La Première Guerre mondiale est passée : militaire, Papa jouit aux yeux de ses six enfants du prestige de la victoire ; et il a conscience de contribuer à repeupler la France.
Être ensemble Être ensemble, vivre ensemble, ressentir dans les gestes les plus simples comme dans les événements exceptionnels la force des liens qui vous unissent aux plus proches, n’est-ce pas cela, former une famille ? Pas besoin de les dire, ces liens que rien ni personne ne peut rompre, entre parents et enfants, grands-parents et petits-enfants, oncles, tantes, nièces et neveux, cousins et cousines.
C
’est une proximité de cœur qui fait fi des séparations et des distances, et qui explose lors des retrouvailles ; ce sont des sentiments qui n’ont pas besoin d’être exprimés pour être vécus et qui enrichissent la vie d’inoubliables souvenirs. Au fil des époques, à travers les mutations du monde, les bouleversements des manières de vivre, dans des formes renouvelées, les liens familiaux perdurent comme une constante biologique ; mais il est des circonstances, des situations, des étapes de la vie, qui les rendent plus intenses, plus sensibles, plus visibles. Sciences modernes, la psychologie ou la psychanalyse ont bien montré l’importance des liens fusionnels de la jeune maman avec son nouveau-né, autant que la nécessité de les voir évoluer vers une autonomie indispensable à l’épanouissement des personnes pour les rendre capables d’aimer, et donc de vivre pleinement les liens familiaux. Elles ont souligné aussi le rôle indispensable et complémentaire des images et des rôles paternels et maternels, l’intérêt des transmissions issues des grands-parents, la richesse des relations de fratrie et de cousinage. Dans le tourbillon de la vie, les temps où, en famille, on se retrouve ensemble sont ainsi essentiels. Peut-être que le premier devoir du chef de famille – le père jusqu’aux années quatre-vingt, le père et/ou la mère depuis – est, justement, de rendre possibles ces moments où la famille prend conscience de sa propre réalité. Au fil des ans, les modalités de la vie familiale ont évidemment changé. Les liens affectifs se sont exprimés différemment. Mais passer un moment de vacances avec Papy et Mamie – hier, Pépé et Mémé – a toujours gardé, depuis le
XIX e
siècle, le même prix. Même si, bien sûr, vivre avec eux
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G RAND -P ÈRE ET G RAND -M ÈRE
À LA MAISON
Il est des héritages que l’on ne peut assumer : la vie de trois générations sous un même toit en est un, venu de la France rurale et quasiment impossible dans la société urbaine qui se met en place au XXe siècle, avec ses appartements étriqués et ses crises du logement. Dans le passé, en effet, les trois âges d’une même famille cohabitaient souvent, si ce n’est dans la même maison, au moins à proximité immédiate, dans le même village. Alors, le partage des expériences et des services jouait un grand rôle et cimentait une unité familiale qui ne se retrouve plus ensuite. Les grands-parents avaient spontanément leur place dans l’éducation des plus jeunes, et pas seulement en relayant ponctuellement les parents. Comme il était pratique pour les mères de pouvoir compter sur la garde bienveillante des plus jeunes par les plus vieux ! Leur seule présence suffisait à entretenir un « esprit de famille » en inscrivant celle-ci dans l’histoire. Le soir, tant que la radio et, plus encore, la télévision n’imposaient pas encore leur présence, ce sont bien sûr les aïeux qui étaient sollicités pour évoquer le passé, faire le portrait plein de couleurs d’un oncle ou d’une tante, révéler les travers des parents quand ils étaient petits… La famille était alors vraiment semblable à celle des siècles passés, où les traditions, les savoir-faire se transmettaient de génération en génération.
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MÊME SI BEAUCOUP DE MÈRES DE FAMILLE NE TRAVAILLENT PAS HORS DU FOYER
dans les années quarante, une grand-mère qui peut garder les enfants ou les accompagner au square rend un service inestimable ; et puis, quelle complicité entre les générations !
LES VACANCES SONT SOUVENT LE TEMPS DES RETROUVAILLES
entre enfants, parents et grands-parents, au moins pour un moment où s’entretient l’esprit de famille.
GRAND-MÈRE HABITE À LA MAISON :
le soir, sa réussite accompagne les activités des parents dans le calme de la maison déjà en partie endormie.
UNE ACTIVITÉ, UN REPAS PARTAGÉS,
et voici les grandsparents parfaitement intégrés à la vie familiale.
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C’ EST N OËL ! S’il est une fête familiale, c’est bien celle-ci ! Jusqu’aux années soixante, sa dimension religieuse n’échappe à personne. Dans la famille, l’impatience a grandi de jour en jour, plus vive encore après que l’on a décoré le sapin dont l’installation devient incontournable vers les années soixante. Alors se multiplient les « rites » de Noël : calendrier de l’Avent, décoration de la maison… Jusqu’à cette époque, la concurrence demeure forte entre « le petit Jésus » et le père Noël, au point que les petits s’y perdent un peu : qui, vraiment, apporte les cadeaux ? Ils sont longtemps modestes : avant la Seconde Guerre mondiale, recevoir une orange était une grande joie… Les cadeaux ne deviennent importants qu’avec la société de consommation triomphante de la fin du XXe siècle. Pour l’heure, entre la volaille et la bûche, on prépare le repas ; le réveillon ne devient habituel, lui aussi, que vers les années soixante. Jusque-là, on hésite à faire veiller les enfants, si heureux d’être les premiers levés le matin de Noël pour découvrir leurs cadeaux devant la cheminée. Bien difficile, après, d’être à l’heure à la messe ! Quand les enfants ont grandi, certaines familles préfèrent la messe de minuit, que le concile permet de célébrer un peu plus tôt. Une constante, en tout cas : en 1900 comme en 2000, Noël rassemble toujours la famille.
UNE LETTRE AU PÈRE NOËL,
un sapin que l’on va décorer : les préparatifs sont fébriles…
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LA PHOTO AVEC LE PÈRE NOËL, un instant magique.
LA CRÈCHE Depuis le XIX siècle, la tradition provençale et italienne qui voit la naissance de Jésus présentée dans les églises est adoptée par les familles. Chez les croyants, on se rassemble devant la crèche pour la prière du soir, et c’est à qui aura le droit d’allumer une ou deux petites bougies. L’enfant Jésus n’y est placé que la nuit de Noël. Le modèle provençal et ses santons, que l’on complète chaque année, gagnent toute la France dans les années soixante, en concurrence avec la crèche que l’on fabrique soi-même – papier rocher, papier doré – et qui est chaque année différente. e
VENUE DES PAYS GERMANIQUES,
la tradition du sapin de Noël n’a pas eu de mal à s’implanter partout ; en France, elle se généralise dans les années soixante.
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