Otto Dix: Les Joueurs de skat
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Dans ce tableau, appelé Les Joueurs de skat, trois mutilés de guerre jouent aux cartes (petit clin d’œil narquois jeté aux Joueurs de cartes de Cézanne?). Éclairés par une ampoule sur laquelle est esquissée une tête de mort, ces « gueules cassées » ne peuvent plus tenir leurs cartes en main sans l’aide de multiples prothèses. Sur les boîtes crâniennes ouvertes des deux joueurs de gauche, une femme et un homme enlacés rappellent que les invalides sont condamnés à ne plus avoir de relations sexuelles, si ce n’est en rêve. Le joueur de droite arbore une dérisoire Croix de fer. Le recours au collage, typiquement dadaïste, a une dimension ironique : les journaux font écho au « bourrage de crâne », à la propagande, très virulente avant , pendant et après la Grande Guerre.
CĂŠzanne: Joueurs de cartes
Des gueules cassĂŠes
DE LA BRUTALISATION DES ESPRITS À LA BRUTALISATION DE LA POLITIQUE
HISTOIRE À LA CARTE: EUROPE ET NATIONS LA MONTÉE DES PÉRILS 1929-1942 http://www.histoirealacarte.com/
L’INSTAURATION DE LA DICTATURE FASCISTE DE L’UNITÉ À LA CRISE D’APRÈS GUERRE Après l’achèvement de l’unité, l’Italie développe une sorte de complexe d’infériorité vis-à-vis de ses voisins européens due en partie à l’industrialisation qui s’est faite bien plus tard et, entraînant de fait un retard de développement socioéconomique. D’autre part, l’Angleterre, la France ainsi que l’Allemagne consolident et amplifient leurs conquêtes coloniales. •
Les promesses faites à l’Italie par les Alliés en 1915 n’ont pas été tenues lors de la signature des traités de paix en 1919. les nationalistes et les fascistes parlent de « victoire mutilée » et veulent annexer les terres irrédentes. Une forte déception associée à un sentiment de frustration favorise la montée en puissance des politiques extrémistes.
CRISE SOCIALE ET ÉCONOMIQUE • Le poète D’Annunzio milite pour l'entrée en guerre du côté de l'entente. Engagé volontaire dans l'aviation pendant la guerre, il réalise le 9 août 1918 un vol de 1000 km vers Vienne où il largue des tracts comme celui reproduit ci-dessous. D’Annunzio, héros de la Grande Guerre, peut servir d’exemple à la montée en puissance des politiques extrémistes. Le 12 septembre 1919, D’Annunzio entre dans la ville de Fiume en Istrie et la contrôle. Il en chasse les troupes françaises, britanniques et américaines et propose la ville au Royaume d'Italie qui la refuse. Il crée alors une régence avec une constitution qui, par certains côtés préfigure le fascisme. Un mélange d'anarchistes, de fascistes, de socialistes et d'aventuriers de tous poils le rejoint. C'est dans ce climat fait de violence et de liberté que se dessine, en filigrane, le profil de l’homme nouveau, fondement de la future société totalitaire. La Grande Guerre a accentué les inégalités; soldats et officiers pensent que l’État a une dette envers eux.
L’ HOMME NOUVEAU EN CHANTIER QUELLES VALEURS ? exhaltation mystique du destin ? héroïsme guerrier ? violence et force ? culte de la jeunesse ? sang purificateur ? liberté sans limites ? volonté de puissance ?
CRISE SOCIALE ET ÉCONOMIQUE Dans les années 1919 et 1920, le chômage augmente ainsi que l’inflation. Les classes moyennes salariées voient leurs revenus baisser. Ces années se caractérisent aussi par d’intenses luttes sociales : grèves, occupations de terres et d’usines. l’Italie semble précipiter vers la révolution comme en Russie. Pour éviter que les communistes ne s’emparent du pouvoir, une partie des élites dirigeantes (bourgeoisie industrielle, propriétaires fonciers) soutient des formations paramilitaires, les squadristes. Les nationalistes et fascistes réclament le rétablissement de l’ordre. S’imposant comme force de répression, le mouvement fasciste rassure une partie des élites possédantes. La stratégie de conquête du pouvoir se met en place.
Scalarini dessinateur et opposant au fascisme: caricature
La vignette présente le fascisme comme le bras armé de la réaction. Derrière le squadriste (identifiable à la tête de mort sur la manche) armé d’un revolver, se dissimule un personnage symbolisant le capitalisme tenant un sac d’or portant la mention « profits de guerre ». On retrouve ici, la dénonciation classique du bourgeois associé au « gros ». D’autres symboles signalent que le dessin entend dénoncer la complicité de l’ensemble des élites dans la répression du mouvement ouvrier en 1920 : fourche pour sa composante agraire, clef pour sa composante industrielle et sac d’or pour sa composante financière. D’autres symboles dépassent des poches du capitaliste évoquant la franc-maçonnerie et la religion chrétienne. Le fasciste tire sur un cortège identifié comme « prolétariat ».
LA NAISSANCE DU PARTI NATIONAL FASCISTE - PFN - ET LA PRISE DU POUVOIR Mussolini et les Faisceaux-Fasci. Benito Mussolini est né en 1883 en Romagne, il est le fils d’un forgeron et d’une institutrice. Il a vécu une enfance misérable, élevé dans le culte des révolutionnaires du XIXème siècle. Il adhère au parti socialiste, devient instituteur en 1901, fuit en Suisse en 1902 où il fréquente des révolutionnaires russes. Il revient ensuite en Italie, travaille comme journaliste. Il maintient encore ses tendances socialistes. En 1914 il fonde Il popolo d’Italia. Au début de la Grande Guerre, il se range du côté des pacifistes, mais devient rapidement favorable à l’intervention militaire : de pacifiste à belliqueux il n’y a qu’un pas, Mussolini le fait! Le 23 mars 1919 à Milan : il fonde les Fasci italiani di combattimento. Les faisceaux proposent un programme politique de type nouveau qui prévoit: - l’amélioration des conditions de travail des ouvriers : hausse des salaires, limitation de la durée du temps de travail, - La gestion des entreprises par les syndicats,
- l’expropriation des richesses, réforme agraire, gestion des entreprises par les syndicats, - la militarisation de l’Italie. Les faisceaux connaissent un succès croissant :fin 1919, ils comptent 17000 membres. Ils reçoivent le soutien des industriels et des grands propriétaires de l’Italie du nord à l’occasion des troubles sociaux qui agitent l’Italie en 1920. En 1921 la conquête du pouvoir est en marche de façon légale : élection de 35 députés (dont Mussolini) à l’assemblée. Par la suite les Faisceaux se transforment en Partito Nazionale fascista (PNF). Son succès ne cesse de croître. En 1922, il est déjà composé de plus de 700 000 membres. La violence comme arme politique fait une entrée fracassante en juillet 1922 : les fascistes brisent par la force une grève générale organisée par les syndicats. Fort de ce succès, Mussolini demande la dissolution de la Chambre et une participation au pouvoir.
L’AFFAIRE MATTEOTTI: l’avènement de la dictature Giacomo Matteotti est issu d’une riche famille de propriétaires fonciers, il mena à bien des études de droit et milita dans sa jeunesse au sein du Parti socialiste italien. En 1919, il fut élu député (dans les conscriptions de Ferrare et Padoue, comme député de Rovigo) et resta fidèle au Parti socialiste quand celui-ci se scinda pour donner naissance au Parti communiste italien en 1922. Durant les élections qui virent consacrer la victoire fasciste (1922), il dénonça les méthodes, violentes et malhonnêtes, de ces derniers, il était alors président du Conseil. Le 30 mai 1924, il réclama l’annulation des élections et promit d’apporter de nouvelles preuves des malversations fascistes durant les élections. Le 10 juin, il sera enlevé par des miliciens fascistes et poignardé à mort ; son cadavre fut retrouvé 2 mois plus tard, le 15 août, à la Quartarella, à 25 kilomètres de la capitale. Un témoin ayant relevé l’immatriculation de la voiture permet de retrouver les assassins ; en tout ce sont 5 partisans fascistes qui sont en cause, leur chef se nommait Amerigo Dumini. Le Parti fasciste fut ébranlé par la vive émotion qui gagna le pays, et l’étranger, à la découverte du crime. Une affaire qui mit sérieusement en péril le pouvoir de Mussolini. Toutefois, il surmonte finalement la crise en réprimant toute opposition et en établissant durablement la dictature.
LES TOTALITARISMES: LE MODÈLE FASCISTE ITALIEN • Le fascisme italien présente toutes les caractéristiques d’une dictature. ( Régime politique autoritaire établi par un individu, une assemblée, un parti, un groupe social).
Il s’oppose : à la démocratie; aux libertés publiques (anti-parlementarisme); aux droits de l’homme; aux libertés individuelles; aux libertés fondamentales de presse ou de réunion. Il a recourt aussi à l’arbitraire policier, à la violence et à l’asservissement du pouvoir judiciaire à l’exécutif.
La vie civile sous le fascisme est complètement sous contrôle par le corporatisme, la jeunesse unique, le syndicat unique, le parti unique. Toute la société est fascisée : les programmes scolaires sont révisés, les loisirs sont encadrés (les vacances, les voyages des ouvriers sont pris en charges par des organisations parallèles du parti fasciste), la jeunesse est enrégimentée dans l'ONB (Opera Nazionale Balilla) : fils de la louve dès 4 ans, Balilla à 8 ans, avanguardisti à 14 ans. Apprendre la vie en collectivité mais aussi le maniement des armes et la discipline militaire, à côté de cours théoriques sur le fascisme, telle est la devise de l’ONB. Le parti unique, son instance suprême, le Grand conseil du fascisme, s'est substitué à la direction de l'État, le Parlement devenant une simple chambre d'enregistrement et le gouvernement un exécutant des décisions prises par le Grand conseil et Mussolini.
Cependant, le fascisme est plus qu’une dictature, puisqu’il se caractérise par une forme de mobilisation collective et de leaderschip et par une volonté totalitaire de contrôle de la société. Cela se décline ainsi: un leader charismatique
une forte adhésion de la part de ses partisans et la prise en charge totale de la vie civile par le corporatisme
Mussolini, Cesare Maria de Vecchi de et Michele Bianchi lors de la marche sur Rome.
L’IDÉOLOGIE FASCISTE Le culte du chef
Le milicien fasciste • La milice (MVSN: Milice volontaire pour la sûreté nationale) est constituée en novembre 1921. C’est une véritable armée au service du parti de Mussolini. Chaque milicien porte un uniforme : chemise noire et fez noir. Cette organisation paramilitaire est légalisée en 1923.
L’état fasciste: Tout dans l’état, rien hors de l’état, rien contre l’état La nature totalitaire de l’idéologie fasciste, présentée dans les Œuvres et discours de Mussolini, considère l’État comme un absolu devant lequel l’individu et les catégories (sociales, professionnelles) mais aussi les partis doivent s’effacer. Ce n’est que dans les années 1930 qu’une véritable doctrine du fascisme se constitue. Depuis la naissance des faisceaux, l’idéologie du fascisme s’est constituée de façon pragmatique et évolutive, en réaction à d’autres idéologies ou systèmes : socialisme, libéralisme, démocratie, etc.
LE CORPORATISME Le corporatisme constitue une forme de syndicalisme fasciste défini par la charte du travail adoptée le 21 avril 1927. En dépit de l’affirmation « l’organisation syndicale ou professionnelle est libre », seuls les syndicats fascistes – dont les dirigeants sont nommés par le pouvoir politique – sont reconnus par l’État. La Confindustria détient le monopole de la représentation patronale. Le ministère des Corporations est le porte-parole des intérêts des syndiqués et joue le rôle de médiateur des conflits. Les négociations des contrats collectifs sont menées directement par les employeurs et l’État. La charte du travail et le corporatisme permirent au fascisme de se présenter comme une troisième voie entre capitalisme et socialisme et de se présenter comme le défenseur des intérêts de la collectivité. En réalité, le système corporatif fut défavorable aux travailleurs et aux catégories populaires.
L’idéologie fasciste et ses valeurs. - Mussolini se voulait l’héritier de la grandeur de l’Empire romain. - valeurs telles que la discipline et l’obéissance, patriotisme, combativité et respect du Duce. - les dix commandements du milicien fasciste renvoient aux Tables de la loi de Moïse - le corporatisme est destiné à assurer la paix sociale – empêcher les grèves et protestations ouvrières – et doit aussi contribuer à unifier le corps social. Il est utiliser pour exercer un contrôle sur la société et fasciser les esprits et les comportements. - le corporatisme permet au régime de se présenter comme un système politique révolutionnaire et favorable aux travailleurs, mais garantissant l’ordre social et la productivité.
- le fascisme s’oppose à la fois à la lutte des classes, au socialisme, au syndicalisme « rouge », à l’individualisme, au libéralisme, à la démocratie, au pacifisme. - Les aspects traditionalistes de l’idéologie fasciste sont : – l’ordre social et la suppression libertés syndicales ; – la prééminence des associations d’employeurs ; – la valorisation de la tradition et de l’ordre antique ; – les valeurs de discipline, de hiérarchie et d’obéissance ; – le poids de l’Église.
LE RÉGIME FASCISTE Les lois fascistissimes est un ensemble de lois établissant en 1925-1926 la dictature en Italie. Ces lois prévoient :
- la dissolution de tous les partis politiques autres que le PNF - la suppression des syndicats -l’interdiction du droit de grève - la censure de la presse -le recensement des individus suspects - la création de l’OVRA, police secrète et d’un tribunal spécial de défense de l’état
MUSSOLINI ET LA DICTATURE Je déclare, ici devant cette assemblée et devant le peuple italien tout entier, que j’assume, seul, la responsabilité politique, morale, historique de ce qui s’est passé. […] Si le fascisme n’a été qu’huile de ricin et manganello1, et non pas la passion orgueilleuse de ce que la jeunesse italienne a de meilleur, à moi la faute! Si le fascisme a été une association criminelle, je suis le chef de cette association criminelle! Si toutes les violences ont été le résultat d’un certain climat historique, politique et moral, eh bien, à moi la responsabilité puisque ce climat historique, politique et moral, c’est moi qui l’ai créé par une propagande qui va de l’intervention à aujourd’hui […]. L’Italie, ô messieurs, veut la paix, elle veut la tranquillité, elle veut le calme dans le travail. Nous, ce calme, cette tranquillité dans le travail, nous lui donnerons, si c’est possible par l’amour, et si c’est nécessaire par la force. Discours prononcé à la Chambre des députés le 3 janvier 1925
1.Manganello: matraque dont se servent les squadristes pour s’attaquer aux opposants au régime
LE TOTALITARISME FASCISTE - contrôle des esprits de la naissance au tombeau au moyen de la propagande à la radio, au cinéma, dans la presse. Dans la rue, la propagande répète les slogans du régime. La conquête de l’Éthiopie et la proclamation de l’Empire, en 1936, sont l’occasion d’une intensification de la propagande. - forger «l’homme nouveau». Le Duce est présenté comme le modèle de l’«homme nouveau»
CONTRES MODÈLES DE «L’HOMME NOUVEAU» :
-le petit-bourgeois -le juif -
La conscience raciale doit être selon le Duce, l’une des caractéristiques de « l’homme nouveau ». La guerre d’Éthiopie donne lieu à un déferlement de propagande raciste.
LES ACCORDS DE LATRAN Les accords du Latran, le 11 février 1929 Les accords du Latran furent signés par le cardinal Gasparri, pour le Saint-Siège, et Mussolini en tant que chef du gouvernement. Ils comprenaient trois volets : – un traité, mettant fin à la question romaine née pendant l’unité italienne ; – une convention financière prévoyant le versement d’une indemnité de réparation au Saint-Siège par l’État italien ; – un concordat : mesures mentionnées dans la deuxième moitié du texte et enseignement obligatoire du catéchisme dans les écoles et les collèges.
« Déclaration sur la race votée par le Grand Conseil du fascisme, le 6 octobre 1938. » Le Grand Conseil du fascisme, suite à la conquête de l’Empire, déclare l’actualité urgente des problèmes raciaux et la nécessité d’une conscience raciale. Juifs et judaïsme . Le Grand Conseil du fascisme rappelle que le judaïsme mondial – surtout après l’obolition de la maçonnerie – a été l’instigateur de l’antifascisme dans tous les domaines […] « Il est temps que les Italiens se proclament franchement racistes. Toute l'œuvre qui jusqu'à présent a fait le régime en Italie est au fond le racisme. Dans les discours du Chef, la référence aux concepts de la race a toujours été très fréquente. La question du racisme en Italie doit être traitée d'un point de vue purement biologique sans intentions philosophiques ou religieuses. » — De "la défense de la race" (La difesa della razza), diretta da Telesio Interlandi par année I, numero 1, 5 août 1938, p. 2
Le Grand Conseil du fascisme, suite à la conquête de l’Empire, déclare l’actualité urgente des problèmes raciaux et la nécessité d’une conscience raciale. Juifs et judaïsme . Le Grand Conseil du fascisme rappelle que le judaïsme mondial – surtout après l’obolition de la maçonnerie – a été l’instigateur de l’antifascisme dans tous les domaines […] « Il est temps que les Italiens se proclament franchement racistes. Toute l'œuvre qui jusqu'à présent a fait le régime en Italie est au fond le racisme. Dans les discours du Chef, la référence aux concepts de la race a toujours été très fréquente. La question du racisme en Italie doit être traitée d'un point de vue purement biologique sans intentions philosophiques ou religieuses. » — De "la défense de la race" (La difesa della razza), diretta da Telesio Interlandi par année I, numero 1, 5 août 1938, p. 2
Selon les déclarations du Grand Conseil : - les Juifs n’appartiennent pas à la race « aryenne », à la différence des Italiens. Ils sont antifascistes. - les Italiens ne peuvent plus se marier librement avec des personnes de leur choix et doivent mettre en œuvre des mesures d’exclusion. - les Juifs sont victimes de mesures de discrimination (exclusion du PNF, limitation de leurs patrimoines et de leurs activités professionnelles, exclusion de l’armée etc.) et deviennent des citoyens de seconde zone et des parias 1. Nombre d’entre eux sont bientôt privés de ressources.
1. Paria: homme repoussé par la société.
DE LA FALSIFICATION ET DU MENSONGE À LA BARBARIE La difesa della razza fut la principale revue raciste et antisémite du régime. Elle fut lancée le 5 août 1938. Elle était dirigée par un proche de Mussolini,Telesio Interlandi, dont le journal Il Tevere (Le Tibre) attaquait les Juifs depuis plusieurs années. La revue ne connut guère de succès, vivant pour l’essentiel d’abonnements institutionnels (bibliothèques, écoles, etc.) Elle s’efforça de faire connaître le racisme et l’antisémitisme auprès d’un public de classes moyennes cultivées, ouvrant largement ses colonnes aux théoriciens du racisme allemand. Elle fut particulièrement inventive sur le plan graphique, Interlandi ayant subi l’influence du constructivisme soviétique mais aussi des surréalistes. La revue mêla esthétique national-socialiste, innovations des avant-gardes et méthodes proches des techniques publicitaires. La couverture des trois premiers numéros, transformée par la suite en logo de la revue (en bas à gauche de la couverture), présentait un photomontage présentant sur une ligne diagonale trois personnages :
– le portrait antique du Doryphore de Polyclète, considéré comme l’emblème de la beauté aryenne ; – la tête d’une sculpture antique censée représenter un Juif aux traits caricaturaux ; – le visage d’une femme africaine photographiée par l’anthropologue, Cipriani, membre du comité de rédaction de la revue. La couverture de ce numéro spécial sur le bolchevisme (« Judaïsme et bolchévisme contre la civilisation ») reprend une gravure d’époque moderne concernant l’affaire de Simon de Trente, enfant assassiné en 1475 et dont le meurtre fut imputé aux Juifs : des aveux furent extorqués à plusieurs Juifs de Trente. Quinze d’entre eux périrent sur le bûcher, suite à cette affaire. À plusieurs reprises, à l’époque moderne, de fausses accusations de ce type furent à l’origine de pogroms. On voit ici de quelle manière la propagande fasciste exploite le motif ancien de l’homicide rituel assimilant, de la sorte, Juifs et bolcheviques au nom d’une même accusation de verser le sang, dans le contexte de la guerre.
LE FASCISTE •EST RECONNAISSANT À DIEU DE L'AVOIR FAIT NAÎTRE ITALIEN •CROIT EN LA RELIGION DES MARTYRS ET DES HÉROS •ASPIRE À LA PATRIE COMME À UNE RÉCOMPENSE A MÉRITER •CROIT EN L'UNIVERSALITÉ DE L'IDÉE FASCISTE •N'AIME PAS LE BONHEUR DU VENTRE ET DÉDAIGNE LA VIE AISÉE •MÉPRISE LE DANGER ET CHERCHE LA LUTTE •CONSIDÈRE LE TRAVAIL COMME UN DEVOIR ET LE DEVOIR COMME UNE LOI •CONSIDÈRE LE SACRIFICE COMME UNE NÉCESSITÉ ET L'OBÉISSANCE COMME UNE JOIE •CONÇOIT LA VIE COMME UN EFFORT CONTINUEL D'ÉLÉVATION ET DE CONQUÊTE •EST PRÊT A TOUT SACRIFICE, MÊME AU SACRIFICE SUPRÊME SI LE DUCE LE VEUT ET POUR LE TRIOMPHE DE SON IDÉAL
LES PROGRAMMES POLITIQUES DU FASCISME ITALIEN
Programme des Faisceaux italiens de combat, 6 juin 1919 • • • •
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Italiens NOUS VOULONS: Pour le problème politique: a. Suffrage universel avec scrutin de liste régional et représentation proportionnelle, droit de vote et éligibilité pour les femmes. b. Abaissement de la limite d'âge à dix-huit ans pour les électeurs. (…) c. Abolition du Sénat. d. Convocation pour une période de trois ans d'une Assemblée nationale qui aura pour tâche essentielle d'établir la forme de Constitution de l'État. e. Formation de Conseils nationaux techniques du travail, de l'industrie, des transports, de l'hygiène sociale, des communications, etc., élus par les collectivités professionnelles ou de métier; avec des pouvoirs législatifs et le droit d'élire un commissaire général ayant pouvoir de ministre. Pour le problème social: NOUS VOULONS: a. Promulgation rapide d'une loi qui sanctionne pour tous les travailleurs la journée légale de huit heures de travail.
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b. Le salaire minimum. c. La participation des représentants des travailleurs au fonctionnement technique de l'industrie. d. L'octroi aux organisations prolétariennes ellesmêmes (pourvu qu'elles en soient dignes moralement et techniquement) de la gestion d'industries ou de services publics. (...) Pour le problème militaire: NOUS VOULONS: a. Institution d'une milice nationale. b. Nationalisation de toutes les industries d'armements et d'explosifs. c. Politique extérieure nationale qui mette en valeur dans les compétitions scientifiques de la civilisation, la nation italienne dans le monde. Pour le problème financier: NOUS VOULONS: a. Un fort impôt extraordinaire à caractère progressif sur le capital, qui représente une authentique expropriation partielle de toutes les richesses. b. La confiscation de tous les biens des congrégations religieuses (…) c. La confiscation de 85 % des bénéfices de guerre.
Programme des Faisceaux italiens de combat, 27 décembre 1921 •
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Fondements:
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Le fascisme est constitué en parti politique pour renforcer sa discipline et préciser son credo. La nation n'est • pas la simple somme des individus vivants, ni • l'instrument des fins des partis, mais un organisme comprenant la série indéfinie des générations (...); c'est la synthèse suprême de toutes les valeurs matérielles et spirituelles de la race.
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L'État:
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L'État doit être réduit à ses fonctions essentielles d'ordre politique et juridique. (...) Les pouvoirs et les fonctions attribués actuellement au Parlement doivent être limités. L'État est souverain: et cette souveraineté ne peut ni ne doit être entamée ou diminuée par l'Église.
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Principes de politique intérieure:
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Le parti national fasciste (PNF) entend conférer une dignité absolue aux mœurs politiques afin que la morale • politique et la morale privée cessent • de se trouver en contradiction avec • la vie de la nation.
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Il aspire à l'honneur suprême d'être le gouvernement du pays. Le prestige de l'État national doit être restauré. (...) :
Principes de politique extérieure: L'Italie doit réaffirmer son droit à réaliser sa pleine unité historique et géographique, même là où elle ne 1'a pas encore réalisé: elle doit remplir sa fonction de bastion de la civilisation en Méditerranée; elle doit imposer de façon solide et stable l’empire de la loi sur les peuples de nationalité différente rattachés à l’Italie; elle doit protéger fermement les Italiens à l‘étranger qui doivent jouir du droit de représentation politique. (…)
Principes de politique sociale: Le fascisme reconnaît la fonction sociale de la propriété privée qui est à la fois un droit et un devoir. (...) Le PNF agit pour discipliner les luttes d'intérêt désorganisatrices entre les catégories et les classes, pour sanctionner et faire respecter en tous lieux et temps l'interdiction de la grève dans les services publics.
Principes de défense nationale: Le PNF préconise l'organisation immédiate d'une armée qui prépare le pays, entraîne et encadre les esprits, les hommes et les moyens que la nation sait produire, dans ses infinies ressources, à l'heure du danger et de la gloire».
COMPARAISON DES PROGRAMMES DES FAISCEAUX ITALIENS COMBAT Les objectifs politiques des fascistes en 1919 sontDE le suffrage universel, le vote Les objectifs politiques des fascistes en 1919 sont le suffrage universel, le vote des femmes et le droit de vote à 18 ans, soit un programme très « progressiste » pour l’époque, alors que le programme politique en 1921 est nettement plus conservateur. Du point de vue social, le programme répondant aux aspirations ouvrières a disparu, et le programme de 1921 garantit la propriété privée et interdit la grève dans les services publics. Toute les mesures relatives au suffrage universel, les aspects sociaux, les mesures financières ont disparu du programme de 1921. Dans le programme de 1921, les mesures concernant l’État et la nation, nouvelles, occupent une place beaucoup plus importante. On peut observer que le programme de 1921 est plus conservateur que celui de 1919 et qu’il veut changer dans l’homme : la nation , la synthèse des valeurs matérielles et spirituelles de la race. Il veut aussi, dans la société : renforcer la discipline. Le programme de 1921 délimite le future cadre du système totalitaire : la nation dépasse les individus, ce qui implique l’effacement de l’individu, une des caractéristiques du
QUELLES SONT LES MÉTHODES DU FASCISME ?
Le fascisme met en scène deux formes de violence : : la violence illégale des squadristes, mode d’action de la conquête de l’État; la violence légale de l’État, qui nécessite de l’appui de la force publique. Elle s’exerce contre des syndicalistes paysans « terreur rouge » des hommes de gauche. La communauté et son chef se rencontrent lors de grands rassemblements minutieusement encadrés. La pression du nombre et l’attente , plusieurs jours, font naître une tension émotionnelle qu’entretiennent serments, chansons, injonctions ; elle nourrit une exaltation collective « le peuple », « la foule », qui culmine « acclamation enthousiaste », avec l’apparition du chef.
LE FASCISME ITALIEN C’EST DONC: un régime qui impose à la population une idéologie d’État orientée vers la création d’un homme nouveau. Ce projet totalitaire nécessite des méthodes particulières, l’utilisation de : – violence illégale : squadristes et organisations sympathisantes pour intimider, conquérir le pouvoir et en garder le monopole. – violence légale : lois fascistissimes ,OVRA, lois raciales (1938) pour écarter de la communauté les éléments corrupteurs. – violence guerrière, guerre d’Éthiopie ainsi qu’un nationalisme exacerbé.
Ce nationalisme se réfère à l’Antiquité romaine, à la Première Guerre mondiale, à la conquête du pouvoir qui exaltent la grandeur nationale et le combat. Affiches ornées de faisceaux et de lauriers, drapeaux nombreux parsèment l’univers symbolique de ce nationalisme. Des Travaux dans la zone archéologique de Rome et des films (Scipion l’Africain, 1937), par exemple, contribuent eux aussi, à leur manière, à l’édification mythique du pouvoir fasciste. À cela s’ajoute, l’orgueil des performances économiques : FIAT , programme autoroutier, marais pontins ; performances architecturales : stade de 90 000 places, projet de l’EUR ; performances sportives : célébration des succès du coureur automobile Nuvolari. C’est aussi, à travers le nationalisme, un défi lancé au monde : l’Italie, puissance impériale, lance la campagne pour l’autarcie, et quitte la SDN , suite à la conquête de l’Éthiopie en 1936 .
La consolidation du pouvoir passe par l’action sociale et la mise en place d’une religion civile : – équipements collectifs , œuvre nationale Dopolavoro (4,6 millions d’adhérents en 1939), œuvre nationale Balilla (5 millions d’adhérents), propagande, corporatisme. – liens avec le chef : rencontres organisées et théâtralisées , chef charismatique qui incarne l’unité nationale et capitalise sur sa personne les succès du régime. – une religion civile : culte du chef (stade à son nom, bustes, photos, propos affichés), sacralisation des défilés, cérémonies (prestation de serments, chants), anniversaires (la marche sur Rome), histoire mythique. Les méthodes du fascisme reflètent l’idéologie du régime : glorification du combat, de la communauté nationale rassemblée autour de son chef.