JOURNAL CULTUREL DE L’ABITIBI-TÉMIS C AMINGUE - SEPTEMBRE 2020 - VOL 12 - NO 01
GRATUIT
KINAWIT
Porte ouverte sur le « nous »
+ spécial gastronomie
L’abc d’une rentrée scolaire sécuritaire Québec.ca/rentrée
11 septième production
17 E FESTIVAL DE CONTES ET LÉGENDES
2110, rue Drummond, 3 e étage Montréal (Québec) H3G 1X1
13
LE CŒUR SACRÉ DE JEANNE-MANCE
09/08/20_09:31
19
ÉCOBOURGEONS : L’AGRICULTURE AUTREMENT
20
LES CHEFS : AMBASS ADEURS DES PRODUITS RÉGIONAUX
30
L’ART PUBLIC À VILLE-MARIE
L’indice bohémien est un indice
DISTRIBUTION
qui permet de mesurer la qualité de vie, la tolérance et la créa-
L’Indice bohémien poursuit sa distribution en respectant les mesures de
tivité culturelle d’une ville et d’une région.
santé et de sécurité. Pour devenir un lieu de distribution, contactez Valérie Martinez à direction@indicebohemien.org.
150, avenue du Lac, Rouyn-Noranda (Québec) J9X 4N5 Téléphone : 819 763-2677 - Télécopieur : 819 764-6375
Merci à l’ensemble de nos collaboratrices et collaborateurs bénévoles
indicebohemien.org
pour leur soutien et leur engagement. Merci aussi à celles et ceux qui ont distribué notre journal pendant plus de 10 ans!
ISSN 1920-6488 L’Indice bohémien Voici nos collaborateurs bénévoles pour ce numéro :
CHRONIQUES
Publié 10 fois l’an et distribué gratui tement par la Coopérative de solidarité du journal culturel de l’Abitibi- Témiscamingue, fondée en
MRC D’ABITIBI
L’anachronique
6
novembre 2006, L’Indice bohémien est un journal socioculturel régional et
Jocelyne Bilodeau, Stéphanie Brousseau, Jocelyne Cossette, Paul Gagné,
Environnement
18
indépendant qui a pour mission d’informer les gens sur la vie culturelle et
Gaston Lacroix, Jocelyne Lemay-Baulne et Sylvie Tremblay.
Histoire 25
les enjeux sociaux et politiques de l’Abitibi-Témiscamingue.
Ma région, j’en mange
21
Médias et société
10
CONSEIL D’ADMINISTRATION
Premières Nations
15
Marie-France Beaudry, présidente | Ville de Rouyn-Noranda
Région intelligente
28
Anne-Laure Bourdaleix-Manin, vice-présidente | MRC de La Vallée-de-l’Or
VILLE DE ROUYN-NORANDA
Tête chercheuse
8
Marie-Déelle Séguin-Carrier, trésorière | Ville de Rouyn-Noranda
Gilles Beaulieu, Anne-Marie Lemieux, Valérie Martinez, Suzanne Ménard,
Pascal Lemercier, secrétaire | Ville de Rouyn-Noranda
Annette St-Onge, Stéphan Thouin et Denis Trudel.
MRC D’ABITIBI-OUEST Colette Langlois, Raphaël Morand, Sophie Ouellet et Mario Tremblay.
Manon Faber | Ville de Rouyn-Noranda
SOMMAIRE À la une
5
Arts visuels
28 et 30
Conte 11 Festival 7 Gastronomie
19 à 28
Littérature
9
Métiers d’art
9
Musique 14 Premières Nations
29
Théâtre 13
EN COUVERTURE
Lyne Garneau | Ville de Rouyn-Noranda
MRC DE TÉMISCAMINGUE
Carole Marcoux | MRC de Témiscamingue
Émilie B.Côté, Véronic Beaulé, Carole Marcoux et Lise Millette.
DIRECTION GÉNÉRALE ET VENTES PUBLICITAIRES
MRC DE LA VALLÉE-DE-L’OR
Valérie Martinez
Joël Baril, Marc Boutin, Nicole Garceau, Rachelle Gilbert, Marc-Antoine
direction@indicebohemien.org
Jetté, Caroline Leblanc, Renaud Martel, Paquerette Plourde, Brigitte Richard,
819 763-2677
Sophie Richard-Ferderber et Ginette Vézina.
RÉDACTION ET COMMUNICATIONS
CONCEPTION GRAPHIQUE
Gabrielle Izaguirré-Falardeau, coordonnatrice
Feufollet.ca
redaction@indicebohemien.org 819 277-8738
CORRECTION
Ariane Ouellet, éditorialiste
Geneviève Blais
Lise Millette, collaboratrice à la une
IMPRESSION RÉDACTION DES ARTICLES ET DES CHRONIQUES
Imprimeries Transcontinental
Ariane Barrette, Joannie Cotten, Gabrielle Demers, Michel Desfossés, Francine Gauthier, Isabelle Gilbert, Gabrielle Izaguirré-Falardeau,
TYPOGRAPHIE
Richard Kistabish, Alexis Lapierre, Philippe Marquis, Lise Millette,
Carouge et Migration par André SImard
Ariane Ouellet, Danaë Ouellet, Michèle Paquette, Mathieu Proulx, Mathieu Raymond-Fortin, Carmen Rousseau, Dominique Roy, Dominic Ruel, Valéry Saint-Germain et Louis-Paul Willis.
COORDINATION RÉGIONALE Danaë Ouellet | MRC d’Abitibi Sophie Ouellet | MRC d’Abitibi-Ouest Nancy Ross | Ville de Rouyn-Noranda Véronic Beaulé | MRC de Témiscamingue Geneviève Béland | MRC de la Vallée-de-l’Or
Kinawit : le « nous inclusif », un lieu de rencontre, d’échange et de réconciliation.
Certifié PEFC
Photo : Roxanne Labbé
Ce produit est issu de forêts gérées durablement et de sources contrôlées
PEFC/01-31-106
2 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
www.pefc.org
– ÉDITORIAL –
LA PHILOSOPHIE DU JARDINIER ARIANE OUELLET
Alors que le mois d’août s’égrène inexorablement vers la fin de l’été, que les jours raccourcissent perceptiblement, que le jardin commence à déborder de ses fruits et qu’affluent dans ma boîte de réception les horaires de la rentrée et les états de compte de la commission scolaire, il m’est difficile de faire taire cette mélancolie un peu angoissante qui revient chaque fois que l’été s’achève. Ça rappelle que la vie est une grande roue qui tourne. Dans ce grand cycle, certaines choses reviennent, d’autres disparaissent. Tout passe, inévitablement. L’été, l’enfance, la vie. Je fais le bilan de toutes les tentatives ratées de jardinage et j’essaye d’organiser des idées pour apprendre de mes erreurs et être meilleure au printemps prochain lorsque viendra le temps des semis. Voir les échecs comme des opportunités d’apprendre, pensant que j’aurai le temps de recommencer. Être zen dans mes bottes de caoutchouc. Et peut-être, d’ici là, écrire des petites affiches joliment calligraphiées avec des pensées philosophiques inspirantes sur les vertus du jardinage. Je fais l’inventaire des garde-robes. Il faut acheter de nouvelles chaussures au plus grand qui fait son entrée au secondaire. Au secondaire, déjà. Trois battements de cils plus tard, il sera peut-être amoureux. J’ai l’impression que son primaire s’est achevé en queue de poisson, sans rite de passage pour souligner ce moment quand même pas banal, et déjà il porte la même taille de chaussure que sa mère et je lui parle d’éducation sexuelle. Ça va tellement vite. Pour plusieurs, la fin de l’été rime avec le retour d’une forme de routine rassurante. Retrouver les amis, retourner au gymnase, se coucher plus tôt, recadrer la vie chaotique des vacances ou de semaines en télétravail sans camp de jour pour caser les enfants. Pour d’autres, la rentrée scolaire rime avec le stress financier d’un avenir professionnel incertain à combiner avec les besoins des enfants qui vont en grandissant, toujours. Quelles que soient les réalités, les semaines d’été sont quand même celles où la vie est plus légère. Dans un monde idéal, l’été a permis de cultiver tout ce qu’il faut pour passer l’hiver : les framboises et les bains de soleil, les amitiés et les Perséides, les légumes et la désinvolture. Aux portes de l’automne, je m’efforce d’adopter la philosophie du jardinier. Chaque jour, il faut planifier un peu ce qu’on veut récolter plus tard, pour se mettre en joie qu’une autre saison viendra. Préparer le terrain à ce qu’on veut voir pousser et fleurir, au propre comme au figuré. Et chercher l’équilibre entre la science et la foi, la recherche et l’intuition, l’ardeur et la patience.
uqat.ca/rentree
Paradoxalement, il faut accepter qu’après la récolte, la mort doit venir. Après avoir donné toute sa sève, la plante retourne à la terre pour mieux la nourrir. On a beau exercer les rituels nécessaires à protéger les arbustes délicats et couvrir de feuilles d’automne les rangs du
Dans un monde idéal, l’été a permis de cultiver tout ce qu’il faut pour passer l’hiver : les framboises et les bains de soleil, les amitiés et les Perséides, les légumes et la désinvolture.
potager, il faut une bonne dose de confiance quand les premiers gels nocturnes jaunissent les feuillages et flétrissent les fruits oubliés, lorsque la vie prouve une fois de plus qu’elle danse un tango très intime avec la mort, et qu’au-delà des apparences de désolation, une énergie incroyable sommeille quelque part dans la terre. Et que même lorsque les arbres se dénudent, c’est pour mieux renaître au printemps, plus grands, plus verts et plus forts. Peut-être que les arbres savent se reposer. Ce que j’ai appris à faire avec la nature, j’ai du mal à le faire avec ceux que j’aime. Sans doute parce que les humains sont plus mobiles que les végétaux et aussi moins prévisibles. J’ai du mal avec l’idée que certains moments ne reviendront jamais, et que la plupart du temps nous n’en sommes même pas conscients, trop préoccupés à aller vite. Aurai-je conscience que je pose ces gestes pour la dernière fois? Saurai-je les savourer à leur juste mesure? Si le confinement m’a offert un cadeau, c’est bien celui de la lenteur. J’ai pris le temps d’appeler mon monde et de regarder mes enfants dans les yeux cent fois par jour. Et depuis, je savoure cette vie si bien remplie de beaux humains que j’aime et je cultive du mieux que je peux le temps qui m’est donné, même si j’ai encore trop souvent conscience qu’il y a trop à faire, que le buffet all you can eat des possibilités n’aide en rien à simplifier nos agendas de fous. La rentrée scolaire imminente ramène ce sentiment de perte de liberté et de perte de contrôle de mon quotidien. Même si je veux croire en l’École, le sentiment de voir mes enfants engloutis dans un Twilight Zone m’assaille chaque fois que je les vois franchir la cour d’école. Mais le cours de la vie, c’est aussi ça. Apprendre à être zen dans nos bottes de caoutchouc quand les fruits de notre jardin prennent le large pour une destination inconnue, livrés au cours de leur propre existence qui chemine séparée de la nôtre, et avoir confiance que c’est une bonne chose. Parce que tout passe, inévitablement : les vacances, l’été, l’enfance et le reste, et qu’il faut accueillir chaque jour comme un cadeau parfait, chaque nouvelle proposition de la vie comme si elle savait ce qu’elle fait, même si parfois on n’y comprend rien.
Bonne rentrée à l’UQAT INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 3
MÉLANIE PERREAULT
4 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
– À LA UNE –
KINAWIT : PORTE OUVERTE SUR LE « NOUS » LISE MILLETTE
« Il arrive que des autochtones sortent des réserves pour venir vivre en ville. Parfois, c’est difficile de s’intégrer, de sortir de leurs villages, surtout lorsqu’ils vivaient avant dans la forêt… Aller vivre en ville crée un stress et un choc culturel : Kinawit aide ces gens à faire passer ce stress », explique Branden Nodin Ratt, guide touristique et animateur à Kinawit, luimême originaire de Rapid Lake, une communauté située dans la réserve faunique La Vérendrye. « En fait, les autochtones urbains demandaient un lieu pour se reconnecter avec les savoirs traditionnels et leur spiritualité », ajoute Roxanne Labbé, coordonnatrice à la programmation à Kinawit. L’endroit est à la fois un lieu de rassemblement et de présence pour la communauté et les membres du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or, mais peu à peu, une vocation touristique s’est greffée à la mission. En 2017, Kinawit est ainsi devenue une porte ouverte sur la culture algonquine, un lieu d’échanges et un outil de réconciliation entre allochtones et autochtones. « Ceux qui viennent à Kinawit pour une visite ont souvent le commentaire que, contrairement à d’autres sites, ce qui se vit à Kinawit est authentique. Les activités, les présentations, les visites sont animées par des gens de la communauté qui y ajoutent leur propre chemin de vie et leurs expériences », résume Roxanne Labbé. Les possibilités sont en quelque sorte sans limites. Atelier de viande sauvage, de paniers tressés, de confection de canots d’écorce, ateliers sur les plantes médicinales, contes et légendes, randonnées en sentiers, fabrication d’objets artisanaux : l’offre a autant de visages que ceux qui ont les talents pour les transmettre. DES ENSEIGNEMENTS PAR DE VRAIS TÉMOINS Sur place, Kinawit présente huit sites qui montrent chacun une facette de la culture algonquine. « On y partage la connaissance de la culture, l’histoire, la spiritualité, le mode de vie », mentionne Branden Nodin Ratt. Ayant lui-même profité du savoir de Karl Chevrier, artiste bien connu de la communauté de Timiskaming First Nation, il transmet à son tour ce qu’il a appris sur la confection des canots d’écorce. L’an prochain, il espère pouvoir lancer un atelier pour bâtir
un canot, expliquer comment préparer le cèdre, recueillir l’écorce et les racines. « Nous donnons bien sûr quelques éléments aux guides pour les différentes étapes du circuit : les éléments historiques, la cuisine traditionnelle avec la viande sauvage (shapichouan), le réseau hydrographique présenté comme les autoroutes des premiers peuples, mais les employés offrent surtout ce qu’ils ont à offrir. Ce ne sont pas des textes récités. Roy a vécu les pensionnats, une visite avec lui est teintée de son expérience. Fabienne parle davantage des plantes médicinales. C’est ce qui rend le tout très authentique, puisque les guides sont de véritables membres de la communauté. C’est de l’intégration inversée », explique Roxanne Labbé. RÉSERVATION NÉCESSAIRE Les visites libres sur le site prendront fin avec le week-end de la fête du Travail. Par la suite, il faudra effectuer une réservation avant de s’y présenter. Pour la dernière fin de semaine de la saison, différentes activités ont été planifiées. On présentera un atelier d’appeau d’orignal avec Branden Nodin Ratt, une dégustation de viande sauvage avec Mélissa Etapp, un atelier d’artisanat sur écorce avec Fabienne Théorêt-Jerome et une activité de contes et légendes et les enseignements des sept couleurs avec Roy Cheezo. « J’adore mon travail, ça me permet un retour aux sources. Plusieurs me trouvent bien chanceux d’avoir un tel travail », reconnaît Branden. Outre le volet touristique, il est également possible de louer certaines salles de Kinawit pour des réunions, des séminaires, des conférences, des formations. Il est possible de greffer un moment de contes et légendes à ce genre de rassemblement. « On sent qu’on met quelque chose sur pied, que ça peut avoir un impact… Les allochtones voient la richesse du peuple et la démarche montre ce que c’est que la réconciliation. Les gens qui ont connu Kinawit ont vu une autre face de la réalité et de la culture autochtone. Ça enlève les préjugés », conclut Roxanne Labbé.
PAUL BRINDAMOUR
Site touristique aménagé dans un milieu naturel où se mêlent présence autochtone et enseignements, Kinawit ne fait ni dans la reproduction, ni dans le théâtre, ni dans les costumes. L’endroit se veut un lieu où la visite d’un autre devient rapidement la rencontre d’un « nous ». Kinawit : nous, une immersion authentique dans la vie anicinabe.
INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 5
– L’ANACHRONIQUE –
LE PRIX DE L’OR PHILIPPE MARQUIS
« Je vais lâcher l’école, suivre un cours de mines. Après ça, je serai riche! » Lorsque le fils fait cette annonce, son père lui propose d’essayer le cégep pour explorer d’autres possibles; « La route est longue et les chemins nombreux », résume-t-il. Ça se passait en 2012, l’or valait 1 700 $ US l’once. Depuis le début des années 2000, des mines de la faille de Cadillac sont relancées et l’exploration de nouveaux gisements fait poindre un futur doré. Sa valeur et les avancées techniques permettent désormais d’exploiter à profit des gisements où l’or n’est présent qu’en très faible quantité. Cela engendre des projets aussi pharaoniques, dans tous les sens du terme, qu’Osisko. En difficulté à la fin des années 1990, l’économie de notre région profite d’une remontée du prix du métal précieux, puis de l’insécurité financière à la suite du krach de 2008 pour bondir. Cette industrie représente maintenant près de 10 000 emplois directs et indirects en Abitibi-Témiscamingue. La montée se calme avec la reprise qui suit la crise boursière, l’once tombe à 1 050 $ US. Au même moment, en 2015, le fils de mon ami, après une année de cégep, passe un diplôme d’études professionnelles (DEP) en mécanique. Avec ce papier, il ne manquera jamais d’ouvrage et pourrait même devenir mécanicien pour une minière. Depuis vingt ans, tout le long de la faille, la valeur des maisons augmente sans arrêt, de nouvelles entreprises ouvrent et les stationnements des commerces débordent de
camions flambants neufs. Évidemment, tout le monde ne profite pas de cette manne, mais les pauvres ne sont pas des sujets de chroniques économiques… Aujourd’hui, les bas taux d’intérêt, la pandémie et la menace d’une récession insécurisent les marchés. Des fortunes craignent de fondre comme plateau de glace dans l’Arctique. C’est désormais notre particularité, outre nos parcs à résidus miniers : quand l’économie mondiale va mal, des investisseurs se tournent vers l’or, la demande fait monter les prix et notre région, enfin une partie de sa population, en profite. Il ne se mange pas, n’apaise pas la soif, sert un peu en électronique et dans la joaillerie. Ce métal, adoré des Égyptiens, des Incas et des Romains (des civilisations disparues) représente l’assurance de ne pas perdre toutes ses billes dans une économie irrationnelle. Quand ça chambranle, l’or revient en force comme ces derniers temps. La majorité de la production de lingots est stockée et ne sert qu’à la spéculation… Pourtant, le génie, les énergies et tout ce qui est nécessaire à sa production, serviraient mieux s’ils étaient utilisés à combattre le réchauffement de la planète, la faim et tous les autres défis qui sont nôtres présentement. C’est aussi cela le prix à payer pour l’or. Ah oui, pour conclure, le jeune homme, dont je parlais plus haut, a 23 ans et étudie maintenant en agriculture. Il ne veut pas de patron et croit qu’on peut se nourrir nousmêmes dans la région…
OCCASION SPÉCIALE
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6 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
– FESTIVAL –
LE FME DE RETOUR POUR UNE 18 E ÉDITION JOANNIE COTTEN
Le FME existant depuis près de 20 ans, il a beaucoup grandi depuis ses débuts. C’est maintenant un événement majeur dans la région et reconnu à travers le monde. Sa programmation inclut plusieurs artistes de renom et est passée d’environ 10 à 100 spectacles présentés durant la fin de semaine du Festival. Pour continuer d’évoluer et de se renouveler, les organisateurs doivent rester à l’affût des nouvelles tendances artistiques et de la fine pointe de la technologie en plus de toujours trouver de nouveaux projets innovants. C’est le cas, par exemple, du jardin de réalité virtuelle, qui sera de retour cette année, et de CFME, la radio du Festival qui recevra de grands noms des médias d’ici tels Barbara-Judith Caron (Urbania), Louis-Philippe Labrèche (Culture Cible) et plusieurs autres. Malgré l’expérience accumulée par le festival, selon Élie-Anne Lamerise-Dumont, responsable des communications, beaucoup plus de défis se sont présentés
cette année en raison des règles de distanciation. Le FME a dû se réinventer à 100 % et renoncer à certains classiques comme la grande scène extérieure de la 7e Rue. Une petite scène extérieure sera tout de même montée à la plage Kiwanis et des spectacles en salle seront offerts selon les plages horaires habituelles. Soucieux de mettre de l’avant des artistes originaires de l’Abitibi-Témiscamingue, le FME comptera dans sa programmation plusieurs DJ régionaux. On aura aussi droit à de tout nouveaux projets comme Carla Blanc (nouveau projet de Charles Lavoie, de Dear criminals), Mirabelle (nouveau projet de Laurence Hélie), Gus Englehorn (mélange rock des années 1960 et de lo-fi des années 1990) et Les Shirley (un groupe rock 100 % féminin), qu’Élie-Anne compte parmi ses coups de cœur. AU PAYS DES PICK-UP Un des projets mis de l’avant par le FME cette année était Au pays des pick-up. Ce projet a été présenté tout l’été un peu partout dans la région et consistait en une série de spectacles ambulants, dans une remorque tirée par un camion! Le projet a inclus des artistes comme Émile Bilodeau et Théâtre Regal, un groupe de la région.
ANTHONY DALLAIRE
Selon Andrée-Anne Laroche, chargée du projet, l’idée est venue pendant le confinement, lors d’une tempête d’idées avec le Petit Théâtre du Vieux Noranda, coproducteur du projet. Ayant envie d’offrir des expériences de qualité et de répandre le bonheur dans la population, ils ont décidé d’étendre le projet dans toutes les MRC, offrant ainsi la possibilité à un plus grand nombre de personnes d’en profiter.
ANTHONY DALLAIRE
Malgré les revers et les incertitudes des derniers mois, le Festival de musique émergente (FME) en Abitibi-Témiscamingue aura bel et bien lieu du 3 au 5 septembre prochains.
L’idée d’une scène ambulante sur remorque offrait la possibilité d’une belle scénographie tout en respectant la distanciation physique. Le choix des artistes s’est fait simplement : il était important de choisir des artistes régionaux et émergents, qui peuvent offrir une belle fête pendant leur prestation. Félix B. Desfossés, membre de Théâtre Regal, a eu l’occasion de se produire dans le cadre d’Au Pays des pick-up. Il décrit son expérience comme à la fois étrange et chaleureuse. Personne ne savait exactement comment se comporter, autant ceux sur la scène que dans le public! « Depuis le timide retour des spectacles, je réalise que ce qui me manque le plus, c’est la danse; de voir les gens danser librement », affirme-t-il. Tout de même, on peut imaginer que certains ne pourront s’empêcher d’esquisser quelques pas de danse dans les rues du Vieux-Noranda pendant la fin de semaine du FME! INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 7
– TÊTE CHERCHEUSE –
QUÉBEC SANITAIRE DOMINIC RUEL
Comment se sont passés votre été et vos vacances avec le port du masque, les deux mètres, le plexiglas dans les restos, les files et le Purrel? En fin de compte, nous avons eu une belle saison, très chaude et humide, qui nous a permis, malgré tout, de reprendre une vie un peu plus normale. Le confinement ne l’était pas. J’imagine qu’on a tous un peu triché avec la famille et les amis. Mentalement, ce sera bon pour tout le monde. Il faut maintenant reprendre nos habitudes, le travail, l’école, les loisirs avec des normes exceptionnelles. Nous sommes entrés dans un nouvel ordre sanitaire, dont nous ne voyons pas la fin à court terme. Nos vies quotidiennes et nos relations avec les autres sont et seront désormais régies par un seul principe : la santé. Santé physique, j’entends. Nous nous croiserons masqués, nous limiterons encore nos rencontres, les rassemblements majeurs sont interdits, on vit à distance bien souvent. Cette santé n’a pas eu de prix : 340 G$ de déficit au fédéral, un chômage qui a triplé, les gouvernements n’ont pas hésité à provoquer la pire crise économique en cent ans. Toute la société a payé pour protéger les plus vulnérables. Il faudra aussi travailler sur la santé mentale et la santé sociale, qui ont subi les contrecoups du confinement et de la crise économique qui s’est ensuivie. C’est pour cela que le retour physique en classe pour les enfants et les ados est si important. Le gouvernement a proposé un plan qui, je crois, est bien équilibré entre sécurité et efficacité pédagogique.
Ce sera un peu plus de gestion pour tous, mais ça permettra aux jeunes de revivre une scolarité plus normale. La bonne nouvelle : ce masque que l’on pourra enlever en classe. Les vrais rapports humains ne se font pas masqués. Ils se font à visage découvert. Cet ordre sanitaire provoque aussi de grandes divisions. Le feu est pris sur les réseaux sociaux. Avec le confinement, l’arrêt des activités et les arcs-en-ciel dans les fenêtres, nous pensions que le Québec sortirait grandi et uni. Quelque chose comme un grand peuple! On s’est trompé solidement! Pro-masques et anti-masques, pro-rentrée scolaire et partisans de l’école à distance, anxieux paranoïaques et convaincus réalistes, libertaires et nostalgiques du KGB, on se chicane sans fin. La santé est devenue l’axe autour duquel on catégorise les bons et les méchants, les connaisseurs et les complotistes. Et ce terme est peut-être trop utilisé, devenu une insulte ad hoc. Je ne parle pas de la 5G, du vaccin à puces, de Bill Gates ou d’une dictature qui s’installe. Mais j’espère qu’on peut encore s’interroger sur certaines mesures sanitaires, qu’on peut encore regarder les chiffres quotidiens et relativiser, qu’on peut réagir au traitement médiatique de toute cette crise. C’est de la santé intellectuelle, tout aussi importante. Ce Québec sanitaire peut durer un temps, on peut le comprendre, mais ce n’est pas nécessairement celui dans lequel je veux vivre et que je souhaite pour mes enfants. Il faudra revenir au 12 mars 2020.
ACTIVITÉ D’ACCUEIL
DES NOUVEAUX ROUYNORANDIENS E!
RATUIT
ÉG ACTIVIT
20 SEPTEMBRE
2020
8 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
Kiosques d’informations | Coffret de bienvenue
Inscription avant le 17 septembre rouyn-noranda.ca/aanr Avec la participation financière de :
– LITTÉRATURE –
– MÉTIERS D’ART –
LA FILLE DE LA FAMILLE : UN NOUVEAU
LA MAGIE DES FILS
ROMAN POUR LOUISE DESJARDINS
AU CENTRE D’ART
GABRIELLE IZAGUIRRÉ-FALARDEAU
DE LA SARRE FRANCINE GAUTHIER
Le 11 août dernier, l’auteure d’origine rouynorandienne Louise Desjardins faisait paraître son nouveau roman, La fille de la famille. On y suit l’évolution d’une jeune fille devenant femme dans un Québec où les inégalités envers celles-ci sont encore criantes. Elle apprendra, parfois à la dure, à prendre sa place et à construire la vie qu’elle désire.
elle-même à la toute fin. Louise Desjardins ne s’en cache pas, ce roman est inspiré de sa propre vie. Ainsi, La fille de la famille est aussi un reflet de son chemin vers l’écriture et la publication. FILLE DE LA FAMILLE, FEMME DANS LA SOCIÉTÉ
CHRISTIAN LEDUC
Dans La fille de la famille, la protagoniste grandit dans le Noranda des années 1950. Seule fille parmi cinq enfants, elle se fait constamment rappeler sa position au sein du noyau familial et reçoit une éducation marquée par les stéréotypes de genre. Devenue adulte, cette réalité continue de la suivre, alors qu’elle est forcée de marier son conjoint pour pouvoir continuer d’enseigner au séminaire qui l’engage, ou encore, se fait refuser un congé de maternité, tel qu’illustré ici : « C’est tout à fait normal qu’y ait pas de congé pour accoucher, madame, vu que c’est pas une maladie. » (p. 105)
D’entrée de jeu, l’œuvre se démarque par sa structure. Les courts chapitres, que l’on pourrait qualifier de fragments, s’alternent pour mettre en parallèle deux époques de la vie du personnage principal : de l’enfance à la fin de l’adolescence, puis dans la vie adulte. « J’avais lu (sur le fonctionnement) de la mémoire. Plus on vieillit, moins on voit ça d’une façon linéaire […] ça arrive par flashs. Je me suis dit, je vais essayer de mettre en parallèle des faits qui montrent que ce qu’on vit quand on est enfant, ça nous sert ou ça nous dessert quand on est plus vieux », explique Louise Desjardins. La construction de cette structure a nécessité beaucoup de travail, elle pense toutefois être parvenue ainsi à respecter un élan plus brut, plus naturel : « Quand on construit un roman de façon tout à fait chronologique, il me semble que c’est difficile qu’il n’y ait pas quelque chose d’un peu artificiel, de construit », précise-t-elle.
Malgré tout, la protagoniste s’efforce de faire valoir ses droits. Il est frappant, pourtant, de constater que même chez ce personnage déterminé et revendicateur, la reproduction de schémas de genre n’est pas bien loin. C’est elle qui se démène pour l’entretien de la maison, les soins des enfants, etc. Même s’il est rassurant de constater que depuis l’époque décrite, bien des choses ont changé pour le mieux, il est frappant de voir que d’autres demeurent d’actualité. Les mains baladeuses trop fréquentes décrites dans certains chapitres n’ont-elles pas été dénoncées dans trois mouvements marquants des dernières années? Ainsi, La fille de la famille raconte l’histoire d’une vie, mais aussi celle des batailles quotidiennes menées par les femmes d’un Québec pas si lointain. « Je trouve que c’est important de faire cette histoire-là. On a beaucoup fait l’histoire du Québec, des hommes, de la politique […], mais on n’a pas beaucoup fait l’histoire du quotidien des femmes, des familles […] Je me suis dit, il est temps que l’on fasse des histoires de femmes, de familles, qu’on voie où est-ce qu’on est rendus, je sentais le besoin de faire un peu le point làdessus », confie Louise Desjardins.
Les chapitres racontent de courtes anecdotes mettant en scène la protagoniste, sa famille et plus tard son conjoint, dans le quotidien ou dans des étapes charnières de sa vie. On la suit à travers ses premières amours, ses bonheurs et ses désillusions. On ressent également, tout au long du roman, sa fascination pour la littérature, qu’elle finira par pratiquer
Fascinée par les livres depuis l’enfance, Louise Desjardins n’avait pourtant jamais envisagé d’écrire et de publier avant la fin de la trentaine. Avec ce septième roman marqué par un regard juste, sensible et parfois ironique, publié pour la cinquième fois chez Boréal, on peut croire que le destin en a voulu autrement.
Du 10 septembre au 25 octobre 2020, le Centre d’art de la Maison de la culture de La Sarre, dont la nouvelle orientation privilégie la présentation des différents métiers d’art, ouvre à nouveau ses portes sur une exposition de tapisseries haute-lisse. Celle-ci met en lumière le travail exceptionnel d’artistes d’envergure internationale, dont l’expertise s’étend sur plusieurs décennies. Ce sont Thoma Ewen (commissaire et artiste), Line Dufour, Murray Gibson, Peter Harris, Barbara Heller, Jane Kidd, Marcel Marois, Paulette-Marie Sauvé, Suzanne Paquet, Ixchel Suarez et Linda Wallace. Ils sont tous Canadiens et viennent de la Colombie-Britannique, de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse et du Québec. Reconnus comme des références pour leur esprit d’innovation, leurs œuvres de très grandes dimensions sont tissées à la main et leur engagement à promouvoir cette forme d’art n’a d’égale que la qualité des créations. Certaines nécessitent des mois de travail et au fil du temps, l’énergie déployée à leur élaboration deviendra visible et vibrera dans l’œuvre. Des visions épurées viendront à l’esprit des tisserands et tisserandes, et elles se traduiront par l’équilibre et l’harmonie, la paix et la lumière. Les textiles du monde entier exercent une fascination certaine sur les créateurs. Par pur plaisir, ils jouent avec les idées autant qu’avec les couleurs. Leur discipline en est une d’exploration où le travail investi reste personnel, car il véhicule des valeurs qui les concernent. Beaucoup d’entre eux ont voyagé pour trouver dans diverses cultures les symboles, rituels et cérémonies qui, une fois traduits par leurs mains agiles, font de leurs œuvres des objets de pouvoir. Le vernissage en présence des artistes sera virtuel sur les recommandations des autorités en santé publique. Il aura lieu pendant la Semaine culturelle de la fin septembre. La population est invitée à consulter le site de la Ville de La Sarre pour être au rendez-vous. De plus, 2020 donnera lieu à la troisième édition de la Triennale en métiers d’art à La Sarre. Entre temps, vous serez invités en novembre à venir visiter l’Expo-vente en métiers d’art, à la Maison de la culture de La Sarre.
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– MÉDIAS ET SOCIÉTÉ –
INCONGRUITÉS MÉDIATIQUES III : LA CULTURE DU DÉNI LOUIS-PAUL WILLIS
« Houston, we have a problem. » Cette phrase iconique, prononcée par l’équipage d’Apollo 13 après la découverte d’un problème majeur en cours de vol, a été adoptée par notre culture populaire; elle permet à son usager de signaler à son interlocuteur un problème précédemment ignoré. Dans le cadre d’un été mouvementé, en plein contexte pandémique, où nous avons notamment vu émerger un débat sur l’existence du racisme systémique, un énième mouvement de dénonciations liées à des agressions de nature sexuelle est venu rajouter de l’huile sur les braises d’un contexte social déjà intense. Le débat sur la présence ou non d’une « culture du viol » connaît les mêmes dérapages que celui sur la discrimination systémique; et le rôle des médias à grand tirage – avec le culte qu’ils vouent à l’opinion chroniquée – demeure tout aussi problématique. Cela m’amène à vouloir crier très fort : « Houston, we have a problem! » Nous avons un problème parce que, comme c’était le cas avec la discrimination systémique, nous nous campons dans une réaction « d’urticaire sociale » face à un terme qui, visiblement, demeure entièrement incompris. Affirmer l’existence de la culture du viol n’est absolument pas une accusation pouvant se traduire par « Notre culture a pour but de former des violeurs ». Par contre, notre culture est fondée sur des iniquités de sexe et de genre pouvant favoriser un comportement d’agression en raison d’une interaction complexe entre plusieurs facteurs, allant du pouvoir politique à la représentation du désir dans nos médias narratifs. Nous avons un problème parce que, encore une fois, une équipe de chroniqueurs blancs, aisés et majoritairement masculins tente par tous les moyens possibles de nier l’existence même de ce qu’ils participent à promouvoir. Pour ceux qui douteraient de cette affirmation, je vous invite cordialement à lire les nombreuses invectives particulièrement agressives de Richard Martineau (et de sa conjointe Sophie Durocher) à l’endroit de la professeure Martine Delvaux, du département d’études littéraires de l’UQAM, qui s’acharne à répondre à chaque sortie de la professeure par le biais d’un seul argument : elle est une féministe frustrée. Pourtant essayiste féministe percutante et articulée, Mme Delvaux publie régulièrement sur des éléments participant à l’inégalité insidieuse qui persiste dans notre culture; aux yeux des lecteurs moindrement critiques, les réponses chroniquées de
10 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
ces deux « journalistes » ne font que renforcer la posture de Mme Delvaux. Ici, les médias de Québecor ne prennent manifestement pas au sérieux leur responsabilité sociale, ne serait-ce que par la présentation de points de vue multiples et nuancés plutôt qu’un bloc monolithique de déni systématique de tout ce qui doit être remis en question. Nous avons un problème parce que les réponses les plus répandues sur les médias socionumériques, en lien avec la plus récente vague de dénonciation, évitent scrupuleusement le problème pour mieux le perpétuer. Je pense notamment aux réactions lors de la dénonciation effectuée par Safia Nolin : en affirmant haut et fort qu’elle ne correspond pas aux standards et aux canons de beauté esthétiques promus par notre culture, et donc qu’il est impossible qu’elle ait été victime d’agression, on banalise et perpétue le problème. C’est d’une gravité impressionnante, et pourtant c’est un discours extrêmement répandu. J’ai même vu, sur les médias socionumériques, une diatribe affirmant que la musique de Safia Nolin était à ce point déplaisante que c’était d’autant plus fatigant de l’entendre se plaindre d’agression à son endroit. Difficile de nier l’existence de la culture du viol devant de telles énormités! Nous avons un problème parce que les productions culturelles populaires banalisent souvent, de façon insidieuse, une culture de l’agression. Je pense par exemple à un film comme It’s Complicated (Pas si simple en version française), mettant en vedette Alec Baldwin et Meryl Streep. Les deux acteurs incarnent un couple divorcé depuis plus d’une décennie qui se retrouve lors de la remise des diplômes d’un de leurs enfants. Soudainement retombé sous le charme de son ex-épouse, le personnage de Baldwin insistera sans arrêt pour renouer avec elle, et ce, malgré ses refus répétés. Comme dans quantité d’autres films populaires à l’eau de rose, on est en présence ici d’une normalisation de la culture de l’agression dans la mesure où ce qui ressort de cette trame narrative, c’est que dans le fond, la femme veut dire oui, et qu’il suffit d’être suffisamment insistant et convaincant. C’est un message extrêmement insidieux, présent dans le sous-texte, et malgré tout fort répandu au sein de notre culture populaire. Bref, nous avons un problème. Et il faut en parler, pour une fois. Il faut résister aux nombreux appels au déni afin de s’attaquer aux racines du problème. Et ça presse.
– CONTE –
LES 1001 VISAGES DU CONTE LISE MILLETTE
DES RACINES ESTRIENNES C’est lors d’un voyage à Sherbrooke, il y a 18 ans, que Nicole Garceau a eu l’idée du festival. « Sherbrooke accueille le plus vieux festival de contes au Québec. J’étais tellement emballée et épatée quand je suis revenue que j’ai dit à mon patron [au service culturel de la Ville de Val-d’Or] qu’il nous fallait lancer un festival de contes nous aussi. » Le printemps suivant, c’était chose faite!
En 2020, le Festival de contes et légendes en Abitibi-Témiscamingue (FCLAT) fête son 17e anniversaire. L’événement se déplace à l’automne puisque la fondatrice, Nicole Garceau, tenait à ce que le public ne soit pas pénalisé par les revers de la pandémie. Ainsi, le FCLAT tiendra une soirée le 30 septembre, avant de se tenir officiellement du 1er au 4 octobre. La programmation tarde à être dévoilée puisque les responsables en sont déjà à de multiples scénarios. « Toutes les mesures qui ont changé régulièrement ces derniers mois et dernières semaines, c’est incroyable. C’est tout un casse-tête », affirme Mme Garceau. Configuration des salles, lieux de présentation, formules habituelles qui doivent passer leur tour cette année, tout y passe. « Pour le ciné-conté, nous avons différents scénarios, en salle, en formule ciné-parc ou s’il faut, on peut se rabattre sur un Facebook Live. Les lieux, ce qu’il nous en coûte pour tenir l’activité, le nombre d’invités admis selon les salles qui peuvent respecter les normes de distanciation : tout peut encore bouger », affirme la directrice du festival.
Cette année, le Festival fera un clin d’œil à ses origines sherbrookoises en invitant l’artiste Nicole Obomsawin, qui vient d’Odanak, à quelques kilomètres de Sherbrooke. En duo avec une artiste du Gabon, Gisèle Mdong Biyogo, elle proposera un pow-pow extérieur dans ce qui deviendra un lieu de métissage. Il faut dire que ces deux femmes sont aussi des figures engagées. La première a reçu, en 2018, le Prix solidarité Brian-Barton remis à une militante pour un monde plus juste alors que la deuxième crée pour divertir, faire tomber les préjugés et créer l’harmonie. Elle se considère comme une militante pour la paix sociale. Des invités étrangers et des personnalités de renom, le FCLAT compte en accueillir davantage en déplaçant la tenue du Festival à l’automne. Puisque d’autres festivals littéraires se tiennent aussi à cette période de l’année, la fondatrice Nicole Garceau espère faire de l’Abitibi-Témiscamingue une escale sur le parcours de ces artistes de passage au Québec. Il leur suffira de prendre leurs bottes de sept lieues et de mettre le cap un peu plus au nord.
JULIE DALLAIRE
ANDRÉ LEMELIN
Genre littéraire qui a traversé des millénaires, le conte demeure une manière de communiquer sous de multiples visages, croit Mme Garceau. « Le conte, ça peut être une histoire, une chanson, une danse ou une femme qui dessine avec du sable… il y a tant de manières de le communiquer », assure-t-elle.
INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 11
Besoin d’une consultation médicale?
N’attendez pas.
Si vous avez besoin de prendre un rendez-vous avec un professionnel de la santé et que vous ne présentez aucun symptôme d’allure grippale, de la gastroentérite ou de la COVID-19, communiquez avec : - votre médecin; - votre clinique médicale; - votre groupe de médecine de famille; - ou avec Info-Santé 811, si vous n’avez pas de médecin pour obtenir une consultation par téléphone, ou encore en personne. Le port du masque est obligatoire lors d’une consultation.
On continue de bien se protéger. Québec.ca/coronavirus 1 877 644-4545
12 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
– THÉÂTRE –
L’INCONTOURNABLE DE L’AUTOMNE : LE CŒUR SACRÉ DE JEANNE-MANCE GABRIELLE DEMERS
Jeanne-Mance Delisle a un style réaliste imaginaire : les souvenirs de son passé, ses rencontres et le réalisme du présent sont des réalités qu’elle regroupe dans ses textes. Pour elle, l’écriture théâtrale, « c’est l’art de dire la vérité », qu’elle soit crue ou tendre. C’est par la tragédie et la mythologie personnelle qu’elle va exposer les schémas relationnels déficients de ces protagonistes dans lesquels le spectateur va trouver un écho brisé du réel. L’équipe de créateurs permet à ces mythes d’évoluer sur scène : les acteurs et les autrices s’interrogent sur les textes, nous apostrophant au besoin, soutenus par de la musique en direct, alors que des projections complètent cet univers éclaté. Ce spectacle nous guidera dans des extrêmes semblables, même si les artistes sauront nous guider et nous empêcher de tomber. UNE CONSTRUCTION PLURIDISCIPLINAIRE Ce spectacle est en chantier depuis des mois : travail d’archives, entrevues, (re)lectures des œuvres sélectionnées (Sonia Cotten), discussions entre autrices (avec Erika Soucy), puis entre acteurs et concepteurs (Valérie Côté, Stéphane Franche, Simon Dumas, Luca Mancone, Julie Mercier, Andréane Boulanger, Audrey Juteau) et installation de toute la dimension technique, visuelle et musicale (Massy-Émond, Christian Leduc, Jean-Philippe Rioux-Blanchette, Valentin Foch, Camille Barbotteau, Marika Mercier). Des noms qu’on connaît et qui sont le gage d’un travail sensible, intelligent et… spectaculaire!
HECTOR VALLET
Ça parle de pulsions, de liberté, de sexualité (parfois volée), d’église (qu’on fait sauter), d’instinct, de rêves (éveillés ou pas), de la force intérieure brute des hommes, des sacrifices au bonheur, bref, de la vie, de notre vie à tous. Le spectacle Le cœur sacré de Jeanne-Mance en est un « nécessaire, dérangeant, pertinent, percutant », aux dires de ses créateurs. Pourquoi? Grâce à la forme du spectacle, unique et plurielle à la fois, les spectateurs pourront s’interroger en direct sur la société dans laquelle nous vivons. A-t-elle tant changé, depuis 40 ans?
Si les textes de Jeanne-Mance Delisle ont façonné le théâtre abitibien – pensons à la troupe des Zybrides (dont on tient à souligner le 40e anniversaire) –, ils ont aussi contribué à la littérature québécoise en marquant au fer rouge l’imaginaire de chaque lecteur. Le spectacle proposé au Petit Théâtre du Vieux-Noranda saura lui aussi époustoufler le public. La tragédie est le plus vieux moteur narratif du monde, et elle offre ici une panoplie de voix pour nous aider à trouver la nôtre. Ainsi, c’est à la lumière des textes de Delisle que nous pourrons réfléchir aux enjeux actuels de notre société : violence, consentement, pouvoir, liberté, révolte. L’équipe veut offrir un spectacle de littérature vivante, s’il fallait vraiment choisir une étiquette. Un spectacle qui permettra de saisir une ouverture sur soi, la littérature, la société. On cherche à se jouer des codes des œuvres qui sont présentées en se les attribuant, en en retirant chacune des couches de sens, puis en les mettant en contexte dans notre réalité, plus universelle qu’on le croit. Les premières représentations auront lieu du 21 au 24 octobre au Petit Théâtre du Vieux-Noranda.
GRÂCE AU SOUTIEN FINANCIER DU CONSEIL DES ARTS DU CANADA ET DU CONSEIL DES ARTS ET DES LETTRES DU QUÉBEC
J’AI LA TÊTE PLEINE DE TROUS… Diane Dubeau
INSTALLATION/TECHNIQUES MIXTES
TECHNIQUES MIXTES
HORAIRE - ENTRÉE LIBRE Mardi et mercredi : 13 h à 17 h 30 Jeudi et vendredi : 13 h à 17 h 30 et 18 h 30 à 20 h 30 Samedi : 10 h à 12 h et 13 h à 17 h Dimanche : 13 h à 17 h
Une exposition itinérante du Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger
IL Y AVAIT L’ODEUR DES ARBRES Julie Roch Cuerrier
JULIE ROCH CUERRIER
DÉJOUER LES SENS- LA FONDERIE D’ART ACTUEL DANS TOUS SES ÉTATS
PAUL LITHERLAND
AU CENTRE D’EXPOSITION D’AMOS... DÈS LE 11 SEPTEMBRE
INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 13
– MUSIQUE –
MONSIEUR SATURNE : QUAND LES PLANÈTES S’ALIGNENT VALÉRY SAINT-GERMAIN
Sans télescope et sans pleine lune, il était visible et tangible le cosmos durant cet entretien avec Monsieur Saturne. Il est étonnant de sagesse et de maturité, ce Gabriel PoirierLemoine, nouvel ambassadeur dans notre galaxie d’artistes abitibiens. Né à Val-d’Or d’une mère qui aimait le chant et d’un père curieux de musique, et admiratif d’un grand frère mélomane à qui il volait ses guitares, il a pris son temps afin de créer son propre univers. Le déclic s’est précisé à l’adolescence. C’est par l’improvisation que son monde intérieur s’est exprimé et qu’il a enfin osé s’avouer qu’il avait envie de créer et de sortir de sa coquille. Enfant lunatique, héros de ses propres scénarios inspirés du Seigneur des anneaux, c’est par sa volonté et sa force tranquille qu’il a bien su jouer ses billes. C’est avec le collectif musical Nanochrome qu’il remporte le prix Vitrine de la relève au Festival de la relève indépendante musicale en Abitibi-Témiscamingue (FRIMAT) en 2014.
14 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
S’ensuit une tournée régionale qui lui donne le droit de croire à sa bonne étoile. Le jeune homme a fait ses devoirs. Il a épluché les listes d’anciens étudiants de l’École nationale de la chanson de Granby. Du parcours de Lisa Leblanc, Salomé Leclerc et Damien Robitaille, brochette éclectique s’il en est, il a été soulagé de voir qu’il ne serait surtout pas formaté. De cette expérience, il retient la rigueur et la conviction de ne jamais céder à la facilité. Son professeur Robert Léger lui a permis de croire à sa singularité et à cet univers qui l’habitait. Pendant cette période, il fait la rencontre de l’auteure-compositrice-interprète Alizée Calza. Les deux comparses ouvriront enfin leurs ailes. Pour être toujours maîtres de leur musique, ils se lancent dans le sociofinancement. En digne Abitibien, il suivait sans le savoir le chemin défriché depuis longtemps par Richard Desjardins. Sur Indiegogo, Alizée et lui ont réussi à financer la production de leurs albums. Monsieur Saturne m’a fait le cadeau de trois
chansons à paraître. Il est vraiment dans l’air du temps, ce jeune homme très sage et témoin de sa génération. Dans la chanson Mes bad trips, il avoue : « J’ai de l’ambition, sans détermination. J’ai brulé mes ailes et j’attends des nouvelles de la fin du monde. » Sa voix est éthérée, remplissant l’espace, propageant de la lumière et même souvent un murmure, mais elle en impose par la droiture envers ce qu’elle exprime. Dans Tu t’en fais trop, il clame : « Épuisé de penser, effrayer les démons sur tes épaules, épuisé de ne plus penser clairement. » Il sait nous ramener à nos propres tourments. Sur À double tour, une phrase magique que Baudelaire aurait sûrement jalousée : « Les cheveux dans les yeux, le noir pour seul symbole. » Gabriel ne le savait pas, mais la planète Saturne est surnommée par les astronomes la planète du Seigneur des anneaux. Comme quoi il est devenu le metteur en scène de sa vie. Le premier album solo de Monsieur Saturne, La peur du noir, paraîtra en octobre.
– PREMIÈRES NATIONS –
– EN BREF –
NDEBOÈDANN
SENSIBILISER PAR L’ART
RICHARD KISTABISH, PRÉSIDENT DE MINWASHIN
LA RÉDACTION
Il faut se souvenir de notre histoire depuis « l’arrivée ». Nous avons accueilli les arrivants selon nos valeurs. Nous sommes des Anicinabek. Nous avions notre manière de vivre, notre mode de vie. Nous étions en harmonie avec notre environnement. La description que faisaient ces arrivants de nous est éloquente et surprenante. Certaines personnes disaient que nous étions los in dios, les « enfants de Dieu »! Les Indiens! Par la suite, nous sommes devenus des « moins que rien ». Ces arrivants ont entrepris un travail colossal. Ils voulaient que tous les Indiens disparaissent! Rien de moins. Un « travail marathon ». La dépossession territoriale totale et complète : nos territoires, nos droits, nos institutions, nos cérémonies, nos rituels, etc. Et le point final de ce travail : les enlèvements d’enfants de leur famille vers les pensionnats. Tout ce processus s’étale sur des décennies. Il efface graduellement nos mémoires et le remplace par la colonisation. Nous mettons fin à nos activités de mode de vie. On nous impose de nouvelles cérémonies, de nouveaux rituels. Pour finir, on nous impose des langues étrangères. Les mots en anicinabe disparaissent lentement. Les effets de ce processus sont dévastateurs. Ça affecte nos âmes! Je nomme aujourd’hui ces Indiens « les grands brûlés de l’âme ». La culture, aidée par la langue, est l’une des voies de guérison. Le retour vers l’identité anicinabe. Nous commençons un autre marathon de recouvrement. Ce marathon est un immense défi. Ndeboèdann! J’y crois! I believe! Cette chronique est réalisée en collaboration avec Minwashin.
Vous avez un projet Culturat? Contactez-nous à info@culturat.org
INSCRIS-TOI!
Fondé en 2010 par une dizaine de bénévoles, le Regroupement des proches aidants d’Abitibi-Ouest célèbre cette année son dixième anniversaire et souligne le maillage établi avec le milieu artistique régional. À sa création, le Regroupement comptait déjà des membres impliqués au sein du milieu culturel. Le recours aux arts pour joindre un vaste public et le sensibiliser de façon originale à la réalité des proches aidants s’est donc fait de façon spontanée, affirme Donald Renault, coordonnateur par intérim. Selon lui, l’art permet de parler de situations difficiles en ayant du plaisir malgré tout. Au fil des ans, plusieurs pièces de théâtre inspirées de la réalité des proches aidants ont été écrites, entre autres par l’auteur et metteur en scène Daniel Morin. Ces pièces ont été présentées devant des centaines de personnes avec la collaboration d’artistes professionnels, et parfois en présence d’invitées spéciales comme Marguerite Lescop et Alice Roby. La musique traditionnelle est aussi à l’honneur, alors que le Regroupement prévoit une période musicale dans le cadre de certaines activités. Une série de cinq vidéos réalisés sous forme de téléroman par le réalisateur Jean Caron a également été produite par le Regroupement. Selon M. Renault, l’association avec le milieu artistique a été un levier pour l’organisme et vice-versa, puisque certains membres se sont découvert de nouveaux intérêts et ont, par exemple, intégré les rangs de la Troupe À Cœur ouvert, avec laquelle le Regroupement entretient un fort lien. Plusieurs projets ont été retardés en raison de la pandémie de COVID-19, mais on nous confirme que de belles initiatives se préparent et que le milieu artistique y prendra assurément part.
COIFFURE • ESTHÉTIQUE • SECRÉTARIAT COMPTABILITÉ • ÉLECTRICITÉ • CHARPENTERIE-MENUISERIE
ÉLECTROMÉCANIQUE DE SYSTÈMES AUTOMATISÉS
P O LY M E T I E R . Q C . C A INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 15
16 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
L’abc d’une rentrée scolaire sécuritaire De l’attribution d’un local par groupe-classe au lavage des mains, en passant par des solutions pour assurer l’enseignement de toutes les matières et un soutien accru aux élèves, on a adopté des mesures pour une rentrée réussie et sécuritaire.
Consultez la foire aux questions
Québec.ca/rentrée
INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 17
– ENVIRONNEMENT –
ESPÈCES AQUATIQUES ENVAHISSANTES, UNE MENACE QUI NOUS CONCERNE ARIANE BARRETTE, AGENTE DE PROTECTION DES ENVIRONNEMENTS AQUATIQUES ORGANISME DE BASSIN VERSANT DU TÉMISCAMINGUE
Alors que l’été bat son plein, des espèces exotiques continuent d’envahir les plans d’eau. Leur but : s’abriter, se nourrir, se reproduire. Envahir n’en est que la conséquence… Mais qui sont-elles et pourquoi devons-nous les craindre? Les espèces aquatiques envahissantes (EAE) sont des végétaux, animaux ou microorganismes introduits accidentellement ou par intérêt en dehors de leur aire de répartition naturelle. Or, leur arrivée dans un nouveau milieu peut créer un déséquilibre dans l’écosystème aquatique et constituer une menace économique.
THIBAULT PETRY
EAE, ÉCOSYSTÈMES ET ÉCONOMIE
Myriophille à épis
Les EAE perturbent la dynamique des écosystèmes, notamment par la compétition qu’elles apportent aux ressources nécessaires à la survie des espèces indigènes. De plus, les EAE n’ont généralement pas de prédateurs dans leur nouveau milieu, leur prolifération est donc favorisée au détriment de celle des autres espèces. Selon l’Union internationale de la conservation de la nature, les EAE sont la deuxième plus grande menace à la biodiversité après la disparition de l’habitat! Leur présence sonne aussi une alarme économique : les activités récréatives, telles la baignade, la navigation et la pêche, sont mises en péril et doivent s’adapter aux conséquences de leur présence. La valeur des propriétés riveraines peut également chuter.
après chaque usage. Quelques minutes de lavage pour éviter des centaines d’années de désagrément, ça vaut la peine! Le Conseil régional de l’environnement de l’AbitibiTémiscamingue (CREAT) a aussi mis en ligne un guide visant à faciliter l’identification du cladocère épineux et à donner des conseils pour éviter sa propagation. Comme ces espèces indésirables cognent à nos portes, agissons et évitons la propagation avant qu’il ne soit trop tard. Pour localiser les stations de lavage et consulter le guide sur le cladocère épineux, consultez le site Web du CREAT (creat08.ca).
LA SITUATION EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE Jusqu’ici, deux EAE exotiques sont observées dans la région : le myriophylle à épis et le cladocère épineux. Le myriophylle à épis est une plante aquatique en forte compétition avec les plantes du milieu. Ses denses colonies modifient l’habitat de la faune aquatique et la chaîne alimentaire. Le cladocère épineux, lui, est un crustacé de 1 à 1,5 cm dont la queue épineuse couvre plus de la moitié de sa taille. Faisant partie de la famille du zooplancton, le cladocère est moins facilement consommé par les poissons que le zooplancton indigène : sa queue reste coincée dans leur gorge. Les poissons et la pêche sont donc affectés par sa présence. COMMENT CONTRÔLER LES EAE? Pour contrôler la propagation des EAE, la meilleure solution est la prévention par le lavage des embarcations nautiques. Dans la région, plusieurs stations de lavage sont mises à la disposition des plaisanciers, qui sont invités à laver leur bateau
FINLNDER 13
Envie de contribuer à la protec�on de l’environnement? Devenez membre !
Cladocère épineux
18 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
SPÉCIAL GASTRONOMIE
– GASTRONOMIE –
– GASTRONOMIE –
ÉCOBOURGEONS : CULTIVER
LE GOÛT DE L’AFRIQUE… À VAL-D’OR!
LA VILLE ET LE NORD
MICHÈLE PAQUETTE
ALEXIS LAPIERRE Depuis le 1er juillet 2020, la gastronomie africaine à Val-d’Or s’est enrichie d’un tout nouveau Marché africain. Les heureux propriétaires sont Diderot Mbuga et Pierrette Kamegme, un couple originaire du Cameroun. Au magasin, on retrouve de nombreux produits africains, ou servant à exécuter des recettes africaines, comme de la farine de manioc.
CARREFOUR JEUNESSE EMPLOI D’ABITIBI-OUEST
Dans sa cour arrière, qui est également son lieu de travail, son garde-manger et celui des nombreux clients qui profitent des légumes de la ferme urbaine Écobourgeons, Vincent Fluet me tient un discours de plus d’une heure sur l’importance de l’agriculture locale, à petite échelle et respectueuse de l’environnement. L’entreprise maraîchère de moins d’un hectare, dont on a pu goûter les produits pour la première fois cette année, est un modèle plutôt unique pour la région et s’inscrit comme une affirmation qu’il faut repenser nos façons de faire l’agriculture. Titulaire d’un baccalauréat en étude des conflits et droits humains et d’un autre en agroéconomie, Vincent a cumulé différents emplois dans le domaine agroalimentaire avant de lancer Écobourgeons. Son expérience lui a permis de voir les différentes facettes de ce domaine qui tend à préoccuper de plus en plus les consommateurs. La première motivation dont Vincent me fait part en parlant de son projet est ses enfants. Comment s’assurer que les générations futures auront accès à la sécurité alimentaire dont nous avons bénéficié? Cette question agit comme un point d’ancrage dans son argumentaire pour la promotion de l’agriculture locale.
Diderot et Pierrette viennent de Douala, la capitale économique du Cameroun, et ont immigré à Montréal il y a 15 ans afin de donner une meilleure éducation à leurs enfants. Diderot a vécu un an seul en Abitibi avant d’y faire venir sa famille, puis tous sont venus s’y installer en 2018. Ils ont eu l’idée d’un projet d’une épicerie en constatant qu’ils devaient constamment aller à Montréal pour s’approvisionner. Ils ont finalement décidé de se lancer malgré plusieurs hésitations. Tout le mois de juin a été consacré à l’installation, au contact avec les fournisseurs, au lancement de la première commande et à l’enregistrement du nom du marché. Il va sans dire qu’un tel magasin est un point d’intérêt pour les communautés multiculturelles. Ainsi, le couple de propriétaires rapporte avoir reçu des visiteurs originaires du Mexique, de l’île Maurice, et a été surpris de constater « qu’il y avait autant de personnes ici qui venaient d’ailleurs ». Ils mentionnent aussi que « beaucoup de Québécois viennent pour les encourager et qu’ils ont sorti des recettes avec des produits africains ». On constate ainsi que la gastronomie peut favoriser les contacts humains et l’ouverture à l’autre!
Vincent me parle ensuite du grand nombre d’intermédiaires dans les chaînes de distribution ainsi que des distances importantes que nos aliments parcourent pour arriver à notre assiette. Dans une ère marquée par les changements climatiques et les bouleversements mondiaux, il semble clair pour lui que nos modèles actuels d’agriculture et de distribution sont bien plus fragiles que ce que peut offrir l’agriculture de proximité. En discutant de l’impact de l’agriculture sur l’environnement, le terme biomimétisme revient comme un leitmotiv dans la bouche de Vincent : « Des monocultures avec des centaines d’acres ça n’existe tout simplement pas à l’état naturel ». Vincent est bien conscient qu’Écobourgeons n’est pas le modèle le plus compétitif sur le plan économique, mais c’est justement de cette primauté de l’économie en agriculture dont il tente de se départir. Par ailleurs, il accueille avec enthousiasme l’aide donnée aux nouveaux modèles d’agriculture, comme l’annonce du gouvernement d’offrir un tarif préférentiel d’électricité aux serriculteurs (producteurs qui pratiquent l’agriculture de serre) puisqu’il s’agit d’un projet chez Écobourgeons. Selon Vincent, il s’agit d’un véritable défi : « Dans la littérature, l’agriculture nordique, ça se passe dans le nord des États-Unis; moi je rêve de faire pousser des légumes à l’année au nord du 48e parallèle. » À sa première année, Vincent a réussi à cultiver 22 planches (surfaces de culture de 76 cm x 18 m) et à produire plus d’une vingtaine de variétés de légumes, et ce, sans pesticide et avec un usage minimal de machinerie. Les consommateurs sont au rendez-vous et tous les paniers de légumes d’Écobourgeons ont trouvé preneur. Vincent est persuadé que l’agriculture de proximité est plus qu’une mode passagère, mais bien une façon de pérenniser l’agriculture. INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 19
SPÉCIAL GASTRONOMIE
DIALOGUE QUATRE DIALOGO CUATRO
– GASTRONOMIE –
LES CHEFS : AMBASSADEURS
18 SEP ― 1 NOV
DES PRODUITS RÉGIONAUX GABRIELLE IZAGUIRRÉ-FALARDEAU
LES BRODEUSES
PAUL BRINDAMOUR
VIRGINIA PESEMAPEO BORDELEAU Rouyn-Noranda, Québec
ÊTRES DE LUMIÈRE GUILLERMINA ORTEGA Coatepec, Mexique
SORTIE EN LIBRAIRIE LE 1ER SEPTEMBRE
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les Québécois ont pris conscience de l’importance de l’achat local, tendance qui s’est traduite aussi dans le domaine agroalimentaire. Mais si la cuisine et les aliments régionaux sont de plus en plus populaires et accessibles, il n’en a pas toujours été ainsi. C’est entre autres grâce à des chefs convaincus, qui les ont inclus sur leurs menus, que les produits régionaux ont été adoptés par un large public. L’Indice bohémien s’est entretenu avec certains de ces chefs. UN CHEMIN À TRACER Dès ses débuts en cuisine, Ghislain Trudel, ex-restaurateur et propriétaire de l’entreprise Promotions Agro, s’est fait un point d’honneur de mettre de l’avant les aliments de l’Abitibi-Témiscamingue, mais ce n’était pas chose facile. Non seulement les gens ne connaissaient pas ces produits, mais ils s’en méfiaient, peinant à croire qu’ils pouvaient atteindre la même qualité que ceux du reste du pays. M. Trudel se souvient : « Quand j’ai démarré mon entreprise, on m’a refusé un prêt à la banque en disant que ça n’existait pas, les produits régionaux. » M. Trudel a cependant poursuivi ses projets. Au fil des ans, il est allé à la rencontre des producteurs, a dressé des listes exhaustives de produits régionaux et a transmis sa vision à son entourage. Avec ses amis Michel Viel, Michel Gagnon, Yves Moreau et Gino Côté, il a créé Origine Nord Ouest, un regroupement de chefs qui vise à faire connaître la gastronomie régionale, et qui a fait paraître deux livres de recettes en 2009 et 2014. « On faisait découvrir les produits
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régionaux, mais les chefs aussi parce que les gens parlaient des grands chefs de Montréal, mais ici, les chefs n’existaient pas », résume M. Trudel. UNE ÉVOLUTION PLUS QU’ENCOURAGEANTE Pour les chefs rencontrés, la base de la gastronomie repose sur la mise en valeur de l’aliment et la connaissance de sa provenance. Ils sont heureux de constater que les gens sont de plus en plus sensibles à l’importance de la consommation locale, mais aussi à la qualité de la gastronomie régionale : « La qualité de la gastronomie qu’on peut trouver ici, je la trouve pas mal plus franche que ce qu’on peut trouver dans les grandes villes. On met beaucoup plus en valeur l’aliment et le producteur », affirme Aurélie Laforest, chef privée à Saint-Marc-de-Figuery. Les chefs se réjouissent de constater une cohésion grandissante entre les divers producteurs et transformateurs agroalimentaires. Dans plusieurs cas, l’esprit de compétition est mis de côté pour faire place à la collaboration. Pour eux, l’avenir de la gastronomie régionale repose entre autres sur la poursuite d’un travail d’éducation auprès de la population (ateliers de cuisine, dégustations de produits régionaux, etc.) pour lui faire découvrir les produits d’ici, mais aussi sur la mise en valeur du métier de chef et de la gastronomie en tant que richesse régionale : « La richesse de la région n’est pas forcément dans le sous-sol, elle est aussi au ras du sol, chez nos producteurs et nos transformateurs », conclut Régis Henlin, propriétaire des Becs Sucrés-Salés à Val-d’Or.
SPÉCIAL GASTRONOMIE
– MA RÉGION, J’EN MANGE –
BAKLAVAS AUX NOIX, AU MIEL ET AU SIROP D’ÉRABLE DANAË OUELLET, COLLABORATRICE POUR GOÛTEZ AT
DANAË OUELLET
SIROP À L’ÉRABLE 250 ml (1 t.) eau 250 ml (1 t.) sucre 5 ml (1 c. à thé) vanille 125 ml (½ tasse) sirop d’érable (Tem-Sucre ou l’Arbre à sucre Beaumesnil)
Préchauffer le four à 180 °C (350 °F) et sortir un plat rectangulaire de 23 x 33 cm (9 x 13 pouces). Dans un bol, mélanger les noix et la cannelle.
noix de Grenoble hachées finement cannelle moulue paquet de pâte phyllo beurre non salé fondu
La dernière couche de pâte phyllo devrait avoir entre 6 et 8 feuilles (mettre du beurre à toutes les 2 feuilles). Utiliser un couteau tranchant et couper les baklavas en carrés, puis en triangles en allant jusqu’au fond du plat.
PRÉPARATION
INGRÉDIENTS DE BASE 454 g (1 lb) 5 ml (1 c. à thé) 1 180 ml (3/4 t.)
Répéter l’opération jusqu’à utilisation de tout le mélange de noix.
Dérouler les feuilles de pâte phyllo (les dégeler avant utilisation). Les couper en deux pour obtenir la dimension du plat. Les couvrir d’un linge humide pour éviter qu’elles sèchent.
Cuire au four pendant environ 45 minutes, jusqu’à ce que les baklavas soient bien dorés. Préparer les 2 sauces (dans 2 chaudrons différents) pendant la cuisson des baklavas : amener l’eau et le sucre à ébullition, jusqu’à ce que le sucre soit dissous. Ajouter le miel et le sirop d’érable avec la vanille. Laisser mijoter environ 15 minutes. Sortir les baklavas du four et y verser les 2 sirops.
SIROP AU MIEL Mettre 2 feuilles dans le fond du plat et badigeonner de beurre fondu. Répéter l’opération pour obtenir 8 feuilles superposées.
Laisser refroidir (ne pas couvrir). Ne pas réfrigérer les baklavas.
Saupoudrer une couche de noix, mettre 2 feuilles de pâte phyllo et badigeonner de beurre.
Parce qu’on est solidaires, on achète localement!
Photos : Christian Leduc
250 ml (1 t.) eau 250 ml (1 t.) sucre 5 ml (1 c. à thé) vanille 125 ml (½ tasse) miel (Miellerie La Grande Ourse ou Ferme Mellifllore)
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SPÉCIAL GASTRONOMIE
– GASTRONOMIE –
LES RICHESSES GASTRONOMIQUES DE LA FORÊT BORÉALE DOMINIQUE ROY
Depuis 2016, Jonathan Jensen-Lynch dirige l’entreprise Vers Forêt dont la boutique et l’atelier de transformation sont situés à Angliers. « Il y a environ 5 ans, j’ai eu […] envie de découvrir le monde des champignons sauvages. Je me passionne donc pour la mycologie et je veux tout connaître sur ce qui est fongique, comestible ou pas! »
Sur le plan touristique, j’aimerais organiser plus d’excursions en forêt pour découvrir les champignons sauvages et autres comestibles, des forfaits qui pourraient être jumelés avec d’autres activités, comme des repas gastronomiques. »
Pédagogue dans l’âme, il souhaite transmettre ses connaissances sur les produits forestiers comestibles. « C’est une richesse qui nous entoure, qui est gratuite, renouvelable et bonne pour la santé. C’est aussi directement relié à l’autonomie alimentaire. Les gens peuvent conserver ces produits et dépendre un peu moins du reste de la société pour s’alimenter. » Actuellement, la clientèle est plutôt régionale et privée, mais le propriétaire a l’intention d’agrandir son offre. « J’aimerais […] approvisionner les restaurants de la région en produits frais de la forêt. La contrainte majeure dans cette réalisation est de trouver et d’organiser l’effort de cueillette nécessaire pour avoir un volume suffisant. […]
Jonathan souligne que plusieurs produits comestibles de la forêt boréale ont des vertus thérapeutiques. Par exemple, le thé du Labrador est un sédatif léger. En boire une tasse en soirée peut aider à obtenir un sommeil plus réparateur. L’Achillée millefeuille, elle, a un pouvoir cicatrisant très efficace. Jadis, elle était fréquemment utilisée comme sudorifique et pour contrer la fièvre.
DES ALIMENTS DE TOUTES SORTES
pousses de conifères sont aussi des aliments insoupçonnés. Il faut les cueillir au printemps, quand elles viennent juste de sortir. Elles sont tendres et ont un goût citronné naturel. Finalement, les boutons de marguerites s’utilisent comme des câpres et sont délicieux avec le poisson. Ce produit vedette chez Vers Forêt n’est plus offert présentement, mais reviendra peut-être un jour. Le sirop de sapin est aussi un produit très populaire chez Vers Forêt. Un client qui en a fait la découverte à la Foire gourmande en commande quatre litres par année pour les apporter à sa famille en Europe. C’est donc dire que la mission poursuivie par Jonathan, soit faire découvrir et aimer les produits de la forêt boréale, suscite un engouement certain, et que l’avenir lui réserve sûrement de belles surprises.
Parmi les coups de cœur de Jonathan, on trouve le Lactaire, un champignon pour lequel M. Jensen-Lynch a un faible en raison de son léger goût de noisette. C’est d’ailleurs un accompagnement de choix avec les viandes rouges. Les jeunes
L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE REGORGE DE PRODUITS SAVOUREUX. PROFITONS-EN, ACHETONS LOCAL!
Notre belle et vaste région regorge de produits uniques et je vous encourage à prendre le temps de les découvrir.
SHORE LUNCH À LA FAÇON LA VÉRENDRYE
PIERRE DUFOUR
DÉPUTÉ D’ABITIBI-EST, MINISTRE DES FORÊTS, DE LA FAUNE ET DES PARCS, MINISTRE RESPONSABLE DE LA RÉGION DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE ET DE LA RÉGION DU NORD-DU-QUÉBEC
819 824-3333 PIERRE.DUFOUR.ABES@ASSNAT.CA
22 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
Portions : 8 Préparation : 40 min. Cuisson : 20-25 min. • Filets de 4 dorés de 900 g (2 lb) • 900 g (2 lb) de bacon • 450 g (1 lb) de beurre • 450 g (1 lb) de graisse végétale • 2-3 oignons moyens en rondelles • Panure au choix • 2,3 kg (5 lb) de pommes de terre • 4 L (16 tasses) d’huile
1. Préparer un bon feu dont les braises serviront à la cuisson. 2. Tailler les pommes de terre en frites. 3. Lorsque les braises sont prêtes, dans une grande poêle en fonte mettre une bonne quantité d’huile et la graisse. 4. Cuire les pommes de terre. 5. Dans une autre poêle en fonte, cuire le bacon. 6. Retirer le bacon cuit et l’égoutter. 7. Ajouter le beurre à la graisse de bacon chaude et faire revenir les oignons. 8. Paner les filets de doré et les déposer dans la poêle avec les oignons. 9. Saler et poivrer. 10. Dresser les morceaux de dorés dans les assiettes avec des frites et du bacon.
Source : CABANA, Julien, « De la nature à votre assiette », Les éditions du Journal, Montréal, 2017, 213 p.
Je salue le travail de tous les artisans du secteur agroalimentaire qui ont su s’adapter et se réinventer au cours des derniers mois pour nous permettre de continuer d’intégrer l’Abitibi-Témiscamingue dans nos recettes et sorties au restaurant.
SPÉCIAL GASTRONOMIE
– GASTRONOMIE –
DEUX NOUVELLES BOUCHERIES EN ABITIBI-OUEST ISABELLE GILBERT
Malgré la pandémie et les difficultés économiques, deux nouveaux joueurs sont apparus dans le domaine agroalimentaire en Abitibi-Ouest : la Boucherie du Brack (La Sarre) et la Boucherie du Rapide (Rapide-Danseur). LA BOUCHERIE DU BRACK Fanny Dupras Rossier et Jonathan Branconnier forment un jeune couple dynamique plein d’étoiles dans les yeux! Ils ont ouvert leur entreprise après l’achat de la boucherie Coupes désossées, fin février 2020. Malgré la pandémie qui a frappé à la mi-mars, la clientèle est au rendez-vous! Après un printemps occupé, Fanny et Jonathan cherchent à atteindre un équilibre entre le travail et la vie familiale tout en poursuivant divers projets pour leur entreprise. Pour eux, il est primordial de promouvoir l’achat local en tissant des liens avec divers acteurs du milieu agroalimentaire régional. Ils ont mis sur pied un partenariat avec leur voisine, la Boutique Oli, et offrent des promotions favorables aux deux entreprises. De plus, ils vendent du bœuf du producteur Écoboeuf, des légumes d’Éco Bourgeons ainsi que des produits de la Miellerie Grande Ourse, de La Vache à Maillotte et de nombreux autres producteurs régionaux. Ils désirent prouver qu’il est possible d’offrir des produits de qualité adaptés à leur clientèle tout en ayant des préoccupations environnementales comme veiller à diminuer les déchets à la source.
JEAN CARON
LA BOUCHERIE DU RAPIDE
Fanny Dupras Rossier et Jonathan Branconnier de la Boucherie du Brack
COURTOISIE
Éventuellement, la jeune entreprise souhaite aménager une installation pour cuisiner des repas préparés et produire ses charcuteries maison. Adamo Saindon Robin de la Boucherie du Rapide
Originaire de Cléricy, mais habitant la région de La Sarre depuis 1999, Adamo Saindon Robin est intarissable sur son projet de boucherie! Après avoir travaillé plusieurs années dans des épiceries, le boucher de 37 ans a décidé de devenir son propre patron dans une entreprise à son image. Il a fait le choix d’établir sa boucherie dans la campagne de RapideDanseur pour l’espace disponible et pour la qualité de vie avec sa famille.
Son entreprise, qui ouvrira ses portes le 15 septembre 2020, comprendra une boucherie en deux bâtiments : un pour le gibier et un pour le bœuf et le porc. De plus, il y aura un magasin spécialisé dans les viandes à même sa résidence. Il y proposera des transformations variées comme des saucisses, diverses coupes de viande, marinée ou non, et d’autres produits liés à la viande. La philosophie d’Adamo Saindon Robin? Offrir un service personnalisé en allant chercher les clients, un par un. Il souhaite créer une entreprise à dimension humaine qui permet une qualité de vie pour lui et sa famille, et veut faire connaître de nouvelles façons de transformer les viandes pour en faire profiter les producteurs de son secteur. Il travaille d’arrache-pied en vue de la grande ouverture. Son équipe est déjà prête et il a très hâte de rencontrer ses futurs clients!
MICROBRASSERIE NOUVELLE BOUTIQUE 217 Route 101, Nédélec INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 23
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24 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
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SPÉCIAL GASTRONOMIE
– HISTOIRE –
– GASTRONOMIE –
LA RESTAURATION AMOSSOISE
SAVOIR AGENCER
D’HIER À AUJOURD’HUI
BIÈRE ET MUSIQUE
CARMEN ROUSSEAU, SOCIÉTÉ D’HISTOIRE D’AMOS
MATHIEU RAYMOND-FORTIN, MÉLOMANE ET COANIMATEUR DE L’ÂGE DE BIÈRE PODCAST
Le restaurant de quartier ou le restaurant étoilé font partie de nos vies depuis fort longtemps. Dès les débuts de la colonisation en Abitibi, on voit surgir hôtels et restaurants désireux de servir une nourriture copieuse à leur clientèle. Les premiers restaurants ne sont souvent que des bicoques dont le seul but est de nourrir « son homme » comme en témoigne, en 1912, le Ogden Quick Lunch and Bakery, propriété d’Hector Ogden sur l’actuelle 1re Avenue Ouest à Amos. Bien vite cependant, des hôtels offrant gîte et couvert ouvrent leurs portes. Comme on ne dispose pas de menus détaillés, les seuls indices permettant d’affirmer qu’on y sert des repas se retrouvent dans les publicités du journal local : « salle à manger et chambres », « salle à dîner », « cuisine canadienne ».
COLLECTION LOMER ARCAND, ANNÉES 1940. PHOTOGRAPHE INCONNU.
Le premier hôtel amossois est le Forest Hotel construit par Frank St-Germain en 1914 et qui dispose d’une salle à manger. Il est la proie des flammes en 1939. À la fin des années 1920, Amos possède huit hôtels, dont la plupart offrent sans doute un service de restauration. L’un des plus fréquentés est l’Hôtel Transcontinental (devenu Hôtel Continental), en face de la gare, et appartient à la Française Marie Quentier. Dès son ouverture en 1922, on peut y trouver « de la bonne pâtisserie française » et y passer des commandes de gâteaux. En 1972, un incendie détruit l’édifice.
L’Hôtel et le Café Parfait connaissent leur heure de gloire. En 1937, Parfait Mayer achète un édifice qui sert déjà d’hôtel depuis une dizaine d’années et y ajoute deux tours en 1941 (détruites en 1955). Quel nom prédestiné pour faire une publicité offrant un service, un confort et des repas « parfaits »! Les deux derniers propriétaires, Armand Lachapelle puis Victorin Ébacher, étaient des personnalités bien connues. Cet établissement disparaît du paysage amossois en 1990. En terminant ce rapide tour d’horizon, il faut mentionner deux piliers de la restauration amossoise toujours existants, la Rôtisserie Beau Coq BBQ et le Chat’O. Le premier, construit en 1922, a longtemps été connu sous le nom de Café Radio, car il possédait la seule radio de la ville. Il est resté la propriété de membres de la famille Arcand jusqu’en 1972. C’était le rendez-vous de toutes les générations et plusieurs se rappellent avec bonheur qu’on le fréquentait en refaisant le monde ou en SHA – FONDS SOCIÉTÉ D’HISTOIRE D’AMOS, ANNÉES 1930 PHOTOGRAPHE INCONNU. amorçant des flirts. Quant au second, qui combine depuis toujours restauration et hôtellerie, il ouvre ses portes à la fin des années 1920 sous le nom de Château Inn. Il demeure entre les mains de la famille Lalonde jusqu’en 1969. Son restaurant jouit d’une belle réputation dans les années 1980-1990 alors qu’on y offre des repas gastronomiques attirant une clientèle régionale. La restauration est aujourd’hui fragilisée en raison des mesures prises dans la foulée de la pandémie de coronavirus. Continuons donc à encourager ces gens qui nous font si bien manger!
Les 5 à 7, dégustations de bières et de vin, repas-partage et autres rencontres de parents, amis et collègues ont été durement hypothéqués! Voici donc un agencement de bière et musique à faire seul ou entre amis, selon votre humeur. LA TRÈFLE NOIR ET RAÔUL DUGUAY L’association est fort simple, tout est dans l’affirmation du style, autant dans cette stout, la Trèfle noir, que dans cette chanson classique de notre patrimoine, La bittt à Tibi! La Trèfle noir au goût riche s’associe parfaitement aux paroles décrivant une région débrouillarde et une population soucieuse de s’établir. Pour moi, c’est une bière de soif après une journée de labeur. Ses notes de café sont en quelque sorte mon café de soirée! Cette chanson est toujours bienvenue, tout comme cette bière. LA TÊTE DE PIOCHE ET LUBIK La deuxième association a commencé par le rapprochement entre le nom de la chanson et celui de la bière. Voici donc La tête de pioche, de la microbrasserie Le Prospecteur, associée à Ma tête c’est l’enfer du groupe Lubik. Le langage utilisé par Le Prospecteur et par Lubik est souvent tiré d’un répertoire similaire : le vocabulaire un peu cru et coloré des travailleurs pour exprimer le quotidien. Comme le dirait Kev de L’Âge de bière Podcast, c’est une bière « Go to ». Pour moi, cette chanson est aussi une « Go to ». EL SICIMO ET ANDRÉAS & NICOLAS Finalement, une conclusion haute en couleur et en sourire. Comment, en terminant, ne pas mentionner notre accueil régional si souvent souligné? Voici mon association entre la bière El Sicimo du Trèfle Noir et En Abitibi d’Andréas & Nicolas. Ce groupe originaire de Nantes avait fait une tournée avec Mononc’ Serge dans notre région. Ensuite, ils ont composé cette mélodie pour exprimer avec humour ce passage dans nos pâturages. La El Sicimo est complice de mes bons moments ou de mes soirées festives entre amis, tout comme cette chanson, qui apporte une touche humoristique à une soirée. L’aspect croquant de la bière s’allie à merveille avec l’humour du texte. Son côté léger en amertume et son arôme soutenu de fruits tropicaux sont aussi harmonieux que le sont Mononc’Serge et Andreas & Nicolas.
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26 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
SPÉCIAL GASTRONOMIE
– GASTRONOMIE –
S RE IE OB ER ES CT SS N 5O PI IEN U 2 : TA AD E A ILS CAN BR S F ES EN EM PT E DE AIN A EW SE I OR OM 10 MAG MP E : TH E LA NT SAIR CO MMIS
LA FERME MELLIFLORE : LE CADET DES MIELS RÉGIONAUX
CO
GABRIELLE IZAGUIRRÉ-FALARDEAU
COURTOISIE DE LA FERME MELLIFLORE
Consultez régulièrement notre page Ville de La Sarre
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BARBARA HELLER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) IXCHEL SUAREZ (ONTARIO) JANE KIDD (COLOMBIE-BRITANNIQUE) LINDA WALLACE (COLOMBIE-BRITANNIQUE) LINE DUFOUR (ONTARIO) MARCEL MAROIS (QUÉBEC) MURRAY GIBSON (NOUVELLE-ÉCOSSE) PAULETTE-MARIE SAUVÉ (QUÉBEC) PETER HARRIS (ONTARIO) SUZANNE PAQUETTE (QUÉBEC) THOMA EWEN (QUÉBEC) VERNISSAGE VIRTUEL 24 SEPTEMBRE -17 H
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Depuis sa première année de commercialisation en 2018, le miel de La ferme Melliflore s’impose peu à peu dans l’univers apicole régional. Les propriétaires de l’entreprise, Jean-Philippe Clément et Nancy Gareau, se consacrent à la création d’un miel artisanal produit avec un grand souci environnemental.
R ÉO U V ER T U R E
10 SEPTEMBRE 195, rue Principale, La Sarre (Québec) J9Z 1Y3 819 333-2282
maison.de.la.culture.lasarre
Nancy et Jean-Philippe se sont rencontrés il y a 22 ans, alors qu’ils étaient cuisiniers pour les Forces armées canadiennes. Ils ont ensuite réintégré la vie civile et, depuis douze ans, ils vivent dans le quartier de Destor, en périphérie de Rouyn-Noranda. Pour Jean-Philippe, dont la famille pratique l’apiculture en Outaouais depuis les années 1940, le désir de profiter de ce nouveau départ pour se lancer dans la production de miel n’a pas tardé à venir. Au fil des ans, il a fait plusieurs essais afin de tester le potentiel apicole de son nouveau territoire et a transmis sa passion à sa conjointe. « Autour de chez nous, il n’y a pas de culture organisée, donc pas de pesticides, pas de produits chimiques. On voulait savoir “est-ce qu’on est capables de faire du miel, est-ce qu’il y a suffisamment de fleurs ou c’est juste du bois?” On s’est rendu compte que le contexte agroforestier nous servait passablement bien! » explique-t-il. De plus, l’absence de produits chimiques favorise la santé des abeilles et répond aux valeurs environnementales du couple, qui cherche à réduire son empreinte écologique dans tous ses secteurs d’activité, en utilisant par exemple des emballages réutilisables ou compostables. RESPECTER LA NATURE DU PRODUIT Pour l’instant, La ferme Melliflore produit un miel polyfloral, c’est-à-dire que les abeilles butinent dans plusieurs espèces de fleurs et d’arbres mélangées. L’entreprise commercialise aussi des produits de la ruche, en recueillant par exemple la cire pour en faire des chandelles ou des tissus réutilisables pour couvrir des contenants. Les propriétaires ajouteront bientôt à leur gamme de produits le pollen et la propolis, ainsi que d’autres types de miels, mais il n’est pas question de s’adonner à la vente de produits transformés : « Ironiquement, même si on est portés, en tant que cuisiniers, à transformer les aliments, notre but avec le miel est de le garder dans sa forme originale. […] On ne veut pas dénaturer le produit », précise Jean-Philippe. Même s’il souhaite voir son entreprise se développer, la priorité du couple demeure la maintenance d’une production à petite échelle, qui lui permet de garder le plein contrôle, d’avoir les deux pieds sur le terrain et de maintenir l’aspect complètement artisanal. Chose certaine, l’avenir leur réserve de belles avenues qu’ils sauront sans doute explorer avec brio! INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 27
SPÉCIAL GASTRONOMIE
– RÉGION INTELLIGENTE –
– ARTS VISUELS –
S’ALIMENTER EN SILO, OU QUAND MANGER
UNE SCULPTURE SIGNÉE
N’EST PAS UNE MINCE AFFAIRE
CHRISTEL BERGERON
MICHEL DESFOSSÉS
GABRIELLE IZAGUIRRÉ-FALARDEAU
Je me permets ici de revenir de façon plus posée sur la question de l’autonomie, de la sécurité ou encore, si vous le préférez, de la souveraineté alimentaire. Il y a des différences importantes entre ces trois concepts, mais disons que la vaste question de l’alimentation ne fait pas consensus chez nous, faute de vision commune, d’une gouvernance unifiée. Pour certains, l’enjeu sera économique, alors qu’à l’autre bout du spectre, il s’agirait d’un projet politique. Mais qui sont ces acteurs aux vues si différentes sur l’enjeu de l’alimentation? La meilleure réponse que j’ai pu débusquer provient de l’organisme Vivre en ville, qui a préparé une réponse stratégique, actuellement en implantation dans différents territoires du Québec (sauf en Abitibi-Témiscamingue pour le moment). Bien sûr, chez Vivre en ville comme ailleurs, la production animale ou végétale est perçue comme la base du cycle de l’alimentation. Suivent les transformateurs et les intervenants de la distribution. Toutefois, un système alimentaire durable, un SAD comme l’abrège Vivre en ville, commande que l’on complète le cycle ainsi : les consommateurs (renommés ici « mangeurs ») et finalement les recycleurs et le réseau de la revalorisation. En tout, une vingtaine d’intervenants incluant autant les transporteurs que les politiciens. Jusqu’ici, vous vous dites probablement, où est l’innovation là-dedans? Voici. Le SAD, qui devrait mettre en mouvement l’ensemble des intervenants, tel que projeté par Vivre en ville, nous ramène à la base : le
cycle de vie des aliments. Désarmant de simplicité, mais ô combien déstabilisant pour un monde habitué de labourer chacun dans son sillon! L’alimentation est vue actuellement par toutes sortes de lorgnettes complètement différentes, mais aucune des formes de gouvernance traditionnelle n’inscrit le cycle naturel des aliments comme base du processus.
En juillet dernier, la municipalité de Ste-Germaine-Boulé a accueilli une grande sculpture réalisée par l’artiste soudeuse Christel Bergeron. L’œuvre intitulée Les Coureurs a été commandée par le conseil municipal en 2019. On voulait mettre de l’avant l’activité physique, mais aussi rendre hommage à une famille qui représente un pilier dans le monde de la course à pied : les Rancourt.
L’image du silo, emblème de l’agriculture du 20e siècle, décrit très bien ce que la pandémie nous a permis de constater : par l’absence d’une vision commune, nous avons développé des vulnérabilités tout aussi différentes, qu’il s’agisse de la maind’œuvre agricole ou du coût du panier d’épicerie. Vivre en ville a nommé sa stratégie pour un système alimentaire durable Territoires nourriciers. En ce moment, des villes, des villages et des MRC ont amorcé la mise en place d’un réseau collaboratif de ce type organisé autour d’un SAD. Mais l’impulsion pour un tel mouvement requiert que les décideurs politiques de tous paliers et les entreprises acceptent de se mettre à table avec les citoyens et citoyennes afin qu’une vision territoriale se développe en matière d’alimentation. Il me semble que nous ne sommes plus très loin d’une telle mobilisation citoyenne, à voir le foisonnement des forums d’échanges sur lesquels les éleveurs de poules et jardiniers urbains s’échangent des trucs et savoirs sur leurs productions artisanales. Sachez aussi que 30 % de ce que nous mangeons est fait d’aliments surtransformés, tout simplement parce que nous ne tenons pas en compte la durée de vie réelle de la nourriture. Planifier ne fait pas pousser les radis. Mais comme le disait un grand stratège : planifier, c’est s’éduquer. Et au risque d’avoir l’air soviétisant, je dirais qu’il faut planifier impérativement selon le cycle de vie des aliments et la capacité de nos territoires à y contribuer de façon durable. Cela permettrait de faire nos classes aussi sur les enjeux de protection du territoire agricole, l’étalement urbain, la précarité alimentaire des plus démunis. Serons-nous, en 2020, sur le chemin de l’autonomie alimentaire? Jours ensoleillés et vallées verdoyantes?
CHRISTEL BERGERON
Au plus fort de la mise sur pause de l’économie québécoise, en mars et avril dernier, 650 000 personnes ont eu recours aux banques alimentaires. Cette effarante statistique, jumelée aux données sur la santé mentale des populations vulnérables, m’avait amené à écrire ma dernière chronique sur le coup d’une certaine émotion : l’impression soudaine et malaisante que la faim était en voie de devenir un problème endémique chez nous, en notre terre de richesses.
Dans chaque aspect de son œuvre, réalisée en près de 1000 heures, Christel a représenté un aspect de la relation des Rancourt avec la course : « La sphère représente la terre qu’ils ont parcourue sans relâche, entourée de ses quatre saisons […]. Les trois coureurs, de différentes tailles, veulent dire qu’ils courent de génération en génération. Les engrenages, eux, sont là pour montrer leurs corps comme des machines bien huilées qui n’arrêteront jamais. Si on regarde de plus près les personnages, on remarque aussi leur positionnement : au départ d’une course, on se sent léger comme l’air. […] Ensuite, au milieu, nous sentons la fatigue, l’arrivée est encore loin, alors on baisse souvent la tête et c’est l’esprit qui prend le dessus pour continuer sa route […]. Pour le dernier, il a la tête haute, fier de la réalisation des kilomètres parcourus […] », explique Mme Bergeron. Dans les jours précédant l’installation, Christel a travaillé sans relâche pour remettre à temps son œuvre de si grande envergure qu’elle a détruit l’avant complet de son atelier pour pouvoir la sortir. Elle affirme qu’au bout du compte, la plus grande source de stress est arrivée le jour du dévoilement, avec la pression de remettre une œuvre qui, l’espère-t-elle, plaira aux gens et qui sera à la hauteur de leurs espérances. L’inauguration officielle de l’œuvre se fera en octobre.
28 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
– PREMIÈRES NATIONS –
SAMMY KISTABISH ET LA SAUVEGARDE DES LANGUES AUTOCHTONES MATHIEU PROULX, COANIMATEUR DU BALADO APPROPRIATION CULTURELLE
Depuis le début de l’aventure du balado Appropriation culturelle, on fait plusieurs rencontres très intéressantes. En juin dernier, nous avons pu discuter longuement avec l’enseignante de Pikogan Sammy Kistabish, accompagnée de la chercheuse en didactique de l’Université de Sherbrooke, Christiane Blaser. Ces deux femmes sont à l’origine d’un projet tout à fait innovant, soit la mise en place d’un salon du livre destiné principalement aux élèves de l’école primaire Migwan, mais également à la communauté. Ce projet passionnant a été un prétexte pour parler de culture, de langues autochtones et de rapprochements entre allochtones et autochtones. La réalité est frappante, comme le raconte Mme Kistabish : les langues autochtones se sont effacées avec les années et continuent de l’être, même si de plus en plus d’efforts sont faits pour les préserver. « Il y a plusieurs communautés où les chances de perdre leur langue sont grandes parce qu’ils ne la parlent plus couramment, a-telle expliqué. C’est dommage, mais c’est ça qui arrive. Si je
ne parle pas à mes petits-enfants et si je ne parle pas dans ma langue, ils ne l’apprendront jamais. »
décontenancé et Mme Kistabish a dû décrire l’objet pour finalement trouver le mot français.
Les pensionnats sont directement liés à cette disparition progressive. « Mon père et ma mère parlent très bien l’algonquin, affirme Mme Kistabish. Par contre, mon père ne voulait pas me parler ma langue parce que lui, quand il avait six ans, au pensionnat, il ne pouvait pas s’exprimer en algonquin. Il voyait ceux qui parlaient leur langue se faire mettre du savon dans la bouche. Il a eu très peur et il ne l’a jamais reparlée. » Heureusement, grâce à sa grand-mère, Sammy Kistabish a pu apprendre la langue anicinabe.
Aujourd’hui, l’enseignante remarque avec bonheur une grande amélioration de la langue chez son petit-fils, à qui elle parle plus régulièrement algonquin, et l’année 2020 a été marquée par la troisième édition du Salon du livre de Migwan.
Mme Kistabish a d’ailleurs vécu une situation cocasse lorsqu’elle a dû renouveler les poêlons pour sa cuisine. Ayant appris le vocabulaire avec sa grand-mère, elle s’est exprimée dans sa langue et a demandé au commis d’une grande chaîne canadienne de pneus (pour ne pas la nommer) : « Excusezmoi, avez-vous des asekon? » Le commis était évidemment
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INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 29
– ARTS VISUELS – - CALENDRIER VIRTUEL -
L’ART PUBLIC SE DÉPLOIE À VILLE-MARIE
L’INDICE BOHÉMIEN
GABRIELLE IZAGUIRRÉ-FALARDEAU
Pendant tout le mois de septembre, nous continuons de vous faire découvrir des artistes de partout dans la région, et ce, en direct de notre page Facebook.
Mardi 1er septembre à 19 h 30 Tito et BanJ – musique
Mercredi 9 septembre à 19 h 30 ÉMILIE B. CÔTÉ
Pete Chamberland – musique
Ville-Marie a été privée cette année des activités phares de sa saison estivale, dont la fameuse Biennale internationale d’art miniature. Heureusement, grâce à l’initiative de la Galerie du Rift, les citoyens ont quand même pu admirer le talent des artistes régionaux et faire le plein d’art contemporain à même les rues de la ville. Le projet d’art public dirigé par Émilie B. Côté, coordonnatrice du Centre d’exposition et directrice artistique des arts visuels au Rift, visait la création de trois œuvres qui embelliraient tout l’été le paysage de Ville-Marie. Émilie souligne que parmi les projets soumis, ceux qui ont été retenus – soit ceux de Zoé Julien-Tessier, Gabrielle Demers et Jacques Baril – offraient une vision résolument contemporaine, s’inscrivaient dans une démarche de grandeur et tenaient compte du territoire dans lequel ils seraient installés. Émilie soutient que ce dernier aspect était au cœur de l’ensemble du projet. Elle cite en exemple Jacques Baril, qui a fait appel aux gens de Ville-Marie pour recueillir des objets miniatures qu’il a intégrés à son œuvre. « C’est donc une œuvre de Jacques Baril, mais c’est aussi une œuvre qui parle du Témiscamingue, de la culture au Témiscamingue », affirmet-elle. À leur arrivée à Ville-Marie, les artistes étaient invités à se promener dans les rues de la ville pour choisir l’endroit dans lequel s’ancrerait leur œuvre. Ils avaient ensuite une semaine pour s’inspirer du lieu et exécuter leur création. 30 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
Zoé Julien-Tessier, qui a été la première à vivre l’expérience, garde un excellent souvenir de sa semaine au Témiscamingue. Son œuvre intitulée Les Joyeux, qui met en scène une série de personnages colorés, se voulait une réaction à l’isolement des derniers mois, un appel au bonheur. Le choix du lieu où se déploierait son œuvre l’a poussée à construire quelque chose d’encore plus grand que ce qui était prévu au départ et à s’adapter à la lumière extérieure et aux couleurs environnantes. Pour elle, produire une œuvre d’art public était très stimulant : « Il s’agit de projets moins communs. Puisque c’est vu par des passants dans la rue, ça nous pousse à exploiter des thèmes différents de ceux qu’on choisit pour une exposition dans un centre d’artistes, par exemple. » Au fil de la réalisation des trois projets, Émilie s’est réjouie de constater la réaction positive des citoyens : « On était juste en train d’installer [une] structure en bois et les gens arrêtaient pour nous dire qu’ils trouvaient ça beau […] juste qu’il y ait des changements, des nouveautés […] dans leur village, ça créait beaucoup de curiosité. […] Ça crée des rencontres improbables, car c’est dans des lieux où il n’y a pas d’art habituellement », conclut-elle. Les trois œuvres demeureront en place jusqu’à la mi-septembre.
Samedi 19 septembre à 19 h 30 Elliot P – musique
Dimanche 27 septembre à 19 h 30 Céline Lafontaine – conte
Mercredi 30 septembre à 19 h 30 Émilie Fortin – musique
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- CALENDRIER CULTUREL -
CONSEIL DE LA CULTURE DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE En raison des mesures annoncées par le gouvernement concernant la COVID-19, il se peut que certains des spectacles du calendrier soient annulés. Veuillez vous référer directement aux diffuseurs pour les renseignements les plus à jour. Merci de votre compréhension.
MUSIQUE Festival de musique émergente (FME) en Abitibi-Témiscamingue 3 au 5 sept. Différents lieux, Rouyn-Noranda Mentallica, hommage à Metallica 6 sept., Salle Dottori (Témiscaming) Nouveau spectacle des Hay Babies 10 sept., Service culturel de la Ville de Val-d’Or (VD) Roxanne Bruneau 12 sept., Théâtre Meglab (Malartic)
EXPOSITIONS Mémoires et médiations - Atelier les Mille Feuilles Jusqu’au 31 août Centre d’exposition du Rift (Ville-Marie) Tirage d’œuvres d’art, activité de financement du Rift 10 artistes de l’Abitibi-Témiscamingue Jusqu’au 11 sept., Centre d’exposition du Rift Oies, jutes et feuilles - Jean-Paul Riopelle 8 juin au 10 oct., MA, Musée d’art (RN) Diffusion/Suffusion – Dominic Lafontaine 3 sept. au 1er nov., Écart (RN) Give me a fucking break – Guillaume B. B. 3 sept. au 1er nov., Écart (RN) Le design graphique, ça bouge! – Centre de design Jusqu’au 7 sept., MA, Musée d’art (RN) The Black Room Jean-Ambroise Vesac/Michelange Quay Jusqu’au 7 sept., MA, Musée d’art (RN)
Site de rencontre avec l’art Du 8 juin 2020 au 21 fév., MA, Musée d’art (RN)
Enrage 11 au 16 sept., Le Rift (Ville-Marie)
Art imprimé – Art public - Atelier les Mille Feuilles Jusqu’au 31 août Quartier piétonnier de Rouyn-Noranda (RN) Forêt récréative, sentier Agnico Eagle (VD)
Les Rose – Félix Rose 13 et 14 sept., Théâtre du cuivre (RN)
Sous la surface – Dave Gagnon Jusqu’au 29 août, Centre d’exposition d’Amos Déjouer les sens La fonderie d’art actuel dans tous ses états Centre d’art Jacques-Michel Auger sous le commissariat d’Émilie Granjon 11 sept. au 8 nov. Centre d’exposition d’Amos Il y avait l’odeur des arbres - Julie Roch Cuerrier 8 sept. au 1er nov., Centre d’exposition d’Amos J’ai la tête pleine de trous… - Diane Dubeau 11 sept. au 8 nov., Centre d’exposition d’Amos La magie des fils : tapisseries contemporaines canadiennes - 10 artistes canadiens sous le commissariat de Thomas Ewen 10 sept. au 25 oct., Centre d’art de La Sarre
CINÉMA Divorce Club 30 août au 1er sept., Le Rift (Ville-Marie) Flashwood 28 août au 3 sept., Le Rift (Ville-Marie) Bob l’éponge 4 au 9 sept., Le Rift (Ville-Marie)
Roubaix, une lumière – Arnaud Desplechin 20 et 21 sept. Théâtre du cuivre (RN) Docteur? – Tristan Séguéla 27 sept., Théâtre du cuivre (RN)
HUMOUR J’adore – Daniel Grenier 26 sept., Le Rift (Ville-Marie)
PATRIMOINE ET HISTOIRE L’électrification de l’Abitibi-Ouest Jusqu’au 18 sept. Société d’histoire et du patrimoine de La Sarre (La Sarre)
DIVERS Coaching en peinture avec Martine Savard Tous les mercredis du 10 sept. au 8 oct. Musée d’art de Rouyn-Noranda (RN) Atelier de modèle vivant avec Martine Savard Du 10 sept. au 8 oct. Musée d’art de Rouyn-Noranda (RN) Cours de dessin pour enfants de 6 à 8 ans avec Gabrielle Leduc-Leboeuf Du 14 sept. au 21 déc. Musée d’art de Rouyn-Noranda (RN) Cours de dessin pour enfants de 9 à 12 ans avec Gabrielle Leduc-Leboeuf Du 15 sept. au 22 déc. MA, Musée d’art (RN)
Pour qu’il soit fait mention de votre événement dans ce calendrier, vous devez l’inscrire vous-même, avant le 20 de chaque mois, à partir du site Web du CCAT, au ccat.qc.ca/soumettre-evenement.php. L’Indice bohémien n’est pas responsable des erreurs ou des omissions d’inscriptions.
INDICEBOHEMIEN.ORG SEPTEMBRE 2020 31
Ourse bleue — Virginia Piciskanâw Pesemapeo mask iskwew Bordeleau Rétrospective 40 ans de pratique artistique
32 SEPTEMBRE 2020 INDICEBOHEMIEN.ORG
18 SEP — 29 NOV 2020 Musée d’art de Rouyn-Noranda