Hors-Piste

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HORS-PISTE l’activité de recherche chez Bouchaud Architectes 26/07/2021 Hubert Bokobza

Note d’intention La recherche en architecture est un domaine mal détouré. On la rapproche quelquefois de la recherche en sciences et d’autres fois de la recherche artistique, à l’image de l’architecture elle-même qui aime rappeler son caractère multi-dimensionnel. De plus, la recherche semble être plus souvent pratiquée par les écoles d’architectures que par les agences. Il semble donc que la recherche privée manque de définition. Doit-elle être prescriptive ou descriptive ? Doit-elle contribuer à faire évoluer la pratique de l’agence, à développer une clientèle ou à contribuer à une forme de consensus dans l’exercice des architectes ? Quelle légitimité a-t-elle auprès des autres agences, auprès du ministère de la culture ou après des laboratoires universitaires ? Le présent texte cherche à faire un état des lieux sur notre exercice de la recherche développée en Hors-Piste chez Bouchaud Architectes ces dernières années.

Résumé - L’architecture, de nature technologique, n’est pas une discipline descriptive mais prescriptive - Pourtant la recherche en architecture se doit de couvrir les deux aspects - Il n’y a pas de production de connaissances scientifiques ni de mise en commun des connaissances parmi les architectes et donc aucun consensus n’est possible - Les points de vues des architectes sont essentiellement influencés par les praticiens les mieux médiatisés - Ces points de vues ne sont donc pas le résultat de déductions scientifiques mais de positions idéologiques ou morales - Chez Bouchaud Architectes, la recherche prend la forme d’une investigation - Afin de détourer correctement le thème d’une étude, Hors-Piste s’appuie sur les problèmes récurrents rencontrés dans la pratique - Les enquêtes s’appuient essentiellement autour de la lecture neutre de la règlementation et l’exercice des études de cas - Les études de cas ne sont efficaces que si elles simulent un aspect d’une opération réelle et si elles s’appuient sur les points de vue de différents professionnels - C’est de l’interdisciplinarité que vient le caractère innovant de nos travaux - L’exigence d’Hors-Piste est l’application des outils créés dans la production courante - Les études, une fois terminées, doivent pouvoir être utilisées en communication à destination de nos clients - Dans un but de développement commercial ou d’évolution de la règlementation

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Sommaire - La recherche en sciences - La recherche en architecture - La recherche chez Bouchaud Architectes - La place de Hors-Piste chez Bouchaud Architectes

La recherche en sciences Selon Etienne Klein : « Il faut distinguer la recherche et la science. La science, ce sont des connaissances établies, prouvées jusqu’à preuve du contraire, qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause tous les quatre matins. Quand vous êtes un chercheur il n’y a pas lieu de reposer la question de la forme de la Terre. C’est acquis. Alors que la recherche, ce sont des questions dont nous ne connaissons pas les réponses. On sait qu’on ne sait pas, mais on développe des stratégies, et on cherche. Et donc on doute. Ce qui amène la science à une sorte d’ambivalence puisqu’elle a à faire avec la vérité qu’elle prétend découvrir et en même temps avec le doute systématique. » Admettons donc que la science soit l’état des connaissances établies par la méthode scientifique, et que la recherche soit la posture de doute méthodique en quête de la vérité. Lorsqu’Etienne Klein fait appel au terme science, sans en préciser le sens, on entend généralement science dure. Mathématiques, physique, biologie,… autant de sciences proposant des modèles théoriques qui permettent d’appréhender intellectuellement des phénomènes naturels. Mais on peut également citer les sciences dites molles, la sociologie, l’histoire, l’économie,… qui ont la particularité de décrire des phénomènes liés à la conscience humaine. On peut également distinguer parmi les disciplines scientifiques et de recherche, celles qui sont descriptives de celles qui sont prescriptives. Si la physique décrit l’attraction terrestre, c’est à la technologie d’inventer l’avion ou la fusée. Comme exemple de recherche descriptive, l’historien rassemble des preuves, plus ou moins difficiles d’accès, puis, au travers d’une enquête, d’une investigation, cherche à comparer, à tisser des liens entre les faits, afin de générer de la signification. Même en tendant vers la vérité, l’historien est soumis à son propre point de vue. Par ailleurs, la pharmacologie est une discipline qui cherche à déterminer les traitements les plus adaptés aux besoins de santé. On teste des galéniques* selon un protocole déterminé à l’avance, sur un échantillon cible. Les résultats sont analysés afin d’en dégager des conclusions pour d’éventuelles recommandations de bonnes pratiques pour les professionnels de santé. Ce qui en fait une discipline prescriptive. La recherche en architecture doit-elle énoncer les bonnes pratiques de la discipline ou bien simplement faire le constat des pratiques actuelles et passées ? 2

* principe actif dont on cherche le juste équilibre avec les excipients (matières inactives)


En zététique, la relation entre le descriptif, ce qui est, et le prescriptif, ce qui devrait être, est imagée par la guillotine de David Hume : « On ne peut pas déduire ce qui devrait être de ce qui est. » Le constat d’un phénomène ne peut amener seul à la déduction d’une solution. Pour formuler une prescription, il faut nécessairement ajouter à la description d’un phénomène une volonté d’en transformer les effets. Par exemple, le phénomène de la gentrification peut être décrit par le prisme de l’économie ou de la sociologie, mais il revient au politique de déterminer s’il faut l’enrayer ou pas. Pour décider de ce qu’il faut faire, l’idéologie est un raccourci intellectuel pratique. Mais l’outil le plus approprié pour déterminer ce qu’il faudrait prescrire, serait celui de la morale ou de l’éthique. Est-il moral de laisser faire la gentrification ? On pourrait ici opposer la morale déontologique pour laquelle il existe des interdits absolus, à la morale utilitariste qui cherche à maximiser le bonheur total. Mais la morale n’est invoquée en architecture que dans les cas les plus extrêmes.

Prescriptions ? Descriptions ? « les deux mon capitaine » Mais la guillotine de Hume impose un détachement entre les deux, que seules (ou presque) la morale et l’idéologie peuvent résoudre. On peut établir que les objets d’architecture sont des artefacts. Autrement dit, les objets d’architecture peuvent être jugés à l’aune de leurs performances ou de leurs effets dans certains domaines d’études. Les immeubles sont-ils chers ? Dégagent-ils des émissions de carbone ? Génèrent-ils du bonheur ? D’autres formes de qualité ? Sur ces critères, il est tout à fait possible de définir des outils d’analyse et de négocier un consensus entre les praticiens pour les utiliser. Mais certaines caractéristiques de l’architecture sont plus difficiles à décrire en terme de performance, comme l’intention de l’architecte ou encore le respect de ce qui existe sur une parcelle. Sur les sujets qui ne peuvent être évalués par des chiffres, le consensus des praticiens est plus difficile à trouver. Dans le meilleur des cas, il passe essentiellement par un état d’esprit général. On constate par exemple, sur la question de la réhabilitation, une évolution du point de vue des architectes. Depuis la modernité faisant l’éloge de la « table rase », jusqu’à l’architecture contemporaine faisant la promotion du « déjà-là ». Aujourd’hui, on peut légitimement s’appuyer sur des outils tels que le bilan carbone pour démontrer la vertu de conserver ce qui existe déjà. Cet outil a été développé afin de quantifier les émissions de carbone émis par les interventions des architectes. S’il a été mis en place, c’est que le problème avait déjà été identifié avant. Comme souvent, c’est la rationalisation qui succède à l’idéologie. On ne peut mesurer que ce que l’on soupçonne déjà. 3


Alors peut-on considérer les architectes comme des scientifiques de l’architecture composant un ensemble de pairs et capables de formuler un consensus ? Non, les architectes ne génèrent que rarement de la connaissance par déduction, ou démonstration scientifique. Ils puisent leurs idées de l’influence des praticiens les mieux médiatisés présents et passés. Au mieux ceux dont les idées sont accessibles. Sans publication, pas de transmission d’idée. C’est là l’héritage du monde de l’art duquel s’est extraite la discipline de l’architecture. Toute notion de consensus n’a donc pas de sens dans ce domaine, au mieux on peut parler d’écoles de pensées, de mouvements architecturaux ou d’effets de mode. Il semble vain de chercher à étudier l’état de la connaissance architecturale comme une science. Un des principaux freins au consensus architectural donc, est celui de l’accès à l’information. En ce qui concerne les sciences les plus dures, la connaissance est presque entièrement disponible pour n’importe quel praticien. En histoire, certaines preuves sont plus difficiles d’accès que d’autres. Mais en architecture, il n’y a aucune base de donnée commune qui fait foi parmi les architectes. De plus, étant donné la logique de concurrence qui existe entre les agences d’architecture, il est rare de les voir collaborer afin de générer de nouvelles connaissances à l’aide de discussions entre articles. Cette difficulté d’accès à la connaissance est également un frein à l’activité de recherche collective. L’héritage du monde de l’art impose une logique de diffusion médiatique des idées, mais également un impératif de nouveauté. Comme évoqué plus haut, la recherche tente de déduire ses conclusions de fait déjà établis. C’est donc une progression lente qui est à l’oeuvre dans la recherche de la vérité, pour avancer avec prudence et se rétracter en cas de besoin. Cependant, la logique médiatique impose de mettre en spectacle ses conclusions. On est alors tenté de les exagérer, de les déformer, ou alors d’en dissimuler les présupposés afin de créer l’effet de surprise. Fort heureusement, l’état de la connaissance étant imparfait, il est tout à fait possible de présenter comme nouveau un fait oublié du public que l’on cible. A défaut d’être novateurs, soyons insolites. Par exemple, lors de la restitution des surélévations parisiennes, nous avons dissimulé le fait que la surélévation était une pratique courante à Paris jusque dans les années 70, afin de le révéler lors du dernier acte de la présentation. Cette surprise dans la démonstration avait pour but de présenter dans le même geste la référence passée et la solution d’avenir. Cette surprise a évidemment beaucoup mieux fonctionné sur les investisseurs que nous avons ciblés que sur des historiens en architecture. Ainsi, l’architecture est une discipline technologique, elle propose donc des prescriptions, mais ce n’est pas nécessairement le cas de la recherche. Celle-ci pourrait se donner la mission de proposer un modèle théorique descriptif des objets d’architecture ou des pratiques. Elle pourrait également déterminer une liste de prescriptions à destination des architectes à condition d’en énoncer d’abord les objectifs et de les justifier.

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Les méthodes de recherche chez Bouchaud Architectes Hors-Piste sait évoluer dans un champ de la recherche à mi-chemin entre l’architecture et l’immobilier. Ce croisement de champs nous amène à contextualiser l’architecture au regard de l’économie et des exigences du marché. Cette logique nous amène à questionner l’efficacité des solutions que nous mettons en place avec nos clients. Ces domaines sont connexes, mais intéressent trop peu la communauté des architectes. La définition de ce champ de recherche a évolué au fil des réussites et des échecs rencontrés par la cellule Hors-Piste, et n’est pas à l’abri de nouvelles évolutions. Ce que nous définissons dans le terme recherche peut être résumé par l’appellation investigation. Nous menons nos études comme des enquêtes. Nous avons par exemple exploré le sujet de la valorisation des sous-sols privés des immeubles haussmanniens. Nous avons investigué à propos de la pratique des surélévations à Paris. Ces études nous poussent à dresser des états de l’art dans ces domaines. Mais la plus grande source d’information - en tous cas la plus fiable - tient dans la règlementation. C’est souvent là le point de départ de nos recherches, mais également un repère précieux en cours de processus. Dans la pratique courante, on s’y réfère afin de vérifier que le projet que l’on dessine est conforme. En Hors-Piste, nous cherchons à avoir une lecture hors contexte et neutre de cette matière. Cette lecture permet d’en interroger les notions et d’en interpréter les intentions. La règlementation est issue à la fois d’ajustements réactifs vis-à-vis de phénomènes observés, et à la fois de codes découlant de la tradition. Par exemple, on peut évoquer la loi sur l’égalité des droits et des chances (2005) qui constitue une avancée pour le confort des personnes à mobilité réduite. Ces règles réactives constituent généralement des acquis pour les usagers. D’autres règles découlent de la tradition et n’ont pas fait l’objet de tests avant d’être adoptées. On peut citer ici la dimension des saillies et balcons autorisée sur la rue dans le PLU, qui n’a rien à voir avec le confort créé pour les usagers et tout à voir avec l’ambition politique de l’image de la ville depuis le point de vue du passant. Les règlementations ont donc plusieurs façons d’être rédigées et mutent au cours de leur histoire. Il est intéressant de se pencher sur les raisons de ces évolutions afin d’appréhender les intentions dissimulées derrière le texte. Les règles interviennent pour limiter certaines pratiques ou pour en encourager d’autres. Pourtant, ces intentions ne sont que rarement communiquées aux praticiens, et encore plus rarement discutées avec eux. Là encore, les architectes ne sont pas réputés auprès des pouvoirs publics pour leurs valeurs morales quand bien même ils en ont. Un autre exercice que nous pratiquons est l’étude de cas. Cet exercice consiste à simuler un projet réel afin d’en comprendre les points de difficultés. Comme un enquêteur pourrait reconstituer une scène de crime afin de révéler les contradictions des témoignages, l’étude de cas permet de discuter avec les différents experts du bâtiment pour comprendre les difficultés des thèmes traités. Cet exercice n’est efficace que si la problématique a été suffisamment ciblée au préalable, et seulement s’il est associé à une vision pluri-disciplinaire. La simulation 5


d’un projet permet de comprendre les difficultés potentiellement rencontrées et de les résoudre ensemble. Mener des études de cas en mono-disciplinarité amène les architectes à l’ultracrépidarianisme. C’est-à-dire à s’exprimer sur des domaines qu’ils ne maîtrisent pas. « Cordonnier, pas plus haut que la chaussure. » Un architecte n’est pas un industriel, ni un ingénieur ni un économiste ni un maître d’ouvrage. Seul le croisement entre les disciplines permet de générer des connaissances nouvelles, au minimum localement, du point de vue des participants.

La place de la recherche chez Bouchaud Architectes Quelle relation Hors-Piste a-t-il avec le reste de l’agence ? Toute étude chez nous commence par la définition de son sujet. Nous nous attachons à trouver dans la pratique courante un problème redondant. C’est pourquoi ce sont généralement les directeurs de pôles qui déterminent le point de départ. Chaque étude répond à un besoin précis, soit de trouver une solution opérationnelle, soit de gagner en connaissance sur un sujet d’architecture. Comment valoriser les sous-sols ? Quels surélévations peut-on faire à Paris ? Quels sont les pré-requis pour convertir des bureaux en logements ? Pour répondre à ces problématiques concrètes, les solutions ou outils de conception créés par Hors-Piste doivent être parfaitement applicables dans la production courante. Un haut degré de réalisme est attendu. C’est pourquoi la règlementation est si importante dans notre méthodologie. Une étude pourrait se contenter de vulgariser quelques points d’une règle, elle serait déjà utile. D’autres études peuvent être menées à propos d’outils spécifiques. Par exemple, comment concevoir une façade en fonction de son irradiation solaire ? Dans ce cas particulier, le but était l’exploration de l’outil ladybug* et la définition d’un processus de travail que l’on pourrait inclure à la production courante. L’objectif de ces travaux tient dans la remise en question des évidences et des automatismes de la production. Comment notre pratique quotidienne pourrait-elle s’améliorer ? Comment pourrait-on être de meilleurs architectes ? Cet objectif nous mène naturellement à communiquer nos études à nos clients les plus proches. Il est toujours intéressant de recueillir leur point de vue sur notre pratique par le biais d’une problématique neutre. Lorsqu’on leur présente une de nos études, il n’y a pas les conflits d’intérêt typiques d’un projet réel. C’est souvent l’occasion de discuter librement des préoccupations de chacun à propos du thème étudié. Ces moments d’échanges sont si bien reçus qu’ils peuvent souvent mener à de nouvelles envies de collaboration. 6

* plug in de Grasshopper permettant de mesurer l’irradiation solaire selon des données statistiques relevées


Au delà de la génération de connaissances, Hors-Piste est donc un formidable outil de développement commercial. En ultime objectif, nous souhaitons remettre en question les habitudes de nos clients. En effet, nous avons la conviction profonde qu’une ville dense et mixte est une ville efficace. Une ville dans laquelle les déplacements des personnes et des produits sont réduits, une ville dans laquelle le télétravail est facile à pratiquer, une ville dans laquelle toute surface est mesurée et valorisée. Pour arriver à cela, nous privilégions le sur-mesure plutôt que le standard. C’est pourquoi nous cherchons à valoriser l’intelligence de projet et le temps de réflexion pour les solutions inhabituelles. Étant donné que l’objectif d’Hors-Piste consiste en une remise en question permanente des pratiques courantes de l’agence, le pôle doit adopter la bonne distance avec le reste de l’équipe. Suffisamment proche pour être informé des habitudes de travail, et suffisamment éloigné pour adopter le recul critique inhérent à la mission.

Afin de résumer la présente démonstration, nous pouvons retenir que : - L’architecture, de nature technologique, n’est pas une discipline descriptive mais prescriptive - Pourtant la recherche en architecture se doit de couvrir les deux aspects - Il n’y a pas de production de connaissances scientifiques ni de mise en commun des connaissances parmi les architectes et donc aucun consensus n’est possible - Les points de vues des architectes sont essentiellement influencés par les praticiens les mieux médiatisés - Ces points de vues ne sont donc pas le résultat de déductions scientifiques mais de positions idéologiques ou morales - Chez Bouchaud Architectes, la recherche prend la forme d’une investigation - Afin de détourer correctement le thème d’une étude, Hors-Piste s’appuie sur les problèmes récurrents rencontrés dans la pratique - Les enquêtes s’appuient essentiellement autour de la lecture neutre de la règlementation et l’exercice des études de cas - Les études de cas ne sont efficaces que si elles simulent un aspect d’une opération réelle et si elles s’appuient sur les points de vue de différents professionnels - C’est de l’interdisciplinarité que vient le caractère innovant de nos travaux - L’exigence d’Hors-Piste est l’application des outils créés dans la production courante - Les études, une fois terminées, doivent pouvoir être utilisées en communication à destination de nos clients - Dans un but de développement commercial ou ou d’évolution de la règlementation

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La pratique de l’architecture est à la fois conditionnée par la règlementation et par le savoir-faire des architectes. Si la critique de la règlementation est aisée, elle n’est que peu utile si l’on ne peut pas la modifier. Dans notre pratique d’investigation, nous effectuons un travail d’historien avec la règlementation afin d’en comprendre les évolutions et d’en interpréter les intentions. C’est la partie descriptive de notre travail, qui doit être succédé d’une vulgarisation. Comme en histoire, si la description cherche à tendre vers l’objectivité, elle n’est jamais neutre. Selon le point de vue adopté sur la règlementation, on change la perception des problématiques soulevées, et on oriente le cadre de conception que l’on propose. A l’aide des études de cas, nous effectuons des expérimentations au travers de simulacre de projet conduisant à conclure sur les bonnes pratiques de notre agence. C’est la partie prescriptive, qui doit être transmise au reste de l’équipe. La portée de nos études n’est en aucun cas universelle. Elles ne s’adressent qu’à notre propre pratique et à nos propres clients. En revanche, notre idéologie peut convaincre au delà de ce cercle comme une position publique afin de nous rattacher à un consensus plus large.

Réflexion bayésienne Au-delà du principe d’un consensus, on pourrait imaginer adopter un raisonnement bayésien afin de structurer l’état de la connaissance en architecture. Que ce soit pour la description des constats ou les prescriptions que l’on peut formuler, on pourrait imaginer ne disqualifier aucune option, mais les classer par efficacité, réalisme, popularité des pairs, ou tout autre critère jugé correct. Le raisonnement bayésien, s’appuyant sur le rasoir d’Ockham, cherche à atteindre en premier lieu les solutions les plus simples et les mieux maîtrisées, à la rencontre d’une problématique. Pourquoi le plancher du grenier craque-t-il ? Est-ce un fantôme ou la thermo-dilatation du bois ? On connait bien le phénomène de la thermo-dilatation du bois, en revanche expliquer la présence d’un fantôme impliquerait de définir ce qu’est la vie après la mort, ce qui est, en l’état actuel des connaissances, délicat. Le rasoir d’Ockham ne suggère pas de disqualifier définitivement l’hypothèse du fantôme, mais de la pondérer tant que la thermo-dilatation du bois est plus facile à expliquer. De la même manière en architecture, une unique prescription universelle serait très mal perçue par la communauté des architectes. Cela dit, il est tout à fait possible de répertorier les pratiques existantes et de les classer par critères, afin que chaque architecte puisse en toute connaissance de cause, choisir les pratiques les plus appropriées à son champ d’intervention. Toute la question étant : quels sont les critères pertinents pour juger l’architecture d’aujourd’hui ?

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