Nos Géographies de France

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Introduction

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– La géo, c’est chiant ! Une bombe atomique vient de tomber sur la classe. Une bombe atomique de silence. Ce 22 septembre 1958, à Villemomble, dans le CM2 de Monsieur Brulé, est enregistrée la première explosion thermonucléaire de gros mots. Tous les élèves et le maître sidérés se tournent vers l’épicentre du séisme : Bonbec ! Bonbec, mon copain, mon ami, le meilleur et le seul à la fois. Bonbec, le dernier roi fainéant, Bonbec dit « Boule de suif », « Bouboule », « Le Gros », « Le Replet », « L’Enrobé », « Le Bien portant » et, depuis cette explosion, « L’Épicentre ». Bonbec est un gros tas de synonymes qui semble le seul à ne pas avoir senti le souffle de la déflagration. Le regard au vague par la fenêtre, Bonbec mâche un magma baveux de Malabar. Il gonfle une bulle rêveuse qui imite de très loin le premier champignon atomique dans le désert du Nouveau-Mexique le 16 juillet 1946. Je l’ai vu dans Paris Match. Bonbec ne se rend pas compte qu’il va se retrouver dans Paris Match, à la rubrique faits divers, sous le titre : « L’élève le plus puni du monde » avec un article sur quatre colonnes et une série de photos : Bonbec à genoux sur une règle métallique, Bonbec les bras en croix, un dictionnaire dans chaque main, Bonbec soulevé du sol par les petits cheveux… Ce n’est pas les idées de punitions qui manquent à nos ennemis : le gang des premiers de la classe. Un club de lèche-bottes avec appareils dentaires et leçons de piano. J’en vois déjà prêts à se porter volontaires pour torturer Bonbec sur l’estrade. Monsieur Brulé est obligé de faire un exemple. De mémoire de CM2, jamais un gros mot n’est entré dans la classe. – C’est vrai, la géo, c’est chiant !

La réplique de l’explosion n’a pas le temps de faire le tour de la classe que je reconnais l’auteur de cette phrase : c’est moi ! Il n’y a plus de doute : Bonbec et moi, on trouve la géo chiante ! Le féminin n’arrange rien à l’affaire. On va être pendus aux crochets du porte-cartes où se pavane pour l’instant : FRANCE PROVINCES En 1789 Par P. Vidal-Lablache 1789 ! Les aristocrates à la lanterne ! Bonbec sera Vidal et moi Lablache. Monsieur Brulé, qui était en train de nous vanter « l’extraordinaire diversité des régions françaises », laisse tomber sa craie dans la rigole du tableau noir comme une sentence : la mort ! Il s’avance jusqu’au bord de l’estrade, les mains dans le dos, certainement pour se retenir de nous étrangler tout de suite. Il ne nous jette même pas un regard. – Jeunes gens, vous allez sortir de la classe et descendre dans la cour sous la responsabilité de votre chef de classe de la semaine… Monsieur Garaudet, je compte sur vous. « Garaudet ne se sent plus de joie, ouvre un large bec et laisse tomber sa croix ! » C’est la petite serinette qui accompagne ce lèche-frite, nommé « Maréchal du grimper de corde » depuis qu’il s’est présenté en gymnastique, la croix d’Honneur épinglée à sa marinière. – En silence, messieurs. Vous sortez en silence. Prenez vos affaires. Le cours de sciences naturelles aura lieu dans la salle mitoyenne. On avait réussi à faire croire à Bouillard, le benêt de la classe, que Mitoyenne était le nom d’un grand savant dont on avait donné le nom à la salle. – J’ai dit en silence… Non ! vous deux, je vous garde.


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Le marais salant.


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La falaise Ă marĂŠe basse.


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– Chez moi, en ce moment… ça souffle !… Le climat n’est pas très bon entre mon père et ma mère. Moi, je suis l’anticyclone des Açores. Tant que je suis là, j’évite que le temps se dégrade. On reste en climat tempéré. Mes parents sont obligés d’attendre que je sois couché pour s’enguirlander. J’imagine la mère de Bonbec en sapin de Noël. Il doit plus rester de place au pied pour les cadeaux. – Chez toi, c’est comment, le climat ? Tropical ? J’ai parfois l’impression que Bonbec croit que, parce que je suis arrière, arrière, arrièrepetit-fils d’esclaves, je vis au 93, rue Meissonier au milieu d’éléphants, d’hippopotames, de tigres, de girafes et d’autres bestioles de quartier. – Ça me donne une idée ! Tu rapportes le projecteur au curé, tu t’excuses, tu fais un petit signe de croix, et moi je rends les diapositives de sa maîtresse à ma Poule. C’est bien beau, le progrès, mais sans électricité… – Et ton idée, Bonbec ? – Je te l’expliquerai demain dans notre salle contiguë. J’y vais. Je ne veux pas manquer le début de l’engueulade de mes parents. Le lendemain matin, je suis impatient d’entendre l’idée de Bonbec et de l’informer que, grâce à l’emprunt du projecteur, le curé nous a mis de corvée de cuivre et de cierge, jeudi prochain. Quand Bonbec me rejoint dans la salle contiguë, j’ai déjà mis de côté les planches pour notre cours sur « Le climat ». – Alors, c’est quoi, ton idée mirobolante ? – Et si on faisait notre cours sur le climat comme si c’était une grande scène de ménage ? Il ne me laisse même pas le temps de dire que c’est idiot. – Regarde la planche « Climat de la France » : on dirait que tous les climats se bagarrent et se balancent des vents à la tête. Comme dans les couples. Là, c’est « Climat aquitain » contre « Climat auvergnat», «Climat rhodanien» contre «Climat vosgien». Tiens! le pire: «Climat breton » contre « Climat parisien ». Ma mère est bretonne et mon père parisien. Chez nous, on ne peut pas dire qu’il pleut en Bretagne, ni que l’air n’est pas bon à Paris, sinon c’est parti pour la soirée. La vaisselle est en danger. Un jour, j’ai même vu voler une soupière. Mon père prétendait que la température la plus froide de France avait été enregistrée à Aurillac, alors que ma mère affirmait que c’était -41 °C à Mouthe dans le Doubs. – Ta mère avait raison. – Ça fait une belle jambe à la soupière ! L’avantage des familles nombreuses, c’est qu’il fait toujours beau quelque part. La nôtre est tellement éparpillée qu’on quadrille toute la France. Il reste des points sensibles. Mon père est né à Tarbes. Tout va bien, du moment qu’on ne dit pas «Basses»-Pyrénées. Ma mère, elle, est de Toucy-Moulins, ce dont elle ne tire pas gloire, sauf si on ajoute: «C’est où ce trou perdu?»

Le climat

La géographie aux Jeux olympiques


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– Paris est la plus belle ville du monde ! C’est notre rituel, avec Bonbec. En sortant du cours de Monsieur Brulé. On ne se parle pas jusqu’à ce qu’on soit enfermé dans notre salle contiguë. C’est «motus et bouche cousue». On fait les mystérieux pendant que le reste de la classe va en chant choral. Les élèves commencent à être jaloux de notre punition. On adore ça. Bonbec rompt le silence avec la « phrase d’accroche ». C’est son travail. – Paris est la plus belle ville du monde ! – Je suis pas d’accord, Bonbec ! – C’est fait pour ça. « Paris est la plus belle ville du monde ! » ce sera l’accroche de notre chapitre « Ville et population ». On demandera à chacun quelle est, pour lui, la plus belle ville du monde. – Et si on a pas voyagé ? – On invente ! C’est quoi, pour toi, la plus belle ville du monde ? – Le Mont-Saint-Michel ! – Ce n’est pas une ville. Regarde Paris. Ça, c’est une ville ! Tous ces monuments à visiter. Les gens viennent du monde entier. Tu crois qu’ils ont la tour Eiffel, les Américains ? Et les Anglais, Notre-Dame ? Et les Allemands, l’Arc de Triomphe ?… – Tu connais Haussmann ? – Le charcutier de la Grande-Rue ? – Non, le baron qui a charcuté le vieux Paris pour en faire un neuf. – Il a inventé le pâté de maisons ? – Si tu veux, Bonbec… On l’appelait l’Attila de Paris ! Là où il passe les petites rues ne repoussent pas. Regarde la planche sur « La rue de la grande ville ». C’est une ville comme Haussmann les aime. Des avenues larges pour circuler, des immeubles identiques pour habiter avec des boutiques en bas pour commercer. – Pratique. Tu as juste à descendre pour aller chercher ton père au bistrot ou faire tes courses. Plus besoin de courir à Perpète-lès-Oies pour de l’huile ou du pain. Et le bus, peinard, il passe dans ta rue. Il y a même un passage souterrain pour éviter de te faire écraser et des lampadaires pour donner rendez-vous à ta poule. C’est autre chose que Villemomble. Regarde, il y a même un théâtre. Tu y es déjà allé, toi ? – Le théâtre, c’est pour les filles. Ma mère et mes deux petites sœurs vont au Châtelet voir des opérettes. Mes sœurs prétendent qu’il y a même des chevaux sur la scène ! Tout ça parce qu’elles sont jalouses que mon père m’emmène voir de la boxe à la salle Wagram. – Et les grands magasins, ta mère t’y traîne ? Rien que de regarder la planche, j’ai mal aux pieds. Moi, j’ai mal à mes petites sœurs. Ma mère nous emmène tous les trois. On s’habille en

Ville et population

La trente-troisième pièce du bœuf




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Un campement de pasteurs nomades.


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En guise de table des matières, quelques-unes des perles collectionnées par Monsieur Brulé

Introduction, 8

Où l’on apprend que : La géo, c’est chiant !

Nos régions, 10

Où l’on apprend que : Le Tour de France donne des caries ; Koufra est la banlieue de Strasbourg. Le relief, 18 Où l’on apprend que : Les GI’s ont confondu Massif armoricain et Massif américain ; La France est une négresse à plateaux ; La Bretagne est un plongeoir. Les mers, 36

Où l’on apprend que : La Terre, c’est que de la mer ! La France est un hexagone à sept côtés ; La criée est une langue.

Les côtes, 48

Où l’on apprend que : Le Nord a des rides au front ; La côte d’Adam créa la femme ; Qui voit Oléron voit le fond… Qui voit ma mère voit sa der !…

Les fleuves, 60

Où l’on apprend que : Le Rhin cache son cours en Suisse ; BB remonte la Garonne ; La nappe frénétique n’est pas de l’eau gazeuse.

Le climat, 70

Où l’on apprend que : Bonbec est l’anticyclone des Açores ; Les soupières volent en climat tempéré ; Saint-Tropez est une station de ski.

Le village, 88

Où l’on apprend que : Les villages français ont gagné au Monopoly ; La récréation est enregistrée sur un disque ; « Le cul de Fanny » n’est pas égrillard.

Ville et population, 102

Où l’on apprend que : Haussmann a inventé le pâté de maisons ; Le Bon Marché n’est pas bon marché ; Le bigoudi est un petit oiseau des îles.

Voies de communication, 120

Où l’on apprend que : La France est un train électrique ; Les avions sont des locomotives volantes ; Les tunnels n’aiment pas les femmes enceintes.

Activité agricole, 132

Où l’on apprend que : Il pousse des spaghettis dans les champs ; Le tracteur est un cheval sans crottin ; Le pis des vaches vaut 3,14.

Commerce et industrie, 146

Où l’on apprend que : Le tourisme en France est là où il n’y a rien ; Les pneus poussent dans le Massif central.

Le monde, 160

Où l’on apprend que : Le Dalaï-Lama n’est pas un genre de lama ; Bonbec est un ventromadaire ! Le « Picouly Zéro » est prince peul, guerrier massaï… ou pas.


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