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Un hôpital ouvert à l’art

Depuis 25 ans, ArtHUG fait une place à l’art et à la culture au sein de l’hôpital. Une multitude d’événements, d’expositions et d’activités culturelles sont organisés pour apporter chaleur et humanité dans les lieux de soins et apaiser l’expérience des personnes qui les traversent. L’art est aussi un merveilleux outil auxquels les équipes soignantes recourent pour améliorer la santé et le vécu des patients et patientes.

, Maëlle

Le dialogue entre les arts et les soins a toujours existé. Aux HUG, cette sensibilité à l’égard du monde artistique et culturel est le fruit d’une longue tradition qui a commencé par les dons d’œuvres d’art à l’institution. Considérant qu’un hôpital universitaire a des devoirs de sciences et d’humanité, la Direction générale a décidé d’officialiser la promotion de l’art et de la culture au sein de l’hôpital en créant un service dédié, qui fête cette année son 25e anniversaire. ArtHUG, c’est désormais son nom, a pour mission de maintenir une présence de la culture et de l’art à l’hôpital, explique Michèle Lechevalier, sa responsable : « Nous organisons des interventions artistiques sur tous les sites, aussi bien pour les patientes et les patients que pour les collaborateurs et collaboratrices. L’hôpital est souvent perçu comme anxiogène et nous souhaitons, par notre travail, apporter un supplément d’âme pour que les personnes se sentent mieux prises en charge. »

Concilier les missions

ArtHUG collabore étroitement avec les équipes soignantes pour concilier au mieux sa mission avec celle des soins : « Nous nous adaptons aux lieux, aux publics, aux patho­ logies, aux durées de séjour et bien sûr à la condition des personnes atteintes dans leur santé », souligne-t-elle. Très éclectique, la programmation se veut accessible et inclusive. Au fil du temps, de nombreux projets ont vu le jour (lire plus loin), que ce soient des pauses musicales, des poèmes glissés sur les plateaux-repas, la projection de films et documentaires, l’exposition d’œuvres dans les espaces communs ou l’accueil de résidences d’artistes, par exemple. Par l’intermédiaire d’une œuvre ou d’un projet artistique, des thématiques de santé peuvent être présentées sous un jour nouveau.

ArtHUG collabore avec de nombreux acteurs de la scène culturelle genevoise, parmi lesquels la Haute école de musique (HEM), la Haute école d’art et de design (HEAD), les Concerts du cœur genevois (lire en page 21), le Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH), le Festival Animatou, le Printemps de la poésie, différents musées, etc. Une façon aussi de rapprocher l’institution et la cité.

Plus qu’une distraction

La rencontre avec l’art et le plaisir qu’il procure contribue à modifier la perception du milieu hospitalier et les sentiments négatifs qui peuvent y être associés. Car la maladie, lorsqu’elle s’invite dans une existence et par les points de rupture qu’elle impose, génère bien souvent souffrance, appréhension et questionnements. Une attention particulière est donc donnée à la décoration et à l’animation des lieux, dans les salles d’attente, les couloirs, les halls. Musique, danse, théâtre, peinture, cinéma, poésie, installations et performances artistiques offrent des moments d’évasion.

« L’accès à l’art et à la culture est un droit fondamental de l’être humain, même en cas d’hospitalisation », rappelle Michèle Lechevalier qui, avec son service, œuvre pour une démocratisation de la culture. Ainsi, l’art n’est pas une simple distraction et encore moins « un gadget », selon les mots du Dr Rémy Barbe, responsable d’unité au Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Ses effets sur la santé et le bien­être sont prouvés par de nombreuses recherches scientifiques, comme l’indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un rapport complet sur le sujet (lire l’interview en page 18). Son pouvoir thérapeutique tient à de

Synthesis of neocortical neurons, EPFL, Blue Brain Project, 2008 multiples facteurs. « L’émotion esthétique suscitée par la beauté d’une œuvre d’art favorise l’activation du système de récompense, situé dans le cerveau, ainsi que la sécrétion de dopamine et de sérotonine, deux hormones impliquées dans la régulation de l’humeur », note le Dr Barbe. Au­delà de la beauté, l’art stimule notre curiosité, mais aussi notre empathie lorsque nous essayons de comprendre ce qu’un ou une artiste a voulu exprimer. Il peut amuser, dérouter ou au contraire éveiller des sentiments de familiarité.

Quelle que soit son expression, l’art fait appel à nos sens, réveille notre sensibilité et invite à la rêverie. Il permet en outre de se socialiser, un ingrédient essentiel de la santé, poursuit le pédopsychiatre : « Les visites culturelles, à raison d’une fois par mois au moins, réduisent le risque de dépression, selon les travaux de chercheurs britanniques. Le fait d’aller au musée, au cinéma ou au théâtre, de parler de l’expérience vécue et de se reconnecter avec les autres y participe fortement. »

Un outil de soin

Aux HUG, plusieurs équipes y recourent comme outil de soin, à l’instar du Dr Frédéric Sittarame, médecin associé au Service de cardiologie : « Les patients et patientes des programmes de réadaptation cardiovasculaire peuvent bénéficier de sorties au Musée d’ethnographie de Genève (MEG) et au Musée d’art et d’histoire (MAH) pour suivre des ateliers d’enseignement thérapeutique avec création à médiation artistique ou culturelle. » Mais aussi d’autres projets variés comme du théâtre musical, des séances de rythmique en partenariat avec l’Institut Jaques­Dalcroze, de l’écriture, etc. Le Dr Barbe évoque quant à lui les groupes thérapeutiques au sein de l’unité d’hospitalisation : « Nous proposons aux jeunes de partager un morceau de musique de leur choix. La musique est sans doute l’art le plus universel. Elle implique une forte résonance émotionnelle et peut transformer l’humeur. » En médecine des

DANIELLE, proche d’un patient

« Ce concert est le dernier moment heureux que nous avons partagé ensemble »

« Mon beau­père Jean avait des problèmes cardiaques. Mais c’est la découverte fortuite, aux urgences, d’une grosse masse dans son côlon qui a conduit à son hospitalisation. Il n’a pas voulu se faire opérer et sa santé s’est dégradée rapidement. Un mois avant son décès, le personnel soignant de l’Unité de soins palliatifs de Bellerive lui a proposé un concert en chambre. La violoniste et le guitariste de Barlovento, un groupe professionnel de musique, nous ont offert un concert épatant et de grande qualité. C’était sublime, un vrai bonheur. Ils ont montré beaucoup d’empathie. Ce qui s’est passé dans cette chambre a été extraordinaire, c’était un moment de communion intense. Ce concert est le dernier moment heureux que nous avons partagé ensemble. Mon mari et moi étions très émus. Nous nous en souviendrons toujours. »

Fête de la danse, Compagnie Delrevés, 2018 addictions, parce qu’il bouscule et interpelle, l’art est aussi un bon auxiliaire de soins, explique le Pr Daniele Zullino, médecin-chef du Service d’addictologie : « Il aide à sortir d’une pensée rigide, figée et ritualisée, qui est propre à l’addiction. »

Pour le spécialiste, se confronter à l’art permet en outre de s’identifier et de se raconter, mais aussi d’élargir le champ des possibles dans une perspective de vie à plus long terme.

Que ce soient des murs colorés, des miroirs de brocante ou des blouses blanches suspendues dans les couloirs de l’unité, des installations créées par des étudiants et étudiantes de la HEAD en résidence font naître le dialogue et suscitent des émotions. Car le pouvoir de l’art réside surtout dans sa capacité à créer du lien et à faire ressortir la dimension humaine des différentes personnes actrices de l’hôpital, au­delà du rôle de chacun et chacune. Son intégration dans les soins s’inscrit enfin dans une approche holistique, où la personne est envisagée dans sa globalité 

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