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Zistoir da kour
from Magazine WOPE
by Hervé BAUM
5 Dalons Dans Le Vent
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C’est le buzz du moment. Zistoir da kour, une minisérie tournée dans le quartier par cinq jeunes de Sainte-Clotilde et diffusée sur internet, relève du phénomène de société. Rencontre avec une jeunesse réunionnaise en mal de représentativité qui s’auto - médiatise.
Yoshii
MaZalaZa
BBam bam ! L’expression ponctue quasiment chacune de leur phrase et émaille le flot de commentaires et messages de soutien sur leur page Facebook. “ Ça exprime la joie ”, rigole Maza Laza, amusé de nous décrypter quelques-uns des codes de cette jeunesse réunionnaise qu’il représente. Car en deux semaines, il a su créer, avec ses dalons de Sainte-Clotilde et du Chaudron, un véritable phénomène. Le phénomène Zistoir da kour.
Avec 95 000 vues sur Youtube, la minisérie des gars la kour fédère une génération en mal de représentativité. “ On ne lit aucun journal, aucun magazine. On trouve que ça ne parle pas vraiment de ce que vivent les gens ”, confie la jeune équipe d’acteurs et réalisateurs “ freestyle ”. Eux, c’est dans l eur vie et celle de leur quartier qu’ils puisent l’inspiration.
“ Marre de galérer dans le quartier ”
Iris a seize ans et prépare un bac pro secrétariat au lycée Rontaunay. À 17 ans, Yoshii vient de laisser tomber ses études de menuiserie au lycée professionnel l’Horizon. “ Té plaît pas moins ”, explique-t-il. Maza Laza, “ le cerveau de l’équipe ” et l’aîné, du haut de ses 19 ans, prépare un BTS de mécanique informatisé en banlieue parisienne. Stéphane, 16 ans, prépare un bac pro vente au lycée Rontaunay et Sioupy, 18 ans, un bac gestion des ressources humaines à Bellepierre.
“ On a grandi ensemble, à Sainte-Clotilde, et à chaque fois que je revenais en vacances, on faisait toujours les mêmes choses : galérer dans le quartier, jouer au foot sur le terrain, jouer aux cartes, aller à la plage ”, raconte Maza Laza. Au fil de ses échanges avec Stéphane sur facebook naît le projet de réaliser un courtmétrage dans le quartier. Filmé avec un Nikon coolpix , le teaser de Zistoir da kour, posté sur youtube séduit rapidement. Le rappeur Boopz les contacte même pour figurer dans le premier épisode de ce qui deviendra une minisérie. “ Pour le premier épisode, on a choisi le thème de la drague, parce que c’est un truc qu’on fait tous, fille comme garçon ”, explique Sioupy. Une fois le thème choisi, chacun des membres réfléchit durant la semaine à ce qu’il va proposer et le samedi, l’épisode est tourné en totale improvisation, les membres filmant tous chacun leur tour et Sioupy se chargeant ensuite du montage et de la mise en ligne. “ On discute un peu le matin, on cherche les figurants dont on a besoin, et ensuite c’est freestyle ”, explique Mazalaza. Pour le tournage du troisième épisode, c’est l’artiste Comoriano qu’ils ont invité. “ ça s’appelle zistoir Blédar. Un blédar, c’est quelqu’un qui sort du bled. Quand un cousin sort d’un autre pays, il a des manières qu’on ne comprend pas trop et qui nous font rire. On a eu envie de parler de ça ”, explique Yoshii.
Des thèmes de société comme l’immigration, l’intégration, l’argent ou encore la violence, qu’ils vivent au quotidien et qu’ils retranscrivent avec leurs mots et leur humour. Et leur humour semble parler aux jeunes.
En quelques semaines, Zistoirs da kour a déjà réussi à imposer son expression culte “ viéki ” dans le vocabulaire jeune. Les chaînes de télévision ont bien senti qu’il y avait là une bonne vague à surfer. “ On va les rencontrer pour voir ce qu’ils nous proposent ”, confie discrètement Maza Laza.
“ On ne veut pas rentrer dans le commercial tout de suite, pour ne pas perdre notre esprit da kour ”, précise Stéphane.
Et c’est quoi, l’esprit da kour ? “ Da kour, c’est une famille. Quand on va à Deux-Canons, ou dans n’importe quel quartier de Saint-Denis, on parle avec des gens. On se connaît tous ”, explique-t-il.
Une espèce de grande tribu jeune, avec ses codes, son langage, ses idoles et son mode de communication : internet. “ Au départ, on avait 800 amis sur Facebook.
“ Youtube a bloqué"
On s’attendait à 400 vues sur Youtube, pour le premier épisode, raconte Stéphane. Il y a eu tellement de connexions, que Youtube a bloqué le soir. Le lendemain, on avait 2500 vues ”. Le début de la gloire. Rapidement, on leur offre des caméras. “ Des gens qu’on connaissait, mais même des inconnus ! ”, s’étonnent-ils. Et on se battrait presque pour figurer en “ guest ” sur un de leurs épisodes..
Si leurs familles ont regardé d’abord d’un œil amusé le nouveau loisir de ces marmailles Sainte-Clotilde, c’est aujourd’hui une certaine fierté qu’elles leur témoignent.
“ On a envie de montrer qu’on n’est pas des bons à rien. Par exemple Ulrich, invité sur le deuxième épisode, si tu l’avais croisé dans la rue, tu te serais dit “ c’est un cagnard ”. On a envie de montrer une autre facette des gens, de lutter contre les stéréotypes. ”, confie Mazalaza. Les stéréotypes, thème d’un prochain épisode de Zistoirs da kour. Allez, tournez jeunesse !
KOMAN y lé ?
C’est dans la cuisine du lycée hôtelier de Plateau-Caillou qu’il nous reçoit.
Depuis 1989, Christian Antou y enseigne, notamment l’option cuisine Réunionnaise. Un véritable sacerdoce pour ce défenseur de notre patrimoine culinaire. Rencontre avec un bec pimenté qui ose mettre les pieds dans la marmite à riz.
LLa cuisine réunionnaise doit s’enseigner ? ça n’est pas un savoir qui se transmet en famille ?
- Cette transmission familiale s’épuise. Pendant quasiment deux générations, la cuisine ne s’est pas transmise. Résultat : les gens entre 20 et 40 ans ont oublié les recettes et les produits locaux. On a réduit la cuisine réunionnaise à quelques plats, comme le cari poulet. Si on veut perpétuer cette tradition, il faut l’enseigner.
- Et vous, qui vous l’a transmise ?
- La cuisine d’un pays, c’est un élément culturel fondamental. C’est un acte qu’on fait tous les jours et ça a des répercussions sur tout : l’économique, le touristique, l’éducation… Je me suis donc intéressé à ça tout jeune. J’ai ouvert mon premier resto à 19 ans, à Petite-Ile, le Christou. Je me suis retrouvé orphelin très jeune et j’ai vécu chez mes grands-parents entre 16 et 19 ans. J’ai eu la chance de pouvoir regarder ma grand-mère cuisiner. Elle était très pointilleuse sur la qualité des produits et sur la façon de cuisiner.
J’ai baigné dans cette cuisine familiale, simple mais variée. C’était la naissance des tables d’hôte. Je voulais faire en sorte que cette cuisine se retrouve aussi dans les restos de la côte, d’où mon désir d’enseigner.
- Alors, mission accomplie ?
- Non. Ça n’est jamais terminé. En 1998, j’ai créé l’association Goutanou pour la défense et la promotion de la cuisine réunionnaise. On intervient sur les fêtes, les salons, dans les écoles et on alimente notre site internet.
- Vous avez récemment poussé un coup de gueule contre l’émission Gazon de riz…
- Pas contre l’émission. Ce genre d’émission était attendu, alors je dis bravo. Après, on aime ou on n’aime pas. Ça n’est que mon point de vue : on présente cette émission comme proche de la tradition, alors que les candidats se permettent des fantaisies inacceptables.