Enquête sociologique sur le bénévolat

Page 1

FRIENDS

& élèves du monde


Enquête méthodologique en sciences sociales,

réalisée par Julie Ragot, Grégoire Le Clech et Barbara Delad

Introduction

2

Essai d’analyse

7

I. L’engagement associatif : entre militantisme et syndrome du colibri

7

II. Vision managériale du bénévolat

11

Conclusions personnelles

14

Julie

14

Grégoire

16

Barbara

17

Annexes

18

Observation - Cours de français à l’association AMIS

18

Analyse d’observation

25

Entretien avec Mohammed (P2)

26

Analyse de l’entretien avec Mohammed

36

Entretien avec Julien, président de l’association

37

Analyse de l’entretien avec Julien

56

Bibliographie

57

1


Introduction « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde. » disait Gandhi. Dans cette enquête que nous présentons nous avons voulu mettre en avant une association, FRIENDS, et deux bénévoles qui ont su appliquer cette philosophie de vie. Avec eux, nous revenons sur leur engagement et la signification qu’ils nous donnent de leur engagement.

Dans un premier temps, nous nous sommes concertés et avons mis en commun nos centres d’intérêts respectifs puis nos contacts potentiellement mobilisables. Le thème principal qui en est sorti est la cause féminine. De ce fait, nous nous sommes penchés sur le planning familial et l’accès à l’IVG. Après avoir fais l’inventaire des plannings familiaux sur Paris, nous avons consulté leurs sites puis nous avons sélectionné le planning familial d’une ville de la banlieue parisienne car des conférences par des médecins étaient données. Une semaine plus tard, nous nous sommes rendus, Grégoire et Barbara, sur place. L’association était fermée, contredisant le site qui indiquait que le planning était ouvert. Nous avons donc pris soin de noter les horaires affichées sur la porte puis, quelques jours plus tard, nous nous y sommes rendus une nouvelle fois, Grégoire, Julie et Barbara. Devant une nouvelle porte fermée et une affiche indiquant des horaires différents de la fois dernière, nous avons compris que le sujet du planning familial semblait compromis de par l’organisation, ou plutôt la mauvaise organisation et indication des permanences. Déçus par cet échec, nous allons discuté autour d’un repas. Tout de suite, nous nous mettons d’accord sur la nécessité de changer de sujet. Même processus qu’au commencement… La question de l’accès à la langue française pour les réfugiés émerge. Nous en parlons avec notre professeure. Nous voici relancés. Le sociologue Emile Durkheim a appelé à rompre avec les prénotions qui influencent notre manière de voir le monde, c’est pour cela que nous avons choisi de lister toutes nos attentes, nos avis pré-construits et nos a priori avant de commencer notre travail de terrain. Nous dégageons plusieurs prénotions sur ce thème. En effet, nous considérons que la langue française est l’élément essentiel à l’insertion des demandeurs d’asile dans la société française, demandeurs d’asile qui sont majoritairement d’origine syrienne et du Moyen-Orient, sûrement très pauvres et dans un état miséreux physiquement. Dans nos esprits, les élèves ne parlent ni français, ni anglais. De plus, nous nous attendons à des bénévoles engagés à temps plein, véritables professionnels de l’enseignement suivant un programme clair et précis tel un cursus de première année de LV2, misant sur l’oral principalement. Pour nous, les bénévoles ont développé des liens entre eux et avec les élèves, nous nous attendons à une relation amicale. Nous pensons également que l’apprentissage du français est nécessaire pour obtenir l’asile et que par conséquent cette situation de besoin impératif peut provoquer un malaise et une incompréhension de la part des bénévoles face à ces personnes fatiguées contraintes de se conformer à une nouvelle société.

2


Du fait de l’émergence des crises politiques et sociales actuelles, nous suivons depuis quelques années l’immigration massive que notre époque connait. Nous suivons tous les trois de très près les informations quotidiennes liées à l’immigration. Ce sujet nous intéresse tous les trois, et nous concerne de plus ou moins près.

Nous avions choisi de nous orienter vers l’insertion des réfugiés en France. En effet, cela nous semblait être une question primordiale. Nous voyons actuellement une montée de la xénophobie et un rejet des réfugiés, rejet qui s’explique, pour les partisans, par le fait que les immigrés ne veulent pas s’intégrer en France, ni en apprendre la culture. Nous avions donc jugé intéressant de se pencher sur une association qui dispense des cours de français afin d’aider les réfugiés à s’intégrer en France. En premier lieu, nous avions pensé à une problématique portant sur l’accès à ces cours de langue française, comment y accède-t-on ? Comment en tirer profit ? Comment les bénévoles permettent-ils aux réfugiés d’en tirer profit ? Y a-t-il des démarches administratives pénibles et qui n’en finissent pas ? Puis, à la suite de nos entretiens avec des bénévoles montrant des similitudes de parcours frappantes mais partageant pourtant des visions si différentes de la vie, nous avons porté notre enquête sur l’engagement bénévole vu à travers deux personnalités bien distinctes.

L’association FRIENDS a été créée le 1er novembre 2015 par Julien et ses amis. Leur mission principale consiste à organiser des cours de français afin de faciliter l’accès des réfugiés au droit d’asile. Après avoir été confrontés à la problématique des locaux, ils se sont renseignés sur les Centres d’accueil des demandeurs d’asile et ont constaté que peu de cours de français y étaient donnés. Selon le site coallia.org, un CADA est un « établissement offrant aux demandeurs d’asile la possibilité de bénéficier d’un hébergement, d’une prise en charge sociale globale et d’un accompagnement spécifique dans le cadre de leur procédure de demande d’asile ». Ces Cada étant rattachés à France terre d’asile, il leur a semblé évident de rentrer en contact avec cette association — France terre d’asile1 , créée en 1971, accueille, informe et oriente les demandeurs d’asile en fonction des besoins repérés. Elle leur apporte une aide administrative et sociale du début de la procédure jusqu’à l’octroi d’une protection internationale. Elle accompagne les demandeurs d’asile qui sollicitent une prise en charge en centres d’accueils pour demandeurs d’asile (Cada) et les assiste dans l’élaboration de leur demande. Ayant obtenu une réponse favorable de France terre d’asile qui se trouvait dans le besoin d’une telle initiative, ils se sont, de ce fait, installés dans leurs locaux et depuis, de nombreux bénévoles se relayent régulièrement pour dispenser des cours de français les lundis et vendredis de 14H À 16H.

Selon le site du ministère de l’Intérieur, des chiffres publiés le 8 juillet 2016 indiquent qu’en 2015, 80 075 demandes d’asile ont été enregistrées à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont 74 468 premières demandes (mineurs inclus) et 5 607 réexamens. 62 057 décisions hors mineurs accompagnant ont été prises, soit une augmentation de 19,2 % par

1

3

définition tirée de france-terre-asile.org


rapport à 2014. L’OFPRA a pris 14 119 décisions d’accord contre 8 763 en 2014. Au total, le nombre de décisions d’accord d'un statut de protection (réfugié et protection subsidiaire) prises par l'OFPRA et la CNDA s’établit en 2015 à 19 506, en hausse de 33,7 % par rapport au total des décisions positives de 2014. En 2015, le pays d’origine principal des demandeurs d’asile est le Soudan, avec 6,4% des demandeurs d’asile totaux, puis la Syrie avec 4,5%, puis le Kosovo avec 3,9%. Dans le top10, se trouvent également des demandeurs d’asile originaires du Bangladesh, Haïti, le Congo, la Chine, l’Albanie, l’Irak et l’Afghanistan. Pour ce qui est du bénévolat, selon le site du gouvernement, 32% des français de plus de 18 ans sont bénévoles, soit 16 millions de français. Au 31 décembre 2015, France terre d’asile comptait plus de 636 salariés et 350 bénévoles. Aujourd’hui, l’Ile-de-France compte 34 Centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) dont 3 à Paris. Une fois lancés sur ce sujet, Julie contacte alors une connaissance via Facebook, fondateur d’une association qui se charge de donner des cours à des demandeurs d’asile, FRIENDS. Barbara contacte son cousin, réfugié syrien prenant des cours de français sur Angers, puis sur les conseils de Mme Buu Soa, la piste d’interview du cousin est abandonnée au profit d’un entretien avec un demandeur d’asile faisant partie de l’association FRIENDS. Pour revenir aux raisons originales de ce choix d’association, Julie connaissait le membre fondateur de l’association. Elle voyait régulièrement ses posts sur Facebook et des événements dans sa ville, la prise de contact a été ainsi facilitée par rapport aux plannings familiaux. Julie a alors contacté le fondateur puis la prise de contact a été très rapide : en quelques heures l’observation a été organisée. Après quelques messages envoyés au fondateur de l’association Julien2, nous sommes reçues, Julie et Barbara, afin d’assister à un cours de français de 2h le vendredi 3 mars 2017 et de procéder à un entretien avec un bénévole. La prise de contact s’est faite très rapidement : le bénévole a été très réactif aux messages et semblait intéressé par notre initiative d’enquête. Il est 13h30 ce vendredi 3 mars, nous, Julie et Barbara, sommes en voiture et cherchons avec attention un certain bâtiment à l’adresse donnée par Julien. Arrivées dans la bonne rue, nous devinons l’endroit, encerclés par des bureaux d’entreprises, grâce à l’adresse et à un panneau indiquant « France Terre d’Asile ». Nous restons quelques instants à la porte et commençons à observer. Nous avions convenu, Julie et Barbara, d’énoncer la raison de notre présence du fait que nous ne pouvions pas nous « fondre dans la masse » comme le recommande Nicolas JOUNIN3. Pour lui, l’idéal pour observer serait d’être invisible, mais il dit bien que ce n’est pas possible. Également selon ses dires, nous n’avions « ni le look, ni la couleur » des élèves qui assistaient à ce cours de français. nous avons donc exposer notre projet aux bénévoles, mais nous n’avons pas eu l’occasion de donner des détails aux élèves. Observation faite, il s’agit pour nous d’obtenir un entretien avec un des professeurs et un demandeur d’asile. Nous demandons à la fin du cours au bénévole restant Mohammed, pensant qu’il avait été prévenu, « Combien de temps ? 30 min ? Ah non non… Je vais vraiment pas avoir le temps là… Appelez-moi à ce numéro » et il écrit au tableau son numéro de portable. Julie le 2

Le nom a été changé.

3

JOUNIN, Nicolas. Voyage de classe. La découverte, 2014.

4


note. Quelques jours plus tard, sans réponse du fondateur concernant une possible interview avec un bénévole, nous nous résignons à re contacter celui rencontré lors du cours. Il nous répond rapidement, accepte et nous propose de se voir le lundi 6 mars à 18H30 au café XXX vers Opéra.

18H30 ce jour d’interview, nous sommes, Julie et Barbara, devant le café. Voyant l’heure avancer et l’heure de fermeture du café approcher, nous hésitons à lui envoyer un message lui rappelant le rendez-vous, puis nous le faisons.

À l’image d’Abdelmalik SAYAD4 , nous n’avons pas dit pas clairement notre objet d’étude et sommes restées floues. Nous avions présenté notre entretien dans le but de mettre en lumière différents bénévoles oeuvrant pour des associations. Nous avions préparé une grille de questions5. À la fin de notre entretien avec Mohammed6, nous sommes abasourdies devant l’attitude décontractée que nous avions franchement observée et son incroyable parcours très chargé et professionnellement impressionnant. Cette situation paradoxale entre ce que nous avions jugé comme un « manque de sérieux » et ce CV de haut niveau nous étonne fortement et intrigue. Julie, lors du cours, avait entendu quelqu’un l’interpeller par son prénom mais nous n’avions pas plus d’information personnelle sur lui. Lors de l’entretien, nous avions remarqué qu’il avait été spécialement réticent à aborder son parcours personnel : il mettait beaucoup en avant son parcours professionnel et ses expériences professionnelles mais avait beaucoup de mal à

SAYAD, Abdelmalik. « Une famille déplacée » dans La misère du monde. Éditions du Seuil, 1993 4

5

voir annexes

6

Le nom a été changé.

5


aborder ses origines et sa situation sociale. De ce fait, il nous fallait rechercher ces informations manquantes sur internet, via ses profils sur les réseaux sociaux. Julie parcours alors les amis du fondateur de l’association sur Facebook et réussit à retrouver le profil du bénévole. À partir de là, Barbara scrute son profil en détail et de fils en aiguille, trouve son compte Instagram, qui révèle beaucoup de choses sur lui, notamment sa mystérieuse ambiguïté concernant la religion. En effet, malgré un nom à connotation musulmane, il publie de nombreux articles tirés de sites catholiques, mais il semble également fêter Noël, sans pour autant oublier de souhaiter l’Aïd à celle qu’il appelle sa « soeur » et adresser des messages intitulés « Aux musulmans et antimusulmans ». Nous pensons donc à un ancien musulman converti au catholicisme, ou à un kabyle, ou encore à un « curieux » des religions, mais cette position multilatérale amène à réflexion. Devant la richesse de cette interview, nous confrontons nos opinions et nous en arrivons à décider de concentrer notre enquête sur les bénévoles au sein de cette association plutôt que sur les demandeurs d’asile comme nous le voulions originellement. De ce fait, Julie contacte le fondateur de l’association d’abord par Facebook, puis par SMS, et enfin au téléphone à deux reprises afin de convenir d’un rendez-vous avec lui également. Nous avions rendez vous samedi 11 mars 2017 à Denfert Rochereau afin de rencontrer le président de l’association. L’entretien commence, Julie pose son téléphone sur la table près du président de l’association afin que l’enregistrement soit audible. Comme le conseillait d’Abdelmalik SAYAD, nous avons beaucoup rebondi sur ce que nous disait Julien lors de l’entretien. Nous avons réalisé un entretien semidirectif en privilégiant toujours le « pourquoi » et le « comment ». Aussi, nous avons, à plusieurs reprises, encouragé l’enquêté. Nous voilà bien avancés désormais. Le compte-rendu et l’analyse de l’observation son confiés à Barbara, la retranscription et l’analyse de la première interview sont confiées à Julie et la retranscription et l’analyse de la seconde interview sont confiées à Grégoire. Le carnet de bord avançant progressivement, notre enquête arrive au point où nous avons enfin tous les éléments.

Nous avons choisi de traiter l’enquête sous l’angle du bénévolat : l’engagement associatif est-il le symptôme du syndrome du colibri ou l’application managériale acquise au cours des études ? Nos deux axes principaux étant le dénominateur commun du syndrome du colibri et l’application managériale qu’en font ces deux bénévoles sur lesquels nous nous sommes basés.

6


Essai d’analyse

I. L’engagement associatif : entre militantisme et syndrome du colibri Lorsque nous avons commencé à orienter cette enquête sur les bénévoles eux-mêmes, nous sommes partis de l’hypothèse que ces bénévoles étaient des personnes qui avaient fais le choix de s’engager pour des raisons personnelles et militantes. Nous imaginions ces bénévoles comme étant des individus qui avaient une certaine proximité avec le monde des demandeurs d’asile (dans leur famille, dans leur entourage ou encore dans leur vie professionnelle). Mais au cours de nos observations et de nos entretiens, nous avons constater que les bénévoles que nous avons rencontré s’étaient engagés pour des raisons idéologiques, mais à des degrés différents.

« L’engagement peut être entendu au sens de conduite ou au sens d’acte de décision, selon qu’il désigne un mode d’existence dans et par lequel l’individu est impliqué activement dans le cours du monde, s’éprouve responsable de ce qui arrive, ouvre un avenir à l’action, ou qu’il désigne un acte par lequel l’individu se lie lui-même dans son être futur, à propos soit de certaines démarches à accomplir, soit d’une forme d’activité, soit même de sa propre vie »7. L’individu qui fait le choix de s’engager dans une association accepte alors de s’investir dans cette dernière et d’y consacrer du temps. L’engagement associatif d’un individu fait de lui un bénévole. Le bénévolat est une action libre, sans rémunération et en direction de la communauté 8. Les personnes engagées dans l’association FRIENDS sont uniquement des bénévoles. FRIENDS ne recense aucun salarié. Les membres de l’association sont donc des individus qui donnent de leur temps sans être payés afin d’enseigner le français aux demandeurs d’asile. Le bénévolat est un statut qui peut paraître contraignant du fait qu’on donne de notre temps sans une contrepartie financière, c’est pourquoi l’engagement associatif peut paraître surprenant au premier abord. Afin de réaliser cette enquête, nous avons effectué deux entretiens. La première personne avec laquelle nous nous sommes entretenus, Mohammed, était un des professeurs que nous avions pu observer. Le second, Julien, est le président de l’association et l’un des fondateurs de FRIENDS. Ces deux jeunes hommes ont un profil assez similaire. Ils se sont engagés dans l’associatif pour une même raison : une idéologie, mais à des degrés différents. Leur aspiration au bénévolat est principalement motivée par la conduite d’un projet qui leur tient à coeur.9 Julien et Mohammed sont très engagés idéologiquement pour la cause des réfugiés. Leur engagement associatif est un choix répondant à leurs visions de la société. En effet, Mohammed s’est engagé bénévolement dans l’association pour des raisons militantes. L’engagement 7

Encyclopédie Universalis, 1998

8

Dan Ferrand - Rechmann - Les bénévoles et leurs associations, L’harmattan

9

Dan Ferrand - Rechmann - Les bénévoles et leurs associations, L’harmattan

7


militant est un « engagement qui se caractérise par un choix en conviction, en type d’action, en valeurs. Les militants s’engagent par rapport à une idée, une ligne idéologique10». Mohammed a souhaité s’engager pour venir en aide aux personnes dans le besoin comme les sans domicile fixe ou encore les réfugiés. Il qualifie lui même son engagement comme étant un « militantisme associatif ». Il a une idéologie très marquée : selon lui, notre société est « absurde » et est dominée par la consommation. Son engagement résulte de sa ligne idéologique ; étant opposé à certaines facettes de la société, il souhaite lutter en s’engageant dans l’associatif. L’idéologie se définit comme un « ensemble plus ou moins cohérent des idées, des croyances et des doctrines philosophiques, religieuses, politiques, économiques, sociales, propre à une époque, une société, une classe et qui oriente l’action ».11 Mohammed nous a rapidement exposé son esprit philanthropique. La philanthropie est « une philosophie ou doctrine qui met l’humanité au premier plan de ses priorités. Un philanthrope cherche à améliorer le sort de ses semblables par de multiples moyens ». 12 Son engagement militant ainsi que ses activités professionnelles résultent donc de son esprit philanthropique. Mohammed est une personne altruiste qui veut donner de son temps aux autres au lieu de « s’enrichir personnellement ». 
 Julien, lui, a choisi de rentrer progressivement dans l’engagement associatif. En effet, il a commencé par agir sur un problème particulier et ponctuel : le lycée Jean Quarré, pour ensuite avoir une démarche plus globale en visant un changement social13. Julien nous a expliqué qu’il avait commencé à s’engager bénévolement dans le lycée Jean Quarré où il agissait afin de venir en aide aux réfugiés. Il s’occupait d’acheter de la nourriture et de trouver des matelas. Mais petit à petit, il s’est rendu compte que c’était une structure sans organisation. Il a donc fait un constat : il pouvait être beaucoup plus utile dans un autre domaine. Il a alors commencé à donner des cours de français au sein de ce même lycée. Par la suite, il a décidé de créer une association (FRIENDS). Il a très vite constaté que pour venir en aide aux réfugiés et pour se sentir vraiment utile, donner des cours de français était un véritable enjeux et atout, c’est pourquoi l’association FRIENDS a pour but de dispenser des cours de français aux demandeurs d’asile. Julien aussi revêt un engagement militant, puisqu’il s’est engagé dans un but militant dans le lycée Jean Quarré puis a essayé d’augmenter l’utilité de son militantisme en créant FRIENDS. Ses idées sont moins marquées que Mohammed, qui affiche un réel mécontentement de la société dans laquelle nous vivons, mais nous comprenons, de par son entretien, que Julien est très touché par la vie des réfugiés. Leur engagement dans l’association FRIENDS est aussi à mettre en lien avec leurs capacités professionnelles. En effet, Mohammed a été enseignant dans une prépa pendant plusieurs années et nous précise qu’il n’était pas anxieux à l’idée d’enseigner puisqu’il a « déjà fait 13 ans d’enseignement ». De même, Julien a dispensé des cours de mathématiques, et Emmanuelle, bénévole qui dispense des cours tous les lundis, est une enseignante retraitée. Ces bénévoles maitrisent donc l’enseignement. Ils se sentent capables de donner des cours à des demandeurs 10

Dan Ferrand - Bechmann, Les bénévoles et leurs associations, L’harmattan

11

Définition du CNRTL

12

Définition Wikipédia

13

Dan Ferrand - Bechmann, Les bénévoles et leurs associations, L’harmattan

8


d’asile, facilitant ainsi leur engagement associatif. Julien le précise dans son entretien puisqu’il dit : « la seule chose qu’on peut faire, c’est vraiment donner des cours et ça nous semblait pertinent, on était capable de le faire ». Le choix de créer une association dispensant des cours de français à des demandeurs d’asile répond à la fois à un besoin et à une capacité. Un besoin car, face à l’afflux massif de demandeurs d’asile en France depuis quelques années, les organismes humanitaires peinent à trouver des bénévoles pour dispenser des cours de français. Une capacité également, car Julien sait qu’il est très utile au sein d’une association comme FRIENDS puisqu’il a une, certes limitée mais, expérience dans l’enseignement. L’engagement associatif des bénévoles de FRIENDS découle d’un engagement idéologique et d’un militantisme assumé. L’ensemble des bénévoles, comme nous l’expliquait Julien, sont attentifs aux causes sociales du fait de l’influence des parents ou de leurs amis. Dans le cas de Julien, ses amis l’ont influencé et l’ont poussé à s’intéresser aux faits sociaux, tandis que pour une bénévole de l’association, Raphaëlle, ses parents l’ont influencé car ils sont attachés au social de par leurs activités professionnelles. La disponibilité temporelle est aussi un facteur d’engagement associatif. En effet, Mohammed est revenu à trois reprises, lors de son entretien, sur le fait qu’il ait choisi de s’engager car « ayant du temps ». L’engagement associatif nécessite de disposer de beaucoup de temps libre afin de s’y consacrer réellement. En insistant sur cette disponibilité temporelle, on comprend aisément que sans cette dernière, il n’aurait peut être pas pu s’engager dans une association. Le syndrome du sauveur est ce qui détermine l’engagement associatif pour certains individus. Ce phénomène se définit par la volonté et l’action de voler au secours des autres avec des motivations différentes, notamment pour donner une image héroïque de sa personne.14 Mohammed nous a expliqué qu’avant de donner son premier cours de français, il pensait qu’il aurait face à lui des réfugiés dans une « grande misère » mais rapidement, il se rend compte que ce présupposé s’est révélé « absolument faux ». Il nous avoue avoir fait un travail sur luimême afin de ne pas s’engager dans l’unique intention d’être qualifié de sauveur et que les réfugiés l’idéalisent. Julien affirme aussi ne pas s’être engagé dans l’associatif par cette motivation de sauveur. S’engager dans l’associatif dans l’objectif d’aider les plus démunis pour avoir une certaine reconnaissance en retour est « contre productif » selon Julien. En effet, pour ce dernier, le syndrome du sauveur ne « sert à rien » et peut « faire mal ». Mohammed explique que ce syndrome peut entrainer une certaine déception lors de l’engagement associatif car les individus n’ont pas l’impression d’aider les plus démunis, et ont donc l’impression que les personnes en face desquelles ils se retrouvent n’ont pas réellement besoin d’eux. Le syndrome du sauveur entraine une insatisfaction permanente pour les bénévoles puisqu’ils ont l’impression de ne pas être assez utiles et de ne pas aider les plus miséreux.

14

9

Lamia & Krieger, Le syndrome du sauveur


Au cours de leurs entretiens, Julien et Mohammed nous ont tous les deux parler du « syndrome du colibri » pour qualifier leur engagement associatif. Ce syndrome du colibri dénonce le fait que les individus ne sont pas totalement impuissants s’ils le décident. 15 « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie Mohammed qualifie la mentalité du de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés obsercolibri de la manière suivante : « soit vaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri tu désespères, soit tu fais ta part et s'active, allant chercher quelques gouttes d'eau dans t’essaie d’inspirer les autres ». son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d'un moJulien et Mohammed nous ont ment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, expliqué qu’ils font leur part : ils font lui dit : « Colibri ! Tu n'es pas fou ? Tu crois que c'est ce qu’ils ont à faire au maximum, et avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu ? » ce dont ils se sentent capables. Pour « Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part » . ces deux jeunes hommes, le plus (Pierre Rabhi, La part du colibri, l’espère humaine face important est le fait de participer. à son devenir, L’aube poche) Julien précise qu’il ne faut pas être complexé par les réussites ni par les échecs. Ces deux bénévoles se sont donc engagés dans le but de participer à ce qui semble être le mieux pour la société. Mohammed précise qu’ils ne sont « qu’un pansement », ils ne sont « ni une suture, ni une opération ». Julien et Mohammed se sont donc tous les deux engagés dans l’association FRIENDS afin d’être fidèles à leur idéologie et à leur responsabilité à l’égard du monde. Ils ont un engagement associatif militant qui répond au besoin de faire leur part pour que la société évolue. Nous avons tout de même constaté que Julien avait un degré de satisfaction beaucoup plus élevé que Mohammed. En effet, Julien est satisfait de l’association, il sait qu’il pourrait faire plus, mais il trouve qu’il fait déjà quelque chose et que c’est le plus important. Inversement, Mohammed souhaiterait faire plus, il aimerait se sentir plus utile. On constate donc que Mohammed n’a pas encore terminé son travail sur lui-même, et qu’il a encore quelques symptômes du syndrome du sauveur. L’engagement associatif de ces deux bénévoles résulte d’un militantisme idéologique émanant d’un attrait pour la cause sociale et du syndrome du colibri qui les incite à agir pour défendre leurs idées.

15

Pierre Rabhi, La part du colibri

10


II. Vision managériale du bénévolat En partant du principe même d'un système d'entreprise, le management est « une discipline relativement récente qui se confond avec la gestion d'entreprise. Il a pour vocation la planification, l'organisation, la direction et le contrôle d'une organisation afin qu'elle atteigne ses objectifs »16. Ce modèle tentant de s'imposer même dans la sphère du bénévole. En effet, certaines associations cherchent à accroître leur productivité et pour cela utilisent ces principes du management. En partant de nos analyses et de nos données, nous verrons ainsi que l'objectif principal de l'association FRIENDS est de se stabiliser et de mettre en perspective son avenir de façon raisonnée. Les données récoltées lors de l'observation et les entretiens réalisés auprès de Julien et Mohammed amènent à questionner l'engagement en tant que bénévole et la rétribution que les individus peuvent en dégager. Nous verrons ainsi que la notion de bénévole n'est pas de facto idéologique, c'est un don de temps au profit d'une association mais cela est à nuancer. En effet, le bénévolat est un dévouement humanitaire. Comme nous avons pu le constater avec Julien ou Mohammed, leurs trajectoires marquent quelques similitudes. Il faut alors questionner si le fait qu'ils viennent tous les deux d'écoles de commerce facilite ou non la création d'associations et, par extension, la vision managériale qu'ils ont appliqué et dont ils nous ont fait part. En effet, la mise en place d'une sorte d'efficience des associations est une corollaire de l'extension du management des entreprises. De nombreuses associations cherchent alors à s'organiser, à optimiser leurs performances, développer la responsabilité individuelle17. Ce modèle de l'entreprise parfaite adaptée aux associations dans notre objet étude, peut être relié au fait que les deux personnes interviewées soient dans un cursus d'école de commerce, ou déjà diplômées. Par ailleurs, Julien nous a fait part de sa vision sur les autres associations, selon son avis, elles n'arrivent pas à capter « les jeunes » car leurs modèles ne sont pas adaptés pour des individus ayant des contraintes de stabilité, de temps. En effet pour des étudiants, le modèle des grandes associations telles que Action contre la faim, ou encore Réfugiés bienvenus, semblent trop institutionnalisées. Le militantisme du bénévole est tout d'abord une définition d’« action libre sans rémunération »18. La pratique bénévole a évolué dans les dernières années, en effet, il faut constater qu'une distanciation de l'objet et de la cause s’est opérée dans cette pratique. Le bénévolat s'est donc quelque peu émancipé des notions «philanthropiques» pour accepter et permettre aux individus d'intérioriser le fait que l'action de bénévole pouvait être belle et bien pour les autres, donc porter une aide à autrui, mais également dans une forme de «rétribution» car c'est ce que nous avons pu comprendre au travers de l'entretien auprès de Julien. Ce dernier, étant à l'école de commerce de l'ESSEC en master, nous a fait part de la facilité d'intégrer une association étudiante dans son école. Cela est ancré dans son cursus et servira dans son avenir, la création 16

Définition tirée de petiteentreprise.net SIMONET Maud, Le travail bénévole, La dispute, 2010

17 18

FERRAND BECHMANN Dan, Le métier de bénévole

11


d'une association, et le maintien de son organisation marque donc une forme de première expérience de travail. De plus, cette « managérialisation » des associations n'est pas un processus qui s'impose contre les bénévoles. En effet, ce principe n'est pas une évolution qui « adviendrait malgré eux »19, mais il s'agit d'un phénomène se mettant en place à travers eux. L'hypothèse que la spécialisation du travail amène à une spécialisation dans la sphère associative est peut-être la clé pour comprendre et appréhender ce principe. Les bénévoles ont plus de moyens, de ressources à mobiliser, et cette vision managériale n'est qu'utilisée par les bénévoles. Pour prendre exemple sur l'association FRIENDS, l'un des fondateurs, Julien nous a expliqué qu'il s'occupait essentiellement de l'organisation, à travers les réseaux sociaux et ses contacts personnels. Par ailleurs, la mise en place d'un manuel, que l'association voudrait créer, serait une sorte de guide dans l'apprentissage de la langue française et montre une forme de développement entrepreneurial. Mohammed est, lui, un entrepreneur dans l'âme. Il a crée plusieurs entreprises et a, dès ses études, développé une prépa. Son travail associatif se doit pour lui d'être cohérent et il voulait se sentir utile, ne pas participer à « cette société de consommation ». Il est l'un des initiateurs du manuel d'apprentissage de la langue française. Son point de vue sur l'association est paradoxal, car en effet, l'association n'est qu’« embryonnaire » selon lui. En s'appuyant davantage sur l'ouvrage de Maud SIMONET, Le travail bénévole, en ressort la constatation que les « Business Schools » participent à cette «institutionnalisation» des associations. En effet, les écoles de commerce sont des espaces d'apprentissage du management, des différents modes de gestion et d'organisation des entreprises. L'analyse peut donc être faite que les étudiants d'école de commerce apprennent, à travers la création et la gestion d’associations, à savoir se situer et gagnent en expertise et expérience pour travailler dans la sphère du travail. Le système associatif est à l'initiative de ces changements et de cette professionnalisation. Le terme d'expertise est alors à utiliser, nous avons pu le constater en discutant avec Julien et Mohammed, le souci de l'organisation était l'un des points centraux de leurs propos avec la mise en place d'une véritable stabilité des cours de français. Ce développement de l'offre humanitaire en nombre de bénévole ayant des capitaux très variés et pouvant apporter une réelle expertise, montre que la conversion (complète ou partielle) du capital de ces individus dans la sphère associative marque la nouvelle forme managériale des associations. En effet, Julien nous a fait part du fait que ces amis proches participaient et travaillaient dans son association. Ils ont cependant des parcours différenciés, venant d'écoles de commerces pour certains, pour d'autres d'universités, ou encore de Science Po. Ce vivier d'individus ayant fait des études supérieures, et étant intéressés par le social est un exemple de l'accroissement des compétences des individus dans les associations désormais. En effet, Julien appuie cet argument, car selon lui la création d'une association est une source d'apprentissage grande, qui permet d'apprendre de nombreuses compétences. Il faut également appréhender les différences entre Julien et Mohammed, car en effet, ils ont tous les deux une vision managériale de l'association. En effet, Mohammed est un entrepreneur, il applique sa 19

Sylvain LEFÈVRE

12


même vision de l'entreprise à une association. L'association FRIENDS est jeune, ce qui insinue que sa structure n'est pas encore efficiente. Et nous avons pu ressentir lors de son entretien que cela le perturbait. Alors qu'à l'inverse, Julien, est plus optimiste, pour lui, le développement de son association ne doit pas se faire dans la précipitation. C'est donc un véritable écosystème que représente les associations, et les mécanismes qui les compose. Le fonctionnement des infrastructures, l'institutionnalisation, et la professionnalisation que nous avons pu constater s'exprime par la montée d'une diversité des parcours des bénévoles, ainsi que le lien entre management et création d'association. Les individus, sont des acteurs sociaux participants actifs à ce processus.

13


Conclusions personnelles Julie J’appréhendais fortement le travail en groupe : je suis souvent stressée et j’ai parfois du mal à m’adapter au rythme de travail des autres élèves. Le choix du sujet était le moment le plus important de l’enquête. Je connaissais Grégoire, je savais qu’il y avait des thématiques qui nous intéressaient tous les deux, mais je ne savais pas si avec Barbara nous allions avoir des points en commun. Pendant le choix du sujet nous avons beaucoup échangé, ce qui nous a permis aussi de mieux nous connaitre. Étant dans une période électorale très intense et constatant que les plannings familiaux étaient attaqués dans plusieurs programmes politiques, je trouvais que c’était un sujet d’enquête très pertinent. Ce sujet permettait de lier des enjeux politiques et sociaux qui m’intéressent particulièrement. Nous avons rapidement avancé pour déterminer notre lieu d’enquête mais aussi nos différentes étapes à effectuer pour ce dossier. J’ai été très déçue lorsque nous avons constaté que ce sujet serait trop difficile à traiter du fait de la variation des horaires du planning ciblé. Heureusement, l’optimisme de mes deux camarades m’a permis de ne pas être paniquée du fait du retard accumulé par ce sujet. Très rapidement, nous avons réfléchis à un nouveau sujet en nous focalisant d’avantage sur l’accessibilité du terrain. Lorsque la thématique des réfugiés a émergé, j’ai fais un lien avec l’association FRIENDS que j’avais vue naître depuis les réseaux sociaux. En effet, les membres fondateurs de cette association sont des personnes que je côtoyais au sein de mon collège puis dans mon lycée, et dont je continuais à avoir des nouvelles depuis le fil d’actualité Facebook. Au moment de la création de l’association, j’avais envisagé de l’intégrer, mais j’ai rapidement constaté que je n’étais pas disponible les journées où les cours étaient dispensés. Lorsque nous nous sommes engagés sur ce terrain d’enquête j’étais donc très contente. J’ai très vite contacté tous les bénévoles de l’association que je connaissais. C’est allé assez vite puisque j’ai obtenu des réponses rapidement. Lorsqu’on a organisé le rendez-vous pour réaliser l’observation, j’ai été surprise du fait qu’il ne fallait s’y déplacer qu’à deux. J’ai alors insisté pour y aller car je voulais remercier Julien, mais aussi car cela m’intéressait particulièrement d’assister à un cours de français pour des demandeurs d’asile. J’avais beaucoup de prénotions avant d’aller à l’observation, j’étais assez stressée. Barbara me rassurait, me disait que cela allait être une expérience géniale. J’ai été étonnée de l’accueil du bénévole qui ne nous a pas trop parlé. J’espérais qu’il allait nous mettre plus à l’aise, mais aussi nous expliquer comment allait se dérouler le cours. À l’instant où les élèves sont arrivés, je me suis tout de suite dit : « ce sont des personnes que je peux croiser tous les jours sans jamais me dire qu’ils ont vécu des choses aussi difficiles ». J’ai beaucoup apprécier suivre ce cours, prendre des notes et observer. J’ai trouvé l’observation très stimulante car elle m’a permis de m’interroger davantage sur la cause des demandeurs d’asile et sur mon propre ressenti par rapport à ces personnes. À l’approche des entretiens, et notamment celui de Mohammed, j’appréhendais beaucoup car j’avais peur qu’il nous pose un lapin. L’entretien s’est assez bien passé, même si je regrette qu’il

14


n’ait pas pu rester plus longtemps. J’avais l’impression qu’on le dérangeait plus qu’autre chose. À l’inverse, l’entretien avec Julien était très agréable. J’avais la réelle impression de prendre un café avec un ami et de parler de sa propre vie. Par contre, durant tous les entretiens, j’étais perplexe par rapport aux propos de Julien et Mohammed qui, officieusement, tentaient de nous inciter à nous engager dans l’association. Je me suis remise en question sur le fait que je n’étais pas engagée bénévolement dans une association mais je suis convaincue que je m’engagerai quand je saurai quelle thématique sociale m’intéresse le plus. J’ai été très étonnée par le temps que les retranscriptions nécessitaient. Ce travail de retranscription ne m’a pas plu, j’avais la réelle impression de perdre mon temps. Lorsque nous avions fini nos entretiens, nous désirions réaliser un entretien avec un réfugié. Malheureusement, Julien n’a pas répondu assez tôt pour qu’on organise un nouvel entretien. En commençant à analyser nos entretiens et l’observation, nous avons tous les trois orienté notre enquête sur le travail des bénévoles. Si nous avions eu plus de temps, j’aurais également souhaité analyser le rapport professeurs / élèves, en constatant que certains préfèrent garder leur distance (comme Mohammed) tandis que d’autres ont des relations amicales avec eux (Julien). De plus, j’aurai aimé m’entretenir avec l’ensemble des bénévoles et notamment Danielle (l’enseignante retraitée qui dispense les cours le lundi). J’aurais souhaité avoir un panel plus grand de personnes interrogées afin de pouvoir approfondir l’analyse. J’aurais aussi aimé observer un cours dispensé par Danielle et Julien. Le travail de groupe s’est bien passé malgré des méthodes de travail assez différentes. Nous n’avons pas eu de tensions, nous nous mettions très rapidement d’accord. Ce travail de groupe nous a rapproché tous les trois et a surtout été une excellente expérience.

15


Grégoire Tout d'abord, le travail que nous avons dû fournir m'a permis de me rendre compte de la masse de travail et du temps qu'il fallait accorder à ce dossier. En effet, nous avions commencé sur un autre sujet, qui n'avait rien à voir avec le sujet sur les bénévoles dans les associations. Le premier sujet que nous avions choisi portait sur les plannings familiaux. Étant dans un groupe avec deux filles, le sujet paraissait intéressant pour elles et nous pouvions avoir une comparaison avec mon avis et ressenti. Au final, nous avons décidé de changer de sujet d'étude après avoir essuyé deux échecs lorsque nous nous étions rendus à Cergy (lieu de notre enquête)… C'est lors d'un repas avec Julie et Barbara que nous avons décidé de changer notre objet d'étude. Je connaissais Julie depuis quelques temps, nous avons une bonne entente, amitié, ce qui a facilité la division du travail, ainsi que pour la problématisation de notre sujet. Concernant Barbara, que je ne connaissais pas vraiment, cela m'a permis de discuter avec elle et de l'apprécier. Nous avons pu discuter de notre nouveau sujet et essayer de le délimiter pour être, d'une certaine manière, focalisée sur un angle précis. Nous avions choisi au début de concentrer notre analyse sur les demandeurs d'asiles. Mais cela a été plus difficile que prévu, car, même si Julie était en contact avec quelqu'un d'une association en lien avec les réfugiés, il nous fallait les aborder et gagner leur confiance. Lors des débuts de l’observation, je ne savais pas réellement vers quoi nous nous dirigions. Je n'arrivais pas vraiment à voir à quoi cela nous mènerait. C'est grâce à l'avancée de notre dossier, à l'observation ainsi qu’aux entretiens, que j'ai réellement pu cerner l'enjeu du dossier méthodologique. Je n'ai pas pu participer à l'observation car j'avais cours à ce moment, et pour l'entretien de Mohammed, je travaillais (emploi étudiant) également. J'ai suivi de près cela, même si je n'étais pas présent physiquement. Pour le deuxième entretien, nous (Julie et moi-même) avions préparé des thématiques à aborder avec Julien, ce qui nous a laissé une certaine liberté pour discuter avec lui. Il s'agissait de la première fois pour moi que je devais mener un entretien, et l'exercice a été plus dur que ce que j'imaginais. En effet, il fallait surtout laisser parler l'interviewé, ce qui m'a quelque peu déstabilisé. Pour la suite du dossier, notre groupe s'est divisé le travail facilement et équitablement. Grâce à notre chargé de TD, nous avons pu mettre en perspective notre sujet et avoir d'autres auteurs à croiser avec ce que nous avions déjà. De même, lors des entretiens, Mohammed et Julien ont abordé le même principe, le syndrome du colibri, qui a été l'un des éléments fondamentaux de notre dossier. Le fait qu'ils nous en parlent chacun de leur côté m'a étonné, et cela m'a permis d'appréhender plus facilement leurs points de vue. Je peux désormais dire que cet exercice a été très intéressant car il m’a permis de cerner le travail sociologique et l'analyse de données. Par ailleurs, j'ai trouvé que le plus dur a été la retranscription des entretiens, car cela prend beaucoup de temps. Je ne regrette absolument pas avoir travaillé avec Julie et Barbara sur cet objet d'analyse, car notre entente a facilité l'avancée du dossier.

16


Barbara Pour finir cette enquête, nous avons à réaliser une conclusion personnelle dans laquelle nous devons revenir sur cette expérience. Pour commencer, ce que j’appréhendais le plus concernant cette enquête était le travail en groupe. En effet, j’ai toujours préféré faire mon travail en solitaire, à mon rythme, décider de tout, du fond, de la forme, de la mise en page… J’adore réaliser le travail de A à Z. Cependant, je retiens de cette enquête que si je devais refaire un travail en groupe, eh bien je garderai celui-ci : mon groupe a été parfaitement performant et efficace. Je ne connaissais pas bien mes deux camarades mais durant ce travail nous avons été amené à faire connaissance et je suis très contente d’avoir pu découvrir ces deux personnalités fort sympathiques, mais je suis également très satisfaite du déroulé et du travail fourni. Pour ce qui est du sujet, j’ai adoré réalisé cette enquête car elle me touche tout particulièrement. En effet, en ayant de la famille réfugiée bénéficiant de cours similaires de français, m’introduire dans ce cours durant l’observation m’a permis de voir ce milieu à travers les yeux des bénévoles qui les dispensaient. J’ai un peu regretté notre sujet initial sur les plannings familiaux car c’est un univers qui m’est complètement étranger, moi qui ne connait absolument rien sur les contraceptions, les méthodes d’IVG, l’ambiance qui doit régner dans ces espaces… Je pense, malgré tout, que nous avons fait le bon choix de changer de sujet rapidement car nous aurions été bloqués à un moment ou à un autre. Le travail de terrain m’a beaucoup surprise sur pas mal de points. Tout d’abord, l’ambiance des cours : j’imaginais quelque chose de plus vivant, plus sympathique, que je pensais, peut-être naïvement, semblables à des cours de théâtre. J’ai senti une certaine distance et froideur entre les bénévoles et les élèves, et cela m’a quelque peu déçue. Néanmoins, j’ai été impressionnée par le parcours invraisemblable de Mohammed*, véritable serial entrepreneur pour reprendre les mots du fondateur. Son parcours est tellement chargé que je me sens assurément chanceuse d’avoir eu l’opportunité de pouvoir l’interviewer. Je regrette ne pas avoir pu me libérer pour assister à la seconde interview du fondateur, un jeune homme qui me parait très optimiste et pleins de qualités et que j’aurais bien aimé rencontrer. Si nous avions eu plus de temps, j’aurais aimé interviewer un demandeur d’asile comme nous l’avions prévu initialement. De plus, mon avis a changé sur l’engagement des bénévoles. En effet, je voyais le monde du bénévolat comme un monde à part, constitué de gens engagés à 100%, déçus de la société qui les entourent et pessimistes quant à la suite de l’Histoire. Je pensais les bénévoles comme des gens se démarquaient de par leurs habits, de par leurs looks et de par leurs idées marquées à l’extrêmegauche. Je ne m’attendais pas à tomber sur Mohammed, « bénévole de 2h les vendredis », multiple fois directeur dans différents domaines, ancien d’école de commerce, alliant une vie mouvementée et le don de sa personne sur une durée de 2h consacrée à des demandeurs d’asile. Aujourd’hui, je peux dire que la barrière que j’avais mise entre moi et l’engagement s’est peu à peu estompée et je ne serais pas étonnée de me voir dans une association d’ici peu. Pour finir, je suis assez fière de notre rendu final. Nous avons bien travaillé, le travail en groupe s’est très bien déroulé, chacun a su faire le travail demandé à temps et nous avons pu avancer rapidement. Je juge notre travail de très bonne qualité et j’espère que les correcteurs en penseront de même.

17


Annexes Observation - Cours de français à l’association AMIS • Nous arrivons en avance devant le lieu où sont dispensés les cours. Le bâtiment est très grand, et situé dans une « zone d’activité » entouré d’entreprises et de bureaux. Le bâtiment est à proximité des transports (métro, tram, bus, ..). Nous restons devant quelques minutes, à chercher les indications pouvant nous prouver que nous ne nous sommes pas trompées d’endroit, mais l’association FRIENDS n’est pas indiquée. Seules d’autres entreprises sont indiquées telles que France terre d’asile, MGEN, etc… par des panneaux, ou encore des autocollants sur la vitre d’entrée du bâtiment. • Barbara et Julie, sommes restées quelques instants devant l’entrée, en retrait. Une dame voilée s’approche, sonne, recule, puis reste sur le côté de la porte sans réponse de l’interphone. Un monsieur s’approche, sonne, « J’ai une lettre pour vous », la porte s’ouvre et lui et la dame voilée rentrent. Quelques instants plus tard, un monsieur visiblement d’origine pakistanaise s’approche, même problème, il lui faudra attendre qu’une dame sorte du bâtiment pour pouvoir rentrer. • Lorsqu’on s’approche, nous rencontrons le même problème, c’est le monsieur typé indien qui viendra nous ouvrir. Arrivées dans le hall, nous ne savons pas où nous orienter car rien ne nous indique l’association. Julie appelle donc Julien, le président de l’association afin de savoir où nous devons aller. Il dit que l’association est dans le bureau de France terre d’asile, au premier étage. Nous montons. • Nous entrons, allons à l’étage, nous toquons à la porte et deux personnes viennent nous ouvrir en nous demandant la raison de notre venue « Je connais Julien, on vient assister à un cours de français ». On nous indique alors la salle dans laquelle le cours se déroulera. • La salle est vide, il n’y a personne, nous nous installons. C’est une grande salle avec une grande table au milieu, beaucoup de chaises, un tableau pour écrire au mur, une carte du monde, plusieurs affiches de France terre d’asile et quatre ordinateurs sur le côté ainsi qu’un vidéo projecteur. La salle est très lumineuse car tout un côté du mur est composé de vitres. Au sol, il y a de la moquette grise. La salle était très impersonnelle, rien n’indique que l’association FRIENDS y dispense des cours.

• Quelques minutes plus tard arrive un jeune homme, cheveux bouclés, pâle, chemise bleu clair boutonnée jusqu’en haut, jeans kaki et Timberland jaune moutarde, « Ah c’est vous les intervieweuses ! ». Il nous propose de nous installer en retrait, dans un coin de la classe. Il enlève sa veste, sort un cahier et une trousse. Il sort d’un placard des cartons remplis de stylo, de feuilles et les places sur la table. • Quatre personnes rentrent ensuite et s’installent : trois hommes et une femme.

18


• Le professeur les salue. Les élèves nous disent bonjour timidement et nous les saluons aussi. À peine se sont-ils installés, que le professeur commence en demandant la date du jour. Il demande une première fois en français puis demande en anglais afin que tout le monde comprenne. La porte de la salle reste ouverte ainsi qu’une fenêtre. • « Quel jour on est ? What is the date today ? » et le cours est lancé. H22 répond en souriant « vendredi ? ». « Le sujet du cours c’est les questions, la forme interrogative ». Les élèves ont tous devant eux des cahiers où il y a déjà des notes, ainsi que des stylos. • Sur la table se trouvent un carton de colis ASOS rebaptisé FRIENDS en feutre rouge, un classeur vert, une trousse licorne et un carton contenant des feuilles et des stylos. • « « Qu’est-ce que c’est ? » means what is it, c’est à retenir ça, vous l’entendrez souvent » souligne P. qui écrit ensuite au tableau « Quel âge as-tu ? ». Il demande alors à H22, qui lui répond 22. « D’accord, 22 ans… on va faire les chiffres, vous savez les écrire ? » en regardant les élèves. H22 acquiesce et P lui lance alors « Aller viens ! ». H22 se lève, remet bien ses habits, prend le crayon et écrit au tableau, P le félicite « Excellent ! ». P demande alors à H33, « 33 », H22 l’écrit au tableau, P le regarde attentivement. H22 écrit « t » puis « r », « u », « a », « n », « t », « e ». P lit à haute voix « truante, non », H22 efface alors le « u », P lui dit que c’est mieux, reprend le stylo et corrige « trente ». P tutoie H22. P demande à F33 qui lui répond « Same ». P pose la question si quelqu’un sait pour « 40 », H22 regarde en l’air pensif, les autres ont l’air concentré puis P dit « ça c’est dur » en l’écrivant au tableau. P écrit ensuite une série de nombres au fur et à mesure et demande aux élèves d’épeler l’orthographe de : 58, 99, 71. F33 et H22 participent activement mais timidement à l’exercice. H42 ne participe pas mais prend en note, remet ses lunettes en place, se mord la lèvre avec sa main devant, puis P demande « 12 » et H42 prend la main et épèle. H33 a l’air confus, perdu car il fixe le tableau en plissant les yeux, les mains posées l’une sur l’autre sans rien dire, jusque dire « X » de vive voix lorsque P épèle 71.

19


• P répond aux interventions par des « ouais », « ok », « très bien ». P parle beaucoup en anglais et utilise beaucoup ses mains pour montrer ce qu’il essaie de dire. Il note tout au tableau en lettres majuscules afin que les élèves puissent recopier dans leurs cahiers. Il tutoie les élèves. • Dans la classe, il y a un grand silence. On entend presque uniquement P ainsi que quelques bruits qui viennent du couloir. Des personnes circulent dans le couloir et regardent ce qu’il se passe dans la salle. On entend aussi les marteaux piqueurs des ouvriers qui font des travaux dans la rue. • Globalement, H22 prend peu de notes. H22 et H42 sont ceux qui participent le plus. F33 et H42 prennent tout en note. H42 nous marque par son attention et sa volonté d’apprendre. H33 est celui qui semble le moins comprendre. Il ne prend pas tout en note et ne participe que très peu. F33 semble très timide, elle n’ose pas parler et chuchote souvent pour répondre aux question. Elle parle beaucoup anglais pour se faire comprendre. P est très encourageant. • « Bon on va faire les sons avec lettres doublées maintenant », il écrit au tableau an/un/in/on », les lit, et plus ou moins en même temps les élèves répètent plusieurs fois à haute voix après P. Le « au » a nécessité plusieurs corrections de P, notamment avec H22 qui disait « euh » en observant la bouche de P. H42 prononce « eu » « u » à plusieurs reprises, il est corrigé par P mais répète « u » sans succès. • Les quatre notent sur papier, F33 sur feuille volante, H42 sur un petit cahier, H22 un grand cahier et H33 sur un petit carnet. F33 m’a regardé lorsque j’observais ce sur quoi elle écrivait. • 14H25 : H22 pose sa tête sur sa main, cahier fermé. Il semble s’ennuyer car il connaît beaucoup plus de choses que ses camarades. On a l’impression qu’il fait uniquement des révisions. • P dessine au tableau et demande « Vous voulez faire les vêtements ? », F33 lance un « oui » discret, de même pour H42. H22 sourit, P « Toi tu les connais déjà… Tu seras avantagé » en souriant. • H42 répond correctement pour « pantalon », « veste »,… et prend note. « Bonnet ? » lance P, H22 prend la parole « bonnet c’est cap ! » en mettant sa main sur le haut de sa tête. Il ouvre ensuite son cahier pour noter la traduction de « cap ». P mime alors un casque de moto pour faire comprendre le mot « cap ». En ce qui concerne « lunettes de soleil », aucun élève ne savait, H42 et H22 font « ah » de la tête sans bruit et écrivent. H42 et H33 répètent souvent à haute voix ce que P dit. 14H32 : P dessine une botte à talon pour expliquer le talon. P passe aux sous-vêtements, F33 note « caleçon », H33 et H22 notent « culotte ». P : « Can you try to tell me what are you wearing ? », H22 lève la main avec un grand sourire, l’air confiant. F33 apostrophe P : « Habillé meaning ? … aw okay » puis note. H42 cherche P du regard puis lance « J’ai chaussoures euh… », « quelle couleur ? » « nwèr, marrone » avec des signes, stylo à la main. H22 « J’ai un pull gris », H42 demande la signification de pull, P répond en tutoyant « Toi aussi tu as un pull ». Pendant ce temps, H33 regarde le tableau, observe les habits de ses collègues, puis il est sollicité par P « Tu veux essayer ? », il sourit et a l’air d’avoir été pris de court… « Manteau noir ». Il y a un silence de quelques secondes le temps que tout le monde note puis H42 s’écrit « jaune, blanc, bleu ! » en montrant du doigts une affiche dans le fond. P regarde autour de lui rapidement et désigne une trousse, un stylo. P passe à « dark/light », demande si quelqu’un sait, H33 regarde en l’air, murmure quelque chose, H22 regarde dans le vide en jouant avec son stylo. Lorsque P dit « foncé », H22 acquiesce. H33 répète « clai… clai… clai… » avant que P ne dise « avec un R à la fin, CLAIR ». Pendant que P efface le tableau, H22 relit et répète à voix basse. P reste debout durant toute la première partie du cours. Le cours évolue beaucoup selon les remarques des élèves. P doit souvent changer de marqueurs car ils sont tous presque vides. On voit que ça l’agace à ses mimiques et ses moues.

20


• 14H43 : H22 regarde son portable sous la table, relève la tête pour suivre puis retourne à son portable. Il relève alors la tête et lance « Like English quarters ? », P répond « Yeah ! » en mettant sa main en avant vers lui. • 14H44 : une sonnerie de vieux téléphone retentit dans le local, puis une deuxième puis une troisième. H42 se lève en regardant P et sort de la salle avant qu’une femme le rattrape et ne lui dise « Merci beaucoup monsieur, j’y vais ! Je vais y aller » en souriant, H42 revient alors en souriant. H33 prend dans une boite en carton posée sur la table un stylo pour écrire sur son cahier. • PREMIÈRE RUPTURE — 14H46 : un jeune monsieur arrive, rentre dans la salle, enlève son sac à dos où il y avait des raquettes de tennis. : « Bonjour bonjour ! Pardon pour le retard, j’ai passé mon weekend à chercher ce manuel… ». Les élèves sont tous concentrés, H22 et H33 ont jeté un coup d’oeil mais se sont re concentrés sur ce qu’il y avait d’écrit au tableau. Ce monsieur est P2, le second prof. Il pose le manuel sur la table, « C’est les bases, ça coûte une fortune cette merde, c’est une arnaque ! ». S’adressant uniquement à P, « On y va ? On est prêts ? On fait 2/2 ? », ensuite aux élèves « On va voir comment se présenter », puis il propose à P « Tu parles, j’écris ? » avant de s’emparer du stylo et de se retourner vers le tableau. À partir de ce moment-là, le cours suit les pages du manuel. • H42 lève la main, regarde P2 et lui demande « Salut, halo ? » en agitant sa main, P2 regarde alors P et dans un apparté lance un « Wesh ! Hahaha ». P2 regarde H42 et lui explique en arabe. P se retourne et tente d’expliquer le mot « adieu » en demandant aux élèves ce qu’ils disent quand ils ne reverront jamais la personne, P2 me regarde et rigole : « C’est un peu déplacé, non ? ». Il chuchote à P puis reprend le stylo et recommence à écrire au tableau. À la fin, il demande une première fois « Vous écrivez ? Vous avez fini ?, à H33 qui lui sourit, non ? tu t’en fous ? » en souriant. P2 se tourne alors vers H22, P répond à P2 avant même qu’il ne lui demande « Il est en avance lui ». P2 relance aux élèves en les regardant un à un « Vous avez écris ? ». P dit à P2 « Je vais lui cours particulier » en parlant de H22. • DEUXIÈME RUPTURE — 15H02 : il y a deux groupes de travail désormais. P est allé se mettre à côté de H22 et P2 est au tableau, en charge de H42, F33 et H33. P travaille avec H22 sur les verbes inscrits sur son cahier. P2 et les autres élèves parlent à voix haute juste à côté. P continue avec H22 et lui fait une dictée.

21


• Au moment d’expliquer la lecture de l’heure (heures du matin/de l’après-midi), H42 demande quand estce que l’on peut parler d’heures de nuit. P2 a l’air perplexe : « C’est une très bonne question », met sa main sur son menton et regarde en l’air, puis nous regarde « ‘commence quand la nuit ? ». Il parle en arabe afin de lui expliquer qu’il n’y pas tant de limite officielle entre le soir et la nuit, pendant ce temps, F33 relit ses notes et H33 regarde en l’air. A la fin de sa parenthèse avec H42, P2 demande à H33 : « Compris ? Understood ? What did you understand ? », H33 a l’air confus, il regarde ses notes, puis le tableau et sourit. P2 retourne au tableau, puis se retourne vers nous : « Vous faites quoi, quelles études ? Et dans quel cadre vous venez ici ? », Julie répond que c’est un travail sur l’apprentissage de la langue française, « Putain je sais pas si on est les meilleurs exemples » en regardant P et en souriant. Il nous demande ensuite à voix basse : « D’ailleurs ça a commencé à 14H ou 14H30 ? … Merde… ». Après avoir dessiné un soleil, un coucher de soleil et des bonhommes pour illustrer, P2 dit : « Faites les dessins comme ça vous comprendrez mieux après ». • Pendant ce temps, on entend en fond H22 réciter le verbe avoir, « j’ai », « su ». • P2 redemande s’ils ont bien noté. H33 hoche de la tête. P2 regarde ses notes puis dit « Et les dessins ? », H33 sourit et dit « C’est bon… I understand ». P2 écrit « Âge » au tableau et demande à H33 : « Toi tu as quel âge ? … Enfin vous avez quel âge pardon… ». Ensuite il traduit en anglais, puis en arabe. Vient ensuite le point « Nationalité », H33 répond « Sri Lanka », P2 le corrige sur un ton agacé « Non, il faut faire une phrase, prenez l’habitude, always answer with a sentence, je veux toujours une phrase, moi je veux vous voir parler ». H42 : « Je suis Egypte », P : « Je suis égyptien, je viens d’Égypte on dit alors ». F33 : « Je suis Bangladeshien ? », P2 sourit et nous regarde « bangladeshienne ? Je sais pas… Ah comment on dit pour le Bangladesh ? … Bon alors bangladeshie ». Julie regarde sur internet : bangladais. Il est 15H11 — Les élèves notent ce qui est marqué au tableau. P2 s’étire, regarde le plafond, puis nous demande l’heure, « J’ai quand même bien merdé », baille, regarde H33. Il dessine au tableau une pancarte • P2 laisse plus de temps pour écrire aux élèves. Il enchaine moins vite que P. Il écrit au tableau en lettres minuscules et vouvoie les élèves. Pendant que les élèves écrivent, P2 est sur son téléphone pour chercher des exemples. • Dans le fond, on entend le groupe 1 et P : « Je vais écrire la question et tu écris la réponse ». Un enfant passe dans le couloir, un monsieur passe la tête par la porte et salue l’ensemble des personnes présentent dans la salle. Tout le monde le regarde et le salue. • P2 écrit différentes phrases en utilisant le tutoiement puis la même avec le vouvoiement : « Vous comprenez ? ». H42 fixe le tableau. P2 : « It’s like hum… », regarde en l’air : « Putain comment on dit langage soutenu ?, nous regarde, C’est un bordel cette histoire… ». P2 mime alors un check et fait « non » de la main, « ça c’est amis ». Il écrit ensuite « Qu’est-ce que tu fais ? // Qu’est-ce que vous faites ? ». Il se rassoit, baille, regarde ses chaussures les bras croisés : « C’est bon ? Alors comment on répond ? Écoutez-moi bien s’il vous plait ». H33 et H42 écrivent toujours. À nous, « Comment on dit soigner ?, se parle à voix haute, comment on dit j’sais pas…», P lui répond « to cure ». P2 rit édit à P : « C’est vachement bien ce manuel… Mais c’est galère ! », P2 se tourne alors vers H42 et répète « C’est galère !, …, means it’s difficult » en faisant des grands gestes de fatigue avec ses bras. H42 répète plusieurs foix à voix haute en regardant P2. 15H29, H42 baille en regardant Barbara. P2 a plus de difficulté à s’exprimer en anglais, il cherche souvent ses mots. Il insiste beaucoup sur la distinction entre le « vous » et le « tu ».

22


• On entend P reprendre H22 : « Ah non je vois ce que tu veux dire mais on dit « Espagne »… Bah on va faire les pays si tu veux ». H22 est souriant, il est très concentré et a l’air d’apprécier son cours car il est très à l’écoute de P. • 15H33 : un enfant parle à haute voix, passe devant la porte puis s’arrête. Un monsieur en charge d’une poussette, un enfant en bas âge au bras, vient le récupérer et le tire du bras, puis dit bonjour en arabe à H42 : « Tu vas bien ? » en souriant. Ensuite, on voit une dame voilée enlever le bonnet d’un enfant, toujours devant la porte. • P2 regarde F33 et demande : « Qu’est-ce que c’est « faire » ? ». H22 profite du silence pour regarder P2 et dire : « Do » avec un sourire. Après avoir révélé la réponse, P2 dit à H33 : « Please write it ». • P2 écrit ensuite au tableau des mots qui se terminent en ai/au/eau/o, puis regarde vers nous l’air de chercher : « Un truc qui se prononce pas… Putain je l’ai fais en plus… Si vous avez des mots qui se finissent par « au » je cracherais pas dessus ». Il prend son portable. 15H39 — On entend toujours un enfant parler dehors. Pendant ce temps, F33 et H33 notent ce qu’il y a au tableau, notamment le mot « autre ». Après l’avoir répété plusieurs fois, F33 regarde le carnet de H33 et H33 lui épèle « a, u, t… ». F33 regarde Barbara ensuite. Pendant que les élèves écrivent, P2 chantonne et interagît avec P. Il semble prendre le cours avec plus de légèreté et fait rire les élèves. P2 dessine beaucoup au tableau. • 15H48 : on entend une dame en fond qu’on suppose être à l’accueil, elle parle de Livret A, de Navigo et d’un rendez-vous à prendre à la banque. En même temps, H42 lit l’affiche qui se trouve sur le mur. • P2 retourne lire le manuel puis lance : « Maintenant, donner son numéro de téléphone… Bon ça on s’en fous… Quoique… » puis se dirige vers le tableau, stylo à la main. • P à H22 : « C’est bon ? Ca fait beaucoup de chose déjà on va peut-être s’arrêter… », P2 rétorque : « Je vais étendre jusque 16H30 vu que je suis arrivé à la bourre ». P regarde par terre, puis à H22 : « Tu fais du tennis ? », P2 lui répond « oui », P regarde alors P2 et lui dit qu’il pensait que c’était la raquette de H22, puis tout deux partent sur une discussion à propos de tennis.

23


• 15H50 : H22 se lève, remet ses habits en place, serre la main de P puis dit discrètement « au revoir » avant de quitter la pièce. À partir de là, P vient s’asseoir près de P2. Il marche un chewing-gum et feuillette le manuel. • P2 dessine une maison au tableau et regarde les élèves : « Qu’est-ce que « habiter »? », se tourne vers H42 qui répond en arabe : « C’est vivre » en faisant des gestes des mains du haut vers le bas sur la table comme pour mimer une installation. Ils discutent quelques secondes. P2 dit alors : « Je suis en train de réviser mon arabe autant que mon anglais ! » et H42 se met à rire. • 15H59 : le même petit enfant que tout à l’heure, tétine à la bouche, passe la tête, P2 le regarde, lui sourit, puis retourne à son tableau. • P et P2 discutent pendant que les élèves écrivent. On comprend que P est en cours avec le président de l’association. P2 demande si des élèves de l’ESSEC seraient intéressés pour intégrer l’asso mais P dit que c’est difficile puisque le campus est à Cergy. P2 demande comment P a réussi à intégrer l’ESSEC. Les deux professeurs commencent à parler de leurs études. • On entend l’enfant pleurer et des « shhh ». • TROISIÈME RUPTURE — 16H01: P à P2 : « J’vais te laisser », puis « Salut tout le monde ! » accompagné d’un signe de la main, et il quitte la pièce. • P2 demande à H33 de lire le tableau sur lequel sont écris des verbes conjugués, H33 a du mal avec le son « s » qu’il prononce « z ». Pendant ce temps, F33 suit en regardant le tableau, l’aide à haute voix et le devance même. 16H04 : une dame vient fermer la porte : « On a un peu froid ». Le tour de F33 arrive, elle est invitée à lire le tableau. Pendant que F33 lit le tableau, P2 baille bruyamment. F33 ne parle pas très fort. H33 suit au tableau. H42 écrit, puis lit dans sa tête (il bouge ses lèvres). Son tour arrive, H42 lit, dit « ils zont » puis se corrige « ils sont » en appuyant sur le s. P2 remarque alors : « Il faut lire, pas deviner ! Lire, lettre après lettre ». Lorsque P2 explique en arabe à H42, il ne reprend pas en anglais ou en français pour H33 et F33. H33 et F33 sont moins attentif pendant que P2 parle avec H42. Il regarde ensuite tout le monde, « C’est bon pour aujourd’hui », H33 se lève en premier, jète un oeil sur mes notes, prend sa sacoche. Il replace correctement les chaises de tout le monde en dessous de la table et nous salue. F33 se lève, prend son sac à main de sous la table puis est la première à partir. H42 se lève, range son cahier et s’en va également « au revoir ». H33 le suit, « au revoir » avec un sourire. P2 range ses affaires à son tour, met son manteau et nous demande si nous avions encore besoin de quelque chose, Julie lui dit que nous devions faire une interview. Il nous demande le temps de l’entretien, « 30min… », « Ah non j’ai pas le temps, mais voilà mon numéro, appelez moi si vous avez besoin », il écrit son numéro au tableau et s’en va. • Sujets du cours : date, droite/gauche, qu’est-ce que c’est, quand/when, l’âge, orthographe des nombres, prononciation des sons avec lettres doublées, gn/eu/p/b, vêtements, couleurs, heure, faire connaissance, le vouvoiement, les mots en e/ai, conjugaison de être/avoir/faire/habiter/parler/travailler. Durant tout le cours, la porte est ouverte, tapis de gym dans le fond, carte du monde à côté du tableau, 3 affiches sur la mobilité au fond. • Pics d’inattention : lorsque P2 parle ne arabe avec H42. Les élèves ont peu de gestuelle. Leurs bras sont croisés ou ballants.

24


• Profils dans l’ordre d’arrivée : 
 
 - P : chemise bleue boutonnée jusqu’en haut, jean kaki, Timberland moutarde, cheveux châtains bouclés, teint plutôt pâle
 - H22 : sweat gris, jean gris foncé, baskets noires et rouges, veste type cuir noir, sac à dos noir, cheveux noirs très courts, yeux très peu bridés, visage type Cambodge ? 
 - H42 : tee-shirt blanc sous une chemise à carreaux gris et blanc et pull gris, cheveux noirs très courts, lunettes rectangulaires assez fines, teint bronzé, d’origine égyptienne, 42 ans
 - F33 : voile beige à motifs beige foncé, écharpe violette, doudoune beige, d’origine bangladaise, 33 ans, elle a à peine bougé de position (deux coudes sur la table)
 - H33 : sweat fin bleu marine, jean gris, baskets noires Nike, bomber noir, sacoche noire, barbe et moustache de quelques jours noire, cheveux courts lisses noirs, d’origine sri lankaise, 33 ans
 - P2 : tee-shirt blanc « Le coq sportif », jeans bleu foncé, baskets bleues, cheveux très courts noirs, barbe de quelques jours • Un carnet était laissé sur la table : « Cahier Transmission des cours précédents », en première page, un petit texte demandant aux intervenants de noter un petit résumer des différents points abordés dans le cours du jours. Le premier résumé date du 11 décembre 2016. Le 20 février, une note a été laissée signalant « Nous souffrons d’une discontinuité ». Après avoir feuilleté le cahier, nous nous sommes rendus compte que la conjugaison des verbes être et avoir revenait à tous les cours, ou presque, que les points « faire connaissance, construire des phrases » apparaissaient déjà aux premiers cours, et que les points abordés étaient toujours les mêmes. Cette fois-ci du 3 mars, aucune note n’avait été laissée.

Analyse d’observation Durant cette observation, nous avons constaté que les élèves étaient plus ou moins motivés. H22 s’est démarqué de par son niveau avancé, sa participation active, ses sourires semblant signifier la facilité des exercices. En ce qui concerne H42, son attitude avenante et concentrée montrait une réelle envie d’apprendre, d’évoluer, malgré son âge qui n’est pas l’âge idéal pour apprendre une langue selon de nombreuses études. Ce sont ces deux types d’élèves qui semblent encourager la continuité des cours de français. F33 et H33 étaient beaucoup plus en retraits, semblaient beaucoup plus timides. De nombreuses fois, on a eu l’impression que H33 avait un réel retard par rapport aux autres. Nous l’avons vu de nombreuses fois regarder le professeur, regarder le tableau, essayer de répondre, hésiter fortement, puis hocher de la tête. En d’autres mots, nous avons pu constater que ces personnes avaient certainement eux des expériences de vie bien différentes les unes des autres et que pourtant ils se sont bel et bien retrouvés ici, ensemble, dans le besoin d’apprendre le français par le biais de cette association. En ce qui concerne les professeurs, le premier professeur nous a semblé sérieux, attentionné vis-à-vis de ses élèves, concentré, nous sentions qu’il avait pour objectif de leur faire apprendre le plus de vocabulaire possible et que n’importe quelle intervention ou question était l’occasion d’aborder un nouveau thème. La relation avec les élèves était semblable à une relation d’enseignant à adultes. Pour le second professeur, il était plus décontracté, très détendu, prend son temps, s’attarde entre chaque section du cours (tableau rempli), mais il répète plusieurs fois ce qu’il dit ce qui donne l’impression d’en faire trop, de considérer les élèves comme des débutants, parfois même comme des « ignorants » en la matière. Il a l’air d’avoir peu d’expérience dans l’enseignement et de considérer ce cours comme un moment de soutien en français, comme si « tout ce qu’on leur apprend est bon à prendre ». Nous avions l’objectif de réaliser une observation non participante en étant extérieures à toutes interactions mais le second professeur nous ayant interpeller à plusieurs reprises, cette observation serait qualifiée de participante.

25


Entretien avec Mohammed20 (P2) Paris - Opéra, 18h45 Nous avons rencontré ce bénévole vendredi 3 mars. N’ayant pas eu le temps de nous accorder un entretien à la fin du cours, il nous avait laissé son numéro de téléphone. Ainsi, nous l’avons contacté par SMS pour fixer un rendez-vous. Il nous a laissé le choix : entretien téléphonique ou entretien dans un café précis à Opéra à 18h45 le lundi 6 mars. Nous avons préféré le rencontrer à Opéra. Nous sommes arrivées sur les lieux vingts minutes en avance, nous avons eu le temps de nous balader avant de l’attendre devant le café. Aux alentours de 18h50, il nous prévient qu’il arrive, que son rendez vous a un peu duré. Une fois arrivé, il nous fait la bise, nous demande comment on va et nous précise qu’on peut le tutoyer. Il est habillé en jogging noir et porte un sac. Nous lui proposons d’aller dans un autre café puisque celui qu’il nous a proposé ferme à 19h30, ce qui n’aurait laissé que très peu de temps pour l’entretien. Nous nous sommes alors dirigés vers un autre café. Sur le chemin, il s’excuse de son retard en plaisantant sur le fait qu’il était tout le temps en retard. Il nous dit qu’il vit entre Paris et Nice, que c’est compliqué pour lui. Il nous demande si on veut venir donner des cours dans l’association et ajoute que la localisation de l’association n’est pas pratique du tout pour lui mais également pour les élèves car c’est très mal desservi. Nous discutons aussi du quartier où nous nous trouvons. En nous montrant certains cafés (aux alentours de la comédie française), il dit que ce sont des cafés “pour “bourges”, beaucoup trop chers”. Nous nous installons à un café, en terrasse. Nous sommes côte à côte (Barbara et Julie), Barbara se trouve en face du bénévole. Assez pressé (car il “doit aller à la salle de sport juste à côté”), il nous demande de commencer. Nous avons juste le temps de sortir nos questions, nos stylos et notre téléphone pour enregistrer. L’entretien commence. Bonjour !

- Bonjour Il n’a pas enlevé sa veste. Il est penché en avant pour être le plus proche possible du téléphone afin que sa voix soit bien enregistrée. Pour commencer, étant enseignant bénévole dans l’association, on voudrait connaître un peu votre trajectoire, ce que vous avez fait un peu dans la vie, qui vous êtes.

- Alors j’ai fais des études de maths, ensuite j’ai fait une école de commerce, j’ai travaillé comme journaliste, j’étais reporter, ensuite j’ai créé une école, c’était une prépa pour les concours y a 12 ans et là depuis 2 ans, ouais, 1 an, 2 ans, je m’occupe d’un cabinet de conseil, une sorte de pôle emploi privé. Pendant qu’il parle, il nous regarde dans les yeux, ses mains sont posées sur ses genoux. Pourquoi cela vous a-t-il amené à un engagement associatif ?

- Je voulais m’engager dans des causes comme celle-là, je voulais donner de mon temps pour des causes type les gens qui sont dans la rue dont personne s’occupe ou des réfugiés qui sont maltraités ou autre et j’avais postulé à pas mal d’autres structures et c’est la seule qui m’a répondu. Interruption du serveur pour nous donner les cartes.

20

Le nom a été changé.

26


Et c’est la seule qui vous a répondu du coup ?

- Ouais, c’est la seule qui ai donné suite à mes demandes malgré… Quand-est-ce que vous les avez contacté ?

- Euh y a un peu plus d’un an et j’avais vu un post sur Facebook car Julien est un de mes anciens étudiants. D’accord donc c’est au moment de la création que vous y êtes entrés ?

- Je l’ignore. C’était vraiment la première fois que vous faites dans…

- Dans le cadre de mes activités euh (il recherche ce qu’il souhaite dire), professionnelles je faisais … il y avait une activité philanthropique importante mais jamais euh pour une autre structure que les miennes. C’est la première fois que c’était euh, que j’avais l’occasion d’un tel engagement (il hésite beaucoup sur ses mots). Et pendant vos études?

- Pendant mes études, j’ai créé ma boîte en fait. J’ai créé la prépa pendant que j’étais étudiant donc j’avais pas trop le temps (sa voix est plus sûre, il enchaîne plus facilement ses idées). Pourquoi vouloir vous engager maintenant ? C’était dans la continuité ?

- Euh j’avais plus de temps et je considère que la société dans laquelle on vit est absurde. Ah oui ? Pourquoi ?

- Ah bah pourquoi (rigole) baladez-vous dans Paris le soir quand il fait froid et payez un café 4 euros avec des gens qui crèvent la dalle dehors c’est pas normal (voix lasse). C’était votre façon à vous de donner un peu de votre temps ?

- Ouais c’était un militantisme associatif euh, syndrome du colibri. Nouvelle interruption du serveur qui demande si nous avons fait notre choix

- Ouais donc ? La première fois, comment s’est passé ce processus concrètement ?

- J’étais en retard, pour changer (nous sourions tous les trois) et euh je suis arrivé et j’ai compris que ce n’était pas hyper organisé et puis bah après on s’adapte. Ensuite j’ai décidé de créer un manuel pour hum régler les problèmes d’organisation. Je l’ai initié. Nouvelle interruption du serveur. On commande nos boissons. Barbara a pris un sirop de grenadine, le bénévole a pris un chocolat chaud et Julie un thé.

- Et euh voilà. Donc j’ai proposé un manuel, Julien a essayé de prendre le relai et puis là maintenant on galère à trouver des gens pour rédiger ce manuel. C’est un manuel de… ?

- C’est un manuel de français avec le but c’est d’apprendre la langue française mais aussi la culture française, les grandes dates historiques, les grands évènements, les grands personnages historiques…

27


D’accord…

- Et là je vais m’y remettre, fin’ j’essaie… Votre premier cours, vous l’aviez préparé ?

- Non. Ah pas du tout ?

- Non mais après par rapport à ça, euh j’ai quand même 13 ans d’enseignement hein. Ah oui donc c’est quand même plus facile…

- Ouais Vous enseigniez quoi ?

- Culture g, synthèse, dissertation, épreuves orales,... J’étais directeur de la prépa donc j’ai à peu près enseigné tout. D’accord. Mais du coup, vu que vous aviez rien préparé vous aviez quand même …

- Vu que j’ai rien préparé je me je… Vous aviez des appréhensions ?

- À l’époque j’avais des appréhensions ouais, j’avais plus une appréhension sur la...

la misère

rencontrée que sur le contenu du cours. J’avais peur de ça. Mais enf’… Du coup vous aviez quand même un présupposé?

- J’avais un présupposé sur la rencontre avec les individus qui s’est avéré absolument nég.. euh absolument faux parce que c’est, parce qu’on n’a pas accès à la grande misère là. Et c’est ce qui vous manque justement ? Vous auriez aimé..

- Non non ça me manque pas. Ouais mais…

- J’ai… J’ai pas le... enfin … J’ai fais un travail sur moi pour ne pas être dans le côté “je ne vais pas aider les grands miséreux”. Je pense que ça doit être une grande déception pour certains euh qui s’attendent à voir du .. qui s’attendent à voir de la misère. Donc quand on se projette dans quelque chose et qu’on l’a pas, on est un peu déçu. Mais c’est pas mon cas non. Vous entendez quoi par “grande misère” ?

- Bah grande misère c’est des gens qui sont dans les rues par exemple, alors que là ce sont des gens qui sont logés, qui sont.. qui n’ont pas de problèmes de subsistances euh.. physiologiques quoi. Et du coup, demandeurs d’asile c’est par choix ou c’est vraiment que vous avez trouvé juste ça?

- Non non moi je voulais donner, je voulais donner de mon temps pour autre chose que m’enrichir personnellement ou participer à la société de consommation dans laquelle on vit. Ça fait exactement combien de temps que vous faites ça ? Dans cette association?

- Un peu moins d’un an, je crois .. ouais 6 mois, on va dire 7 - 8 mois. 28


Dans ce cas, vous donnez des cours régulièrement ou c’est ponctuel ?

- Je me suis imposé en début d’année d’y aller tous les vendredis pour justement euh apporter une solution au côté trop aléatoire de l’engagement associatif des bénévoles. Je voulais, je me suis dit au moins je créé cette stabilité là et … Vous avez réussi ?

- Pour l’instant oui. Il y a… - Tous les vendredis oui… Pendant les vacances scolaires aussi ces cours ont lieu ?

- Euuhhh..n… je .. je m’en souviens plus. L’été je travaille sur le manuel. D’accord

- Donc bon… Vendredi 3 mars, connaissiez-vous la personne qui faisait le prof avec vous ?

- On s’était déjà croisé parce que lui aussi est quelqu’un d’assez régulier et fiable. J’ai découvert le manque de fiabilité dans l’associatif avec euh … Vous avez une idée du nombre de bénévoles dans l’association ?

- Non… Du nombre de professeurs… ?

- Au début je m’étais un peu investi là-dessus en essayant de comprendre, de fédérer, d’organiser puis… Interruption du serveur qui nous amène notre commande.

- À un moment là j’avoue je m’en fous, je fais juste ma part du boulot en essayant de la faire le mieux possible mais j’ai.. j’essaie pas de prendre en charge les autres parce que j’ai compris que c’était particulier comme… Le serveur place sur la table nos commandes. Nous le remercions Depuis que vous vous êtes lancé, vous avez été déçu par la fiabilité uniquement ou y a-t-il encore autres choses qui vous a déçu ?

- J’ai pas été déçu par grand chose, j’ai découvert autre chose, j’ai essayé de comprendre et... ah c’est la nature humaine, c’est... je sais pas si on peut dire déçu, le terme n’est pas... j’ai compris qu’entre les élans et la réalisation... que les élans étaient presque un... un piège. Et les élèves que vous avez rencontré, vous pensez qu’ils seraient comme ça ? Ils correspondent à vos attentes ?

- Non moi je... Ah non non je... Moi je ne savais pas à quoi m’attendre mais c’est vrai que je m’attendais à de la grande misère quand on parle de réfugiés ou autre et que là finalement en fait c’est des gens qui sont quand même logés, nourris, je m’attendais à ce qu’il y en est plus et j’espère qu’il y en aura

29


plus parce qu’on a vraiment l’impression de... de... d’être sous utilisés par rapport à ce qui pourrait être fait. À votre avis, combien d’élèves avez-vous vu défiler depuis que vous y êtes ? Il boit son chocolat pendant qu’on pose notre question.

- Une vingtaine différents. Une vingtaine différents ? Certains viennent régulièrement ?

- J’en ai vu essentiellement des... Essentiellement des élèves qui revenaient régulièrement. D’accord. Donc ceux qu’on a vu quand on était là vendredi...

- Ouais, on les voit pas mal de fois. D’un côté, j’aimerais en voir plus, et de l’autre, ceux qu’on voit au moins on les fait progresser quoi. Il a fini son chocolat chaud . Vous voyez justement le progrès ?

- Ah ouais ouais. Quand ils arrivent, vous faites comment pour communiquer ? C’est l’anglais surtout ?

- Alors ma chance c’est que je parle aussi l’arabe donc euh j’essaie de pas parler arabe et anglais mais c’est vrai que ça aide au début il y a de l’anglais, y a de l’arabe euh et puis sinon on se débrouille. Là je... Y a un truc qui s’appelle la facilitation graphique dans la communication et le fait de faire des petits dessins ça aide pas mal et il faut... Ouais je suis plutôt partisan de ça. On peut utiliser je trouve… Ca marche bien ?

- Je trouve que ça marche pas mal ouais. Comment ça se fait que vous parlez arabe ?

- Euh parce que j’ai grandi en Algérie. Ah d’accord, oui c’est vrai que ça aide… On rigole.

- Effectivement (en rigolant). Est-ce que vous avez des liens, même minimes, avec des élèves ?

- Non. Non ?

- Les liens euh amicaux pendant les cours... J’avoue que je me suis posé la question la dernière fois euh enfin les dernières fois en me disant que... Est-ce que je pourrais me demander qu’elle a été leur vie… J’ai pas la réponse, je sais pas si un a… Je sais pas si un je peux me permettre ça … Et je sais pas si j’ai envie de... De savoir aussi. Est ce que… Parce que là, le présupposé c’est que ces des gens qui sont là aujourd’hui, qui arrivent de pays très lointains... C’est déjà... On sait qu’ils ont déjà un parcours très très particulier mais est-ce qu’on a besoin de mettre une histoire sur des parcours dont on sait déjà

30


qu’ils sont parfois dramatiques... J’ai un doute. Après, on tombe dans le côté « on fait pour soi » quoi, c’est un classique de l’humanitaire de... En tant que bénévole dans l’association, vous êtes en contact avec les élèves pendant le cours. Avez-vous des anecdotes, rigolotes ou qui sortent un peu de l’ordinaire ?

- Des anecdotes… Euh… Amusantes à ce sujet ? (Il réfléchit, lève les yeux au ciel). Quelque chose qu’un élève aurait dit, ou aurait fait, ou n’aurait pas compris, qui vous a mis dans une situation un peu...

- Délicate ? Oui… Grand silence, il réfléchit.

- Bon… Pas vraiment une situation délicate, mais dans mon cours au tout début il y avait les femmes d’un côté et les hommes de l’autre et il fallait arriver à gérer des espèces de pudeur et aussi de cultures où on mélangeait pas hommes et femmes. Et où en fait j’ai j’ai mis .. J’ai utilisé une petite fille de 7 ans qui était assez rapide… Qui a un peu humilié les hommes (il rigole) dans un jeu... J’ai fait un jeu en fait avec qui va marquer le plus de points et donc c’était... Il y avait un petit côté... Je les ai un peu titillé… En rigolant hein, mais en fait vu qu’ils ne voulaient pas travailler avec une femme il y avait quand même… Vu que c’était une enfant (il fait des gestes avec ses mains) ça m’a permis de faire passer le message plus gentiment quoi. En moyenne, quel âge ont les personnes que vous voyez ?

- Ah je dirais 35/40 quand même hein parce qu’il y a des gens qui sont qui ont l’air d’être très âgés. Il y a des enfants aussi ?

- Y’en avait, y’en a plus. Pourquoi certains ne reviennent pas ?

- Je l’ignore. Vous ne savez pas ?

- Non, je ne sais pas. Quand vous voyez des gens régulièrement, au bout d’un moment vous remarquez une progression dans leur français, est-ce que ça change vraiment leur vie ? Silence.

- On en est vraiment au stade d’une association qui est peu structurée et où on est vraiment un pansement, on n’est pas une suture ni une opération... On en est vraiment à ce stade embryonnaire... C’est très difficile de… Comment faire pour que ça se développe de plus en plus ? Vous cherchez des bénévoles souvent ?

- Il faut poser des bases organisationnelles. J’ai essayé de le faire mais c’est très difficile parce qu’on a tous, on est tous bénévoles quoi. Donc euh pas de réponses.

31


Il faudrait que quelqu’un s’occupe de ça à temps plein ?

- J’ai… J’ai essayé quelque chose, on va voir si ça marche. L’idée du manuel c’est justement de... Que tout s’organise et s’articule autour du manuel et que les gens viennent en disant « j’en suis à la leçon 3.B « et si le manuel est très bien fichu et structuré, n’importe quel bénévole qui arrive n’a pas besoin d’avoir été là avant et peu suivre et les élèves aussi .. Je crois qu’il y a quand même beaucoup beaucoup beaucoup de bordels dans ce truc de l’humanitaire. On le voit rien que des fois tu sonnes et ils t’ouvrent pas la porte à France Terre d’Asile.. Tu sens quand même que c’est .. c’est spéciale quoi. Et vos locaux vous plaisent ? C’est assez grand .. ? Vous vous êtes jamais…

- Ouais euh… Vous vous êtes jamais dit que Villanon c’était pas dérangeant ?

- C’est loin. Pour les élèves aussi ?

- C’est pour les élèves aussi c’est loin parfois. Et du coup vous parliez de l’entrée et c’est vrai que nous quand on est arrivée on a vu que les deux personnes qui venaient au cours euh elles ont sonné longtemps et ont du attendre qu’un facteur passe en disant qu’il avait une lettre pour vous…

- Ca arrive rarement ça, mais ça arrive. Et du coup c’est arrivé déjà qu’il y ait des élèves qui soient restés dehors?

- Ouais, pas tout le temps dehors mais qui reste .. aussi incroyable que ça puisse paraitre, il y a, il y a tout le temps du passage et il y a pas quelqu’un qui soit fiable sur le fait d’ouvrir aux gens quoi donc … c’est les joies de … de la logistique des assos hein. Et vous aimeriez de changer de local du coup ou pas du tout ?

- Un truc un peu moins euh chiant d’accès… Plus sur Paris du coup?

- Ouais plus sur Paris et à des horaires mieux ça serait quand même pas mal. Les horaires sont imposées par France terre d’asile ?

- Je l’ignore mais je pense que c’est France Terre d’Asile ne veut pas faire le soir, ne veut pas faire week end … après .. c’est facile de juger comme ça mais .. eux c’est leur boulot donc … est ce que vous vous avez envi de rester tout le .. tous les soirs et week ends à votre taf ? Et du coup vous avez l’air très engagé, est ce que du coup vous êtes dans le militantisme avec les autres ? Avec vos proches, vos amis ? Ou c’est vraiment que vous personnellement ? Vous avez déjà essayé de tirer quelqu’un vers cette association ?

- Ouais ouais euh .. dès que je peux ouais .. mais euh ….. moi genre j’ai vraiment le .. la .. la la mentalité du Colibri hein, genre le truc de. de Serge ra … de Pierre rabhi c’est à dire .. soit tu désespère soit tu fais ta part et puis t’essaie d’inspirer les autres et puis euh … le piège c’est d’avoir envie de changer le monde hein .. ca c’est très décourageant … et donc euh .. la maturité aidant…

32


D’où vos ambitions de reporter ?

- Euh j’étais j’étais, j’ai commencé le journalisme euh en essayant un peu de .. Non et puis il y a pleins de trucs .. ouais y a quand même des choses que .. auquel on n’avait pas .. dans les activités précédentes on a fait des trucs pas mals quand même.. Mais là en l’occurence, euuuuh, je fais ce que j’ai à faire au max. Au début je voulais structurer l’association, j’ai vu que je pouvais pas et bah j’essaie juste d’être là le vendredi et c’est déjà pas mal. Vous avez été déçu un peu ou non ?

- J’ai pas…. c’est compliqué de dire d’être déçu ..euh ….. Par l’association en soi ?

- Dire déçu c’est que c’est un jugement donc en fait t’es emmerdé, t’as envie de faire des trucs, t’aimerai .. t’arriverai à mobiliser des gens et tu peux pas parce que c’est le bordel donc bon .. D’un autre côté le jour où toi t’essai d’organiser .. tu vois bien que c’est hyper compliqué parce que ca veut dire que t’as un boulot, t’as un .. t’as une nana (Il le dit en riant) , t’as une vie, t’as un truc, tu fais comment? Donc ça c’est .. c’est la philanthropie ..c’est comme ça. Ensuite, pour parler de l’association, les élèves qui viennent, comment ont-ils entendu parler de vous ? Comment sont-ils arrivés à vous ?

- C’est par le CADA, c’est par France terre d’asile. (Blanc) Ça vous ai déjà arrivé d’arriver un lundi ou un vendredi et qu’il n’y ait personne ?

- Pas d’élèves? Je .. je suis déjà arrivé un vendredi et si j’étais pas venu ils auraient eu, ils n’auraient eu personne. Ah personne comme…

- Personne comme prof. Ce que je trouve pire que des profs qui arrivent et qui n’ont pas d’élèves. Et d’habitude, il y a vous qui venez plus quelqu’un d’autre ?

- Ouais mais là c’était les vacances scolaires, il n’y avait pas de continuité… en fait il n’y a pas de management, il n’y a personne qui est à plein temps. Forcément c’est un bordel, .. c’est un gros défi logistique hein, c’est déjà .. ce que fait Julien c’est déjà extraordinaire. Faut.. faut essayer de le faire pour comprendre à quel point c’est difficile. Ca à l’air de rien parce que tu te dis que bon .. il y a des profs, des cours, machins mais vu le bordel qu’il doit se taper lui, c’est euh … c’est déjà miraculeux que ça tourne encore. Vous pensez continuer longtemps ? Ou est-ce que vous pensez à créer votre propre boîte humanitaire ?

- Non non. Je pense que ça aussi c’est un syndrome un peu de .. de sauveur. Je pense qu’il y a trop de boite et qu’il faudrait moins de boîte et plus de bénévoles, plus de structures. J’aurai plus tendance à dire qu’il faut fondre les boîtes les unes dans les autres que d’en créer des nouvelles. Après moi euh .. le truc c’est que ma présence parisienne … est en train de me courir sur le haricot et que … c’est assez probable que je parte euh .. loin.

33


Et si vous partez, vous trouverez une association comme celle là ou…? (Blanc)

- Je sais pas. Vous ne savez pas si vous voudriez refaire une expérience ?

- Pffff, si je pars ca serait partir éventuellement faire le tour du monde. Donc ça serait un peu délicat de se dire “je ne sais pas quoi dans quoi je me projetais”. Même la boite que je gère, toutes les entreprises que j’ai créées, sont des entreprises avec un caractère philanthropique. Donc je n’ai pas besoin de me forcer pour ..enfin c’est déjà des boites qui ont .. qui ont une conscience sociale sinon ça ne m’intéresse pas. Vous avez parlé de tour du monde, sans indiscrétion ça serait pour aider ou pour un projet personnel ?

- D’une certaine manière. Euh j’ai .. je .. j’ai toujours fait les 2 donc c’est difficile de dissocier mais euh .. j’ai pas envie de dire, je suis pas dans une démarche aujourd’hui où .. quand vous partez comme je vais partir .. comme je suis déjà parti je ne savais pas. Donc c’était délicat aujourd’hui de vous dire “je vais faire ça, je vais aider”. C’est presque un truc un peu .. un peu angéliste comme les gens qui vont … aller je vais faire de l’humanitaire en Inde. Moi je pars; mais je ne sais pas du tout ce qui m’attend. Je vais peut être me retrouver le crâne rasé à devenir moine au Népal ou au .. j’en sais rien de ce qu’il va se passer. C’est pour ça que j’y vais d’ailleurs (dit il en souriant). .. j’espère. Vendredi dernier nous avons vu un carnet sur la table. Si vous venez régulièrement c’est vous qui entretenez aussi ?

- Là-dessus c’est vrai que… que je suis pas bon… (il fait un mouvement de recul et se touche le crâne en se recoiffant). Je suis pas très organisé moi même .. donc le truc de carnet où faut noter mais en fait ça .. je suis pas convaincu par le carnet donc à chaque fois je .. je ne le fais pas. Je laisse , .. je ne sais plus comment il s’appelle.. en plus j’ai un problème avec les prénoms donc .. Lucas ? Je retiens les prénoms de personne …. mais ouais ça doit être Lucas. Et après pour revenir sur les élèves que vous avez, vous voyez des profils communs, des gens qui reviennent… ?

- Je vois des gens qui une énorme envie d’apprendre, qui se donnent à fond. C’est très émouvant de voir à quel point eux, se battent quoi. Et souvent vous savez pourquoi ils veulent apprendre le français? Si c’est pour un boulot,… ?

- Pour vivre quoi. Mais euh .. ouais pour vivre. Pour se donner des chances quoi, ça se voit. Maintenant c’est délicat de … d’aller .. c’est presque .. ouais c’est indélicat. J’ose pas aller là “alors ça va? Ah t’es dans la merde? Ah dit donc, génial”. C’est bof. Et ça ne vous donne pas envie de faire plus justement?

- Bah .. j’ai essayé de faire plus puisque j’étais pas censé parler d’un manuel, de recruter des bénévoles ou autre.. Je l’ai fait, je gère.. Je fais ce que je peux. Mais .. faut arriver quand même à savoir ce qu’on est capable de faire, et ce qu’on est matériellement capable de faire et ce qu’on ne peut pas faire. Y en a encore beaucoup des questions? (Il commence à s’impatienter, tapant du pied et regardant l’heure).

34


Non, juste une dernière : une solution miracle, si vous aviez par exemple une demande à faire au président de la République qui serait quelque chose qui vous tiendrait à coeur mais qui serait trop au dessus de vous, ça serait quoi ? (Blanc)

- Et ben … Mais là c’est ça, ce, c’est un truc politique un donc… Non non, c’est pas rapport à votre avis sur le sujet de l’humanitaire.

- Arrêter de niquer la classe moyenne (sa voix est plus forte, plus impactante). Une société sans classe moyenne qui grossit est une société qui est entrain d’aller vers de grands problèmes. Et les problèmes qu’on constate avec les réfugiés,… Aimer son prochain est une phrase à la con maintenant or aimer son prochain ça veut dire quoi ? Ca veut dire que le réfugié c’est nous potentiellement. C’est ça en fait aimer son prochain, c’est considérer que eux sont la dedans mais qu’on peut l’être. Comme quand t’es avec un vieux et qu’il traverse la route, demain c’est toi le vieux donc les gens qui galèrent aujourd’hui, demain c’est toi, c’est tes gosses, ta famille, tes frères et soeurs,… Et ça on a tendance entre 2 périodes de soldes à l’oublier un peu quoi. Est ce que je peux vous demander votre âge ?

- Euh bientôt 34. D’accord, et bien joyeux anniversaire en avance.

- Merci. C’est bon ? Oui merci beaucoup ! L’interview s’est arrêtée. Il s’est levé pour régler. Nous n’avions pas compris qu’il allait régler pour nous aussi, nous sommes donc restées assises pour vérifier que l’enregistrement avait bien marché. Il est sorti du bar, nous a salué et est parti d’un pas pressé.

35


Analyse de l’entretien avec Mohammed Nous avons été très surprises lors de cet entretien par Mohammed. En effet, nous l’avions vu quelques jours plus tôt lorsqu’il enseignait aux élèves de l’association. Il nous avait paru de nature désinvolte, très peu investi et pas pédagogue. Mais lorsqu’il nous a énoncé ses études et son métier actuel, nous avons été étonnées. Pensant qu’il dispensait un cours pour la première fois lorsque nous l’avons observé, il nous a appris qu’en vérité il était professeur dans une prépa qu’il avait lui même créé. Cet entretien a donc été très enrichissant, puisque nous avions l’impression de nous trouver face à une personne complètement opposée à celle que nous avions pu observer dans les locaux de l’association. Le bénévole n’est pas le même en cours (où il affichait une sorte de désinvolture) et lors de l’entretien (où il semblait très professionnel). Barbara et Julie avaient choisi de réaliser un entretien de type questionnaire. Nous avions préparé nos questions à l’avance afin d’avoir toutes les informations nécessaires. Pour la première partie de l’entretien, nous lui avons demandé de se présenter. Pour sa présentation, il nous a directement parlé de ses études et de son parcours professionnel. Il ne nous a, ni dit son âge, ni sa situation familiale, etc.. Nous avons vu une pointe de fierté lorsqu’il nous racontait sa vie professionnelle. On a été frappée par sa vision managériale de l’association. Il semblait peu, voire pas, satisfait de l’association. Il souhaiterait qu’elle se développe de sorte à devenir une association stable. On voit qu’il a tenté de s’investir au début (quand il s’est engagé dans l’écriture du manuel,…) et que maintenant, il n’assiste qu’au cours du vendredi. Il semblait assez lassé par l’association, du fait qu’elle n’évolue pas beaucoup. Il a une vision très philanthropique de la vie. Il était très moralisateur lorsqu’il s’adressait à nous. Et surtout, il souhaitait qu’on s’engage dans l’association. Lorsque nous l’avons retrouvé pour aller au café, il nous a demandé si nous souhaitions nous engager. Puis à la fin de l’entretien, il nous a demandé s’il nous avait convaincu de le rejoindre dans l’association. Tout au long de l’entretien il affichait un certain militantisme, une soif de bien faire et une certaine sérénité. Nous l’avons vu mal à l’aise uniquement à deux reprises. Tout d’abord, lorsque nous lui avons parlé du cahier de bord de l’association. Nous avons vu qu’il était mal à l’aise car cela il se sentait coupable du fait que ce carnet ne fonctionne pas. Ensuite, il a aussi été mal à l’aise lorsque nous lui avons posé la dernière question concernant la demande au président de la République. Cette question sortait du contexte de l’association FRIENDS et nous avons vu qu’il était assez décontenancé.

36


Entretien avec Julien, président de l’association Nous avions rendez vous samedi 11 mars 2017 à Denfert Rochereau afin de rencontrer le président de l’association. Le rendez vous était fixé à 14h45, mais avec les problèmes de RER Grégoire et Julie sont arrivés en retard. Quand Julie est arrivée, il était assis à l’intérieur d’un café sur la place de Denfert. Il regardait dans le vide, avait un carnet posé devant lui ainsi que son téléphone. Il était habillé d’un pull gris, les cheveux en batailles. Le président de l’association et Julie se sont salués, se sont fait la bise et se sont tutoyés dès le début. Ils ont discuté tous les deux de leur collège et de leur lycée puisqu’ils s’y étaient déjà croisés. Julie lui a expliqué que nous avions réalisé l’entretien avec le bénévole une semaine avant ainsi que l’observation. Il a commencé à parler de l’association, Julie a dû lui rappeler qu’il fallait qu’il répète tout ce qu’il disait une fois l’entretien commencé pour qu’on enregistre tous ses propos. Voyant l’heure défilé et que Grégoire n’arrivait pas, Julie a pris l’initiative de commencer l’entretien. Il était assis face à elle, les jambes croisées et le bras étendu sur le rebord du canapé. Le serveur est venu leur demander ce qu’ils voulaient consommer et ils ont répondu qu’ils attendaient quelqu’un d’autre. Il leur a déposé les cartes sur la table. L’entretien commence, Julie pose son téléphone sur la table près du président de l’association afin que l’enregistrement soit audible. On voulait commencer par ta présentation…

- D’accord, alors moi je m’appelle Julien Pasteur, je suis étudiant à l’ESSEC, euuuh.. donc j’ai eu un master 1 de stratégie à Paris Sud … euh donc on a monté cette association il y a un peu plus d’un an… avec 3 amis de ..de.. des amis d’enfance, de l’université dans laquelle j’étais et euh … voilà. On voulait savoir si tu avais déjà fait parti d’une association ou pas ?

- Alors ouais je fais parti d’une association de cinéma, dans laquelle on produit des films, on fait des productions dans l’école et euh .. on écrit des scénarios. C’est une association étudiante dans laquelle je suis depuis cette année. Il a l’air de faire très attention aux mots qu’il utilise. Il parle très doucement et pas très fort. Il marque des pauses pendant chacun de ses propos. Et tu n’as jamais fait parti d’une association humanitaire ?

- Non. Non, non . C’est ma première aventure humanitaire, enfin social plutôt parce que ce n’est pas vraiment humanitaire, c’est plus social. Et ta famille aussi s’est engagée ?

- Dans l’association tu veux dire ? Non pas forcément, est-ce qu’ils ont déjà eu des engagements associatifs ?

- Alors pas particulièrement mmmh … à vrai dire jamais. Ils ont… ils ont … Mon père travaille dans le théâtre, il est dans l’associatif quand même mais ce n’est pas le même engagement humanitaire ni sociale. Enfin c’est vraiment … c’est plus .. c’est son métier quoi. Euhhh… par contre mes parents ont déjà donné des cours dans mon association. Ah d’accord, trop bien ! Pour revenir à tes études, tu es en école de commerce ?

37


- Ouais (il coupe la parole pour confirmer) On s’est rendu compte que Mohammed aussi avait fait une école de commerce…

- Ouais (il confirme directement aussi) Et est ce qu’il y a un lien ? En écoles de commerce on demande de monter son association, de faire parti d’une association ?

- Bah pas du tout en faite puisque moi j’ai monté mon association avant de rentrer en école de commerce. Je l’ai monté en étant à la fac, quand j’étais en master et euh .. non il n’y a pas de lien mais bon après c’est vrai que quand on est en école on est souvent dans pleins d’associations, on a envie de s’engager dans pleins de choses très différentes.. c’est le moment aussi de , voilà, d'expérimenter, de tenter des choses. Et voilà après c’est vrai que le système école permet cela parce que .. parce que voilà c’est juste devant toi, sous ton nez. Donc tu as juste à choisir une asso et .. souvent l’engagement est quand même pas très important donc tu peux essayer ouais. Et ça tu le retrouves pas vraiment à la fac. C’est vrai qu’à la Fac, le dispositif associatif est beaucoup moins grand euh … il y a moins cette ..cette mentalité aussi, cette culture. Donc ouais c’est .. on peut dire que c’est propre à l’école dans le sens où c’est automatique à l’école. Du coup t’aimerais plus tard rester dans l’engagement social, en faire ton métier ?

- J’y ai songé longtemps. C’est vrai que je suis un peu entrain de revenir là-dessus. Grégoire arrive, ils se saluent, se tutoient directement. On réfléchit à ce qu’on veut commander pendant que Grégoire s’installe.

- Alors je disais .. euh .. On parlait de ton avenir associatif…

- Ah oui. Plus tard, probablement pas. En parallèle je trouve que c’est bien. Euh c’est vrai que le .. le monde où je travaille .. je travaille en entreprise pour le moment, euh .. parce que je pense que c’est complémentaire. Clairement en entreprise t’as pas le temps de… Ce qui est bien en école de commerce c’est qu’il y a un bon état d’esprit corporate etc .. donc c’est vrai que c’est .. ça t’apprend quand même beaucoup de choses notamment sur la culture, comment mener un projet, comment aller convaincre les gens de donner des sous, des subventions. .. C’est vraiment en école que j’ai appris ça et c’est quelque chose qu’on peut apprendre aussi en entreprise et donc oui bien sûr, à côté je continuerai d’avoir des assos, je continuerai de monter des projets c’est évident. Que ça soit sociaux ou humanitaires d’ailleurs. Mais euh .. pas que ça. (Il fait beaucoup de gestes avec ses mains lorsqu’il parle. Le café est bruyant, il y a de la musique en fond sonore, beaucoup de monde qui parle et des bruits de vaisselles. ) D’accord, tu ferais ça en plus?

- Probablement. Du coup, je pense qu’on a tout pour la présentation. Et du coup là on aimerait vraiment rentrer dans le vif du sujet, sur l’association. Que tu nous expliques comment tu l’as montée, les démarches administratives, pourquoi monter une association, etc …

- Ok alors, l’ass …. l’histoire commence en mai 2015. Euh .. toutes ces problématiques, les réfugiés qu’on entend dans les médias, moi je commence à intervenir dans le lycée Jean Quarré dans le 18ème

38


avec des amis. Euh voilà, de fil en aiguille on se rend compte que c’est vraiment, qu’on agit au quotidien … On le coupe. Vous faisiez quoi la bas?

- En fait, j’étais bénévole. C’est à dire que je pouvais faire .. des achats de bouffe, trouver … trouver des matelas.. Enfin c’était vraiment .. c’était vraiment .. le problème c’était ça, c’était que j’étais là, je savais pas vraiment quoi faire parce que.. parce qu’il n’y avait pas d’organisation, parce que .. c’était .. c’était… et qu’il y avait pas de structure. Il y avait 500 personnes dans un lycée désaffecté. Je ne sais pas si vous connaissiez ce lycée. (Grégoire et Julie acquiescent, lui faisant comprendre qu’ils étaient informé concernant cet ancien lycée transformé en centre d’hébergement d’urgence).

- Donc y avait vraiment rien de fait quoi, y avait vraiment rien de fait. Il y avait quelques cours de français par ci par là, il y avait euh … voilà il y avait des trentaines de bénévoles qui intervenaient justement des bénévoles d’appoints quoi, qui étaient là pour apporter leurs aides, quelques vêtements, etc .. Mais vraiment rien de concret et c’est vrai que moi je me sentais vraiment très inutile et donc je me suis dit qu’il fallait que je fasse, qu’il fallait que je fasse quelque chose euh … avec Raphaëlle et Lucas on s’était dit qu’on va faire quelque chose qui est quand même un peu dans notre domaine de compétences, c’est des cours quoi. On a quand même chacun BAC +2, BAC +3, BAC +4 et c’est .. la seule chose qu’on peut faire c’est vraiment donner des cours et ça nous semblait pertinent, on était capable de le faire et des cours de quoi? des cours de français évidemment. Après on sait pas vraiment .. vraiment faire mais bon on .. il y a moyen qu’on apprenne sur le tas, qu’on trouve les bonnes personnes etc.. Euh et donc ça a commencé comme ça, on a commencé à donner des cours sur place tout d’abord. Et puis après on s’est dit on va monter une association et puis et puis on va voir, ça incitera les gens à nous rejoindre etc . Euh on crée cette association, on a commencé à se poser la prob .. on a commencé à être confronté aux problématiques des locaux. Ok on va donner des cours mais quand même pour instaurer une régularité dans les cours il faut quand même, ça serait bien qu’on ait des locaux. Et là on a commencé à chercher un peu et à se dire bah en fait il existe des centres, des centres d'hébergement partout.. où il n’y a pas de cours qui y sont donnés, quasiment pas. Donc ça c’est les CADA c’est ça?

- Oui voilà ce sont les CADA. Et ...donc on a contacté France Terre d’Asile qui nous ont dit “bah oui nous on recherche des professeurs donc effectivement on en a ponctuellement qui viennent mais qui repartent tout aussi vite parce que voilà, les problématiques de la vie euh voilà .. clairement on s’engage sur quelques semaines, quelques mois mais au bout d’un moment on doit partir et eux ils avaient pas .. le temps de faire ce travail de recherche de profs”. Donc on s’est dit “bon il y a 2 choses à faire: d’une part donner des cours parce que c’est important”. Mais bon, au bout d’un moment quand on pourra plus il faudra qu’on trouve une solution pour qu’il y ait une continuité, qu’il y ait des profs qui viennent régulièrement etc … Donc voilà, le coeur de l’association se trouve là euh .. on a tout fait en fait. Il faut qu’on organise des cours, il faut qu’on fasse en sorte qu’il y ait des professeurs à chaque fois pour assurer le suivi etc .. Après voilà je peux pas vous détailler tout ça mais il y a pleins d’autres problématiques qui sont apparues: qu’est ce que c’est le français? Parce que finalement le français c’est .. tel qu’on l’a appris c’est pas du tout la même manière que eux ils l’apprennent, parce que bon il y a la problématique de la culture, il y a la problématique que .. que normalement dans leurs pays ils n’ont pas forcément appris à écrire leur langue. Et voilà. Il y a cette problématique liée… intrinsèque, .. liée au fait que le public n’est pas homogène. Et donc ça été un second problème …

39


Et pourquoi vous avez plutôt voulu aider les demandeurs d’asile ?

- En fait, il faut savoir que 95% des réfugiés qui restent en France sont demandeurs d’asile. Euhh.. généralement on entend parler de migrants mais les migrants sont ceux qui viennent tout juste d’arriver ou qui veulent repartir soit dans un pays européen soit dans un autre pays, mais généralement ils font très vite leur demande d’asile. Pourquoi ? parce que ça leur permet de rester sur le territoire pendant un an, enfin pendant tout le temps de la demande. Ca peut durer très longtemps … Et la paperasse que font les demandeurs d’asile est une sorte de sécurité ?

- Comment ? La paperasse.. Enfin oui le fait de faire la demande … (Il nous coupe)

- Oui voilà, c’est une sécurité pour eux puisqu’ils savent qu’ils ont le droit de rester, ils ont comme une sorte de carte d’identité pendant un an. Après ils sont convoqués pour des entretiens .. ils ont l’opportunité de raconter leur histoire et si leur histoire est suffisamment entre guillemet atroce (Il sourit et imite les guillemets avec ses doigts) Ils vont prétendre avoir … avoir le statut. Le statut de réfugié politique. Et pourquoi avoir choisi de passer par France Terre d’Asile et pas une autre association ?

- Alors France Terre d’asile n’est pas une association, c’est un organisme d’état. Donc pourquoi? Parce que c’est une assoc.. enfin un organisme qui nous paraissait le plus sérieux tout d’abord; le plus en lien forcément avec .. avec les réfugiés, avec les demandeurs d’asile. Et donc euh .. ça a été assez naturelle finalement. Euh après c’est vrai qu’on a contacté en parallèle d’autres associations tels que SILYA, tel que réfugiés bienvenus, euh …(Il lève les yeux au ciel pendant qu’il réfléchit) qui d’autres? En faite pas mal de politique aussi .. qui intervenait sur place, il y a 10 000 groupes facebook où voilà on peut partager, euh, échanger etc donc on .. on a pas mal , on a pas mal traîné la dessus aussi mais c’est vrai qu’au bout d’un moment on se disait bon, c’est intéressant d’agir etc et donc on s’est demandé où est ce que c’était intéressant d’agir et on a commencé par donner des cours dans le siège de FTA .. il n’y avait pas de cours qui étaient donnés alors que c’est là où il y a le plus d’élèves enfin qu’il y a le plus de demandeurs d’asile en France et après très vite on s’est renseigné pour autour de chez nous en fait, nous on est implanté à Sceaux et on s’est rendu compte qu’il y avait un site à Villanon et donc petit à petit on a pris contact avec eux. On a abandonné le centre de Paris. Après on a été très vite sollicité par d’autres centres.. Pourquoi vous l’avez laissé tomber ?

- Je l’ai dit tout à l’heure. En fait c’est parce qu’il y a d’autres problématiques qui apparaissent.. à Paris ils ont beaucoup plus d’activités proposés donc eux c’est plus difficile de trouver des créneaux sur lesquels on pouvait faire nos cours. Tu couples ça avec la problématique de nous trouver des professeurs qui sont disponibles en semaine. Voilà parce que tous les centres sont ouverts de 9 heure à 18 heure en semaine. Pas le week end ?

- Pas le week end. Et on n’a pas encore essayé de négocier pour avoir des cours le week end parce que c’est beaucoup de problématiques, on est quand même une petite structure pour l’instant. Notre objectif c’était vraiment de … de créer un cours qui se tienne (faute de l’enquêté) sur plusieurs mois, .. Qu’il y ait un suivi, une évolution … et ça on a réussi ça à Villanon.

40


Et vous voyez une progression?

- Alors nous on voit qu’il y a des progrès. Pas seulement au niveau de la langue mais aussi au niveau des comportements. On a des très bons retours des centres sur la, voilà la manière de s’exprimer, la manière d’échanger puisque du coup ils sont confrontés finalement à ... à 2 heures de dialogues quoi, c’est vraiment 2 heures enfin … 2 fois par semaine si possible. Ils sont vraiment en discussion avec nous ou avec les profs ou avec d’autres élèves. Donc c’est ça qui est intéressant. Il y a une ouverture sur les autres qui est intéressante et ça s’inscrit dans une logique de .. de vraiment d’intégration, de vraiment .. pas seulement sur .. sur le contenu mais voilà aussi tout ce qu’il y a autour. Parce qu’il faut savoir que quand ils arrivent en entretien, ils sont jugés sur leur discours bien sur mais il faut aussi pouvoir communiquer euh sur .. sur ce qu’ils ont vécu et ça ça s’exprime par beaucoup, beaucoup .. beaucoup plus que la langue. En fait vous n’avez pas eu de difficulté à créer l’association parce qu’on avait vraiment besoin de vous à FTA ? Il n’y a pas eu de problèmes administratifs etc ..?

- Aucun. On a pris contact et ils nous ont dit “c’est parti”. Et .. ouais ouais là on a 3-4 centres en attente qui sont venus mais on attend d’avoir un peu plus de visibilité, un peu de bénévoles sur les prochains mois pour commencer des cours … Voilà c’est un peu l’erreur finalement qu’on a fait, on a commencé trop vite à Paris; donc c’était plus le bazar qu’autre chose. Euh .. voilà on attend vraiment que l’association soit vraiment stable, peut être ouvrir un troisième cours à Villanon, après on ira probablement ailleurs aussi en fonction des bénévoles. Là où il y a des CADA?

- Il y a des CADA partout, à Massy, à Asnière… Plutôt banlieue sud ou… ?

- Pas forcément. Bah y en a un à Asnière, y’en a un à … à Saint Denis. Donc c’est vraiment partout; partout en France. Euh .. voilà, faire les choses petit à petit. Il continue de parler très doucement, il fait beaucoup de gestes avec ses mains, il change souvent de position sur sa chaise et passe la main dans ses cheveux. Et vous les trouvez comment vos bénévoles ?

- C’est vrai qu’on mobilise beaucoup notre réseau. Notre réseau d’ami, d’amis d’amis, … Beaucoup notre réseau d’écoles aussi parce que chacun est dans différentes écoles, dans différentes universités donc on passe beaucoup par là. On a une page Facebook. On poste beaucoup de.. , enfin on postait beaucoup de .. de messages pour inciter les gens à venir. Mais c’est vrai que maintenant comme on a des professeurs réguliers, on est plus sur comment on va développer ailleurs. Et c’est vrai que l’idée c’est vraiment de … de … que chaque personne qui veut donner des cours puisse trouver un centre à proximité. Donc on est entrain de réfléchir à vraiment cartographier, cartographier vraiment la région avec tous les créneaux disponibles, et que chacun puisse limite.. enfin l’idéal serait vraiment en quelques clics on s’inscrit pour un cours sans passer par nous physiquement quoi. Ça se ferait en ligne etc .. genre c’est directement avec les centres. En fait c’est vraiment faciliter les échanges entre les centres et les bénévoles. Parce que les bénévoles il y en a des dizaines et des dizaines. Moi je reçois environ peut être 10 ou 12 messages par SMS par semaines plus tous les messages que .. que mes collègues reçoivent, plus les messages qu’on reçoit sur la page Facebook. C’est .. c’est monstrueux. Sauf que les gens, voilà ils ne savent pas comment aider, euh … ils.. c’est le plus souvent un instant

41


quoi, ils veulent aider. Ils veulent aider un moment et puis après la vie les rattrape, ils veulent faire autres choses, passer sur autre choses. C’est normal. Ils sont pas vraiment stables ?

- C’est .. c’est difficile aussi. Voilà généralement on .. on réagit à une information, on veut aider suite à, je sais pas , ce qu’on voit dans les médias, et après ça .. ça s’effrite au fur et à mesure quoi c’est normal. Et nous vraiment tout notre enjeux c’est de vraiment saisir cet instant et de faire en sorte qu’il (en parlant du bénévole lambda) peut donner euh .. à l’échelle de son temps disponible, à l’échelle de la où il vit et donc c’est vraiment ça l’enjeux de notre asso. Juste pour terminer avec FTA et les CADA, les demandeurs d’asile qui appartiennent au CADA de Villanon, ils sont dans l’obligation de prendre des cours ou c’est leur volonté ?

- C’est totalement volontaire. Déjà parce que ça ne servirait à rien de les forcer. Après c’est fortement recommandé parce que bon on les aide quand même à mieux parler, à mieux s’exprimer donc c’est tout bénéfique pour eux. Euh .. surtout qu’on est .. je sais pas si vous avez vu mais on est assez prosaïque dans notre façon d’apprendre donc nous .. enfin après ça dépend des professeurs, chaque prof a sa façon de faire. Mais moi j’essaie vraiment d’être très très pragmatique, de savoir nous dépasser dans notre rôle, à savoir demander quelque chose, à savoir les choses les plus utiles. Parce que finalement on leur apprend à .. je sais pas, les régions de la France on s’en fout pour l’instant et donc ouais totalement volontaire mais euh … généralement on arrive à avoir 10 ou 12 élèves par semaine donc ça fait 6 élèves par cours. C’était quoi ta première expérience quand t’as donné un cours ? Tu l’avais préparé, tu avais de l’appréhension… ?

- Ouais des appréhensions parce que voilà du coup, comment est ce qu’on gère cette .. cette hétérogénéité, à savoir des profils très différents. Comment est ce que .. bah oui forcément .. interactions parce que je vois du monde etc .. Moi j’avais donné des cours de maths etc mais rien de .. rien de tel. Et euh finalement ça c’est très bien passé euh j’ai .. j’ai beaucoup de contacts encore avec des réfugiés de Paris. Donc des gens avec qui .. je suis limite pote quoi. Il sourit. C’est vrai ?

- Ouais je les vois super souvent même si je bosse etc mais c’est vraiment .. ça c’est très bien passé et ça continue de bien se passer. Après y en a avec qui ça se passe moins bien forcément, des gens qui sont beaucoup plus fermés … ça arrive quoi. Faut pas le prendre pour soi, t’as ta façon d’apprendre quoi. Et du coup t’as gardé des liens du coup avec certains élèves?

- Ouais ouais complètement. J’en ai 2 avec qui je suis resté très en lien. Des mauritaniens et euh c’est vrai que c’est … j’adore passer du temps avec eux parce qu’ils sont .. ils ont une vision de la vie qui est incroyable quoi. Ils ont vécu tellement de choses difficiles euh … ils arrivent encore à être hyper positifs en France. Et avoir … à rester optimistes quoi ! Alors que pourtant leur vie n’est pas simple quoi. Je veux dire .. ils sont pas du tout surs en venant de Mauritanie d’avoir leurs places en France, d’avoir leur statut. Mais bon voilà, si ils doivent revenir un jour ils reviendront un jour. Si ça doit prendre 10 ans, ça prendra 10 ans. Ils ont pleins de rêves, pleins de projets et c’est ça qu’est incroyable quoi. Donc c’est vraiment … c’est vraiment important de … de .. voilà d’avoir du lien avec eux. Vraiment. On veut leurs donner des cours, mais c’est pas juste pour donner des cours, c’est aussi pour l’intégration. C’est super important.

42


Ta vision de la vie a changé un peu ?

- Euh .. ouais bah carrément, complètement! Ca m’a changé .. quand .. quand toi t’as tes problèmes de la vie quotidienne, des trucs assez banaux finalement, euh le mec te raconte qu’il a traversé la Méditerranée, qu’il a perdu une grande partie de sa famille pendant le trajet, que … que voilà probablement dans un an il devra retourner en Mauritanie refaire tout le trajet alors qu’il s’est ruiné pour faire ce trajet. Et toi t’es la avec tes problèmes quotidiens .. Bah ouais je trouve ça super important d’avoir ça parce que c’est ça la réalité! C’est ça la réalité .. Et ouais donc ma vision a complètement changé. En créant l’asso c’était vraiment dans un but utile ou pour toi c’était aussi pour remplir le CV…?

- Je trouve qu'il faut être très .. très pragmatique. C’est tout. Tu fais un projet tu le fais pour pleins de choses. Tu le fais pour faire de belles rencontres, pour apprendre parce que t’apprends énormément, c’est des compétences. On peut dire que c’est des compétences! Moi j’invite tout le monde à vraiment à le faire. Même pour mettre sur le CV hein. Parce que voila, c’est quelque chose.. c’est vraiment des compétences très palpables. T’apprends à apprendre déjà, t’apprends à te maitriser, à te retrouver, t’apprends.. enfin vraiment t’apprends énormément de choses! Et euh .. moi j’incite .. enfin par exemple là je te disais toute à l’heure (en regardant Julie) que j’avais pris des cours de prépa avec Mohammed et c’est vrai que j’incite tous les gens qui font des prépas, des écoles et tout à venir ici enfin à venir donner des cours et à le marquer sur leur CV. C’est bien, et je pense qu’il ne faut pas se méprendre il faut juste accepter que voilà il y a plusieurs objectifs dans le projet. Que l’humanitaire c’est important .. c’est important. Dans ton asso, personne n’est à temps plein?

- Personne. C’est très bien finalement parce qu’on reste dans le même esprit du début c’est à dire venir quand on peut. Si on avait des gens à plein temps ça voudrait dire du salarial, .. Faut vraiment qu’il y ait une compensation parce que forcément les gens ne vont pas faire ça à plein temps sans être payé etc .. Donc du coup on reste dans le même esprit. C’est à dire que moi quand je travaille sur le projet et je travaille beaucoup moins qu’avant.. je suis toujours voilà je compte pas mes heures, je fais ça parce que j’ai envie de faire quelque chose de propre, quelque chose de bien. Et donc c’est super que ça reste dans cet esprit là. On n’a pas vocation à devenir quelque chose à plein temps aussi parce que pour l’instant ça se gère très bien à petite échelle. On verra par la suite, si dans 4 ans , si vraiment ça évolue , qu’on grossit.. on verra, on verra ! Quand on a rencontré Mohammed, il nous disait que c’était très compliqué, qu’il y avait un manque de fiabilité. Et lui était moins optimiste que toi justement par rapport à ça.

- Pour lui il fallait que quelqu’un s’en occupe vraiment. Qu’il avait essayé de s’en occuper mais que ça n’avait pas vraiment marché… Ouais … c’est vrai que c’est difficile de faire les deux c’est sur. Moi je suis en école, c’est vrai que le temps que j’y consacre .. c’est quand même moins important … A peu près combien de temps par semaine ?

- C’est vraiment .. c’est des 5 minutes par 5 minutes. Ca peut être .. je pourrai pas te dire. Mais .. évidemment ça pourrait être intéressant qu’il y ait des gens qui s’en occupent beaucoup plus. Mais ce que je veux dure c’est que ce que je trouve intéressant et pour reste positif aussi parce que voilà quoi on rentre pas le soir en se disant « bon bah on pourrait faire mieux les choses « Oui bien sur on pourrait faire mieux les choses c’est sur … euh (il marque une longue pause). Non mais c’est sur que c’est .. on arrive à garder cet état d’esprit du début et c’est super positif. Après Mohammed c’est un serial entrepreneur (on sourit) euh c’est aussi .. voilà il a sa vision des choses qui est très bien …. mais

43


c’est pas forcément la mienne tout le temps quoi . Lui i veut être dans l’ultra efficacité. C’est super, il veut être dans .. il mène exactement de la même façon un projet d’ entreprise qu’un projet social. Oui c’est super mais en même temps il faut déjà être content des résultats qu’on a. Je veux dire que voilà, on arrive déjà à tenir, voilà moi je vois ça comme ça: on arrive déjà à tenir un cours depuis 6 mois et je trouve ça bien. Après voilà on va évoluer à notre rythme, on va .. (Il ne termine pas sa phrase). Mohammed nous a parlé d’un manuel…

- Oui alors le manuel c’est… on l’a commencé en juillet dernier, c’est un gros chantier (il sourit) , un gros chantier .. euh je me demande si un jour on l’aura fini parce que c’est vraiment un énorme chantier. C’est pour vous aider à faire votre cours ?

- Non, en fait c’était pour… enfin oui. En fait, l’idée c’était de donner un manuel que tout le monde peut utiliser facilement et rapidement. T’arrive en cours, t’as jamais donné de cours, tu te saisis du manuel. Avec ça t’as une fiche de suivi, tu sais où les élèves en sont. Tu prends la bonne page et tu continus. C’était vraiment cette idée là. Hyper simple. Sauf que bon, on se rend compte que … des manuels il en existe déjà beaucoup et que c’est vrai que … créer un manuel comme ça nécessite de travailler avec des professionnels mais les professionnels sont payés quoi. Ca avait un but commercial ou c’était uniquement ..?

- Non pas du tout commercial, non. Non mais l’idée c’était vraiment de .. même si on arrivait à faire quelque chose de bien, de pouvoir le donner à toutes les assos qui en ont besoin quoi. Non non c’est pas du tout un but commercial. Ca n’aurait aucun intérêt de vendre un livre comme ça.. Non, non vraiment.. Quand on est venu observer vendredi dernier, on a vu un cahier sur la table où vous marquiez à chaque cours ce que vous aviez fait. Mais en le feuilletant, on a vu que peu de monde écrivait dedans.

- Ouais bah c’est ce qu’on essaie de mettre en place, on essaie vraiment que les gens prennent le reflex. Après euh .. c’est comme tout, dès qu’il y en a un qui oubli ça casse la chaine et après .. ouais y a encore des choses à faire la dessus, clairement euh .. surtout qu’il y en a qui .. Y a Emanuelle par exemple , la prof retraité du lundi , qui écrit tout le temps, énormément et y en a d’autre qui sont pas à l’aise avec le fait d’écrire etc .. Donc après il faut aussi s’adapter avec les professeurs et moi je serai plus d’avis qu’on se mette un petit mot sur .. limite sur Facebook etc .. enfin il y a toute cette problématique là aussi à .. à travailler. Ce qui nous avait marqué avec l’interview de Mohammed c’était qu’il avait vraiment une vision hyper managériale de l’asso et par rapport à ce que tu viens de dire, t’as pas vraiment …

- Si, si évidemment j’ai une vision managériale. C’est juste que … (il marque une longue pause) bah disons que moi je suis pas pressé quoi. Je ne suis peut être pas aussi pressé que lui. Après c’est vrai que voilà je vois le verre à moitié plein plutôt. Je me dis que ouais ça prendra le temps qu’il faudra et que peut être je serai plus dispo le trimestre prochain, peut être qu’on sera tous plus dispo le trimestre prochain et qu’il y aura un vrai coup d'accélérateur parce que ça ne se fait pas tout seul enfin tous les membres fondateurs sont … Lucas est à New York, Valentine est à Lille, etc .. donc voilà moi j’ai plus ma vision des choses en haletant. Et … ouais peut être que Mohammed a une vision qu’il aimerait que ça aille plus vite. Alors c’est sur que .. c’est sur qu’on aimerait que ça aille plus vite mais euh … pour l’instant c’est pas possible.

44


Pour le moment ça te plait ?

- C’est pas que ça me plait, c’est juste que oui enfin ça me plait. Je suis satisfait dans le sens où ça fonctionne euh … après je suis aussi réaliste sur mon temps quoi, je .. je n’ai pas 36 heures à bosser dessus par semaine. Donc c‘est tout .. Est-ce que tu verrais passer le projet à quelqu’un d’autre ?

- Euh .. oui totalement bien sur! (il le dit d’une voix sûre) Totalement, totalement, .. enfin passer le projet c’est à dire ? Parce que … Si par exemple aucun des fondateurs peut gérer l’asso, est-ce que vous verriez passer le flambeau à France Terre d’Asile ou à quelqu’un qui …

- Ah non non pas FTA, à des étudiants qui ont la même énergie que nous au début, qu’on le même temps surtout à consacrer que nous au début. On est interrompu par la serveuse qui prend notre commande. Julie prend un diabolo grenadine, Grégoire un demi pêche et Julien un coca. Il reprend immédiatement lorsque la serveuse est partie.

- Euh ouais ouais totalement. Moi je recherche un peu des gens … euh ça veut dire ne plus être la personne qui gère ça de manière quotidienne,mais être celui qui va développer des partenariats etc .. Parce que clairement l’année prochaine je n’aurai pas le temps, je pense partir. Ah tu te verrais plus donner le projet à quelqu’un d’autre et toi être toujours là mais aider quand t’as le temps quoi ?

- Pas .. voilà enfin non, pas pas pas ponctuellement mais c’est juste que… là aujourd’hui je reçois tous les appels, c’est moi qui organise tous les cours. Je reçois les appels et je les répartis, enfin j’organise quoi. c’est le coeur du truc quoi. Le truc c’est que ça demande vraiment des disponibilités tous les jours et moi je ne serai plus disponible l’année prochaine par exemple pour ça. Je serai disponible pour autre choses, par exemple développer des partenariats, ce qu’on a commencé à faire déjà avec d’autres associations euh je pense à F for French, je ne sais pas si vous connaissez, ou SINGA etc.. Et ça sera beaucoup plus adapté à la façon … enfin au montant. Et c’est vrai que le principe comme je te l’ai dit toute à l’heure c’est vraiment faire comme on peut .. faire avec le temps qu’on a et faire … avec les engagements qu’on a à côté quoi. Je déroge pas à ça. Si l’année prochaine je dois partir en stage ou ce genre de choses, bah je partirai en stage et je gèrerai ça autrement. C’est vraiment peut être la différence qu’on a avec Mohammed, c’est vraiment ce côté là .. euh .. on est tous étudiant, on ne sait pas ce qu’on fera dans 3 mois, on ne sait pas ce qu’on fera dans 6 mois et il faut s’adapter à ça c’est important. Sinon bah on est déprimé quoi. (On sourit) On est déprimé parce que ça avance pas assez vite, parce qu’on est obligé d’abandonner nos projets, .. non pas forcément, il y a d’autres solutions ! C’est vous qui donnez le matériel aux élèves? On a vu pendant le cours qu’ils se servaient dans des cartons…

- Oui! En grande partie oui! Après il y a eu des fois où ils nous donnent des cahiers, enfin le centre nous donne des cahiers etc… Vous avez fait comment ? C’est vous qui avez financé ça ?

- Alors y a une part des financements .. euh d’autofinancement et y a aussi, on a fait une collecte une fois .. à .. y a un an, non, ouais un peu plus , un peu moins d’un an, à Fontenay, sur la place de.. place de la gare.

45


Et à Jean Monnet aussi non ?

- Et à Jean Monnet aussi oui c’est vrai! C’est vrai, c’est vrai! Oui ça avait beaucoup moins marché. (il sourit) Et ouais non, du coup on avait reçu pleins de cahiers, et on en a encore en stock donc … on fera ça peut être 2 fois par an. Finalement une fois qu’ils ont leurs cahiers, ils viennent avec et ça ça devrait leur suffire quoi. On aimerait se focaliser sur les bénévoles maintenant. Combien vous êtes, le lien que vous avez etc…?

- Alors, combien… en ce moment ou combien sur toute la durée de l’asso ? Bah les deux.

- Du coup même principe, y a beaucoup de profs qu’on a eu et qui sont partis etc et c’est génial! Du coup il y a pleins de gens qui sont venus participer au projet. Euh .. j’avais compté, on était à plus de 30 en tout. En tout sur l’année qu’on a écoulé. Euh .. là actuellement (Il réfléchit et lève les yeux au ciel, à demis clos) … on est à 5 profs. Une qui vient le lundi, 4 profs qui viennent le vendredi, qui alternent. Quelle relation on a ? Euh avec Emmanuelle on est totalement pas en lien, enfin … on s'envoie des messages pour se dire comment ça s’est passé mais … on est .. on n’est pas, on est vraiment très éloigné. Elle elle fait son cours, elle a déjà été prof avant donc euh .. voilà, elle transmet son message à , via le cahier mais sinon elle donne ses cours. Et concernant les autres profs, c’est des amis donc je les vois très souvent. On discute, on discute des manières d’améliorer les cours, euh .. qu’est ce qui va, qu’est ce qui va pas, tels ou tels élèves etc .. Donc on est très en lien et .. ouais enfin moi j’essaie d’être au plus près de ce qu’ils attendent aussi quoi. C’est à dire que quand ils me font une remarque “là on a été trop prof, là on a pas été assez nombreux” Bah je fais vraiment vraiment gaffe à ce que … à améliorer ça et je fais aussi très gaffe aux relations qu’ils ont avec les élèves. C’est à dire?

- Bah c’est à dire que par exemple, euh … des fois il y a des comportements quoi. Y a des comportements et des attitudes aussi bien chez les profs que chez les élèves où tu sais si ça va être compatible ou pas. Je sais pas si vous avez vu … si vous avez pu voir mais y a des .. je sais pas comment dire, y a des façons de faire chez les élèves parfois qui sont … que certains profs ne supporteraient pas quoi. C’est ça que j’essaie de … de suivre. Du coup tous tes amis avec qui tu bosses font quoi comme études ?

- Oula (Il rigole). Très divers, euh .. écoles de commerces, fac de droit, fac d’éco, fac de langue, science po … Très divers. Pour eux c’est leur première asso ou ils ont déjà fait des trucs avant ?

- Euh … alors c’est tous des gens sensibles à la cause sociale. Donc euh …(Il réfléchit et regarde dans le vide) c’est pas leur première asso généralement. Ils sont déjà intervenu auprès des réfugiés ou bien sont déjà dans une association sociale ou sont déjà partis en humanitaire etc … Généralement c’est le profil quoi. La serveuse nous dépose nos verres. Et toi tu expliques cette sensibilité par quoi?

- Euh … bah je pense que ouais je pense qu’il faut être sensible à l’homme, un peu à l’humain euh pour avoir envie d’aider des réfugiés quand même. Je pense que clairement même si il y en a en écoles de

46


commerce, le profil c’est plus science po, c’est plus sciences humaines etc .. qui vont être intéressés parce que voilà .. ils ont vécu dans un écosystème qui les faisais s'intéresser aux autres. Et je pense que ça peut s’expliquer par un grand nombre de chose, par exemple des rencontres, des voyages, … euh je sais pas moi un peu de tout quoi. C’est la vie, les parents etc .. y a beaucoup l’influence des parents etc .. Toi il y a eu une influence de tes parents un peu ? Bah moi j’te disais pas vraiment, c’est plus mes amis qui m’ont influencé, Raphaëlle avec qui on est plus dans le social, voilà, ou Louise, je sais pas si tu connais? (en regardant Julie). Euuuh moi c’est mes potes clairement. Mes parents étaient pas trop dedans. Mais Raphaëlle c’est clairement ses parents, son père, je sais pas si tu connais (toujours en regardant Julie) qui est attaché au social. Ca facilite un peu les choses. Et puis j’pense que quand t’es dedans, clairement t’y restes. Quand t’es un peu dans le social, j’te dis, j’compte rester la dedans… Enfin, j’pense concilier ma vie professionnelle.. euuh.. j’compte faire ça mes week-ends, j’ferais toujours ça dès que j’aurais du temps. C’est super stimulant et super intéressant aussi. T’as des vraies problématiques humaines… Est-ce que tu t’attaches ? Peut-être trop ? Ou tu te mets une barrière ?

- Aux demandeurs d’asile ? Oui tu t’attaches c’est sûr, j’te disais, y’a 2 personnes, c’est mes potes tu vois. Euuh (cherchant ses mots) après voilà, faut pas oublier qu’il y a plein de choses à côté, et puis j’ai des liens plus forts avec certains qu’avec d’autres, c’est sûr. Et tu te sens pas trop… Est-ce que parfois t’as l’impressions que tu pourrais faire plus mais que t’y arrives pas forcément ?

- Complètement, complètement, ça revient à ce qu’on disait tout à l’heure, sur la vision de voir les choses, clairement j’aimerais bien prendre 6 mois, travailler que dessus, ça avancerait beaucoup plus vite. Y’a 10 000 choses qui fonctionnent pas. Evidemment. Sauf que y’a aussi, enfin c’est ma logique, j’te disais tout à l’heure, t’apprends vraiment beaucoup aussi quand tu bosses en entreprise. Du coup moi j’travaille pas très bien en asso, etc… Et donc t’as fait beaucoup de stages ? Des trucs comme ça ?

- Ouais j’ai fait euh… j’ai travaillé chez Unicef (souriant), du coup grosse asso, euh qui est devenu carrément presque une entreprise hein. J’ai travaillé pour tout ce qui était euh financement participatif, found raising (en faisant un petit accent anglais). Et c’est vrai que du coup, ils se sont inspirées d’un modèle beaucoup plus entreprise et ça fonctionne pas si mal pour eux finalement. Ils arrivent à faire plein d’actions dans le monde entier, etc… Donc moi j’suis assez proche de ça, et pas très proche du social (cherchant bien ses mots) un peu mou ou on fait que ça et j’espère que ça va rester entre nous, mais c’est vrai que quand j’vois le centre et la façon dont eux travaillent alors que c’est leurs métiers, j’me dis que quand on fait ça de sa vie ça devient vraiment un boulot et t’es moins dans le… la performance, et c’est vrai que c’est ça qu’est important. Et là du coup j’rejoins assez bien ce que dit Mohammed. Et les bénévoles, tu les trouves comment?

- Bah, par les réseaux sociaux, essentiellement. (Il nous pose alors une question). Vous êtes allés voir sur la page FB ? Oui y’avait un tableau pour s’inscrire, pour marquer nos dispos…

47


- Bah tu vois, ça a pas vraiment marcher, les gens s’inscrivent pas, ils m’demandent directement et c’est moi qui les inscrit. Donc moi ça avait aucun intérêt que j’laisse… enfin que j’le remplisse sur internet. J’avais aussi des fichiers excel chez moi, ça n’a pas marché. Euuuuuuuh… Généralement comment ça se passe… c’est soit un pote de pote qui m’appelle bla-bla-bla (mimant un appel d’un pote de pote) “comment ça se passe” “bah tu peux venir quand tu veux, tu m’dis t’es dispos quand, y’a pas d’engagement”... Est-ce que c’est difficile de donner des cours, bah c’est sur que c’est difficile… Le premier… ?

- Bah c’est sûr que c’est difficile mais c’est mieux que rien et ils sont super contents d’avoir des profs (parlant des élèves de l’asso) donc euh n’hésites pas et ça passe parfois souvent avec les étudiants alors qu’avec les personnes plus âgées, il s’agit d’appels parfois “ah mais j’ai jamais donné de cours, comment j’vais faire” (un ton quelque peu moqueur et agacé).. Oui c’est pour ça qu’on créait un manuel mais en même temps si vous attendez que le manuel sorte bah euuuh vous allez attendre longtemps… Mais venez vous serez vraiment très utiles, vous inquiétez pas, ça ira.. Donc euh voilà sinon c’est des gens qui voient les postes sur la page, moi aussi j’met des poste régulièrement sur la page. Et ça suffit en fait.. Pour Villanon… Et Mohammed quand on l’a interviewé, il a parlé un peu que les bénévoles ils pouvaient un peu avoir tendance à avoir un complexe de sauveur, est-ce tu l’as ?

- Euuuh un complexe de sauveur ? C’est-à-dire ? (ne comprenant pas vraiment notre question) Comme si vouloir trop en faire, trop les aider, être trop dans l’humanitaire…

- Bah c’est exactement… (cherchant ses mots).. Moi c’est ce que j’essaye de pas avoir quoi.. C’est pour ça que j’suis pas du tout complexé par les réussites et les échecs qu’on a… Et c’est-à-dire que… Oui j’aimerai bien aider tout le monde et oui j’pense que tous ceux qui sont sensibles à cette cause, justement , euuuh.. ont envie de mieux faire, et soient un peu complexés et se dire “moi ma vie elle est super et eux regarde leurs vies, ça va être difficile, mais j’pense qu’il faut vite s’en dégager parce-que ça sert à rien, c’est pas productif et puis ça te fait du mal pour rien. Clairement.. enfin, c’est comme l’histoire du colibri, il va pas éteindre la forêt et le feu, mais n’empêche il participe et c’est bien, c’est bien de participer. Et j’pense qu’il faut voir les choses comme ça clairement. Donc oui il peut y avoir un complexe de sauveur qui peut avoir chez certains bénévoles, après euuuh j’pense qu’au bout d’un moment tu deviens plus réaliste et tu te dis bah j’suis la c’est déjà suffisant voilà. Et tant pis si j’peux pas faire plus. Et est-ce que y’a déjà des bénévoles des fois qui ont fait un cours et qui ont dit “c’est pas possible j’pourrais pas en faire un autre”?

- Jamais (répondant directement) Jamais ?

- Non non, jamais, généralement ils veulent venir 1 fois, et finalement ils restent 10 cours… Et c’est trop bien. Vous avez des profs qui sont partis et revenus après?

- Bien sûr, bien sûr… ça tourne.. la 2 fois, et après ils reviennent 3 mois après… C’est que ça quasiment. D'où la grande difficulté du suivi. Et c’est un gros problème. Si vous voulez les gros problèmes c’est le contenu, comment on a un contenu adapté à notre cours , y’en a pas ça existe pas… On est pas des professionnels de la langue, grosse difficulté…

48


Et est-ce que ceux qui s’en sortent le mieux vous leur donnez… je sais pas… de la… littérature à lire…? enfin c’est hyper concret, ils apprennent vraiment à s’en sortir ou est-ce que vous poussez le truc un peu plus loin pour qu’il accède à de la littérature française?

- L’intégration c’est un peu tout, à la fois, apprendre à se diriger dans le métro mais aussi savoir repérer les codes culturels français… C’est pas voilà, c’est pas du nationalisme que de dire que c’est important qu’ils sachent nos codes et nos valeurs… J’pense notamment à certaines choses qui peuvent être très dérangeantes en entretien… Typiquement les retards… Le rapport à la présentation, c’est important qu’ils sachent ça, ça passe par la littérature, ça peut passer par plein d’autres moyens que (cherchant ses mots) que juste l’apprentissage classique en classe. Donc moi je leur donne des livres. (avec entrain commence une nouvelle phrase pour nous parler de l’un des événements qu’ils ont mit en place pour l’association). Donc on a fait une grosse collecte de livre, on a eu 300 bouquins euh et avec les bouquins qu’on conservait pas, on les a revendus et on a acheté plein d’éditions du Petit Prince, qu’est un livre super, facile à lire, super intéressant. Donc la, on en a acheté plein et on les a distribué et on va multiplier ce genre d’opérations à l’avenir, du moins on espère. Et ça c’est pareil, c’est un autre projet, on rentre dans un autre projet, il faut le monter, il faudra plus de bénévoles etc… Et est-ce que vous voulez vous développer et faire pas que des cours ?

- Alors au début on avait plein d’idées, plein plein d’idées vraiment… On voulait faire du théâtre… On voulait faire euhh des activités, du sport etc… Sauf que tu comprends que la réussite elle vient des petites choses, c’est-à-dire que si t’arrives à faire bien des petites choses, ce sera toujours mieux que des belles paroles très profondes et très ambitieuses. T’entends quoi par des petites choses?

- Des petits pas, vraiment, d’avancer progressivement, donc les cours de français voilà c’est notre objectif, on a pas les ambitions, on veut pas devenir Unicef (pour remettre les pieds sur terre). Ah pour l’instant, on fait notre cours de français, on le développe, faire ça bien. Et euh petit à petit, dans un centre (de FTA), puis dans 2, 3 et voir si dans ces centres là on peut pas développer une deuxième activité… En faite on voulait faire un club de lecture… Et aussi participer à des ateliers, pour qu’on discute de tel ou tel personnage, de sa philosophie de vie, etc… Et j’pense que c’est vraiment intéressant mais c’est un autre projet… Julie ajoute dans la conversation “cela arrivera plus tard” (cela permet à l’interviewé de rebondir)

- J’pense que déjà si on a 3 centres, et qu’on arrive à maintenir nos cours de français, on pourra aboutir à d’autres projets. Clairement ce sera l’idée. Et donc vos objectifs premiers c’est genre de vous stabiliser et vous renforcer dans d’autres centres ?

- On est quand même dans le développement, attention, on est pas dans la mollesse… On veut réussir notre premier objectif, de suivi c’est ça. Et du coup pour parler des élèves, euh toi t’as eu des liens avec eux et la ce que tu as à Villanon ? Enfin ceux à qui tu apprends le français la, est-ce certains tu les vois régulièrement, qui sont la depuis le début ? Ou si tu vois une évolution avec eux, de comment ça se passe… etc… ?

- J’ai toujours du mal avec les prénoms… Euh mais y’en a plein qui sont la depuis très longtemps, euuh depuis qu’on a commencé en mai dernier à Villanon, même avant en avril pardon et y’en a qui sont la depuis les premiers jours…

49


Et tu vois le changement ?

- Alors pour certains oui, et d’autres c’est plus compliqué, plus difficile.. Y’en a vraiment qui parte de zéro, y’en a qui savent pas écrire dans leur propre langue donc euhhh bon.. Y’en a qui sont déjà content maintenant. Et c’est ça notre travail, de persévérer, et si eux au moins ils ont l’impression qu’ils progressent, et bah c’est le principal, parce-que ça fait parti de leur intégration, de la reprise de confiance en sois, donc c’est complètement dans nos objectifs. Et objectivement y’en a certains je sais pas si, ils arriveront à apprendre le français un jour parce-qu’un élève (prenant un exemple) c’était dur. T’arrive le vendredi pour faire le cours, tu sais que tu vas faire 2 heures, et quasiment pour rien, je parle de contenu bien sur.. Et c’est….

Et est-ce que t’as des élèves qui, tu viens de le dire qui ont vraiment du mal déjà même dans leur propre langue, et est-ce que t’as des cas complètement opposé qui sont diplômés de la ou ils viennent et qui ont des diplômes de fou?

- Alors des diplômes, je connais pas les écoles la-bas, mais je pense à mon ami de Mauritanie, et le gars, il était journaliste, euh genre vraiment un gros capital culturel, une très bonne capacité d’intégration, il comprend vite les codes, super intelligent et super résilient. Mais euhh… après au niveau des diplômes je sais pas.. Y’a de tout… Et est-ce que tu t’es rendu compte que plus on est, plus ils sont jeunes plus ils ont la capacité à apprendre vite ou pas ? L’âge joue beaucoup ?

- Ah oui carrément, on avait une famille d’Afghans,enfin une mère et ses 4 filles dont une fille de 6ans qui venaient à Villanon, c’était intéressant parce-qu’on avait jamais eu d’enfants.. et euh la petite fille avait 6ans et au bout de mois elle parlait quasiment français. Elle parlait quasiment français, elle expliquait à ses grandes soeurs comment ça marche “je m’appelle, tu t’appelles, il s’appelle” euh. Elle est allée à l’école ?

- Elle était inscrite à l’école et avait commencé le CP à la rentrée je crois. Et avec nous depuis août. Donc c’était grâce à vous qu’elle avait commencé à apprendre le français et pas l’école, c’était grâce à vous ?

- Euhh c’était grâce au fait qu’elle était la depuis 2 mois. Elle était hyper perméable à la langue française et que voilà du coup. Elle lisait partout. Elle s’était complètement intégrée dans le milieu dans lequel elle était. Et c’était incroyable. Et vos demandeurs d’asiles, quand ils sont pas à vos cours, qu’est-ce qu’ils font? Ils peuvent travailler ou pas ?

- Alors t’as différents types de profils, ils peuvent pas travailler en tout cas légalement. Euhh t’as plusieurs types, t’as ceux qui vont vouloir tout faire, ils vont être dans 40 assos et qui vont.. bah mon 2ème ami mauritanien, c’est incroyable, le mec il a 28 ans il veut être producteur de musique, et donc il a prit des cours de guitare et en même temps il apprend le portugais, enfin pour le coup, lui je l’ai rencontré dans le 18ème et comme j’vous disais tout à l’heure y’a énormément d’activités donc c’est super. Ils sont tout le temps en sortie, ils font des sorties en Normandie, enfin des sorties musées aussi, des sorties foot etc… C’est vraiment super dans des conditions comme ça… Après y’en a qui sont un peu moins.. qui sont plus timide, un peu moins ouvert sur l’extérieur et euh y’en a qui sortent pas du tout en dehors des cours.. Et déjà qu’ils viennent aux cours on est content parce que, ils sont… je

50


saurais pas expliquer, peut-être ils sont effrayé de l’extérieur ou peut-être que y’a ce côté “j’arrive pas à m’intégrer, faut que j’apprenne le français avant de faire des activités”... Et pour eux la France c’est un passage ou c’est vraiment, ils veulent s’y installer ?

- Alors pour la plupart ils veulent s’installer en France, en tout cas, ceux qui formulent leurs demandes d’asiles c’est pour rester en France. Euh c’était beaucoup moins le cas quand on était, quand moi j’intervenais dans le lycée Jean Carré, t’avaient des gens qui voilà, qui étaient en transit, qui venaient là quelques jours et c’était vraiment intéressant et puis qui partaient à Calais. C’était la guerre un peu de celui, qui sera le plus malin, ils se faisaient un peu concurrence la dedans. “Nan la je sens que ça va barder faut qu’on aille en Belgique”, euh “nan l’Angleterre c’est plus le bon plan, faut qu’on aille dans le sud, avant de se faire expulser du lycée”... Donc y’avait ce côté aussi mais dans les centres… Et est-ce que tu connais leurs vies ou non ? Mohammed nous a dit qu’il osait pas leur demander ce qu’ils avaient vécu avant… ?

- Moi j’ose leur demander, enfin ceux avec qui je m’entend bien ou ceux avec qui ça peut ne pas les déranger.. du moins.. Généralement je leur demande, enfin parfois en plein cours on arrête de parler français et on parle un peu anglais et on se raconte nos vies, parce-que c’est important qu’ils puissent s’exprimer. Après je leur demande pas dans les détails, les choses les plus atroces qu’ils aient vécu. Y’en a qui sont venu en avion en France hein.. Y’a vraiment euuuuuh… Comme mon pote le mauritanien, Ali, il est venu en avion, il a eu un visa, et puis il est rester. Donc y’a tous types de profils et j’pense que c’est intéressant de leur demander leurs avis parce-qu’après tout on établit une relation de confiance donc euh c’est aussi important de pouvoir échanger aussi sur ces sujets la. T’as pas, enfin France Terre d’Asile n’a pas, vous donne pas un espèce de dossier avec tout ce qu’il y a sur les demandeurs ?

- Bah à priori si, ils ont beaucoup plus d’informations que nous.. bah moi j’ai une fiche, je sais pas si vous les avez vu, j’ai de très belles fiches qui sont faites (souriant pour faire part de son bon travail) euuuh avec, en gros c’est un peu le passeport des élèves, dans un gros classeur vert… Et y’a des choses classiques, identitaires, ce qui est vraiment utiles, on leur demande pas des choses très personnelles non plus mais dans quelle langue il parle, quel est leur objectif final? Est-ce qu’ils veulent rester en France? Est-ce qu’ils parlent l’anglais? est-ce qu’ils écrivent l’anglais? Toutes les informations comme ça… Un peu indispensable quoi… Donc on a quand même un peu d’informations sur qui ils sont. Comme leurs âges, leurs métiers… Quelqu’un qui aura été agriculteurs en Afrique c’est pas du tout la même chose que quelqu’un qui a été ingénieur au Népal ou autre chose… Certains vous impressionne au niveau de leur métier ?

- Qui nous impressionne euuuh oui, enfin tout type de métiers, c’est intéressant… de voir ce qu’il font… De comprendre leurs histoires… Et puis qu’ils puissent s’exprimer, enfin exprimer leurs histoires c’est finalement indispensable, parce-que c’est ce qu’ils auront à faire quand ils vont passer des entretiens… C’est qu’ils sachent au moins dire d’ou ils viennent, dire ce qu’ils ont fait, et leurs difficultés. Mais dès fois ça peut paraître brutale, genre dès fois “Vous venez d’ou vous avez fait quoi avant?” … Je parle du passé, et j’pense que c’est important et si c’est comme le lycée, ils le font mais peut-être tout à fait de manière moins sympathique ou je ne sais quoi.. Donc voilà.. Et majoritairement, ils viennent d’où ? D’Afrique? Du Proche Orient ? D’Inde ?

51


- Beaucoup de mauritaniens, beaucoup d’erythréens, des soudanais, un égyptien, népalais, afghans, pakistanais, bangladais… Euh on a quoi d’autres? On a un biélorusse, il s’est perdu (Nous esquissons des sourires)... On a, quoi d’autres, tunisiens, marocains… Euhh… C’est très diversifié…

- On a pas d’Amérique…. Pas du tout d’Amérique… Ouais généralement beaucoup de soudanais et de mauritaniens… Et euh souvent c’est quand que vous avez le plus de demandes pour euh, enfin que vous avez le plus d’élèves ? Si c’est l’été, ou tout au long de l’année c’est toujours la même…

- Oui c’est sur le temps disponible, donc euh j’dirais que la on a moins de profs en tout cas… C’est la que c’est problématique pour nous.. Aussi en été. Vous dispensez des cours l’été?

- Ouais, c’est l’objectif, assez ambitieux parce-que quand même, les gens ils ont pas envie de se bloquer l’été enfin.. Mais bon, on l’a fait, l’été dernier on l’a fait, ça avait marché… C’est vrai que ça accentue un peu la com, avant l’été, avant les vacances… Mais ça fonctionne.. Et sinon (Nous n’arrivons pas à bien cerner la dernière partie de sa phrase…) Et est-ce que les élèves entre-eux sont, ils ont des liens ou est-ce que c’est vraiment “ils s’assoient et ils se parlent pas”?

- Euuuuuh, ils sont… Bonne question… Ils ont des liens, certains… Souvent c’est par communautés, par pays. Y’en a, ouais, qui sont en contact… D’autres s’ignorent, enfin bon comme nous, s’ils se connaissent après ils peuvent discuter, c’est sympa… Et ils habitent…? Mohammed nous a dit qu’ils habitaient loin parfois de Villanon?

- Oui, en fait, les centres, ils les dispersent entre guillemets.. Excusez moi l’expression dans des villes limitrophes, avoisinant, le centre, jusqu’à Chatenay, Evry parfois.. Jusqu’à Malakoff. ça facilite pas forcément le déplacement jusqu’à chez, jusqu’au centre. Et même, pour se retrouver c’est pas vraiment simple.. Euh après, je sais pas trop d’ou ils viennent.. je sais pas trop ou ils habitent.. Et est-ce que y’en a à qui tu as donné des cours et qui ont arrêté un jour et qui sont revenus comme ça quelques mois après ?

- Euh, oui y’en a, ils arrêtent parce-qu’ils ont d’autres choses la journée, et qui reviennent.. Ce qui est intéressant, c’est qu’on avait commencé à donner des cours le week-end, dans les cafés à Paris, et on avait un petit QG, qui s’appelait Polimago à Paris, on donnait des cours. Pareil c’était compliqué, parceque.. Il faut des sous pour donner des cours dans un café, faut payer les consos, faut un espace, ça avait pas forcément fonctionné… Mais c’est, l’un de nos projet, dans les prochains mois, de donner des cours le week-end. Et pas dans les locaux de France Terre d’Asile par contre ?

- Non, non, non, ça peut-être dans des cafés, des espaces collaboratifs… Et les municipalités, elles peuvent pas vous mettre à disposition des salles ?

- Bah… C’est surtout, les municipalités, c’est très politique, donc euhh… Sauf si y’a des réfugiés ou des migrants dans leurs arrondissements ou dans leurs villes. C’est quand même difficile pour elles d’accepter que y’est provisoirement des réfugiés dans… Donc ils sont pas souvent favorable. En

52


revanche, les maisons d’asso, y’en a partout, ou y’a des espaces, ou on peut aller. Le problème c’est que c’est difficile d’avoir des salles régulièrement… Et surtout, faut s’y prendre longtemps à l’avance.. Plutôt ponctuel. Donc ouais on a pas trop trouvé pour l’instant. Et t’as pas pensé à faire ça dans ton école ?

- Bah dans mon école je suis déjà investi dans l’asso des réfugiés, et ils donnent des cours, enfin c’est beaucoup moins que ce que nous on fait. Mais on donne déjà des cours dans les locaux de l’ESSEC pour les réfugiés. Et la c’est plus des réfugiés Cergy-Pontoise. Mais oui dans les écoles on y pense, y’a beaucoup de cours donné à l’ENS, à Science Po, des cours qui ont été donné à HEC, à l’ESCP, donc oui forcément, on y pense. Et moi j’suis vraiment en train de créer un partenariat en lien avec aussi le fait de vouloir transmettre le projet l’année prochaine, de vouloir faire un lien fort avec l’ESSEC. J’pense que ça se fera de ce côté la, la transmission. Et pourquoi l’année prochaine, si c’est pas indiscret, tu peux plus t’en occuper?

- Parce que je pars en stage à l'étranger, donc euh je serais absent 6 mois, donc euh… Tu superviseras de loin quand même ? Ou non vraiment?

- Honnêtement ça va être difficile, trouver un relai, c’est possible, c’est faisable, mais euh, l’asso il faut l’inclure à l’éco-système de l’ESSEC sinon ça marchera pas. Et les ptits jeunes de 20 ans, qui rentrent de prépa, ils ont envie de quelque chose qui soit interne à l’ESSEC. Donc c’est là ou ça va être intéressant. Si on arrive à créer ce lien, avec l’asso et l’ESSEC. Si ça marche.. Et du coup ça reste quand même ouvert aux étudiants qui sont pas à l’ESSEC?

- C’est aussi une des questions importantes, faut que ce soit une asso de l’ESSEC, une asso enfin comment dire, intégrer à l’ESSEC, mais qu’elle puisse vivre avec et dedans, et elle prendra beaucoup d’ampleur si elle est dans l’ESSEC, mais il faut aussi qu’on garde ce côté euh, ouvert sur l’extérieur. Ouvert sur les étudiants. Parce que tes amis qui bossent avec toi sur l’asso, ils pourront plus, enfin ils seront bloqués si elle appartient à l’ESSEC?

- Alors euh, bah jusqu’à présent mes amis.. Enfin tu veux dire les 4 fondateurs ? Ouais.

- Bah, y’en a qui gère ça de New-York, pour Lucas, pour l’instant il est très pris, mais euh rien ne changera à priori à ce niveau la. Attention ce sera pas une asso de l’ESSEC, ce sera une asso en lien avec l’ESSEC. D’accord

- Elle sera intégrée un peu comme la junior, je sais pas si tu connais la junior dans les écoles... ? Elles ont un pied dehors, un pied dedans. C’est… C’est une sorte de tremplin de l’associé à l’école?

- Oui tout à fait… Et moi j’avais une dernière question… Pourquoi tu as choisi plutôt de fonder une asso que dans intégrer une ? Enfin dans rejoindre une ?

53


- En fait, avant, avant de créer une asso, j’avais essayé de travailler avec Réfugiés Bienvenu, euh, avec les banques alimentaires, en fait le modèle des asso aujourd’hui, il me plait pas trop, c’est-à-dire qu’à Réfugiés Bienvenus, ils ont une manière de travailler… Et sinon les grosses assos, soit tu rentres par la petite porte, et en gros on te respecte pas, parce-qu’on te dit “bon tu viens 3 heures la, tu vas tracter, 3 heures encore la, tu vas euh, j’sais pas aller chercher de la bouffe”, pour les banques alimentaires c’était ça, j’allais chercher de la bouffe au marché de Rungis, vraiment aucune autonomie, aucune liberté, etc… Tu dois passer un entretien, c’est n’importe quoi, enfin c’est le système de banques alimentaires, et donc voilà ça m’avait pas plu, donc je trouvais que leur travail c’était enfin.. Je sais pas si vous avez travaillé dans des asso ? Pas forcément étudiante… Et toi tu fais pas passer d’entretien à tes bénévoles?

- Pour quoi faire? Ce qui comptent c’est la motivation. Ce qui compte c’est… enfin pas d’entretien formel, est-ce que tu corresponds au truc.. Est-ce que tu vas pas faire une crise de panique devant un élève ? Oui tu le sens au téléphone, ça dure 5 minutes… Moi je me souviens ils m’avaient fait remplir un questionnaire… C’est ça qui m’avait énervé. Et tu penses pas, que vu que c’est des grosses assos, des grosses structures, vu qu’ils sont tellement gros, c’est normal qu’elles passent par des questionnaires hyper sérieux, hyper on peut le dire chiant, c’est pas une garantie pour eux ? Pour pas tomber sur des gens qui sont un peu bizarres….

- Ouais peut-être, en attendant ils ont zéro étudiants, ils passent à côté de, 6 millions de personnes, qui j’sais pas serai intéressé pour donner de leur temps, c’est énorme, c’est énorme… Et ils passent à côté de tout ça parce-que ils arrivent pas, ils ont aucune intelligence, ils peuvent pas 2 secondes, se mettre à la place d’un étudiant, qui de fait n’a pas beaucoup de temps à consacrer. De fait à besoin d’un écosystème attrayant. Je suis désolé c’est beaucoup plus, quand tu travailles avec des gens, qui sont mous, qui font ça voilà parce qu’ils s’ennuient.. C’est vraiment… Oui peut-être effectivement qu’on devrait peut-être plus formaliser les choses, en attendant.. Bah on a un flux quotidien de gens qui veulent aider. Premier objectif, la motivation. Donc cette asso sera toujours eux.. T’y seras toujours après tes études et pendant ta vie professionnelle?

- Ah j’ai pas dit ça, en parallèle. C’est juste que enfin je sais pas si… Tu l’as lancé, tu veux qu’elle s’autonomise toute seule ? Sans toi mais que tu puisses quand même, enfin que t’es toujours un lien ?

- Moi je fais pas ça pour moi, enfin honnêtement… Pour les autres avant tout?

- Oui enfin il faut le faire pour les autres. Donc, j’mets vraiment mon égo de côté. Si j’dois m’en séparer, ce sera prit par quelqu’un de bien. Et y’aura aucun problème, aucun soucis. On a des profs qui s’en mêlent. Et tu y vas régulièrement d’ailleurs donner des cours ?

- Eu ouais j’y vais régulièrement, ça dépend, certaines périodes, j’ai fait 6 mois de cours avant le mois de décembre. Et là j’ai plus trop de temps… Et minimum 1 fois par semaine ? Ou non quand même pas ?

54


- Quand je donnais des cours tu veux dire ? Ouais 1 fois par semaine. J’y allais le vendredi. Mais pareil j’ai des engagements ailleurs. Oui c’est difficile… Pour clôturer, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour ton asso ?

- Qu’est-ce qu’on peut me souhaiter? D’avoir des profs, c’est vrai. Non je dirais d’avoir ce côté plus, euh, comment dire, de garder cette énergie du début même si c’est pas facile. C’est surtout ça. Cette vision du début, et j’dirais surtout d’un point de vue d’état d’esprit. Ne pas trop se prendre au sérieux. Faire les choses proprement. Et garder ça. Ne pas l’instrumentaliser. Donc c’est ça. Si je réponds à ta question. Et bah c’est bon on a tout ce qu’il fallait. Merci…

- Merci à vous…

55


Analyse de l’entretien avec Julien L'entretien a été produit par Julie Ragot et Grégoire Le Clech. La personne interviewé sera nommé Julien (anonymisation). Il est l'un des fondateurs de l'association FRIENDS qui a été notre objet d'étude. L'entretien que nous avons réalisé avec lui, nous a permit de délimiter notre sujet et de clairement nous recentrer sur une problématique et un sujet plus concret, précis. En effet, c'est de fait à travers l'entretien en lui même que nous avons décidé de pousser notre analyse sur le sujet des bénévoles mais également à travers la comparaison des deux entretiens réalisés. Pour nous rapprocher de cet entretien et comprendre ses enjeux, il faut analyser l'entretien numéro 2 avec Julien. Cet entretien a duré un peu plus d'une heure, il a eu lieu dans un café à Denfert-Rochereau, à Paris, le samedi 11 mars après-midi. Nous n'avions pas une liste de questions pré-établi, car nous voulions pouvoir laisser Julien parler, et nous voulions rebondir sur sa réflexion de l'association et son avis personnel. Cependant, la préparation de l'entretien avait été de soulever et exprimer les grands axes, les trajectoires , à l'écrit, à la manière d'un entretien semi-directif, que nous voulions aborder avec Julien comme le premier contact, la mise en place de l'association, ou encore les bénévoles, et les demandeurs d'asile. Le contact a été facilité, car Julien connaissait Julie, ce qui a permit à ce dernier d'être à l'aise pendant l'entretien. En effet, Julien n'a pas été réservé durant l'entretien, répondant à nos questions simplement, avec ses convictions. Nous avons pu constater qu'il bougeait durant sa prise de parole, et qu'il utilisait ses mains, son corps, pour renforcer sa pensée. Un langage corporel en lien avec son avis personnel sur les questions que nous lui posions. Par ailleurs, du fait qu'il est en école de commerce, sa vision managériale de l'association, et des bénévoles, nous a intrigué. Au fur et à mesure des questionsréponses, il a démontré que d'une part, il avait crée cette association à la suite de tous les événements sur les réfugiés, mais également après sa rentré en école de commerce, ou la création d'association est un élément facilité et bien vu. Durant l'entretien il a montré que même les jeunes peuvent agir, à leurs échelles, et que c'était déjà beaucoup, en mettant cela en parallèle avec le syndrome du colibri, un élément fondamental de notre objet d'étude. Il a été également question de la stabilité et du bénévolat. Julien avait comme l'un de ses objectifs principaux de faire en sorte que l'association puisse être stable et qu'elle se développe de façon raisonné. Pour le bénévolat, nous avons pu constaté que c'est au travers de leurs propres réseaux que les membres de l'association recrutent essentiellement. Par ailleurs, sur le travail en tant que bénévole, Julien a montrer que cela devait être un travail rigoureux mais productif, quelque chose que les bénévoles voulaient faire d'eux-mêmes. Il a utilisé le terme de «mollesse» pour expliquer que lorsque le travail humanitaire devient réellement un travail salarié, cela peut réduire ou entacher la productivité d'un bénévole qui fait cela simplement pour aider. Les éléments qui sont ressortis de ce deuxième entretien sont donc, un management du bénévolat, l'utilisation de leurs propres réseaux, ainsi que des moyens de communications actuels, comme Facebook, pour créer une image à l'association, mais également, d'un point de vue plus personnel, une certaine satisfaction de la part de Julien d'être l'un des fondateurs de cette association, de son fonctionnement, et de ce qu'elle fait déjà en terme humanitaire pour les réfugiés et les demandeurs d'asile.

56


Bibliographie

• Dan Ferrand- Bechmann - Les bénévoles et leurs associations - Autres réalités, autre sociologie? - L’harmattan

• Dan Ferrand - Bechmann - Le métier de bénévole • Pierre Rabhi - La part du colibri, l’espèce humaine face à son devenir - L’aube Poche • Sandrine Nicourd - Le travail militant - PUR • Mary C. Lamia & Marilyn J. Krieger, Le syndrome du sauveur, se libérer de son besoin d’aider les autres, eyrolles

• Maud Simonnet, Le travail bénévole • Annie Collovald, L’humanitaire ou le management des dévouements , Res Publica

57


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.