Fanzine Hildegarde n°10 Avril 2017

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Radical Ridicule

Science et Pouvoir (1)

Fanzine Hildegarde / Numéro 10 / 28 mars 2017

Les glandes


Dessin de couverture : Harmonic Universe, Daniel Martin Diaz http://danielmartindiaz.com/ Voir aussi p. 12

SOMMAIRE Dossier Science et Pouvoir (1) / page 5 Illustrations de Daniel Martin Diaz et Walter Russell / pages 5 à 12 Chronique vidéo, N. Leroy et la cybernétique / page 13 Yann Ricordel-Healy, Déconstruire Paris / page 17 Dossier Radical Ridicule / page 22 Photo Pascal Servera / Page 22 René Doutressuis, Journet de la fame sur Fronce Culture / Page 23 Natyot et Karine Castelneau / Pages 24-25 Dee Dee Demille, illustration / page 26 Stephanie Lucie Mathern et Paul Fréval, Rencontres / page 27 Bérénice Duprès, Table Rase et Apocalypse / page 30 Charles Baudelaire, Fusées / page 31 Dessin d'Aurélie Lanchais / page 33 Dossier Les Glandes Dessin de Filipo Tetedevo / page 34 Jean du Chazaud, l'endocrino-psychologie / page 35 Dessin de Cendres Lavy / page 36 Jérémy Platey, Audur et Gundar / page 37 Marine, Sabaï dii / page 39 Dates favorables Avril selon le calendrier lunaire / page 44 Odonchimeg Davaadorj, Petit souvenir / Page 45-46-48 Contact / page 47

Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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Editorial de Populie

J'ai rêvé que je battais la campagne avec une sorte de vagabond ayant échappé à la vigilance de ceux qui travaillaient à faire taire ses visions prophétiques. Un Artaud ou un Walser qui serait passé par la fenêtre de sa cellule pour déciller le monde, ou juste prendre l'air. Le soir venu, nous pénétrâmes dans une sorte de musée assez monumental pour faire penser à un temple romain. Il était rempli d'une foule muette, debout, amassée en cercle autour d'une scène, une pièce en train d'être jouée. Les spectateurs étaient en transe, comme hypnotisés. Nous voici soudain au centre du cercle, mon compagnon et moi. Comme il advient dans les rêves où le corps ne se soumet plus à la volonté, aucun son ne put me sortir de la gorge. Voici ce que je criai en silence, toutes veines de mon cou tendues :

MORT AU SPECTACLE !

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L'Empire empira et périt.

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Science et Pouvoir (1) Pensées radicales

Daniel Martin Diaz, Cellular automaton Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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L'état est un moyen pour la science "La science permet aux experts d'encadrer toute une population (...) C'est grâce à l'autorité de l'état que la science peut gouverner les hommes, ceux qui ne savent pas. (...) Les maîtres penseurs mettent sur orbite des croyances et des valeurs auxquelles tout le monde intellectuel croit, à savoir la science." André Glucksman à propos de son livre Les maîtres penseurs Emission Apostrophe, "les nouveaux philosophes sont-ils de gauche ou de droite ?", 1977

La science est un mode de gouvernement "« La science a prouvé que… » D’où nous vient cette idée selon laquelle la science serait garante du vrai ? Guillaume Carnino propose une enquête historique et généalogique permettant de comprendre pourquoi et comment, en France, à l’heure de la IIIe République, cette idée en est venue à être unanimement partagée. Il dévoile les rouages de la carrière de savants comme Louis Pasteur, mais aussi l’histoire de simples artisans et pêcheurs dont les découvertes furent convoitées par les industriels. Il montre de quelle manière l’image d’un Galilée anticlérical a pu être fabriquée et renouvelle le regard que l’on porte sur la mise en place de l’école gratuite et obligatoire par Jules Ferry. Parallèlement à la décision démocratique, la pratique scientifique devient peu à peu un mode de gouvernement des êtres et des choses, qui marque l’avènement de la civilisation des experts. La science, désormais auréolée d’un prestige quasi religieux et présentée comme pure – c’est-à-dire indifférente aux intérêts individuels –, se révèle finalement un moyen d’administrer la société autant que de transformer la nature par l’industrie." 4ème de couverture de L'invention de la science, la nouvelle religion de l'âge industriel de Guillaume Carnino

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L'esprit de système et le rationnel nous rassurent... et nous rendent parfois sourds à la vie.

"Vous pensez que l'univers est rationnel et qu'il y a une justice. Vous y croyez. C'est votre vision du monde. Et puis, vous sortez avec votre costume tout neuf et un type vous vide dessus un pot de chambre. Votre costume est fichu et ça n'a aucun sens. Ça détruit complètement votre système. En un clin d'œil. Vous n'avez pas d'explication. Alors vous allez vous construire un autre système, vous dire que vous êtes coupable d'un péché dans une vie antérieure, ou que le type est votre ennemi ou qu'il est jaloux. Et vous allez vous bâtir système après système, et aucun d'entre eux ne sera valable, parce qu'en fait le geste du type n'avait aucun sens. Des systèmes comme cela ne vous permettent pas de fonctionner parce qu'ils sont trop rigides. Ils vous font croire que vous savez tout et quand vous rencontrez quelque chose d'inattendu, le système s'écroule, ou vous devenez cinglé, ou vous niez ce qui vous est arrivé. J'ai remarqué que quand quelqu'un dit quelque chose d'étrange, quelque chose qui ne colle pas avec des systèmes connus, la moitié des gens qui sont là n'entendent même pas. Leur ouïe leur transmet bien l'information, mais ils la rejettent." Philip K.Dick Entretien réalisé à Fulerton, en septembre 1972, (traduction dans Science et Fiction, Spécial Philip K. Dick, Denoël, 1986.) Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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Walter Russell, 1955 Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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L a science du passé est la religion du présent

"C'est une opinion généralement admise, que la religion et la science sont opposées l'une à l'autre. Elles le sont en effet, mais seulement par rapport au temps, c'est-à-dire que ce qui était considéré par les contemporains comme science, devient très souvent religion pour leurs descendants. Ce qu'on désigne ordinairement par le nom de religion est le plus souvent la science du passé, tandis que ce qu'on appelle science est en grande partie la religion du présent." Léon Tolstoï Article "le non-agir" écrit en français en réponse à un discours de Zola pour un périodique français. (trouvable sur internet)

La science existe par et pour un groupe social "Thomas Kuhn (a montré) que la Science n'existe que par l'existence d'un groupe sociologique de scientifiques qui lui donnent sa tendance et son explication. L'identification du Savant à la Science se double nécessairement de l'identification de la Science au Savant. La défense du système technicien s’effectue par la défense de la technique par un groupe social qui se défend lui-même en défendant la technique qui est sa raison d’être, sa justification, son moyen de gagner sa vie, d’avoir du prestige, etc." Jacques Ellul Le Système technicien, Paris, Le cherche midi, 2004. p.124

(davantage de Jacques Ellul au prochain numéro)

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Daniel Martin Diaz, Creation

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Daniel Martin Diaz , Transformation system

Walter Russell

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Daniel Martin Diaz

Art is a reflection of ourselves, the story of humanity, and a quest to understand the physical and metaphysical world. As we try to understand our place in the universe, art can be an important part of the dialogue we can create and share with each other. In my work, I seek to reveal the mysterious with arcane imagery and techniques that make sense to me on a deep level that words cannot quantify. There is an underlying dichotomy of the power of technology and our quantum connection to it and our Universe. How might our use or misuse of technology permanently alter the future of humanity and what is our personal responsibility of our effect on the world and each other? It is my attempt to capture the complexity and beauty of the underlying mechanisms that bind us in an emotion.

L'art est un reflet de nous-mêmes, de l'histoire de l'humanité, et une quête pour comprendre le monde physique et métaphysique. L'art peut être une part importante du dialogue avec l'autre, dans la tentative de comprendre notre place dans l'univers. Dans mon travail, j'essaie de réveler ce mystère à l'aide d'images énigmatiques et de techniques qui me sont propres, faisant sens à un profond niveau intérieur, difficilement communicable. Il existe des courants contraires liés au pouvoir de la technologie et à notre rapport quantique à elle et notre Univers. Comment notre usage de la technologie pourrait-il influencer définitivement le futur de l'humanité, et quelle est notre responsabilité personnelle vis à vis de notre empreinte sur le monde et sur autrui ? Je tente de capturer la complexité et la beauté des mécanismes sous-terrains qui nous relient grâce à l'émotion. (Traduction A.P)

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Chronique Vidéo par Populie Nathanael Leroy, la cybernétique

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L'idée, c'est de faire passer l'autoritaire

Toute l'interview à voir : "cybernétique 1/2 "qu'est ce que la cybernétique?" chaîne Université réelle Montpellier https://www.youtube.com/watch?v=2cPp-ZVW1VA Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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Science, pouvoir et fiction

Citation de la Bible sur la tombe de Wernher Von Braun, un des co-fondateurs de la NASA avec Walt Disney.

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Yann

Ricordel-Healy

Déconstruire Paris Il faut déconstruire Paris. C’est très important, il faut s’y mettre vite, dans les semaines à venir, je vous donnerai les explications plus tard, vous comprendrez, j’espère, mais croyezmoi il faut le faire.

Je ne parle pas de détruire Paris, de bombarder Paris, comme cela aurait pu être le cas en 1944 sur l’ordre d’un Adolf Hitler ayant sombré dans la déraison, croyant encore pouvoir gagner la guerre alors que la bérézina était sûrement en marche, si le gouverneur de la capitale occupée, le Général Dietrich von Choltitz, ne s’y était pas fermement opposé, espérant ainsi ne pas être trop sévèrement jugé en tant que prisonnier de guerre ce qui s’est avéré un très bon calcul, puisque malgré sa participation au génocide des juifs pendant la campagne de Russie, il sera relâché dès 1947 et mourra de sa belle mort à Baden-Baden, en 1966, à soixante dix sept ans. Je ne parle pas non plus de rénover, refondre, repenser Paris comme le souhaitait Le Corbusier (et il faut reconnaître qu‘un Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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Reconstruction du temple d'Abu Simbel entre 1964 et 1968

Je ne parle pas de déconstruire Paris simplement avec des mots, d’appliquer à cette ville, à ce qu’elle concentre de mythèmes, cette très incertaine méthode que Jacques Derrida a précisément nommé « déconstruction ».


Je parle, très concrètement, de dé-construire Paris, de desceller chaque pierre des hôtels de rapport qui sont l’unité de base du Paris haussmannien, s’alignant selon une réglementation stricte des façades, du Paris d’une nouvelle aristocratie honteuse de cette ville obscure, moyenâgeuse, sale jusqu’à l’insalubrité, exhibant impudiquement ses pauvres, ses malades, ses débiles, qui y a percé de larges voies pour éviter que ne se réitèrent les barricades de la Commune, apprêtant les monuments et les bâtiments de prestige comme les tableaux et les bibelots de leurs propres intérieurs cossus. Il faut casser le béton, dessouder les poutrelles métalliques, déboulonner, désencastrer, désassembler, défaire ces strates de briques, de bois, d’aluminium, d’acier, de matériaux d’isolation, de Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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Reconstruction de Stonehenge entre 1954 et 1958

bombardement de Paris par la Wehrmacht aurait rendu cette tâche non seulement nécessaire mais plus simple), qui en a donné une préfiguration à l’échelle d’un arrondissement en 1922 et 1925 dans son Plan Voisin, fait de grands immeubles cruciformes orthogonalement répartis, respectant les proportion du Modulor de ce grand humaniste, ménageant de grandes voies aérées qui à terme aurait dû inscrire Paris comme un centre parmi d’autres dans un réseau dynamique à l’échelle de l’Hexagone, laissant largement la place à des zones arborisées, conservant les monuments historiques érigés par des hommes fats qui voulurent inscrire leur nom dans la pierre et dans l‘Histoire, sans leur donner trop d’importance, comme de vieux souvenirs qu‘on regarde sans nostalgie, et même avec un peu d‘amusement, mais sans moquerie, comme un médecin bienveillant visitant un sympathique grabataire un peu dément à l‘article de la mort.


matériaux composites de haute technologie, de zinc, de cuivre, de plastique, de plexiglas, d’altuglas, de graviers, d’asphalte, démanteler les réseaux électriques, téléphonique, de fibre optique, de vidéosurveillance, de bornes wifi. Avec les gravats, les fragments, nous pourrons combler le réseau métropolitain, les égouts, les catacombes. On préservera les parcs et jardins, mais on retirera les barrières, les statues, les plaques commémoratives pour donner toute leur place au règne végétal et animal. On videra les musées, on brûlera les tableaux de maîtres sans s'en émouvoir, sans manifestation de joie ni de tristesse. Pour ce travail il faudra s’organiser en unités, sans hiérarchie mais solidaires et rigoureuses dans le travail, quelques dizaines par arrondissement peut-être. Tout cela devra se passer dans le calme, sans ressentiment, sans acrimonie, sans non plus cette euphorie qui immanquablement, par une structuration particulière de la psychologie humaine, fait péricliter les révolutions, qui ne sont jamais que des exutoires, des moments cathartiques permettant de reconduire l’ordre ancien en donnant l’illusion du changement. Alors Paris deviendra un lieu neutre, sans source ou rocher aux vertus prétendument magiques, sans plus d’églises dans lesquelles on espérait dans le monde ancien, de manière tout à fait irrationnelle, se rapprocher de dieux aussi factices que le Progrès, la Modernité, la Contemporanéité, l’Actualité, la Mode, la Consommation. Nul ne voudra plus être le plus parisien des parisiens, présenter son Paris comme le plus beau des Paris, il n’y aura plus de Paris secret, de Paris interlope, il n’y aura plus de Paris du tout, et les populations des banlieues, des villes-dortoirs pourront venir sans crainte, les voyous se déprendront de leur attitude de gros durs pour redevenir hommes, tout simplement, peu à peu l’anxiété, l’excitation disparaîtront, on dormira quand on sera fatigué, on regardera se coucher et se lever le soleil, on vivra de peu, de ce qui est nécessaire pour vivre, on construira des tentes comme les touaregs du Sahara, des cabanes, on parlera, ou on se taira, on se rassemblera, celui qui préfèrera être seul pourra le faire sans crainte d’être jugé, puis revenir vers les autres s’il le souhaite, on n’attachera son cœur et son esprit à rien de particulier, on ne spéculera pas sur l’avenir, sur ce que le monde devrait être. On sera libre./. Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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Radical Ridicule

Pascal Servera Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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René Doutresuis Journet de la fame 2017 sur Fronce culture Oh mais dites donc c'est vraiment esstraordinaire qu'une femme elle soille plombier ! C'est génial. Ouaou, elles savent aussi réparer des trucs, il faut faire un film là dessus, une histoire qui fera plein de larmes et de bénéfices + un discours aux "oscars" sur les femmes qu'elles sont pareilles que les hommes, olala que ce sera courageux pour cette actrice qui fera ce discours plein de risques ! Les femmes, elles pourraient avoir du salaire en plus, il faudrait du pouvoir d'achat pour les femmes ! On doit se battre, il faut, on doit, ON DOIT SE BATTRE battez-vous, battons-nous, mettons-nous sur la gueule pour le pouvoir d'achat de la femme, parce qu'elle doit acheter du maquillage et des serviettes d'hygiène et ça les hommes y z'en ont même pas besoin et pourtant ils ont plus de salaire, vous croyez pas que c'est pas normal ? Vous diriez "oui, c'est normal", vous ? Ah bon j'ai eu peur. On devrait inventer une loi pour obliger les femmes à devenir pédégères. On devrait inventer une loi pour obliger les femmes à devenir présidentes de la république et capitainettes d'industrie. Pourquoi ? Parce que c'est trop la classe, le meilleur métier du monde, la preuve on se fait beaucoup d'argent, on a beaucoup de pouvoir. Le plafond de verre, faut le faire exploser, quoi. Tous-tes en-se-semble. Et ça, c'est ce que doivent vouloir les femmes désormais ! Les vraies, quoi. Supprimer le congé de maternité, ou alors tout pour le père s'il y en a un, allez hop à la suédoise comme ça plus d'entrave à la carrière. Les bébés faits dans les usines à bébés en Inde, ce serait très bien, ça libèrerait la femme. Sauf celles qui font les bébés dans les usines à bébé. Mais c'est rien, elles, elles auront un salaire en portant les bébés, alors ça va. (un salaire pas trop mal pour le tiers monde) Elles auront du pouvoir d'achat, alors elles seront contentes. C'est pareil que de travailler dans des usines à Aïephone après tout, sauf que tu fous rien de la journée, donc c'est pas trop mal pour ces femmes du tiers monde. Tout ce qui compte c'est que la femme elle puisse s'acheter des trucs avec son salaire, ça oui, ça c'est la liberté. Ah oui, et de faire l'amour avec qui elle veut, ça oui, elle a le droit aussi : ça c'est vraiment formidable pour un être humain. En fait, il faut bien comprendre que la souffrance de la femme est énorme. Immense. Elle a besoin de dédommagements, la femme : des sous. Pour consommer. /.

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Natyot La femme est perdue. Elle a voulu s’envoler, et dans la joie d’être ailleurs, elle s’est perdue. Ne trouve plus sa direction. Elle regarde vers le bas avec la peur de tomber, et puis elle rit dedans, parce qu’elle a tout lâché, tout laissé derrière elle. Ce n’étaient que des broutilles, pense-t-elle en respirant un bon coup à plein poumon. En respirant un bon coup à plein poumon, la femme perdue fait un tour sur elle-même. L’air passe entre ses jambes. Elle trouve que c’est un bon amant, l’air. L’amant élément. L’amant élément la ravit. Ça lui donne une espèce de force. Une ardeur à faire le mal. Se battre. Elle fait encore quelques cabrioles dans l’air. Elle a la violence à l’intérieur, et son rire devient mauvais. Elle est perdue, vraiment perdue. Pour elle-même, elle est perdue. Ça ne fait aucun de doute. Quiconque la verrait pourrait l’affirmer. L’envol l’a déglinguée. Trop d’air dans les poumons. Trop d’air entre les jambes. Et le ravissement aussi. Elle n’avait pas les reins assez solides. Maintenant elle veut tuer. Elle a cette envie qui ne la quitte pas. Tuer quelque chose en elle. La femme perdue avec la violence à l’intérieur connait son adversaire. Elle veut faire disparaitre sa nature fragile. A jamais. Il n’y a aucun avantage à être fragile, pense-t-elle. La fragilité fera une belle nature morte. Elle voudrait tellement marcher sur sa nature, la piétiner, faire du petit bois avec. Et le grand feu de joie après. Alors la femme affronte sa nature, qui se défend, qui supplie, qui ne veut pas être ratatinée. Il y a du suspens. La violence vat-elle l’emporter ? Ça ne se passe pas bien. La femme perdue avec la violence à l’intérieur se fait la guerre en vain. Et c’est dans les hauteurs que se déroule ce genre de combat. Au dessus du toit des maisons. /.

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Karine Castelneau

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Dee Dee Demille https://www.facebook.com/michelleanndix/?fref=ts

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Rencontres Texte: Stéphanie-Lucie Mathern Dessin: Paul Fréval Nous nous sommes rencontrés un jour où Nerval aurait dit que les jeunes filles fallacieuses font des routes étranges; en ajoutant la pluie. C'est une citation de seconde main parce que l'aventure est morte, les histoires tristes et la communication impossible. Mais je suis là et tu es là. Alors essayons au moins dix minutes de tuer le ridicule radical. Nous étions donc dimanche désert sur la place de la gare et il pleuvait. Tu vapotais. Premier toupet. Et nous avions choisi de nous saluer en nous tendant une main – pour aller, on ne sait où. Dans un endroit où nous sommes vite ressortis, bruyant comme un Flunch sans buffet à volonté. Ce café ne se prêtait pas plus aux questions indiscrètes qu'à l'écoute du bruit de la cuillère qui remue un reste de sucre. Et nous étions là pour ça. Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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Pour voir et entendre. Voir si nous étions encore vivants ou moins seuls. Nous avons choisi autre chose, plus loin, un endroit où l'on n'enlève pas sa veste. Je restais sur mon quant-à-moi. Tu vivais à l'heure russe. Il fallait poser des questions pour trouver on ne sait quel trésor qui pourrait nous rapprocher. Tu ne travaillais pas, n'avais jamais eu d'ambition – ni d'amour, ni d'argent. Tu n'aimais pas le sport et j'imaginais des dispenses falsifiées avec une signature tremblante de ta main coupable. Car tu l'étais – de ne rien vouloir. Je te demandais comment tu jouais au macaque pour les femmes – puisque tu n'étais capable ni de couper du bois, ni de poser l'étagère, encore moins de conduire l'Audi familiale et ta sexualité consistait juste à t'enfiler les quelques bouteilles achetées trop chers à l'arabe du coin. Tu devais certainement pour compenser, par rebond, par instinct de survie, être le salaud ultime. Celui qui se venge de n'avoir pu être scout-hussardhardeur en écrasant les derniers élans d'enthousiasme d'une pétasse rêveuse. Tu te définiras sans doute comme un intellectuel incompris. Tu les tueras toutes. Toutes ces putes qui te méprisent qui n'ont lu ni Delteil, ni Spinoza ; qui ne savent ni écrire, ni sucer. J'ai compris à une certaine distance que ton cœur saignait et que tu avais des bleus aux genoux et j'ai même fini par trouver tes boucles charmantes. De retour chez toi, je t'imaginais liker ma dernière publication comme un souvenir, comme pour me dire que tu avais aimé ce moment, parce que tu ne sauras Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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jamais quoi me dire de plus. Pour l'heure, je regardais ta chemise froissée comme on regarde une grand-mère qui propose des gâteaux un peu trop secs. Nous parlions des choses de la vie en regardant les parapluies ; protégés. Quelle princesse peut-on combler avec un RSA ? Est-il plus intéressant de construire une famille par conformisme (exemple d'écrivains à l'appui) ou de détruire son être ? (il buvait beaucoup) Comme idiote, phrase définitive, j'ai fini par évoquer le dépassement de soi. ⁃ Si tu as la chance d'avoir du temps, de pouvoir prendre des bains à toute heure, tu dois travailler sur toi, et au minimum le vivre positivement. Cette posture de tragédie est dégueulasse. ⁃ J'avais envie de dandysme et je parlais comme un cookie fortune. Il croyait encore à ces malheurs venus de l'enfance, se cachait derrière pensant jamais pouvoir en sortir. Je devenais un divan. Mais un divan qui cite Chardonne : Sauf la souffrance physique, tout est imaginaire. Il fallait prendre congé. Nous nous étions tout dit. Cela ne devait exister que pour une heure. Le crachat au visage, la langue ailleurs et les MST n'avaient pas lieu d'être. Nous aurions l'air encore plus morts. Plus tard, ce message : « Je ne vaux pas mieux que toi. Mais en mec »./.

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Table rase et apocalypse. Lutte finale, l'internationale en colère, les futurs damnés de la Terre, le salut du genre humain... Groupons-­‐nous car demain, il y aura une grosse grêle. Bérénice Duprès

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Fusées Le monde va finir. La seule raison, pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particulièrement à celle-ci : Qu’est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel ? Car, en supposant qu’il continuât à exister matériellement, serait-ce une existence digne de ce nom et du Dictionnaire historique ? Je ne dis pas que le monde sera réduit aux expédients et au désordre bouffon des républiques du SudAmérique, que peut-être même nous retournerons à l’état sauvage, et que nous irons, à travers les ruines herbues de notre civilisation, chercher notre pâture, un fusil à la main. Non ; car ces aventures supposeraient encore une certaine énergie vitale, écho des premiers âges. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien, parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou anti-naturelles des utopistes, ne pourra être comparé à ses résultats positifs. Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie. De la religion, je crois inutile d’en parler et d’en chercher les restes, puisque se donner la peine de nier Dieu est le seul scandale, en pareilles matières. La propriété avait disparu virtuellement avec la suppression du droit d’aînesse ; mais le temps viendra où l’humanité, comme un ogre vengeur, arrachera leur dernier morceau à ceux qui croient avoir hérité légitimement des révolutions. Encore, là ne serait pas le mal suprême. L’imagination humaine peut concevoir, sans trop de peine, des républiques ou autres États communautaires, dignes de quelque gloire, s’ils sont dirigés par des hommes sacrés, par de certains aristocrates. Mais ce n’est pas particulièrement par des institutions politiques que se manifestera la ruine universelle, ou le progrès universel ; car peu m’importe le nom. Ce sera par l’avilissement des cœurs. Ai-je besoin de dire que le peu qui restera de politique se débattra péniblement dans les étreintes de l’animalité générale, et que les gouvernants seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme d’ordre, de recourir à des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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pourtant si endurcie ? — Alors, le fils fuira la famille, non pas à dix-huit ans, mais à douze, émancipé par sa précocité gloutonne ; il la fuira, non pas pour chercher des aventures héroïques, non pas pour délivrer une beauté prisonnière dans une tour, non pas pour immortaliser un galetas par de sublimes pensées, mais pour fonder un commerce, pour s’enrichir, et pour faire concurrence à son infâme papa, fondateur et actionnaire d’un journal qui répandra les lumières et qui ferait considérer le Siècle d’alors comme un suppôt de la superstition. — Alors, les errantes, les déclassées, celles qui ont eu quelques amants et qu’on appelle parfois des Anges, en raison et en remerciement de l’étourderie qui brille, lumière de hasard, dans leur existence logique comme le mal, — alors celles-là, dis-je, ne seront plus qu’impitoyable sagesse, sagesse qui condamnera tout, fors l’argent, tout, même les erreurs des sens ! Alors, ce qui ressemblera à la vertu, que dis-je, tout ce qui ne sera pas l’ardeur vers Plutus sera réputé un immense ridicule. La justice, si, à cette époque fortunée, il peut encore exister une justice, fera interdire les citoyens qui ne sauront pas faire fortune. Ton épouse, ô Bourgeois ! ta chaste moitié, dont la légitimité fait pour toi la poésie, introduisant désormais dans la légalité une infamie irréprochable, gardienne vigilante et amoureuse de ton coffre-fort, ne sera plus que l’idéal parfait de la femme entretenue. Ta fille, avec une nubilité enfantine, rêvera, dans son berceau, qu’elle se vend un million, et toimême, ô Bourgeois, moins poète encore que tu n’es aujourd’hui, tu n’y trouveras rien à redire ; tu ne regretteras rien. Car il y a des choses, dans l’homme, qui se fortifient et prospèrent à mesure que d’autres se délicatisent et s’amoindrissent ; et, grâce au progrès de ces temps, il ne te restera de tes entrailles que des viscères ! — Ces temps sont peut-être bien proches ; qui sait même s’ils ne sont pas venus, et si l’épaississement de notre nature n’est pas le seul obstacle qui nous empêche d’apprécier le milieu dans lequel nous respirons ? Quant à moi, qui sens quelquefois en moi le ridicule d’un prophète, je sais que je n’y trouverai jamais la charité d’un médecin. Perdu dans ce vilain monde, coudoyé par les foules, je suis comme un homme lassé dont l’œil ne voit en arrière, dans les années profondes, que désabusement et amertume, et, devant lui, qu’un orage où rien de neuf n’est contenu, ni Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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enseignement ni douleur. Le soir où cet homme a volé à la destinée quelques heures de plaisir, bercé dans sa digestion, oublieux — autant que possible — du passé, content du présent et résigné à l’avenir, enivré de son sang-froid et de son dandysme, fier de n’être pas aussi bas que ceux qui passent, il se dit, en contemplant la fumée de son cigare : « Que m’importe où vont ces consciences ? » Je crois que j’ai dérivé dans ce que les gens du métier appellent un hors-d’œuvre. Cependant, je laisserai ces pages, — parce que je veux dater ma colère./.

Charles Baudelaire, in Fusées (1867)

Aurélie Lanchais

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Les Glandes

Fili

Filipo Tetedevo

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L'endocrino-psychologie Le docteur Gautier est né hypothyroïdien. Mais en 1891, on connait très mal la problématique thyroïdienne. L’enfant Jean Gautier se développe mal, commence à marcher à 3 ans et à parler à 4 ans. Rien n’augure un avenir enchanteur : il n’a ni mémoire, ni vivacité. Par atavisme familial et un désir secret de se connaître, il décide de devenir médecin bien que ses facultés intellectuelles l’en dissuadent. C’est au cours de ses études, au début des années 1910, qu’il sera frappé par la description des symptômes de l’hypothyroïdie que fait son professeur d’Endocrinologie, le professeur Mongour. Il est tellement surpris de se reconnaître dans cette description, qu’il décide de se traiter par des extraits thyroïdiens à haute dose qui commencent à le transformer. Il en sera grandement aidé pour terminer ses études. Au début des années 30, il complétera son traitement en se rééquilibrant glandulairement grâce à des champs électromagnétiques : ses aptitudes intellectuelles seront décuplées ainsi que toute sa vie adaptative. Ces transformations obtenues sur lui-même lui font mettre en doute ce qu’on lui a appris sur le système nerveux et le cerveau : si tout est d’origine nerveuse, comment s’est-il transformé par des actions purement glandulaires ? C’est là le début de ses laborieuses recherches puis de ses fructueuses découvertes : argument après argument, le docteur Gautier démontrera que le système nerveux et le cerveau dépendent en réalité du système endocrinien, et non l’inverse, comme le répète inlassablement la science officielle. Né en 1943, Jean du Chazaud est diplômé de psychophysiologie de l’université Paris V. Dès 1961, atteint d’hyperthyroïdie depuis la petite enfance, il expérimente sur lui-même avec succès la thérapie d’équilibration glandulaire du docteur Gautier. Jean du Chazaud s’entretiendra longuement avec ce dernier de ses idées et de ses recherches. Par voie testamentaire, le docteur Gautier le fait héritier de ses travaux manuscrits et de ses droits. Dès lors Jean du Chazaud fonde l’Endocrino-psychologie basée sur ces fantastiques travaux. Il décide de rééditer l’ouvrage de référence du docteur Jean Gautier : « Dernières et nouvelles connaissances sur l’Homme » aux éditions « La Vie Claire ».(...) Finir la lecture de cet article sur le site de Jean du Chazaud http://www.endocrino-psychologie.org/histoire.html Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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Cendres Lavy

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Cendres Lavy Jérémy Platey Audur et Gundar

« Quiconque veut stopper ses semblables doit toujours être extérieur au cercle qui les oppresse. » Carlos Castaneda

L’été, il ne faisait jamais nuit et Audur bien que n’ayant que neuf ans avait le droit de se promener très tard. Elle n’allait pas à l’école et passait ses journées dans la nature avec Grundar, un petit garçon du même âge qu'elle. Le rendez-vous était toujours au même endroit : au coude d’une rivière qui se jette dans le fjord gelé. Grundar connaissait les grottes secrètes, les vertus des plantes et certaines sources chaudes dans lesquelles ils se baignaient. Il savait les secrets de son environnement et cela le rendait mystérieux aux yeux d’Audur. À deux, le temps s’écoulait d’une manière fabuleusement lente. C’était le seul enfant qu’elle connaissait, il n’y en avait pas d’autres dans ces

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Broderie A.P

Audur habitait au nord du fjord de Seydisfjardarfloi, dans une petite ferme isolée. Sur ce bras de mer la prairie était bordée par les rejets glaciaux de l’embouchure balayés par les vents salins...


coins reculés. Audur ignorait tout de sa famille et du lieu de son habitation mais ce genre de commodité ne faisait pas partie de leurs conversations. Les années passèrent et un jour le garçon ne fut plus au rendez-vous, en réalité, elle ne le vit plus jamais. La jeune fille, inquiète expliqua à ses parents cette triste nouvelle. Sa mère raconta que Grundar était certainement un être invisible. Les enfants aperçoivent très souvent ces êtres ; il s'agit des fées, de gnomes, trolls, fantômes, anges et de créatures trop mystérieuses pour être répertoriées. Ils cohabitent avec notre monde mais ils appartiennent et vivent sur une autre fréquence que la notre. Ils peuplent les rochers, les montagnes, les forêts et les lacs. Notre pays, l’Islande est une faille, dans laquelle se livre une lutte incessante entre les éléments de l’eau, de la terre et du feu. Ce creuset fait remonter à la surface des entités qui viennent du centre de la Terre et d’autres dimensions. Cependant la mère fit comprendre à sa fille qu’elle avait vieilli, qu’elle était une femme à présent, dans sa tête, le troisième œil s’était éteint, et il fallait par conséquent oublier le garçon. Elle avait déjà eu beaucoup de chance de côtoyer un de ces êtres merveilleux car certaines personnes ne les voient jamais. Audur comprit qu’elle entrait dans un autre monde mais sans rancœur car elle avait conservé un cadeau offert par Grundar peu auparavant. Il s’agissait d’une petite clé en pierre, qui selon le garçon avait le pouvoir d’ouvrir le rocher dans lequel il vivait avec sa famille. Audur était rassurée et elle conserva la clé de nombreuses années. Fanzine Hildegarde - Numéro 10 - 28 Mars 2017

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Sabaï dii,

Pardonne-moi d’avoir tardé à t’écrire, je suis groggy de chaleur. À Luang Prabang, la lenteur s’approprie tout. J’ai mangé un coeur de poulet, quelques foies de porc et une saucisse de buffle. Une machine à écrire vit dans le placard du couloir. La nuit, le Mékong ne dort pas. Sur la rive, le singe joue avec mon esprit, faisant des mouvements avant- arrière répétés, rentrant et sortant de mon ombre projetée sur sa cage. La présence demande des codes et des mots de passe./ Passage rapide dans la capitale, notre chambre donne sur un monastère. Un moine psalmodie au micro dès 6h du matin. Il y a un relai, les bonzes se succèdent, ce qui explique les courtes pauses dans la litanie qui dure jusqu'à tard dans la nuit. Peux-tu imaginer la puissance de ce chant sur l'âme ?

Entre moi et mon visage, pour combler l’intervalle, je mets de la lumière, du miel et du tanaka./

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À la grotte de Konglor nous avons rencontré deux explorateurs. L'un deux a travaillé la moitié de sa vie comme géologue chez Total. Il est même allé au pôle Sud, 45000 € la dizaine de jours. Avec son ami, ils arpentent les vastes souterrains du monde depuis plus de vingt ans. Pour faire de la spéléologie au Laos il faut payer une autorisation, environ 1500 €. C'est cher d'être un aventurier. Ils racontent : « Là bas on peut se noyer en respirant, il y a plus d'eau dans l'air que d'air dans l’eau » ou, « Dans ce tunnel, j'ai vu les yeux jaunes de la bête ! » et aussi, « Ouhou ! ouhou ! C'était la paroi qui parlait. Ah oui vraiment sous terre, j'eus entendu des sons étranges, ce doit forcément être des phénomènes d’écho. Mais tout de même, ces murmures, sous la terre du Laos, à l'heure exacte de l'incident de Fukushima,… Oui, des phénomènes d’écho, probablement. »/ J’ai mangé une fourmi rouge. C’est acide et ça éclate dans le bouche comme une bille de citron vert. C’est capitaine Hook qui me l’a donnée. Hook, sauf que dans sa langue, ça veut dire rocher, pas crochet. Il tient ce nom de sa maman, qui avait fait un rêve où elle portait une pierre. C’est comme ça qu’on choisit les prénoms des enfants, par les rêves. Certains restent plusieurs années sans

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prénom, parce qu’il faut un beau rêve. Lorsqu’il est malade Hook va voir le chaman, si ça ne marche pas il va voir le guru et si ça ne marche toujours pas il va voir la femme médium. Il faut sacrifier quelques animaux pour ça. Si on brise les règles on s’attire les mauvais esprits. Quand il était à la ville, Hook a eu une relation avec une étrangère mais il l’a dit à personne. Il y a eu une réunion dans le village et le guru a dit « quelqu’un a brisé la règle » ; alors chaque habitant l’un après l’autre est allé chez le guru qui avait préparé un bol avec du riz dedans. Il faut y planter un couteau. Si le couteau tombe, c’est ok, s’il reste droit, problème. Tous les habitants ont planté le couteau qui est retombé. Puis on a rappelé Hook au village pour qu’il passe le test et le couteau est resté droit. Le guru a dit « tu as brisé la règle ». Hook a du sacrifier beaucoup d’animaux pour que les esprits le pardonnent./ Tu dis qu’il y a de la douceur et de la poésie dans mes lettres, ce sont les lieux qui écrivent, tu verras que je n’y suis pour rien. Flocon et moi sommes désormais au Cambodge. Je ne vois plus grand chose, des néons clignotent partout. Mes lunettes sont toutes rayées. J’ai mangé trois tarentules grillées./

Y a t'il un intérêt à continuer à t'écrire des lettres de retour en France ? Ici la jungle se lève, les oiseaux t’embrassent. À très bientôt. Marine

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P.S : Je finis d’écrire cette lettre sur une île déserte, à quelques centimètres de l’eau. Le pêcheur me dit que je peux lui transmettre mon courrier en toute confiance. J’espère que l’encre tiendra la traversée. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici. Le bruit des vagues me rend ivre. Cinq jours ? Deux semaines ? La mer tous les jours vomit son lot de bouteilles plastiques. Si je peux te donner un conseil en eau tropicale, ne te baigne pas quand tu as tes règles, sous peine d’attirer les poissons carnivores.

La lune, pleine, se lève. Peut-être que finalement nous resterons une éternité.

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Je t’envoie le soleil comme une boule rouge qui tombe sans éclaboussure, je t’aime.

M

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CALENDRIER LUNAIRE Activités à prévoir selon les dates favorables et défavorables de Avril 2017 Pascal Servera Jours où éviter de faire des choses trop importantes (prévoir du repos ou une activité méditative, rencontre en petit comité, ne pas jardiner, éviter les grosses réunions, rendez vous importants si fatigue) : 7, 21 au soir, 27 Mars au soir. Récolte des plantes médicinales : 1,2, 27,28,29 Avril (sur arbre) ; 11 7 au 11 Avril (racines des plantes) ; 17 au 21 et 26 Avril (sommités) Coupe des cheveux pour plus de vitalité, Meilleurs jours : 14, 15 et 16 Avril Jour pour la première coupe de cheveux d’un bébé : Le 6 après 14h Coupe des ongles, meilleurs jours : 20 et 21 Avril Epilation, meilleurs jours pour ralentir la pousse : 11 Avril et jours suivants Rendez vous chez le dentiste, arrachage dévitalisation de dent : 8, 20, 21, 27 Avril

Plus de détails (quand jardiner, quand récolter, etc. dans le calendrier lunaire annuel de Michel Gros (calendrier lunaire diffusion)

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Odonchimeg Davaadorj

Petit souvenir - Lorsque j’ai vu la mer pour la première fois, j’avais dix-neuf ans. C’était en Italie. Pour arriver à la plage et atteindre la mer, il fallait passer pardessus une petite colline. J’étais avec mon neveu, en montant la colline, on entendait le bruit des vagues qui venaient du lointain, cet immense bruit sans arrêt. Une fois arrivés en haut de la colline, j’ai vu la mer... immensité, et puis c’était comme si l’horizon était rentré dans mes yeux avec le ciel et la mer, l’immensité de l’eau et le bleu en mouvement... moi qui ne connaissais que la terre dure, ferme, de La Mongolie, cette image me semblait irréelle. Avec mon cousin, on a couru vers la mer, très très vite, j’avais une envie de me plonger dans l’eau, de rentrer dans cette couleur bleue et de devenir un fragment de ce paysage. On court, on court, on arrive au bord et on jette nos corps dans l’eau... la vague me frappe avec une telle force que je suis tombée, je me relève des larmes dans mes yeux, en état de choc, avec le sentiment d’être face à quelque chose que je connais pas et qui me parle avec une langue étrangère. Oui, la mer est une langue étrangère que je parle peu. Et puis j'avais écrit cette poésie à l'époque. Je n’ai pas rêvé devenir un oiseau, je n’aime pas la hauteur, j’aurais le vertige. La mer ne me connaît pas, je ne suis pas sa fille. Ses vagues me semblent ennuyeuses.

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Photographie Odonchimeg Davaadorj http://cargocollective.com/odonchimeg-­‐davaadorj

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Hildegarde est un fanzine gratuit créé en Mai 2016. Il sort chaque mois à la nouvelle lune pour des raisons de coquetterie. Tous les contributeurs mettent leur travail gratuitement à votre disposition. Nous avons fait le choix de ne recevoir aucune subvention ni pub. Voici où nous contacter pour propositions de textes (lecture des textes reçus : à partir du dernier quart de la lune) Abonnement à l'impression papier noir et blanc (PAF : 3 euros le numéro) / Remarques diverses : hildegardezine@gmail.com Un des prochains thèmes du Hildegarde de Mai : Le progrès Tout le monde (contributeurs, lecteurs) peut imprimer Hildegarde et le distribuer ou le vendre au prix qui lui semble bon. (Mode impression : livret + recto/verso) Voici où télécharger le pdf pour lecture ou impression : hildegarde.iva.la Voici où feuilleter Hildegarde en ligne : issuu.hildegardefanzine.com

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