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Positionnement thématique

Positionnement ..........................................................

Présentation : Xavier Bonnaud Discutant : Laurent Duport

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Xavier Bonnaud Architecte, HDR, Professeur ENSA Paris La Villette, Directeur du GERPHAU

Discutant : Laurent Duport - architecte, MCF. ENSAM, membre HITLab

Laurent Duport

Bonjour à tous, merci Monsieur le directeur, Mesdames les représentantes de la métropole et de la région, Mesdames et Messieurs mes collègues. Ce qui est particulièrement intéressant avec Xavier Bonnaud, c’est qu’il sort un peu des chemins convenus. Alors, je commence par une petite anecdote sur laquelle on a continué à échanger hier, on s’est croisé il y a plus de trente ans, au sein de l’agence Jean Nouvel, où il travaillait à cette époque-là, sur la verrière de l’opéra de Lyon.

Xavier est diplômé de l’école d’architecture de Paris La Villette, il est docteur en urbanisme, doctorat qu’il a obtenu à l’institut d’urbanisme de Paris, il est HDR en architecture et professeurs des TPCAU à l’école nationale supérieure d’architecture de Paris la Villette,

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et il a enseigné également l’urbanisme à l’école polytechnique. Il a pris la suite de Chris Younès, et co-dirige aujourd’hui avec Stéphane Bonzani, le Gerphau, dont je vous rappelle l’acronyme groupe d’études et de recherches philosophie architecture urbain, l’équipe d’accueil EA7486 de l’ENSA Paris la Villette. La présence de l’école d’architecture de Paris la Villette est importante dans le dispositif qui est présenté aujourd’hui par Xavier Bonnaud. Xavier est aussi architecte, il a donc une pratique au sein de l’agence MESOSTUDIO avec son associé Stéphane Berthier, où il réalise pas mal de programmes comme des logements ou encore des équipements. Je pense notamment, à une crèche qu’il a réalisé à Limeil-Brévannes, avec une vêture en bambou, ce qui l’amène aussi à être dans le champ de l’expérimentation, et non plus seulement une pratique quotidienne.

Cela m’amène à vous indiquer que ses recherches actuelles sont à l’interface de l’architecture et de la philosophie, qui tendent à mettre en évidence, la place centrale que joue l’architecture, dans sa culture, la pensée qu’elle instaure, et les innovations qu’elle propose, dans le paradigme environnemental dont vous parliez tout à l’heure, qui se structure en ce début de XXIe siècle. Je pense que ce qui va nous intéresser, c’est la construction des liens tissés entre la pratique et la recherche, et je voudrais ajouter un autre mot pour Xavier, qui est celui de l’enseignement. Donc, il y a ces trois mots : pratique, enseignement, et recherche, que je pense être intéressants tout au long de la journée, et qui vont être amenés par le positionnement que va nous présenter Xavier Bonnaud.

Xavier Bonnaud

Bonjour à tous, merci beaucoup pour cette invitation. La contribution que je propose est fondé sur deux expériences pédagogiques. Je vais tout d’abord vous présenter deux projets de PFE à partir d’un travail mené avec un collègue, Eric Daniel Lacombe, sur la thématique des risques naturels, où l’on essaye d’engager à la fois de la recherche par le projet, et du projet par la recherche. Puis je poursuivrai avec trois démarches doctorales, qui sortent un peu des sentiers d’une construction académique traditionnelle, et qui peut-être, permettent à leurs auteurs d’approfondir des compétences spécifiques de l’architecture.

Le docteur en architecture existe maintenant. C’est un acquis dans toutes les écoles doctorales, même si cette reconnaissance n’a pas été simple. On en a longuement parlé avec Chris Younès, qui avait été à l’initiative, à l’université Paris VIII de l’inscription, dans les écoles doctorales, du premier doctorat en architecture. Il fallait alors faire reconnaitre cette discipline par le monde des universités. Pour prendre un exemple de cette méconnaissance, lorsque j’ai déposé mon dossier d’HDR à l’université Paris

VIII, c’était la première fois qu’ils voyaient arriver un dossier d’HDR porté par un enseignant de projet. Ils nous ont demandé en parallèle de leur fournir un document qui définisse les critères d’évaluation d’une Habilitation à Diriger les Recherches en architecture. Les choses avancent : le doctorat en architecture est désormais reconnu. Historiquement, les docteurs en architecture, ont été encadrés par des enseignants-professeurs des écoles architecture issus d’autres disciplines que celles du projet, parce qu’ils avaient fait le parcours académique traditionnel et qu’ils possédaient une habilitation, indispensable pour diriger les thèses. Ces directions ont coloré ces premiers doctorats, dont on peut dire qu’ils étaient des doctorats sur l’architecture ou des doctorats à propos de l’architecture. Nous sommes un certain nombre d’enseignants à souhaiter maintenant approfondir les spécificités, compétences et connaissances plus spécifiques à l’architecture. Elles pourraient se déployer, dans le cadre de doctorats, qui inscriraient le troisième cycle de formation plus en continuité avec ce qui se fait dans les premiers et deuxièmes cycles, eu égard à la part d’activité de projet en particulier. J’ai pour ma part mené mes diplômes universitaires encadrés par des philosophes, avec Jean-Paul Dollé, philosophe à Paris la Villette, puis en doctorat avec Thierry Paquot, et ensuite avec Chris Younès pour la HDR. Mais, étant architecte, j’ai avancé à cloche-pied, laissant de côté la moitié des compétences acquises dans la formation d’architecte, et je me suis rendu compte que l’on avance moins vite, que l’on se fatigue et se déséquilibre plus facilement. J’ai gardé de cette aventure, le fait qu’il fallait aider des étudiants en master à avancer sur deux jambes : d’un côté la mise en mots et de l’autre côté la mise en forme. Même pour la correction de projet, les étudiants amènent des formes, et nous, on leur apporte des mots qui éclairent les formes et réengagent le processus d’invention. Dans son dialogue avec Philippe Sollers, Christian de Portzamparc avait assez bien expliqué, la part d’une pensée sans langage en architecture : les sciences cognitives le précisent depuis régulièrement. Cette pensée est active dans la création, dans l’invention architecturale et il ne faut pas la brider, lui laisser libre cours. Et puis, il y a une intelligibilité du monde, qui ne peut apparaître que par le langage et le concept. Ce qui me semble important peut-être, ce sont les performances nouvelles que des doctorats en architecture pourraient développer à partir de ces deux points de vue.

Quelques mots maintenant sur la relation entre architecture et philosophie ? Je dirige un laboratoire qui a été créé par une philosophe, menant des relations entre architecture et philosophie. Toutefois, même si mes différents diplômes ont été encadrés par des philosophes, il me semble important de ne pas jouer au philosophe lorsque l’on est architecte, même si on côtoie les livres, que l’on adore la rencontre et le dialogue avec des philosophes. Suite au premier trajet de la philosophie vers l’architecture engagé par Chris Younès lors de la création de ce labo, nous initions aujourd’hui un trajet de l’architecture vers la philosophie qu’on essaye de mener dans le renouvellement des générations et des sensibilités. Ainsi, l’intitulé PHD : (phylosophical doctorate), exprime bien le fait que la philosophie par sa puissance d’interrogation déploie des connaissances qui sont de l’ordre de la métacognition d’un domaine, d’une discipline. On essaye de poursuivre, entre ces deux disciplines, relations les plus respectueuses possible, sans intimidation ni instrumentalisation. La philosophie interroge des horizons, elle permet de penser largement nos horizons de projet. C’est une discipline qui accepte le relativisme méthodologique. Souvent, dans le monde de la recherche, il y a des mots magiques comme, “démarche scientifique“, “apport scientifique“. Or, la philosophie n’est pas une science, c’est une pratique théorique

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non scientifique. Toutefois, Aristote a énoncé la puissance de la logique, qui permet de penser et de construire des argumentaires sérieux. J’aime bien cette anecdote révélatrice de ces enjeux de scientificité. Il y a six laboratoires à l’école de la Villette et nous partageons un postmaster commun. Lorsqu’un étudiant présente un sujet qui traite par exemple de la question du beau, les collègues lui disent alors “Allez voir Xavier, parce que pour nous ce n’est pas scientifique”. Et c’est là que l’on découvre que, quand les questions du sensible et du beau se sont posées à elle, la philosophie a développé un champ nouveau et important qui s’appelle l’esthétique. Ainsi s’illustre la puissance de la philosophie ; elle permet, par des inventions langagières, par des inventions de concepts, de confronter collectivement ce qui nous arrive et qu’il convient de penser ensemble. De surcroit, il y a un autre champ de la philosophie, l’épistémologie, qui détaille les opérations de connaissance, qui aussi très utile pour informer les processus d’apprentissage voire nos pédagogies. Ainsi, à l’heure où des surenchères d’outils et de technologies sont présentées comme indispensables pour aborder la moindre question, la philosophie permet de penser par soi-même, à partir d’énoncés précis et d’un art de l’argumentaire fondé sur la logique. Nous allons maintenant laisser la philosophie de côté, mais je souhaitais aussi dire quelques mots de cette culture de recherche.

Je vais donc poursuivre mon propos en présentant deux projets de fin d’études : l’un est situé à Montréal et l’autre dans la mer des Wadden, au nord de l’Allemagne. Ce sont des projets qui se déploient sur deux semestres. Nous nous ne voyons pas de raison d’obliger les étudiants à travailler leurs mémoires de recherches en deux semestres (voire trois semestres, à l’ENSA Paris la Villette) et d’un autre côté limiter leurs possibilités d’approfondir une démarche de projet au-delà d’un semestre, (en réalité, seulement 14 semaines). Dans la vie réelle, la phase d’étude d’un projet se déploie sur un temps long, presque une année entre toutes les phases d’études et l’on a l’occasion de revenir plusieurs fois sur les choses, d’approfondir et de développer.

Ce groupe de projet s’intitule ‘Construire l’urbanité dans les zones soumises aux risques naturels“ et traite de l’adaptation aux bouleversements climatiques et au changement de paradigme qui les accompagne. Nous le savons : il va falloir vivre autrement, en utilisant moins de matière et d’énergie, mais aussi en utilisant mieux le sol. Nos établissements humains, nos modes de vie sont hors sol et il va falloir retoucher terre, très simplement. En écho à ce que Bruno Latour a écrit dans son ouvrage, Où atterrir, nous faisons travailler les étudiants sur “comment atterrir”. Les projets sont abordés par thématiques, en fonction des éléments, eau, air, terre, auquel s’ajoute de plus en plus le feu, quand on voit les actuels incendies de grande ampleur en Australie. Ce premier projet traite d’une grande autoroute qui traverse Montréal, la transcanadienne. La cartographie thermique montre clairement les zones de surchauffes estivales tout au long de l’autoroute.

Le projet pose la question de la mutation à terme de l’infrastructure, non pas avec la réduction du trafic de transit qui sera maintenue, mais du fait de la réduction de la circulation locale, qui elle est encouragée à diminuer. On peut donc imaginer un processus de régénération. Dans l’approche du projet que nous enseignons, l’enquête est

préalable et indispensable. C’est un travail de recherche initial : on fait travailler les étudiants à partir de dossiers thématiques. Je pense qu’entre la recherche et le projet, il y a quelque chose en commun, c’est la capacité d’enquêter, de mener des enquêtes multidimensionnelles, multi scalaires, multithématiques de commencer par une description et une objectivation rigoureuse des faits et des situations. C’est la base de toute activité de conception. Dès que l’on essaye de retisser des liens avec le vivant, de faire atterrir les établissements humains au contact de la nature, il faut arriver à prendre en compte des rythmes, des choses fluctuantes, des saisonnalités et cela demande des outils graphiques, des outils cartographiques indispensables. Je vais vous présenter rapidement, la proposition de ces deux étudiants pour faire muter cette infrastructure.

C’est un sujet que commencent à se poser bon nombre de métropoles : à Paris, on se demande désormais ce que l’on -va faire du périphérique ? Est-ce qu’on va le garder, y réduire la circulation des voitures, le démolir, construire dessus ? il y a mille et un projets qui s’esquissent. Comme il y a eu collapse et parfois transformations des infrastructures industrielles, faut-il dorénavant anticiper le devenir des infrastructures routières dans les villes. On sait par ailleurs, par de nombreuses études, qu’initier un travail rigoureux et ambitieux à partir de la végétation en ville, permet, sans climatisation, de réduire énormément, de 5 à 6 degrés, les îlots de chaleur urbaine. De nombreux scientifiques, botanistes, paysagistes travaillent sur ces principes, initiant de fait une thermique plus sensible en ville. C’est un défi, car à Paris par exemple, il y a beaucoup de gens qui critiquent le fait qu’on aille pour la prochaine coupe du monde de football, climatiser les stades au Quatar, mais qui tiennent ces discussions, vous savez, dans des terrasses chauffées ! C’est plus que paradoxal finalement : la terrasse est chauffée, donc on chauffe dehors, mais imaginer climatiser un stade entier à l’autre bout du monde, vous n’y pensez pas, quelle absurdité thermique ! Alors, comment repenser, en profondeur, une culture thermique plus mature, avec les moyens de l’aménagement urbain et de l’architecture ?

Ici, le projet se décline à partir d’un parc linéaire, initiant une programmation qui accompagne la mutation de l’infrastructure, permettant des occasions de variations architecturales savoureuses. Il y a là, à un endroit de cette autoroute, dans la partie centrale, un incroyable échangeur. Quel réemploi engagé, sans démolir, en gardant ses rampes ? Les étudiants ont proposé d’y installer un centre de recherche de la biodiversité en milieu urbain, en développant à partir de ces grandes rampes de béton, ce que j’appelle des plaisirs de nouvelles saveurs architecturales. L’approche par le projet et ici un travail prospectif construit au carrefour des enjeux de mutation de l’autoroute urbaine, de la nécessité de lutter contre les îlots de chaleur urbains, sur la valorisation de ce ruban linéaire à fort potentiel d’urbanité. Le travail est aussi une prospection à partir de la renaturation d’une infrastructure, pour de nouvelles rencontres avec les arbres, les plantes, avec les nonhumains. Je vais vous lire quinze lignes d’un livre

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de philosophie, La Vie des plantes d’Emanuele Coccia, qui déploie toute la richesse des relations nouvelles à instaurer avec le monde végétal ; c’est un vrai bonheur. « L’air que nous respirons n’est pas une réalité purement géologique ou minérale - elle n’est pas simplement là, elle n’est pas un effet de la terre en tant que tel - mais bien le souffle d’autres vivants. Il est un sousproduit de la « vie des autres ». Dans le souffle - le premier, le plus banal et inconscient acte de vie pour une immense quantité d’organismes - nous dépendons de la vie des autres. Mais surtout, la vie d’autrui et ses manifestations sont la réalité elle-même, le corps et la matière de ce que nous appelons monde ou milieu. Le souffle est, déjà, une première forme de cannibalisme : nous nous nourrissons quotidiennement de l’excrétion gazeuse des végétaux, nous ne pouvons que vivre de la vie des autres. » On perçoit bien que cette dépendance aux végétaux, cette mutuelle interdépendance doit être pensée. La culture de projet se situe alors en dehors du fonctionnalisme, hors de cette habitude intellectuelle qui a structuré l’activité de l’urbanisme, depuis Le Corbusier. Les performances en urbanisme et architecture ont longtemps été imaginées et évaluées d’une manière séparée. On a optimisé les déplacements à partir de la voiture, mais sans voir que l’on produisait l’embouteillage et l’augmentation du taux de CO 2 dans l’atmosphère. Mais si l’on suit le fil de l’air que l’on respire, alors il faut prendre en compte ce métabolisme de l’air, qui traverse tous les vivants : on perçoit les liaisons incroyables qu’il y a entre les arbres qui produisent cet oxygène et nous autres qui en dépendons. Il y a, de fait, une interdépendance native au sein de la biodiversité, qui prend l’évidence d’une loi vitale à respecter, au même titre que des lois de statique, qu’il faut respecter pour éviter l’effondrement. Il s’agit juste ici d’un autre effondrement, celui du vivant.

Dans le cadre de ce programme de PFE, les projets sont ainsi développés, étendus, à partir de questions théoriques qui viennent revivifier l’imaginaire de l’installation, la programmation. A L’ENSA Paris-la Villette il y a une proportion importante de double-cursus architectesingénieurs, et le projet que nous allons partager maintenant est le travail de deux ingénieurs/ architectes. C’était passionnant d’aborder ces nouveaux sujets avec ce public étudiant, tant il faut à l’évidence de nouvelles connaissances scientifiques, en hydrologie, en botanique, et en écologie. De plus dans les pratiques de la transformation urbaine où les équipes sont nombreuses, il est nécessaire de former des compétences capables de comprendre cette ingénierie si fragile et si spécifique du vivant, à partir de compétences sur les sciences de la terre et du vivant. Ainsi, dans le processus de projet, et de la même manière qu’on va demander à des étudiants en architecture qu’ils aient une bonne intuition statique, sur les poutres et les poteaux, sur “comment ça tient”, il est désormais nécessaire qu’ils possèdent des intuitions justes, sur la terre et le vivant. Comment arrive-t-on à penser autre chose que l’immuabilité du projet d’architecture alors qu’on a forcément, quand on se rapproche du vivant, une pensée du fluctuant, du rythmique, du saisonnier, du transformable. La vie se transforme toujours et transforme les choses : mais les architectes ont plutôt, depuis les pyramides, ancré leurs pratiques dans l’immémorial et le pérenne. Ces étudiants étaient doués : ils possédaient les compétences de modélisation de l’ingénierie, et s’étaient demandés en architecte, comment représenter tout cela ? Le représenter, ici, c’est l’aborder pour le ramener dans l’espace mental de la conception architecturale. Les choses qu’on approche par la cartographie, graphiquement, peuvent alors, petit à petit devenir des matières à projet ? nous demandons donc aux étudiants de mener des enquêtes thématiques, de construire des cahiers de repérage et de compréhensions des phénomènes, des situations locales, concernant

la faune, l’agriculture de l’île, et surtout ici le cycle annuel des marées et des niveaux d’eau. En effet, quand l’eau monte c’est toujours aux équinoxes, pas de manière continuelle et pas en été, mais surtout lorsqu’il y a du vent. De plus, avec l’élévation général du niveau des océans, on est dans des amplitudes qui se conjuguent, qui produisent ainsi débordements et catastrophes. Pour le devenir de cette île, il n’est donc pas question de reculer partout, tout le temps, parce qu’il y a des moments où l’on peut bénéficier d’une saisonnalité apaisée et tranquille. Le projet est donc nécessairement pluriel, et construit des scénarios permettant d’éviter de construire une digue de 3, 5 ou 10 mètres tout le long du trait de côte. C’est une manière de poser aussi une question plus large sur le rôle culturel de l’architecture et des architectes dans ce contexte de menace et d’insécurité. Comment continuer à habiter, à s’installer sans se barricader, sans s’engager dans la réalisation d’une infrastructure qui interdit tout contact au lointain : car nous avons besoin d’un horizon ouvert, aussi et peut être surtout existentiellement. Nous poussons les étudiants à se nourrir de la formidable approche développée par Toyo Ito, suite au Tsunami de 2011, lorsqu’il tente de refaire une société à partir de maisons communes en prenant en compte de ce qui a été vécu dans la catastrophe, en engageant des gestes simples plutôt que des digues encore plus hautes. Dans le contexte de la mer des Wadden, s’initie ici un travail qui peut paraître paradoxal de réouverture des digues. C’est un travail fondé sur des études tendant à montrer qu’une sédimentation active est possible, que les courant apportent aussi des sédiments qui peuvent se déposer sous certaines conditions engageant une certaine stabilisation de l’île. Comment on peut jouer, piloter en douceur

Montée des eaux Iles du nord de l’Allemagne, mer des Waden

Les services écosystèmiques

Service support –autoentretien du milieu (cycle nutritif, formation des sls Service d’papprvisionneemt

Servu de régulation Services cu;turesl

Imbrication complétes des formes de vie sur terre quelques règles de la nature, plutôt que la dominer ? Comment faire avec ce qui est là, plutôt que de se dire, on va être plus forts ? Compte-tenu de la forme très plate des digues sur le rivage, quand on regarde combien il faut

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charier de mètres cubes pour rehausser d’un mètre ce type de protection, on arrive à un résultat complètement absurde. Les étudiants sont partis du principe qu’ils allaient rouvrir la digue, et réengager un jeu de sédimentation. Des cartes présentent donc les niveaux d’eau, en fonction des saisons, hiver et été, en 2010 puis en 2100, à partir de l’ouverture de la digue en deux endroits. Cette démarche a ensuite donné naissance à quatre territoires de projet. On est alors dans ce que l’on appelle, une démarche de projet sur hypothèse, où s’articulent des rebonds entre projet et recherche. Dans ce projet sur hypothèse, on pose à l’architecture, un certain nombre d’hypothèses, et l’on engage un travail d’élaboration, d’imagination créatrice au service de ces hypothèses. Il y a quatre territoires : le territoire du nouveau trait de côte, l’endroit où on va être à pied sec, avec la nécessité de traiter la manière dont cette ligne varie en fonction des saisons. Il y a la zone inondée, qui s’appelle les marais salés, où il y a un déménagement à organiser, et où il faut préciser ce que l’architecture peut prévoir quand il faut démonter des choses. Il y a la digue qui reste un territoire émergé, dont certaines parties peuvent être réaménagées. Et puis bien sûr, il y a la ville de Wyk, qui est une ville touristique de l’Allemagne du Nord, plébiscitée par des gens de Hambourg, dont il convient de stabiliser et de renforcer l’activité. L’esprit de prospective vise à multiplier des hypothèses de projets, voir comment on peut les mettre en travail : la maturité d’un projet dépendant de la possibilité de renforcer ces hypothèses à mesure que la mise en forme se détaille et se précise. L’atelier de projet est une activité de pensée embarquée dans un mouvement de transformation concrète, où l‘on navigue ainsi entre activité de recherche, enquêtes scientifiques et sensibles et hypothèses de mise en forme. Il s’agit bien de “s’adonner au plaisir de construire une pensée“ comme disait Livio Vacchini dans son ouvrage Capolavori. Avec mon collègue Éric Daniel-Lacombe nous avons initié une chaire d’enseignement et de recherches sur ces sujets, avec l’idée de développer sur ces sujets inquiétants, un esprit de prospectives

actif qui engage l’imagination architecturale. Dans ce projet de Wik, ces quatre thématiques ont permis aux étudiants de déployer une sorte de jubilation architecturale prospective. Les modes d’installation sont nouveaux. Alors, où est-ce que ça emmène l’imagination, comment habite-t-on ? Y a-t-il des nouvelles poétiques et de nouvelles manières de s’installer, en plus des nouvelles relations à la nature ? Cette proximité oblige à redécouvrir et reconsidérer la puissance des éléments. Il y a des territoires de projet, qui sont des lignes qui refluent selon les saisons et qui organisent la montée progressive. Qu’est-ce qu’on peut faire avec 10 cm d’eau ? Comment peut-on penser une maison quand il va y avoir 1,80 mètre d’eau une fois tous les 2 ans par exemple ? Veut-on y rester quand même ? Oui sûrement. Alors, si c’est carrelé, s’il y a des crochets, si on peut hisser aisément les meubles à l’étage. Comment engager une relation non dramatique à ces aléas, les penser, les prévoir, organiser un mode d’habiter qui y fait écho ? Le projet prévoit d’activer un autre imaginaire de ce territoire, car les choses changent, elles ont toujours changé. L’architecture est là, pour donner de la saveur à ce que ce « nouveau », nous apporte. Puis présentons un dernier aspect de ce projet.

Wyk auf Föhr est un port assez important qui doit continuer à vivre : il y a deux thèmes architecturaux importants, qui sont le grenier et le marché. S’il faut parfois savoir rendre du terrain à l’eau, il est nécessaire par endroit, un peu à la Vauban, de résister. Comment se fabrique alors une citadelle, pour mettre à l’abri, en autonomie, ce dont la ville et l’île peuvent avoir besoin ? Pour terminer cette seconde présentation, nous allons aussi proposer une petite lecture, tirée du livre L’homme et la terre d’Eric Dardel. C’est un géographe qui a promu la géographie existentielle, mouvement dont on parle en ce moment, mais qui date des années 50. Il écrit ceci : « La géométrie opère sur un espace abstrait, vide de tout contenu, disponible pour toutes les combinaisons. L’espace géographique a un horizon, un modelé, de la couleur de la densité. Il est solide, liquide ou aérien, large ou étroit : il limite et il résiste. La géographie et selon l’étymologie la “description” de la Terre ; plus rigoureusement le terme grec suggère que la terre est une écriture à déchiffrer, que le dessin du rivage, les découpures de la montagne, les sinuosités des fleuves forme les signes de cette écriture. La connaissance géographique a pour objet de mettre en clair ces signes, ce que la terre révèle à l’homme sur sa condition humaine et son destin. Ce n’est pas d’abord un atlas ouvert devant ses yeux, c’est un appel qui monte du sol, de l’onde ou de la forêt, une chance ou un refus une puissance, une présence ». On voit bien que lorsque les éléments, qui sont les puissances de la nature terrestre, viennent frapper à la porte des établissements humains, s’énoncent alors de nouvelles écritures géographiques et architecturales. Voici donc des pistes de recherche, que nous souhaitons initier dans cette chaire que nous avons intitulée « Nouvelles urbanités et risques naturels : des abris ouverts ». Parce que vous comprenez bien qu’il y a, en ce moment, une politique de sécurisation, de repli, qui tend à fermer les choses, un peu comme la thermique a transformé les immeubles en bouteilles thermos. On fabrique des horizons barricadés parce que la nature même devient trop dangereuse. Face à cette tendance, nous souhaitons réaffirmer que l’architecture peut proposer des abris ouverts ; des lieux abrités, bien sûr, mais aussi, en connaissance fine de ces différents aléas, des occasions de contact pour donner, partout où cela est possible, un statut plus positif à ces nouvelles amplitudes, à ces nouvelles rencontres avec la nature.

Poursuivons maintenant cette présentation de situations de recherches en architecture, à partir de trois doctorats, qui chacun engage un faire architectural comme matière première de la thèse.

La thèse de Nafiseh Mousavian s’intitule L’espace entre, porosité des limites, possibilité de coexistence : explorations à partir de potentiel des villages étagés de Palangan et

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Avihang, Kurdistan, Iran. Dans cette recherche, elle essaye de dépasser la perception linéaire et bidimensionnelle de la limite, (en tant que ligne qui sépare), pour dynamiser ce concept architectural, lui confier une qualité spatiale temporaire à partir de la notion « d’espace entre ». Son travail est un peu foisonnant : mais elle est parvenue à faire de ce foisonnement de nombreuses occasions de présentation dans différents colloques et journées d’études en Europe. Elle a initié au démarrage, un travail de photos narration, qui est aussi de la photo-interprétation à partir de certains lieux. Finalement, connaissant bien ces villages, elle a documenté, cartographié, modélisé, les conditions spatiales, morphologiques de l’intensité sociale de ces villages étagés. Elle a eu besoin d’aller à la recherche d’une grande diversité, de méthodes d’enquêtes et d’outils de restitution. Elle a commencé par un travail de photo-interprétation, à partir d’un quinzaine de clichés, supports d’un jeu de collage révélant les potentialités d’extension des usages au gré des heures du jour, des saisons, des variations climatiques, des sociabilités de micro voisinage. Dans un second temps, elle a engagé

un travail de modélisation sur la richesse tridimensionnelle de certains secteurs, à partir de très nombreuses petites axonométries de dispositifs morphologiques exemplaires. Son travail me fait penser, je ne sais pas si vous connaissez, aux carnets d’Albert Laprade, un architecte, qui, avant la Seconde Guerre mondiale, avait été se balader dans la France rurale en remplissant des carnets et des carnets de relevé, y dessinant toute la richesse des villes et villages de la France rurale. Comment documenter tout cela ? Après, elle a fait un autre travail où elle rentre encore plus dans le détail sur des micros lieux. Comment garder le vivant de ces situations dans le détail ? Dans ces villages étagés, il y a une intensité de la vie sociale qui est assez remarquable. Comment se nourrir de tout cela en essayant de voir comment se sont fabriquées, agencées de telles situations, en utilisant pour cela une technique mixte, mélange de croquis, de dessin, d’interprétation, de photos. Je trouve intéressant l’on retrouve ici les outils avec lesquels on projette en architecture, dont l’usage s’amplifie et se précise alors en chemin. Ensuite Nafiseh a inventé un jeu morphologique, avec des petites pièces détachables et aimantées, pour reconsidérer les manières d’assembler le balcon, l’escalier, la terrasse, le passage, le petit pont, la façade ouverte, et elle l’a présenté à différents colloques. Puis, un jour, elle est arrivée en nous disant qu’elle avait commencé à travailler avec la rêverie, et pris support de ces territoires pour dessiner des coupes oniriques ? Une telle démarche a-t-elle sa place dans un doctorat ? Comment on peut déployer de telles méditations graphiques dans un protocole de recherche ? Comment donner sens et crédit à une production à ce point éloigné d’un protocole scientifique ? Nous avons opté de manière empirique à une nécessaire confrontation, ou validation par les pairs. C’est en effet la base du monde de la recherche : allez présenter ce que vous faites à d’autres, qui vous disent, “ça ne va pas du tout,

n’y pensez pas”, ou bien alors, “Là c’est Ok, je vous suis c’est étayé, compréhensif, assez fondé théoriquement ou historiquement, mais par contre, sur ce point-là, je ne comprends pas”. Quand on va présenter les avancées récentes de ces recherches, par définition, on prend un risque, à chaque fois. Pour mieux repérer et relier ces différentes approches, Nafiseh a mis au point une cartographie précise de ces outils et méthodes, pour tisser les fragments de ce qu’elle est en train d’initier sur la notion de porosité, pour mieux rendre compte de cette agentivité ouverte de la morphologie de ces villages étagés. Et sans doute est-ce dans la complémentarité de ces différents outils d’analyse, de leurs références théoriques, de leurs univers de connaissances propres, qu’émergent alors, non pas seulement une cartographie inédite et une reconnaissance patrimoniale, mais des liens plus précis entre richesses des lieux, modes de narration des usages, capacité d’analyse, défrichage de nouveaux outils. La particularité de ces lieux invente ces outils d’analyse qui en retour permettront des interventions plus attentives et plus adaptées.

Je vais maintenant présenter une seconde recherche doctorale menée par Chantal Dugave, artiste-architecte, qui est aussi maître de conférences à l’ENSA de Lyon dans le champ ATR (art et techniques de représentation). Ce doctorat s’intitule “L’école du faire en architecture, la place de l’architecte/artiste”, statut qu’elle revendique par ailleurs. Depuis trois ans, elle conduit une summer school dans le vignoble champenois. Avec une vingtaine étudiants, elle construit des loges,(petites constructions historiquement posées au cœur des vignobles), avec les viticulteurs, sur la base de matériaux récupérés dans leurs fermes et alentour. La thèse de Chantal consiste à cartographier les fondements théoriques, les pertinences et performances pédagogiques de cette école du faire en architecture. Comment les artistes engagent un “faire” particulier, à l’échelle de l’architecture ? Elle essaye de déployer cela au fil de ces workshops, en partageant des attitudes face aux matériaux, pour la plupart récupérés. Cette thèse, est en lien avec sa pratique pédagogique, et vise donc à approfondir, à mieux comprendre ce qui est engagé dans une pratique revendiquée d’artiste/architecte, pour ainsi enrichir les actuelles réflexions sur le thème du faire en architecture.

Nous allons voir un troisième projet, nommé, « Vers une transformation performative ». Il s’agit d’un travail de thèse mené par Dimitri Szutter. Il est danseur et chorégraphe et avait pour son projet de PFE, mené une immersion dans une usine délaissée en Italie. Y séjournant 5 jours seul, il s’était alors filmé essayant, par la danse et la chorégraphie, de révéler le potentiel des lieux à partir du corps en mouvement. En effet, comment découvre-t-on un lieu ? Quelle est la part de l’ancrage corporel, des mouvements possibles dans la découverte l’appréciation, la représentation des espaces ? Dans sa théorie de l’affordance, sur la perception écologique de l’espace, le psychologue James Gibson, parle de marchabilité comme vecteur actif de perception d’un sol. Ainsi Il y a des qualités des lieux qui sont engagés, ressentis, partagés par le corps et qui peuvent alors être mis en exergue par la chorégraphie, par la performance ? Cette recherche peut alors, aussi bien apporter de nouveaux arguments à des pratiques embarquées, que de permettre aux auteurs de projets d’affiner pour eux-mêmes leurs attention à la place des mouvements et du vécu corporel dans l’appréciation des territoires habités. C’est donc un travail d’exploration fine et de théorisation de ce champ des nouvelles pratiques performatives. C’est un doctorat mené en codirection avec Eric Le Coguiec, qui vient de Montréal et enseigne aujourd’hui à l’Université de Liège en Belgique, auteur d’ouvrages de référence sur

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la recherche/création. Cette thèse présentera aussi un inventaire historique des pratiques performatives, puis visera, en s’appuyant sur la pratique propre du doctorant, à présenter quelques outils d’action mettant en lien les processus de transformation urbaine avec les cultures performatives et somatiques. Elle s’inscrit dans la tradition phénoménologique du laboratoire Gerphau, et participe ainsi à préciser ce qui est particulièrement porté par le corps des relations humains-environnement construit. Dimitri Szuter initie aussi un réseau Soma-City, visant à regrouper ces pratiques contemporaines pour mieux témoigner de ce qui fait corps à partir de l’architecture, en lien avec le réseau Theatrum Mundi de Richard Sennett, avec qui il travaille en ce moment à Paris sur un grand terrain dans le XVIII arrondissement en bordure des voies de la gare du Nord.

Trois doctorats ont été présentés ; l’un cherche à initier de nouvelles pratiques de transformation urbaines à partir de la performance dansée comme révélateur de la potentialité des lieux, le second vise à décrire et préciser les références théoriques d’une pratique du faire architectural, porté par le champ de compétence de l’architecte/artiste, le troisième s’attache à la richesse de deux villages étagés du Kurdistan Iranien, en partant de la diversité et de l’invention de quelques outils de figurations comme mode d’enquête. Dans ces trois cas, il semble que ce soit le travail spécifique d’actions de recherche, mené à partir de formes multiples (nouveaux outils plastiques, faire in situ dans le cadre d’un démarche entre architecture et art, ou encore pratique de la performance en site urbain), bref que ce soit cette mise à l’épreuve de la transformation et de ces propres outils, visités “en action” qui ancre d’une manière particulière ces doctorats dans la discipline architecture. Ces temps de recherche à l’épreuve concrète des lieux, des outils de dessin, voire de processus réels de transformation, tiennent ensemble les énoncés et la pratique dans une proximité bien spécifique à l’architecture. Il s’agit de connaissances qui simultanément permettent d’élargir l’imagination et les compétences d’invention en architecture, ce que les anglo-saxons appellent « design process ». Le protocole de recherche de ces doctorats est strict, car il s’agit d’analyser les compétences possibles des actions menées mais aussi de s’inscrire dans un apprentissage conscient et documenté de l’histoire des idées, de situer la pratique architecturale dans un terreau culturel, intellectuel, professionnel, critique, bref, de développer les conditions élargies de réflexivité sur l’activité de projet. Au-delà du caractère proactif de ces démarches, ces doctorants sont donc nécessairement engagés dans un travail d’écriture (pour un format d’au moins 150-200 pages). Qu’on le veuille ou non, les idées se posent à plat, s’énoncent dans la solitude et la concentration du travail d’écriture. Le travail réflexif, la clarification de ce qui est partageable, généralisable est absolument indispensable.

Ces quelques démarches (PFE et doctorats), essayent de capter et de faire aussi fructifier la diversité des connaissances, des aventures cognitives propre à l’architecture. Nous nous référons souvent pour illustrer ce foisonnement, à des expositions comme Terre Natale, que Paul Virilio avait monté avec Raymond Depardon, ou encore Le Grand Orchestre des Animaux de Bernie Krause à la fondation Cartier, qui entremêlaient différents registres d’accès au savoir, différents types de connaissances. Je pense que l’architecture dans la complexité native, existe au carrefour de plusieurs manières de percevoir, d’énoncer le monde et de le représenter. Jean Marie Van Der Maren, pédagogue belge énonce cinq savoirs, dont la catégorisation aide à mieux comprendre ce qui se joue en architecture. Il place d’un côté le savoir scientifique puis de l’autre côté le savoir pratique et ensuite au milieu le savoir stratégique, ensuite se tiendrait un savoir

appliqué qui viendrait du savoir scientifique puis ce qu’il nomme un savoir praxique qui serait une sorte de réflexion, de théorisation du savoir pratique. Ces éléments de repérage aident chacun à mieux comprendre ce qu’il fait, permettant ainsi de naviguer dans un champ d’expérimentation ouvert.

Pour finir, puisque je viens de parler de navigation, peut-être chaque thèse est-elle une navigation hauturière ? Laissons alors les mots de conclusion à ce grand navigateur qu’est Bernard Moitessier, qui nous parle ici de pédagogie. « Il n’y avait pas de compas sur les joncs du golfe de Siam et je ne voulais pas qu’on en utilise cependant les croisièresécoles en méditerranée. Au lieu de prendre le cap de Porquerolles à Calvi, mes équipiers devaient barrer en gardant la houle de mistral très légèrement sur le tribord de l’arrière. La nuit c’était l’étoile Polaire à une petite main sur l’arrière du travers bâbord, et s’il n’y avait ni houle précise ni étoile, il fallait se débrouiller avec ce que l’on avait. Je le voulais ainsi, car se concentrer sur une aiguille aimantée empêche de participer à l’univers réel visible et invisible où se meut un voilier ». La recherche c’est aussi un peu ça, le monde est ouvert, indéchiffrable, et si on ne lui accorde pas cette part d’indéchiffrable, alors sans doute les territoires d’invention et de partage sont-ils plus limités. Merci de votre attention.

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Photos : 1 // La ciudad no es una hoja en blanco (2a edició), 2014 2 // Barcelona Enllaços, 2013 3 // Projecte urbà Eix Bulnes, Santiago de Xile, 2012 4 // Beton Hala Waterfront, Belgrad, 2011

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