Hildegarde
Nouveautés et Anciennetés
Hildegarde / N°1 / 1er Juin 2016
Image de couverture / Johnny Cosmos “Reborn”
Sommaire
Enluminure de Martine Connay / page 3 Editorial / page 4 Le Tabouret, Marina Zwetzaïa / page 6 Dates favorables en Juin / Page 10 Esthétique de la révolte, Carole Fabre / page 12 Aquarelle, Mel Sherwood / page 13 Le traité des couleurs, Populie / page 14 Podcast / page 17 Lena Ghio et l’emerge Art / page 18 Un pied dans la tombe, et l’autre hors du pays, J. Kowalski / page 19 Contact fanzine / page 23 Programme Télé / page 24 Recette de déodorant / page 26 Réédition / page 27
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Préférez-vous savoir ou ne pas savoir ? Enluminure / frise dragon : Martine Connay Pour la voir avec ses couleurs : http://www.france-art-realisation.com/
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EditoriaL Je ne suis pas recroquevillée dans la pierre incorruptible d’une statue ou embaumée d’éther ! Dans ma chair je suis humaine, et comme il existe une vérité pour les statues, il existe aussi une vérité pour les humains, qui mélange l’éther et la terre. C’est celle que nous trouverons. Pré-conscients, voici ce que nous sommes dans l’ignorance de notre condition. C’est en cherchant cette vérité qu’on devient un authentique humain : sinon, nous survivons dans le sursis et la crainte. Pour le petit oeil, la vérité luit dans chaque décrochement de l’Être. Dans chacune de ses branches, même la plus petite, il y a un peu de racine de vérité. Sous nos pattes d’oiseaux, il y a le rameau personnel et sa minuscule lueur d’être, qui est partout la même sous les peaux et les membranes. Nous savons qu’il y a une vérité parce qu’il y a des mensonges et des illusions. La version de nous-mêmes qui est délivrée de ses propres mensonges et de ses propres illusions est dans sa vérité. Nous devons savoir ce que nous voulons savoir et ne pas savoir. Nous devons savoir : -ce que nous voulons -ce que nous voulons savoir -ce que nous voulons ignorer -ce que nous voulons être Pour plonger dans la vérité, il est bon de faire du pain avec les mains et de lire de la poésie avec le coeur.
Populie
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Marina Zwetzaïa
LE TABOURET Je ne voudrais pas être désagréable. Je ne voudrais pas commencer en me plaignant, je vais donc exposer ici une absurdité, une torture du monde. Un monde qui permettrait cela n'est pas digne d'intérêt, il valut mieux le quitter. Imaginons un homme qui n'aurait pas de bras, un manchot. Le sort lui réserve certes une vie compliquée, mais tout à fait supportable. Je ne sais pas de quelle manière il a perdu les bras, peut être n'en a-t-il jamais eu, peut être est il sorti du con sans. Non. Plutôt lors d'un naufrage. Tous ses compagnons seraient morts dans une terrible tempête, il aurait derive seul des jours entiers sur un reste de coque, pour s'échouer enfin sur un banc de sable en terre hostile. Sauf qu'en chemin, des requins seraient partis avec ses bras. Simplement, sans esclandre. On peut aussi envisage l'hypothèse d'une rencontre avec une tribu indigène qui demanderait à tous les nouveaux venus des bras en offrande pour leurs Dieux — deux bras précisément — et gare à celui qui les a déjà donné. Cette hypothèse est tout à fait probable et elle a ce quelque chose d'exotique qu'on apprécie toujours dans les romans d'aventure. L'homme n'a pas de bras — il les a perdu de manière extraordinaire — mais son malheur n'est pas là, bien au contraire, il s'accommodait étonnement bien de cette nouvelle forme d'occupation de l'espace. Il était de la race de ceux qu'on nome "original", un homme de l'origine donc. A l'origine de quoi ? Je dois y réfléchir. Du reste il avait quelques tics, ou plutôt des manies. Et sa nouvelle condition d'être sans doigts leurs collait à merveille. Il sentait tout. Il lui faillait l'odeur de toute chose et assez Hildegarde / N°1 / 1er Juin 2016
souvent le goût. Quand on a des doigt on s'en sert et c'est pour cette raison qu'il passait — avec des bras — pour un éberlué auprès des esprits faibles. Sa face servait de doigts, alors sans mains, quelle délivrance ! Désormais on le prenait simplement pour quelqu'un de curieux et de bien courageux malgré les membres amputés. Il fourrait la tête partout. Entre les portes pour sentir monter le ton des discussions derrière le mur ; dans le frigo des voisins d'où il repartait la bouche pleine, on lui souriait en retour ; dans les décolletés des dames pas pour sentir, pour le plaisir. Il pouvait tout se permettre, on lui souriait en retour. C'était en fait un sacré veinard d'avoir honoré les dieux sanglants de ses deux bras. A cette époque là j'aurais payé cher pour sa place, mais la chance tourna. Son désoeuvrement survint un matin, au réveil, alors qu'une anodine petite pensée lui percuta le crâne. Un tabouret. Un tabouret en bois bien poli, avec trois pieds et du vernis. C'est un démon qui tout à coup le possédait et le bougre ne voulait pas seulement que Monsieur Labarque — nommons le — acquit ce tabouret, il exigeait surtout qu'il le fabriqua. L'homme en premier lieu s'esclaffa, « Haha, l'idée absurde que voilà, un tabouret sans bras ! C'est ridicule » puis déplaça son esprit sur autre chose, sauf que le tabouret le suivit. Lorsqu'il marchait, il entendait le tabouret clopiner derrière lui. Cela devint immédiatement terrifiant et son premier réflexe fut de se mettre à courir. Après 100 mètres, essoufflé, faisant une pause, il eut quelques secondes de tranquillité, mais le boiteux à trois pattes le rattrapait toujours. Il fit des calculs : 300 mètres de course, une minute de répit ; 500 mètres, 3 minutes ; 1 kilomètre, 7 minutes 23. A nouveau il passa pour un allumé. Il en était très contrarié, mais la seule solution c'était courir. Fuir ce monstre à la gueule béante qui voulait l'avaler en geignant des « fabriquemoi, fabrique-moi manchot de merde » à vous glacer le sang. La vie — quand elle veut, elle sait compliquer les choses entre vous et le monde — l'avait doté d'un faible coeur. « Ça ne peut plus continuer ainsi » se dit-il au bout de quelques semaines à courir comme un dératé voyant son état de santé dégénérer, « Je vais le prendre entre 3 pieds, on va parler d'homme. À bois. À ma santé ! » Son psychisme altéré par le manque d'air commençait lui aussi à se détériorer. Il fallait agir. C'était la survie qui implorait. Mais il n'osa se confronter à la bête. Hildegarde / N°1 / 1er Juin 2016
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Tout cela me fait suffoquer, au point que je me crois moi-même en pleine course, je ne me plains pas, non, je prends simplement quelques minutes pour mon souffle, mon coeur me joue des tours. Je ne me plains pas. Allons bon, il manquerait plus que j'y reste. Reprenons. Mais avouez que dans la détresse d'une mouche on a toujours tendance à être du côté de l'araignée. « bouffe-la, bouffe-la », cette voix nous la connaissons tous et ce n'est pas sans émoi que je me livre à ces racontars, tout ça pour mieux faire passer la pilule, continuons. Il s'agit dans l'affaire qui nous intéresse, d'une possession, je vais avoir besoin d'un exorciste. Dans ce cas alors, avec un peu d'imagination, je trouverai dans une tribu — ça marche toujours — l'origine du maléfice qui anime l'objet, qui persécute l'homme dans le but d'arriver sur terre sous forme de tabouret pour accomplir son dessein satanique. Bouffe-le, bouffe-le ! Mais peut-on prier une idée de manger un homme ? Je dois y réfléchir. Soit dit en passant ça m'épargnerait bien des tracas. Il suffirait de prononcer le sortilège, bim le cadavre sur le sol, je passe à la morale. Fin. Sauf que là ça ne marche pas. Si le tabouret veut à tout prix prendre forme pour régner sur le monde, il ne veut pas tuer monsieur Labarque ! Mais non ! Ce serait vraiment ridicule. Ce n'est ni une mouche, ni une araignée. Bien, je me soumets, on dirait que je ne suis pas prêt d'en finir, ainsi soit-il. Reprenons. Son esprit ne lui appartenait plus depuis longtemps. Le peu de fois qu'il rêvait encore, des bras lui poussaient, des bras longs et fins comme des branches, d'ailleurs c'était des branches qui en se touchant ( la gauche et la droite ) faisaient apparaître un tabouret, et ainsi des centaines pouvaient se matérialiser sous ses yeux, très facilement. Et une foule s'amassait autour de lui qui élevait dans un murmure commun quelque chose comme « oh mais quel sublime objet, comme il me serait utile, j'aimerais l'emporter avec moi, j'y serais bien assis, je penserais toujours à celui qui l'a fait ». Un matin au sortir de cette transe, il eu un éclair de conscience, il se dit que comme de toute façon il mourait, il n'avait plus rien à perdre à converser avec l'objet de sa déconfiture. Alors, il invoqua la bête qui se terrait dans un coin, avec le plus de tendresse possible. « Vois- tu je vais mourir bientôt, alors dis-moi au moins pourquoi depuis tout ce temps tu me Hildegarde / N°1 / 1er Juin 2016
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persécutes », « pour que tu me fabriques », « mais je n'ai pas de bras ! », « Tu en trouveras ». Quelle abjection peut permettre une telle atrocité ? Je veux dire, ce pauvre homme, ce monsieur Labarque, mais enfin, qu'on lui donne des bras ou qu'on lui enlève cette idée de la tête si on ne peut même pas le tuer ! Quelle instance dans le monde autoriserait un tel supplice ? Dieu dans un gant du diable ? Voyons comment il s'en sort, car pour ma part je ne peux pas continuer — hors de soi.
Photo Marina Zwetzaïa
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Dates favorables défavorables en Juin
et
Selon le calendrier lunaire
Jours quand éviter de faire des choses trop importantes (prévoir du repos ou une activité méditative, rencontre en petit comité, ne pas jardiner, éviter les grosses réunions, rendez vous importants) : -11 et 26 Juin Récolte des plantes médicinales : Meilleurs jours : 4-5-23 et 24 Juin Coupe des cheveux : -2 et 3 Juin : plus de vitalité, force -8, 9, 12 et 20 Juin : prévenir la chute -11 et 26 Juin : jours défavorables pour une coupe Première coupe de cheveux d’un bébé (déterminerait la force de ses cheveux pour la vie): -9 juin après 17h Coupe des ongles : -Du 2 au 4, du 21 eu 24 et le 30 Juin : ongles plus forts et moins cassants. Epilation : -Du 6 au 19 juin avec un pic d’efficacité les 8,9 et 10 juin : retarder la repousse des poils Rendez vous chez le dentiste : Jours à éviter : le 11 et le 26 juin
Plus de détails (quand jardiner, quand récolter, etc. dans le calendrier lunaire annuel de Michel Gros (calendrier lunaire diffusion)
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felix Vallotton, La charge (1893)
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Carole Fabre
esthétique de la révolte Il y a un romantisme très fort, émotionnel, lié aux révoltes. Une joie même, la fierté retrouvée d'agir enfin. C'est même esthétisé dans les photos, dans les caméras. Tout le monde en est friand et les médias s'abreuvent de ces images. Les face à face de manifestants face aux robocops des forces de l'ordre enflent la colère et l'imaginaire. Les batailles décuplent l'envie de batailles ... jusqu'à ce que cela aille trop loin, trop de blessés, trop de prisons, trop de souffrance. Tout s'essouffle alors, et tout redevient comme avant. Et même s'il y a vraiment guerre brutale et terrible, à la fin, tout s'essouffle et qu'importe le vainqueur, le même système sempiternel avec des maîtres et des esclaves se remet en place. Tous et toutes abasourdies, l'énergie envolée, s'en remettent encore à ceux qui lorgnent le pouvoir. L'énergie nécessaire pour que nous nous mettions enfin en route pour créer de nouveaux systèmes libérés des carcans millénaires de domination nous sera encore volée par la violence et la haine. Nous sommes nos propres esclaves de nos cerveaux endommagés par les siècles passés et les conditionnements reflexes. /.
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Mel Sherwood Aquarelle, 2016
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Populie
Le traité des couleurs de goethe Clair et obscur, lumière et ténèbres, séparation duelle primordiale, se trouvent au cœur du méconnu Traité Des Couleurs de 1810. L’auteur de Faust, a développé sa thèse scientifique maîtresse sur près de (dit-on) deux milles pages et plusieurs dizaines d’années, selon un procédé qui continue de faire se dresser les cheveux des disciples de Newton. Il ne s’agit pas pour Goethe de questionner les détails de la thèse newtonienne des couleurs, de pointer des limites ici ou là, mais d’abandonner radicalement la méthode qui a permis de l’échaffauder pour proposer une sorte de description phénoménologique des couleurs, la façon dont elle émergent à notre vue. Plus loin, Goethe se propose de repenser le procesus scientifique à partir de l’observation attentive du vivant, dont nous sommes. Dans sa jeunesse il révèle déjà un intérêt holistique pour la connaissance de la nature qu’il laisse deviner dans cette pensée, parlant des papillons captifs de l’entomologiste : « Le pauvre animal palpite dans le filet et perd en se débattant ses plus belles couleurs et même si on réussit à l’attraper intact le voilà quand même pour finir épinglé rigide et sans vie ; le cadavre n’est pas la totalité de l’animal quelque chose d’autre en fait partie,… partie principale des plus principales : la vie(…). »
Il s’agit donc d’une proposition épistémologique 1 « en creux » comme on aime à dire (c’est à dire en filigrane), au sens où loin de se borner à discuter une thèse en particulier, le traité suggère de refonder la méthode scientifique elle-même. Dans une dynamique inverse de la Tradition que Goethe répugne à affliger ou effacer, la science moderne « épingle » les parties en les isolant du tout, spécialise plus que jamais les objets d’études, « tuant » par là la possibilité de connaître ce qu’il serait bon d’appeler le Complexe-Vie. La première conséquence de ce procès a l’inconvénient de mettre à jour un certain degré d’irréconciabilité, 1 L’épistémologie est l’étude et la discussion des critères de la science. Hildegarde / N°1 / 1er Juin 2016
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voire des paradoxes essentiels, entre modèles coexistants admis par nos manuels scolaires. Dans la contemporanéité scientifique, nous nous trouvons donc embarrassés de « chaînons manquants », de « matière sombre » et autant d’expressions lexicales l’idée de l’héliocentisme –la évocatrices du vide ou autres terre tourne autour du soleil fissures dans notre malgré les apparences- étant les connaissance actuelle de la meilleurs exemples cartésiens nature. de réfutation de nos perceptions premières. Mais de Une méthode révolutionnaire ? la relativité certaine de nos sens Certainement, si on comprend au relativisme absolu (qui, le terme « révolution » en son poussé à son terme, nie acception astronomique de nécessairement l’existence retour à une position initiale, factuelle du vrai et en car comme nous le savons, les conséquence la possibilité de Anciens mêlaient physique et l’illusion, et éventuellement du métaphysique dans leurs mensonge) il y a un pas que discours, science et poésie. Goethe ne franchit pas, quand Mais le Traité de Goethe n’est il résume ainsi : certainement pas un de ses « Les sens ne trompent récits mythiques.
Science goethéenne Pour recontextualiser au delà de Newton, il faut se souvenir que René Descartes, éminence de la recherche optique, avait deux siècles auparavant jeté un soupçon radical sur la fiabilité de nos sens en les qualifiant de « trompeurs », pour se réfugier en dernière instance dans une quasi indubitabilité des vérités mathématiques. L’exemple des illusions d’optique –le bâton qui semble cassé quand il est à moitité plongé dans l’eau , ou Hildegarde / N°1 / 1er Juin 2016
pas, c’est le jugement qui trompe. » Goethe, Maximes en prose 4
A rebours de la démonstration cartésienne et de l’abstraction mathématique de Newton, le fond de l’affaire de la science goethéenne est de reprendre confiance et contact avec les informations brutes délivrées par nos sens, d’en faire le premier fondement objectif de nos connaissances en les désolidarisant autant que possible de nos filtres et nos conditionnements mentaux.
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Un œil sain (c’est à dire sans pathologie physique particulière) ne peut tromper, il agit selon sa nature : il voit, tandis que le cerveau interprète l’information reçue en fonction de son modèle intérieur et personnel du Monde qui in fine filtre la perception, sélectionnant certains points perçus de la réalité pour en ignorer d’autres. (On voit bien ce phénomène à l’oeuvre dans certains cas d’autisme, où l’absence d’une certaine forme de filtre interprétatif/subjectivité chez la personne qui en est atteinte permet des performances inouïes de la mémoire objective…) Goethe se propose en quelque sorte de court-circuiter cette interprétation mentale et de relever, décrire et analyser les sensations au plus près de leur im-médiateté (c’est à dire sans la médiation du jugement)2. Toujours tenue écartée de l’Académie des sciences, la On note que cette démarche est proche de certaines pratiques méditatives dite de « pleine sconscience » qui préconisent de voir sans juger ou de contempler sans s’identifier.
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démarche de Goethe reste pourtant bien vivante de nos jours grâce à des promoteurs célèbres comme Rudolf Steiner, en particulier dans le domaine de la biodynamie paysanne qui préconise l’observation attentive de la formation et la croissance des végétaux pour répondre au mieux à leurs besoins. Laissons le mot de la fin à un célèbre phénoménologue: « Goethe possédait le fidèle regard objectif qui se plonge dans la nature des choses : Newton n’était qu’un mathématicien, seulement empressé de mesurer et de calculer, et basant ses fondements sur une théorie décousue du phénomène superficielement saisi. C’est la pure vérité. Cela dit, grimacez maintenant à votre aise. » Schopenhauer. Rendez vous à la page programmes télé de cette revue pour retrouver un documentaire sur le sujet du Traité des couleurs de Goethe.
A mettre dans ton walk-man
Virginie di Ricci Lecture publique de fragments extraits de l'oeuvre de Antonin Artaud par Virgnie Di Ricci dans le cadre du Théâtre de l'auto-dévoration, cycle proposé par Pacôme Thiellement à l'invitation de Bandits-mages.
https://vimeo.com/112171034#t=NaNs
Déçu (en bien) par la réalité
Une pièce radiophonique tragi-‐comique en 3 actes. Acte 1, scène 1 : le visionnage du film Carpicorn One / Productions Hildegarde
http://picosong.com/BtJe/
Extrait de Les Druides de Françoise Leroux Paragraphe « La magie végétale et la médecine magique » à partir des écrits de Pline (11mn57)
http://picosong.com/BdvP/
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Lena Ghio, l’ « Emerge Art » Lena Ghio est une plasticienne québéquoise, elle pratique ce qu’elle a nommé EMERGE ART, entre photo-art et divination. Elle se donne pour méthode de faire « parler l’eau » en plaçant des bocaux remplis devant des livres ouverts. Léna considère l’image parue et améliorée via photoshop comme un message de la nature en langage symbolique qui nous est destiné. L’eau miroir, les messages subliminaux, la fonction chamanique ancestrale de l’artiste, la fonction créatrice du spectateur, il y aurait beaucoup à gloser, mais ne déflorons pas trop son travail : une sybille doit rester sybilline, n’est ce pas ?
L’eau fait ici émerger le portrait d’un homme grimaçant
>Voir davantage d’images et comprendre le procédé de l’ « emerge art » de Léna Ghio en vidéo: https://vimeo.com/165498781
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Jebediah Kowalski UN PIED DANS LA TOMBE, ET L’AUTRE, HORS DU PAYS Les phares du pick-up balayaient la route qui serpentait à flanc de la montagne. Après quelques lacets abrupts, il arriva sur un terre-plein. La région était caillouteuse, mais derrière la grille, la pelouse artificielle luisait, et la douzaine de tombes brillaient d’une lueur verdâtre sous l’effet des halogènes de la voiture. Il coupa le contact, mais laissa les phares allumés, sortit de la caisse, poussa la grille et pénétra dans le petit cimetière. Le petit village d’une trentaine d’âmes vivait depuis près d’une centaine d’années, essentiellement des mobiles-home, souvent posés sur des tas de briques, devant lesquelles s’entassaient des carcasses de voitures rouillées, des vieux outils et quelques poules maigres. Personne ne s’était fait enterrer ici depuis au moins une trentaine d’années. Personne ne voulait vraiment vivre ici, et y crever semblait une idée complètement stupide. Crever est une idée stupide de toute façon, pensait-il. On ne choisissait jamais vraiment comment, alors à quoi bon se donner de la peine. Il cherchait le nom sur la tombe, essuya quelques stèles poussiéreuses, et tomba en fin de compte sur ce qu’il cherchait. « Je vous dirais comment c’est quand j’y serai. » Le vieux grigou, se dit-il. Toujours goguenard, même face à la faucheuse. Il éteignit les phares, pris la pelle et la pioche dans le coffre et retourna à l’emplacement. Avant de s’y mettre, il sortit une flasque de sa poche et but une longue rasade, regarda les étoiles, reprit une gorgée, et commença à creuser. Environ une heure et quelques cigarettes après, la flasque était vide et un monticule de terre se dressait à côté de la pierre tombale grise. Sa pelle heurta le
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bois avec un bruit sourd, et il se contenta non plus de creuser, mais il dégagea la boite dans laquelle se trouvait le vieux brigand. Il prit une pause bien mérité, s’essuya le front d’un revers de la manche, releva sa casquette et contempla le cercueil. Un sourire vint frémir le long de ses lèvres. Si tout allait bien, il serait bientôt riche d’une centaine de milliers de coupures, peut-être même plus, puisque le vieux avait emporté le secret de sa richesse avec lui. Son esprit explorait toutes les possibilités de dépenser tout ce foutu argent. Et il y en avait tellement qu’il renonça rapidement. Un putain de magot, en tout cas, se dit-il. Faut être fou pour croire qu’on peut emporter ça dans l’au-delà. Mais il fallait être encore plus fou, ou désespéré, ou les deux, ou peut-être au contraire plein d’espoir, pour s’acharner pendant presque quarante ans à gratter le sol, à se casser le dos et les muscles pour quémander à la terre sa paie en métal précieux. Tout ça pour finir par s’enterrer avec son fric. « Donne ton amour comme bouddha eut donné son argent, car ni l’un ni l’autre ne te serviront à soudoyer le passeur. Il ne t’attend pas. C’est lui qui vient te chercher. » Probablement une des seules phrases sensées que lui avait dit sa mère. Mais elle avait fini dépressive chronique, maigre comme un clou, à manger des conserves passées de date, dans son appartement minuscule. Peut-être avait-elle trop donné. Ou pas assez. Sa rancœur l’avait étouffée et elle était morte sans jamais avoir été satisfaite. Pas étonnant quand on n’a que l’argent ou l’amour, pensa-t-il. Il souleva le couvercle. Le corps cramoisi du vieux était là, les bras croisés sur sa poitrine, squelettique et desséché, comme la bouche d’une vieille harpie aigrie et frigide. Sa tête était décharnée, son cou pareil à celui des poulets faméliques qui trainaient dans les basses cours en cherchant des grains ou bien des vers, et ne trouvant que la poussière à se mettre sous le bec, et sa bouche entre-ouverte comme un trou du cul de cancéreux diarrhéique. Il fouilla le coussin pourpre dans tous les recoins avant de mettre la main sur la bosse que formait la bourse dans la doublure de soie du cercueil. ./.. Il saisit son canif, et déchira le tissu. Une poche en cuir lui tomba dans la main. A l’intérieur, pas de pièces d’or ni de pépite d’une taille rocambolesque. Des coupures de papier. Attachés entre elle par des petites agrafes de métal. Il en sortit une liasse. Des bons au porteur. Le tout devait dater des années 40. Du crédit d’Etat. Les particuliers achetait ça, et le gouvernement pouvait financer sa guerre, ses sous-marins, ses armes, et envoyer toute une génération se faire tranquillement dégommer dans un uniforme neuf pour libérer le monde des tyrans. Le tout contre la promesse d’un remboursement si on gagnait. Il fallait vraiment être con comme un manche à balai pour croire que ces bouts de papiers valaient quelque chose. Mais à l’époque, le crédit à la consommation n’existait pas, et il fallait bien payer le bœuf de Kobe aux officiers.
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Et les alliés avaient gagné la guerre. Alors peut-être que ces merdes de papiers bleus avaient de la valeur. Il referma la lanière autour du cuir usé, et fourra le tout dans la poche de sa veste. Demain il irait voir combien il pourrait en tirer. Surement un bon pactole, puisque les Nazis avaient crachés au bassinet en 45. Heureusement qu’il restait toujours des bons pour qu’on sache où se cachent les mauvais. Sans quoi, on n’aurait jamais pu faire la différence. Il déboucha la flasque et reprit une gorgée. Un putain de pactole. Un vrai putain de pactole. - Ça vaut rien. C’est des bons au porteur russes. - Et alors ? Les russes ont gagné aussi, non ? - Oui. Mais depuis, leur monnaie en a pas mal pris un coup. - Deux millions et demi de morts tout ça pour prendre Berlin, un Youri Gagarine dans l’espace et un accident nucléaire avant tout le monde, et tout ça ne vaut pas une cacahouète ? - Pas un radis. Vous pouvez toujours essayer les numismates. Peut-être qu’ils vous en reprendront un ou deux, pour le souvenir. - C’est tout ? - Si vous avez des timbres de cette époque, je connais quelques philatélistes qui pourraient éventuellement être intéressés… - Laissez tomber. - Ils paient cash. - Combien ? - 2,25 le timbre si c’est américain. Si c’est du côté des Rouges, la côte descends à 75 cents. - Merde. - C’est à peu près tout ce que ça vaut. Désolé. - Et moi je suis désolé pour la Sainte Mère Russie. - Vous êtes communiste ? - Nan je suis juif. - C’est mieux de nos jours. Les Rouges se prennent une branlée MONDIALE. - Pas étonnant si leur monnaie ne vaut plus rien. Il claqua la porte du magasin en sortant, s’alluma une cigarette, et monta dans le pick-up. Quelle merde. Tout ce que le vieux lui avait laissé, c’était un tas de vieux papiers sans aucune valeur. Tout juste bon à apprendre le cyrillique. Et encore. Vieux gredin. Il devait bien se foutre de sa gueule depuis son chaudron où le Diable le cuisinait depuis 50 ans. J’espère qu’il a mis assez de piment dans la farce pour que ton trou du cul te brûle pour l’éternité, vieux dégueulasse, se dit-il. Ses 20 derniers billets étaient passés dans une bouteille de Tequila et un paquet de cigarettes. Elle buvait de la Tequila avec lui chaque fois que l’occasion se présentait. Ça lui faisait penser qu’il n’avait foutrement aucune idée de comment il pourrait la rejoindre. De toute façon, rien n’était moins sûr. Il n’y avait que lui Hildegarde / N°1 / 1er Juin 2016
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pour être capable d’attendre l’argent d’un mort pour faire sa vie. Et il y aurait fort à parier qu’elle ne l’aurait pas attendu pour vivre, ce qui était somme toute assez normal. Il se dit qu’il avait déjà trop attendu de la part des vivants pour laisser un cadavre lui dire ce qu’il devait faire. Et les morts était apparemment aussi peu fiables que les vivants. Il partirait la semaine prochaine, le temps pour lui de liquider ce qu’il avait ici, régler deux ou trois choses qui n’avait maintenant qu’une importance secondaire, et préparer ses affaires. Peut-être qu’il lui restait une chance de rattraper le cours de sa vie à temps, de sentir encore un fois le gout de ses lèvres sur son torse, et de boire le vin à même son museau rieur. Sait-on jamais. Si ses rêves à lui avaient disparu, peut-être qu’elle serait toujours au même endroit. Il ne pouvait s’empêcher d’y penser. Sur le chemin du retour, pendant qu’il roulait, il ouvrit la fenêtre du pick-up, desserra les lanières de cuir de la bourse, passa le bras par l’ouverture, et, dans le rétroviseur, il regarda les petites coupures de papiers bleu s’envoler derrière lui dans le vent. Il alluma la radio et accueilli la chanson avec un sourire. Pick me up when rose are shattered, When false friends cannot be found Oh you know I’ll still be drinking, Pick me up on your way down ./.
Photographie Dario Siena Fulci
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Courrier lecteurs : popieulalice @yahoo.fr
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Programme Soirée vidéo entre amis Thématique :
Le visible et l’invisible La lumière, L’obscurité, les couleurs H. Boetius, M.-L Lauridsen, M.-L Lefevre https://youtu.be/ARkldz8Im2w Contre les travaux de Newton, Johann Wolfgang von Goethe développe une théorie des couleurs tout à fait différente, à partir de l’observation de la lumière et de la pénombre. Ce docu produit par Arte est un appel vibrant pour un retour aux sens, dans une société où les écrans sont partout, et vont jusqu’à se glisser entre l’oeil et l’esprit; une juste démonstration pour pour “dé-voir” le monde.
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Ce Gamin-là R. Victor
Room 237
https://www.youtube.com/wa tch?v=i20VWKO9Sdk
R.Ascher
“La rencontre (fin 1966) de Deligny avec Janmari, enfant de 12 ans déclaré « encéphalopathe profond », est à l’origine de la création d’un réseau de prise en charge d’enfants autistes dans les Cévennes. Deligny invente un dispositif spatial, des coutumes, une cartographie, une langue infinitive. Entre 1972 et 1974, Renaud Victor tourne un document sur le réseau, centré sur le personnage de Janmari. Le film coproduit avec François Truffaut sort en salles en 1976.” Un film d’une beauté folle, nous montrant des personnes d’une beauté folle, qui raconte la lutte, les stratégies, les inventions minutieuses d’une petite armée de nobles chevaliers pour “apparaître”, devenir enfin visibles aux yeux de leurs protégés.
Hildegarde / N°1 / 1er Juin 2016
https://vimeo.com/143734339
Un documentaire fascinant de 2012, disons une analyse cryptosymbolique (et filmique) de l’oeuvre de Stanley Kubrick, et principalement de "The shining". Complètement amazing, aussi amazing que le "maze" (labyrinthe) du film. L'ensemble de son oeuvre semble être une collection de manifestes ésotériques construits pour perdre les exégètes (car ils se perdent parfois, il faut l'avouer, à travers le fatras de leurs filtres interprétatifs). Il reste une question sans réponse : Mais qui était ce Kubrick ? De quel esprit des profondeurs était-il l'auxiliaire ?
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Recette de déodorant maison avec des produits naturels
J'ai choisi cette recette en faisant quelques recherches sur internet. Les produits sont simples à trouver et pas très cher. Pour les ingredients, vous aurez besoin de : - bicarbonate de cuisine - fécule de maïs - huile essentielle d'arbre à thé - huile d'argan (j'ai testé avec cette huile parce que je l'avais dans mon placard mais d'autres peuvent faire l'affaire, comme de l'huile d'amande douce qui est bien-sûr moins chère) Il suffira de mélanger une demi-tasse de bicarbonate avec une demitasse de fécule, ensuite on ajoute 10 gouttes d'huile essentielle d'arbre à thé puis on amalgame le tout avec quelques cuillères d'huile d'argan ou autre. Personnellement, j'ai mis un peu trop de fécule et de bicarbonate, donc évitez d'en faire pour un régiment. Une petite tasse suffira pour ce premier essai. La texture ne doit être ni trop liquide ni trop poudreuse. Puis on finira le mélange, afin de former une pâte, le mieux est de se procurer un vieux stick déo et de mettre cette pâte dedans. Si vous n'avez pas de vieux déo stick sous la main, eh bien procurez-vous en un. Ce sera bien plus simple à l'application. Au pire, achetez un déo stick pas cher et videz-le de son contenu. Pour finir, laisser ce stick tranquille deux jours avant de l'utiliser. Nathalie
Hildegarde / N°1 / 1er Juin 2016
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Prière des bâtisseurs de cathedrals (XIIIème siècle) Apprends-moi, Seigneur, à bien user du temps que tu me donnes pour travailler et à bien l’employer sans rien en perdre. Apprends-moi à tirer profit des erreurs passées sans tomber dans le scrupule qui ronge. Apprends-moi à prévoir le plan sans me tourmenter, à imaginer l’œuvre sans me désoler si elle jaillit autrement. Apprends-moi à unir la hâte et la lenteur, la sérénité et la ferveur, le zèle et la paix. Aide -moi au départ de l’ouvrage, là où je suis le plus faible. Aide-moi au cœur du labeur à tenir serré le fil de l’attention. Et surtout comble Toi-même les vides de mon œuvre. Seigneur, dans tout labeur de mes mains laisse une grâce de Toi pour parler aux autres et un défaut de moi pour me parler à moimême. Garde en moi l’espérance de la perfection, sans quoi je perdrais cœur. Garde-moi dans l’impuissance de la perfection, sans quoi je me perdrais d’orgueil. Purifie mon regard : quand je fais mal, il n’est pas sûr que ce soit mal et quand je fais bien, il n’est pas sûr que ce soit bien Seigneur, ne me laisse jamais oublier que tout savoir est vain. Et que tout travail est vide sauf là où il y a amour. Et que tout amour est creux qui ne me lie pas à moi-même et aux autres et à Toi Seigneur, enseigne-moi à prier avec mes mains, mes bras et toutes mes forces. Rappelle-moi que l’ouvrage de ma main t’appartient et qu’il m’appartient de te le rendre en le donnant. Que si je fais par goût du profit, comme un fruit oublié je pourrirai à l’automne. Que si je fais pour plaire aux autres, comme la fleur de l’herbe je fanerai au soir. Mais si je fais pour l’amour du bien je demeurerai dans le bien. Et le temps de faire bien et à ta gloire, c’est tout de suite.
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Amen
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