageurs de l’île entendent jouer un rôle moteur dans “ l’évolution des modes de transports collectifs ”. “ Être des acteurs principaux auprès des pouvoirs publics, des collectivités, comme l’ont été nos parents et nos grands-parents ” conclut Loqman Mooland, prêt à relever tous les défis.

• Au commencement, la volonté de son fondateur, Osmann Mooland, de développer le transport en commun à La Réunion. Sans gros moyens au départ, l’entrepreneur réunionnais parti de Salazie où il entama sa longue route dans les années 1950, comme simple contrôleur - avant de l’exploiter - la ligne de bus que gérait son oncle Ibrahim dans l’est du département, Osmann Mooland aura marqué la vie économique et sociale de l’île durant 60 ans. Déjà par les valeurs solides sur lesquelles il a bâti son entreprise, dont le respect, l’empathie, le dur labeur ainsi que la passion pour son métier. Aujourd’hui devenu un acteur clé dans notre île, le groupe Mooland est un véritable poids lourd en matière de transport de passagers sur ce territoire. Et le premier transporteur français d’outre-mer. Avec ses quatre services, dont le transport scolaire, le transport tourisme et occasionnel, le transport urbain et interurbain ainsi que les navettes Jetcar OI, ce n’est pas moins de 8 000 voyageurs qui utilisent ses réseaux à travers l’île tous les jours, en sus des quelque 30 000 élèves issus de vingt des vingt-quatre communes de ce département.

Un savoir-transporter exportable

• Partenaire de longue date des collectivités locales et des sociétés d’économie mixte, le groupe familial est résolument tourné vers l’avenir et poursuit son développement pour offrir aux usagers une solution de mobilité durable, innovante, sûre et diversifiée. Un développement qui ne se limite pas aux frontières de La Réunion : le groupe Mooland est, en effet, présent à Mayotte depuis 2010, avec l’exploitation du réseau de transport scolaire “ Halo ”, via sa filiale Matis (257 véhicules et 95 entreprises de transport différentes mobilisées au total). Il l’est aussi, aujourd’hui, à Cayenne, où le transporteur saintlouisien a décroché en 2020 le marché des transports urbains de la Communauté d’agglomération du centre littoral de Guyane (35 autobus, 140 salariés, 1,4 million de km parcourus par an, et 1,6 millions de passagers transportés chaque année). Pour exploiter ce réseau guyanais Agglo-bus, desservant les six communes de la CACL (Cayenne, Matoury, Macouria, Roura, Remire-Montjoly et Montsinéry), le groupement Mosaïque, dont le groupe Mooland est le principal actionnaire, s’est associé avec la collectivité guyanaise au sein d’une société d’économie mixte, la Semop. La CACL s’étend sur une superficie de 5 000 km 2 , soit deux fois la superficie de La Réunion, et compte une population de 140 000 habitants.

ParOLeS à…

Michel i te M a, chauffeur depuis 40 ans, déléGué du personnel

• “ Lorsque je suis arrivé, CAP de carrossier en poche, en 1983, le groupe Mooland comptait 35 bus, et à peu près autant de salariés. Aujourd’hui, ce sont 500 véhicules qui roulent sous les couleurs de Mooland qui emploie plus de 700 salariés. C’est une très grande fierté pour moi d’avoir accompagné, à ma place, cette évolution spectaculaire de l’entreprise. Y compris dans les moments les plus compliqués, lorsqu’il a fallu se serrer les coudes tous ensemble, personnel et direction. Cela au prix d’un dialogue social de qualité, qui a toujours été présent au sein du Groupe Mooland. Ainsi, ce groupe a été la première entreprise de transport de voyageurs du territoire français à signer, en 1999, un accord 35 heures ”. A 62 ans, celui qui laissera “ la place aux jeunes ” l’an prochain, et qui, en 40 ans de présence au sein du Groupe Mooland, a transporté deux générations d’élèves, c’est-à-dire les parents de ceux qu’il véhicule aujourd’hui entre Saint-Louis et le Tampon, sa ligne de car fétiche, a pu apprécier l’évolution des véhicules qu’il a été amené à conduire. “ C’est bien simple, entre les bus d’hier et ceux d’aujourd’hui, c’est le jour et la nuit. C’est comme si au départ, je conduisais une 4 L et aujourd’hui une Mercedes ”.

Mathieu t urpin, directeur d’exploitation du Groupe Mooland

• A 35 ans, Mathieu est un bel exemple de méritocratie, encouragé par le Groupe Mooland.

Issu d’un milieu assez modeste, originaire de Cilaos, ce trentenaire, entré en 2012 chez Mooland avec son seul permis D comme bagage, a gravi les échelons aussi rapidement qu’a évolué l’entreprise ces dix dernières années. Promu responsable d’exploitation, il en profite pour reprendre des études et passer une licence pro en Transports à SaintPaul. Et le voilà depuis trois ans, directeur des 5 centres d’exploitation de la Réunion, dont celui de Saint-Louis. “ C’est une grande fierté, pour moi, de travailler dans ce groupe où j’ai tout donné, où l’on m’a tout donné. Partage et considération des collaborateurs sont des valeurs très fortes dans ce groupe. Et la direction sait faire confiance aux jeunes ! ”. Assigné aujourd’hui à un poste administratif, Mathieu Turpin l’admet volontiers : “ Le plus dur à gérer, c’est la variété des dossiers à traiter. Parmi les événements récents les plus compliqués à appréhender, je retiens l’épisode des “ Gilets Jaunes ”, puis, cette crise sanitaire, dont on tarde à voir le bout du tunnel. ”

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