Fanzine Hildegarde n°6 Décembre 2016

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Ether et Temps

Hildegarde

Mensuel Hildegarde - Décembre 2016 - Numéro 6


Sommaire Un drôle de goût de sorcellerie et de sciences occultes ce moisci ! Rions, et rions-nous du mal. Chers amis lecteurs, nous vous envoyons tous nos voeux de joie et de simplicité pour cette période consacrée aux retrouvailles, aux souhaits et aux prières. Voici la nôtre : Que tout vous soit propice !

Editorial Populie / page 3 Camille Escudero / page 4 Super Lunes / page 6 Calendrier lunaire / Page 9 Alice Popieul, La faute aux illuminatis / page 10 Jeremy Platey + Dee Dee Vingt, Le satanisme de masse et l'envoûtement occidental / page 17 Marina Zwetaïa, L'efficience du sacrifice / page 21 Jean-René Lefebvre, Nuits indiennes / page 26 César Langlade, La goutte de poix / page 30 Junio Bombo, L'avion / page 32 Charles Pennequin / page 34 Chroniques audio-vidéo / page 36 Jean Claude Bonnot, Les druides / page 39 Réédition flash / page 43 Contact / page 44

Gravures de couverture et 4ème de couverture : Thomas PERINO https://www.facebook.com/Thomas-Perino452412258110871/?fref=ts&__mref=message_bubbl Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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CAMILLE ESCUDERO « COUCOU !! CACHE !! --------- héhéhéhéhé--------------CACHE !!—COUCOU !!CACHE !!------------------------héhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhé--------COUCOU !! CACHEEEEEEEEE !!!!!!!!!!!! »

COUCOU !!

Qu’elle joue la langue qui se trame derrière , avec son embonpoint atone, derrière toi qu’est maigre. Une « chichette » qu’elle parvient encore à dire la langue. Te pousse au cul cette langue que tu t’échines à masquer derrière les nœuds de ton corps debout. La grosse langue pousse dans tes yeux qui s’injectent de noir. C’est de ce noir que tu éclabousses ses yeux. Elle te voit le tenir le noir et se dit qu’il faut le tenir aussi le noir à bout de rétine jeune, encore couleur jeune de caca jeune. Se dit que le noir est la couleur du debout . Le noir de tes yeux vient de la grosse langue obtsruée par les nœuds. C’est la langue grosse de derrière qui rend ta langue – celle de devant , celle qui entre ses lèvre forge une utroupie dans ses oreilles- blanche. Ta langue de devant déroule un tapis de velours blanc à des mots noirs ingérés par tes yeux noirs. Ta langue de devant a été révêtue de blanc . Les mots noirs défilent en ligne dessus. En voyant ta langue débarquer une nuit avec du sel plein les dents, une autre langue, une langue d’en face a dit : « houla ! houla ! houalalalaala ! Mais ta langue est trop grosse, ta langue est trop rose. Cache-moi ça vite. Faut capitonner tout ça. Tiens voilà du velours blanc à pas cher, avec des clous à grosse tête pour faire tenir ta langue. » T’as bien capitonné. C’est bien. Des gros clous émaillent les pourtours de ta langue. C’est bien. Bon ok, des rebus de la langue ancienne se tiennent debout, postés derrière, avec leurs mots brûlés. Des mots d’arrière garde te poussent au cul, derrière les nœuds de ton corps, derrière les clous de ta langue. Les rebus qui ne siègent plus nulle part ont grossi, roses, chantants, étouffés. Tes yeux noirs à jet d’encre ont indébilisé les yeux et la langue de la Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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petite qui se tient debout. En face. L’encre noire sèche les mots-clous pour une langue –velours-blanc.

Texte et dessins "kinesticules" : Camille Escudero

Autant le dire ici à tous. Tu pues de la gueule. Vraiment. Ça chlingue quand tu l’ouvres même pour lui dire une gentillesse. Ta langue de devant est devenue une pâte à crucifier les mots. Avec ses yeux noisettes noircies de ton jet d’encre pourrie, elle distingue encore ta langue de derrière rose et amorphe, une grasse dame mollusque qui articule sa peine avec son : « « COUCOU !! CACHE !! --------- héhéhéhéhé-------------- COUCOU !! CACHE !!—COUCOU !!CACHE !!------------------------héhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhé--------COUCOU !! CACHEEEEEEEEE !!!!!!!!!!!! »

http://camilleescudero.tumblr.com/ Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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Super-Lunes

Pascal Servera

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Marie-Hélène Gauthier

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e cal Pas Ma rre o ne m T

Michele Gastaldi

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Dominik Lange

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Pascal Servera

CALENDRIER LUNAIRE Activités à prévoir selon les dates favorables et défavorables de Décembre 2016 Jours où éviter de faire des choses trop importantes (prévoir du repos ou une activité méditative, rencontre en petit comité, ne pas jardiner, éviter les grosses réunions, rendez vous importants si fatigue) : 6, 12 et 19 Décembre Récolte des plantes médicinales : du 2 au 5, du 11 au 13 et du 29 au 31 (sur arbre) ; 19 eu 23 décembre (sommités et racines des plantes) Coupe des cheveux pour plus de vitalité, Meilleurs jours : 16, 17, 18, 22 et 26 décembre Jour pour la première coupe de cheveux d’un bébé : 18 décembre Coupe des ongles, meilleurs jours : du 19 au 23 décembre Epilation, meilleurs jours pour ralentir la pousse : 15 au 28 décembre Rendez vous chez le dentiste, arrachage dévitalisation de dent : du 2 au 5 ; du 10 au 12, 21, 22, 23, 30, 31 décembre

Plus de détails (quand jardiner, quand récolter, etc. dans le calendrier lunaire annuel de Michel Gros (calendrier lunaire diffusion) Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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IS T A N I M U L L I X

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Le simulacromonde en pièces détachées

Illuminati : New world order est un jeu de société créé (peut être) en 1982 par Steve Jackson1. Lorsqu'on découvre les images qui figurent sur les cartes à jouer, on atterrit dans la spirale d'un freak-show vraisemblablement très proche de l'état de la société occidentale actuelle, conduit par l'art inimitable de la mise en grand spectacle étatsunien. Toutes les figures du récit de la contemporanéité sont représentées, aucune pièce ne manque (peut-être) à la description du simulacromonde hystérique qui a colonisé tout l'imaginaire collectif et la pensée occidentale actuels. Le paquet de cartes est une sorte de galerie de portraits cryptomythologique des forces à l'oeuvre, où chaque micro subdivision de la subculture est un élément du Grand Jeu de dupe, dont les règles se fondent sur les clivages partisans. L'enfermement idéologique des pions inconscients d'être manipulés est le présupposé fondateur du jeu.

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http://www.sjgames.com/

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Chaque courant politique, chaque cause militante, chaque psychodrame en mondovision, chaque comédien politicien est potentiellement instrumentalisable au gré des rebondissements stratégiques de la partie2. Message prophétique pour les uns (entre autres étrangetés, une des cartes représente -peut être- une tour du World Trade Center subissant une attaque terroriste, des années avant le jour funeste : voir p.10) ; predictive programming3 pour les autres ; regard lucide, sardonique, horrifié ou facétieux posé sur les grosses ficelles du simulacromonde pour les derniers, ce jeu de maîtres Pokémon visant l'hybris ultime de tout bon gros méchant (prendre le contrôle du monde) continue de faire flipper toute une génération de conspis. Un rédacteur de Playboy devenu prophète Le jeu puise (peut être) son inspiration dans une trilogie de 1975, Illuminatus ! 4, écrit par un duo d'auteurs américains tout droit sortis du magazine Playboy. L'un des deux, Robert Anton Wilson, est connu pour sa maîtrise de l'art du mixage réalité/fiction dans ce qu'il appelle son operation mindfuck ("brouillage de pistes", ou "niquage de cerveau" si on veut). Disparu en 2007, laissant 35 livres et plus de 1500 articles, Wilson s'autoproclamait pape et conférait ce même titre à n'importe qui : "Je vous déclare tous infaillibles !", lance-t-il à son auditoire dans des conférences qu'on peut encore trouver, assez nombreuses, sur Youtube. Il développe une pensée de la réalité-tunnel, où chaque individu se trouve enfermé dans son propre filtre interprétatif du monde, incapable de prendre conscience que ses perceptions personnelles procèdent du système de croyances qu'il s'est construit ou s'est vu imposer... et qui le contraint à entrer irrémédiablement en collision avec toutes les autres grilles individuelles existantes de

Un peu dans l'esprit de l'excellent film Network de Sidney Lumet qui révélait les dessous d'une chaîne de télévision scénarisant les moindres rebondissements d'une guerre de la subversion retournée contre elle même. 3 La programmation prédictive se situerait entre prophétie auto-réalisatrice et conditionnement mental des foules, à usage propagandiste. Les films d'Hollywood ainsi que les grands récits médiatiques existeraient pour nous préparer psychologiquement à l'exécution d'un plan déjà ficelé par des organisations occultes. 4 "L'histoire du monde est l'histoire de la guerre entre sociétés secrètes." Cette citation d'Ishmael Reed (Mumbo-Jumbo) ouvre le premier Tome d'Illuminatus ! de R.A. Wilson et Robert Shea. 2

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l'exégèse du réel. Il fustige la logique dialectique du pour et du contre et proclame une erreur de manip' de la pensée occidentale depuis plus de 2000 ans... La faute à Aristote (peut être). Ces perpétuels conflits de point de vue perso 5 engendreraient la machine infernale à se taper dessus, que l'humanité subit et alimente depuis une éternité.

Devant ce constat, la solution de Wilson est plutôt inédite. Là où le Nouvel Ordre Mondial illuministe et humanistique tente d'imposer une réponse aux conflits qui se caractérise par un effort constant d'uniformisation de la pensée, prenant le chemin d'une culture unique internationale qui vise l'esprit de ruche ou l'organisation cybernétique de la société (forcément fondée sur la marchandise); la suggestion de Wilson prend corps dans une Maybe Logic (la logique du "peut-être") à contre-courant d'une utopie totalitarisante6. Elle affirme que nous ne pouvons rien exprimer d'autre que nos perceptions personnelles de l'univers, qui sont fatalement des "peut-être", des êtres potentiels : c'est à dire un possible parmi tous les autres possibles. Par ailleurs, pour Wilson, chaque "modèle" du monde décrit l'instrument d'observation plutôt que le monde lui-même : l'observation de la planète Mars nous en dit (peut être) plus long sur le télescope utilisé que sur Mars elle-même, Freud avait (peut être) un problème avec son père et sa mère qui nous a valu l'idée maîtresse de la psychanalyse, et notre perception du monde semble indétachable du système nerveux spécifique à travers lequel elle transite. C'est dans cette dernière concordance (outil de perceptionchoses perçues) qu'en érudit de l'ésotérisme Wilson voit la source du yoga (unification).

5 Comme le démontre la structure cybernétique des réseaux sociaux du web, tissée à base de like -goûts- ou de dislike -dégoûts- 6 Edgar Morin propose aussi une "gestion" du conflit par le jeu : en mettant en garde contre les utopies stérilisatrices (les inévitables divergences de vues se révélant indispensable pour la fertilité d'une société) nous nous prémunissons des violences. A cet effet Il cite le film Zardoz de Boorman, film très éloquent quant aux dangers d'une société mentalement aseptisée. cf Introduction à la pensée complexe, 1990 12 Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016


Une philosophie de l'hésitation Au final, c'est une sorte de relativisme optimiste7 que Wilson propose peut-être. Son exhortation au rejet des certitudes idéologiques (et leur opposé binarisé) est un préalable à la voie véritable, l'indispensable porte d'accès à l'Autre, par sa précieuse partie fragmentaire et personnelle du monde. D'après notre ami le mindfucker, voir les choses à travers les yeux de l'autre est l'unique issue de la prison que forme notre système de croyances personnel, ce dernier se présentant à la fois infaillible ("je suis pape") et étriqué jusqu'à la tyrannie. Il s'agit de combattre le mal par le mal -d'une certaine façondans cette guerre permanente entre fictif et réel, vis à vis de cette colonisation globale de l'imaginaire collectif et des projets d'extermination des spécificités individuelles. En faisant appel à une fiction véridique et consciente d'ellemême, contre les illusions, il devient peut-être possible d'accéder à un au-delà de la dualité fiction/réalité : La Vérité ? Peut être... Un peut-être en forme de délicate politesse.

Nous vous proposons dans les pages qui suivent "Guérilla de l'ontologie", la traduction d'une citation de Wilson. Alice Popieul

7 Il existe une filiation entre R.A.Wilson et Aleister Crowley (sataniste notoire) autour du fait qu'ils encouragent les pratiquants à éviter tout dogmatisme dans le but de bénéficier d'une liberté d'action, tester plusieurs outils, mélanger les genres, passer d'un paradigme à l'autre afin de se construire une autonomie perceptive de la réalité.

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Robert Anton Wilson GUERRILLA DE L'ONTOLOGIE

Le Monde occidental a eu le cerveau lavé par Aristote ces 2500 dernières années. La croyance pas tout à fait articulée de la plupart des occidentaux, c'est qu'il n'existe qu'une seule carte qui représente adéquatement la réalité. Par un incroyable coup de bol, tout occidental pense qu'il ou elle possède la carte adéquate. La guérilla de l'ontologie pour moi, demande de secouer cette certitude. J'utilise ce qui est appelé l'approche multimodèle en physiques modernes : c'est l'idée qu'il existe plus qu'un modèle qui couvre une série donnée de faits. Comme je l'ai dit, écrire des romans nécessite de penser à la manière d'autres personnes. Mes romans sont écrits de telle façon à forcer le lecteur à voir les choses à travers différentes grilles de réalités plutôt qu'à travers une seule. Il est important d'abolir le dogmatisme inconscient qui fait que les gens pensent que leur manière de voir la réalité est la seule façon raisonnable de voir la réalité. Mon but est d'essayer de plonger les gens dans un état d'agnosticisme généralisé, pas un agnosticisme qui ne concernerait que Dieu, mais un agnosticisme vis à vis de n'importe quoi. Si on ne peut voir les choses qu'à travers son système de croyance personnel, on est destiné à devenir potentiellement sourd, aveugle et muet. Il n'est possible de voir les gens que lorsqu'on est capable de voir le monde comme eux. C'est ce que j'appelle la guerrilla de l'ontologie : briser ce point de vue unique et offrir aux gens une perspective multimodèle

A voir : Maybe Logic, The lives and ideas of Robert Anton Wilson, un

documentaire de Lance Bauscher, disponible sur youtube avec sous titres en anglais : https://www.youtube.com/watch?v=UV

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Jeremy Platey

LE SATANISME ET L'ENVOÛTEMENT OCCIDENTAL « Le monde de la terre actuelle, et spécialement le monde de la terre européenne actuelle, est mené par des séries d’envoûtements concertés et calculés qui reviennent par périodes et visent à maintenir la conscience séculaire de l’homme dans l’abêtissement dans lequel on ne peut que la voir de plus en plus sombrer. » Antonin Artaud, Histoire vécue d’Artaud-Mômo « Le délire n’est qu’une manière d’administrer poétiquement la justice. » Sylvère Lotringer, Fous d’Artaud

Deedee vingt

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DEEDEE VINGT https://www.facebook.com/michelleanndix/?fref=ts Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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Il est un fait difficilement acceptable par tous car de par sa nature sordide, effrayante et affligeante, peu de personnes le reconnaissent, c’est le satanisme imposé aux masses. Il existe en effet un satanisme qui n’est plus l’apanage de moines défroqués où de poètes décadents, isolés dans leurs rêveries neurasthéniques mais bien de décideurs publics organisés. Et bien qu'apparemment délirante de prime abord, cette affirmation demeure un fait indiscutablement réel. Autrefois, le politique proférait déjà le venin de son discours par-delà sa tribune. Cela touchait l’assistance proche comme charmée et envoutée par l'athanor gestuel et vocal. Mais à l’heure actuelle, il existe des outils permettant la diffusion planétaire de ces sortilèges. La masse aux yeux béats comme une rétine rongée en plein soleil, ingurgite, digère et savoure les orgies sataniques déversées par milliers. Les ondes médiatiques diffusent ces rituels y compris dans votre propre sommeil. Et que de tristes matinées, et de soirées vivent ces personnes tatouées au plus profond des organes cérébraux. Du conscient à l’inconscient, peu importe, cette basse magie traverse les fréquences et vient se nicher comme une tumeur incurable. Le mal devient un mode de vie, et la peur son sinistre véhicule. Tout événement mondial est propice à ces envoûtements, qu’il soit sportif, politique, artistique, économique, etc. etc. Les guerres ne sont pas des guerres. Il s’agit de rituels de magie noire dont la numérologie de la date ainsi que les points géodésiques des lieux sont soigneusement sélectionnés afin d’opérer une sorcellerie optimale. Le sang, lymphe sacrée y coule à flot et il s’agit de jeunes gens dont les forces précieuses sont récupérées par ces occultes commanditaires. Les pédo-satanistes sodomisent les enfants car le chakra du plexus solaire contient une énergie foisonnante récoltée par des mages noirs en quête de pouvoir et d’aptitudes surnaturelles. Ils inondent ensuite les réseaux de l’internet, obscurs égouts de notre époque pour propager cette infamie. La masse elle-même devient le relais de ces opérations. Toujours plus abjecte, égoïste, féconde et décevante de bourgeoisie noire et nombriliste.

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« Arrière ces superstitions, ces anciens corps, ces ménages et ces âges, c’est cette époque ci qui a sombré !» ./.

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Deedee vingt

Machine radiophonique, machine sociale, hallucination collective, sorcellerie capitaliste. Il y a une magie civique que personne n’accepte de voir. Elle est pourtant bien visible, les peuples deviennent des complices de cet occultisme car ils refusent de le voir dans leur quotidien. Ils sont le relais de l’envoûtement dans la réalité, car rien n’est occulte et tout est révélé. La population devient elle-même un envoûteur, un parasite à l’aspect normal et respectable mais qui n’est en réalité qu’un prolongement de cette sorcellerie mondiale. Il ne s’agit même pas de pénétrer l’invisible mais simplement d’accepter le visible. Il y a des magies qui pompent et vampirisent, qui empêchent et qui suicident, et d’autres qui empêchent d’empêcher. Cette magie noire a pour but d’extirper toute énergie vitale, de supprimer toute expression, d’anéantir le sujet et de le replier définitivement sur luimême. C’est une colonisation de soi même, créant une incapacité à aller au dehors de soi même en se fourvoyant dans son propre tombeau. On ne veut pas que cela change car l’homme n’a jamais voulu que ça aille bien. « C’est ainsi que le monde n’est pas mauvais seulement en façade, mais parce que souterrainement et occultement il cultive et maintient le mal qu’il a fait être. » Vous ne me croirez pas, mais peu importe, je ne suis qu’un homme effeuillant les carnets abjects de son époque, cruelle et désespérée.


Marina Zwetaïa

L’EFFICIENCE DU SACRIFICE C’est un crissement d’insecte qui me réveille, aigu et persistant, comme un grillon géant. Mon pull est couvert de brindilles, je suis en pleine nature, une étendue plane, terreuse, quelques buissons secs par-ci par-là et des montagnes autour. Je ne sais pas ce que je fais là, ni comment, ni pourquoi. « Mon sang tourne en poison et je suis le mal », cette phrase s’accroche à mon esprit. Il y a un chemin derrière moi, je n’ai plus qu’à l’emprunter. Marcher sera sûrement l’occasion de faire remonter à mon cerveau un semblant de raison. Le fil des évènements parait plutôt simple, je sinue entre les immeubles qui mènent à mon appartement, il fait nuit, après une journée de travail je rentre chez moi. Noir. Je suis ici, en plein jour. Je porte les mêmes vêtements qu’hier, ou ce qui possiblement était hier. Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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Je reconnais cet endroit à l’odeur, le petit bouquet d’immortelles. Je suis sur l’île. Hier ou ce qu’on appellera hier, j’en étais loin, à une mer ou deux. Je marche jusqu’au village. Je suis là depuis une semaine maintenant. J’ai croisé quelques visages, le souvenir qu’ils ont du mien est celui d’une enfant. Ils sont comme un décor en carton pâte. J’y fais bouger ma marionnette le plus calmement possible pour ne pas les offenser car le vieillard m’accueille à bras ballants. Dieu merci les présences humaines sont clairsemées, je n’en vois que très peu lorsque je me rends à la vieille chapelle située à une heure de marche du village en pleine forêt. Les petits personnages qui ornent les façades me fascinent, ils paraissent d’origine celtique. Hier, ou ce qui probablement était hier, j’y suis entrée pour la première fois. J’ai récupéré la clé, c’est Jean-Do qui en a la garde, elle est chez lui, dans le tiroir de son bureau. Une fois à l’intérieur, dans l’eau croupie du bénitier, j’ai failli vomir. Un son d’eau vive résonnait dans toute la nef. C’est l’eau folle de la rivière que j’entendais alors que paralysée devant le bénitier j’essayais de ne pas m’écrouler. Je crois avoir traversé une phase de délire, j’ai titubé jusqu’au choeur où une vieille dame assise par terre, la tête couverte d’un foulard noir, chantait quelque chose de Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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répétitif semblable à une prière. Le sol était couvert d’épines de pin et des dizaines de bougies de toutes les tailles et de toutes les couleurs étaient disposées sur le sol. En regagnant la sortie, je me suis retrouvée face à une statue de Saint-Michel terrassant le démon, ce fut une vague de bien-être, comme une protection magique. Puis plus rien. Je me suis réveillée affalée sur une table, au café de la place du village, personne pour me dire si j’y étais depuis longtemps. Pourtant il y avait bien cette clé au fond de ma poche. Le vieillard derrière le bar semblait être là à essuyer des verres depuis un siècle. Tout le monde ces jours-ci parle de la Tumbera, la saignée du porc. C’est prévu pour dimanche prochain. L’événement prend des allures de rite sacrificiel. Il semble que chaque villageois y tienne un rôle bien précis. Lui s’occupe de la saignée, l’autre bat le sang à la main pour qu’il ne caille pas, elles, lavent les abats. Dans certains villages, immédiatement après avoir tué le cochon, les hommes boivent un petit verre d'eau-de-vie, pour se purifier et chasser les démons. À mon souvenir, l’île a toujours exigé des prières pour éloigner le mal. Une porte ouverte entre les morts et les vivants. Une vieille tante, un jour, vous parle des mazzeri, les sorcières du coin, qui se battent dans les champs la nuit à coup d’asphodèles. D’autres nuits elles chassent ; elles rêvent qu’elles abattent un animal qui se transforme ensuite en une personne du village. Ainsi elle prédisent les décès qui auront lieu durant l’année. Alors, la nuit de Noël, la vieille tante vous transmet une prière secrète contre le mauvais oeil. Car cette nuit là, les démons dorment. Il y a des rumeurs, les gens sont inquiets. Des jeunes partis à la ville sont revenus en disant que tuer ainsi Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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le cochon est sale et barbare. Les vieux ne comprennent pas. On parle de construire un abattoir pour des raisons d’hygiène. Carrelage blanc, gants et blouse. On ne verra plus couler le sang. On ne doit plus ritualiser la mort. Je repense à la statue de Saint-Michel dans l’église. Il terrasse le mal, le démon, mais la figure sous ses pieds ressemble à un homme. Un homme trop animal peut-être, trop instinctif. J’apprends très vite que cette chapelle en dehors de toutes les gravures païennes laissées sur les murs comme des indices par ses architectes, a été construite à un endroit très spécifique. Comme beaucoup d’autres chapelles de l’île, elle a été bâtie sur un lieu de croyance bien plus ancienne que le christianisme, un autel, souvent une pierre de sacrifice. Ces sites dérangeants ont été recouverts, comme écrasés sous la pureté. Le démon est peut-être ce vieil être humain qui croit en la lune, en la nuit, en l’animalité en lui, qui fait couler le sang et qu’on souhaite faire taire sous la lance d’un ange ?

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Photographie Johnny Cosmos / Texte AP

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NUITS INDIENNES Vingt quatre octobre, vingt trois heures, Lille Europe, deux heures et demie du matin à l’heure indienne, je me suis réveillé ce matin à Kolkata, maintenant je m’endors presque sur le quai, vacillant sous le poids du sac. Le décalage est vertigineux, la foule hier, le désert aujourd’hui. En dépit de cela un fort sentiment de plénitude, ce qui devait être fait l’a été, mes rêves indiens m’ont déjà retrouvé : « ne t’en vas pas ! » me crient-ils, et je reste dans un monde de béton ouaté, sur ce quai de toutes les absences où je ne peux même pas allumer une cigarette. Au restaurant « Blue sky », Sudder street, Kolkata, je mange mon masala en regardant face à moi la formule un peu facile « aum sweet aum » dans un cadre posé de guingois avec une couronne de fleurs orange pas très fraîches qui pendouille. Il est dit aussi qu’en autre plus de cent significations possibles de la lettre « aum » il en est une, importante, qui veut dire « welcome to the God ». Et bien « bonjour Dieu ! », bienvenu à la maison qui chevauche le vent ! Se jeter, c’était exactement cela, plonger dans la foule, ne pas se retenir, dans le feu partout des Durgas érigées dans les rues, Durga puja, feu à tous les étages, au plexus, au ventre, à la tête, toujours le feu, les consumations d’encens, les tambours âpres, secs, à peine ventrus, prolonger la nuit, retarder le moment de la chambre à l’hôtel, le moment de la clope qu’on ne fumera pas, le moment des rêves qu’on voudrait ne pas faire, le moment d’un sommeil où l’on se dit qu’on ne dort pas, qu’on fait semblant, le moment de l’abîme, le moment des corps sur les trottoirs, le moment des morceaux à rassembler, le moment décisif. Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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Schéma du fonctionnement de la glande pinéale vue par Descartes dans le traité de l'Homme (figure publiée dans l'édition de 1664)

Jean René Lefebvre


Comment ça a commencé, l’Inde, l’Inde qui n’a ni commencement ni fin, la découverte du Shiva Nataraja quand j’avais vingt ans, le visage grimaçant de Ramakrishna, l’image d’un pélerin faisant ses ablutions dans le Gange ? Comment ça a commencé, l’eau, dans la chevelure de Shiva, l’eau des glaciers, l’eau du ciel ? Comment ai-je commencé l’Inde en moi, quelle fut la première phrase, la première demande, la première prière ? Le temps là-bas coule de façon curieuse, il n’est pas scélérat, il est calme, détaché et c’est de cette paix que j’ai appris la patience. Le retard des trains, leur lenteur ? Je m’en fichais, c’était ainsi, ça ne finissait pas, c’était infini, comme un océan de coussins fleuris recueillant les rêves d’une divinité endormie et qu’il eût été vain de questionner. En Inde je ne m’ennuie jamais, c’est un état pourtant habituel chez moi mais que je ne connais pas là-bas, c’est cette qualité du temps que je m’accorde et qui fait que chaque chose est importante, même la plus insignifiante. C’est comme si tout était sur le même plan mais avec des glissements imperceptibles pour qui s’agiterait vainement. Il n’y a pas d’immobilité autre qu’apparente, en fait tout bouge, se déplace, c’est la conscience que j’ai du vivant, de la vie en moi à préserver. Nulle trace de vertige, la descente en soi est calme puisqu’il y a cette certitude du fond commun à tous les êtres sur lequel on finira bien un jour par se poser. Sur cette base l’Inde me prend tout entier, c’est ainsi que ça se passe, là où le temps n’est plus, où il n’y a plus que l’espace, où l’ennui est inconnu. Avec cette corde à mon arc comme la vibration d’un instant, j’envoie dans la nuit la flèche bleue d’un train interminable traversant des oreillers noirs de suie qui étouffent la corne qui fait « bouh bouh ! » et me dépose dans un siècle de tous les nationalismes : L’armée de Shiva ? La virilisation d’un peuple jadis traité en femme ? L’histoire à ce point-là de nullité ne fait plus sens , une histoire de bandaison numérique, de toutes les verticales allumées, d’horizontales fatiguées, de vieux sommiers grinçants, une certaine histoire de l’Inde aujourd’hui, une histoire vaniteuse à la sauce populiste, vieilles rengaines, vieilles recettes éprouvées, et ça marche. Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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Bénarès. Ganga. Le réel rapatrié sur les lieux de sa manifestation. Rien au-delà, rien en-deçà, la vie partout, la vie sacrée, ici et maintenant, la vie vivante, incréée, au bord du fleuve. On peut voir des buffles au premier plan et puis des éléphants, là-bas, dans le lointain. Il y a le soleil, un point rouge dans une grisaille marbrée de filaments jaunes, impact d’une balle dans une chemise sale, cette autre rive encore invisible, blessure d’où ça vient, un caillot dans la gorge, c’est le temps qui coule, menstrues subliminales au cul de tous les défoncés aux yeux jaunes, les morts au bord du Gange, Manikarnika ghat, les morts enveloppés de flammes, reliés aux flammes, reflets irrisés aux aisselles, bras en croix levés, concert muet des bûchers, azurs crucifiés, présence dans la cendre d’un œil de verre fixant des vertiges, échafaudages d’os blanchis, façades muettes quand tout parle de vacuité. Là où domine un rose sale, couleur presque uniforme des ghats, je sens physiquement la puissance de séduction de la ville de la mort, la mort « à chevelure rousse », ce grand diable noir vu tout à l’heure agitant furieusement de son long bâton les cendres brûlantes d’un bûcher au Manikarnika ghat où les cadavres arrivent les uns derrière les autres par une sombre ruelle emplie de cris rauques. La mort en ce miroir, une vache broute les fleurs parant une dépouille sous son drap jaune, on la chasse, une autre vient, menace de le piétiner, sur le bûcher l’activité ne faiblit pas, gestes de sémaphores déments. Dans un passage couvert dont la partie ajourée donne sur le Gange, je découvre un saddhu dans une posture si parfaite que j’en reste coi. D’une beauté sans âge, couvert de cendres, tenant le trident d’une main et de l’autre un livre dont il lit attentivement le contenu, il se détourne plus ou moins régulièrement de son étude et penche la tête vers un shilum que lui tend un jeune homme, il tire une bouffée puis se replonge aussi vite dans sa méditation. S’est-il retiré du monde, ne fusionne-t-il pas plutôt avec lui ? « Je suis Lui, je suis Shiva », est-ce cela qu’il réalise ? Et il est là, en compagnie de la mort juste à côté, l’odeur douce-amère de la mort, sa couleur indéfinissable tout comme celle des ghats, la mort poivrée poudre à canon, la mort explosante fixe, la mort surréelle, la mort sans bordures, envahissante, entêtante,

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une véritable obsession de la disparition derrière des écrans de fumée. A Bodhgaya la pauvreté est palpable, c’est l’état du Bihar, la misère, l’exode de la population en quête de travail, c’est comme une fin qui n’en finirait pas de finir, on n’en voit pas le bout. Au sein de cette ombreuse descente dans le vortex du malheur humain se dresse le Mahabodhi temple, majestueux, un peu austère et comme glabre dans la nuit constellée d’explosions de pétards car c’est ici aussi la Durga puja, les gens s’amusent, il y a un théâtre de rue et des marchands de friandises pendant qu’à l’intérieur de l’enceinte, tout autour du gigantesque stupa, volètent en silence les robes safran des moines birmans fort nombreux. Il y a peu de tibétains ou alors dans la ville, en train de boire du coca en rigolant et mangeant des gulab jamun. Vingt ans de bouddhisme au compteur, je regarde forcément en arrière, depuis ma prise de refuge, je mesure le chemin parcouru, un chemin bien balisé comme un parcours scolaire, le maître, le disciple, la voie. Que reste-t-il de ces enfantillages, de la passion que j’y ai mise, du confort spirituel que j’y ai trouvé, des livres lus par dizaines, de « l’asphyxiante culture » ? Je n’ai rien oublié, simplement je suis passé dans la voie de l’expérience, l’Absolu m’a interpellé au-delà des comportements acquis et je n’ai plus pris de poses en faisant le fier d’être bouddhiste. Une gloire ? Tu parles ! Cette nuit à Bodhgaya je sens bien qu’il ne me reste plus beaucoup de toutes ces choses de l’ego et ça me fait beaucoup de bien de le savoir, d’en goûter la saveur un peu fadasse. Ce soir à Bodhgaya, état du Bihar, la grande âme enfin dévoilée, les corneilles chantent dans les branches de l’arbre de la bodhi, elles chantent l’éveil et tout le monde se tait, à commencer par moi, c’est ça la paix intérieure : « Sois sans doute ! ». Et j’avance mes pions souterrainement sur un échiquier de velours, je purifie mon karma.

Trois Novembre 2016./.

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LA GOUTTE DE POIX

L'artiste César Langlade a conçu une installation a-réalisée, qui viendrait du futur, d'un antique passé ou d'un hier à peine flétri, avec sa verrerie laborantine, ses allures d'expérimentation primordiale, de monolithe kubrickien. C'est une évidence : quelqu'un a déjà réalisé cette oeuvre dans et cette oeuvre sera de nouveau imaginée par un esprit humain du futur. Voici pourquoi il était nécessaire de la (re)créer aujourd'hui. Les ciseaux feraient friser la frise du temps (comme un ruban sur un paquet cadeau) pour y placer l'oeuvre de M. Langlade à la jonction de deux cycles temporels, à l'endroit où le cercle du temps se décroche en spirale. La première goutte de poix quittera l'entonnoir dans 10 ans, la deuxième dans 20 ans... Quels événements cosmiques ces chutes/naissances annonceront-t-elles ? Personne ne sait. A.P

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"Cela fait très longtemps qu'il me tient à cœur de faire cette expérience, je pense que réaliser cette dernière est nécessaire aussi bien pour moi que pour n'importe qui d'autre. Il serait temps de matérialiser le Temps dans une époque où ce dernier est méprisé, tout va très vite (accélérationnisme) qui oserait faire cela, le Temps est précieuse énergie sous estimée, valeur inestimable. Je compte par la poix en mesurer la valeur. La valeur d'une goutte, sera très variable d'une époque à une autre : en peser l'importance - exploitation des pouvoirs d’un temps alchimiste. Récolter une goutte de Temps pure, démonstration de l’utilité du Temps dans un simple procédé." César Langlade

http://www.cesar-langlade.com/

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Junio BOMBO

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Dessin Junio Bombo

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Dessin Charles Pennequin

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Charles Pennequin

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CHRONIQUES VIDEO AUDIO Vidéo 1 Agnès Martin. Agnès Martin (1912-2004) peintre, dont les toiles représentent le plus souvent des lignes, des grilles, des accumulations minimalistes, échappent mystérieusement à tout intellectualisme par une approche personnelle et spirituelle. Elle préfère qualifier ses toiles d’œuvres musicales car la musique peut s’appréhender de manière strictement émotionnelle tandis que l’art pictural implique une explication intellectuelle. La vidéo offre au spectateur la chance de s’introduire dans l’atelier d’Agnès Martin, pièce clinique et prison mentale symbole de la perdition de son auteur dont le regard s’échappe à travers les canevas métaphysiques de ses toiles. https://youtu.be/902YXjchQsk

Vidéo 2 Marguerite Duras "Ecrire" 1996 Marguerite Duras (1914-1996) écrivaine, dramaturge, scénariste et réalisatrice s’entretient avec Benoit Jacquot dans sa maison à Neauphle le Château. D’abord au piano et ensuite assise dans un fauteuil d'une pièce sombre de cette grande bâtisse, l’auteur au crépuscule de sa vie évoque un sujet finalement peu abordé : l’écriture. L’horloge s’est déjà arrêtée dans cette maison, le monologue de l’écrivaine est ponctué de longs silences, qui permettent de pénétrer le mystère créatif de cette femme, sa solitude, ses amours, ses échecs, l’alcool, la mort et l’acte d’écrire face au gouffre de la vie. https: //youtu.be/9d-ty00VGO8

Vidéo 3 Helena Petrovna Blavatsky conférence de Catherine Guillerme. Helena Blavatsky (1831-1891) est un auteur ésotériste dont on a retenu l’apport principal en théosophie. Blavatsky a fait plusieurs fois le tour du monde afin de recueillir les savoirs mystiques cachés, étant persuadée que toutes les philosophies et spiritualités possèdent un aspect universel dans lequel une vérité serait à dévoiler. Personnage étrange, atypique pour l’époque, voyageur infatigable et pourtant malade, gourou pour certains et charlatan pour d’autres, elle a inspiré de nombreuses personnalités du 20ème siècle. https://youtu.be/iVPMnn9nCkc Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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Vidéo 4 Diamanda Galas The litanies of Satan. Diamanda Galas chanteuse virtuose et pianiste s’est forgé un répertoire inspiré d’artistes tels que Paul Celan, Pier Pasolini, Henri Michaux, Gérard de Nerval, Tristan Corbière, Edgar Allan Poe, d’auteurs ayant explorés les abysses psychiques. Cette vidéo est une déclamation solennellement fascinante, il s’agit d’une forme d’incantation du poème de Charles Baudelaire intitulé « les litanies de Satan ». La performance vocale de Diamanda est magnétique ou effrayante, en tout cas il semble difficile de rester insensible face à cette sorcière cantatrice moderne qui dédie ce chapitre aux personnes isolées, recluses et exilées de la « normalité ». https://youtu.be/OBeTXiTZbCc Video 5 Sylvie Courvoisier solo Schaffhauser jazzfestival 2013 Sylvie Courvoisier est une pianiste, improvisatrice et compositrice suisse qui vit à New York depuis 1998. Elle a collaboré avec des artistes tels que Michel Godard, Ikue Morie, Evan Parker, Fred Frith, John Zorn, Joëlle Léandre, etc. etc. Dans cette vidéo elle utilise toutes les capacités acoustiques de son instrument avec une virtuosité et une sensibilité déconcertante. Lyrisme, souplesse, folie, obsession, se dégagent de ce rituel pianistique. https://youtu.be/6tt7pQRHJWU Vidéo 6 Amma le future de cette planète dépend des femmes. Mata Amritanandamayi appelée communément Amma (mère en hindi) est une figure spirituelle contemporaine née en 1953. Dans sa jeunesse elle manque de mourir car elle offre sa nourriture quotidienne aux animaux puis elle décide de pratiquer la guérison. L’exemple le plus notable étant ses guérisons administrées auprès de lépreux. Elle entre précocement en état de Samadhi, qui est une contemplation sans conscience, sans activité de la pensée et sans support. Elle est hindoue cependant elle déclare que sa seule religion est l’amour. Son enseignement repose sur les voies traditionnelles de la non dualité (advaïta védanta) et la dévotion (bakhti) https://youtu.be/imkTAci6qoU

Audio / Hildegarde Von Bingen Chants de l’extase. Hildegarde Von Bingen (1098-1179) est une religieuse mystique bénédictine, compositrice, femme de lettres franconienne. Elle commence à 43 ans à compiler les visions qu’elle a depuis l’enfance dans le scivias (du latin sci vias dei : « sache les voies de Dieu »). Elle compose 70 chants liturgiques et un drame liturgique intitulé ordo virtotum (« le jeu des vertus ») Elle est l’auteur d’une langue « langua ignota » qu’elle est la seule à parler. Botaniste, médecin elle fut canonisée en 2012. Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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L’ensemble qui interprète ses chants de l’extase est appelé Sequentia et spécialisé en musique liturgique médiévale. 900 ans séparent la compositrice de ces brillants interprètes. https://youtu.be/Ei88J4lERbk Jeremy Platey Chaîne vidéo Youtube / Tet's truth Tube Voici une de mes chaînes favorites, malheureusement réservée aux anglophones, mais suffisamment visuelle pour être compréhensible du tout-venant. Tet est un artiste vidéaste flat-earther -un tenant de la théorie dite de la "Terre plate"- dont la devise personnelle annonce la couleur : "Telling the truth and making someone cry is better than telling a lie and make someone smile." (affirmation hautement discutable, même si j'y adhère à titre personnel.) Traumatisé par la mythologie scientifique contemporaine, Tet met en scène de manière tragicomique les petits arrangements avec la vérité de la plus vaste branche de la société du spectacle. La NASA en prend plein la gueule dans des montages édifiants très punks (un genre de vidéo garage comme on parle de rock-garage) et à l'humour dévastateur. (Par exemple, Tet fait de faux doublages de Stephen Hawking, vous savez, l'adulé astrophysicien en chaise roulante, prescripteur d'éthique dans le monde scientifique...) Attention ça pique donc ! Ne présentez pas cela à une âme trop sensible. Précautions spéciales à prendre avec les fans de science-fiction : en regardant cette chaîne, certains peuvent entrer dans une colère noire. Mais je crois que les vrais fans de science fiction saisissent la nature extraordinaire de cette hard science fiction qui déroule son long et mystérieux récit quotidien devant nos yeux. Si vous n'êtes pas au fait de la controverse actuelle dite de la Terre Plate, tout ce qui se dit dans ces vidéos vous échappera presque. Mais vous pouvez tout de même tenter l'expérience, un jour où vous vous sentez particulièrement aventureux et l'esprit particulièrement affûté. (Sinon il y a d'autres endroits plus commodes pour prendre connaissance des rudiments de cette controverse, nous les citons dans le Fanzine Hildegarde de Septembre 2016.) Tet's truth Tube, c'est donc une chaîne extrêmement subversive, la "subversion ultime" qui est reprochée à tous les plateux, qui sont quand même de drôles de zigs, mais qui n'ont pas l'impression d'être fous. C'est très engagé, donc chez Tet, avec son ambiance artisanale. C'est engagé spirituellement aussi, avec une défense de Dieu et des textes sans aucune concession avec le sacré. (Le sacré est sacré, il ne s'en excuse pas) ça peut choquer beaucoup de monde de ma connaissance. Mais ! Chacune de ses vidéos se termine néanmoins par un "peace and love" que l'on perçoit sincère. (J'adore.) A.P https://www.youtube.com/channel/UCxjjbu4mA4lKUsNt_6v

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Jean-Claude BONNOT

LES DRUIDES…

Ces “prêtres” sont dotés d’un pouvoir énorme, ils transcendent toute la société humaine et dominent le pouvoir politique, ils parlent avant le roi et influencent, comme nous l’avons vu, toute la classe guerrière qu’ils enserrent dans un réseau d’interdits et d’obligations féroces. Ils sont eux-mêmes hiérarchisés, ou plutôt spécialisés, en : devins, médecins, bardes, historiens, sorciers (satiristes), juristes… Mais beaucoup cumulent les fonctions, ils sont en quelque sorte “polytechniciens”. Donc, dans les villages, le druide jouit d’une vénération sans limites. Cette corporation aux origines très archaïques a su imposer ses principes et ses règles grâce à une sélection et à un enseignement très subtil, lequel privilégie l’éloquence et la mémoire. Qualités essentielles éveillées selon eux par la foi, d’où le rôle des prières, chants, litanies auto-suggestives et mystérieuses… Un individu qui ne croit et n’aime pas ce qu’il fait, ne peut ni absorber, ni convaincre. Ce qui implique des rapports humains d’une nature différente de ceux d’une société qui utilise des moyens artificiels pour communiquer tels que l’écriture. Les druides se servent de l’alphabet pour la comptabilité ou l’astronomie (ex : le calendrier de Coligny, dans l’Ain, massif du Jura). Pour eux, l’écriture est un moyen de fixation et non de transmission ou d’enseignement… Mais, bien que d’une sagesse certaine, cette doctrine basée sur l’inséparabilité de l’homme et de son environnement a ses faiblesses. En effet, d’une région à l’autre, la nature du sol, du climat et du paysage diffère, ce qui empêche l’instauration d’un dogme universel. Dans un tel système, la tolérance est de mise, mais souvent elle est mal perçue, et apparaît comme du laxisme. Voilà pourquoi certains “roitelets” de tribus habituellement fédérées, essaient de s’émanciper de la tutelle des druides, tentent l’aventure et créent la discorde.

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Unis, les peuples celtiques sont invincibles. Mais, voici poindre ce qui devait arriver: un génial diplomate comme César va s’engouffrer dans la brèche, tirer profit des querelles ancestrales entre tribus, et va même corrompre de grands druides pour parvenir ainsi à ses fins. Dans l’immédiat, mon principal souci est de vous faire partager l’état d’esprit et la croyance de nos aïeux à l’aube de l’année 52 avant J.C. et ceci dans le but de vous faire comprendre l’absolue nécessité de retrouver Alésia, cette ancienne métropole religieuse, afin que les hommes puissent enfin exorciser les mensonges de l’histoire et repartir sur des bases plus réelles. J’ai choisi, pour illustrer mes propos, de commencer cette histoire par un poème épique qui, certes est intrigant, mais suscite respect et considération. Il rend honneur à la mémoire des sages qui ont élaboré notre civilisation. Ce texte réel, recopié par des moines, est tiré du livre d’un éminent spécialiste de la question celte : Christian Guyonvarc’h. Les protagonistes sont deux druides de l’ancienne Bretagne, aussi ai-je laissé comme il se doit leurs noms autochtones. Il s’agit d’un jeune druide au nom de Nede qui s’assied sur la chaise de docteur détenue précédemment par son père défunt Adnae. Un autre druide plus ancien Ferchertne, lui conteste son siège en l’interrogeant… «Qui est le poète autour de qui est la robe avec sa splendeur ? Qui jouera lui-même après avoir chanté la poésie? À ce que je vois c’est un disciple, D’herbe est la matière de sa barbe. Au lieu de chanter la poésie, Qui est le poète, poète de dispute? Je n’ai jamais entendu le secret de l’intelligence du fils d’Adnae. Je ne l’ai jamais entendu avec une connaissance réelle. C’est une erreur, par mes lettres, que le siège de Nede» Voici la réponse honorable que Nede fit à Ferchertne: DIXIT NEDE «Un ancien, ô mon aîné ; tout sage est un sage qui corrige. Le sage est le reproche de l’ignorant. Avant de se mettre en colère contre nous Il cherchera quel poison, quelle nature est en nous. Bienvenu est le sens aigu de sagesse. Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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Ténu est le reproche encouru par un jeune homme si on ne l’interroge pas sur son art. Avance, chef, selon une démarche plus légale. Tu ne m’accordes que maigrement la pâture de l’instruction. Tu montres mal, tu as mal montré. J’ai absorbé le suc d’un homme bon, riche en trésors». DIXIT FERCHERTNE « Une question, ô garçon d’instruction, d’où es-tu venu ? RESPONDIT NEDE « Ce n’est pas difficile à dire : du talon d’un sage, d’un confluent de sagesse, des perfections de bonté, du brillant du lever du soleil, des coudriers de l’art poétique, des circuits de splendeur par où on mesure le vrai selon l’excellence, par quoi on apprend la vérité, par quoi le mensonge s’engloutit, où l’on voit des couleurs, par quoi on ravive des poèmes. Et toi, ô mon aîné, d’où es-tu venu? ». RESPONDIT FERCHERTNE « Ce n’est pas difficile : le long des colonnes de l’âge, le long des fleuves du Leinster, le long du sid de la femme de Nechtan, le long du bras de la femme de Nuada, le long du pays du soleil, le long des demeures de la lune, le long du cordon ombilical de la jeunesse. Une question, ô jeune homme d’instruction, quel est ton nom?» RESPONDIT NEDE «Ce n’est pas difficile: très petit, très grand, très brillant, très dur, ardeur du feu, feu de paroles, bruit de connaissance, source de richesse, épée de chant, solidité de l’art avec l’ardeur du feu. Et toi ô mon aîné, quel est ton nom ?». RESPONDIT FERCHERTNE «Ce n’est pas difficile: le plus proche des augures, le champion qui explique ce qui est dit, ce qui est demandé, enquête de science, trame d’art, panier de poésie, Fanzine Hildegarde / Numéro 6 / Décembre 2016

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abondance de la mer. Une question, ô jeune homme d’instruction, quel art pratiques-tu?» RESPONDIT NEDE « Ce n’est pas difficile : rougeur de contenance, pointe dans la chair, effacement de la timidité, éloignement de l’impudence, nourriture de la poésie, courtise de la science, art pour chaque bouche, diffusion de la connaissance, dépouillement de la parole dans une petite chambre, bétail du sage, rivière de science, abondance d’enseignement, délices de roi, légendes bien arrangées».

Le “dialogue des deux sages” est un texte difficile, où abondent les métaphores obscures et les allusions à une science que nous ne comprenons plus. Mais la cause en est claire: à la manière dont cette dispute académique se déroule, ce sera celui qui en sait le plus qui sera “Olam” (docteur)./.

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Histoire secrète de la Flandre et de l'Artois. Gérard Landry

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Gravures première et dernière page : Thomas Perino.

S'abonner / se renseigner / réagir hildegardezine@gmail.com Lire en PDF : http://hildegarde.iva.la/


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