MAI 2021 // L'INDICE BOHÉMIEN // VOL.12 - NO. 08

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– ÉDITORIAL –

SE (RE)DÉCOUVRIR GABRIELLE IZAGUIRRÉ-FALARDEAU

Lorsqu’on grandit en AbitibiTĂ©miscamingue, on se retrouve presque inĂ©vitablement, Ă  l’aube de la vingtaine, devant l’obligation de faire un choix : partir ou rester. Partir d’Abitibi-Ouest pour Ă©tudier Ă  Rouyn-Noranda. Quitter Rouyn-Noranda pour les grandes universitĂ©s de MontrĂ©al, QuĂ©bec, Sherbrooke et les autres, ainsi de suite. Si certains se rĂ©jouissent de l’effervescence de la grande ville, c’est aussi Ă  ce moment-lĂ  que d’autres, dont je fais partie, saisissent pour la premiĂšre fois la profondeur de leurs racines et de leur attachement Ă  la rĂ©alitĂ© rĂ©gionale. En partant de RouynNoranda une premiĂšre fois en 2016 et en la retrouvant quelques mois plus tard, j’ai su que je ne me sentirais nulle part autant chez moi que dans cette ville et dans cette rĂ©gion. Ainsi, me suis-je mise Ă  affirmer de plus en plus fort mon appartenance Ă  la rĂ©gion tout entiĂšre, sans rĂ©aliser que j’osais parler d’elle en grande savante alors que je n’en connaissais que des fragments, excluant nombre de petites collectivitĂ©s, de communautĂ©s autochtones et d’enjeux incontournables.

plutĂŽt une baisse dĂ©mographique pour l’Abitibi-Ouest et le TĂ©miscamingue, puis une trĂšs faible augmentation pour la MRC d’Abitibi. Ainsi, un dĂ©sĂ©quilibre semble en voie de se crĂ©er entre les secteurs plus urbains de la rĂ©gion et leur pĂ©riphĂ©rie; et ses territoires plus ruraux, agricoles et excentrĂ©s, que l’on dĂ©laisse lentement, mais sĂ»rement. N’est-ce pas pourtant prĂ©cisĂ©ment cette diversitĂ© des milieux et leur Ă©tendue qui fait toute la richesse de notre territoire? Dans l’Est tĂ©miscamien, oĂč je me rends chaque semaine, les villages comptent moins de 500 habitants. LĂ -bas, l’exode de la population, directement liĂ© Ă  celui des services de proximitĂ©, est tout Ă  fait tangible. Les adolescents que je cĂŽtoie dans ces communautĂ©s sont brillants, crĂ©atifs, curieux et ambitieux, mais souvent freinĂ©s dans leur accĂšs aux services et aux loisirs par les distances Ă  parcourir, par l’absence d’un service de transport en commun efficace ou encore par la couverture Internet dĂ©ficiente. Selon les endroits, ils ne sentent pas toujours que leurs besoins sont pris en compte dans le dĂ©veloppement de la communautĂ©, alors qu’il serait plus que pertinent de les placer au centre de la revitalisation du milieu.

La derniĂšre annĂ©e et demie m’a menĂ©e, entre autres par mon passage Ă  la coordination du contenu rĂ©dactionnel de L’Indice bohĂ©mien, Ă  dĂ©couvrir ma rĂ©gion comme jamais auparavant, en entrant en contact avec les acteurs culturels de chaque MRC, en me sensibilisant Ă  leurs rĂ©alitĂ©s, en Ă©changeant avec des citoyens mobilisĂ©s, aux projets fous et rassembleurs. Puis, je me suis Ă©tablie au TĂ©miscamingue oĂč je cĂŽtoie ses divers milieux. Ce qui m’a saisie, entre autres, dans cette redĂ©couverte de mon territoire, c’est le constat encore plus concret de son Ă©tendue et la façon si particuliĂšre que l’on a de l’occuper.

On pourrait s’interroger sur la rĂ©elle nĂ©cessitĂ© de sauvegarder ces petites agglomĂ©rations oĂč l’on a rarement besoin de mettre les pieds. Au-delĂ  du fait qu’elles font partie de notre ADN collectif, qu’elles abritent nombre de trĂ©sors cachĂ©s, humains et naturels et que leur Ă©rosion ne saurait se produire sans affecter Ă©ventuellement l’ensemble de notre vitalitĂ© rĂ©gionale, ces communautĂ©s, par leur situation si particuliĂšre, peuvent aussi ĂȘtre les incubatrices de nouveaux modĂšles de gouvernance, de mĂ©diation culturelle et de projets entrepreneuriaux novateurs.

Vous le savez comme moi, la rĂ©gion redouble d’ardeur pour attirer main-d’Ɠuvre qualifiĂ©e, jeunes et nouveaux arrivants. Si, Ă  l’échelle rĂ©gionale, la tendance dĂ©mographique projetĂ©e d’ici 2041 demeure relativement stable, cela semble se dessiner au profit de Rouyn-Noranda et de la VallĂ©e-del’Or, alors que l’Institut de la statistique du QuĂ©bec prĂ©voit

J’appuie cette rĂ©flexion sur l’impressionnante mobilisation, l’inventivitĂ© et les efforts de plusieurs d’entre elles. Je pense entre autres Ă  la planification stratĂ©gique du TĂ©miscamingue, Ă  la coop de plein air qui naĂźtra cet Ă©tĂ©, aux initiatives culturelles de Sainte-Germaine-BoulĂ©, La Motte, TĂ©miscaming et tellement d’autres, au magasin gĂ©nĂ©ral de Moffet, Ă 

JUIN

Alors que l’automne 2021 sera saison d’élections municipales, il serait sans doute temps, plus que jamais, de se mobiliser, entre jeunes, entre femmes, entre rĂȘveurs, entre nouveaux arrivants, pour investir enfin les instances de nos communautĂ©s ou au moins, s’y intĂ©resser de plus prĂšs. Je nous invite Ă©galement, collectivement, Ă  cultiver notre curiositĂ© envers le territoire. Les rĂ©alitĂ©s rĂ©gionales sont multiples et mĂ©ritent d’ĂȘtre dĂ©couvertes. On mĂ©rite de se dĂ©couvrir pour mieux se connaĂźtre, se solidariser, construire notre histoire, nos fiertĂ©s et nos identitĂ©s communes. C’est en connaissant et en aimant chaque recoin de notre territoire qu’on aura le cƓur de se mobiliser et de lutter pour sa sauvegarde et sa valorisation dans tous les domaines.

Admission temps partiel AU

TOM

N 2021

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Il faut dire que mĂȘme Ă  plus petite Ă©chelle, les petits milieux ruraux font face Ă  un autre dĂ©fi de taille pour la mise en place de projets porteurs : l’essoufflement de leur dĂ©mocratie locale. L’Observatoire de l’Abitibi-TĂ©miscamingue rapporte qu’en 2017, dans ces milieux, prĂšs de 75 % des Ă©lus municipaux ont gagnĂ© leur siĂšge sans opposition et que de ce nombre, Ă  peine 9 % Ă©taient ĂągĂ©s de 35 ans et moins. Ainsi, bien que des pratiques de mise en commun des ressources, de dĂ©veloppement durable et d’économie sociale, entre autres, aient prouvĂ© leur efficacitĂ© pour la revitalisation de ces communautĂ©s, les potentiels porteurs de ces projets novateurs se font rares et se heurtent trop souvent aux dĂ©fenseurs du statu quo.

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DAT E L I M I T E ER

l’amĂ©nagement du Sentier des rapides de Rochebeaucourt, au dĂ©vouement d’organismes communautaires essentiels. Les initiatives sont nombreuses et ne peuvent qu’avoir des rĂ©percussions positives. En 2013, une publication de la Chaire de recherche en dĂ©veloppement des petites collectivitĂ©s de l’UniversitĂ© du QuĂ©bec en Abitibi-TĂ©miscamingue (UQAT) soulignait justement le potentiel de dĂ©veloppement inexploitĂ© du milieu rural rĂ©gional, les avantages d’y vivre et la crĂ©ativitĂ© de ses habitants; mais aussi son faible poids politique comparĂ© aux secteurs urbains et le manque de considĂ©ration des gouvernements centraux envers ses rĂ©alitĂ©s spĂ©cifiques.

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