JUIN 2018 // L'INDICE BOHÉMIEN // VOL. 09 - NO. 09

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JUIN 2018 VOL 9 - NO 9

MÉDIA ÉCRIT COMMUNAUTAIRE DE L’ANNÉE

ISABELLE MAPACHEE

ANICINABE DANS L’ÂME ET DANS LE COEUR DOSSIER PREMIÈRES NATIONS

4BOOMTOWN

EN ABBITTIBBI : LE RETOUR DU DISPARU

515 ANS

DE CONTES ET LÉGENDES

6UN RAPIDE SHOW QUI VAUT LE DÉTOUR

17 BIAM 2018 : VISITE

AU COEUR DE L’INFINIMENT PETIT

20 LA CITÉ DE LA DANSE S’ILLUSTRE À BRAVISSIMO

DES PROGRAMMES POUR MIEUX CONNAÎTRE

LES RÉALITÉS AUTOCHTONES

OFFERTS À L'AUTOMNE 2018 À TEMPS PARTIEL - SUR CAMPUS ET À DISTANCE // Études autochtones // Gestion du tourisme // Employabilité et développement de carrière // Intervention enfance-famille UQAT.CA/ETUDES/ETUDES-AUTOCHTONES


ÉDITORIAL Éditorialiste invité

RICHARD KISTABISH LE RÉVEIL, TANTÔT POLITIQUE, TANTÔT CULTUREL, TANTÔT ÉDUCATIF, VA FINIR PAR PROVOQUER UNE TRANSFORMATION DES MODES DE VIE QU’ON CONNAÎT AUJOURD’HUI.

PRÉSIDENT DE MINWASHIN (NOUVEL ORGANISME DE DÉVELOPPEMENT CULTUREL ET ARTISTIQUE ANICINABE), PRÉSIDENT DE LA FONDATION AUTOCHTONE DE L’ESPOIR ET MEMBRE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DU CENTRE D’AMITIÉ AUTOCHTONE DE VAL-D’OR

Il y a beaucoup d’événements qui arrivent, d’activités qui se produisent. Tantôt par notre volonté, tantôt par des réactions, tantôt par le désir de se développer. Tous ces événements se passent actuellement à travers le pays. Une résurgence de nos moyens, de nos actions, de nos créations. Toutes sortes d’alignements se mettent en branle un peu partout. Il faut simplement continuer ces développements. Le réveil, tantôt politique, tantôt culturel, tantôt éducatif, va finir par provoquer une transformation des modes de vie qu’on connaît aujourd’hui. Tout ça se passe tellement vite, il y a tellement d’actions qui arrivent, parfois j’ai l’impression qu’on n’a plus le temps de réfléchir. De bien se situer. De reconnaitre nos capacités, nos habiletés et de les mettre en pratique. À ce moment-là seulement, elles pourront aider à nous développer.

la création. C’est ce qui nous manque terriblement parce que nous venons de traverser des moments très difficiles dans notre survie. On a voulu qu’on disparaisse du pays en utilisant toutes sortes de moyens, énormément de politiques qui nous ramenaient à être dans le chemin de LEUR développement (LEUR faisant référence à la société en général). Ils ont utilisé tous les moyens pour nous arrêter, pour nous faire disparaître. Ils ont utilisé notre culture, notre spiritualité, notre langue pour nous faire disparaître. À ce moment-là, notre seul moyen de se remettre en place, de se retrouver, c’est justement de réutiliser notre culture, notre langue, et de commémorer un peu plus le mode de vie de nos ancêtres, et ça, ça prend énormément de résilience. Ça va nécessairement créer des attentes chez certains, ça va aussi créer des frustrations, mais ça va permettre de mieux nous connaître. Nous-mêmes en premier, puis pouvoir faire des rapprochements avec les autres peuples qui vivent sur le même territoire que nous.

Anicinabe de la Première Nation Abitibiwinni, M. Kistabish a travaillé dans le domaine de la santé à l’échelle régionale et provinciale pendant de nombreuses années. Il a occupé les fonctions de chef de la Première Nation Abitibiwinni et celle de Grand Chef du Conseil algonquin du Québec pendant deux mandats. Il a publié des ouvrages sur la santé mentale et sur l’environnement. Il a dénoncé les abus commis dans les pensionnats indiens et les injustices sociales et a reçu la médaille de la paix WMCA.

Maude Labrecque-Denis, rédactrice en chef

SOMMAIRE CHRONIQUES

ISABELLE MAPACHEE PORTANT SON HABIT TRADITIONNEL DE CÉRÉMONIE, LE REGALIA. PHOTO WILLIAMS NOURRY

4 5 6 10 13 16 21 23

L’ANACHRONIQUE TÊTE CHERCHEUSE LE COEUR DE L’INDICE DE PANACHE ET DE LAINE CULTURAT MÉDIAS ET SOCIÉTÉ RÉGION INTELLIGENTE CALENDRIER CULTUREL

4,18 5 6,19 7-15 17 19-20 21 22

MUSIQUE CONTE VARIÉTÉS DOSSIER AUTOCHTONE ARTS VISUELS DANSE PATRIMOINE NUMÉRIQUE

ERRATUM Une erreur s’est glissée dans le dernier numéro de mai 2018 en page 17. À noter que Bianca Bédard est chargée de projets au Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue. 2 L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018

JOURNALISTES-COLLABORATEURS ET CHRONIQUEURS Gaston A. Lacroix, Hugo Asselin, Cassandra Bédard, Dominique Blais, Myriam Charconnet, Nathalie Cossette, Benoit Croteau, Julie Dallaire, Michel Desfossés, Danielle Desjardins, Suzan Devost, Gabriel D. Hurtubise, Jack Duhaime, Isabelle Gilbert, Netta Gorman, Richard Kistabish, Carole Labrecque, Vanessa Mahoney, Philippe Marquis, Lise Millette, Ariane Ouellet, Michèle Paquette, Dominic Ruel, Valéry Saint-Germain, Jean Tourangeau, Sakia Wabie-Alarie et Louis-Paul Willis. ___________________________________ COORDONNATRICES RÉGIONALES Véronic Beaulé (MRC Témiscamingue) Geneviève Béland (MRC Vallée-de-l’Or) Anne-Laure Bourdaleix-Manin (MRC Vallée-de-l’Or) Sophie Ouellet (MRC Abitibi-Ouest) Danaë Ouellet (MRC Abitibi) Madeleine Perron (Rouyn-Noranda) ___________________________________ CORRECTION Geneviève Blais ___________________________________ RÉDACTION ET COMMUNICATIONS Maude Labrecque-Denis redaction@indicebohemien.org 819 277-8738 ___________________________________ CONCEPTION GRAPHIQUE Staifany Gonthier graphisme@indicebohemien.org ___________________________________ DIRECTION ET VENTES PUBLICITAIRES Valérie Martinez coordination@indicebohemien.org 819 763-2677 ___________________________________

Un texte à lire non pas avec la tête, mais avec le cœur. Ainsi, les mots résonneront pleinement ce qu’ils ont à dire.

Il faut réfléchir aux retombées de ces actions. Réfléchir à la manière de les réaligner quand elles ne sont pas dans le bon chemin, et de prolonger un peu plus le voyage de celles qui le sont. Faire confiance, avoir de la vision, de

EN COUVERTURE

Il faut continuer à être à l’écoute. Pas l’écoute avec les oreilles, mais à l’écoute avec notre esprit, avec notre cœur. Notre cœur d’humain. Il faut continuer comme ça, et c’est à ce moment-là que les idées vont être meilleures, plus concrètes, et nous donner encore un peu plus de créativité pour mettre en place nos projets.

L’Indice bohémien est un indice qui permet de mesurer la qualité de vie, la tolérance et la créativité culturelle d’une ville et d’une région. ___________________________________

L’Indice bohémien est publié 10 fois l’an et distribué gratui­tement par la Coopérative du journal culturel de l’Abitibi-­Témiscamingue, fondée en novembre 2006. ___________________________________ CONSEIL D’ADMINISTRATION Marie-France Beaudry, présidente Véronique Gagné, trésorière Carolann St-Jean, secrétaire Fednel Alexandre, Guillaume Boucher et Anne-Laure Bourdaleix-Manin ___________________________________ L’INDICE BOHÉMIEN 150, avenue du Lac Rouyn-Noranda (Québec) J9X 4N5 Téléphone : 819 763-2677 Télécopieur : 819 764-6375 indicebohemien.org ___________________________________ TYPOGRAPHIE Harfang : André Simard, DGA ___________________________________ ISSN 1920-6488 L’Indice bohémien


À LA UNE

Isabelle Mapachee

ANICINABE DANS L’ÂME ET DANS LE COEUR ARIANE OUELLET

Isabelle Mapachee est la cofondatrice du pow-wow de Pikogan, un évènement rassembleur et coloré qui se tiendra les 9 et 10 juin prochains dans la communauté Abitibiwinni. Bien qu’organisatrice à ses heures, Isabelle est avant tout une passeuse culturelle, les pieds et le cœur bien ancrés dans le présent. On pourra la voir, arborant son regalia aux multiples clochettes, ou encore en forêt, traquant l’orignal une fois l’automne venu. Entre les deux, elle se dévoue au bien-être des gens de sa communauté. Son territoire et sa culture anicinabe lui coulent dans les veines.

Il y a plusieurs types de danses traditionnelles. Chaque danseur a son histoire. Aujourd’hui, Isabelle performe le jingle dress dance, où les clochettes cousues à la robe tintent au rythme du corps. C’est une danse de guérison réservée aux femmes. « Un jour, une dame de ma communauté qui était très malade a frappé à ma porte. Elle m’a offert des clochettes en me demandant de danser pour sa guérison. On a commencé à coudre mon regalia, ma mère et moi, une clochette à la fois. C’était tout un honneur. » Aujourd’hui cette femme est guérie et Isabelle a conservé ce style de danse. Voyageant d’un pow-wow à l’autre à travers le pays, l’envie de faire renaître ce rassemblement à Pikogan la chatouillait. Avec ses complices Kenny Ruperthouse et Branda Rankin, elle s’est lancée dans l’aventure. Cette année-là, un autre grand rêve a pris forme, alors qu’Isabelle est devenue maman.

LE CERCLE S’AGRANDIT Maintenant, sa petite fille suit ses pas, un rôle qu’elle prend très au sérieux. « Danser c’est une façon d’aider les gens et je trouve ça important de lui transmettre ces valeurs. Nous avons souvent des demandes de danser pour aider des gens à guérir ou pour les personnes disparues. Depuis le 1er janvier 2018, j’ai la photo de Sindy Ruperthouse cousue sur mon regalia », raconte Isabelle avec respect. En 2017, le pow-wow rendait hommage aux sept enseignements sacrés de la culture anicinabe : l’amour, la sagesse, le courage, l’honnêteté, la vérité, le respect et l’humilité. « C’est ce qu’on vit au quotidien, explique Isabelle. Nous sommes beaucoup plus que les bribes qu’on connaît de nous aujourd’hui. » À son avis, il doit y avoir un réveil de la société au sujet des Premières Nations parce que l’ignorance amène beaucoup de préjugés et cause beaucoup de torts. « Moi, je fais mon petit bout avec le pow-wow et les valeurs positives que ça véhicule. » En effet, rien de mieux que de faire connaissance pour mieux se comprendre. L’évènement en sera cette année à sa 6e édition. Sa plus grande fierté? « À travers les années, le cercle des danseurs s’est énormément agrandi. Toutes les mamans et les grand-mamans se sont mises à la couture pour leurs enfants. Il faut comprendre que les pow-wow, c’est aussi un mode de vie, une attitude. Ça nous aide à passer à travers les épreuves », raconte Isabelle. « Il y a une grande fraternité entre les danseurs, de l’entraide, de la compréhension. En plus, ça augmente l’estime de soi, le sentiment de fierté et d’accomplissement qu’on vit quand on s’implique », confie-t-elle. C’est cette fierté qu’elle veut inculquer aux jeunes. « C’est peut-être aussi là notre porte de sortie vers une réconciliation. »

ARCHÉO-08

L’ARCHÉOLOGIE AU SERVICE DE LA CULTURE

PETITE IDÉE DEVIENDRA GRANDE « Depuis que je suis toute petite, j’aime danser pour des évènements. Il n’y avait pas de pow-wow ici, mais j’en entendais parler par ceux qui y allaient. Ça m’intriguait », raconte Isabelle. Un jour, un autobus de danseurs de l’Ontario passe par Pikogan, en route pour le premier pow-wow de Chisasibi. « Ils m’ont offert de monter avec eux. Mes yeux sont devenus grands comme ça et j’ai dit “certain j’embarque!” C’est comme ça que j’ai fait ma première grande entrée en 1991, à Chisasibi. Depuis ce temps-là je n’ai jamais arrêté. »

Ceux qui se rendront à Pikogan les 9 et 10 juin auront l’occasion de voir des artéfacts très significatifs aux yeux d’Isabelle Mapachee. « Il y a quelques mois, j’ai rencontré un chercheur qui m’a montré une photo de clochettes, datant de plus de 300 ans, trouvées lors de fouilles archéologiques au lac Abitibi. J’ai toujours cru que mes ancêtres dansaient, mais ça ne faisait pas consensus dans la communauté. Certains pensaient que ces traditions venaient plutôt de l’Ouest. Ces clochettes venaient donc confirmer mon intuition. Dernièrement, je suis allée les voir à Archéo-08. Ça m’a beaucoup émue. On fait partie de cette histoire-là, mais mieux encore, on la perpétue », explique Isabelle. Isabelle Mapachee a remis le grand chapeau de l’organisatrice pour une autre année. Même si elle a parfois l’impression de ne pas savoir où elle s’en va, elle assume sa mission. « J’essaye de montrer la voie à ma fille. Il faut rester debout et forte. Mes grands-parents ont tracé un chemin pour mes parents, eux l’ont fait pour moi, c’est à mon tour de la faire pour elle. C’est important de transmettre aux enfants des ancrages positifs. » Avec en son cœur une femme telle qu’Isabelle Mapachee, c’est plus qu’une famille ou une communauté qui se développe. C’est toute une région qui s’enrichit.

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MOINS CATHOLIQUE QUE FRANÇOIS… PHILIPPE MARQUIS

Mes ancêtres entreprirent l’exploration de ton territoire, il y a environ 350 ans. Les tiens y vivaient depuis au moins 20 fois plus longtemps. Vous étiez ici avant que la Bible soit inventée! On commença alors à vous échanger des objets dérisoires contre des peaux. Tout était là, déjà : le commerce et l’exploitation. Vous avez servi de guides aux expéditions vers le nord, mais deviez tout de même rapidement comprendre que les peaux valaient davantage que des cossins. On vous en donna alors plus pour elles, dont des fusils ou de l’alcool. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de castors, de renards, de pékans, de carcajous et autres furent sacrifiés au profit de la traite des fourrures. Il dut y avoir alors des anciens et des chamans pour prophétiser des dangers... Nous faisions nos premiers pas vers votre conquête. Comme depuis le début de la prise des Amériques, on envoya des missionnaires pour vous évangéliser. Ils amorcèrent le travail nécessaire pour vous apprendre à ne plus croire en votre esprit. Dans les années 1800 de notre calendrier, les postes de traite poursuivirent leurs très payantes activités. Vinrent ensuite les scieries. Des armées de bûcherons prirent d’assaut les forêts de grands pins. Et les colons, sans mauvaises intentions, défrichèrent ces terres que vous arpentiez depuis des millénaires. Commerce du bois, exploitation forestière et profits pour les papetières. Le chant des oiseaux, les paroles de la forêt, vos rêves prémonitoires devenaient sans valeur, seuls le Bon Dieu et l’argent en avaient. On vous apprit des prières en série comme on produisait toutes les choses qui vous civiliseraient. Vous qui êtes de tradition orale, on vous montra à lire… une langue autre que la vôtre. Puis vinrent les plans de colonisation et l’accaparement de tout le territoire. Des rivières impraticables à cause du bois qu’on y faisait flotter, les villages érigés par dizaines autour des clochers, nos lois et toujours nos curés… Le temps passa, les machines s’affinèrent, on ouvrit des mines et la forêt recula. Nous vous firent retraiter jusque dans des réserves. Ces terres, qui n’avaient fait l’objet d’aucun traité, étaient désormais sous la gouvernance du grand esprit du développement économique. Et on enleva et emprisonna vos enfants dans les pensionnats. On leur coupa les cheveux, changea leurs vêtements, les empêcha de parler votre langue et leur montra à prier en latin. Éloignés de leurs parents et des communautés pendant des mois et vous nous apprenez, maintenant, qu’il y eut encore bien pire… Pour moi, faire ça, c’est infiniment plus criminel que tout ce que le peuple québécois a pu subir depuis les débuts de la Nouvelle-France. Lorsque je te rencontre, je suis gêné de tout ce que je viens de raconter. Je sais être moins catholique que le pape, mais je te demande pardon. Je sens aussi que vous vous relevez lentement… Il me reste, à présent, à vous soutenir pour l’avenir.

MUSIQUE

BOOMTOWN EN ABBITTIBBI, LE RETOUR DU DISPARU MAUDE LABRECQUE-DENIS

Le lancement avait lieu au mythique Cabaret de la dernière chance, à Rouyn-Noranda. Des images des boys dans les années 1970-1980, le corps aminci, mais le visage souriant, défilaient sur le mur. Sous leurs airs déguindés, ils avaient déjà l’allure des grands rockers de ce temps. L’album est tout aussi mythique. Créé quand la passion est tout ce qu’il reste dans le frigidaire, enregistré et mixé à six musiciens sur la même console (la chanson jouait et chacun calibrait son instrument en temps réel), l’album qui devait révéler le groupe Abbittibbi à la face du monde est retiré à ses créateurs, sauvagement écrasé « pour la radio AM » et vendu sans aucune redevance aux artistes. « Le premier album, c’est une relique. Sur le marché noir, c’est 300 $. Dans notre gang au complet, on n’avait jamais eu 300 $! » ironise Richard Desjardins.

ROBERT MONDERIE

Jamais lancé, jamais payé... Boomtown Café est un grand disparu qui revient au bercail après 37 ans. Il aura fallu l’équipe de Richard, presque devenu un mythe lui-même depuis le temps, pour récupérer les droits, retracer les bandes originales et les traiter au cuiseur à air chaud afin de retrouver ce son qu’on pensait perdu.

L’écoute de l’album ressemble à un voyage dans le temps, avec des lunettes 3D. C’est apprécier les mélodies déjà aimées, mais en découvrir une nouvelle richesse. L’instrumentation est amplifiée et enrichie par le retour des hautes et des basses fréquences qui libèrent le son du piccolo et de la basse. Une chanson inédite, composée par le violoniste Theodore Busch, se retrouve également sur l’album, lâchée lousse elle aussi après tant d’années. On reconnaît le son typique de la musique québécoise des années 1980, ce côté très « studio » où le son semble venir de partout en même temps grâce à une multi-instrumentation riche et tricotée serrée. On retrouve le côté festif aussi, apanage de ceux qui se ramassent en gang la plupart du temps (tout le monde était jeune à cette époque-là). La pochette, ornée de magnifiques photos, dont celle de la couverture prise par Robert Monderie, contient les paroles des chansons ainsi qu’un texte de Richard Desjardins qui raconte les débuts difficiles du groupe rouynorandien (francophone de surcroît!) dans une industrie musicale aux allures de Far West. Comment ont-ils réagi à la réécoute de l’album des années plus tard? « On est tombés sul cul! Bernard, le gars de son, m’a dit “OK, c’est prêt, je pense que c’est bon!” J’ai appelé tous les musiciens et on s’est retrouvés chez nous. On a tout écouté d’un bout à l’autre dans le silence le plus total. Les gars retrouvaient des bouts qu’ils n’entendaient pas dans l’édition originale. C’était magnifique », raconte Richard. Pour sa vraie sortie, l’album Boomtown Café du groupe Abbittibbi est offert sur trois supports différents, comme un témoignage de son voyage dans le temps : numérique, CD ainsi que 1000 copies vinyle qui sont mises en vente pour le plus grand plaisir des fans et des collectionneurs.

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AUTOBUSMAHEUX.QC.CA

L’ANACHRONIQUE


TÊTE CHERCHEUSE

CONTE

15 ANS DE CONTES ET LÉGENDES

CASSANDRA BÉDARD

Pour souligner son 15e anniversaire, le Festival de contes et légendes en Abitibi-Témiscamingue (FCLAT) célèbrera l’art de l’oralité sous le signe du renouveau grâce à une programmation parsemée d’inédits, livrée du 5 au 10 juin prochain aux quatre coins de la région.

NOUVEAUTÉS, HOMMAGES ET CRÉATION C’est un hommage gardé sous omerta qui lancera les festivités et précèdera l’incontournable « Concours de la grande menterie ». De nouveaux éléments s’ajouteront également aux traditionnels assemblages hybrides entre contes et vidéo du « Ciné-conté » : une conteuse de la relève, l’artiste Josée Courtemanche qui réalisera en direct une histoire au moyen d’un dessin dans le sable et un projet-surprise impliquant une figure importante du paysage culturel. Par ailleurs, le Festival présentera l’aboutissement des deux premières résidences de création de son histoire, jumelant allochtones et autochtones dans des duos d’écrivains et de mentors. Grande première aussi pour le « Marathon du conte », d’une durée de 4 h et offert gratuitement aux festivaliers, durant lequel s’enchaînera une pléiade de 16 conteurs abitibiens à découvrir.

GRACIEUSETÉ

HAUTE GASTRONOMIE LOCALE Pour ajouter aux célébrations de la 15e édition, le « Souper conté » mettra à profit les talents du chef du Forestel, Yves Moreau, et les meilleures saveurs régionales à chaque bouchée du repas, jusqu’au dessert décadent des Becs Sucrés-Salés. Le festin sera agrémenté d’histoires de grands conteurs québécois et de la musique de l’Ensemble Allegro.

L’HISTOIRE, C’EST NOUS Nicole Garceau, présidente du FCLAT, insiste sur la pluralité symbolique du mot « conte » : « Tout est conte. Moi, je suis conte, toi, tu es conte. Parce qu’on a chacun notre histoire. » C’est donc un « miroir de l’âme », un reflet de notre identité culturelle légendaire et contemporaine, que tournera face à nous, pour une 15e fois, le FCLAT grâce à des artistes d’ici et à des nouveautés festives.

LA FÊTE DES PÈRES

DOMINIC RUEL

La vie a voulu que mes parents divorcent alors que j’avais onze ans. Mon frère et moi sommes restés avec mon père. Il y a trente ans, les hommes seuls ne couraient pas les rues : un congrès les aurait réunis, confortablement, dans une cabine téléphonique. Jusqu’à mon départ de la maison, j’aivécu avec ce père devenu l’homme le plus important de ma vie. Un homme qui m’a transmis ses valeurs, ses convictions et qui m’en a appris beaucoup sur ce que c’est d’être un adulte, et aussi un père. Surtout. Devenir père est assez facile. Un jeune de 14 ans le saurait. Mais être un père ne l’est pas. Et d’ailleurs, « quand un homme finit par se rendre compte que son père avait raison, lui-même a un fils qui pense qu’il a tort ». C’est tout un apprentissage et le plus grand défi d’une vie! Mon père, sans être parfait, en avait compris l’essentiel. Il était celui qui me reconduisait ou me prêtait l’auto (à qui je dois tellement de litres d’essence!), celui qui coachait ou m’encourageait dans les estrades. C’est celui qui s’assurait qu’on ne manque de rien et qui était là pour tout écouter. Mon père, qui parle tant, un volubile, un moulin à paroles, reste un homme de peu de mots quand vient le temps de parler à ses fils. Ses conseils se résumaient en quelques termes : « fais ce que tu dois faire », « il y a un temps pour chaque chose », « le temps arrange les choses ». Des phrases simples. « Mais il ne m’a jamais dit comment vivre ma vie : il m’a laissé l’observer vivre la sienne ». Volonté, autorité, générosité, complicité. Nous ne sommes pas des amis pour autant. Comme le philosophe Michel Onfray, « ma chance fut d’avoir eu un père comme ils existaient avant qu’ils ne deviennent les enfants de leurs enfants ». Peut-être est-ce ce que nous sommes devenus depuis trente ans? Des pères potes, des pères copains, rigolards, habillés des mêmes looks que nos enfants. J’ai toujours admiré mon père. J’ai toujours fait en sorte qu’il soit fier de moi. Une sorte de moteur. Une sorte de crainte, mais positive, qui me faisait faire de bons choix. Ce que je crois, c’est que tout ce qui sort de la bouche d’un père doit inspirer l’amour ou la peur. En juin, les pères doivent être célébrés. Je le dis avec fierté : malgré des lacunes encore, les hommes québécois ont beaucoup progressé en tant que pères. Absents ou pourvoyeurs (pas tous non plus), ils sont devenus, en quelques décennies, présents et engagés (pas tous non plus). Il faut les remercier. D’être là. Pas de cadeaux. Un beau mot, seulement. Je dis souvent, à la blague, que la paternité est un acte de foi. La mère porte l’enfant. Et en plus, elle a neuf mois d’avance. Entre le fils ou la fille et son père, les présentations se font assez rapidement. « L’enfant n’a pas à mériter l’amour de sa mère. Il faut mériter l’amour de son père, en quelque sorte ». C’est le plus difficile. Note : plusieurs des passages entre guillemets sont tirés ou inspirés du livre Papa cool de Tom Burns. (édition Marrée haute)

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LE COEUR DE L’INDICE

L’INDICE BOHÉMIEN, MÉDIA ÉCRIT COMMUNAUTAIRE DE L’ANNÉE! L’Indice bohémien est un journal culturel assez unique en son genre. Porté par une équipe formée de deux employés permanents et de quelques collaborateurs contractuels, ce sont les bénévoles qui rendent possible l’édition de dix numéros par année depuis bientôt dix ans. En avril dernier, nos efforts ont été récompensés lorsque nous avons eu l’honneur de remporter 4 prix, dont le prestigieux Média écrit communautaire de l’année, lors du 37e congrès annuel de l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ).

VARIÉTÉS

UN RAPIDE SHOW QUI VAUT LE DÉTOUR ISABELLE GILBERT

En arrivant à Rapide-Danseur, on découvre la magnifique église en pierres des champs qui se dresse au détour du Chemin du village. Premier son : le rapide qui déferle avec toute la puissance de la crue printanière. Les jaseurs boréaux se disputent les bibittes de passage sous le pont d’une petite municipalité qui s’est prise en main après quelques années de déclin sur le plan communautaire. Le Projet RAGARO est responsable de la renaissance de cette vie communautaire qui faisait autrefois l’envie des municipalités environnantes. À la suite d’une consultation, il était clair que plusieurs citoyens de Rapide-Danseur désiraient qu’il se passe quelque chose dans leur église, acquise par la municipalité en 2010. À la fin de l’été 2017, le comité du Rapide SHOW s’est formé et le premier spectacle a vu le jour en novembre 2017. Malgré une tempête de neige impromptue, près de 200 personnes se sont déplacées pour cette première, ce qui a dépassé les attentes des organisateurs.

LES LAURÉATS DANS LA CATÉGORIE MÉDIA ÉCRIT COMMUNAUTAIRE DE L’ANNÉE (DE GAUCHE À DROITE) : PHILIPPE RACHIELE (JOURNALDESVOISINS.COM), SYLVAIN DELISLE (AUTOUR DE L’ÎLE), VALÉRIE MARTINEZ (L’INDICE BOHÉMIEN)

3 GAGNANTS ET 7 FINALISTES En plus des grands honneurs, plusieurs de nos collaborateurs ont été récompensés lors de la soirée : Henri Jacob et Richard Desjardins, 2e prix, catégorie Opinion pour l’article « Les caribous de Val-d’Or, plus que des 0,25$ »; Staifany Gonthier, 3e prix, catégorie Conception graphique tabloïd, numéro d’avril 2017; Gabriel David Hurtubise, 3e prix, catégorie Chronique pour « Les temps immémoriaux ». Notons également la nomination de Lise Millette dans les catégories Reportage et Entrevue-portrait, de Jean Caron dans la catégorie Photographie de presse et de Gaston A. Lacroix, finaliste pour le Prix Raymond-Gagnon remis au bénévole de l’année. L’Indice bohémien tient à souligner le travail de la rédactrice en chef sortante, Lise Millette. « Lise a fait un travail exceptionnel dans la dernière année, et c’est ce qui a été récompensé », souligne Valérie Martinez, directrice générale. L’Indice bohémien félicite les finalistes et les lauréats, nous vous disons MERCI!

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INVITATION

Assemblée générale annuelle 2018 À tous les membres de la Coopérative de solidarité du Journal culturel de l’Abitibi-Témiscamingue

JEAN CARON

Devant ce succès, le comité a décidé de récidiver pour en faire un événement semi-annuel. Le deuxième Rapide SHOW a eu lieu le 5 mai dernier et réunissait les frères Greffard, Caroline Larouche accompagnée de Dany Provost, Alex-Ann et Rosalie Caron, Christian Prince, Tony le marionnettiste, Julien G. Vallée et Les Sentinelles du Nord. Tous ces artistes ont livré d’excellentes et solides prestations. La jeune Rosalie Caron est une très bonne musicienne, particulièrement quand elle joue de la mandoline. Pour ce deuxième Rapide SHOW, les numéros n’étaient pas seulement musicaux. Il y avait aussi un marionnettiste et un humoriste. Le public a particulièrement apprécié la prestation de Tony le marionnettiste accompagné de Gazou. Le numéro était fort bien adapté à une clientèle adulte. Julien G. Vallée était assez surprenant côté maquillage et très drôle, d’autant plus qu’il se trouvait devant quelques-uns de ses élèves du primaire! Il s’est adapté en un temps, trois mouvements. Comme sa première mouture, le Rapide SHOW a été une réussite avec une salle comble, ce qui témoigne que ce type de spectacle de variétés répond à un besoin puisque le public venait d’Abitibi-Ouest et d’ailleurs. Le comité organisateur donne d’ailleurs rendez-vous au public pour une troisième édition en octobre 2018. Longue vie au Rapide SHOW!

JE DEVIENS MEMBRE DE SOUTIEN DE L’INDICE BOHÉMIEN

Pour devenir membre, libellez un chèque de 20 $ ( 2 parts sociales de 10 $) au nom de L’Indice bohémien et postez-le au 150, avenue du Lac, Rouyn-Noranda (Québec) J9X 4N5 Prénom et nom : ______________________________________________________ Adresse : _____________________________________________________________

h 11 juin, 19 r de Val-d’Or eu Prospect

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MER

Téléphone : ____________________________________

Courriel : ______________________________________

Le membre de soutien est une personne ou une société qui a un intérêt social dans l’atteinte de l’objet de la coopérative.

CI!


DOSSIER PREMIÈRES NATIONS

L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE À L’AVANT-GARDE DES ÉTUDES SUPÉRIEURES AUTOCHTONES HUGO ASSELIN, NATHALIE COSSETTE, MAUDE LABRECQUE-DENIS

L’école d’études autochtones de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), un département entièrement consacré à l’enseignement, à la recherche et aux services pour, par et avec les Autochtones est un modèle unique dans le réseau universitaire québécois.

SUZY BASILE PHOTO : CHANTAL GERVAIS

En effet, les études autochtones se trouvent généralement dans les départements d’anthropologie ou de sociologie, ce qui positionne les Autochtones comme des objets d’étude. L’approche de l’École d’études autochtones est complètement différente : de nombreux sujets sont étudiés dans une perspective autochtone.

Étudiant anicinabe originaire de la Première Nation Abitibiwinni, Maurice J. Kistabish est inscrit à la maîtrise sur mesure en sciences humaines, profil études autochtones. Réalisé sous la supervision des professeurs Hugo Asselin (UQAT) et Marie-Pierre Bousquet (Université de Montréal), son projet de recherche s’intitule Résilience et pratiques de résistance face aux politiques de gestion territoriale en territoire algonquin dans un contexte de gouvernance autochtone. « Certaines communautés autochtones au Canada comptent peu de membres et ont des moyens limités pour affronter les compagnies extractives de ressources et les gouvernements provinciaux et fédéral. Néanmoins, certaines de ces communautés sont en mesure de résister aux pressions extérieures », mentionne M. Kistabish. C’est notamment le cas de la communauté autochtone de Wahgoshig, dans le nord-est de l’Ontario, qui compte 332 membres et avec laquelle Maurice a choisi de travailler. « Ma maîtrise consiste à documenter mes dix années en tant que négociateur. J’ai dû intervenir à quelques reprises dans différents dossiers conflictuels. Mon projet de maîtrise vise donc à documenter ces expériences, à les confronter à d’autres points de vue et à expliquer le phénomène de la résistance des communautés face à des compagnies extractives », explique M. Kistabish.

MAURICE KISTABISH PHOTO : MELISSA ROY

MATHIEU DUPUIS

années 1980. Malgré tout, il a fait le choix de persévérer. « Je ne vois pas mon âge comme un handicap. Je suis heureux d’avoir la chance de faire part de mon expérience et de mon parcours professionnel lors de conférences que je donne régulièrement dans différents cours à l’UQAT et à l’Université de Montréal. » Fier de ses racines autochtones, Maurice J. Kistabish est à l’origine de la pose du drapeau de la Première Nation Abitibiwinni dans l’Atrium David-Armand-Gourd du campus de l’UQAT à Rouyn-Noranda Depuis sa création il y a 35 ans, l’UQAT a toujours entretenu un partenariat privilégié avec les peuples autochtones. Elle est la première université québécoise à placer les peuples autochtones au cœur de sa mission institutionnelle en leur consacrant l’un des six enjeux de ses plans de développement. L’UQAT a aussi été la première à réserver un siège à un membre autochtone au sein de son comité d’éthique de la recherche. De 2006 à 2009, Édith Cloutier, directrice du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or, a été présidente du conseil d’administration de l’UQAT, devenant ainsi la première personne issue des Premières Nations à accéder à la présidence d’une université au Québec. En 2009, l’UQAT inaugurait le Pavillon des Premiers Peuples à son campus de Val-d’Or. En 2016, l’UQAT a eu l’honneur de décerner un diplôme de doctorat en sciences de l’environnement à Suzy Basile, qui devenait ainsi la première personne de la nation Atikamekw à atteindre le plus haut niveau de formation universitaire.

Le nouveau récipiendaire de la bourse TALENT décernée par le Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIÉRA) n’avait pas mis les pieds dans une université depuis les

Fier partenaire des gens d’ici! Sincères félicitations à L’Indice bohémien, récipiendaire du prix « Média écrit communautaire de l’année » de l’Association des médias écrits communautaires du Québec! Cette reconnaissance bien méritée vient récompenser les nombreux eeorts de la belle équipe de passionnés qui remplit bien sa mission de faire rayonner le milieu artistique et culturel de l’Abitibi-Témiscamingue. Bravo et longue vie à L’Indice bohémien!

François Gendron

Député d’Abitibi-Ouest Vice-président de l’Assemblée nationale L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018 7


DOSSIER PREMIÈRES NATIONS

LES SEMEURS DE LÉGENDES : SOIRÉE DE CONTES À KITCISAKIK JACK DUHAIME

JACK DUHAIME

Grands et petits sont assis près du feu, dans une tente montée sur les berges d’un lac, à Kitcisakik, en pleine réserve La Vérendrye. Sylvain Rivard, un jeune « Canadien français » (c’est comme ça qu’il se présente), qui adore Nina Simone et qui vénère Billie Holiday, raconte à quelques enfants algonquins une légende autochtone sur des pierres magiques. À ses côtés, la poète Joséphine Bacon résume en très peu de mots une anecdote innue mettant aussi en vedettes d’autres pierres, histoire de participer à la conversation. Le conteur métis Robert Seven Crows se tait : « C’est la société européenne qui dit qu’il faut s’asseoir, fermer la bouche et écouter. Souvent, pendant qu’on conte, y’a des gens qui parlent et qui courent tout partout. Chez nous, la job du conteur c’est de conter, c’est pas de se faire écouter. » Joséphine Bacon est passée à deux cheveux d’anthropologue de perdre toute identité, outre celle d’être une secrétaire autochtone élevée par des prêtres dans un pensionnat, loin de sa famille et de sa culture. « J’étais une très mauvaise secrétaire », se rappelle-t-elle. Elle a été, un peu par hasard, embauchée par des chercheurs universitaires. « Quand les anthropologues revenaient en ville avec leurs cassettes d’entrevues (réalisées dans des communautés autochtones) enregistrées en innu, c’est moi qui les transcrivais et les traduisais. Puis, je suis devenue assistante de recherche, c’est moi qui interviewais les vieux. J’ai ainsi pu récupérer tous les mythes fondateurs et les récits anciens » explique-t-elle. Joséphine Bacon a par la suite pris goût à la culture et à l’écriture, jusqu’à devenir une poète connue et très respectée, tant au Québec qu’à l’étranger. « Le monde a bien changé, dit Joséphine Bacon. Les vieux partent l’un après l’autre et avec eux partent notre université, notre bibliothèque, notre enseignement. À la place se sont installés Internet, Facebook et les jeux vidéo. Les enfants s’enferment dans leur chambre avec leurs trucs, et la parole n’a plus l’importance qu’elle avait quand on était encore nomades, cueilleurs et chasseurs. C’est comme ça... » En sortant de la tente, Charonne, 40 ans, deux fois grand-mère, explique que sa propre grand-mère racontait l’histoire du castor, un animal fort, très robuste qui protège sa maison et son territoire avec ses barrages. Jimmy, un homme de la communauté, lui a raconté une deuxième histoire, celle de l’ours. Charonne connaît un troisième semeur de légendes dans le village. Trois conteurs, c’est beaucoup de richesse pour un si petit village. Debout sur la rive, Robert Seven Crows et sa conjointe, l’herboriste Joan Pawné Parent, regardent le lac. Tous deux gagnent leur vie au pénitencier en appuyant spirituellement les hommes autochtones privés de liberté. « Je suis métisse, je suis une mère et une grand-mère; c’est ce bagage-là que j’apporte au pénitencier », explique Joan Pawné Parent. « Le conte, c’est de la guérison. C’est un voyage. Souvent, je dis aux gars en dedans (en prison) que le temps qu’ils passent embarqués dans un conte est comme un moment de liberté et d’évasion. L’esprit nous permet ça, alors c’est à nous de l’utiliser. »

PARTEZ À LA RENCONTRE DES PREMIÈRES NATIONS RENDEZ-VOUS DES POW-WOW

AUTRES ACTIVITÉS

Pikogan › 9 et 10 juin

Site culturel Kinawit | Abitibiwinni, l'expérience algonquine Camp La lucarne pourvoirie anishinabek Algonquin Canoe Company | Sentier des six saisons Lieu historique national du Fort-Témiscamingue/ Obadjiwan

Fort-Témiscamingue › 21 juin Lac Simon › 21 et 22 juillet Timiskaming First Nation › 25 et 26 août

8 L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018

« Moi, j’ai écouté ma grand-mère conter, mais elle avait tellement honte d’être [une membre des] Premières Nations… Elle était une femme de sang mélangé qui n’était acceptée ni d’un bord ni de l’autre », dit Robert Seven Crows. « J’ai eu la chance de côtoyer plusieurs aînés. Ce sont les grands-mères d’une réserve en Gaspésie qui un jour m’ont dit, “Toi, tu es notre conteur! C’est toi qui vas conter!” Elles m’ont donné le cadeau ou le fardeau d’apprendre des contes et de les transmettre. Mon nom est Seven Crows, ce qui veut dire “Sept Corneilles”. Ma mission est de voyager avec les contes dans les sept directions. » Deux jours plus tard, juste après l’une de ses prestations artistiques à Val-d’Or, Robert Seven Crows se fait demander ce que le conte apporte aux détenus autochtones. Question très mal formulée. Le chanteur et conteur métis répond, un peu froidement : « Le gars est là [au pénitencier] parce qu’il a perdu sa culture et sa tradition. Une personne sans racines ne sait pas où elle va aller. Nous, on est là pour leur ramener la fierté d’être ce qu’ils sont. Sans culture, une personne est perdue. Regarde le Québec qui se cherche une culture depuis 50 ans. On a de la difficulté à se ramasser ensemble au Québec. Et dans la culture autochtone, c’est la même chose. Pas de culture, tu ne sais pas qui tu es. »


DOSSIER PREMIÈRES NATIONS

AKI ODEHI : LA GUÉRISON PAR LE TERRITOIRE MICHÈLE PAQUETTE

Issu d’une idée originale de Carmelle Adam, directrice du Centre d’exposition de Val-d’Or, le projet Aki Odehi | Cicatrices de la Terre-Mère est une démarche de guérison par le territoire. Le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or est porteur du projet, par l’entremise du programme {ré}conciliation du Conseil des Arts du Canada.

DE LA TERRE À LA GALERIE Un collectif d’artistes (trois autochtones et deux allochtones), sous le commissariat de l’artiste Sonia Robertson (innue, Mashteuiatsh), a réalisé la partie Land Art du projet Aki Odehi | Cicatrices de la Terre-Mère à l’été 2017. Les œuvres devaient s’inscrire dans un cadre bien précis, fixé par la commissaire : un lieu de cicatrice ou de guérison, la réconciliation ou la rencontre, la participation, l’historicité et les traces en galerie. Du 22 juin au 26 août 2018, le Centre d’exposition de Val-d’Or, qui a assuré la direction artistique, présentera les traces des œuvres éphémères de l’an passé ainsi que des photos, des vidéos et des extraits d’enregistrement de témoignages qui ont été à la base de ce grand travail. En effet, plusieurs rencontres avec les aînés issus des communautés et divers intervenants ont eu lieu tout au long du processus afin d’établir une collaboration entre autochtones et allochtones, tout en impliquant la participation du public. Les artistes proposeront aussi une réflexion sur ces manœuvres artistiques grâce à des installations inédites.

DES ŒUVRES POUR PURGER LA DOULEUR Jacques Baril (québécois, Gallichan) aborde l’exclusion sociale avec l’œuvre Les Sept Feux. L’artiste a installé sept colonnes sur l’eau devant la pointe Apitipik au lac Abitibi pour ensuite les enflammer. Virginia PésémapéoBordeleau (crie, Rouyn-Noranda) s’est consacrée aux disparitions et assassinats de femmes autochtones avec Marche poétique pour Sindy. Karl Chevrier (anicinabe, Timiskaming First Nation) s’est intéressé aux pensionnats. Des gens de sa communauté ont participé à sa performance/action filmique dans la forêt enchantée du Fort-Témiscamingue. Véronique Doucet (québécoise, Rouyn-Noranda) a choisi comme thème les agressions faites aux femmes avec Territoire cosmétique à (re)coudre. En plus de recueillir des témoignages d’agressions, elle a reçu des bas de la population ainsi que de l’aide afin de coudre une jupe-tipi. Elle l’a portée pendant trois jours et trois nuits, nichée dans un arbre. Kevin Papatie (anicinabe, Kitcisakik) a quant à lui travaillé sur les inondations du territoire avec Otipi. Cette exposition vous plongera dans l’univers anicinabe avec toute sa sensibilité. Inspirés de la sagesse des aînés, les artistes autochtones et allochtones ont travaillé ensemble afin de livrer au public leur touchante démarche de guérison par le territoire.

Triennale en métiers d’art

2018

21 JUIN AU 2 SEPTEMBRE

CENTRE D’ART ROTARY LA SARRE

15 SEPTEMBRE AU 28 OCTOBRE L’ESPACE PIERRE-DEBAIN GATINEAU

ABITIBI-TÉMISCAMINGUE DIANE AUGER CHRISTEL BERGERON NANCY COUTURIER DIANE LEMIEUX KATIA MARTEL FRANCYNE PLANTE

OUTAOUAIS

LOUISE BERGERON MUSTAPHA CHADID THOMA EWEN DIANE LEMIRE PAULA MURRAY RAYMOND WARREN WWW.VILLE.LASARRE.QC.CA

Christine Moore Députée d’Abitibi-Témiscamingue

1-800-567-6433

christinemoore@parl.gc.ca | christinemoore.npd.ca

Venez me joindre dans mes différents bureaux!

Rouyn-Noranda | 33-A, rue Gamble Ouest, bureau RC-15 | 1 800 587-6433 Ville-Marie | 3, rue Industrielle, Bureau 7 | 819 829-2728 Amos | 554, 1re Avenue Ouest, Bureau 101 | 819732-2266 La Sarre | 81-A, 5e Avenue Est | 819 339-2286 @MooreNPD

/ChristineMooreNPD L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018 9


DE PANACHE ET DE LAINE

LE DÉPASSEMENT DE SOI

GABRIEL D. HURTUBISE

La tronche que tirent les gens ce printemps... on ne distingue même plus les peaux du ciel gris. Les témoignages de ras-le-bol professionnels font la manchette. C’était d’abord les infirmières, puis les profs, et ce sera vite vous et moi, et le reste du monde pour ainsi dire. Un jour, il semble qu’on aura bien peur des statistiques en santé mentale. Alors, je demande ici ce qu’on se demande parfois là-haut (surtout quand vient le temps des sondages) : mais qu’est-ce qui ne va pas, le peuple? Pas obligé d’être un analyste politique pour comprendre, ça se voit bien que les puissants clouent lentement le cercueil des travailleurs (avec moins de clous, économie oblige). Et ça sent la magouille électorale dans l’air. Ah, comme l’odeur de fleurs fait du bien après celle du mépris! Il n’y a pas à dire, la situation est révoltante. Mais il y a autre chose toutefois. Et notre gouvernement nous martèle avec ça, quoique jamais autant que nousmêmes : l’idéal de la performance. Elle est vraiment partout dans nos têtes cette idée que nous devons tout optimiser. On aspire à maximiser notre potentiel, à élaborer des projets, à vivre toujours plus intensément. Même chez soi, il faut cuisiner le souper le plus goûteux pour les enfants les plus merveilleux (de futurs génies) dans le plus confortable des foyers. Le repos est devenu un luxe dans le meilleur des mondes; chaque seconde compte. Alors, bien sûr, les gens ont la mèche courte. Pourquoi ne cessons-nous pas de dormir, tandis que nous y sommes?

Très tôt, chacun commence à s’améliorer. Dès la petite enfance, la maîtresse d’école nous gave de maximes édifiantes : « vous êtes tous uniques », « chacun a du potentiel », et surtout un grand classique : « si tu veux tu peux ». Ces désirs d’accomplissement, de reconnaissance et d’expansion de l’ego sont des rêves de grandeur, on en raffole! L’American Dream a été longuement digéré, puis incorporé. Toute cette pression externe est réelle, quoiqu’ultimement, il n’y a personne de pire que soi pour exiger l’impossible. Il faut sans cesse « se dépasser » pour devenir quelqu’un d’exceptionnel. Voilà l’absurdité : se dépasser soi-même, c’est outrepasser ses limites. « Dépasser » peut signifier être meilleur qu’un autre, comme lorsqu’on arrive premier dans une course. Une définition positive. Mais encore, ça peut aussi dire exagérer franchement, largement au-delà de la ligne d’arrivée, d’où l’actuelle gueule cadavérique des gens. À vous qui dégustez peut-être vos vacances, soufflez un peu le temps d’une soirée ou ne serait-ce qu’un instant béni, reposez-vous tant qu’il le faut. D’accord, vous aimez votre travail, votre vie de famille, vos sorties; tant mieux. C’est important d’entretenir ses feux. Toutefois, ne vous laissez pas brûler. N’en exigez pas non plus trop de vous-même. Autrement, il semble que vous finirez aussi par y passer, ou pire, par tenir le briquet de l’autre côté. Peut-être est-ce là le sens de l’expression « brûler la chandelle par les deux bouts ».

Programmation sur www.FCLAT.com Billets à la Galerie du livre - 819 824-3808 I

I

Festival de contes et legendes en Abitibi-temiscamingue

5 au 10 juin 2018

Souper contE Le samedi 9 juin à 18 h 00

65 $

Soyez rassasiés par les saveurs régionales, des contes de 4 vedettes québecoises, ainsi que la musique de l’ensemble Allegro.

Hôtel Forestel, Val-d’Or

Marathon de contes Le dimanche 10 juin de 14 h à 18 h Spécial pour le 15 anniversaire du Festival. e

CinE-Conte Le mercredi 6 juin à 19 h 30

16 conteuses et conteurs, 4 heures, des légendes savoureuses.

15 $

Un maillage surprise entre un conteur et un réalisateur. Salle du festival 1072, 2e Avenue, Val-d’Or Régulier 15 $ / étudiant et membre Promovues 10 $

10 L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018

Gratu it

Salle Félix-Leclerc Laissez-passer gratuit à la bibliothèque de Val-d’Or


DOSSIER PREMIÈRES NATIONS

LE NUMÉRIQUE AU SERVICE DES ANICINABEK VANESSA MAHONEY

Les modèles de l’ère post-industrielle sont remis en question. Ils ne conviennent plus aux nouveaux modes de vie, ne s’adaptent pas à toutes les nations et par-dessus tout, ils travaillent en silos et ont entièrement oublié l’aspect communautaire. C’est un système qui rassemble les personnes voulant s’y conformer. L’ère numérique, elle, repositionne l’être humain et sa communauté au cœur même du système. L’importance du réseau, du partage et de l’accès aux connaissances permet un nouveau mouvement d’innovations, tout comme les bibliothèques et les universités l’avaient permis par le passé. L’innovation est un projet qui se transmet de génération en génération selon deux principes fondamentaux : l’utilisation d’un outil existant dans un nouvel environnement ou d’un nouvel outil dans un environnement existant.

Tu veux faire de la télé?

En région, la distance, la communication et le soutien humain et technique sont des obstacles majeurs au développement des communautés anicinabek. Le numérique est une inépuisable source de solutions à découvrir. C’est une un traducteur de langue, un traducteur de culture, un traducteur de mode de vie… Dans le partage et l’entraide, il apporte des outils aux communautés pour façonner un système à leur image. Il n’est plus question de sacrifier son mode de vie, sa culture et ses valeurs pour évoluer et entrer en contact avec le reste du monde. Il est grand temps pour le world wide web d’être colonisé par les voix humaines et les sages mots des Anicinabek. Qu’ils tracent leurs besoins dans la solution, leur culture dans le code, tout comme leur cœur est tracé dans leur communauté. Le parcours n’est pas terminé, c’est un cycle sans fin qui se construit depuis les ancêtres jusqu’à nous : c’est un développement en continu, tout comme le numérique. Nation anishnabe, le numérique est à votre service.

DES QUESTIONS AU MENU : MÉDIATION CULTURELLE À VAL-D’OR JULIE DALLAIRE

Si on devait décrire le projet « Le temps d’une soupe » par des mots-clics, plusieurs seraient très évocateurs : #collectivité #dialogue #ArtsEtAction #portraitPoétique #duosSpontanés, etc. L’Action terroriste socialement acceptable (ATSA), un organisme basé à Montréal et fondé en 1998 par les artistes Pierre Allard et Annie Roy, nous rendra visite du 21 à 23 juin afin de réaliser, en collaboration avec la Ville de Val-d’Or, une activité de concertation hors du commun. Présentée comme un repas trois services, l’activité met littéralement la table afin que les gens remettent en question la société d’une façon peu ordinaire. L’entrée est servie avec l’envahissement d’un espace public, dans ce cas-ci, le parc Albert-Dumais. Pour le plat de résistance, des bénévoles invitent des gens au hasard à s’assoir l’un en face de l’autre, comme au restaurant. À la manière de maîtres d’hôtel, des médiateurs culturels proposent une soupe, un menu de questions et de thèmes. Tout au long du repas, le dialogue s’engage avec la personne d’en face. Le dessert suit avec le choix d’une phrase qui résume la conversation. Les participants sont ensuite photographiés avec leurs phrases, ce qui crée un portrait poétique de la rencontre. Regroupés, ces portraits peuvent servir de supports dans divers projets complémentaires, mais restent, à la base, un souvenir bien ancré de la journée de rencontres qui s’annonce surprenante. Si l’activité peut sembler improvisée au premier abord, la formule est déjà bien rodée. Les médiateurs de l’ATSA sont venus durant quelques jours au mois de mai dernier afin de préparer le terrain. Durant leur séjour, des gens de tous genres ont été consultés afin de faire ressortir les enjeux de Val-d’Or et d’établir les questions et les pistes de réflexion pour le plat de résistance de la fin juin, qui est plutôt prometteur.

MERCI à tous les festivaliers et partenaires pour ce 14e rendez-vous des guitares à Rouyn-Noranda!

À l’an prochain pour le 15e anniversaire! 25 mai au 1er juin 2019

L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018 11


Le Cégep à Val-d’Or : Déconcentration ou cégep autonome?

Dans le cadre du cinquantième anniversaire du Cégep, nous vous présentons ici le huitième texte d’une série de chroniques historiques sur cet établissement d’enseignement supérieur.

Par Yvon Lafond En déconcentrant des programmes à Amos en 1983, le Cégep pave la voie aux revendications du milieu valdorien. Tel est du moins le sentiment du comité d’implantation des services d’enseignement collégial à Val-d’Or, mis sur pied un an plus tôt : « Ce qui est bon pour Amos l’est aussi pour nous, notre population étant encore plus nombreuse ». Le Cégep ferme toutefois la porte à la demande de Val-d’Or pour une période d’au moins trois ans : le temps d’évaluer l’expérience de déconcentration en cours. Le débat prend alors une nouvelle tournure. Inspiré par son maire André Pelletier, Val-d’Or travaille dorénavant à l’obtention d’un cégep autonome; il serait au service de toute la partie Est de la région et il prendrait en compte les besoins des anglophones et des Autochtones. L’idée prend rapidement de l’ampleur. Le premier comité est remplacé par la Corporation de développement de l’enseignement supérieur de la Vallée-de-l’Or. La ville est placardée du slogan Je veux mon cégep à Val-d’Or. Le projet reçoit un appui massif de la population.

Une fois ces décisions annoncées, le Cégep ne ménage aucun effort pour les voir se réaliser. Le devis pédagogique est adopté rapidement, en accord avec les représentants de Val-d’Or. La rareté des locaux et l’octroi parcimonieux des budgets ministériels voués aux immobilisations rendent toutefois longue et ardue la concrétisation du devis technique. Malgré ces difficultés, le nouveau pavillon ouvre ses portes en septembre 1988. L’amélioration des locaux et l’ajout de programmes constitueront les principaux défis des années suivantes.

Rouyn-Noranda s’oppose évidemment à l’idée d’un second cégep. Le Témiscamingue opte aussi pour le renforcement du Cégep à Rouyn-Noranda. L’Abitibi-Ouest ramène de l’avant la solution de la déconcentration, à la condition de l’appliquer également à La Sarre. En avril 1987, le ministre Claude Ryan tranche à la manière de Salomon : Rouyn-Noranda demeurera le lieu de développement des programmes techniques qualifiés de lourds; il demande au Cégep de déconcentrer à Val-d’Or la plupart des programmes de formation générale et quelques programmes de formation technique. De plus, le Cégep établira à La Sarre un centre dédié à la formation des adultes.

André Pelletier, alors maire de Val-d’Or, mobilise sa ville en faveur d’un cégep autonome. Le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur de l’époque, Claude Ryan, choisit plutôt la voie de la déconcentration du Cégep existant.

Ariane Desgagnés-Leclerc, diplômée en Arts, lettres et communication, option langues, comédienne

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12 L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018

Crédit photo : Christian Leduc

« J’ai toujours eu un grand intérêt pour les langues. J’ai donc choisi le programme d’Arts, lettres et communication au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Dans l’option langues, nous avons plusieurs choix : l’anglais, l’espagnol, l’allemand! Après le collège, j’ai étudié le coréen, le japonais et le mandarin. Là, ça a été le grand départ pour réaliser un rêve en Corée du Sud : faire du cinéma et du théâtre! »

2018-01-22 11:00:26


DOSSIER PREMIÈRES NATIONS

SHABOGAMAK II : UN NOUVEAU-NÉ AVEC UNE VIEILLE ÂME CAROLE LABRECQUE

Un vent de renouveau souffle sur le Centre d’entraide et d’amitié autochtone de Senneterre. Le projet Shabogamak ll,centre communautaire autochtone situé aux abords du lac Parent, est devenu réalité en février 2018. Celui-ci a pour mission de promouvoir une ouverture sur les relations interculturelles entre les communautés autochtones et allochtones.

leur culture en mettant de côté ce qui les en éloigne, la consommation excessive de toutes sortes. En même temps, avec les évènements des dernières années, il est nécessaire d’avoir une oasis de paix où les gens peuvent venir se ressourcer et partager, mais surtout, entreprendre une démarche de guérison, de réconciliation. » Tout au long de notre rencontre, la discussion bifurque d’un sujet à l’autre : nos familles, nos projets personnels, la beauté de ce majestueux lac Parent et les grands-mères qui ne veulent pas mettre par terre ce splendide tapis faisant penser à un capteur de rêves. C’est vrai, on ne s’essuie pas les pieds sur nos rêves… L’endroit deviendra-t-il un arrêt prisé par les touristes venus de partout? L’avenir nous le dira. Mais en partant, j’ai le sentiment d’être témoin de quelque chose de beau qui grandira en toute quiétude. Migwetch, Louis.

Avant tout, Shabogamak (qui signifie « rivière qui s’avance dans le lac ») est un endroit rempli de sérénité où la nature est omniprésente. Son emplacement unique offre un paysage propice à la contemplation et au recueillement. En visitant les lieux en compagnie de Louis Bordeleau, nous discutons de sa vocation. « C’est un lieu de transmission de la culture traditionnelle s’adressant d’abord aux enfants et aux adolescents de nos communautés pour les amener à redécouvrir

CULTURAT

L’ENSEIGNEMENT DU BISON SAKIA WABIE-ALARIE, CLAN DE LA TORTUE

Cette nuit, j’ai rêvé, comme chaque autre nuit depuis que je suis jeune. Dans mon rêve, j’ai des enseignements, mes ancêtres viennent me rendre visite. Longtemps, je me suis demandé si la réalité était dans nos rêves. Lorsqu’on est éveillé, on se demande qui ont est. Qu’est-ce qu’on fait ici sur la terre. Même parfois, à quoi ça sert de vivre. Je suis la fille d’une survivante des pensionnats. J’ai vu ma mère souffrir et être dans ses blessures lorsque j’étais jeune. Je vivais les ravages des années de souffrance que mes ancêtres ont vécus. J’ai pris la décision, en tant qu’adulte, de mettre fin à ce cycle destructeur intergénérationnel de souffrance. C’est en portant attention à mes rêves que j’ai suivi les conseils de mes ancêtres. Je dois aider les autres et enseigner avec mon cœur, voilà le but de notre passage sur mère, notre terre. Depuis que je marche sur le chemin rouge, j’ai toujours des enseignements dans mes rêves. Cette nuit, j’ai rêvé au bison. Le bison est venu m’apporter un enseignement important et m’a demandé de l’enseigner à mon tour. Se rappeler les sept enseignements sacrés est crucial, mais les comprendre et les appliquer, c’est là où nous sommes rendus. Le bison est venu me parler de l’enseignement du respect. Je croyais comprendre que le respect était de me respecter et de respecter les autres. Mais non, ce que le bison est venu m’enseigner va bien au-delà de la compréhension mentale. Je devais le comprendre avec le cœur. Montrer du respect, c’est honorer le sacré. Il faut se rappeler que notre corps est sacré, qu’il vient de la Terre-Mère. Il est temps de se connecter à notre cœur et de nous rappeler que toute vie est sacrée : l’oiseau perché dans un arbre, le lièvre qui passe sur le chemin et vient nous apporter le message de confronter nos peurs, l’orignal qui donne sa vie pour nourrir nos corps et nous donner la force, le vent qui chuchote les réponses à travers la fenêtre le soir, grand-père Soleil qui brille sur la terre pour aider la vie à pousser, grand-mère Lune qui vient alléger le fardeau des peuples, le feu qui vient purifier et transformer, l’eau qui vient donner la vie et la Terre-Mère, qui nous pardonne et qui demande à ce qu’on la protège et l’honore pour tout ce qu’elle nous apporte. Voilà l’enseignement du bison. Il est temps de revenir à notre mission, oui en tant que peuple anicinabe, mais en tant que peuple humain. Si nous choisissons de continuer sur le chemin de la destructionde nos corps, la terre continuera à mourir à petit feu, mais si nous décidons de commencer à marcher sur le chemin rouge, et à prendre soin de la terre, notre mère aura une chance de vivre. Quel est votre choix?

Vous avez un projet Culturat? Contactez-nous à info@culturat.org L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018 13


DOSSIER PREMIÈRES NATIONS

HOMMAGE À MON PÈRE DANIELLE DESJARDINS, ENSEIGNANTE À WINNEWAY, PREMIÈRE NATION DE LONG POINT

En regardant quelle carte j’allais choisir pour le 89e anniversaire de mon père chéri, je considérais sa ressemblance avec les sept enseignements sacrés des Anicinabek et je me rendais compte qu’il avait les sept valeurs essentielles selon les ancêtres pour vivre une vie harmonieuse avec les autres et notre mère la terre. L’amour, représenté par l’aigle, le messager du créateur, est la trame de fond de la vie de mon papa, homme de

foi et de dévouement, au service de son église et de sa famille. On n’a qu’à voir le regard tendre qu’il pose sur notre mère et les sourires complices qu’il nous lance à nous et nos enfants. Oui, l’amour brûle en son cœur. Le respect, symbolisé par l’orignal dans nos régions et par le buffle dans l’ouest, mon père en témoigne envers chaque créature vivante qu’il rencontre, et tous le lui rendent bien. Il nous l’a bien sûr enseigné. L’humilité du loup qui fait passer le bien commun avant celui de l’individu fait partie intégrante de sa vie. Maître électricien de métier, il accourait au service de l’agriculteur dont le refroidisseur à lait faisait défaut, que ce soit

FRANK POLSON, PÉDAGOGUE DE LA NATURE

jour de fête ou de congé. Et que dire de sa réponse immédiate aux appels des pompiers volontaires en pleine nuit, hiver comme été? L’honnêteté du légendaire Bigfoot n’est pas un mythe chez mon père. Il n’a qu’une parole et il agit en fonction de ses principes, même quand ce n’est pas le plus payant. La sagesse du castor qui met ses talents au service de sa communauté est aussi caractéristique de mon cher papa. C’est un habile bricoleur! Il peut tout faire et tout réparer… ou presque!

mon père et à ma mère pour passer à travers des épreuves difficiles. Et ils n’ont jamais fait peser sur nous leurs difficultés afin de garder l’amour et l’entraide bien vivants chez nous. Finalement, la vérité, que symbolise la tortue, cette ancienne créature qui aurait été témoin de l’histoire du monde, est à la base de toute vie équilibrée. Je crois fermement que mon père a vécu sa vie en toute vérité. C’est un homme vrai qui dit vrai et qui ne s’est jamais menti à lui-même. Cher papa, tu as toute mon admiration et je t’aime de tout mon cœur!

Le courage de la maman ours qui ne recule devant rien pour protéger ses petits? Il en a fallu beaucoup à

Au Centre d’exposition d’Amos… Jusqu’au 3 juin, dernière chance de voir :

MONNAIE ROYALE CANADIENNE

GASTON A. LACROIX

Étant donné que ses œuvres sont représentatives de la spiritualité d’une grande partie de la population de la région et que sa renommée dépasse les frontières du Canada, la Commission culturelle du Témiscamingue a fait l’acquisition d’une série de pièces de la Monnaie royale canadienne qui immortalise les dessins, peintures et sculptures de l’artiste Frank Polson.

DÉMARCHE ARTISTIQUE Originaire de la Long Point First Nation de Winneway au Témiscamingue, Frank Polson est un artiste autodidacte. Ses œuvres ravivent les souvenirs des saisons de plaisirs et d’éducation passées en compagnie de son père sur les lignes de trappe dans sa jeunesse. « Tout est beau dans la nature, même la pluie », dit-il. Ses œuvres sont des enseignements de ce qui enfante le monde.

Mathieu Gotti

Jaber Lutfi

SE PRÉMUNIR CONTRE L’IRRATIONNEL

PARADE NUPTIALE Peinture

Sculpture

Plus que quelques jours pour rencontrer l’artiste Jaber Lutfi alors qu’il peint en direct sur place et de voir l’œuvre finale!

Dès le 21 juin à 17 h, vernissage des expositions : Stéphanie Matte

Je ne voulais pas marcher sur un ours

Joanne Poitras

Des buttes et de la sculpture

Triomphe de l’adversité d’une jeunesse tumultueuse et révoltée, sa démarche est motivée par le désir de servir ses semblables. « J’ai été choisi par le Monnaie Royale Canadienne à Ottawa pour faire les treize lunes qui représentent le calendrier anicinabe. C’est un bel outil qui va m’aider à faire le pont entre les communautés autochtones et non autochtones quand je fais des expositions en Abitibi-Témiscamingue ou à Vancouver », a-t-il fait savoir.

ESSENCE DE L’ŒUVRE Grand-mère Lune est omniprésente pour le peuple anishnabe. Faisant 13 apparitions tout au long du cycle annuel, chaque pièce de monnaie illustre un nouvel enseignement. Une œuvre d’art étonnante qui donne un aperçu unique de la culture des Algonquins. Ainsi, la Lune de mai, qualifiée de Lune des fleurs, fait émerger du sol les plantes fraîches et les bourgeons qui apparaissent sur les branches qui semblaient stériles quelques jours auparavant. Une force cachée qui anime toutes choses, où toute la vie prend naissance. « L’impact de son œuvre pour la nouvelle collection de la Monnaie royale du Canada est une tribune incroyable et est tout aussi important dans la communauté », dit Guy Sioui Durand, sociologue de l’art. Depuis janvier 2018, tirée à seulement 4 000 exemplaires, une pièce de la collection Les treize enseignements de Grand-mère Lune est frappée chaque mois. 14 L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018

À surveiller en juin, les artis tes Brigitte Toutant et Renée Carrier qui seront à l’œuvre en intervenant à l’extérieur sur notre bâtiment. Dévoilement 21 juin. > Brigitte Toutant - détail ébauche

Centre d’exposition d’Amos

222, 1re Avenue Est | 819 732-6070 Du mercredi au vendredi de 13 h 30 à 17 h et de 19 h à 21 h Samedi et dimanche de 13 h à 17 h

Grâce au soutien financier du


DOSSIER PREMIÈRES NATIONS

L’ART AUTOCHTONE BENOIT CROTEAU

Qu’ils soient contemporains ou classiques, les arts visuels font maintenant partie de notre quotidien. Et pour diverses raisons, l’art autochtone devient de plus en plus visible autour de nous, et il comporte plusieurs tendances. L’art de la côte ouest, qui provient de plusieurs nations, dont les Nishga, les Haida et d’autres. Il présente un style bien à lui que nous avons pu, entre autres, admirer aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010 ainsi que sur certaines pièces de monnaie du Canada. Le style woodland, qui a émergé dans les années 1970 avec le succès de Norval Morrisseau, artiste Objibway du Nord-Ouest ontarien inspiré des légendes, des contes, de la spiritualité et de tous les enseignements qu’il a reçus. Mais bien au-delà de ce qu’on peut trouver sur le web, dans les universités et sur l’art en général, il est intéressant de discuter d’art autochtone avec un artiste qui est lui-même anicinabe afin de mieux comprendre comment il le perçoit. En allant voir des champs pour

la chasse aux nikak (outardes), j’en ai profité pour discuter « art autochtone » avec mon cousin et ami Carlos Kistabish. Carlos est originaire de la communauté de Pikogan et y a passé toute son enfance ainsi qu’une partie de sa vie d’adulte. Ayant développé le goût du dessin très jeune dans son enfance, c’est au cégep qu’il a vraiment découvert les pinceaux et les toiles. Carlos fait aussi vibrer ses racines à travers la danse dans les pow-wow en tant que man traditional dancer. Pour Carlos, l’art autochtone provient des enseignements spirituels transmis ainsi que des contes et des légendes. L’art doit faire vivre la nature et l’attachement à la terre. Pour lui, il est important que l’artiste soit d’origine autochtone, les artistes allochtones illustrant les enseignements autochtones à travers leur art offrant davantage un travail « d’inspiration autochtone ». Si les visions sur l’art autochtone peuvent mener à d’infinies réflexions, le bonheur de le contempler semble quant à lui faire l’unanimité.

L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018 15


MÉDIAS ET SOCIÉTÉ

FANTASMES DISCUTABLES LOUIS-PAUL WILLIS

Les médias, et plus particulièrement les médias visuels, jouent un rôle central dans l’articulation des fantasmes propres à une culture donnée. Dans le contexte culturel qui est le nôtre, où les tabous sont explorés de façon soutenue dans l’espace public, il semble logique de mettre en doute les fantasmes culturels transmis par les médias visuels. Parmi ces fantasmes, un des plus problématiques demeure bien entendu celui de la jeune fille hypersexualisée. Ce phénomène est régulièrement critiqué, tant dans les médias à grand tirage que par des réflexions savantes et universitaires. Par contre, les critiques dirigées à l’endroit des images de jeunes filles hypersexualisées tendent à adopter une approche iconophobe, à travers laquelle les images elles-mêmes sont critiquées – à juste titre, certes, mais au détriment d’une attention qui devrait également être accordée à la question du désir qui motive l’apparition de telles images. En somme, lorsque nous interrogeons la nature parfois discutable des fantasmes transmis par les médias visuels, il serait particulièrement pertinent d’intégrer un questionnement beaucoup plus troublant : qu’est-ce qui produit ce fantasme? Le fantasme nous procure un accès imaginaire à l’objet du désir. La féministe britannique Elizabeth Cowie résume cette dynamique du fantasme ainsi : « le fantasme en est venu à signifier le fait de rendre visible, de rendre disponible, ce qui n’est pas présent, ce qui ne peut jamais être directement vu et appréhendé. » Dans le fantasme, on peut donc dire que l’objet du désir est mis en scène, à l’exception près que c’est une image de l’objet de désir qui est mise en scène. Dans une culture visuelle où les tabous sont explorés de façon croissante, on peut voir une panoplie d’images qui renvoient à des désirs fortement prohibés - dans le cas de l’hypersexualisation des jeunes filles, ce sont les tabous de l’inceste et de la pédophilie qui se terrent derrière des images au caractère fantasmatique. Alors que le cinéma met souvent en scène de tels fantasmes sans les mettre en doute, il peut également permettre la remise en question notre rapport au fantasme. Comme l’affirme le philosophe Slavoj Žižek, « le cinéma ne nous donne pas ce que nous désirons; il nous dit comment désirer ». Il en va de même de l’ensemble des médias et des discours qu’ils propagent. Une polémique récente entourant une publication Snapchat effectuée par un bar d’effeuilleuses de Terrebonne se révèle très éloquente à ce sujet. En effet, dans la publication en question, le bar O’Gascon partageait la liste des danseuses y

BIENNALE INTERNATIONALE D'ART MINIATURE 400 oeuvres - 21 pays

Vernissage 8 et 9 juin 2018 Galerie du Rift 42 rue Ste-Anne, Ville-Marie (QC)

lerift.ca/biennale leri

Biennale Internationale d'Art Miniature de Ville-Marie

16 L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018

travaillant, tout en écrivant « choisi [sic] la fugueuse de ton choix ». Cette publication a immédiatement suscité de vives réactions, et pour cause! Avec un tel propos, le bar dissémine l’idée – certes fausse – que les danseuses y travaillant sont des adolescentes. Parallèlement, on banalise de façon flagrante le côté sombre de l’industrie du sexe; on pourrait même dire qu’une telle publication cautionne une relation illicite entre un client et une jeune fille mineure. On produit par le fait même un fantasme fort problématique puisque derrière l’image fantasmatique d’une effeuilleuse prohibée se terre une réalité encore plus percutante et problématique : la fugue d’adolescentes est une réalité malheureusement beaucoup trop présente dans notre société, et il est d’autant plus dramatique de constater que les fugueuses ont tendance à se retrouver dans les dédales les plus obscurs de l’industrie du sexe. Il y a donc un côté extrêmement épineux dans le discours tenu par ce bar : derrière le fantasme de la jeune fugueuse, on retrouve une réalité atterrante où de jeunes filles sont victimes d’une situation abjecte. Et même si la direction du bar en question s’est excusée publiquement depuis, le fait demeure : on vend du fantasme (entre autres par les habits d’écolières ou de cheerleader si populaires dans ces milieux), et par le fait même, on invite le client potentiel à explorer un tabou défendu. On retrouve là un paradoxe inquiétant : comment une société fondée sur des interdits (nommément, l’inceste et la pédophilie) arrive-t-elle à produire ce genre de discours? Comment peut-on s’indigner devant les cas médiatisés d’abus, de pédophilie et d’inceste tout en acceptant l’existence de sous-vêtements féminins arborant la mention « daddy’s little girl », par exemple? Certaines fictions médiatiques proposent des pistes intéressantes de réponse à ces questions. C’est le cas du film American Beauty [Beauté américaine], sorti en 1999. Ce film révèle l’aspect construit et factice du fantasme de la jeune fille hypersexualisée, et illustre bien le fonctionnement du fantasme dans la culture visuelle. Le lecteur intéressé par cette question pourrait également se tourner vers le cinéma du réalisateur arméno-canadien Atom Egoyan (Exotica [1994], Chloe [2009]). En outre, si les médias visuels participent à propager les fantasmes culturels, il reste qu’ils participent parfois à les remettre en question. Cette remise en question est d’ailleurs essentielle.

Vendredi 8 juin, 17 h - OUVERTURE

Dévoilement de l’œuvre signalétique réalisée par les artistes de l’Atelier Cent Pression Spectacle d’Yves Marchand en première partie : Guy Marchand et ses filles

Samedi 9 juin, 18 h - VERNISSAGE VERNIS Dévoilement des œuvres primées Musique d’Anne Jodoin au piano


ARTS VISUELS

BIENNALE INTERNATIONALE D’ART MINIATURE : VISITE AU CŒUR DE L’INFINIMENT PETIT LISE MILLETTE

le dessin, la peinture, l’estampe et les arts numériques se côtoieront sous la thématique de la lumière. L’ajout du numérique est une nouveauté cette année; on y retrouvera de tout, des créations sur Photoshop jusqu’à des œuvres animées sur téléphone. « La lumière n’était pas une thématique imposée aux artistes. C’est plutôt pour nous. On utilise une thématique pour donner une direction à l’événement et une ligne directrice pour le montage de l’exposition. Notre défi est de prendre ces 400 œuvres et d’en faire une très grande », explique Émilie B.-Côté.

Du 8 juin au 2 septembre, près de 400 œuvres, en provenance de 21 pays, seront exposées à la galerie du Rift de Ville-Marie pour la Biennale internationale d’art miniature (BIAM). Une grande exposition, dont les pièces doivent avoir pour format maximal une dimension de 7,6 x 10,2 cm (3 x 4 pouces).

LA BIAM S’ÉTEND

Petites œuvres, certes, mais d’une grande signification, comme l’explique Émilie B.-Côté, directrice du Rift : « Il faut que l’œuvre dise autant en miniature qu’en grand format. C’est un véritable défi d’efficacité du message. » Parmi les participants, on retrouve des passionnés de miniatures et d’autres qui osent se frotter pour la première fois à cet art particulier. « On a toujours des artistes de la région qui se mettent au défi de créer quelque chose en plus petit », indique Émilie B.-Côté. Artiste multidisciplinaire de Rouyn-Noranda, Ariane Ouellet s’était attelée à la réalisation d’une immense murale à l’été 2017. Cette fois, elle touchera à un tout autre format en exposant une variation miniature d’une série présentée dans son format original à la galerie Rock Lamothe de Rouyn-Noranda. Créer une œuvre de petit format est un défi pour l’artiste, mais aussi pour la personne qui la reçoit. La taille force également le visiteur à aborder l’exposition autrement. Il importe de prendre le temps d’entrer en contact avec l’œuvre pour en voir l’ensemble des nuances et les petits détails. Cette attention crée un rapport d’intimité avec la miniaturisation. « On a des loupes à disposition du public pour mieux apprécier les détails. Certaines œuvres sont encadrées; dans de rares cas, il est possible de les manipuler, mais pas toujours », nuance Émilie B.-Côté. La diversité des origines des œuvres couplée à des techniques et des genres variés rehaussent l’intérêt pour cet événement. Dans l’exposition, la sculpture et le bas-relief,

ÉMILIE B.-CÔTÉ

Il s’agira de la 14e Biennale internationale d’art miniature du Rift. La formule a fait ses preuves et attire des artistes d’aussi loin qu’Israël, la Suisse, la France, l’Italie, la République tchèque, l’Allemagne, l’Australie, la Croatie et Argentine. En créant cet événement unique dans la région, la rareté a eu raison de l’éloignement. Il en résulte une haute concentration d’artistes. « C’est tout de même étonnant de voir qu’il y a 21 pays qui connaissent Ville-Marie! » s’exclame Émilie B.-Côté.

Outre la formule exposition, la Biennale visite également les écoles du Témiscamingue. Plusieurs centaines d’enfants recevront la visite d’animateurs qui leur feront confectionner des lanternes qui seront ensuite intégrées à l’exposition. Les jeunes reçoivent une petite trousse qui renferme du matériel pour réaliser leur projet. Une manière de leur présenter la biennale et d’y participer du même coup. Pour les personnes qui voudront prolonger le plaisir ou y prendre part à distance, le restaurant La Bannik, la Caisse Desjardins de Ville-Marie, Eugène | Auberge - Bistro et le Club de Golf exposeront des œuvres miniatures tirées des biennales antérieures. Le site web du Rift mettra également en ligne une exposition virtuelle avec les œuvres de cette 14e édition.

L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018 17


MUSIQUE

ALAIN DESSUREAULT, L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

Tous SUZANNE BROUILLARD, CHEF© DE CŒUR

droits

VALÉRY SAINT-GERMAIN

NETTA GORMAN

Il était assurément fébrile en dedans, mais d’allure forte et fière, cet Alain Dessureault, ce fils de l’Abitibi rencontré avant son entrée sur scène le 19 avril dernier. Celui qui avait galvanisé la foule en 2010 lors du 75e anniversaire de Val-d’Or était heureux de venir faire connaître son univers chez lui pour le lancement d’un tout nouvel album, Gardienne des aurores, réalisé grâce à la contribution de plusieurs artistes, dont la grande dame de la chanson Diane Tell.

Suzanne Brouillard est une passionnée…de sonorités, de chant, et de gens. La musique fait vibrer son cœur, c’est pourquoi elle lui a fait une grande place lors de son retour dans la région, à sa retraite, il y a une dizaine d’années.

Alain confie que cet album fait partie d’un long processus de rédemption, que des deuils et des déceptions ont fait naître ces chansons. Et il faut en parler, de ces chansons. Des perles de rudesse et de chaleur, des mots qui s’enlisent dans l’inconscient et qui y restent longtemps. Avec la complicité de Serge Farley Fortin et de Dimitri Soukonnov, il a su créer un univers à la fois tendre et rugueux. Avec sa dégaine d’homme des bois et sa poésie tant verbale que gestuelle, l’artiste a vite séduit la foule. J’aurais voulu, poignante chanson dans laquelle il nous raconte les derniers jours de son paternel, a été la toute première à voir le jour. Puis l’inspiration a fait le reste : des mélodies enrobées d’un piano de dentelle, des textes bien tricotés et la justesse d’un homme qui revient de loin. Il était accompagné sur scène par la très belle voix de Josée Lefebvre qui a magnifiquement su enrober le timbre juste et chaud de l’auteur-compositeur-interprète. La très triste Une femme dans le châssis a été assurément une des plus appréciées de la soirée. Le public réceptif et captif s’est laissé bercer par certains textes sans musique, qui se suffisaient bien à eux même. Ce soir-là, la salle Félix-Leclerc a été nimbée d’une gardienne des aurores qui s’est faite boréale. Il y a des chansons qui nous habitent, qui deviennent des prières, en espérant que l’absence de lumière soit derrière nous. Les chansons de Gardienne des aurores en font partie.

18 L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018

Chef de chœur de la chorale En sol mineur depuis 2009, Suzanne raconte, la voix vibrante de joie : « J’ai toujours fait de la musique, depuis que j’ai 6 ans. Je voulais vivre ma retraite avec la musique. Chanter en gang, c’est magique! C’est une façon d’être ensemble et dans le bonheur! » Chaque mardi soir, les 41 choristes du cours de chorale pour adultes se réunissent, accompagnés de Réjean Laplante, pianiste, fidèle au poste depuis 20 ans. « C’est un comité musical de cinq membres qui décide des morceaux, confie Suzanne. On y va avec les suggestions et les coups de cœur des choristes. Nous avons quelques balises, nous choisissons surtout les chansons francophones, autant classiques que contemporaines, mais également quelques-unes en anglais, et même une en espagnol cette année ». Si les derniers anniversaires avaient été soulignés de façon grandiose (le 25e lors du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue et le 30e avec une chorale de Québec sur scène à distance), rien d’extrav gant n’est prévu pour le 35e anniversaire cette année. N’empêche, le spectacle prévu le dimanche 10 juin à 16 h au Théâtre du cuivre de Rouyn-Noranda s’annonce haut en couleur! La cuvée 2018 comprendra une grande variété de styles de chansons, allant de Ma liberté de Georges Moustaki à Dixie d’Harmonium, en passant par Ils s’aiment de Daniel Lavoie et Wind of Change des Scorpions. C’est Suzanne qui signe les arrangements musicaux, en collaboration avec le pianiste Réjean Laplante, le guitariste Mario Fortin et la violoniste et percussionniste Chloé G. Larochelle qui livreront une performance lors du spectacle. Lyne Rioux est quant à elle responsable des éclairages, du visuel et du décor. Entre les mains d’une chef de chœur si engagée, on peut s’attendre à être transportés, le 10 juin prochain, dans un monde de soleil, de liberté et d’amour.


DANSE

VARIÉTÉS

CORPS AMOUR ANARCHIE : QUAND LA DANSE RENCONTRE L’ŒUVRE DE LÉO FERRÉ

LES CHEMINS DE TRAVERS DU SHOW DE LA MOTTE DOMINIQUE BLAIS

C’est sous le thème « les chemins de travers » que la 23e édition du Show de La Motte s’est déroulée le 28 avril dernier. Au menu : des artistes émergents et beaucoup, beaucoup de belles découvertes! L’édition 2018 du Show de La Motte a eu lieu dans une salle communautaire bondée. Les productions de La Pariole ont encore une fois gagné leur pari de faire rayonner les nombreux artistes émergents de la région. En effet, les participants à provenir des 4 coins de l’Abitibi-Témiscamingue étaient nombreux. À La Motte, pas de discrimination! On mise sur le divertissement du public avant tout, pour son plus grand bonheur, sans aucun doute!

DES PERFORMANCES HORS DES SENTIERS BATTUS Comme se veut la tradition, Pierre Labrèche a commencé la soirée avec ses classiques consignes de sécurité. Accompagné à la guitare, il a entonné en humour l’introduction du Show, sous les éclats de rire du public. Dans une ambiance chaleureuse et conviviale, les artistes se sont relayés sur la scène, tout sourire, visiblement très heureux d’être conviés à cet évènement incontournable dans notre région. Certains invités en étaient à leur première expérience solo sur scène et, malgré leur trac, ils ont été chaudement accueillis par le public. On pense entre autres à Alexis Durand-Saddier, un tout nouveau Lamottois, qui a performé ses propres compositions écrites dans lors de ses voyages. Certaines pièces se sont voulues plus touchantes, comme celle composée par Guy Baribeau, un habitué du Show de La Motte, qui a interprété une composition en l’honneur de son frère décédé. On ne peut passer sous silence la performance tout en douceur de Véronique Trudel, qui a bercé le public de sa voix chaude et apaisante. En somme, le Show de La Motte a fêté en grand sa 23e édition avec une variété surprenante d’artistes émergents qui ont rayonné sur les planches du centre communautaire.

JEAN-FRANÇOIS LEBLANC

MYRIAM CHARCONNET

Le 19 avril dernier, le Théâtre du cuivre de Rouyn-Noranda accueillait le spectacle Corps Amour Anarchie/Léo Ferré, une coproduction de PPS Danse et de Coup de cœur francophone qui allie musique, danse et chant autour de l’œuvre de Léo Ferré. Dans la pénombre du Théâtre du cuivre, les premières notes de Il n’aurait fallu se mettent à résonner. La voix de la chanteuse Bïa s’élève, accompagnée par les musiciens et les deux danseurs présents sur la scène. Les chansons s’enchaînent, toutes pleines de l’émotion et de la poésie de Léo Ferré. Selon Pierre-Paul Savoie, créateur, idéateur, metteur en scène et cochorégraphe du spectacle : « Il faut parler de Léo Ferré et je crois que tous les artistes qui sont là reconnaissent dans ses chansons quelque chose de puissant. Je dirais qu’on est des ouvriers de sa matière. » Et quelle matière! Si Léo Ferré est un véritable monument de la chanson française, il faut saluer le travail des artistes impliqués dans ce spectacle qui viennent tout simplement sublimer ses chansons. Parmi ces artistes, soulignons la contribution de deux enfants de l’Abitibi-Témiscamingue : David Rancour, chorégraphe, et Philippe B aux arrangements musicaux. Ils étaient malheureusement absents lors de cette représentation, mais Pierre-Paul Savoie se dit particulièrement heureux de les compter à ses côtés sur cette création. « Je suis fier de pouvoir venir ici et que les gens de Rouyn-Noranda voient leur travail. » Après environ deux heures de représentation, le public présent au Théâtre du cuivre ce soir-là a offert une ovation à la troupe qui a su charmer ses yeux, ses oreilles et son cœur.

> Diunna Greenleaf (Houston, TX)

> Blue Moon Marquee (Alberta)

RUE PIÉTONNIÈRE EXPOSANTS ACTIVITÉS FAMILIALES SPECTACLES/ANIMATIONS

festivalblueseldorado.ca festivalblues@gmail.com - 819 856 6881

> Guy Belanger (Montréal)

> Spencer MacKenzie (Toronto)

> Mike Goudreau (Montréal)

> JP Soars (Arkanzas)

> Harpdog Brown (Vancouver)

> Bryan Lee (New Orleans)

> Turbo Street Funk (Toronto)

> Jamiah Rogers (Chicago)

> Carson Downey (Nouvelle-Écosse) L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018 19


DANSE

LA CITÉ DE LA DANSE S’ILLUSTRE À BRAVISSIMO SUZAN DEVOST COMPÉTITION BRAVISSIMO

Bravissimo est une compétition de danse où environ 7000 danseurs de partout au Québec s’affrontent. Elle a eu lieu du 19 au 22 avril dernier à Terrebonne. On y retrouvait des troupes, des trios, des duos et des solos. Tous les styles de danses y étaient, du ballet classique au hip-hop, dans les volets compétitif, précompétitif et novice. Le classement par groupe d’âge se faisait à partir de la moyenne d’âge des danseuses formant la troupe. Le groupe nommé C.I.T.É. Combattants formé de 47 danseuses élites originaires de la région a remporté le premier prix et la mention Diamant (95 % à 100 %) dans la catégorie 10-12 ans ainsi qu’une mention spéciale des juges pour le concept, l’exécution, la précision et la chorégraphie. Elles ont été invitées à se produire pour le grand spectacle du samedi soir, le Showcase, où elles ont remporté la bourse de 600 $ remise à la meilleure performance 10-12 ans. Cette grande production chorégraphique en style libre est une création collective des enseignantes des troupes élites,

soit la directrice Maribelle Sigouin, la codirectrice Isabelle Cossette, Sara Ève Aubin, Catherine Dunn et la très jeune Maïka Trudel. La chorégraphie avait d’ailleurs remporté le premier prix et une mention Diamant à la grande compétition de danse Hit the floor qui a eu lieu à Gatineau du 16 au 18 mars dernier. Deux chorégraphies créées par Maïka Trudel ont également permis à la troupe C. Energy de remporter les deux premières places ainsi qu’une mention spéciale des juges pour l’exécution et la qualité de la mouvance en jazz, et une autre pour la maturité musicale en contemporain. Au total, les troupes élites de la Cité de la danse de Val-d’Or ont remporté neuf premières positions, une deuxième position, quatre mentions spéciales et trois présentations au Showcase durant cette compétition, du jamais vu pour une école de danse de la région. Les jeunes filles sont rentrées chez nous remplies de fierté avec toutes leurs récompenses et des souvenirs à profusion

5 mai au 14 juillet 2018 8 h 30 à 12 h - 12 h 30 à 16 h 30

L'Opération ramasse ta cour est de retour pour permettre aux citoyens de tous les quartiers de se départir de leurs matières résiduelles encombrantes à proximité de leur lieu de résidence! Consultez le calendrier pour connaître les dates et les points de dépôt de votre quartier au rouyn-noranda.ca

Juin, c'est tout d'abord le solstice d'été, que nous attendions tous avec impatience… Puis, surtout, la fête nationale du Québec qui se doit d’être soulignée avec fierté!

20 L’INDICE BOHÉMIEn JUIN 2018


RÉGION INTELLIGENTE

LETTRE DE PUV

MICHEL DESFOSSÉS

Deux journées, j’y suis pour deux petites journées. Je suis à Puvirnituq, communément appelée PUV (se prononce Pi-you-vi) par les gens du Nord et ceux qui la fréquentent. En inuktitut, Puvirnituq voudrait dire quelque chose comme « là où il y a une odeur de putréfaction ». La légende rapporte qu’une centaine de personnes y auraient été trouvées mortes au printemps à la suite d’une terrible famine. Une autre version raconte que ce serait plutôt des carcasses d’animaux qui auraient pu dégager cette odeur pestilentielle. La région porte cependant un nom plus agréable, soit celui d’Amaamatisivik, qui signifierait « l’endroit où les femmes allaitent leurs bébés pour ne pas qu’ils pleurent et fassent fuir les caribous ». Ce qui est surtout à retenir, c’est que cette communauté du Nunavik est la version inuite de l’irréductible village gaulois d’Astérix. À l’hôtel Coop de PUV trône au mur cette photo des années 1970. On y voit un Inuit debout à côté d’une affiche qui indique qu’on se trouve dans la seule communauté inuite du Québec qui n’a jamais signé la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ). Par cette entente, le gouvernement de Robert Bourassa obtenait les coudées franches pour réaliser la phase 1 du complexe hydroélectrique La Grande. La CBJNQ stipule ce qui suit : « En considération des droits et des avantages accordés par les présentes aux Cris de la Baie-James et aux Inuits du Québec, les Cris de la Baie-James et les Inuits du Québec cèdent, renoncent, abandonnent et transportent par les présentes tous leurs revendications, droits, titres et intérêts autochtones, quels qu’ils soient, aux terres et dans les terres du territoire du Québec, et le Québec et le Canada acceptent cette cession. » Au départ, trois communautés refusent l’entente. À la fin, seule Puvirnituq reste campée sur ses positions. C’est ainsi que la rivière Puvirnituq continue de couler vers la baie d’Hudson et l’Arctique avec comme seule contrainte les glaces qui l’habillent des mois durant.

PATRIMOINE

QUI A DIT QU’UN NOTAIRE ÉTAIT ENNUYANT? ISABELLE GILBERT

Si vous êtes de passage à La Sarre et que vous avez un intérêt pour l’histoire de l’Abitibi-Ouest, passez à la Maison Lavigne sur la Rue principale. La Société d’histoire et du patrimoine de la région de La Sarre y met en valeur le fonds Dominique Godbout (1926-2010), qui raconte la vie de ce notaire qui n’avait rien d’ordinaire. Reçu en 2007, au départ de maître Godbout pour l’Estrie, le fonds consistait en en une très grande quantité de boîtes de livres et de documents racontant les 54 ans d’implication du notaire dans la communauté lassaroise… en plus d’un coffre-fort de 1,5 tonne! Jusqu’au 15 juillet, l’exposition nous en apprend davantage sur un homme aux multiples talents et à la curiosité insatiable. Passionné de lecture en tout genre, maître Godbout s’est particulièrement intéressé à l’histoire et a publié quelques livres touchant entre autres à la religion, à la Nouvelle-France et à l’exploitation du territoire abitibien. Vers 1970, il a également fait des recherches sur la traite des fourrures pour la Société d’histoire et d’archéologie de l’Abitibi-Témiscamingue.

INVEN(TAIRE) À VIF THÉÂTRE 7, 8 ET 9 JUIN À 19H

JANA STERBAK

DU 27 JUIN AU 9 SEPTEMBRE

ANECDOTES TIRÉES DU CARNET DE VOYAGE Un professeur, un québécois du sud, m’a fait visiter l’atelier où il enseigne l’art de fabriquer des kayaks traditionnels aux adolescents inuits de l’école Iguarsivik. Cette année sera sa dernière dans le Nord après une quinzaine d’hivers passés ici. Il reviendra, il me l’assure, pour naviguer sur la Puvirnituq et sur la côte. Son kayak, fils des voitures d’eau d’antan, descendra encore les flots du temps et de la Hudsonie. Dans l’avion qui me ramène vers le sud, la conversation va bon train avec mes voisins de banquette, un couple d’âge mur originaire de Salluit. Ouvrant la boîte contenant le lunch d’Air Inuit, la dame m’offre le sachet contenant son petit pain pour que je le mange. Ce n’est pas un geste anodin. C’est l’esprit des gens du Nord qui se résume dans ce geste : partageons ce qui nous est offert. Voilà, comment le peuple inuit a déjoué les contraintes du climat arctique. En partageant. Consultez la version en ligne de cet article sur indicebohemien.org pour accéder aux textes de référence et à un ajout musical signé Félix B. Desfossés.

Invitation à la 22e AGA du CREAT

Mercredi 20 juin à 19 h au Centre des loisirs de Nédélec. Inscription requise

CAMP D’ART D’ÉTÉ

INSCRIPTION DÈS MAINTENANT

Maître Godbout était très impliqué dans sa communauté, par exemple à la Chambre de commerce, à la Société Saint-Jean-Baptiste ou dans l’Association de chasse et pêche d’Abitibi-Ouest. Il a également fait de la prospection, secondé sa femme Nellie Russel dans l’administration des Entreprises Gobeil et participé au tracé de la route La Sarre-Villebois-Baie James. En 1966, il a même fait une incursion en politique en devenant candidat pour l’Union Nationale! C’est tout un pan des décennies 1960 à 1980 que l’on peut découvrir à travers la vie du notaire Dominique Godbout. Ce personnage haut en couleur est décidément à des années-lumière des clichés associés au notariat.

BOUTIQUE

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NUMÉRIQUE

LA FORÊT NUMÉRIQUE : UNE EXPÉRIENCE IMMERSIVE ET COLLECTIVE JEAN TOURANGEAU

Les arbres se parleraient entre eux… Est-ce une blague? Une rumeur liée aux environnementalistes? Des études scientifiques le prouvent, les arbres communiquent entre eux grâce à des capteurs. Ils sentent les besoins de la nature qui les entoure, un écosystème qui partage des ressources entre les espèces et qui vise la régénérescence de la flore. Au début de l’été, le collectif Parsi Parla, un groupe d’étudiants français et québécois finissants à la maîtrise en création numérique de l’UQAT, nous invite à vivre et ressentir ce monde inconnu. La forêt numérique prendra place du 22 au 24 juin près de Rouyn-Noranda, en plein cœur de la forêt du lac Kiwanis, au moment où le soleil se couche. Projections vidéo, capteurs interactifs, sons et bruits amplifiés, stéréoscopie, hologrammes, etc. Un espace sensoriel conçu pour une expérience de proximité avec une nature invisible, à parcourir seul ou en famille. Un parcours en pleine immersion à travers les sentiers pédestres : arbres, racines, champignons sauvages, nuées d’insectes et quelques animaux. Une installation lumineuse,

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PHOTOS : COLIN MALGOGNE

interactive, qui nous poussera à marcher, à toucher et à vivre des sensations, mais aussi à être surpris et à découvrir un monde secret et interrelié que nous ne voyons pas. On nous promet également un feu de forêt avec la peur que cette tourmente provoque dans la nature, chez les animaux et par extension chez nous, qui sommes en interaction avec celle-ci. Le numérique nous convie ici à passer du virtuel et de l’expérimental vers le réel dans une expérience collective qui transcrit les vibrations de la forêt pendant qu’on y déambule, comme si nous étions tous connectés à nos cordes sensibles en même temps. Et si La forêt numérique nous proposait ainsi une régénération de la nature comme un happy ending?


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CALENDRIER CULTUREL JUIN 2018 Gracieuseté du Conseil de la culture de l’Abitibi-Témiscamingue

FESTIVALS ET ÉVÉNEMENTS

DIVERS

Festival des guitares du monde en Abitibi-Témiscamingue 26 mai au 2 juin Rouyn-Noranda

Sandarbh/Référence Sashikanth Thavudoz Jusqu’au 3 juin L’Écart (RN)

Festival de musique country de l’Abitibi-Témiscamingue 31 mai au 2 juin Complexe Desjardins (Amos)

Migration numérique Jean-Ambroise Vesac Jusqu’au 3 juin L’Écart (RN)

Festival de contes et légendes en Abitibi-Témiscamingue 5 au 10 juin Val-d’Or

Quelque part en avril André Gagnon Jusqu’au 3 juin L’Écart (RN)

Festival western d’Abitibi-Ouest 8 et 9 juin La Sarre

Marcher dans le ciel Annie Boulanger et Sonia Cotten Jusqu’au 10 juin Centre d’art Rotary (La Sarre)

Pow-wow Abitibiwinni 9 et 10 juin Pikogan Fête du solstice d’été Événement médiéval 15 et 16 juin Barraute

CINÉMA Jalouse Jusqu’au 7 juin Le Rift (Ville-Marie)

BLEU : Pantone 306 U

L’apparition Xavier Giannoli 4 juin Théâtre du cuivre (RN) Origami Patrick Demers 11 juin Théâtre du cuivre (RN) La mort de Staline Armando Iannucci 18 juin Théâtre du cuivre (RN)

EXPOSITIONS Se prémunir contre l’irrationnel Mathieu Gotti Jusqu’au 3 juin Centre d’exposition d’Amos Parade nuptiale Jaber Lutfi Jusqu’au 3 juin Centre d’exposition d’Amos

Modèles vivants en stéréoscopie Isabelle Roby et Violaine Lafortune Jusqu’au 16 juin La Fontaine des Arts (RN) Des mondes à créer : jeux de formes, de matières et de lumière Jusqu’au 17 juin Centre d’exposition de Val-d’Or À hauteur d’enfants Jusqu’au 17 juin GRIS : Pantone 423 U Centre d’exposition de Val-d’Or Hétérotrophies Marie-Ève Martel Jusqu’au 17 juin Centre d’exposition de Val-d’Or Dominique Godbout, notaire Jusqu’au 15 juillet Société d’histoire et du patrimoine de la région de La Sarre Je ne voulais pas marcher sur un ours Stéphanie Matte 21 juin au 29 juillet Centre d’exposition d’Amos Des buttes et de la sculpture Joanne Poitras 21 juin au 2 septembre Centre d’exposition d’Amos Triennale en métiers d’art 21 juin au 2 septembre Centre d’art Rotary (La Sarre)

Aki Odehi, cicatrices de la Terre-Mère 22 juin au 26 août Centre d’exposition de Val-d’Or

Souper suivi d’une soirée dansante 2 juin Cité étudiante Polyno (La Sarre)

La forêt numérique Parsi Parla 22 au 24 juin Forêt Kiwanis (RN)

Présentation des armoiries familiales Willie Gagnon 2 juin Sous-sol de l’église (Saint-Mathieud’Harricana)

Jana Sterbak à Rouyn-Noranda 27 juin au 9 septembre MA, musée d’art (RN)

LITTÉRATURE Rencontre avec le public Éditions du Quartz 2 juin Le Service scolaire (RN) Librairie Au Boulon d’ancrage (RN) Lancement du recueil de nouvelles Abitibi Montréal 2 juin L’Écart (RN) Lancement du recueil de poésie Mémoire des morts 6 juin Cabaret de la dernière chance (RN) Heure du conte Maurice Bélanger 9 et 12 juin Bibliothèque municipale d’Amos Vente annuelle de livres 20 et 21 juin Aréna Jacques Laperrière (RN)

Embellir Val-d’Or Conférence de Serge Fortier 7 juin Salle Félix-Leclerc (VD) École nationale de l’humour, cuvée 2018 13 juin Vieux bureau de poste (Béarn) Fiasco! 13 au 29 juin Agora des arts (RN) Contes en souffrance 14 juin Salle Félix-Leclerc (VD) Le Groenland en kayak Conférence de Dominique Jolette et Véronique Coulombe 21 juin Salle Témabex (RN) 100 ans d’Authier Brunch et souper retrouvailles 30 juin Authier

MUSIQUE J’avais rêvé… 5 ans déjà! Centre de musique et de danse 2 et 3 juin Salle Félix-Leclerc (VD) Rêver Brodway Orchestre la Bande sonore 10 juin Petit Théâtre du Vieux Noranda (RN) Un vent de liberté Chorale En sol mineur 10 juin Théâtre du cuivre (RN)

Pour qu’il soit fait mention de votre activité dans ce calendrier, vous devez l’inscrire vous-même, avant le 20 de chaque mois, dans le calendrier qui est accessible sur le site Web du CCAT, au ccat.qc.ca. L’Indice bohémien n’est pas responsable des erreurs ou des omissions d’inscription.

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Prix Partenariat remis par L’Indice bohémien

en e c n e l l e c x e Prix d’

8 1 0 2 E R U T L U ARTS et C

Ha, Eugène, quelle aventure! Rêver d’avoir une auberge dans un lieu paisible avec un décor grandiose… C’était mon seul souhait. Sans même trop évaluer la grandeur du projet et toutes ces facettes connexes, j’ai sauté dedans à pieds joints en m’accrochant à ma bonne étoile, elle qui a toujours su rendre ma vie un peu magique. Rêvant d’accueillir et de partager avec des inconnus la beauté de notre territoire, il fut donc essentiel pour moi que l’imposante maison ancestrale soit un reflet de moi, de notre région, de nous. Dans ce beau Témiscamingue aux maillages serrés, l’intégration prend souvent l’apéro avec l’implication; il faut parfois être au rendez-vous pour faire connaissance. Le Théâtre du Rift et Eugène sont devenus bons amis avec leur désir commun de contaminer la vie par la culture. Coup de main, entraide et soutien, le cœur de leur relation L’ancienne maison du docteur débordant d’histoires du passé s’actualise dans sa variété culturelle qu’elle abrite sous son toit. Belle maison aux murs poétisés par des artistes peintres de notre région échancrée. Sur ces mêmes murs, résonne à plusieurs reprises dans l’année un son émergeant, un son doux ou enlevant qui nous chavire ou nous fait danser. Eugène, tu entasses à ton bar curieux et épicuriens avides de découvrir ou de réentendre la musique encore et encore. Dans ta maison tu reçois artistes et spectateurs, conviés dans une proximité à un moment d’intimité privilégié. Sur la route incontournable des petites scènes de la région, tu rayonnes, Eugène, avec ton accueil et ta simplicité. En ce début de saison, je regarde Eugene, la montagne russe du parcours et la promesse de l’avenir et j’ose espérer l’image d’un carrefour. Là où les oreilles, les yeux et la bouche se rencontrent pour s’animer, pour faire la fête, pour s’éclater, mais surtout pour découvrir et partager. Merci de venir à notre rencontre. Marie-Joe Morin, propriétaire Eugène | Auberge – Bistro 8, Notre-Dame Nord, Ville-Marie (Québec) J9V 1W7 819 622-2233 contact@chezeugene.com

chezeugene.ca

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