JOURNAL CULTUREL DE L’ABITIBI-TÉMIS C AMINGUE - MAI 2020 // VOL 11 - NO 8
GRATUIT
NADIA BELLEHUMEUR : écrire pour explorer
09
UN NOUVEAU FILM POUR JESSY POULIN
11
EXPOSITION VIRTUELLE AU RIFT
+ spécial action communautaire
14
10 ANS POUR RADIO BORÉALE
17
S ANDRINE ROUSSEAU : TRICOTER POUR AIDER
19
INITIATIVES CRÉATIVES EN ABITIBI-OUEST
L’indice bohémien est un indice qui permet de mesurer la qualité de vie, la tolérance
DISTRIBUTION L’Indice bohémien poursuit sa distribution! Voici les lieux de distribution durant la période de la COVID-19 :
et la créativité culturelle d’une ville et d’une région. MRC D’ABITIBI 150, avenue du Lac, Rouyn-Noranda (Québec) J9X 4N5
AMOS : CENTRE DE SANTÉ LES ESKERS, COOP IGA AMOS-OUEST, COOP IGA
Téléphone : 819 763-2677 - Télécopieur : 819 764-6375
EXTRA AMOS-EST, JEAN COUTU, LES JARDINS DU PATRIMOINE
indicebohemien.org
DISTRIBUTION : SYLVIE TREMBLAY
ISSN 1920-6488 L’Indice bohémien
MRC D’ABITIBI-OUEST LA SARRE : CAISSE DESJARDINS, LE CONSOMMAT +, IGA ALIMENTATION
CHRONIQUES L’anachronique
8
Publié 10 fois l’an et distribué gratui tement par la Coopérative de
SYLVAIN BOYER, LES JARDINS DU PATRIMOINE, JEAN COUTU
solidarité du journal culturel de l’Abitibi- Témiscamingue, fondée en
DISTRIBUTION : RAPHAËL MORAND
novembre 2006, L’Indice bohémien est un journal socioculturel régional et
Culturat 15
indépendant qui a pour mission d’informer les gens sur la vie culturelle et
VILLE DE ROUYN-NORANDA
De panache et de laine
13
les enjeux sociaux et politiques de l’Abitibi-Témiscamingue.
ROUYN-NORANDA : LE BEL-ÂGE, IGA EXTRA MARCHÉ BÉLANGER,
Environnement
12
IGA EXTRA MARCHÉ FAMILLE JULIEN, IGA ROY, LES JARDINS
Histoire 18
CONSEIL D’ADMINISTRATION
DU PATRIMOINE, LA SEMENCE, PHARMAPRIX (PROMENADES DU CUIVRE),
Ma région, j’en mange
22
Marie-France Beaudry, présidente | Ville de Rouyn-Noranda
PHARMACIE BRUNET, RÉSIDENCE ST-PIERRE
Médias et société
10
Anne-Laure Bourdaleix-Manin, vice-présidente | MRC de La Vallée-de-l’Or
ÉVAIN : DÉPANNEUR CHEZ GIBB
Région intelligente
21
Marie-Déelle Séguin-Carrier, trésorière | Ville de Rouyn-Noranda
ROLLET : PLACE TALBOT
Tête chercheuse
6
Pascal Lemercier, secrétaire | Ville de Rouyn-Noranda
SOMMAIRE Action communautaire
14 à 17
À la une
5
Arts visuels
11
Cinéma 9 Culture 19 Éditorial 3 Littérature 6 Musique 8 Numérique 7 Variétés 19 EN COUVERTURE
Manon Faber | Ville de Rouyn-Noranda
MRC DE TÉMISCAMINGUE
Carole Marcoux | MRC de Témiscamingue
ANGLIERS : ÉPICERIE CHEZ LÉANNE GUÉRIN : DÉPANNEUR RESTO D’ANTAN
DIRECTION GÉNÉRALE ET VENTES PUBLICITAIRES
LAVERLOCHÈRE : MARCHÉ BONICHOIX
Valérie Martinez
LORRAINVILLE : IGA BOUTIN
direction@indicebohemien.org
NOTRE-DAME-DU-NORD : CENTRE D’ALIMENTATION SAGUAY-BONICHOIX
819 763-2677
RÉMIGNY : MAGASIN GÉNÉRAL SAINT-BRUNO-DE-GUIGUES : BOUCHERIE FRUITS ET LÉGUMES
RÉDACTION ET COMMUNICATIONS
VILLE-MARIE : BUREAU DE POSTE, UNIPRIX SYLVIE BOUGIE
Gabrielle Izaguirré-Falardeau, coordonnatrice
DISTRIBUTION : CAROLE MARCOUX
redaction@indicebohemien.org 819 277-8738
MRC DE LA VALLÉE-DE-L’OR
Ariane Ouellet, éditorialiste
VAL-D’OR : LE BORÉAL, IGA CENTRE-VILLE, IGA EXTRA FAMILLE PELLETIER,
Lise Millette, collaboratrice à la une
LES JARDINS DU PATRIMOINE, PROVIGO, SUPER C MALARTIC : IGA MARCHÉ DEMERS, JEAN COUTU
RÉDACTION DES ARTICLES ET DES CHRONIQUES
SENNETERRE : IGA BILODEAU
Fednel Alexandre, Lydia Blouin, Pascale Charlebois, Gabriel David Hurtubise, Geneviève Décarie, Michel Desfossés, Louis-Éric Gagnon, Chantale Girard,
CONCEPTION GRAPHIQUE
Stéphane Grenier, Régis Henlin, Gabrielle Izaguirré-Falardeau, Hélène Jager,
Feufollet.ca
Philippe Marquis, Lise Millette, Marianne Morency-Landry, Ariane Ouellet, Danaë Ouellet, Geneviève Rouleau-Lafrance, Dominique Roy, Dominic Ruel,
CORRECTION
Louis-Paul Willis
Geneviève Blais
COORDINATION RÉGIONALE
IMPRESSION
Catherine Bélanger | MRC d’Abitibi
Imprimeries Transcontinental
Danaë Ouellet | MRC d’Abitibi Sophie Ouellet | MRC d’Abitibi-Ouest
TYPOGRAPHIE
Véronic Beaulé | MRC de Témiscamingue
Carouge et Migration par André SImard
Geneviève Béland | MRC de La Vallée-de-l’Or Nancy Ross | Ville de Rouyn-Noranda
L’auteure témiscamienne Nadia Bellehumeur
Certifié PEFC
Photo : Courtoisie des Éditions Z’ailées
Ce produit est issu de forêts gérées durablement et de sources contrôlées
Merci à Béatrice, Julien et Hailey-Ana pour leur calligraphie. PEFC/01-31-106
2 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
www.pefc.org
– ÉDITORIAL –
ENSEMBLE ARIANE OUELLET
Je sens le besoin d’écrire ce texte nourrie de voix multiples. Je me sens imposteur d’écrire sur le « communautaire », confinée dans mon salon, loin du chaos abominable des CHSLD. Sentiment d’impuissance x 1243, soit le nombre de morts en date du 23 avril. Je reviens donc à ma petite quête. Parce que je crois en mon for intérieur que beaucoup de nos voisins vulnérables ont besoin qu’on y réfléchisse, à ce « nous ». Dans ce numéro consacré à l’action communautaire, j’ai demandé à plusieurs personnes inspirantes de me donner spontanément leur définition d’une communauté et du « communautaire » : entraide, partage, engagement, action, altruisme, filet de sécurité, point de repère sont des mots qui reviennent. Tous les « vivre ensemble » possibles, me répond Caroline. Pour Narcisse, c’est un ensemble de personnes qui vivent dans un espace commun et qui ont une culture, une langue, une histoire et des valeurs à partager. Liées par différentes spécificités, commence Dominic. Dans le même quartier ou même de façon virtuelle. Qui sont en cohésion, qui s’entraident et partagent. Se transmettent des connaissances, ajoutent Isabelle et Valéry. Pour Éliane, c’est une famille où chacun a son rôle comme les cellules d’un organisme. Et ce qui la fait avancer, c’est l’amour de l’autre, du bien-être. Le désir d’avancer ensemble, de se soutenir pour faire la meilleure équipe qui soit. La communauté nous aide à nous sentir moins seuls, dit Véronique.
Je retourne au Petit Robert, plein de sagesse. Ensemble : les uns avec les autres. En commun, de concert. S’accorder, s’assortir, s’harmoniser. Simultanément. Unité d’une œuvre d’art, tenant à l’équilibre et à l’heureuse proportion des éléments. Cohésion. Totalité des éléments composant un tout. Globalité, intégralité. Collectif, commun. Complètement, intégralement, totalement. Antonyme : individuellement, isolément, séparément. Voilà. Quand vous étiez enfant, avez-vous déjà rêvé de devenir préposé ou préposée aux bénéficiaires, intervenant ou intervenante en santé mentale, en toxicomanie ou auprès des femmes victimes de violence conjugale? De coordonner une banque alimentaire? Ça m’étonnerait. Ces métiers qu’on dit du « communautaire » ne permettent pas beaucoup de briller en société, d’avoir une auréole de gloire et de bravoure. Pourtant, le filet social qui nous protège est souvent tissé de gens qui font un travail de première nécessité, souvent ingrat et difficile, et dont personne n’a jamais vanté les mérites. Changer cinquante couches par jour, ça prend beaucoup d’abnégation. Ces gens qui font leur travail animés de conviction et surtout, par amour des autres. Par amour du mieux-être de toutes et tous, de la dignité des êtres humains. Par amour. Des femmes, des vieux, des fous, des pauvres, des puckés, des laissés-pour-compte. Des improductifs. Ces gens incarnent au quotidien ces valeurs qui nous animent toutes et tous, dans l’ombre et souvent mal payés. Et c’est dans notre façon de prendre soin de tout ce monde, notre monde, qu’on peut jauger notre humanité. Après la crise, c’est à ceux et celles-là que je vais demander leur définition d’une communauté. Et d’être les juges de ce que nous valons. Là, ils sont trop occupés pour répondre. J’espère qu’ils seront fiers de nous.
Admission 1 JUIN temps partiel DAT E L I M I T E ER
N
Scotchés devant nos écrans à longueur de journée à observer les impacts souvent catastrophiques du virus (et de la gestion du problème) sur les populations vulnérables dans tous les coins de la planète, on réalise à quel point il est temps de redéfinir ensemble ce que nous construisons comme humanité.
Je retiens les notions de valeurs partagées et d’entraide, celles qui reviennent le plus souvent. C’est l’essence même d’une famille de prendre soin, surtout des plus vulnérables. Au début et à la fin de la vie, et parfois quand elle nous fait des jambettes. Comme société, c’est un choix qu’il faut faire collectivement. Au Québec, on le fait déjà bien, mais on aurait pu faire mieux. En finançant mieux le « communautaire », par exemple. La DPJ. Les CHSLD. En valorisant des professions affreusement difficiles avant qu’on ne soit devant l’inévitable.
E
2020
TOM
Je trouve le mot humanité ambigu. Il est à la fois cette entité insaisissable dont nous faisons partie, qui se définirait à la limite dans une encyclopédie comme une famille de mammifères nuisibles aux autres espèces vivantes. Si le Petit Robert définit le mot comme le caractère de ce qui est humain, il désigne aussi cette qualité qui habite le cœur et l’âme de certains : ce sentiment de bienveillance envers ses semblables, de compassion pour les malheurs d’autrui. Pourtant, ce qui est humain n’est pas toujours beau ni bienveillant. Mais parfois, c’est encore mieux que beau. En ces temps de catastrophe sanitaire mondiale, l’humanité se révèle dans toute sa complexité : des voisins s’entraident, d’autres appellent la police. Certains dévalisent les épiceries, d’autres livrent des boites pour la banque alimentaire.
Pour Alain, elle n’existe que dans la nécessité. C’est une sorte de filet social non structuré qui se forme spontanément. C’est le partage d’idées communes qui agit comme un liant, précise Ulysse. Pour Nathalie, elle désigne un état de communion, d’appartenance, une reconnaissance mutuelle. Selon Denise, pour que cette communauté soit vivante, ses membres interagissent et agissent à l’extérieur du groupe au bénéfice de celui-ci. Le sentiment d’appartenance à cette communauté croît avec le partage des expériences et des actions et de solidarité.
AU
Les dernières semaines ont été propices pour réfléchir à l’humanité. Jamais dans l’histoire nous n’avons eu de confirmation que nous sommes si intimement liés aux uns et aux autres, d’un bout à l’autre de la planète. Comme dans un mariage, c’est pour le meilleur et pour le pire.
INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 3
CONTRIBUEZ À RÉDUIRE LA PROPAGATION DE LA COVID-19 PRENEZ CES MESURES POUR RÉDUIRE LA PROPAGATION DE LA MALADIE À CORONAVIRUS (COVID-19) :
Suivez les conseils de votre autorité locale de santé publique.
Évitez de vous toucher les yeux, le nez ou la bouche.
Lavez vos mains fréquemment avec de l’eau et du savon pendant au moins 20 secondes.
Évitez les contacts rapprochés avec des personnes malades.
SYMPTÔMES
Toussez et éternuez dans le creux de votre bras et non dans vos mains.
Utilisez un désinfectant pour les mains à base d’alcool lorsqu’il n’y a pas d’eau et de savon sur place.
Restez à la maison autant que possible et si vous devez sortir, assurez-vous de respecter les consignes d’éloignement physique (environ 2 mètres).
SI VOUS PRÉSENTEZ DES SYMPTÔMES
Les symptômes de la COVID-19 peuvent être très faibles ou graves, et leur apparition peut survenir jusqu’à 14 jours après l’exposition au virus.
FIÈVRE (supérieure ou égale à 38 °C)
Restez à la maison et isolez-vous pour éviter de transmettre la maladie à d’autres.
Évitez de visiter des personnes âgées ou des personnes ayant des problèmes de santé, car elles sont plus susceptibles de développer une maladie grave.
Téléphonez avant de vous rendre chez un professionnel de la santé ou appelez votre autorité locale de santé publique.
Si votre état s’aggrave, appelez immédiatement votre professionnel de la santé ou votre autorité de santé publique et suivez ses instructions.
TOUX
DIFFICULTÉ À RESPIRER
POUR PLUS DE RENSEIGNEMENTS SUR LA COVID-19 : 1-833-784-4397
4 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
canada.ca/le-coronavirus
– À LA UNE –
NADIA BELLEHUMEUR : ÉCRIRE POUR EXPLORER LISE MILLETTE
Finaliste pour le prix du public TVA Abitibi-Témiscamingue aux Prix d’excellence en arts et culture, Nadia Bellehumeur n’a jamais pu assister à la soirée de dévoilement des lauréats, le 6 avril à La Sarre, puisque l’événement a été annulé dans la foulée de la pandémie de la COVID-19. Néanmoins, L’Indice bohémien lui consacre la une afin de creuser plus à fond les racines de son histoire culturelle, ancrée dans le Témiscamingue. C’est avec son roman jeunesse C’est juste une joke que Nadia Bellehumeur s’est taillé une place dans la courte liste des finalistes, un pour chacune des MRC. Elle rivalisait avec Lucille Bisson (série de romans jeunesse, MRC de la Vallée-de-l’Or), Pierre Labrèche (conte, MRC d’Abitibi), Roger Pelerin (bandes dessinées, MRC d’Abitibi-Ouest) et Nicolas Lauzon (recueil de poèmes, ville de Rouyn-Noranda).
Le Salon du livre de Québec devait servir de rampe de lancement pour une nouvelle publication, mais cette sortie a été remise. « Cela dit, je ne suis pas auteure à temps plein, j’ai un autre travail à côté de ça. Je suis directrice de la Société de développement du Témiscamingue et toute l’aide aux entreprises, dans le contexte actuel, a une grande importance. Les entreprises fermées, les fonds d’urgence, les besoins de liquidités, comme je travaille en financement d’entreprises, je dirais que nous sommes pas mal sollicités », résume-t-elle. Entre le boulot et les projets d’écriture, une partie du travail littéraire peut s’effectuer. « Pour l’écriture, ça ne change pas, mais le travail en arrière avec les maisons d’édition et pour les librairies, ce n’est pas vraiment possible en ce moment », nuance l’auteure.
« J’écris depuis que je suis très jeune », commence-t-elle. Les balbutiements de son aventure littéraire ont germé dans un concours de poésie, alors qu’un de ses textes s’est retrouvé dans un recueil collectif.
UNE PLUME TÉMISCAMIENNE
Son roman jeunesse, C’est Juste une joke, fait suite à une approche des Éditions Z’ailées, qui lui avaient demandé d’écrire sur l’intimidation.
« Le premier mot de mon premier roman était Laverlochère. C’était où j’habitais à cette époque-là », raconte Nadia Bellehumeur.
« Je trouvais que le sujet avait été largement traité, mais j’ai fini par dire OK, je vais le faire, mais je veux que vous me laissiez carte blanche ».
Née à Saint-Eugène-de-Guigues, elle a fait un bref passage à Rouyn-Noranda pour les études, avant de s’exiler à Trois-Rivières pour les mêmes raisons.
Histoire de sortir un peu des sentiers battus, elle s’est attardée à mieux comprendre la psychologie des intimidateurs.
« J’avais commencé un bac en travail social parce que je ne voulais pas quitter mon territoire. J’ai dû me résoudre à partir parce que le domaine d’études où je voulais aller n’était pas disponible dans la région. Je suis allée vivre trois ans à Trois-Rivières, mais dans la perspective de revenir. » Ce retour était cristallisé avant même de faire ses valises.
« J’ai fait beaucoup d’entrevues pour ce roman-là auprès d’intervenants scolaires et de la santé pour avoir une idée. J’ai aussi rencontré aussi des jeunes qui faisaient de l’intimidation », ajoute la mère de trois adolescents, déjà sensibilisée avec le sujet par la force des choses.
L’attachement au territoire est très fort pour Nadia Bellehumeur.
« J’ai voulu le prendre sous l’angle de l’intimidateur parce que je trouvais que l’on avait déjà beaucoup traité du point de vue des victimes. Je désirais aborder l’autre côté, celui de l’intimidateur afin de comprendre ce qui le pousse à faire ça, quelle est sa psychologie, comment il chemine dans sa tête et comment il vit avec ce qu’il fait », précise Nadia Bellehumeur.
« C’est pour l’espace qu’on y trouve. On le voit avec un contexte comme la COVID, on est tellement mieux dans une région comme la nôtre », affirme-t-elle.
Le livre a par la suite été utilisé comme catalyseur pour plusieurs discussions.
« De l’inspiration pour l’écriture jusqu’à la recherche, c’est tellement plus facile dans un contexte rural. On peut parler plus facilement aux gens. Par exemple, on connaît le directeur de l’école, donc on peut avoir accès plus facilement avec des intervenants ou des jeunes, c’est précieux pour écrire », explique-t-elle.
« Les discussions ont été plus difficiles avec le livre suivant, Maudit cash, qui parle de la pauvreté. Les participants semblaient moins ouverts à parler de pauvreté. C’est une réalité plus difficile à faire passer », estime-t-elle.
Et strictement d’un point de vue littéraire, elle y voit aussi des avantages.
Après C’est juste une joke et Maudit Cash, qui étaient orientés vers les adolescents, Nadia Bellehumeur aimerait bien tenter le coup vers un public adulte. DES PROJETS EN PAUSE La pause imposée par la pandémie de la COVID-19 a assurément mis plusieurs projets en suspens.
« Un livre sur l’intimidation telle que vécue par les personnes âgées. C’est un sujet que j’aimerais traiter. La maltraitance chez les aînés est en soi un sujet très large. Et mis à part ça, je n’ai pas de thématique particulière, sinon d’explorer! »
« Pas de sorties littéraires, les salons du livre qui ne fonctionnent pas, tout ça retarde plusieurs projets », résume Nadia Bellehumeur. INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 5
– TÊTE CHERCHEUSE –
– LITTÉRATURE –
AU-DELÀ DE L’ARC-EN-CIEL
UN LIVRE JEUNESSE SUR
DOMINIC RUEL
LE ZÉRO DÉCHET LYDIA BLOUIN
16 avril. Un mois de confinement, une économie à l’arrêt. Il y a des arcs-en-ciel dans les fenêtres, beaucoup plus de marcheurs, des livraisons de la SAQ, des jeux-questionnaires en ligne et des 5 à 7 par Skype. Ça va bien aller? Peut-être moins pour les gens sans emploi, les petites entreprises qui ne passeront pas au travers et les victimes de drames personnels et familiaux qui pourraient survenir. Ça va bien aller, mais après quatre semaines, il faudrait réfléchir au-delà du slogan. Le confinement ne pourra durer toujours. Attendre un vaccin est illusoire. Parce qu’au départ, Legault et Arruda voulaient aplanir la courbe pour pouvoir soigner tout le monde. Un mois plus tard, beaucoup voudraient attendre simplement que le virus disparaisse avant de reprendre une vie normale. Impossible. Il faudra faire nôtres ces paroles de Franklin Roosevelt : « La seule chose que nous devons craindre est la crainte elle-même. » Après cette crise sanitaire suivra la crise économique. Elle sera puissante elle aussi. Les symptômes seront rudes : appauvrissement, faillites, rigueur budgétaire, compressions. Incroyable quand même qu’une économie s’écroule quand les gens n’achètent à peu près que l’essentiel. L’État va investir, on n’en doute pas, mais les citoyens auront un grand rôle à jouer : favoriser les produits locaux, les réseaux courts. Faire des arcs-enciel, c’est joli, mais la véritable solidarité passera par l’acceptation de payer un peu plus cher pour de la qualité et des emplois ici. Dieu merci, on n’interdit pas les sorties comme en France ou en Italie! Mais on nous limite quand même dans notre liberté la plus fondamentale : celle de circuler, d’aller et venir à notre guise. On comprend mieux ce qu’est la liberté! On a même flirté avec la dénonciation des autres. Après la crise, il faudra être vigilants et se battre contre toute volonté de limiter, un tant soit peu, nos libertés. Il faudra refuser les couvre-feux, rétablir les rassemblements de centaines et milliers de personnes. Il faudra combattre ces projets de traçabilité avec les téléphones (qui nous réduisent à être du bétail) ou d’élimination de l’argent liquide. Il faudra revenir complètement à la situation du jeudi 12 mars. Il faudra aussi préparer une prochaine pandémie. Il y a eu le SRAS, la H1NI, la Covid-19. Ce sera à l’État encore de prendre le taureau par les cornes et de mettre sur pied un Santé-Québec, une sorte d’Hydro des masques, du gel, des blouses et de tout le matériel médical dont on a besoin. Ne plus dépendre des autres et surtout de l’État chinois, qui fait le beau, maintenant, avec ses livraisons après avoir propagé le virus partout. Et pourquoi ne pas adopter certaines mesures sanitaires en permanence : laisser les plexiglas devant les caisses, se laver les mains en entrant et sortant de l’épicerie, rester chez soi quand on est malade. Ça va bien aller. On l’espère tous. Mais il faudra probablement plus de courage, de patience et d’audace une fois la crise passée.
Le mode de vie zéro déchet est de plus en plus apprécié par les Témiscabitibiens, mais comment le transmettre aux enfants? Jusqu’à tout récemment, on ne trouvait pas d’ouvrages régionaux sur le sujet dédiés aux plus jeunes. C’est maintenant chose du passé grâce à l’album Les petits gestes de William et Charlie, coécrit par Jessy Gaumond et Joannie Langlois et publié aux Éditions Capteuse de rêves, basées à Duparquet. L’histoire raconte l’aventure d’un frère et d’une sœur qui passent la journée avec leur papa, employé dans un dépotoir. Ils y font des rencontres merveilleuses. Tout au long de cellesci, les lecteurs prennent conscience des impacts environnementaux de leurs déchets et découvrent les gestes qu’ils peuvent poser pour changer leur empreinte écologique, le tout dans un univers fantastique et humoristique. Ce partenariat a été imaginé par Jessy, auteure adepte du zéro déchet : « L’idée remonte à environ deux ans. Je voulais faire un livre pour sensibiliser les gens, dès leur plus jeune âge, sur les gestes à poser afin d’aider notre planète à “respirer” mieux. J’avais le concept, les personnages, mais étant plus auteure de roman pour jeunes adultes, je n’arrivais pas à mettre le tout en histoire… » Joannie, enseignante et auteure, étant familière avec les livres pour enfants, a donc été invitée à contribuer au projet. « C’est surtout de mettre en vie un nouvel univers qui permet de s’évader tout en conscientisant [les gens] qui m’a appelée à collaborer. Nos enfants sont notre futur et les prochains citoyens engagés. » Après des échanges sur leur vision respective, les auteures en sont venues à un consensus. « Joannie a écrit la base de l’histoire. Quand elle m’a retourné le tout, j’ai débloqué et ajouté mes petites pattes de mouches » explique Jessy. Joannie précise que cet outil sert à porter plus loin notre réflexion pour s’ouvrir aux possibilités, d’offrir des solutions de remplacement et non de se taper sur la tête. « Il sensibilisera encore plus [les gens] si les adultes appliquent des mises en situation ou des activités autour du livre pour que le message soit plus concret et impactant. » D’ailleurs, des liens sont suggérés avec la progression des apprentissages et la vie des enfants afin de faciliter cette mise en contexte à la fin du livre. Puis, un lexique permet à l’enfant de mieux comprendre le champ lexical de l’environnement. C’est un outil dont enseignants, éducateurs et parents peuvent se servir pour vulgariser le thème. Qui sait? Peut-être les enfants feront-ils désormais des rappels à leurs parents!
6 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
- NUMÉRIQUE -
DES NOUVELLES D’ÉRIC MORIN GABRIELLE IZAGUIRRÉ-FALARDEAU
Invité à présenter une conférence le 13 mars dernier dans le cadre du Forum Avantage numérique, à Rouyn-Noranda, le réalisateur Éric Morin a discuté avec le public des différentes façons de créer un récit en tenant compte des nouvelles technologies. Celui qui agit à titre de réalisateur multimédia pour Moment Factory est revenu sur sa carrière, son rapport aux histoires et ses derniers projets. LA PLURALITÉ DES ARTS Natif de Rouyn-Noranda, Éric Morin a toujours souhaité raconter des histoires à travers des formes d’art multiples. C’est d’abord dans le domaine musical qu’il s’est compromis à la fin des années ‘90 et au début des années 2000, alors qu’il était musicien pour un groupe rock. Une fois ses études en cinéma terminées, M. Morin a rapidement fait sa place en télévision, mais ce n’est que dans les années 2010 que paraissent ses premiers longs métrages, qui sont pour lui l’occasion de confirmer son amour des humains et des histoires.
L’OMNIPRÉSENCE DU CINÉMA Malgré ses engagements avec Moment Factory, le cinéma continue d’occuper une place de choix dans le travail artistique d’Éric Morin, qui planche actuellement sur un long métrage : « C’est toujours le but de fond, je veux faire un film le plus souvent possible. Je suis en début d’écriture pour un troisième qui est encore en rapport avec la musique et qui est plus mon hommage à Montréal des années 2000. » Si la concrétisation de ce dernier projet risque de s’étendre encore sur plusieurs années, on peut croire que ce sera l’occasion pour Éric Morin d’explorer, encore, les façons de livrer un récit unique, émotif et multisensoriel.
LES DÉFIS DU NUMÉRIQUE Avec Moment Factory, Éric Morin a contribué, entre autres, à la création d’une immense projection numérique sur la façade du Campus MIL de l’Université de Montréal, en plus de conceptualiser des parcours immersifs pour plusieurs zoos dans le monde. Son plus récent engagement, avec le Zoo de Toronto, s’intitule Terra Lumina. Il s’agit d’un parcours au cours duquel le visiteur découvre la Terre en 2099, alors que l’Homme a réussi à freiner les changements climatiques et à redonner vie à la nature.
COURTOISIE D’ÉRIC MORIN
Pour M. Morin, qui avait peu d’expérience avec les technologies utilisées dans la réalisation de ce type de projet, les défis étaient nombreux. Comment assurer la transmission d’une histoire complète, empreinte d’émotions, chez un public qui progresse dans l’environnement et qui est libre de sélectionner en tout ou en partie l’information offerte? Afin de répondre à ces questions, le réalisateur a analysé différentes œuvres et expériences. Il a trouvé des similarités, notamment, avec la visite d’un musée, où le visiteur peut choisir de lire tous les écriteaux ou de simplement se laisser submerger par les tableaux. Dans les deux cas, il vivra une série d’émotions et prendra connaissance d’un certain récit, mais sous des formes différentes.
La culture fait toujours bonne impression ! L'Indice bohémien, le journal culturel de l’Abitibi-Témiscamingue est disponible gratuitement sur l'ensemble du territoire. Et aussi sur : indicebohemien.org
INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 7
– MUSIQUE –
– L’ANACHRONIQUE –
UN NOUVEAU VIDÉOCLIP POUR BACKSTABBER
POURSUIVRE PHILIPPE MARQUIS
J’ai beaucoup de difficultés à écrire ces temps-ci… Je me sens franchement gelé. La marche est l’activité chaude de mes journées. Les regards rencontrés sont parfois méfiants, mais le plus souvent, on s’échange sourires et bonjours. Jamais je n’aurais cru que c’était aussi loin deux mètres… Jamais. Heureusement, depuis un mois, on s’avoue plusieurs vérités. « Il faut prendre soin de nous ». On doit « soutenir les personnes qui travaillent au salaire minimum », « bien soutenir les personnes aînées, les enfants, des personnes avec des problèmes de santé mentale, des femmes victimes de violence conjugale, les personnes mal-logées ». Ainsi, il nous faut « respecter le travail des serveuses, des livreurs, des caissières, du personnel de la santé et augmenter les salaires ». Tout le monde affirme l’importance de produire nos aliments chez nous et d’acheter local. On parle même de « démondialisation »! Oui, « ça va bien aller » si on poursuit dans ce sens…
BackStabber, vous connaissez? Tout commence en 2012, lorsque Christian Mongrain Thériault, originaire de Dupuy, quitte le groupe Cryptik pour démarrer son projet solo : BackStabber. La même année, après avoir quitté la région et fait paraître deux chansons, il se joint au groupe montréalais Dephts of Hatred. Puis, le projet BackStabber reprend dès son retour en Abitibi, quelques années plus tard, mais cette fois en trio. Au fil des ans, la composition du groupe se modifie et ce n’est qu’en 2019, avec l’album Conspiracy Theorist, entièrement enregistré à Dupuy, que Christian (chant et guitare), Éric Séguin (basse et chant), Philippe Béliveau StJacques (guitare) et Keven Letiecq Hull (batterie) forment définitivement BackStabber. « Death Metal à la recherche d’un son somme toute accessible par la structure des chansons », ainsi pourrait-on résumer le processus de création du groupe, qui compte près d’une vingtaine de spectacles à son actif. Lors de la 15e édition du FRIMAT, en 2019, BackStabber a reçu le prix Enracinés qui comprenait une foule de récompenses, allant de l’enregistrement en studio à la séance photo, en passant par une tournée des festivals. Grâce à cette occasion en or, la préparation d’un EP est en cours. UN VIDÉOCLIP DIFFUSÉ MONDIALEMENT Quelques jours avant le début de la pandémie de COVID-19, les membres du groupe nous ont présenté le vidéoclip My Disclosure, issu de leur dernier album, par l’entremise de la plateforme de diffusion américaine, Metal Injection, qui compte plus de 2 millions d’abonnés. Ce média, à qui le groupe a octroyé une primeur, lui a donné l’opportunité de se tailler une place dans l’industrie mondiale de la musique métal. Cependant, ayant
OCCASION SPÉCIALE
JEAN-FRANÇOIS GIRARD
MARIANNE MORENCY-LANDRY
DANS CE SENS!
le souci de collaborer avec des créateurs régionaux, le groupe a contacté Alain Bergeron, copropriétaire des Productions 3Tiers, qui avait tourné auparavant leur vidéo Subterranean. M. Bergeron a effectué avec adresse ce nouveau type de projet pour lequel il y aura certainement une demande future. Le quatuor se dit satisfait d’un produit professionnel qui peut concurrencer les grandes ligues de ce monde. Le vidéoclip de My Disclosure, pièce plus lourde et teintée d’influences black métal, est un choix parfait pour le mariage d’un chant et d’un montage tous deux rapides et saccadés. Ce troisième vidéoclip du groupe a atteint plus de 1 700 visionnements sur YouTube. Il s’agit cette fois d’un vidéoclip plus technique, jumelé à une histoire bien ficelée malgré la confusion et les souvenirs ambigus du personnage principal : une jeune femme kidnappée interprétée par la Rouynorandienne Célia Fournier-Cantin. Nous nous retrouvons alors dans sa peau et nous ressentons ses émotions alors qu’elle essaie de reprendre conscience des évènements passés. Lorsque sa mémoire se rétablit et que tous les morceaux perdus se réunissent, nous réalisons que la connaissance de la vérité ne s’avère pas toujours la meilleure option.
JE DEVIENS MEMBRE DE SOUTIEN DE L’INDICE BOHÉMIEN
Pour devenir membre, libellez un chèque de 20 $ (2 parts sociales de 10 $) au nom de L’Indice bohémien et postez-le au 150, avenue du Lac, Rouyn-Noranda (Québec) J9X 4N5
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8 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
– CINÉMA –
12 JOURS, LE PROCHAIN COURT MÉTRAGE DE JESSY POULIN CHANTALE GIRARD
Depuis le début de sa carrière, Jessy Poulin s’intéresse aux femmes, à leurs conditions de vie, à leur place dans la société. 12 jours, son prochain court métrage, sera son projet le plus personnel, le plus émotif et sans doute le plus difficile. La mère de Jessy est décédée du cancer en 2018 et la cinéaste a choisi de parler de ce qu’elle a vécu à ce moment-là. À l’aide de statuts Facebook qu’elle a publiés à l’époque afin d’informer la famille et les amis de l’évolution de la maladie, elle a construit un scénario qui relève à la fois du documentaire et de la fiction.
En fait, c’est la réaction des gens face à ces statuts qui ont aiguillé Jessy. « L’idée d’en faire un film est sortie quasiment au salon funéraire. Les gens du milieu artistique qui me rencontraient dans les jours et les semaines suivantes me disaient tous qu’ils suivaient mes statuts Facebook comme on regarde une émission de télé quotidienne. »
LOUIS JALBERT
Son premier défi est, selon elle, « de rendre beau ce qui ne l’est pas ». Car le décès de sa mère ne lui est pas apparu, a priori, comme une belle chose. Il y avait, bien sûr, la dégradation physique, mais également le système de santé contre lequel Jessy avait parfois l’impression de se battre sans arrêt.
En transposant son expérience en récit facebookien, Jessy avait déjà entamé une mise en forme narrative. D’abord conçu comme un documentaire, le projet évolue de plus en plus vers la fiction; surtout depuis le travail entamé avec sa productrice, Mélissa Major. La démarche cinématographique de Jessy Poulin s’inscrit dans un voyage vers soi, d’abord avec Batwheel : une web-série sur une jeune femme en fauteuil roulant se posant en superhéroïne dénonçant le quotidien des personnes handicapées. En 2018, lors de sa participation au programme Projet 5 courts de l’ONF, avec un film sur la charge mentale, Jessy va aller dans des zones plus personnelles. Mère de famille et travailleuse, elle parlait, à travers le vécu de quatre personnages, de son rapport à la conciliation travail/famille. À la fois fiction et documentaire, le film mélangeait les genres pour rendre compte de cette réalité. Jessy Poulin a pris le parti de parler d’elle, de son vécu, et ce, dans une démarche fondamentalement artistique. Est-ce que c’est un cinéma féminin? Poser cette question est dangereux parce qu’elle sous-entend que le cinéma produit par les femmes appartient à un sous-genre; cela l’empêche de faire partie de la grande famille du cinéma en général et marginalise le discours féminin. Nous n’irons donc pas dans cette direction. Au fur et à mesure que Jessy avance dans sa démarche, le propos intime se précise pour devenir non pas nécessairement de l’autofiction, mais un discours universel d’un point de vue intime. La mort fait partie de la vie et personne n’y échappera. Notre première expérience avec celle-ci est celle des autres; elle va tenter d’y plonger avec courage, sans fausse pudeur. La mort de la mère est quelque chose d’important : c’est notre chair après tout. Et c’est une expérience humainement universelle.
INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 9
– MÉDIAS ET SOCIÉTÉ –
L’INFORMATION EN TEMPS DE PANDÉMIE LOUIS-PAUL WILLIS
La crise causée par la pandémie de la COVID-19 étant maintenant bien ancrée au Québec, force est de constater que la stupéfaction initiale se dissout tranquillement pour faire place à d’autres réactions collectives. Sur les réseaux socionumériques, les mèmes se moquant de clients achetant du papier hygiénique pour trois ans font place à divers partages d’information et de réflexions : à quoi ressemblera la sortie de crise? Quand et comment pourronsnous rouvrir les écoles de façon sécuritaire? La réaction des pouvoirs politiques au Québec et au Canada face à la crise était-elle la bonne? Au milieu de ces questions et de ces réflexions toutes pertinentes, on peut voir des tendances socionumériques parallèles se manifester : les fausses nouvelles et les théories du complot abondent, comme les théories médicales douteuses. Ces tendances instaurent un climat de méfiance nocif face auquel il est essentiel de se prémunir. Si j’avais à définir un bon et un mauvais côté à cette crise du point de vue de notre relation avec les médias, je proposerais ce qui suit : d’un côté, la figure de l’expert semble générer beaucoup plus de crédibilité que par le passé, et c’est une excellente chose. Mais cette crédibilité est principalement cantonnée dans les médias traditionnels. Par ailleurs, on voit émerger du contenu beaucoup moins constructif et beaucoup plus néfaste sur les médias socionumériques, à travers une recrudescence des fausses nouvelles. Dans cette conjoncture médiatique particulière, il faut demeurer vigilants et critiques. Par exemple, en
10 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
ce qui a trait aux recherches pour des traitements ou des vaccins, celles entourant certains médicaments existants font couler beaucoup d’encre. D’un côté, cela participe à redonner à la recherche ses lettres de noblesse. Par contre, les délais nécessaires pour homologuer ces médicaments pour le traitement de la COVID-19 créent de l’impatience et donnent lieu à des raccourcis parfois dangereux. La recherche nécessite des protocoles méthodologiques rigoureux, sans quoi il est impossible de poser des conclusions fiables. Il est possible qu’un médicament existant se révèle efficace contre la COVID-19, mais il faudra beaucoup plus que des recherches exploratoires localisées et menées sur des sujets limités, sans groupe de contrôle pour en arriver là. Il en va de même avec les fausses nouvelles et les théories du complot. Il est sidérant de voir le nombre de publications proposant que la Chine ait créé le virus pour déstabiliser nos économies occidentales, par exemple. Ces théories sont carrément fantasmatiques, dans la mesure où elles fonctionnent comme un fantasme : elles cachent une réalité plus problématique, voire traumatique. Il faut se demander ce qui se cache derrière le fantasme des théories du complot : le besoin d’un bouc émissaire? L’abysse généré par l’absence de réponses? Et en se posant ces questions, il faut éviter de partager ces fausses nouvelles et ces théories complotistes. En cas de doute, Radio-Canada propose des étapes à suivre avant de faire circuler une information. La version intégrale de cette chronique est disponible au indicebohemien.org
– EN BREF –
EXPOSITION COLLECTIVE AU CABARET DE LA DERNIÈRE CHANCE LA RÉDACTION
Le Cabaret de la Dernière Chance, établissement emblématique du quartier Noranda, a dû, comme tous les bars de la province, fermer ses portes temporairement en raison de l’épidémie de COVID-19. Cependant, l’équipe du Cabaret prépare déjà la réouverture, qui coïncidera avec une exposition collective à laquelle les artistes visuels de partout sont invités à participer. En effet, le Cabaret présente chaque mois une nouvelle exposition sur ses murs. Au moment de la fermeture, l’équipe en était à planifier celles à venir. Ne sachant pas quand la reprise des activités aurait lieu et n’osant pas prendre d’engagements qu’elle ne saurait honorer auprès d’un ou d’une seule artiste, elle a choisi de se tourner vers une formule collaborative en lançant un appel à tous. Ainsi, tous les artistes visuels confinés qui le souhaitent peuvent soumettre une œuvre. Professionnel ou amateur, résident rouynorandien ou abitibien exilé, tout le monde est invité à participer, la seule condition étant d’être en mesure de livrer l’œuvre à l’endroit et à la date donnée. Pour Véronique Aubin, copropriétaire du Cabaret de la Dernière Chance, cette initiative s’inscrit dans la volonté de motiver les artistes à créer et de leur donner l’occasion de recevoir une certaine visibilité après des temps difficiles, voire leur permettre de vendre une œuvre. Les artistes intéressés sont invités à envoyer une photo de leur œuvre à la page Facebook du Cabaret, ou à l’adresse courriel lecabaretdeladernierechance@gmail.com.
– ARTS VISUELS –
UNE PREMIÈRE EXPOSITION VIRTUELLE POUR LE RIFT DOMINIQUE ROY
Depuis le 20 mars, Le Rift présente une exposition numérique que l’on visite virtuellement. L’exposition collective Mémoires et médiations est un projet en collaboration avec l’Atelier les Mille Feuilles de Rouyn-Noranda, un groupement d’artistes voué à la création, à la recherche et à la production d’arts imprimés. Elle s’inscrit dans le cadre du projet Décloisonner l’art imprimé, plus précisément dans le volet portant sur l’art imprimé et les technologies numériques.
Martin Beauregard, artiste et professeur à l’UQAT, a assuré le commissariat de cette exposition. Sa tâche : réunir des artistes autour d’un objectif commun, celui de revisiter les arts d’impression sous l’angle d’un processus de recyclage d’archives ou de banques de données en ligne; et d’une thématique commune, soit l’art à l’ère des humanités numériques, les mémoires individuelles et collectives et leurs relations à la société et à l’histoire. M. Beauregard joint aussi ses œuvres à celles des autres artistes exposés : Violaine Lafortune, Isabelle Roby, Céline J. Dallaire, Patrick Gauvin, Yuchen Guo, Jean-Ambroise Vessac et Cassandre Boucher.
PHOTOS : ÉMILIE B. CÔTÉ
UNE PREMIÈRE POUR LE RIFT Le début de l’exposition Mémoires et médiations coïncidait avec la fermeture de la galerie du Rift dans la foulée des mesures visant à freiner la propagation du coronavirus, mais il n’était pas question de mettre une croix sur la programmation prévue. « C’est vraiment le contexte particulier que nous vivons présentement qui nous a amenés à nous questionner sur nos méthodes de diffusions dans un contexte où les visiteurs ne peuvent pas se déplacer pour voir les œuvres. On s’est dit qu’on pouvait amener l’art aux gens plutôt que l’inverse! Donc, comme l’exposition portait déjà sur le numérique, on a décidé de la monter quand même et de la diffuser numériquement. On a fait une vidéo “caméra à l’épaule” et on se déplace dans l’exposition avec Martin Beauregard qui explique le travail des artistes en lien avec la thématique globale de l’exposition. Sur lerift.ca, on a mis cette vidéo et on a aussi créé une page pour chaque artiste avec des photos de leurs œuvres et un texte expliquant leur démarche », explique Émilie B. Côté, coordonnatrice du Centre d’exposition et directrice artistique des arts visuels.
Malgré les défis, le Rift exploitera à nouveau l’expérience puisque l’aspect numérique de la diffusion culturelle fait partie de son mandat. « Une visite de l’exposition caméra à l’épaule, c’est vraiment intéressant. Avec l’artiste qui nous parle de son travail, ça rend l’art accessible et ça démystifie les arts visuels. C’est aussi une de nos missions, au Centre d’exposition, de faire connaître le travail des artistes en arts visuels et de le décloisonner pour le rendre accessible », termine Mme Côté. L’exposition collective « Mémoires et Médiations » est offerte en ligne sur le site Web du Rift.
INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 11
– ENVIRONNEMENT –
MAI, MOIS DE L’ARBRE ET DES FORÊTS ENTRETIEN AVEC GENEVIÈVE DÉCARIE, CONSEILLÈRE EN COMMUNICATION AU MINISTÈRE DES FORÊTS, DE LA FAUNE ET DES PARCS
Chaque année depuis 137 ans, le mois de mai est désigné Mois de l’arbre et des forêts au Québec. Afin d’en savoir plus sur cet événement et la façon dont il sera souligné, L’Indice bohémien s’est entretenu avec Geneviève Décarie, conseillère en communications pour le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, à Rouyn-Noranda. UNE RESSOURCE PRIMORDIALE Mme Décarie souligne que le Mois de l’arbre et des forêts a pour objectif de faire réaliser au grand public l’importance de la forêt québécoise en tant que ressource naturelle, et ce, dans toutes les sphères du quotidien. « Que ce soit dans notre travail, dans nos loisirs, dans l’utilisation de millions, de milliers de produits dérivés. C’est de mettre en valeur notre belle forêt québécoise qui est tellement diversifiée, tellement généreuse, créatrice d’emploi et qui a énormément de retombées économiques », explique-t-elle. L’événement a aussi pour but de défaire des mythes sur l’exploitation des forêts et de faire connaître le travail des employés du secteur forestier. « On croit un peu, peut-être à tort, que pour protéger notre forêt, il faut cesser de l’utiliser, cesser d’y aller, mais on a des ingénieurs forestiers au Québec qui s’assurent que notre forêt est utilisée de façon durable, qui essaient de faire les meilleurs choix écologiques, les choix responsables pour permettre à ceux qui en vivent de continuer de le faire et à ceux qui utilisent la forêt de continuer d’y avoir accès. Ils essaient de jongler avec les intérêts de tout le monde en respectant des objectifs de maintien de la biodiversité », précise Geneviève Décarie. LE BOIS, ENRACINÉ DANS NOTRE QUOTIDIEN Cette année, le thème désigné pour souligner le Mois de l’arbre et des forêts est Le bois, enraciné dans notre quotidien. Par ce thème, on cherche à conscientiser les gens à l’omniprésence du bois dans la vie de tous les jours. « On ne s’en rend peut-être pas compte, mais le bois fait partie de notre quotidien. C’est un peu difficile de nous imaginer vivre sans le bois. C’est parfois abondant, parfois décoratif, mais c’est loin d’être juste un simple matériau », souligne Mme Décarie. Elle ajoute que le bois a plusieurs caractéristiques insoupçonnées, entre autres thérapeutiques, et qu’il se démarque par ses vertus écologiques : « Le bois est un matériau renouvelable. Son empreinte est très différente de celle du plastique et du ciment, ce n’est pas du tout comparable. Le bois a la capacité de stocker le carbone, donc l’arbre va transformer un gaz à effet de serre en quelque chose de solide qu’on va pouvoir utiliser. C’est un gain pour l’environnement, ça représente un avantage dans notre lutte aux changements climatiques ».
Envie de contribuer à la protec�on de l’environnement? Devenez membre !
12 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
REPENSER LE MOIS DE L’ARBRE ET DES FORÊTS Habituellement, le Mois de l’arbre et des forêts est souligné par des activités rassembleuses de distribution d’arbres, par exemple. Cette année, avec l’interdiction des grands rassemblements, l’organisation doit être repensée. Geneviève Décarie souligne par contre qu’activité ou non, « Ça n’empêche pas que, pendant le Mois de l’arbre et des forêts, on peut faire de la promotion, valoriser notre belle forêt québécoise, encourager les gens à planter des arbres, encourager à utiliser la forêt de façon respectueuse dans nos activités, encourager les gens à acheter local en achetant des choses faites en bois. Après tout, le mois de l’arbre et des forêts, pour ceux qui aiment notre forêt, c’est essentiellement une façon de montrer notre attachement à notre ressource, on n’a pas besoin de milliers d’activités pour faire des petits gestes au quotidien ». Ceux et celles qui souhaitent en apprendre plus sur le Mois de l’arbre et des forêts peuvent consulter le site officiel de l’événement.
– DE PANACHE ET DE LAINE –
CONFINÉ DANS UN ROMAN RUSSE GABRIEL DAVID HURTUBISE
Prétendre à la liberté, quelle arrogance!
un ami si tout ce qui le soustrait du monde cessait de l’effriter. Je crains que le temps ne nous manque. À moins qu’il ne trouve une solution, il disparaîtra.
Se trouve-t-il autre chose que des prisons? Chaque matin, Sam a mal à la tête. Il crache des mots de venin noir dans ses Froot Loops colorées. Sur ses toiles, des fleurs bleues en bouquets saignent d’avoir voulu être belles. C’est ainsi qu’il confine ensemble la violence, la beauté et le bonheur : sur du tissu blanc immaculé. Je confine aussi quelques idées. Il m’arrive d’écrire. Pas de l’art, mais des mots. Ceux qui pourrissent sur du papier; des regrets fermentés. Tout bien considéré, mes plantes vertes sont ce que je possède de plus artistique. En vérité, je le jalouse, Sam. Il est le seul à embrasser toute l’ampleur du drame humain dans ses peintures. Je n’aurai jamais assez de mots pour ça.
J’ai été soulagé de trouver chez Sam ce caractère romantique. Par je ne sais quel égocentrisme, je me suis visiblement attaché à lui pour contempler son œuvre finale : incarner un roman russe. On dirait que le confinement s’inscrit naturellement dans son destin chaotique. Je ne peux pas en dire autant. Une espèce de nostalgie me frappe alors que ce monde est chaviré. Pas que je m’ennuie de ce qu’il était avant. Aucunement. Seulement, je m’ennuie de le rêver. Nous ne savons rien de la suite. Alors, je regarde la fonderie qui gronde. Si le Québec nordique peut inspirer la vieille Russie industrielle en tant que paysage, il lui manque une authenticité architecturale propre, ou bien est-ce la marque de l’Amérique en déclin?
Il est de ces êtres qui ne ressentent pas la nécessité d’accomplir quelque chose pour la seule cause de n’avoir vécu qu’une seule fois. Son esprit est fixé sur l’art qu’il exécute, lentement. Il n’est pas pressé de raconter son propre mythe. Non seulement exprime-t-il le drame, mais il l’incarne en plus. De tempérament maussade, il rumine des idées sombres qu’il ne pourrait dire autrement qu’à travers une sorte de poésie fataliste. Pourquoi faut-il que tout périsse? Ce sont là des phrases qui auraient pu être écrites dans n’importe quel vieux roman russe. En vérité, Sam est friable comme argile au soleil. Peut-être deviendrait-il
Pour nous distraire de nos dystopies, Joe joue de la guitare. De mielleuses mélodies. Un soleil chaud perce la fenêtre poussiéreuse. La musique nous permet de fuir chacun nos sales fictions. Et le musicien lâche, pour faire drôle : « Qu’on se le tienne pour dit, on est ridicules. » Voilà la porte de sortie : nous sommes des fous, des dingues, des dings dongs. Exit la jouissance de s’apitoyer sur son sort, du fin fond de l’ennui. Rire, gueuler, casser les murs. Voilà ce qu’il nous faut : de la légèreté. Je regarde les yeux de Sam. Le grondement de l’esprit, celui de la chaire qui croasse, s’est enfin tu.
L’équipe du Théâtre du cuivre s’ennuie de vous, chers spectateurs. Nous avons hâte de vous retrouver pour fêter la fin du confinement. D’ici là, on vous dit à bientôt! INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 13
– ACTION COMMUNAUTAIRE –
10 ANS POUR RADIO BORÉALE DANAË OUELLET
« Chers auditeurs, bonjour et bienvenue sur les ondes de Radio Boréale! » Nous sommes le 22 février 2010 et après sept ans de consultation et de démarches auprès d’instances diverses, une nouvelle radio communautaire voit le jour dans la MRC d’Abitibi : CHOW-FM 105,3.
Radio Boréale couvre aujourd’hui la MRC d’Abitibi et celle de la Vallée-de-l’Or. Elle poursuit sa mission de diffuser de l’information locale répondant aux besoins du milieu, tout en permettant aux citoyens et aux organismes de s’exprimer sur ses ondes.
C’est Donald Perron, président fondateur, qui a l’idée d’une radio communautaire pour le secteur d’Amos. Depuis la fermeture de CHAD à la fin des années 1990, Amos et les environs ne bénéficient plus d’un « service local », les radios privées régionales diffusant alors à partir Val-d’Or et RouynNoranda. L’intérêt manifesté par plusieurs municipalités va permettre à Radio Boréale de couvrir toute la MRC d’Abitibi.
EN ONDES
M. Perron fait alors appel aux journalistes Martin Guindon et Gilles Boucher, qui feront partie du comité provisoire menant à l’incorporation de Radio Boréale en OBNL. La mission sera de refléter la vie culturelle, économique et sociocommunautaire du territoire.
14 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
Radio Boréale, c’est entre autres l’émission du matin avec Gilles Boucher. Présent depuis le tout début, l’animateur et journaliste y reçoit de nombreux invités. C’est aussi beaucoup de musique avec son créneau country-rétro. À Val-d’Or, Mélanie Roberge prend le micro chaque semaine grâce au petit studio mobile installé en ville.
défis à relever dans les prochaines années, surtout si le projet d’implantation de réémetteurs fonctionne. « C’est notre projet majeur. On veut devenir une radio communautaire régionale », explique Réal Bordeleau, ancien président et aujourd’hui directeur général. Pour ce faire, il aimerait installer des réémetteurs ainsi que de petits studios mobiles à Rouyn-Noranda et La Sarre. Le dossier est entre les mains du CRTC, qui devrait rendre une décision d’ici 9 à 12 mois. Avec l’accord du CRTC, c’est un éventail de possibilités qui s’ouvrirait pour Radio Boréale. « Avec la collaboration d’animateurs dans chacune des villes, on pourrait produire des émissions locales à saveur régionale, et offrir une vitrine encore plus grande au milieu culturel, à titre d’exemple! »
DES PROJETS À VENIR Fraîchement installée dans ses nouveaux locaux d’Amos, qu’elle partage avec TVC-7, Radio Boréale aura de nombreux
Pour découvrir Radio Boréale, il faut syntoniser le 105,3. Il est également possible de l’écouter via Câble Amos, Cablevision du Nord ou en direct au radioboreale.com.
– CULTURAT –
QUAND LA CONSOMMATION DEVIENT UNE ACTION COMMUNAUTAIRE PASCALE CHARLEBOIS
Alors que l’achat local est sur toutes les lèvres, pourquoi ne pas penser encore plus loin et parler du système global dans lequel il s’inscrit, l’économie circulaire?
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Livraison à domicile sur le territoire de Rouyn-Noranda en moins de trois jours. Délai postal pour le reste du Canada
L’adjectif circulaire s’oppose ici à linéaire, qui indique que l’on commence à un point précis, soit la production d’un bien ou d’un service, pour se rendre à un point final : la consommation et le rejet des déchets qui en résultent. On recommence ensuite à partir d’une toute nouvelle ligne.
Sky Polson, Winneway | Peinture
L’économie linéaire n’a donc qu’une finalité : la consommation. L’objectif ultime est de faire le meilleur profit sur la vente et d’inciter le client à consommer davantage. Les résultats de ce système sont la production de déchets, le gaspillage et la pollution. Ce qui importe ici, c’est de produire au coût le plus bas pour assurer un meilleur profit sur la vente. La construction d’usines dans des pays où la main-d’œuvre est payée beaucoup moins cher devient ainsi la norme. L’économie circulaire, quant à elle, considère la production et la consommation sous forme de cycle, dans un objectif de durabilité. Au lieu de se terminer par la production de déchets, l’économie circulaire invite à voir les matières postconsommation comme de nouvelles ressources pour amorcer un nouveau cycle. Un exemple évident est celui du compostage, où les résidus alimentaires se transforment en matière essentielle à la croissance de nouveaux fruits et légumes. Le recyclage et la réutilisation sont aussi des manières de pratiquer l’économie circulaire, mais ce ne sont pas les seules!
Scaro | Bijoux
L’économie circulaire a pour principal objectif la durabilité de son propre système. Qui dit durabilité dit aussi préservation des écosystèmes, gestion pérenne des matières premières et création de richesse à l’échelle locale. L’économie circulaire peut être un levier de croissance important pour une communauté. En ayant le souci d’utiliser plus de matières locales, les industries investissent dans le bien-être de leur communauté. Bien sûr, il faut parfois inventer de nouvelles façons de faire pour choisir d’autres matières premières que celles avec lesquelles on travaillerait normalement. Par contre, cela peut avoir plusieurs impacts, dont la réduction des coûts et de l’empreinte écologique liés au transport. On peut également concevoir des biens de meilleure qualité, avec une plus longue durée de vie. L’innovation, enfin, apporte des solutions pour diminuer l’ensemble des coûts de production et optimiser l’utilisation des matières. En somme, puisque notre gouvernement nous incite à produire et à consommer localement, pourquoi ne pas le faire dans une logique d’économie circulaire?
Joanne Poitras | Lithographie
La version intégrale de cette chronique est disponible au indicebohemien.org.
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INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 15
– ACTION COMMUNAUTAIRE –
PLACE AU SOLEIL, UN INCONTOURNABLE TÉMISCAMIEN HÉLÈNE JAGER
La mission que se donne Place au soleil (PAS), organisme du sud du Témiscamingue fondé en 2004, est d’accompagner les citoyens de Témiscaming et de Kipawa vivant dans un contexte de vulnérabilité ou de pauvreté, et de leur redonner le sentiment qu’ils ont le pouvoir d’agir sur leur vie. Centré sur la réinsertion sociale, un plan d’action personnalisé est construit pour chacun, selon ses propres défis et objectifs, avec l’aide d’intervenants spécialisés.
Chaque sinistré a été rencontré individuellement et autour de PAS s’est organisé un élan de solidarité avec l’envoi spontané de dons par les membres de la communauté. Le soutien aux sinistrés est toujours en cours et PAS se bat à leurs côtés pour diverses négociations avec les assurances, qui ne sont pas encore closes.
DES ACTIONS CONCRÈTES
Développer l’ouverture d’esprit de la communauté reste cependant un enjeu. Nombreux sont les gens trop gênés pour demander de l’aide, anxieux d’être considérés comme « pauvres », souligne la directrice Caroline Langlais. On parle donc de vulnérabilité, un meilleur mot pour décrire un état par lequel chacun peut passer à un moment de sa vie.
Entre les ateliers thématiques, la sensibilisation à la toxicomanie et les événements festifs, en 2019, environ 2 950 heures de bénévolat ont été effectuées, pour une valeur de 35 400 $, et ce, dans une communauté de moins de 3 000 habitants. Parfois, l’aide est plus ponctuelle comme lors de l’incendie qui a ravagé plusieurs maisons l’été dernier à Témiscaming.
16 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
LES ENJEUX DEMEURENT
Beaucoup d’initiatives s’arrêtent à Ville-Marie, distante d’une heure de route, et la présence de PAS est donc vitale pour les personnes vulnérables. PAS doit être tournée
vers le terrain, facile d’accès et capable de répondre aux situations d’urgence. Mme Langlais se réjouit aujourd’hui : « Place au soleil est vraiment une réussite collective ». Si elle est devenue une institution solide, les enjeux demeurent de taille. Les besoins sont sans cesse en évolution et les financements actuels ne permettent pas de mettre en place tous les services nécessaires. La directrice et son équipe continuent à se battre pour créer des partenariats et des ententes de service, convaincre et revendiquer sur la scène politique. Place au soleil reste ouvert en temps de pandémie en tant que service essentiel. Tous les services ont été adaptés selon les consignes gouvernementales. « Ce n’est pas le moment d’être gêné, les gens qui ont besoin de manger doivent se manifester sans honte », précise Mme Langlais. La liste des services est accessible sur le site Web, la page Facebook ou au téléphone au 819-627-1505.
– ACTION COMMUNAUTAIRE –
– ACTION COMMUNAUTAIRE –
UN CIEL SUR LA TÊTE!
SANDRINE ROUSSEAU :
STÉPHANE GRENIER, PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA PIAULE DE VAL-D’OR
UNE IMPLICATION TRICOTÉE SERRÉE LOUIS-ÉRIC GAGNON
La Piaule de Val-d’Or offre de l’hébergement et un milieu de vie aux personnes démunies. M. Grenier nous présente un jour dans la vie d’une personne bénéficiant de ces services. Je n’ai qu’un ciel sur la tête. On m’appelle communément personne itinérante. Certains me nomment, plus poétiquement, personne sans abri. D’autres m’appellent simplement personne de la rue. Je n’ai qu’un ciel sur la tête. Certains pensent que je suis libre, que j’ai choisi ma réalité. Pourtant, je suis prisonnier de mon quotidien. Je structure mes journées selon l’horaire des ressources pouvant m’accueillir. Je n’ai qu’un ciel sur la tête. Ma journée commence tôt. Je quitte le refuge avant 7 h. J’ai soif et il me faut trouver assez de bouteilles vides pour m’offrir à boire en les revendant au dépanneur. À 8 h 30, enfin enivré, je vais au centre de jour pour boire un café et me réchauffer. À 11 h, on me met à la porte et je me rends à la soupe populaire. À 12 h 30, on me met encore dehors pour que j’aille au centre de jour. J’en profite pour demander un peu d’argent aux passants. S’ils sont assez généreux, je m’épargne le centre de jour en après-midi et retrouve mes « amis » au bar. À 16 h 15, je tâche de ne pas oublier le souper à la soupe populaire. À 17 h 45, on me met à la porte et je marche « librement » jusqu’à l’ouverture du refuge, à 22 h. Là, on m’accueille en souriant, mais on me force à me déshabiller, à me doucher et on m’offre un pyjama pour la nuit. Si je suis chanceux, j’ai un lit. Sinon, je dors assis à table ou sur le plancher. Je n’ai qu’un ciel sur la tête et mon quotidien était réglé au quart de tour. Était, car, du jour au lendemain, le ciel m’est tombé sur la tête. Les dépanneurs refusent mes bouteilles et j’ai soif pour mon nectar à 10,1 % d’alcool. Les passants ont déserté le centre-ville et je ne trouve plus l’argent pour m’échapper du centre de jour en allant au bar, fermé de toute façon. Je n’ai qu’un ciel sur la tête. Il ne me reste comme refuge que les ressources pour gens « libres » comme moi, et on m’accueille maintenant comme si j’avais la peste. Je dois rester à plus de deux mètres de mes amis. On me menace si j’enfreins la règle et je n’ose contredire personne, car je n’ai nulle part où aller. Je suis quand même chanceux, on prend soin de moi. Pourtant, hier, on m’a demandé à mon arrivée au refuge, comme tous les soirs depuis que le ciel m’est tombé sur la tête, si j’avais des symptômes, de la fièvre. Je n’ai pas osé dire « oui » à la jeune femme masquée. Qu’est-ce qu’elle aurait pu faire? Elle ne peut m’offrir de médication : elle n’est ni infirmière ni médecin. Elle peut juste m’offrir un ciel sur la tête. Moi, je suis « libre » et je préfère encore dormir au chaud. Je n’ai qu’un ciel sur la tête. Je m’endormirai ce soir fiévreux, entouré de gens « libres », dans ce dortoir en me disant que « ça va bien aller ». Note : Ce texte est un hommage à Daniel Gagné, artiste multidisciplinaire décédé juste avant la crise sanitaire. Il avait écrit une chanson pour les itinérants de Val-d’Or : « Un ciel sur la tête ».
Bien que ce soit le hasard qui ait mené la Valdorienne Sandrine Rousseau au tricot, c’est le désir de s’impliquer socialement qui l’a amenée à relever le défi de produire 500 prothèses mammaires tricotées en 50 jours. TRICOTER POUR LA BONNE CAUSE L’an dernier, Sandrine a été contactée par la responsable du centre de femmes Com’Femme, Réjeanne Lavoie-Magnan, qui voulait savoir si elle souhaitait devenir dépositaire pour Knitted Knockers. Cet organisme, dont le nom veut dire Nichons tricotés en français, offre des prothèses mammaires spéciales faites à la main pour les femmes qui ont subi des mastectomies ou d’autres opérations aux seins. Le tout a commencé il y a près d’une dizaine d’années lorsqu’une dame du Maine qui venait de subir une mastectomie s’est trouvée insatisfaite des prothèses fournies par l’hôpital. Elle a alors décidé d’en tricoter avec du coton mercerisé. Ce type de coton est plus doux et plus léger, ce qui le rend agréable à porter. Aussi, ce matériau ne s’accroche pas à une plaie existante. Après avoir réfléchi à l’offre de Com’Femme, Sandrine a proposé d’aller plus loin en se lançant le défi de tricoter 500 prothèses en 50 jours. Elle a été soutenue par une vingtaine de personnes de l’Abitibi-Témiscamingue et de l’extérieur de la région qui ont sorti leurs aiguilles afin d’assurer le succès de cette campagne. Le premier coup d’aiguille s’est donné au début de mai 2019 et le dernier, lors de la journée mondiale du tricot, le 12 juin. Ce jour-là, Sandrine a invité toutes les tricoteuses ayant participé au projet à un dévoilement du nombre de prothèses confectionnées au cours des cinquante jours. Une dizaine d’entre elles avaient tricoté plus de 25 paires et au total, près de 1000 nichons ont été tricotés. Sandrine estime à près de 250 le nombre de ballots utilisés. C’est un défi réussi! SAISIR L’OCCASION Ce genre de défi n’est pas inconnu à Sandrine Rousseau qui sait saisir le moment. Ce qui l’a amenée au tricot est un concours de circonstances et une bulle qui lui est passés au cerveau, selon ses dires. Alors qu’elle est enseignante suppléante et gérante adjointe dans un magasin, la boutique de laine de Val-d’Or ferme ses portes à la suite du décès de la propriétaire. Six mois plus tard, Sandrine ouvre sa boutique sur un coup de tête. Elle claque la porte aux métiers qu’elle occupait, même si elle n’avait pas touché l’art du tricot en près de vingt ans. Lors des huit premiers mois d’ouverture, elle ne savait tricoter ni bas ni mitaines. Quand une cliente l’a appelée pour lui dire qu’elle ne savait pas comment faire un talon de bas, Sandrine a répondu : « Venez demain matin. Je vais vous montrer. » Elle a donc appris comment faire des bas en moins de vingt-quatre heures pour donner son cours. C’est un brin d’entêtement et sa capacité de saisir l’occasion qui motivent son désir de partager. Son désir d’enseignement et d’implication l’a amenée à produire l’émission Mailles envers, mailles endroit, diffusée sur les ondes de la télévision communautaire TVC9.
INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 17
– HISTOIRE -
PILIER DE SA COMMUNAUTÉ, LE SERVICE D’ENTRAIDE FAMILIALE DE VAL-D’OR GENEVIÈVE ROULEAU-LAFRANCE, SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET DE GÉNÉALOGIE DE VAL-D’OR
Avant l’organisation officielle d’un centre pour offrir des services à la population plus démunie, l’aide à celle-ci provient de divers organismes ou de clubs sociaux comme la St-Vincent-de-Paul, les Filles d’Isabelle, les Chevaliers de Colomb et autres. La Ville de Val-d’Or, par l’entremise de son service policier, offre aussi des repas aux chômeurs. Chacune de ces entités a sa propre campagne de souscription et cela peut devenir étourdissant pour les citoyens. On décide donc de créer un organisme
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18 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
unique pour gérer ces questions. Le projet reçoit l’aval de la Ville et obtient son soutien financier, pour voir le jour en janvier 1954. Le nouvel organisme porte le nom de Centre de Bien-Être Val-d’Or-Bourlamaque Welfare Center. L’âme dirigeante de ce centre est Simone Nadeau, qui y travaille pendant les douze années de l’existence du centre. Les services offerts se déclinent dans deux grands secteurs : assistance publique ainsi qu’un comptoir de vêtements et distribution dénommé L’Ouvroir. Les services sont variés : don de vêtements, popote roulante, hébergement, paniers de Noël, etc. Parallèlement, un autre organisme voit le jour en 1964. Il s’agit de l’Entre-Aide familiale de la paroisse SaintSauveur, qui offre sensiblement les mêmes services que le Centre de Bien-Être. À la fin de l’année 1966, on fusionne les activités des deux organismes. Le nouvel
organisme est nommé Service d’entraide familiale de Vald’Or et ses lettres patentes sont datées du 27 août 1968. La direction est prise en charge par Rita Fortin jusqu’en 1972. Les directrices qui lui succèderont sont Berthe Fugère, Colette Fortin, France-Claude Goyette, Karine Roy et Nathalie Boisvert, qui est toujours en poste. Le Service d’entraide familiale propose aujourd’hui des services similaires, notamment la vente de vêtements, objets et meubles usagés. Globalement, la mission reste la même. On vise « l’amélioration des conditions de vie des moins bien nantis de sa communauté1 ». Trois axes appuient cette mission : l’engagement communautaire, l’engagement environnemental et l’engagement envers l’intégration au marché du travail. 1 Citation tirée du site Web du Service d’entraide familiale de Val-d’Or
Photo : Adobe Stock
L’action communautaire peut prendre différentes formes auprès d’une population comme celle de Val-d’Or. C’est grâce à celle-ci que les plus démunis peuvent espérer avoir une vie meilleure. De nombreux organismes soutiennent la communauté valdorienne, mais cette chronique portera sur un en particulier : le Service d’entraide familiale de Val-d’Or.
– CULTURE –
LE GÉNIE CRÉATIF DE L’ABITIBI-OUEST
COVID-19 : QUELS IMPACTS POUR
AU TEMPS DE LA COVID-19
LE MILIEU CULTUREL RÉGIONAL?
LISE MILLETTE
FEDNEL ALEXANDRE
ALEXANDRE CARON
– VARIÉTÉS –
Prestations musicales sur le balcon, marches déambulatoires costumées, balados déjantés ou souvenirs musicaux ressortis sur pellicules : l’univers créatif des artistes de l’Abitibi-Ouest s’est mis à l’œuvre pour combattre le marasme ambiant en plein confinement. Tenu à l’écart de la scène comme plusieurs autres artistes, le musicien Stéphane « Ringo » Bisson chasse l’isolement en grattant la guitare dans son studio maison ou encore directement sur son balcon de Palmarolle. Après avoir caressé l’idée d’une formule de balado ayant pour titre exploratoire Le Ringo Show, il s’est finalement tourné vers un filon tout à fait naturel : gratter la guitare en bonne compagnie avec ses quatre enfants. Dans un contexte de confinement, avoir « mis au monde » une relève et un band a quelque chose qui tient du génie… Un ami de longue date, François Grenier, qui a aussi évolué avec Stéphane Bisson dans les ShawneWine & The Winos, a pour sa part mis sur pied le balado Les survivants avec la complicité du Lasarrois, Sébastien Belisle. « On se sent comme Tom Hanks pris sur son île… mais nous au moins, on a Internet », peut-on lire comme résumé sur le site réunissant les épisodes. En formule visioconférence réunissant des experts de tous les milieux – artistes, politiciens, explorateurs nature, communicateurs, entraîneurs – l’objectif consiste à « passer à travers », le tout pimenté d’une bonne dose d’humour. À un jet de pierre de là, à Sainte-Germaine-Boulé, l’enseignante et chanteuse Jacynthe Lebel vit aussi cette étrange phase de réclusion à sa manière. Chaque soir, avec son conjoint et leurs trois enfants, ils enfilent des costumes pour ensuite défiler dans les rues du village. Ce qui devait être une banale manière de faire sortir les enfants est devenu une tradition qui fait sourire le voisinage. La petite troupe vient ensuite égayer le fil d’actualités des réseaux sociaux en publiant la « photo du jour » tirée de ces marches créatives. La tournée ne serait pas complète sans un arrêt à Rapide-Danseur, là où de chez lui, Sébastien Greffard fait renaître sur sa page Facebook des vestiges du passé sous le vocable Archives anti-virus. On y retrouve des reliques musicales tirées de vieilles bandes vidéo : la sélection de son frère, « Francis pas d’cédille » Greffard à Star Académie, de même que quelques performances et défis musicaux. Sur la page du groupe Caron Greffard s’ajoutent des clins d’œil anti-déprimes et même peut-être les balbutiements d’un photo-roman! Le confinement a peut-être volé les douceurs au printemps, mais il ne l’empêchera pas de fleurir à grands coups d’initiatives pour chasser la grisaille.
Il est sans doute prématuré de tirer des conclusions définitives sur les impacts socioéconomiques, politiques et sociétaux de la crise sanitaire que nous traversons. On les prévoit. Ce qu’on ne manque pas de faire. À ce propos, le philosophe Michel Onfray a prévenu que la pandémie « va laisser des traces et changer [dans] nos vies plus que ce que l’on imagine ». Pour sa part, Edgar Morin, aussi philosophe, a soutenu que la crise sanitaire débouche sur une crise de civilisation, « car elle nous oblige à changer nos comportements et change nos existences, au niveau local comme au niveau planétaire ». Rien de moins. Pour preuve, on est passé d’animal social à animal en cage. Du jour au lendemain. Voilà qui met la table pour examiner certains effets déjà partiellement documentés de la crise sur le milieu culturel régional. Le Conseil de la culture de l’Abitibi-Témiscamingue (CCAT) s’est prêté à cet exercice en réalisant un sondage, auquel ont répondu 105 organismes et travailleurs autonomes établis dans les 5 territoires de MRC, sur les impacts de la crise dans le milieu culturel entre le 14 et le 30 mars. Sur le plan des finances, certains répondants ont affiché un déficit allant jusqu’à plus de 10 000 $ à cause, entre autres, de l’annulation de contrats et de pertes de revenus. Outre les pertes financières, la vitalité culturelle et artistique de la région se trouve fortement affectée. En effet, ce sont plus de 670 activités qui auront été annulées pendant ces 2 semaines. Certaines de ces annulations, ne pouvant pas être reportées, ont des répercussions directes sur la vie de l’œuvre, sur la carrière de l’artiste ou sur la survie de l’organisme. Certes, le confinement aura permis à certains artistes de consacrer plus de temps à des projets de création, en attendant des jours meilleurs. Mais, dans l’ensemble, ce sont des collaborations avec d’autres artistes qui tombent à l’eau, des productions qui s’arrêtent, des diffusions qui sont reportées. Est-il alors besoin de dire que les habitudes de consommation sont chamboulées? Pis encore, il ressort du sondage réalisé par le CCAT une grande incertitude du milieu culturel et artistique, car rien ne permet de déterminer quel sera le comportement du public après un arrêt prolongé des activités. Par exemple, on ne peut pas prévoir si les salles de spectacles seront fréquentées après la levée des mesures de confinement étant donné que plusieurs personnes ont perdu leur emploi. En d’autres termes, le milieu culturel risque de se retrouver dans une forme de dérégulation pendant quelque temps. Ces données ne font que brosser un portrait partiel de la situation. De même, certaines mesures déjà mises en place permettent d’amortir les impacts de la crise. Les programmes tels que la Prestation canadienne d’urgence (PCU) du gouvernement fédéral donnent un répit à la plupart des travailleurs de l’industrie culturelle et artistique. En ce qui concerne les artistes, il y a des représentations en cours afin de leur permettre d’accepter des contrats dont le montant serait équivalent à un certain pourcentage de la PCU. Certains organismes pourraient bénéficier d’une subvention pour maintenir les liens d’emploi avec leurs employés. Toutefois, les mesures adoptées par le gouvernement fédéral ne sont pas toujours adaptées aux entreprises œuvrant dans le milieu culturel qui n’ont pas un modèle correspondant aux critères établis. Des pourparlers sont en cours afin de faciliter l’accès de ces organismes à ces subventions pour qu’ils puissent survivre. Par ailleurs, les grands organismes subventionnaires ont décidé de décaisser leur premier versement aux bénéficiaires pour l’année 2020-2021. À défaut de relever les défis posés à l’industrie culturelle régionale par la crise, ces mesures lui permettent réfléchir à la suite, bien qu’on ignore de quoi demain sera fait. On l’a toujours ignoré. C’est sans doute l’essentiel de ce que rappelle cette crise, nous dit Edgar Morin.
INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 19
20 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
– RÉGION INTELLIGENTE –
1350 MICHEL DESFOSSÉS
La résilience. Depuis que le neuropsychiatre Boris Cyrulnik a propulsé ce terme dans l’espace public, il est devenu d’usage commun. On est résilient pour tout et n’importe quoi. Mais pour que la résilience entre en action, elle a besoin d’un moteur : la peur. Depuis la COVID-19, elle est là. Parmi ses déclinaisons, il y a la peur de l’autre qui s’est manifestée dès les premiers cas de contagion confirmés dans la région, chacun voulant fermer sa ville, son village au pestiféré d’à côté.
sédentarisent à la ville en augmentant leur endettement et leur dépendance. C’est dans ce décor semblable au nôtre que s’installe la grande peste noire… Je vous proposerai aujourd’hui ce que je considère être l’ultime unité de mesure de la résilience d’un peuple affligé par une catastrophe : sa créativité. À Florence sévit la peste noire depuis 1347, la mort fauche sans égard au rang social. Partout, la peur au ventre. Celle de devoir donner son âme à la Faucheuse. C’est dans ce contexte qu’un auteur, Boccace, imagine un confinement médiéval. Il prêtera ses mots à dix personnages dans un ouvrage poétique et lumineux : Le Décaméron, appelé aussi Prince Galeotio.
De la peur à la résilience, comment les communautés peuvent-elles se remettre en mouvement face à la catastrophe? Car il s’agit bel et bien d’une catastrophe et non d’une crise pour reprendre Cyrulnik. Une crise, c’est dérangeant, mais on peut toujours corriger la situation. Mais ici, nous voudrions retourner en arrière que nous en serions incapables, tant les piliers de notre monde ont été ébranlés.
Éprouvés par cette situation, sept jeunes filles et trois jeunes hommes quittent la ville pour se reclure dans la campagne avoisinante. Ensemble, pour tromper l’ennui, ils échafauderont une règle de vie créative : à tour de rôle, ils deviendront la reine ou le roi de la journée. Chaque sujet devra leur faire un tribut, soit déposer à ses pieds un conte de sa plume.
Au fait, comment l’humanité a-t-elle traversé les catastrophes sanitaires passées? A-telle été résiliente? Pour le savoir, remontons à l’instant 0 de la peste noire du milieu du 14e siècle qui a décimé les populations de l’Orient et de l’Occident chrétien.
Décaméron signifie 10 jours en grec ancien. Cette célébration des mots durera dix jours, conférant à chacun la noblesse et le devoir de créer un environnement positif pour ses semblables.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le monde de 1350 ressemble au nôtre. Nous avons affaire à des sociétés à l’économie mondialisée (avec l’ouverture de la route de la soie) où règne la spéculation financière et qui s’urbanisent rapidement. Les conflits armés sont nombreux et de portée régionale. Les cités-États ont développé une structure économique requérant des artisans spécialisés. Les marchandises voyagent, les gens se
La résilience saura-t-elle épouser la forme créative dans nos esprits et nos chaumières?
Parce qu’on est solidaires, on achète localement!
Photos : Christian Leduc
Les références consultées pour la rédaction de cette chronique sont indiquées dans sa version Web, au indicebohemien.org.
INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 21
– MA RÉGION J’EN MANGE –
FILET DE TRUITE AU PAPRIKA FUMÉ CHEF RÉGIS HENLIN – LES BECS SUCRÉS-SALÉS DE VAL-D’OR
INGRÉDIENTS
TRUITE
TRUCS ET ASTUCES
4 300 g 1 bulbe 1 2 125 g 200 g
- Bien saupoudrer les épices à saumon sur les 4 filets de truite côté chair, selon votre goût. - Dans un poêlon à feu moyen, bien colorer les filets de truite sur les côtés de la chair en premier et finir sur le côté de la peau. - Cuire au four à 180 °C (350 °F), de 2 à 3 minutes, selon l’épaisseur des filets de truite. Vous devriez avoir une cuisson rosée au centre. Retirer du four et servir.
Lors de la cuisson des truites, faire attention au sucre d’érable dans les épices à saumon, il peut noircir très vite si le feu est trop vif.
SALADE - Bien mélanger tous les ingrédients dans un saladier. - Assaisonner et laisser reposer au frigo le temps de cuire la truite.
22 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
Ajouter de la laitue roquette et du piment fort à la fin dans votre salade. Elle donnera un goût de moutarde et votre salade sera plus relevée.
MONTAGE DE L’ASSIETTE Déposer la salade dans un bol de service et finir avec un filet de truite sur le dessus, puis servir.
COURTOISIE
filets de truite désossés et parés de 150 g épices à saumon Crousset au sucre d’érable huile et beurre (quantité suffisante) carottes en juliennes fines fenouil cru finement émincé pomme verte en juliennes fines échalotes vertes finement ciselées vinaigrette au miel biologique La Grande Ourse féta de chèvre en cubes FromAbitibi sel et poivre au goût
À TOUS LES ARTISTES! L’Indice diffuse vos œuvres! En ces temps de confinement, L’Indice bohémien souhaite offrir son espace de diffusion aux créateurs d’ici afin de maintenir la vitalité artistique régionale. Nous croyons que les artistes ont plus que jamais besoin de visibilité et de reconnaissance, alors on prend tout! Transmettez-nous vos chansons, dessins, poèmes, photos, histoires, tableaux, tout ce qui peut faire du bien! Envoyez vos créations à redaction@indicebohemien.org et nous les relaierons sur notre plateforme Création virale au indicebohemien.org/blogue/creation-virale Toutes les institutions culturelles – centres d’exposition, salles de spectacles, maisons de la culture, etc. – sont aussi invitées à participer.
Restons solidaires
INDICEBOHEMIEN.ORG MAI 2020 23
PAP-GouvQc-Covid19-5Mesures-10x10,375-1877-FR-HR.pdf
1
2020-04-16
15:54
La maladie à coronavirus (COVID-19) cause une infection respiratoire pouvant comporter les symptômes suivants :
Fièvre
Toux
Difficultés respiratoires
Se protéger, ça sauve des vies.
Toussez dans votre coude
Jetez vos mouchoirs
Lavez vos mains
Gardez vos distances
Québec.ca/coronavirus 1 877 644-4545
24 MAI 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
Restez à la maison