MENSUEL • AVRIL 2020 • N°927 • 19 EUROS
Jurisprudence automobile www.jurisprudence-automobile.fr
Dossier
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VOIRIE
RÉGLEMENTATION ET VOIES DE RECOURS ■ Actualité Coronavirus Règles assouplies pour les contrôles techniques Voies communales Un texte pour renforcer les sanctions à l’encontre des conducteurs de poids lourds
■ Jurisprudence Décision du mois Inopposabilité au FGAO de la nullité pour fausse déclaration intentionnelle de risque ■ Cas pratique Les frais de gardiennage
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édito
DR
Assurance, en attendant le vaccin !
Lionel Namin, conseiller scientifique de Jurisprudence automobile
Ne faut-il pas alors créer, dans l’urgence, une loi portant reconnaissance d’un état de catastrophe sanitaire calquée sur le régime des catastrophes naturelles, pour permettre d’intervenir au titre de la perte d’exploitation sans dommages.
La pandémie n’épargne personne. Toute la communauté des professionnels agissant dans les secteurs d’activité couverts par la Jurisprudence automobile sont frappés par cette crise sanitaire unique que nous traversons. L’industrie et la distribution automobile sont à l’arrêt, les ateliers, même ouverts, en qualité d’activité essentielle à la vie de la Nation, ont peu voire plus de travail ; de même pour les experts en automobile. Et les assureurs ? On imagine, tout de suite, que ces professionnels du risque font face à un afflux, sans précédent, de sinistres déclarés par toutes les entreprises confinées dans le pays pour les indemniser de leurs pertes d’exploitation, estimées à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Or, il n’en est rien. Le coronavirus est aussi passé par là, en s’attaquant aux fondamentaux techniques de l’assurance qui reposent sur la mutualisation et l’aléa. Les deux ont disparu avec ce virus. Dans ces conditions les assureurs ne sont pas techniquement armés pour renoncer à l’exclusion de la perte d’exploitation sans dommages prévue dans les contrats. Les primes qui ont été versées par les assurés, et en conséquence les provisions qui ont été constituées, sont insuffisantes au regard de ce risque systémique. Ne faut-il pas alors créer, dans l’urgence, une loi portant reconnaissance d’un état de catastrophe sanitaire calquée sur le régime des catastrophes naturelles, pour permettre d’intervenir au titre de la perte d’exploitation sans dommages. Oui pour l’avenir, après la crise, mais pas pour maintenant. Même portée par une de ces ordonnances, prises pour faire face à cette crise sanitaire, celle-ci ne pourra pas juridiquement reconnaître un état de catastrophe qui
n’existe pas en droit dans la mesure où la loi n’est pas rétroactive. Et puis les mêmes causes produisant les mêmes effets, le financement de ces garanties d’assurance serait encore une fois illusoire. En attendant le vaccin de type assurantiel, les assureurs ne font pas rien, bien au contraire. Au titre de la solidarité, la Fédération française de l’assurance (FFA) a déjà annoncé que ses sociétés membres allaient contribuer à hauteur de 200 millions d’euros au Fonds de solidarité mis en place par les pouvoirs publics en faveur des TPE et des indépendants, des secteurs particulièrement touchés par les conséquences économiques, financières et sociales du virus Covid-19. Et individuellement, tous les assureurs sont sur le pont pour maintenir la continuité de leurs services auprès de leurs assurés, grâce au télétravail et la digitalisation des process. Pour faire face aux conséquences de cette crise sur les trésoreries de leurs assurés entreprises et professionnels, des mesures ont été prises pour conserver en garantie les contrats des entreprises en difficulté en cas de retard de paiement suite à la pandémie, et pour traiter prioritairement les sinistres et libérer ainsi des flux financiers. C’est particulièrement vrai en assurance automobile où la gestion des sinistres n’est pas bloquée alors que, concomitamment, on recense 18 % des ateliers encore ouverts. Les expertises sont majoritairement faites à distance et les rapports sont déposés plus rapidement, sans attendre la facture des travaux, facilitant ainsi le versement des indemnités directement sur le compte des assurés. ■
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Sommaire
Avril – N° 927 Revue mensuelle fondée en 1929 Téléphone : 01 77 92 92 92 Président Julien Elmaleh Directeur général délégué pôle retail et assurance-finance Jean-Baptiste Alline Directrice des éditions Véronique Crouzy Rédaction Géraldine Bruguière-Fontenille (9976) Conseil scientifique Lionel Namin, conseiller Comité de pilotage Ch. Aronica, directeur juridique de la Fiev ; S. Brousseau, docteur en droit ; J.-B. le Dall, avocat à la cour, docteur en droit, Ireda ; N. Giroudet-Demay, avocat à la cour d’appel de Paris ; L. Grynbaum, professeur à l’université Paris-Descartes ; Chr. Lièvremont, docteur en droit, avocat au barreau de Mulhouse ; L. Mercié, avocat au barreau de Paris, cofondateur de l’Association des avocats de l’automobile ; J. Péchinot, ancien responsable du marché automobile de la FFSA ; E. Peronet, juriste, DEA droit des contrats ; Ph. Ravayrol, avocat à la cour d’appel de Paris. Ont participé à ce numéro : L. Namin, I. Vingiano-Viricel, G. Defrance, P. Dupuis, B. Hédin, N. Giroudet-Demay Réalisation Directrice des réalisations : P. Larguier (92 53) ; secrétaires de rédaction : X.Delecroix et Ch. Nicolas ; 1er rédacteur graphiste :T. Chaulet; rédacteur graphiste : C. Place ; service photo : S. Minien (chef de service) et L. Martini ; infographies : D. Guéret Marketing - Diffusion - Abonnement Directeur : Guillaume de Corbière Directrice marketing direct et diffusion : Laurence Vassor ; Marketing direct abonnement : Céline Bellon ; Gestion abonnements : Nadia Clément ; Marketing : Florence Duflos Directeur publicité : Philippe Cambaud-Pinon (92 82) Pour s’abonner Web : www.argusdelassurance.com. Service clients : (+ 33) 01 77 92 99 14 Tarifs abonnement France TTC (TVA 2,1 %) 1 an (11 numéros) : 219 €. Étranger : nous consulter. Règlement à l’ordre de Jurisprudence automobile (pour la CEE, préciser le numéro de TVA intercommunautaire). Jurisprudence automobile est éditée par Groupe Industrie Services Info, société par actions simplifiée au capital de 38 628 352 €. Siège social : 10, place du Général-de-Gaulle, 92160 Antony. RCS Nanterre 442 233 417. Siret : 442 233 417 00041.TVA : FR29442233417. Principal actionnaire : ETAI. Directeur de la publication Julien Elmaleh. Impression : Imprimerie de Champagne, ZI Les Franchises, 52 200 Langres. Paris ISSN 1153 5903 – CPPAP n° 1221 T 81221 Origine du papier : Allemagne Ce papier provient de forêts gérées durablement et ne contient pas de fibres recyclées. Impact sur l’eau (P tot) : 0,016 kg/tonne
Actualité 6 Coronavirus Règles assouplies pour les contrôles techniques Coronavirus Bonus : allongement des délais pour les véhicules électriques
7 Coronavirus Aide aux entreprises, les assureurs s’engagent 8 Voies communales Un texte pour renforcer les sanctions à l’encontre des conducteurs de poids lourds Code pénal « Rationnaliser » l’irresponsabilité pénale
9 Sécurité routière La mortalité routière en baisse en février Sécurité routière Sur la route, pas d’égalité hommes-femmes
Jurisprudence LA DÉCISION DU MOIS
26 Assurance automobile
obligatoire Inopposabilité au FGAO de la nullité pour fausse déclaration intentionnelle de risque
CODE DE LA ROUTE ET INFRACTIONS PÉNALES 30 La jurisprudence en bref ACCIDENTS DE LA CIRCULATION ET ASSURANCE 38 La jurisprudence en bref COMMERCE ET SERVICES DE L’AUTOMOBILE 44 La jurisprudence en bref
Cas pratique 50 Les frais de gardiennage
Dossier VOIRIE: RÉGLEMENTATION ET VOIES DE RECOURS
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UNE PUBLICATION DE
12 Réglementation Les autorités compétentes en matière de police de la circulation 16 Dommage La responsabilité pour défaut d’entretien normal de la voie publique à l’égard de l’usager 20 Réparation Accident de passage a niveau : quel régime d’indemnisation ?
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Actualité Coronavirus
règles assouplies pour les contrôles techniques Les centres de contrôle technique des véhicules sont autorisés à rester ouverts durant la période de confinement. Et les délais sont allongés pour réaliser les contrôles.
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a ministre de la Transition écologique et solidaire, élisabeth Borne, et le secrétaire d’état chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, ont annoncé des mesures d’assouplissements des règles en matière de contrôle technique: «Malgré les restrictionsdecirculationenraison de la lutte contre le Covid-19, de nombreuxvéhiculesdoiventcirculer dans les prochaines semaines, notamment pour l’approvisionnement des denrées alimentaires, la livraison de gaz médicaux indis-
pensables au fonctionnement des respirateurs artificiels, la livraison de carburants, le transport en commundepersonnesoupourles particuliers qui doivent travailler.» allongement des délais Une tolérance de trois mois est également accordée pour les délais du contrôle technique des véhicules légers. Cette tolérance s’applique également aux délais prévusparlaréglementationpour réaliserlescontre-visitesdesvéhicules légers. Un délai de tolérance
réglementation des contrôles techniques L’article R.323-22 du code de la route prévoit que les véhicules légers doivent faire l’objet d’un contrôle technique dans les six mois précédant l’expiration d’un délai de quatre ans à compter de la date de leur première mise en circulation puis tous les deux ans. Un contrôle technique complémentaire est également à réaliser entre deux contrôles périodiques pour les véhicules de catégorie N1. Les articles R.323-23 et suivants du code de la route indiquent que les véhicules employés au transport en commun de personnes et les véhicules lourds doivent faire l’objet d’un contrôle technique tous les six mois ou tous les ans.
de quinze jours est accordé pour les délais du contrôle technique de ces véhicules lourds. ■ Géraldine Bruguière-Fontenille
source Ministère de la Transition écologique et solidaire
Coronavirus
Bonus : allongement des délais pour les véhicules électriques Le bénéfice du bonus de 6000 € pour les personnes physiques et morales ayant commandé un véhicule électrique fin 2019 et devant être livrés avant le 31 mars est reporté au 15 juin 2020.
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e décret du 30 décembre 2019 relatif aux aides à l’acquisition ou à la location des véhicules propres a diminué les montants du bonus au 1er janvier 2020. Pour tenir compte des retards de livraison dus à la crise sanitaire, l’administration a reporté la date limite de livraison de véhicules au 15 juin, pour permettre aux entreprises de bénéficier des montants du bonus en
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vigueur en 2019, soit 6000 € au lieu de 3000 €. Le décret du 30 décembre 2019 relatif aux aides à l’acquisition ou à la location de véhicules propres prévoit qu’à partir du 1er janvier 2020, les entreprises peuvent bénéficier d’un bonus d’un montant de 3000 € pour l’achat d’un véhicule électrique, contre 6000 € en 2019. Par un courrier daté du 22 mars, la Direction générale de
l’énergie et du climat (DGEC) a octroyé un délai supplémentaire de deux mois après la date de fin des mesures préventives prévues dans l’arrêté du 14 mars relatif à la lutte contre le virus Covid-19, soit jusqu’au 15 juin. Ainsi, les véhicules neufs commandés avant le 31 décembre 2019 pourront bénéficier des conditions 2019 dès lors qu’ils seront facturés avant le 15 juin 2020. « Le
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CNPA se félicite de ce report, qui constituait une demande forte des entreprises du commerce et des services de l’automobile. Celles-ci subissent depuis de le début de la crise sanitaire une chute d’activité sans précédent, avec des pertes économiques associées considérables. Il était ainsi nécessaire de prévoir un assouplissement de certaines dispositions réglementaires afin de rassurer les entreprises en cette période de crise et ne pas engendrer de coûts et des complexités supplémentaires », a indiqué le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) dans un communiqué. ■ G.B.-F.
source CNPA
Actualité Réparation Les coûts augmentent
CoRonavIRus
aide aux entreprises, les assureurs s’engagent Dans le prolongement des mesures d’urgence annoncées mi-mars par le gouvernement, la Fédération française de l’assurance (FFA) a annoncé des mesures de solidarité en faveur des petites entreprises. Les entreprises du secteur automobile seront concernées en tant qu’acteurs économiques et en tant qu’assurés.
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es membres de la FFA s’engagent à contribuer à hauteur de 200 M€ au Fonds de solidarité mis en place par les pouvoirs publics en faveur des TPE et des indépendants, des secteurs particulièrement touchés par les conséquences économiques, financières et sociales du virus Cov id-19 , a a n noncé la Fédération française de l’assurance dans un communiqué daté du 23 mars. Les assureurs s’engagent également à différer le paiement des loyers pour les PME et les TPE appartenant à l’un des secteurs dont l’activité est interrompue en application de l’arrêté du 15 mars 2020. « Dans cette crise mondiale sanitaire et financière inédite, la priorité des assureurs est d’assurer la continuité de leurs activités pour protéger au mieux leurs clients. Les assureurs ont à cœur de prendre part au mouvement de solidarité nationale, aux côtés des pouvoirs publics, pour venir en aide aux personnes et entreprises les plus fragiles » a déclaré Florence
Lustman, présidente de la Fédération française de l’assurance. « Il est de notre devoir à tous de nous inscrire dans ce mouvement d’union nationale pour sortir ensemble au plus vite de cette crise », a-t-elle ajouté. Retard de paiement des cotisations d’assurance Ces annonces s’ajoutent à celles faites quelques jours plus tôt toujours en faveur des artisans, commerçants, des professions libérales et plus généralement les TPE. Les assureurs ont en effet pris l’engagement de conser ver en garantie les
contrats des entreprises en difficulté en cas de retard de paiement suite à la pandémie, et ce pour toute la durée de la période de confinement. « Cette mesure de solidarité concrète permettra aux professionnels les plus touchés de poursuivre leur activité en restant couverts pour leurs risques assurés », a déclaré Florence Lustman. ■ G.B.-F.
source Fédération française de l’assurance (FFA)
Qu’est-ce que le fonds de solidarité ? Le fonds de solidarité est un fonds créé par l’État et les Régions pour prévenir la cessation d’activité des très petites entreprises (TPE), microentrepreneurs, indépendants et professions libérales, avec un chiffre d’affaires annuel inférieur ■
à 1 M€ et un bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 €. Il concerne les entreprises qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public ou d’une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % en mars 2020 par rapport à mars 2019.
Selon les chiffres de l’association Sécurité et réparation automobile (SRA), l’augmentation du coût total de la réparation en 2019 est de 5%. En particulier, l’augmentation du prix des pièces par les constructeurs est de 6,8%. Le prix des pièces représente ainsi 50,3% du coût total de la réparation. Le coût de la main-d’œuvre progresse quant à lui de 3,6%.
Immatriculation L’occasion progresse
En février 2020, avec 167784 immatriculations, le marché français des voitures particulières neuves est en baisse de 2,7% par rapport à février 2019 selon les chiffres du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA). Le marché du véhicule d’occasion en février 2020 est estimé à 496225 voitures particulières, soit une hausse de 8,6% par rapport à février 2019.
Conduite Disposition sur l’enseignement
Un décret n°2020-142 du 20 février 2020 définit le contrat type d’enseignement de la conduite, qui devra être respecté par les parties. Ce contrat porte notamment sur les conditions et les modalités de l’enseignement de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière, la date de prise d’effet et la durée du contrat, le prix de la formation… Il entre en vigueur au 1er juin 2020.
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Actualité Voies communales
un texte pour renforcer les sanctions à l’encontre des conducteurs de poids lourds Une proposition de loi entend mettre en place une amende délictuelle de 15000 € ainsi qu’un retrait de points pour l’infraction de non‑respect par les conducteurs de l’interdiction permanente prise par l’autorité investie du pouvoir de police d’accéder à certaines routes communales.
u
n groupe de députés, emmenés par le député Les Républicains de Seine-etMarne, Jean-Louis Thiériot, a déposé une proposition de loi le 4 février dernier à l’A ssemblée nationale. Elle a pour objet de modifier le code de la route en créant un nouvel article L. 411-9 afin de durcir les sanctions pour l’infraction de non-respect d’accéder à certaines routes communales. Les députés sont partis du constat qu’à l’heure actuelle, les deux tiers du trafic routier s’écoulent sur les voies communales. Pour certaines de ces routes, le maire peut limiter
l’accès à certaines catégories de véhicules, en application de ses pouvoirs de police (L. 411-1 et suivants du code de la route). Il peut également interdire de manière permanente l’accès aux poids lourds dépassant une certaine charge afin de préserver la tranquillité et la sécurité des habitants de la commune, mais également l’état des routes dont les frais de remise en état incombent à la commune propriétaire de la voirie. L’article R. 411-17 du code de la route prévoit, pour le conducteur ne respectant pas l’interdiction permanente prise par le maire, une contravention de
4 e ou 5e classe selon la dangerosité de la route empruntée, soit au maximum 1 500 € d’amende. « Cette sanction n’est que très peu dissuasive d’une part en raison du faible montant de l’amende, d’autre part en raison de la prise en charge par l’entre‑ prise commettante qui trouve un intérêt financier à régler la contravention plutôt que de s’assurer du contournement de l’axe interdit à la circulation des plus de 35 tonnes. Plus encore, elle contrevient à la fonction d’ intimidation de la sanction pénale, qui doit normalement susciter la crainte et, par consé‑ quent, empêcher les individus
de commettre une infraction », indiquent les députés dans l’exposé des motifs. Et d’ajouter : « cette proposition de loi vise justement à délictualiser la pré‑ sente infraction » en la sanctionnant d’une amende délictuelle de 15 000 €, ainsi qu’un retrait de points équivalant à la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire. ■ G.B.-F.
source Proposition de loi n°2635 rectifié, enregistrée à l’Assemblée nationale le 4 février 2020
code pénal
« Rationnaliser » l’irresponsabilité pénale Une proposition de loi envisage d’instaurer une clause d’exclusion du cas d’irresponsabilité pénale de l’auteur d’une infraction d’une particulière gravité, dès lors que le trouble psychique ou psychologique ayant aboli le discernement de la personne au moment des faits, résulte de la consommation de substances entravant le jugement et les réflexes.
«s
i le cas d’irresponsabilité pénale, reconnu par l’abolition de la capacité de discer‑ nement existe, il ne peut être moralement soutenu, lorsque celui‑ci résulte d’une consomma‑ tion volontaire de produits ayant entrainé l’infraction jugée», peuton lire dans l’exposé des motifs de la proposition de loi déposée
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par plusieurs députés emmenés par le député Les Républicains éric Pauget. Les députés s’interrogent notamment sur le fait que la consommation de drogues illégales, puisse dissimuler l’objet de poursuites pénales, alors que la consommation d’alcool, pourtant légale, constitue à juste titre, une circonstance aggravante de la
majeure partie des infractions. Ils proposent donc d’ajouter un alinéa à l’article 122-1 du code pénal rédigé comme suit: «Le trouble psychique ou psychologique ayant aboli le discernement de la personne au moment des faits n’entraîne pas son irresponsabilité, s’il résulte de la consommation volontaire et librement consentie
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d’alcool, de stupéfiant ou de subs‑ tances psychotropes, qui n’ont pas fait l’objet d’une prescription médicale légalement autorisée ». ■ G.B.-F.
source Proposition de loi n°2641, déposée à l’Assemblée nationale le 4 février 2020
Actualité SÉCURITÉ ROUTIÈRE
La mortalité routière en baisse en février L’Observatoire national interministériel de la sécurité routière a publié les derniers chiffres de la mortalité routière. S’ils sont en baisse en métropole, ils progressent en Outre-mer.
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elon les estimations de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), 222 personnes sont décédées sur les routes en février 2020 en France métropolitaine, contre 254 en février 2019, soit 32 personnes tuées en moins (-12,6 %), alors même que le mois de février 2020 compte un jour de plus que le mois de février 2019.
Les autres indicateurs sont également à la baisse. Le nombre d’accidents corporels s’établit à 3 944 contre 3 978 en février 2019, soit 34 accidents corporels de moins (-0,9 %). Le nombre de blessés est de 4 782 personnes contre 4 849 en février 2019, soit 67 personnes de moins (-1,4 %). Selon l’ONISR, cette baisse de la mortalité concerne essentiellement les
automobilistes, les piétons et les cyclistes, alors que la mortalité des motocyclistes est en hausse et celle des cyclomotoristes est stable. Mortalité routière en hausse en Outre-mer Selon l’ONISR, le nombre de personnes ayant perdu la vie sur les routes d’Outre-mer en février 2020 s’élève à 18 personnes, soit
5 de plus qu’en février 2019. Et le nombre des accidents corporels s’élève à 252 en février 2020. Pour les blessés, l’ONISR enregistre 338 personnes blessées en février 2020. ■ G.B.-F.
Source Site de la sécurité routière
SÉCURITÉ ROUTIÈRE
Sur la route, pas d’égalité hommes-femmes À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la sécurité routière a mis en avant quelques chiffres sur l’accidentologie en fonction du sexe. Les chiffres démontrent que les femmes causent moins d’accidents et meurent moins sur la route.
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ne femme est tuée chaque jour dans un accident de la route dont le responsable est un homme. En 2018, les femmes représentaient moins d’un quart des auteurs présumés d’accidents mortels sur la route, et seulement 17,8 % des permis de conduire invalidés, indique l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR).
■ G.B.-F.
Source ONISR
Jurisprudence automobile
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Dossier
Voirie: réglementation et voies de recours
Géraldine Bruguière-Fontenille
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ui gère le réseau routier ? Le maire, le préfet, parfois, le conseil général, tous ont la possibilité de réglementer la circulation des voies en fonction des lieux et des situations (lire p. 12). Des situations qui peuvent parfois être accidentogènes. Nid de poule, chute d’arbre sur la voie, chute d’une barrière de péage autoroutier… ces situations sont fréquentes et parfois causes d’accidents. Se pose alors la question des voies de recours et de la recherche de responsabilité. Qui est responsable en cas de défaut d’entretien de la voirie ? Quand la responsabilité de la personne publique peut-elle être engagée ?, que dit la jurisprudence en la matière (lire p. 16). Et si la logique voudrait que la loi Badinter soit applicable, il est des cas où les victimes d’accident ne pourront pas être indemnisées sur son fondement. Le code civil reprend alors ses droits, en particulier, en cas d’accident de passage à niveau, de plus en plus fréquents aujourd’hui comme on le découvrira p. 20. Plongée dans les voies de la réglementation de la voirie routière. ■
Sommaire
12 Réglementation Les autorités compétentes en matière de police de la circulation 16 Dommage La responsabilité pour défaut d’entretien normal de la voie publique à l’égard de l’usager 20 Réparation Accident de passage a niveau : quel régime d’indemnisation ?
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Dossier ■
Voirie: réglementation et voies de recours
rÉGLeMeNtatiON
Les autorités compétentes en matière de police de la circulation Maire, préfet, président du conseil général… L’autorité compétente en matière de réglementation de la circulation varie en fonction des situations. Point sur la réglementation.
philippe Dupuis, consultant au Cridon Nord-Est
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L
’article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que : « Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l’intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l’État dans le département sur les routes à grande circulation. Les conditions dans lesquelles le maire exerce la police de la circulation sur les routes à grande circulation sont fixées par décret en Conseil d’État. Par dérogation aux dispositions des deux alinéas précédents et à celles des articles L. 2213-2 et L. 2213-3, des décrets peuvent transférer, dans les attributions du représentant de l’État dans le département, la police de la circulation sur certaines sections des routes à grande circulation. »
Ce pouvoir de police va essentiellement concerner la réglementation de la circulation et du stationnement, c’est une police spéciale. Pour les voiries départementales, le maire ne disposera de cette compétence qu’à l’intérieur des limites du territoire communal. Le terme d’agglomération doit être défini comme « un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés et dont l’entrée et la sortie sont signalées par des panneaux placées à cet effet le long de la route qui le traverse ou qui le borde » selon les dispositions de l’article R. 110-2 du code de la route. Il faut néanmoins garder à l’esprit que cette qualification d’agglomération ne dépend que du maire, puisqu’aux termes de l’article R. 44 du code de la route, c’est lui qui « fixe les limites des agglomérations ». Le fait que des immeubles ne soient bâtis que d’un
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Dossier
côté de la route ne vient pas perturber cette définition s’ils le sont de façon rapprochée et de plus, situés après le panneau réglementaire d’entrée d’agglomération (CA Douai 9 février 1995, Jurisprudence automobile 1995, p. 171). Par contre, le président du Conseil général disposera de ce pouvoir de police de la circulation pour les voies du département situées en dehors de l’agglomération. L’article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précise que : « Le président du Conseil général gère le domaine du département. À ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l’État dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l’État dans le département prévu à l’article L. 3221-5. » Le préfet exercera cette police à l’intérieur du territoire communal, et ce, même en agglomération si la voie est classée à grande circulation (art. L. 2213-1). L’article R. 2213-1 du CGCT énonce néanmoins que : « Les pouvoirs dévolus au préfet sur les routes à grande circulation ne font pas obstacle à la mise en application immédiate des mesures de police que le maire juge nécessaire de prendre dans le cas d’urgence résultant notamment de sinistres ou de périls imminents. » Au cas où un arrêté municipal influerait sur la circulation d’une route qui, quoi que comprise dans le territoire communal, n’en relèverait pas pour autant de la réglementation de la circulation (cas typique d’une route départementale), la conduite à suivre
■ cas
pratique
ta Melun, 4 février 2010 sarL trans cars, sarL private cars c/ commune de rungis, req. n° 0602077 : « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les arrêtés n° 04.013 du 6 février 2004 et n° 04.069 du 23 août 2004 n’ont pas été pris en commun avec le maire de Wissous alors qu’il est établi qu’ils influent sur les conditions de circulation sur la voie des Groux, située dans la commune de Wissous, compte tenu de la configuration des lieux précédemment décrite ; qu’ainsi, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que lesdits arrêtés sont entachés d’incompétence et que la décision du 27 janvier 2006, en tant qu’elle refuse de les abroger, est illégale ;» Les faits : un arrêté de limitation de circulation Le maire de Rungis édicte une série d’arrêtés qui aboutissent à interdire la circulation des véhicules d’un tonnage supérieur à 3,5 tonnes sur une voie communale. Rien que de très banal, nonobstant le fait que cela revient en pratique à interdire à deux sociétés exploitant de tels véhicules de les utiliser. En effet, ces deux sociétés dont le siège se trouve dans la commune voisine de Wissous ne peuvent quitter cette commune qu’en empruntant une voie dénommée « voie des Groux » qui aboutit nécessairement à la portion de voirie de la commune de Rungis objet des arrêtés sus-évoqués. Évidemment, le juge aurait pu examiner les problèmes classiques que posent ces conflits. À savoir, l’usage des pouvoirs était-il proportionné aux faits que l’on entend circonscrire ? Ou bien encore le fait de savoir si la motivation des arrêtés correspondait bien à la matérialité des faits. Néanmoins, au-delà de ces problèmes classiques, le véritable intérêt du jugement est ailleurs. Le problème de droit est alors le suivant : le maire peut-il en réglementant la circulation dans sa commune, perturber la circulation dans une commune voisine ? un arrêté touchant deux villes : il faut l’accord des deux maires Il est bien sûr évident que le maire d’une commune peut décider de mettre en sens unique de circulation une route communale pour des motifs de police, comme par exemple pour compenser le tracé sinueux de la voie. Néanmoins, le cas est plus épineux lorsque cette voie publique, à l’instar de notre cas d’espèce, traverse deux ou plusieurs communes voisines les unes des autres. Dans ce cas la police de la circulation doit donc être exercée en commun par les deux maires. Cela pourra prendre alors la forme, soit de deux arrêtés identiques signés par le maire de la commune et valable sur son territoire uniquement, soit sous la forme d’un seul arrêté, signé cette fois par les deux maires conjointement. Au cas où aucune solution ne peut être trouvée, il sera alors possible au préfet d’utiliser les pouvoirs de l’article L.2215-1 du CGCT qui lui permettent de se substituer en tant qu’agent de l’État aux maires défaillants dans la prise d’une réglementation.
quant à la détermination des compétences respectives serait la suivante selon la jurisprudence du tribunal administratif de Lille, 26 janvier 1995, Préfet du Nord et SA SGTN, Petites Affiches du 18 juillet 1997, note Tachon. Dans le cas tranché par cette jurisprudence, la police de la circulation doit donc être exercée par le maire de la première des deux communes traversées par la voie et par l’autorité gestionnaire de la voie qui se trouve en dehors de l’agglo-
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mération, et ce, soit sous forme d’arrêtés concordants signés par chacun séparément, soit par un seul arrêté signé par les deux autorités compétentes (à savoir le maire et le président du Conseil général en tant qu’autorité de police sur cette voie). Enfin, il nous faut évoquer l’hypothèse où un arrêté influe sur la circulation d’une commune voisine. Le Conseil d’État, dans un arrêt Commune de Champagne-deBlanzac (CE 9 mai 1980, req. 13
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Voirie: réglementation et voies de recours
n° 15533), avait déjà jugé que l’accord du maire de la commune voisine était requis quand on voulait modifier la circulation sur une voie dont l’axe délimite le territoire de deux communes. Par la suite, la CAA de Douai est allée plus loin en affirmant : « Qu’une décision réglementant la circulation dans une commune, sur le fondement de ces dispositions, doit, lorsqu’elle a des conséquences sur les conditions de circulation d’une voie située sur le territoire d’une commune voisine, être prise en commun par les maires de ces communes ; que cette réglementation doit être édictée sous forme, soit d’arrêtés concordants signés par chacun d’eux, soit d’un arrêté unique signé par les deux maires », (Cour administrative d’appel de Douai, 25 mai 2004, n° 01DA00413, Guy Marin).
■ Lieux et déplacements concernés Le maire peut réglementer la circulation et le stationnement sur les voies publiques, mais pas seulement. Il lui est en effet possible d’agir sur : - les immeubles privés : le maire peut utiliser ses pouvoirs de police pour réglementer le stationnement de véhicules stationnés dans la cour intérieure d’un immeuble afin de faire respecter la réglementation des établissements recevant du public : CE, 21 juillet 1995, Épx Baverez, req. n°141617, Lebon T. 942: «Considérant que, par l’arrêté attaqué, le maire de Lyon a interdit le stationnement des véhicules dans la cour intérieure de l’immeuble situé 19, place Bellecour « pendant les heures de fonctionnement de la librairie Flammarion », pour le motif qu’un escalier de secours de la librairie aboutissait dans cette cour et qu’il y avait lieu d’assurer une évacuation sûre et en bon ordre de cet établissement ; que les dispositions du code de la construc14
tion et de l’habitation relatives aux établissements recevant du public ne faisaient pas obstacle à ce que le maire usât des pouvoirs généraux que lui confère l’article L. 131-2, 6° du code des communes pour « proscrire, par des précautions convenables […], les accidents et les fléaux calamiteux […] tels que les incendies […] » ; Mais considérant que, compte tenu de la configuration des lieux, et notamment de l’emplacement de l’issue de secours de la librairie, le maire a pris une mesure d’interdiction trop générale, entraînant pour les locataires des sujétions excédant celles qu’il pouvait légalement leur imposer dans l’intérêt de la lutte contre l’incendie ; que l’arrêté du 29 juin 1988 doit, par suite, être annulé. » - les places ou promenades publiques non ouvertes à la circulation publique : le maire peut valablement interdire la circulation sur les équipements publics non affectés spécifiquement à la circulation générale (CE, 22 avril 1960, Berthier : Lebon 264 ; RDP 1960, 1223, concl. Henry). Il en ira de même quant aux espaces verts et jardins qui sont des promenades publiques et non des voies affectées à la circulation générale : CE, 11 décembre 1985, ville d’Annecy, req. n° 67115, « Requête de la ville d’Annecy tendant : 1° à l’annulation du jugement du 9 janvier 1985 du tribunal administratif de Grenoble annulant à la demande de la société Cedam l’arrêté n° 83-428 du maire d’Annecy en date du 28 juin 1983 portant réglementation des activités sur les rives du lac, dans les squares,
Le maire peut valablement interdire la circulation sur les équipements publics non affectés spécifiquement à la circulation générale.
jardins publics et la forêt communale et de l’arrêté n° 83-429 portant réglementation des activités dans les voies publiques, notamment dans celles qui sont réservées aux piétons […] ; En ce qui concerne l’interdiction de la circulation des véhicules : Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que les espaces verts et jardins auxquels s’applique l’arrêté n° 83-428 ne constituent pas des voies publiques affectées à la circulation générale, mais des promenades publiques affectées en cette qualité à l’usage du public et aménagées à cette fin ; que, dès lors, le maire d’Annecy a pu légalement, par les dispositions des articles 3-1° et 14-1° de cet arrêté, y interdire la circulation des véhicules […]. » - les voies privées ouvertes à la circulation publique : le fait que la voie soit privée n’empêche nullement le maire d’intervenir. Il pourra par exemple y limiter le tonnage des véhicules y circulant (CE, 19 novembre 1975, Épx Roussel et sieur Beuriot : Lebon T. 900).
■ types de réglementations possibles Interdictions de circulation : le maire peut interdire la circulation de tous les véhicules automobiles à l’exception de ceux des riverains, des ambulances et voitures de médecins et des véhicules de déménagement et de livraison dans une rue particulièrement étroite, sans trottoirs, et où jouent habituellement de jeunes enfants (CE, 16 avril 1958, Cne de Roquefort-sur-Garonne: Lebon 209). Instauration d’un sens unique : le maire peut instituer un sens unique decirculationsurunchemincommunal dont le tracé sinueux gêne la visibilité (CE, 18 janvier 1974, Bonnement et autres : Lebon T. 883). ■ Source : Guide juridique de la voirie des collectivités territoriales, éditions Territorial
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DOMMAGE
La responsabilité pour défaut d’en de la voie publique à l’égard de l’u
Nid de poule, chute d’arbre, chute d’une barrière de péage autoroutier, … en quoi consiste un défaut d’entretien de la voirie ? Quand la responsabilité de la personne publique peut-elle être engagée ? Quelle est la jurisprudence en la matière ? Explications.
DR
■ Définition de l’usager de la voie publique
Bertrand Hedin enseignant à la faculté libre de droit de Lille, Université catholique
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L’usager de l’ouvrage public est celui qui, au moment de la survenance du dommage, utilisait effectivement celui-ci ou le travail qui est à son origine. Il s’agit donc d’une appréciation de fait qui donne lieu à une interprétation large du juge administratif. Sont ainsi considérés comme usagers ceux qui subissent un dommage du fait d’éléments accessoires de la voie publique, par exemple le dommage provoqué au véhicule de l’automobiliste par la chute d’un arbre ou d’un pylône, accessoires de la voie incorporés à celle-ci (CE, 25 novembre 1987, Trolle). La qualité d’usager est conférée indifféremment aux usagers réguliers de l’ouvrage et aux usagers irréguliers, anormaux de l’ouvrage. Les usagers qui subissent un dommage alors qu’ils sont en situation irrégulière ne sauraient logiquement bénéficier d’un régime de responsabilité sans faute. Leur situation est donc celle des usagers réguliers, à savoir qu’ils sont placés sur le terrain juridique de la responsabilité pour défaut d’entretien normal de la voie (CE, 30 octobre 1964, Piquet). Le
Conseil d’État a dès lors jugé que l’État était responsable de l’accident survenu à un enfant qui avait pu pénétrer sur une autoroute en profitant d’une brèche dans la clôture de protection de l’ouvrage public. Le juge fait ainsi peser sur le maître d’ouvrage une obligation d’assurer le respect de l’interdiction de pénétrer sur la voie publique, en particulier aux abords des zones d’habitations denses.
■ La notion de défaut d’entretien normal de la voie publique Les collectivités publiques en charge de la voirie sont tenues, en ce qui concerne l’entretien de celle-ci, non pas à une obligation de résultat, mais à une obligation de moyens. Il leur appartient de mettre en œuvre les moyens nécessaires afin de garantir la sécurité et la commodité des usagers de la voie publique. Les circonstances dans lesquelles survient un dommage à l’usager impacteront de manière certaine l’appréciation portée par le juge administratif. Le défaut d’entretien normal de la voie publique implique donc, sans aller forcément jusqu’à l’idée de faute
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entretien normal usager de la collectivité publique, un manquement à une obligation. Il pourra s’agir d’une négligence, d’une insuffisance ou encore d’une imprudence dans l’entretien de l’ouvrage public. En tout état de cause, ce régime juridique de responsabilité a ceci de favorable à la victime qu’il oblige la personne publique à démontrer qu’elle a satisfait à ses obligations d’entretien. La charge de la preuve est ainsi renversée, la victime du dommage n’a pas à prouver le défaut d’entretien, c’est à la collectivité de faire la démonstration de cet entretien normal. La personne publique doit démontrer que les conditions d’exécution des travaux, d’entretien ou de fonctionnement de l’ouvrage sont normales, étant précisé, comme souligné ci-avant, que l’entretien normal n’implique pas forcément une situation de parfait état de la voie publique ou une absence totale de risque pouvant peser sur la sécurité des usagers de la voie.
■ L’exemple des ponts
Le juge administratif a rendu récemment des décisions intéressantes à propos des ponts franchissant un cours d’eau ou une voie ferrée. Le juge a d’abord rappelé que les ponts sont au nombre des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées, de façon à assurer la continuité du passage. Il a ensuite énoncé que la circonstance que la construction du pont résultait d’une
décision de l’État de percer une voie fluviale nouvelle et qu’elle a été adaptée au gabarit de la navigation sur cette voie, n’avait pas pour effet de faire regarder ce pont comme incorporé au domaine public fluvial. Le pont, construit pour établir la continuité de la voie départementale de circulation routière, constitue dès lors un ouvrage appartenant à la voirie du département sur qui pèse par conséquent l’obligation d’entretien (CE, 26 septembre 2001, Département de la Somme, req. n° 219338). Le Conseil d’État a précisé, dans un arrêt Département de la Marne (CE, 23 juillet 2012, req. n° 341932) qu’il résultait des termes de l’article L. 131-2 du code de la voirie routière et de l’article L. 3321-1 du code général des collectivités territoriales (« Sont obligatoires pour le département : (…) 16° Les dépenses d’entretien et construction de la voirie départementale ») que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que le département conclue avec le propriétaire ou l’exploitant d’une voie (fluviale ou ferrée) franchie par un pont appartenant à la voirie départementale une convention mettant à la charge de celui-ci tout ou
La victime du dommage n’a pas à prouver le défaut d’entretien, c’est à la collectivité de faire la démonstration de cet entretien.
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partie des frais d’entretien de ce pont. Néanmoins, si le département peut, lorsqu’une telle convention a été conclue, réclamer sur ce fondement le versement d’une indemnité réparant le préjudice que lui a causé l’inexécution fautive du contrat par l’autre partie, il reste toutefois tenu, dans tous les cas, d’assurer l’entretien normal du pont en faisant procéder aux réparations nécessaires et en inscrivant les dépenses correspondantes à son budget. À défaut, sa responsabilité pour défaut d’entretien peut être engagée.
■ Hypothèses de défaut d’entretien de la voie publique Les hypothèses de défaut d’entretien sont multiples et diverses. Il peut s’agir, en premier lieu, des vices de conception ou des aménagements défectueux de la voie publique. On songe, par exemple, à la défectuosité d’une barrière d’un péage autoroutier qui, en se rabattant, viendrait percuter le véhicule automobile. Ceci nous amène de manière plus large aux hypothèses de mauvais entretien de la voie publique ou de ses accessoires. Une plaque de fonte faisant saillie sur le trottoir révèle un défaut d’entretien (CE, 9 juillet 1969, Ville d’Ajaccio), idem du revêtement défectueux ou des dénivellations anormales de la chaussée (CE, 7 juin 1985, Delorme). 17
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Voirie: réglementation et voies de recours
La présence d’objets ou d’obstacles sur la chaussée caractérise également un défaut d’entretien dès lors que les services d’entretien doivent veiller à ce que les matériaux et objets divers présents de manière intempestive sur la voie soient récupérés. Il s’agira indifféremment des objets abandonnés par des usagers de la voie peu scrupuleux ou encore d’objets sous la responsabilité des agents d’entretien (CE, 29 mars 1987, Société des autoroutes Paris-RhinRhône : défaut d’entretien normal résultant de la présence sur la chaussée de panneaux de signalisation mal fixés au sol et emportés par la tempête). Le contentieux résultant des accidents causés par les branches d’arbres présents sur la voie publique est également classique. À charge pour la personne publique de démontrer qu’elle avait pris toutes les précautions découlant du caractère plus ou moins prévisible de la dangerosité de l’arbre. Les contentieux résultant des dispositifs de signalisation fourmillent également dans la jurisprudence administrative. Ainsi l’absence ou l’insuffisance d’une signalisation constitue-t-elle un défaut d’entretien normal de la voie publique. Il appartient à l’administration de signaler de manière adéquate les travaux sur la voie, tels les creusements de tranchées, les excavations, mais aussi les phénomènes tels que les inondations, nappes d’eau sur la chaussée (CE, 1er juillet 1988, CPAM Saône-etLoire), les plaques de verglas, de boue ou encore les couches de gravillons. Cette signalisation doit être en adéquation, proportionnelle au danger encouru. Le juge apprécie au cas par cas les hypothèses. Il est ainsi considéré qu’était insuffisante la présence de deux panneaux interdisant la circulation aux extrémités d’une route en travaux dès lors que la circulation sur les chaussées latérales permettait l’accès au chantier 18
et donc maintenait le danger (CE, 11 juin 1969, Phelipon). Il faut ici préciser que la signalisation, aussi adéquate soit-elle, ne saurait utilement remplacer les travaux d’entretien ou de réparation qui s’imposent en certaines circonstances (CE, 1er avril 1981, Département du Calvados : la signalisation de la présence de boue sur la chaussée ne saurait exonérer la collectivité de son obligation de nettoyer ladite chaussée). Au final, toute la difficulté consistera pour le juge à déterminer si la collectivité publique a satisfait ou non à son obligation de moyens. Il n’est dès lors jamais acquis que de simples excavations ou « nids-de-poule », par exemple, suffisent à être considérés comme des défauts d’entretien normal. Le juge administratif fait preuve d’un certain pragmatisme en la matière, comme le révèlent les deux affaires suivantes : dans la première, le juge considère qu’est constitutif d’un défaut d’entretien normal un trou de 8 cm de profondeur et de 45 à 55 cm de diamètre, trou occasionnant un accident de circulation automobile (CE, 7 mars 1976, Yvrard) ; en revanche, ne constitue pas un tel défaut d’entretien l’interstice de faible dimension formé entre deux dalles de bordure d’un trottoir ayant causé la chute d’une piétonne, le talon de la chaussure s’étant trouvé coincé dans ledit interstice (CAA Paris, 15 mars 1994, Desbois). En tout état de cause, les insuffisances ou manquements de la collectivité dans l’entretien de la voie publique ne sauraient faire oublier qu’il appartient à tout usager d’adapter son comportement aux circonstances du moment. Les usagers sont censés connaître les dangers, les aléas habituels de l’utilisation des voies publiques. Ainsi, dans une affaire où un individu est victime d’un accident de moto, il est démontré que celui-ci est dû au décèlement des pavés sur la voirie, décèlement
Source: Guide juridique de la voirie des collectivités territoriales », éditions Territorial
créant un nid-de-poule de 7 cm de profondeur et que, compte tenu de l’étendue de la dégradation de la voirie, le seul constat du nettoyage régulier de la rue n’est pas suffisant pour considérer que la commune apporte la preuve d’un entretien normal de l’ouvrage. Toutefois, le juge prend en compte le fait que l’usager habitait près des lieux, empruntait quotidiennement la voie pour se rendre au travail et qu’il connaissait parfaitement le secteur. En conséquence, il lui appartenait d’adapter sa vitesse, d’être attentif à ce genre d’obstacle, fréquent sur ce type de voie et visible à l’heure de l’accident. L’inattention et l’imprudence fautive de la victime conduisent à exonérer la commune de toute responsabilité, ce d’autant plus que la victime n’était plus titulaire de son permis au jour de l’accident (TA Marseille, 17 janvier 2011, Commune de Fos-sur-Mer). Dans les régions habituées aux chutes de verglas, le juge considère que seule l’absence de signalisation des événements anormaux ou exceptionnels par leur ampleur constitue un défaut d’entretien normal (CE, 3 mars 1972, Lefranc). De la même manière, le juge prend en considération le temps de réaction ainsi que la régularité des interventions des services d’entretien de la chaussée pour envisager la responsabilité. Ne constitue pas un défaut d’entretien le défaut de signalement et d’enlèvement d’un rocher ayant causé un accident vers minuit dès lors que le service d’entretien avait effectué une ronde vers 19 h (CE, 17 mars 1971, Robin). Même conclusion s’agissant de la présence de plaques d’huile sur la chaussée dès lors que l’administration démontre qu’elle n’avait pas eu le temps matériel d’intervenir entre la connaissance de l’événement et le moment de la survenance de l’accident (CE, 10 octobre 1986, Susini). ■
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Voirie: réglementation et voies de recours
RÉPARATION
Accident de passage à niveau: quel régime d’indemnisation? Les victimes sont indemnisées en vertu des dispositions du code civil et ne peuvent bénéficier de la loi du 5 juillet 1985. L’opérateur ferroviaire peut leur opposer un comportement irrésistible et imprévisible.
R. DAUTIGNy
E Gérard Defrance magistrat
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n 2018, on dénombrait 96 collisions entre un train et un véhicule à un passage à niveau ayant fait 16 tués et 9 blessés graves. Les années précédentes, le bilan était encore plus lourd et notamment en 2017, année durant laquelle est survenu ce terrible accident qui a marqué les esprits impliquant un car scolaire et un TER à Milas dans les Pyrénées orientales faisant quatre morts et une vingtaine de blessés. Selon la Prévention ferroviaire, une collision entre un train et une voiture est mortelle une fois sur deux pour l’automobiliste, alors que 5 % des accidents de la route sont mortels. Près de 98 % des accidents routiers aux passages à niveau sont dus aux comportements des usagers de la route (impatience, habitude entraînant une baisse de vigilance, non respect du code de la route, dont vitesse excessive, passage en chicane, non arrêt à un stop). Selon la définition couramment utilisée, un passage à niveau est consti-
tué par un croisement à niveau, c’est-à-dire que les voies qui se croisent sont à la même hauteur – par opposition aux ponts et aux tunnels – d’une voie ferrée avec une voie routière. Par ailleurs, l’article R. 422-3 du code de la route prévoit plusieurs prescriptions qui doivent être respectées par les usagers de la route. Ainsi, ce texte dispose que : « I. - Lorsqu’une voie ferrée est établie sur une route ou la traverse à niveau, la priorité de passage appartient aux matériels circulant normalement sur cette voie ferrée, à l’exception des véhicules de transport public assujettis à suivre, de façon permanente, une trajectoire déterminée par un ou des rails matériels et empruntant l’assiette des routes dont les conducteurs doivent respecter les signalisations comportant des prescriptions absolues et les indications données par les agents réglant la circulation. II. Aucun conducteur ne doit s’engager sur un passage à niveau si son véhicule risque, du fait de ses caractéristiques techniques ou des condi-
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tions de circulation, d’y être immobilisé. Lorsqu’un passage à niveau est muni de barrières ou de demi-barrières, aucun usager de la route ne doit s’y engager lorsque ces barrières sont soit fermées, soit en cours de fermeture ou d’ouverture. Lorsqu’un passage à niveau n’est muni ni de barrières, ni de demi-barrières, ni de signal lumineux, aucun usager ne doit s’y engager sans s’être assuré qu’aucun train n’approche. Lorsqu’une traversée est gardée, l’usager de la route doit obéir aux injonctions du garde et ne pas entraver, le cas échéant, la fermeture des barrières. III. - Tout conducteur doit, à l’approche d’un train, dégager immédiatement la voie ferrée de manière à lui livrer passage. IV. - Les conducteurs de troupeaux doivent notamment prendre toute mesure leur permettant d’interrompre très rapidement le franchissement par leurs animaux du passage à niveau. V. - En cas d’immobilisation forcée d’un véhicule ou d’un troupeau, son conducteur doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour faire cesser le plus rapidement possible l’obstruction de la voie ferrée ou, à défaut d’y parvenir, pour que les agents responsables du chemin de fer soient prévenus sans délai de l’existence du danger. » Le conducteur qui contrevient à ces dispositions encourt une amende de la quatrième classe ainsi que la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en
dehors de l’activité professionnelle. En outre, cette contravention donne lieu de plein droit à une réduction de quatre points sur le permis de conduire. Du point de vue civil, il sera tenu compte du comportement de l’automobiliste au regard de ces dispositions pour décider de son droit à indemnisation, s’il est entier, partiel ou exclu. Reste à savoir quel est le régime d’indemnisation applicable à de tels accidents, et s’ils sont soumis à la loi du 5 juillet 1985, texte d’ordre public régissant la totalité des accidents de la circulation sauf exceptions prévues expressément par la loi. Or, l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 précise que « ses dispositions s’appliquent aux victimes d’accidents dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ». Il appartient à la jurisprudence de déterminer le champ d’application de cette exception tout en respectant le principe d’interprétation stricte. La notion de « voie propre » n’a pas été définie par la loi. La question se pose particulièrement en cas d’accident survenu sur un passage à niveau. La Cour de cassation a fourni une solution, dans le cas d’une collision
Près de 98 % des accidents routiers aux passages à niveau sont dus aux comportements des usagers de la route.
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entre un train et une automobile à un passage à niveau non gardé de la SNCF, excluant la loi du 5 juillet 1985 et appliquant l’article 1384, alinéa 1, du code civil à l’action en indemnisation de la victime. Elle a été d’ailleurs déboutée au motif que la faute commise par l’automobiliste constituait un événement ayant un caractère imprévisible et irrésistible exonérant la société nationale de sa responsabilité de gardien. En effet, le conducteur s’était avancé dangereusement sur le passage à niveau où les trains bénéficient d’une priorité absolue. La cour d’appel avait noté que s’il avait respecté l’obligation d’arrêter son véhicule, il n’aurait pas manqué d’apercevoir l’arrivée du train dont le signal sonore, la lumière des phares annonçait la présence et ce d’autant plus que le convoi circulait à faible vitesse (Civ. 2e, 17 mars 1986, Bull. n° 40, p. 26). Cette décision fut suivie d’autres arrêts statuant dans le même sens.
■ Champ d’application de la loi de 1985 Ainsi, dans des circonstances identiques, mettant en cause un convoi ferroviaire de la Régie départementale des transports des Bouches du Rhône qui est entré en collision avec une automobile à un passage à niveau non gardé, la Cour de cassation a relevé que la cour d’appel avait justement énoncé que les dispositions du chapitre 1er de la loi du 5 juillet 1985 ne sauraient être invoquées par la victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué 21
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Voirie: réglementation et voies de recours
un chemin de fer circulant sur une voie qui lui est propre. Le passage à niveau est donc un endroit où le train circule sur une voie qui lui est propre. Néanmoins, tout en se référant à l’article 1384, alinéa 1er du code civil, la Régie de chemin de fer n’a pas été exonérée de sa responsabilité de gardien. Les juges n’ont pas admis que le comportement du conducteur constituait un événement irrésistible et imprévisible, relevant qu’en raison de la configuration des lieux, dont le caractère dangereux, connu à la suite de plusieurs accidents, devait entraîner la pose ultérieure d’une barrière, la présence d’une voiture empiétant partiellement sur la voie du fait d’un blocage de la circulation n’était pas imprévisible pour le chauffeur du convoi (Civ. 2 e, 16 janvier 1991, n° 89-18.983). Dans une autre espèce, une cour d’appel avait énoncé, pour accueillir la demande de l’automobiliste en réparation de son préjudice sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, que le train ne circulait pas sur une voie qui lui était propre, dès lors qu’au passage à niveau la voie empruntée ne lui était pas « propre » mais était commune aux chemins de fer et aux usagers de la route. Cet arrêt fut cassé au motif que le train circulait sur une voie qui lui était propre au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985. La solution est claire et semble définitive (Civ. 2e, 19 mars 1997, Bull. n° 78, p. 44). Plus récemment, la Cour de cassation a d’ailleurs relevé qu’une voie ferrée n’est pas commune aux chemins de fer et aux usagers de la route, ces derniers pouvant seulement la traverser à hauteur d’un passage à niveau, sans pouvoir l’emprunter. La cour d’appel retient exactement que le train entré en collision avec le véhicule circulait, nonobstant la circonstance que l’accident soit survenu à un passage à niveau pouvant être emprunté par d’autre usagers, sur 22
une voie qui lui est propre. En conséquence, la cour d’appel a bien fait d’écarter la loi du 5 juillet 1985 (Civ. 2 e , 17 novembre 2016, n° 15-27.832). Dans une autre espèce, concernant une collision qui est survenue sur une route départementale, à un endroit où elle est traversée par les rails empruntés par un train touristique, une cour d’appel a accueilli la demande du motocycliste victime sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 au motif qu’au moment de l’accident la locomotive ne se trouvait plus sur la voie ferrée qui lui était strictement propre, mais sur la route ouverte aux autres usagers de la voie publique et qu’il en résulte que la voie ferrée avait perdu son caractère propre au lieu où s’est produit l’accident. Cet arrêt est cassé au visa de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, par la Cour de cassation qui relève qu’une voie ferrée n’est pas une voie commune aux chemins de fer et aux usagers de la route, ces derniers pouvant seulement la traverser, sans pouvoir l’emprunter. La loi du 5 juillet 1985 est donc exclue en l’espèce (Civ. 2e, 8 décembre 2016, n° 15-26.265). Il est donc acquis que la loi du 5 juillet 1985 ne s’applique pas en cas de collision entre un véhicule et un train à un passage à niveau. C’est l’article 1242, alinéa 1er, du code civil (précé-
Lorsqu’il est établi que le train roulant a heurté la voiture et qu’il est donc l’instrument du dommage, la présence d’un véhicule immobilisé sur un passage à niveau après fermeture des barrières a constitué un fait irrésistible pour la SNCF, mais nullement imprévisible.
demment article 1384, alinéa 1er) qui servira de fondement à l’action en réparation du conducteur du véhicule et de ses passagers. La responsabilité de la compagnie ferroviaire sera recherchée en sa qualité de gardienne d’une chose instrument du dommage. Il lui appartient de prouver que la victime a commis une faute, en franchissant le passage à niveau, ayant concouru à la réalisation de son dommage pour être exonérée partiellement ou que cette faute présente les caractères d’imprévisibilité pour être exonérée totalement (voir à ce sujet : Civ. 2e, 16 janvier 2020, n° 19-14.821, ci-après). Ainsi, une cour d’appel a retenu que lorsqu’il est établi que le train roulant a heurté la voiture et qu’il est donc l’instrument du dommage, la présence d’un véhicule immobilisé sur un passage à niveau après fermeture des barrières a constitué un fait irrésistible pour la SNCF, mais nullement imprévisible. En effet, l’imprudence des conducteurs d’automobiles est malheureusement fréquente au point que chaque année de nombreux accidents surviennent malgré l’abaissement des barrières ou la présence d’autres véhicules bloqués sur la voie en contravention avec le code de la route. Dès lors, si le conducteur a commis une faute et qu’il a été imprudent, il n’en demeure pas moins que la responsabilité qui pèse sur la SNCF est soumise au régime de la responsabilité sans faute. De ces constatations, la cour d’appel a pu déduire que la SNCF n’apportant pas la démonstration du caractère imprévisible de la présence du véhicule sur la voie ferrée, elle devrait être déclarée responsable des conséquences dommageables de l’accident (Civ. 2e, 10 novembre 2009, n° 08-20.971). Il en sera d’autant plus facilement démontré que la présence d’un véhicule sur la voie ferrée n’était pas imprévisible lorsqu’il est constaté que le passage à niveau franchi par le
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Dossier véhicule était démuni de barrières, ce dont il résultait que la présence d’un véhicule sur la voie n’était pas imprévisible (Civ. 2e, 27 mars 2014, n° 13-13.790 ; dans le même sens : Civ. 2e, 5 avril 2007, n° 06-10.797). Un scootériste a été heurté par un train alors qu’il s’apprêtait, au volant de son engin, à traverser une voie ferrée au passage à niveau. Les juges relèvent qu’il a ouvert le portillon sans descendre de son scooter et qu’il a accéléré tandis que sa passagère tenait le portillon. S’il avait arrêté son scooter pour franchir le portillon et s’était avancé prudemment à pied pour scruter les voies, avant de redémarrer l’accident ne serait pas arrivé. La faute d’imprudence qu’il a commise exonère la SNCF de sa responsabilité de plein droit à hauteur de dix pour cent (Paris, Pôle 2, ch. 3, 26 septembre 2011, n° 09/1173). Mais s’il est démontré que le conducteur du véhicule s’est engagé sur la voie alors que la sonnerie retentissait, les trains se succédant à intervalles rapprochés et les barrières se rabaissant aussitôt après leur passage, ou qu’il franchit les barrières alors que cela lui était interdit, si après avoir franchi les signaux d’arrêt lumineux et calé, il ne parvient pas à remettre en marche son véhicule, ou s’il ne s’arrête pas au panneau stop et qu’il ne s’assure pas de l’absence d’arrivée de train, si le passage à niveau était muni d’une signalisation lumineuse et de barrières automatiques, étant établi que ce dispositif a parfaitement fonctionné lors de l’accident, et que le conducteur du train a actionné le signal sonore et le système de freinage, le conducteur du véhicule s’étant de son côté engagé sans s’assurer que le véhicule qui le précédait lui laissait suffisamment de place pour ne pas risquer de se trouver immobilisé sur les voies, la SNCF est exonérée de sa responsabilité pour fait imprévisible et irrésistible (voir : Paris, 17e ch., sect. A, 17 juin
Le passage à niveau est un ouvrage public dont l’exploitant peut se voir reprocher un défaut d’entretien normal par un usager qui a été victime d’un dommage ayant pour origine cet ouvrage. 2002, JurisData 2002-183784 ; Metz, 4e ch., 14 novembre 2002, JurisData 2002-216196 ; Aix en Provence, 7e ch. corr., 29 novembre 1999, JurisData 1999-110142 ; Dijon, ch. civ. B, 30 août 2007, JurisData 2007-343217 ; Bordeaux, 5 e ch., 30 juin 2005, JurisData 2005-280660).
■ Absence de faute du conducteur Mais dans un sens inverse lorsqu’après avoir heurté sur un passage à niveau une voiture et une autre immobilisée sur la voie ferrée un ensemble routier est entré en collision avec un train, le conducteur du second véhicule a déclaré avoir cru qu’il avait largement le temps de franchir le passage à niveau avant l’arrivée du train, le choc avec le train étant la conséquence de ce qu’il avait été coincé du fait du heurt avec l’ensemble routier. De ces constatations et énonciations, une cour d’appel a pu déduire que ce conducteur n’avait commis aucune faute (Civ. 2e, 24 juin 1999, n° 97-21.340). La SNCF a été également déclarée responsable lorsque le conducteur de la voiture s’est trouvé prisonnier du passage à niveau alors qu’il n’est pas démontré qu’il se soit engagé malgré l’annonce de l’arrivée du train (Paris, 17e ch. sect. A, 24 novembre 1999, JurisData 1999-103905). Dans le même sens, lorsqu’un élagage a été effectué depuis l’accident ainsi que l’enlèvement d’un tas de bois pouvant gêner
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la visibilité, la signalisation du stop au sol n’étant pas séparée de la ligne de débordement de l’autorail que d’une distance d’environ 1,30 mètre et le conducteur étant réputé pour sa conduite prudente (Dijon, ch. civ., 30 août 2007, JurisData 2007-343217). Si la loi du 5 juillet 1985 avait été déclarée applicable, il n’est pas certain que la victime conducteur serait dans une situation plus favorable, sa faute pourrait lui être reprochée par le transporteur ferroviaire entraînant une réduction et même une exclusion d’indemnisation, s’il est démontré qu’elle a participé à la réalisation du dommage ou en a été la cause. Toutefois, cela pourrait être différent si la victime n’est pas un conducteur, dans ce cas, la loi du 5 juillet 1985 ne permet comme cause d’exonération que la faute inexcusable exclusive ou l’intention de provoquer le dommage, comme par exemple lors d’un suicide. Il n’est pas exclu que des accidents surviennent à des piétons ou à des cyclistes qui traversent des passages à niveau.
■ Accidents de piétons
En revanche, les accidents de piétons sont plus fréquents avec les tramways. Dans la mesure où le heurt se situe à un endroit où la voie est commune avec les autres usagers de la route, il y aura application de la loi du 5 juillet 1985 et l’indemnisation du piéton est entière. Mais, s’il est démontré qu’à l’endroit de l’accident, les voies de circulation des tramways sont matérialisées et séparées de la rue par exemple par un terre plein planté d’arbustes formant une haie vive ou surélevé d’une bordure, le piéton l’ayant néanmoins traversé alors qu’un passage lui étant réservé se trouvait à proximité, cela constitue une voie propre. La loi du 5 juillet 1985 n’est pas applicable et son indemnisation sera exclue si son comportement est considéré comme étant imprévisible et irrésistible 23
Dossier ■
Voirie: réglementation et voies de recours
exonérant totalement la compagnie de transport de la présomption de responsabilité pesant sur elle (voir en ce sens : Civ. 2e, 29 mai 1996, n° 94-19.823 ; et également : Civ. 2e, 5 mars 2020, n° 19-11.411, ci-après).
■ Dommages matériels
Mais la SNCF a pu invoquer le bénéfice de la loi du 5 juillet 1985 pour obtenir l’indemnisation de ses propres dommages d’ordre matériel. Ainsi, une cour d’appel a condamné une conductrice dont le véhicule est entré en collision avec un train sur un passage à niveau et son assureur à réparer l’entier préjudice matériel subi par la SNCF. La Cour de cassation note qu’en vertu de l’article 5 de la loi du 5 juillet 1985, applicable en l’espèce, l’indemnisation des dommages aux biens subis par la victime d’un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur n’est limitée ou exclue que si la victime a commis une faute. En l’espèce, l’état de la signalisation mise en place sur la route, celui de la visibilité des automobilistes en direction de la voie ferrée, près du passage à niveau, et les conditions dans lesquelles le convoi ayant heurté le véhicule avait abordé le passage établissent que le conducteur du train avait satisfait aux exigences de prudence qui étaient les siennes. En conséquence, on ne sau-
rait reprocher à la SNCF d’avoir violé la réglementation qui lui était imposée ni d’avoir fait preuve d’une négligence ou d’une imprudence qui aurait concouru à la réalisation de l’accident (Civ. 2e, 17 mars 1986 précité ; même sens : Colmar, 28 janvier 2016, n° 14/02231 : le conducteur du train circulait à la vitesse autorisée, a actionné l’avertisseur sonore 250 mètres avant le passage à niveau ayant commencé à freiner 50 mètres avant lorsqu’il a vu la voiture s’engager sur celui-ci, et le train s’est immobilisé 490 mètres après). Le passage à niveau est un ouvrage public dont l’exploitant peut se voir reprocher un défaut d’entretien normal par un usager qui a été victime d’un dommage ayant pour origine cet ouvrage. La responsabilité de la SNCF a ainsi été retenue en cas de défaut de signalement de l’abaissement anormale d’une barrière (CE, sous-sections 7 et 10 réunies, 4 novembre 1998, n° 170839), dans le cas de chute d’un cycliste dont la roue avant de sa bicyclette s’est coincée dans l’interstice entre deux dalles de béton de l’ouvrage (CAA Lyon, 26 avril 2016, n° 14LY01451 ; à concurrence de la moitié des conséquences dommageables, la victime qui a reconnu avoir franchi le passage à niveau à trois reprises dans les six derniers mois et ayant ainsi commis une faute
d’inattention alors que l’obstacle était apparent : CAA Marseille, 2e ch., 15 juillet 2013, n° 11MA00424 ; même sens : CAA Nantes, 3e ch., 5 juillet 2012, n° 11NT00045), ou dans l’ornière de contre rail rendant l’ouvrage exceptionnellement dangereux (CAA Nancy, 18 juin 2015, n° 14NC00755). Le Conseil d’État a considéré que la SNCF était responsable d’une collision entre un train et un ensemble routier qui a été immobilisé sur un passage à niveau les barrières s’étant abaissées entre le tracteur et sa remorque, notant le défaut de signalisation, aux abords de celui-ci, de la dangerosité particulière du passage pour les conducteurs de véhicules longs tels celui qui a été accidenté, en raison de la brièveté du délai séparant le début de l’alarme sonore et la fermeture des barrières, ce qui caractérise un défaut d’entretien normal (CE, 29 septembre 2014, n° 365922). Mais si très peu de temps après l’accident, il est démontré que les feux de signalisation fonctionnaient normalement contrairement à ce que soutient la victime dont le véhicule a été percuté par une locomotive à un passage à niveau, le défaut d’entretien normal n’est pas retenu et la SNCF est mise hors de cause (CE, 5e et 4e sous sections réunies, 8 août 2008, n° 290876). ■
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décision JLa urisprudence
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ASSURANCE AUTOMOBILE OBLIGATOIRE
Inopposabilité au FGAO de la nu intentionnelle de risque En vertu de l’article R.421-18 du code des assurances, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) ne peut être appelé à indemniser les victimes des dommages matériels consécutifs à un accident de la circulation, lorsque l’assureur invoque la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle de risque du preneur d’assurance. Celle-ci n’est pas opposable aux victimes ou aux ayants droit et a fortiori ne saurait l’être à l’égard du FGAO.
DR
L
Iolande Vingiano-Viricel docteure en droit, membre associée du LDSPC EA 4690, AMU responsable des activités de recherche juridique, codirectrice du Cesu « Aspects juridiques des véhicules autonomes », Aix-Marseille université
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L’assurance obligatoire pour garantir l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation Les modalités d’indemnisation des victimes d’accident de la circulation sont régies en France par la loi Badinter du 5 juillet 1985 (1) qui prévoit la prise en charge des dommages ayant pour origine un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation. À cette loi fixant les modalités d’indemnisation des victimes, s’ajoute la couverture du risque « accident de la circulation » imposée en France, par l’assurance automobile obligatoire dite « au tiers » garantissant les dommages aux tiers causés par un véhicule terrestre à moteur. Il s’infère des textes (2), que la couverture d’assurance est due pour la circulation des véhicules terrestres à moteur, quand bien même celui-ci serait immobilisé (3). Dans un souci de protection des victimes, la garantie d’assurance obligatoire permet de couvrir les éléments exclus de l’indemnisation fondée sur la loi Badinter (préc.) notamment en intégrant au titre du contrat d’assurance la chute des accessoires du véhicule (C. assur., art. R. 211-5). Dans le même sens, si traditionnellement les limitations et nullités du contrat d’assurance opposables à l’assuré sont également
opposables aux bénéficiaires du contrat d’assurance, l’article R. 211-13 du code des assurances dresse une liste d’événements non opposables aux victimes parmi lesquelles les déchéances de garantie ou encore les exclusions légales prévues aux articles R. 211-10 et R. 211-11 du même code. Évolution de la jurisprudence Le présent arrêt (Civ. 2e, 16 janvier 2020, n° 18-23.381, publié au Bulletin, voir ci-dessous) met en évidence une évolution de la jurisprudence portant sur l’inopposabilité de la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration de risque aux victimes d’accident de la circulation et à leurs ayants droit. En l’espèce, l’assureur reproche à l’assuré, ayant souscrit un contrat d’assurance en 2011, une condamnation pénale pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique en 2013 afin de refuser de garantir les conséquences d’un accident provoqué par l’assuré circulant à nouveau en état d’ébriété en 2014. L’arrêt ne s’interroge pas sur la sanction elle-même. En effet, ce n’est pas la fausse déclaration initiale du risque qui est sanctionnée (souscription en 2011, première condamnation en 2013 et accident litigieux en 2014), mais l’absence de déclaration de
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ullité pour fausse déclaration la modification du risque en cours de contrat (C. assur., art. L. 113-2, 3°). Or, celleci suit le régime des sanctions de la fausse déclaration initiale de risque à la condition que le risque aggravé non déclaré repose sur une question précise de l’assureur (4). La validité de la sanction n’étant pas remise en cause par l’arrêt, restait alors à s’interroger sur l’opposabilité de la sanction invoquée par l’assureur à l’encontre du Fonds de garantie des assurances obligatoire de dommages (FGAO). L’inopposabilité de la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration de risque aux victimes d’accident de la circulation ou à leurs ayants droit Les échanges d’information entre le candidat à l’assurance et l’assureur constituent l’essence même du contrat d’assurance. Avant 1989, une obligation de déclaration spontanée des risques incombait à l’assuré. Le candidat à l’assurance devait savoir ce qui était important et le déclarer à la souscription. Il avait donc un devoir d’initiative. S’il ne le faisait pas il s’exposait aux sanctions graves de la déclaration inexacte de risque, édictées aux articles L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances. Toutefois, depuis la réforme du 31 décembre 1989, l’assuré a l’obligation de répondre exactement aux questions qui lui sont posées (C. assur., art. L. 113-2, 2°). Ainsi l’assuré est tenu de répondre exactement à toutes les questions posées par l’assureur, sur tout support écrit ou oral, sous peine de s’exposer aux sanctions précédemment énoncées. La fausse déclaration du preneur d’assurance qui modifie l’objet du risque ou diminue l’opinion de l’assureur peut ainsi être sanctionnée de nullité du contrat
lorsque l’assureur démontre l’intention frauduleuse du souscripteur (5). Toutefois, en matière d’assurance automobile obligatoire, la CJUE a ajouté à la liste des événements non opposables aux victimes la nullité pour fausse déclaration de risque du souscripteur, en se fondant notamment sur le droit à indemnisation des passagers, principe qu’elle avait préalablement admis. Cette décision a été entérinée en France par la loi Pacte du 22 mai 2019 (6), introduisant dans le code des assurances un nouvel article L. 211-7-1 transcrivant exactement la situation, à savoir l’inopposabilité, aux victimes d’accident de la circulation ou à leurs ayants droit, de la sanction encourue par l’assuré pour fausse déclaration de risque. Bien que cet article ne soit entré en vigueur qu’au cours de l’année 2019, les juges français ont fait application du principe édicté par la CJUE (7) en se fondant directement sur l’arrêt de 2017. Il n’était donc pas étonnant que ce même principe soit appliqué à l’égard du FGAO. L’inopposabilité de la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration de risque au FGAO En vertu de l’article L. 421-18, 1° du Code des assurances, « le fonds de garantie ne peut être appelé à indemniser la victime ou ses ayants droit qu’en cas de nullité du contrat, de suspension du contrat ou de la garantie de non-assurance ou d’assurance partielle, opposables à la victime ou à ses ayants droit ». Jusqu’à une période très récente, la nullité pour fausse déclaration de risque était opposable aux victimes d’accident de la circulation ou à leurs ayants droit, ce qui explique sans doute pourquoi l’assureur demandait l’opposabilité de la décision au FGAO en l’espèce. Toutefois, en appliquant
le principe édicté par la CJUE en 2017 dès avant l’entrée en vigueur de l’article L. 211-7-1 du code des assurances, l’arrêt ne s’écarte pas des décisions antérieures et c’est sans surprise que les juges admettent l’inopposabilité de la décision. Le FGAO n’a pas à être appelé à prendre en charge tout ou partie de l’indemnité versée par l’assureur automobile obligatoire invoquant une fausse déclaration intentionnelle de risque du preneur d’assurance. Ce principe est vrai sans aucune difficulté depuis l’introduction de l’article L. 211-7-1 dans le code des assurances, mais il est également vrai à tous les litiges antérieurs, c’est ce que confirme le présent arrêt en se fondant une nouvelle fois sur la décision de la CJUE de 2017. ■ Notes : 1. L. n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’ indemnisation, JORF du 6 juillet 1985, p. 7584. 2. L. n° 58-208 du 27 février 1958 instituant d’une obligation d’assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur, JORF du 28 février 1958, p. 2148. Directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité. 3. V. par ex. : CJUE, Gde ch., 4 sept. 2018, aff. C-80/17 : D. 2018, act. jurispr. p. 1693 ; JCP G 2018, act. 92, obs. D. Berlin ; RGDA oct. 2018, p. 467, note J. Landel. 4. Civ. 3e, 28 mars 2007, n° 05-22.062, Inédit. 5. 29 mars 2012. 6. L. n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, JORF n° 0119 du 23 mai 2019, texte n° 2. 7. Civ. 2e, 29 août 2019, n° 18-14.768, Publié au bulletin.
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décision JLa urisprudence
du mois
La décision Civ. 2e, 16 janvier 2020, n° 18-23.381; LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant : ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020 La société Assurances du crédit mutuel IARD, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° M 18-23.381 contre l’arrêt rendu le 10 juillet 2018 par la cour d’appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l’opposant : 1°/ à Mme U... O..., domiciliée [...], 2°/ au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guého, conseillère référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Assurances du Crédit mutuel IARD, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, et l’avis de Mme Nicolétis, avocate générale, après débats en l’audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseillère référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseillère doyenne, et Mme Rosette, greffière de chambre. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable comme étant de pur droit : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Besançon, 10 juillet 2018), que le 6 juillet 2011, Mme O... a souscrit un contrat d’assurance automobile auprès de la société Assurances du crédit mutuel IARD (l’assureur) ; que le 19 juillet 2014, circulant en état d’ébriété, elle a provoqué un
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accident en abandonnant sur une voie ferrée son véhicule qui a été percuté par un train, occasionnant à celui-ci des dommages matériels importants ; que le 20 avril 2015, l’assureur a notifié à son assurée la nullité du contrat pour défaut de déclaration d’un élément de nature à changer l’opinion du risque par l’assureur en cours de contrat, à savoir sa condamnation pénale pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique intervenue le 22 mai 2013 ; qu’après avoir indemnisé la victime, l’assureur a assigné Mme O... en paiement d’une somme de 1 425 203,32 euros et a demandé que la décision soit déclarée opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), lequel est intervenu volontairement à l’instance et a sollicité sa mise hors de cause ; Attendu que l’assureur fait grief à l’arrêt de mettre hors de cause le FGAO, alors, selon le moyen : 1°/ que l’assureur, qui agit en nullité du contrat d’assurance souscrit par son assuré et en remboursement des indemnités qu’il a versées à la victime pour le compte de qui il appartiendra, peut demander que la décision soit rendue opposable au FGAO, intervenu volontairement à l’instance ; que l’assureur, qui agissait à titre principal en nullité du contrat d’assurance souscrit par Mme O... et en remboursement par celle-ci des indemnités versées à la victime de l’accident pour le compte de qui il appartiendra, avait demandé que la décision à intervenir soit déclarée opposable au FGAO intervenu volontairement à l’instance ; qu’en mettant néanmoins hors de cause le FGAO au motif qu’il n’avait pas vocation à intervenir dans le cadre de l’action récursoire exercée par l’assureur contre son assuré, la cour d’appel a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, ensemble l’article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que le principe selon lequel l’assureur peut, après avoir réglé à la victime des indemnités pour le compte de qui il appartiendra, agir en nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration de l’assuré sur ses antécédents judiciaires et demander que le jugement soit opposable au FGAO afin que celui-ci prenne en charge solidairement avec l’assuré la charge finale de cette indemnisation, n’est pas contraire aux dispositions de la directive n° 2009/103/CE du 16 septembre 2009 concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité ; que la cour d’appel, après avoir constaté que l’assureur avait indemnisé la victime pour le compte de qui il appartiendra avant d’agir en nullité du contrat pour fausse déclaration de son assuré, a néanmoins refusé de déclarer son arrêt opposable au FGAO ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré
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les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, tels qu’interprétés à la lumière de la directive susvisée ; Mais attendu que la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit (arrêt du 20 juillet 2017, C. 287-16) que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, et l’article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la nullité d’un contrat d’assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d’assurance en ce qui concerne l’identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d’assurance est conclu n’avait pas d’intérêt économique à la conclusion dudit contrat ; Qu’il s’en déduit que la nullité édictée par l’article L. 113-8 du code des assurances, tel qu’interprété à la lumière de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, qui a abrogé et codifié les directives susvisées, n’est pas opposable aux victimes d’un accident de la circulation ou à leurs ayants droit ; Qu’aux termes de l’article R. 421-18 du même code, lorsqu’un contrat d’assurance a été souscrit pour garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile découlant de l’emploi du véhicule qui a causé des dommages matériels, le FGAO ne peut être appelé à indemniser la victime ou ses ayants droit qu’en cas de nullité du contrat, de suspension du contrat ou de la garantie, de non-assurance ou d’assurance partielle, opposables à la victime ou à ses ayants droit ; Qu’il en résulte que la nullité, pour fausse déclaration intentionnelle, du contrat d’assurance conclu par Mme O... étant inopposable à la victime, le FGAO ne pouvait être appelé à prendre en charge tout ou partie de l’indemnité versée par l’assureur et a, à bon droit, été mis
L’ESSENTIEL
■ L’a ssurance automobi le obligatoire a pour objectif l’indem nis ation des vic times d’accident de la circulati on ou leurs ayants droit. ■ Cer taines limitations ou nullités du contrat d’a ssurance automobile obligatoire sont ainsi inopposables aux vic tim es parmi lesquelles la nul lité pour fausse déclaration intentionnelle de risque. ■ Le FGAO n’a pas à être appelé à prendre en charge tout ou par tie de l’indem nité ver sée par l’assureur automobile obligatoire invoquant une fausse déclaration intentionnel le de risque du preneur d’a ssurance.
hors de cause dans l’instance engagée par ce dernier à l’encontre de son assurée ; Que par ce motif de pur droit, substitué, en tant que de besoin, à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée ; Et attendu que le rejet du pourvoi principal rend sans objet le pourvoi incident éventuel ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi principal ; CONSTATE que le pourvoi incident éventuel est devenu sans objet ; Condamne la société Assurances du crédit mutuel aux dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Assurances du crédit mutuel et la condamne à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.
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Jurisprudence ❚ PRESCRIPTION Action publique – Interruption Crim. 21 janvier 2020, n° 19-81.066 Selon le 4° l’article 9 du code de procédure pénale, le délai de prescription de l’action publique est interrompu par tout jugement, même non définitif, s’il n’est pas entaché de nullité et que tel est le cas de l’ordonnance pénale. M. P... L... a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police d’évry, en date du 1er octobre 2018, qui, pour contravention au code de la route, l’a condamné à 35 euros d’amende ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l’article 9 du code de procédure pénale ; Attendu qu’il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que M. L..., conducteur d’un véhicule, a été verbalisé le 23 octobre 2016, et qu’après réception de l’avertissement du comptable du trésor, le 1er novembre 2016, il a formé une réclamation le 13 décembre 2016, laquelle a été suivie, le 12 juillet 2017, de réquisitions d’ordonnance pénale, puis d’une ordonnance pénale en date du 29 novembre 2017, notifiée le 15 janvier 2018 ; que sur opposition du contrevenant en date du 30 janvier 2018, M. L... a été cité devant le tribunal de police et condamné de ce chef ; Attendu que le demandeur ne saurait invoquer la prescription de l’action publique sur le fondement de l’article 9-2 du code de procédure pénale ; 30
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Qu’en effet, selon le 4° de ce texte, le délai de prescription de l’action publique est interrompu par tout jugement, même non définitif, s’il n’est pas entaché de nullité et que tel est le cas de l’ordonnance pénale ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Et attendu que le jugement est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi
CONFISCATION Vente du véhicule avant le prononcé – Défaut d’intérêt Crim. 21 janvier 2020, n° 19-80.595 Le demandeur qui se prévaut de la vente de son véhicule antérieurement au prononcé de la décision ayant ordonné la confiscation de ce véhicule, est sans intérêt à critiquer ladite décision au regard de l’article L.234-12 du code de la route. M. M... B... a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 2018, qui, pour refus d’obtempérer, conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique, en récidive et conduite d’un véhicule malgré la suspension de son permis de conduire, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, l’annulation de son permis de conduire et a ordonné une mesure de confiscation. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Après avoir échappé à un
contrôle alors qu’il circulait à vive allure au volant de son véhicule, M. B... a été interpellé dix minutes plus tard, dissimulé à quelques mètres de sa voiture. 3. Emmené au commissariat de police, il a été soumis à deux contrôles de l’état alcoolique, trente-cinq et quarante minutes après son interpellation, caractérisant la présence de 0,95 mg puis de 0,89 mg d’alcool par litre d’air expiré. 4. Poursuivi des chefs de refus d’obtempérer, conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique en récidive et conduite d’un véhicule malgré la suspension de son permis de conduire, il a contesté la régularité de ces contrôles, en soutenant qu’il n’avait reçu notification que dix heures plus tard de ces mesures et que les taux relevés successivement, notamment une troisième mesure à laquelle il a fait référence dans son audition, montraient que l’appareil ne fonctionnait pas convenablement. 5. Après avoir rejeté les exceptions ainsi soulevées, le tribunal l’a déclaré coupable. 6. Appel a été interjeté par le prévenu, à titre principal, et par le ministère public, à titre incident. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le troisième moyen Exposé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation de L. 234-12, 1°), du code de la route 9. Le moyen critique l’arrêt en ce qu’il a ordonné la confiscation du véhicule de M. B..., alors qu’à la date des débats, le pré-
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venu n’en était plus propriétaire. Réponse de la Cour 10. Le demandeur, qui se prévaut de la vente de son véhicule antérieurement au prononcé de la décision, est sans intérêt à critiquer ladite décision au regard de l’article L. 234-12 du code de la route. 11. Ainsi, le moyen est irrecevable. 12. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi
AMENDE FORFAITAIRE Avis de contravention – Appel du jugement de police Crim. 7 janvier 2020, n° 19-83.204 L’article 546 du code de procédure pénale doit être interprété de façon restrictive et ne fait aucune distinction entre les personnes physiques et les personnes morales. Alors que les énonciations du procès-verbal suffisaient à établir l’envoi des avis de contravention à la date ainsi mentionnée, la cour d’appel, qui n’a pas ordonné la mesure d’instruction dont elle reconnaissait elle-même implicitement la nécessité, n’a pas justifié sa décision. La procureure générale près la cour d’appel d’Angers a formé un pourvoi contre l’arrêt de ladite cour, chambre correctionnelle, en date du 12 mars 2019, qui, pour contravention au code de la route, a relaxé la
Jurisprudence ORDONNANCE PéNALE Opposition – Recevabilité Crim. 21 janvier 2020, n° 19-84.370 Il résulte de l’article 528 du code de procédure pénale que le tribunal ne peut statuer sur les mérites d’une opposition à l’exécution d’une ordonnance pénale que s’il a été saisi de l’infraction concernée contre le prévenu qui a fait l’objet de ladite ordonnance. La société [...] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de La Roche-sur-Yon, en date du 24 mai 2019, qui, pour contravention au code de la route, l’a condamnée à 150 euros d’amende. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. À la suite de l’envoi d’un avis de contravention pour un excès de vitesse commis par un véhicule immatriculé au nom de la société [...] (la société), un avis de contravention pour non-transmission de l’identité et de l’adresse du conducteur a été adressé au représentant légal de cette société, M. W... B.... société Lauriou. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 24 mai 2017, un véhicule appartenant à la société Lauriou a été verbalisé pour excès de vitesse. Le 14 septembre 2017, un avis de contravention pour non-transmission de l’identité et de l’adresse du conducteur lui a été adressé. 3. La société Lauriou a présenté une requête en exonération et a été citée devant le tribunal de police, qui, par jugement en date du 23 avril 2018, l’a condamnée
3. Celui-ci, ayant formé une requête en exonération, a été déclaré coupable par ordonnance pénale, à l’exécution de laquelle il a fait opposition. 4. La société a été citée devant le tribunal de police pour voir statuer sur le mérite de l’opposition. Examen des moyens Sur le premier moyen Exposé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation de l’article 528 du code de procédure pénale. 6. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu’il a retenu que le ministère public avait pu poursuivre la société, alors que la citation qui lui a été délivrée était consécutive à l’opposition formée par son gérant, de sorte que l’affaire portée à l’audience dans ces conditions ne pouvait être que celle concernant ledit gérant. Réponse de la Cour Vu l’article 528 du code de procédure pénale ; 7. Il résulte de ce texte que le tribunal ne peut statuer sur les mérites d’une opposition à l’exécution d’une ordonnance pénale que s’il a été saisi de l’infraction concernée contre le prévenu qui a fait l’objet de ladite ordonnance. 8. Pour écarter le moyen de nullité de la citation, pris de ce que cet acte ne
à 675 euros d’amende. 4. Le représentant légal de la société et le ministère public en ont relevé appel. Examen des moyens Sur le premier moyen Exposé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 131-41, 546, 591 et 593 du code de procédure pénale. 6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré l’appel de la société recevable, alors que la combinaison des articles 546 et 131-41 du code de procédure pénale doit amener à fixer le taux de ressort applicable aux
concernait pas la personne visée par l’ordonnance pénale, et entrer en voie de condamnation contre la société, le jugement énonce que la contravention de l’article L. 121-6 du code de la route peut être reprochée tant au représentant légal de la personne morale détenant le véhicule qu’à cette personne morale elle-même, et que le ministère public, qui dispose du droit d’apprécier l’opportunité des poursuites, peut faire citer l’un et/ou l’autre sans avoir à s’en expliquer, tant que la prescription de l’action publique n’est pas acquise. 9. En se déterminant ainsi, alors que le prévenu qui avait formé opposition à l’exécution de l’ordonnance pénale rendue à son encontre n’avait pas été cité devant lui, le tribunal a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 10. La cassation est par conséquent encourue. 11. N’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L.411-3 du code de l’organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de cassation soulevés, la Cour: CASSE et ANNULE DIT n’y avoir lieu à renvoi
personnes morales prévenues d’une contravention au quintuple de celui applicable aux personnes physiques. Réponse au moyen 7. Pour déclarer recevable l’appel de la société, l’arrêt énonce que l’article 546 du code de procédure pénale doit être interprété de façon restrictive et ne fait aucune distinction entre les personnes physiques et les personnes morales. 8. En se déterminant ainsi, la cour d’appel a fait une exacte application du texte susvisé. 9. Dès lors, le moyen n’est pas fondé.
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Mais sur le second moyen Exposé du moyen 10. Le moyen est pris de la violation des articles 485, 591 et 593 du code de procédure pénale. 11. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a relaxé la société, 1°) alors que la preuve de l’envoi de la contravention résultait de la mention au procèsverbal « envoyé au détenteur du véhicule » ; 2°) alors que la cour d’appel aurait dû analyser si cette preuve ne résultait pas des autres éléments du dossier, dès lors que le contrevenant 31
Jurisprudence ❚ ne contestait pas la date d’envoi de la contravention mentionnée au procès-verbal. Réponse de la Cour Vu l’article 593 du code de procédure pénale ; 12. Selon ce texte, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 13. Pour relaxer la société Lauriou, l’arrêt énonce que le procès-verbal du 13 septembre 2017 figurant à la procédure n’évoque pas de date de remise de l’avis de contravention initiale mais qu’il comporte la mention qu’un avis de contravention a été édité le 8 juin 2017 et envoyé au détenteur du véhicule. 14. Les juges ajoutent qu’une telle formulation ne permet pas de connaître la date de l’envoi dudit avis, point de départ du délai de 45 jours prévu par l’article L.121-6 du code de la route. 15. En statuant ainsi, alors que les énonciations du procès-verbal suffisaient à établir l’envoi des avis de contravention à la date ainsi mentionnée, la cour d’appel, qui n’a pas ordonné la mesure d’instruction dont elle reconnaissait elle-même implicitement la nécessité, n’a pas justifié sa décision. 16. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE
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STATIONNEMENT PAYANT Validité de l’arrêté municipal – Motivation CAA Versailles, 2e ch., 23 janvier 2020, n° 18VE00082-18VE00084 D’une part, alors que l’arrêté litigieux décline la liste des rues figurant au sein des secteurs délibérés par le conseil municipal, cette substitution de base légale n’a pour effet de priver les intéressés d’aucune garantie et d’autre part il ne ressort pas des pièces du dossier que l’arrêté en litige qui, en tout état de cause, est suffisamment motivé, aurait pour effet de porter atteinte à la liberté d’accès aux immeubles riverains et à leur desserte, ni que le retour à la gratuité d’une avenue serait discriminatoire, ni qu’il porterait une atteinte à la liberté de circulation des riverains sur l’espace public. Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C..., d’une part, Mme F... E..., d’autre part, ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d’annuler l’arrêté du maire de la commune de Montreuil en date du 7 octobre 2016 portant réglementation du stationnement sur diverses voies de la commune. Par un jugement n° 1608494 du 9 novembre 2017 et par un jugement n° 1609511 du même jour, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes. Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2018, sous le n° 18VE00082, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 juillet 2018, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour : 1° d’annuler le jugement n° 1608494 ; 2° d’annuler l’arrêté du 7 octobre 2016 du maire de Montreuil ; 3° de mettre à la charge de la commune de Montreuil le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : l’arrêté est insuffisamment motivé en méconnaissance de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales ; il est entaché d’une erreur de fait et d’appréciation des faits ; la commune ne prouve pas que le quartier connaissait des problèmes de stationnement avant l’instauration de la mesure ; l’application des articles R. 417-10 et R. 412-12 du code de la route suffit pour verbaliser les voitures contrevenant à l’obligation de ne pas stationner longuement ; le système d’affichage des horodateurs viole l’arrêté municipal du 16 octobre 2016 ; - l’arrêté contesté est dépourvu de motif légal en l’absence de difficulté de stationnement et en l’absence de tout effet positif ; il instaure une gêne pour la circulation au lieu d’être un moyen de la faciliter ; ce stationnement payant est en fait un nouvel impôt communal ; - la circonstance que l’avenue Jean-Moulin est redevenue gratuite est une discrimination sans motif ; l’argument de la protection de l’environnement est contradictoire et faux ; les arguments de la limitation de l’arrêté dans le temps et dans
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l’espace et de la concertation avec les habitants du quartier sont mensongers ; l’arrêté porte une atteinte excessive à la liberté de circulation des riverains et à l’usage de l’espace public qui sont des principes constitutionnels ; il contrevient à l’objectif de protection de l’environnement prévu à l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales ; il n’est pas limité dans l’espace, toutes les rues du quartier étant concernées. II. Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2018, sous le n° 18VE00084, Mme E..., représentée par Me C..., avocat, demande à la Cour : 1° d’annuler le jugement n° 1609511 ; 2° d’annuler l’arrêté du 7 octobre 2016 du maire de Montreuil ; 3° de mettre à la charge de la commune de Montreuil le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 u code de justice administrative. Elle soutient que : - l’arrêté est insuffisamment motivé en méconnaissance de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales ; - il est entaché d’une erreur de fait et d’appréciation des faits ; la commune ne prouve pas que le quartier connaissait des problèmes de stationnement avant l’instauration de la mesure ; l’application des articles R. 417-10 et R. 412-12 du code de la route suffit pour verbaliser les voitures contrevenant à l’obligation de ne pas stationner longuement ; le système d’affichage des horodateurs viole l’arrêté municipal du 16 octobre 2016 ; - l’arrêté contesté est dépourvu de motif légal en l’absence de difficulté de stationnement et en l’absence de tout effet posi-
Jurisprudence tif ; il instaure une gêne pour la circulation au lieu d’être un moyen de la faciliter ; ce stationnement payant est en fait un nouvel impôt communal ; - la circonstance que l’avenue Jean-Moulin est redevenue gratuite est une discrimination sans motif ; l’argument de la protection de l’environnement est contradictoire et faux ; les arguments de la limitation de l’arrêté dans le temps et dans l’espace et de la concertation avec les habitants du quartier sont mensongers ; l’arrêté porte une atteinte excessive à la liberté de circulation des riverains et à l’usage de l’espace public qui sont des principes constitutionnels ; il contrevient à l’objectif de protection de l’environnement prévu à l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales ; il n’est pas limité dans l’espace, toutes les rues du quartier étant concernées. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la route ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 7 octobre 2016 pris sur le fondement des délibérations du conseil municipal du 16 décembre 2015 modifiant les règles de stationnement et du 6 juillet 2016 portant notamment sur l’extension du stationnement payant et la mise en place d’un système de paiement par mobile, le maire de Montreuil a décidé de modifier les règles de stationnement sur le territoire de la commune en étendant le stationnement payant en zone verte aux rues situées dans le quartier JeanMoulin-Beaumonts. Cet arrêté instaure une tarification et une
durée spécifiques pour le stationnement résidentiel de la zone verte et prévoit l’apposition d’une carte collée sur le pare-brise des véhicules des résidents. L’arrêté du maire de Montreuil du 5 avril 2017 qui « abroge et remplace toutes les dispositions contraires » de l’arrêté du 7 octobre 2016 maintient l’extension litigieuse du stationnement payant. Le Tribunal administratif de Montreuil a, par des jugements du 9 novembre 2017, rejeté les demandes de M. C... et de Mme E... tendant à l’annulation de l’arrêté du 7 octobre 2016. 2. Les requêtes d’appel présentées par, d’une part, M. C... et, d’autre part, Mme E... ont fait l’objet d’une instruction commune. Les jugements du Tribunal administratif de Montreuil présentent à juger des questions analogues portant sur le même arrêté. Il y a lieu de joindre les requêtes pour statuer par un seul arrêt. 3. Aux termes de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales : « Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l’environnement : (...) 2° Réglementer l’arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d’entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains ; (...) » 4. Alors que l’arrêté litigieux est fondé sur « ce qu’il importe de réguler l’usage de l’automobile et qu’il est nécessaire d’assurer une meilleure rotation des véhicules en stationnement », il ne ressort pas des pièces du dossier que des « nécessités de la circulation et de la protection de l’environnement » auraient justifié pour les rues du quartier
Jean-Moulin-Beaumonts une telle réglementation au sens des dispositions, mentionnées au point 3, de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales. 5. Toutefois, lorsqu’il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d’appréciation, sur le fondement d’un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l’excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l’intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l’application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l’office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d’avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. 6. L’arrêté attaqué qui porte sur la création « dans l’intérêt général « d’emplacements « utilisables contre paiement d’un droit de stationnement » trouve son fondement légal dans les délibérations du conseil municipal citées au point 1 portant définition de secteurs de la commune et extension de la zone verte de stationnement notamment au quartier JeanMoulin - Beaumonts. Ces délibérations sont en réalité fondées sur les dispositions de l’article L. 2233-87 du code général des collectivités territoriales aux termes duquel le conseil municipal « peut établir sur des voies qu’il détermine une redevance de stationnement (...) La délibération établit les tarifs
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applicables à chaque zone de stationnement payant. / Le tarif peut être modulé en fonction de la durée du stationnement. Il peut prévoir également une tranche gratuite pour une durée déterminée. L’acte instituant la redevance peut prévoir une tarification spécifique pour certaines catégories d’usagers et notamment les résidents. » Dès lors qu’aux termes de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : « Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 2° De fixer, dans les limites déterminées par le conseil municipal, les tarifs des droits de voirie, de stationnement, de dépôt temporaire sur les voies et autres lieux publics et, d’une manière générale, des droits prévus au profit de la commune qui n’ont pas un caractère fiscal ; (...) », les dispositions de l’article L. 2233-87 peuvent être substituées à celles initialement retenues par l’arrêté attaqué. D’une part, alors que l’arrêté litigieux décline la liste des rues figurant au sein des secteurs délibérés par le conseil municipal, cette substitution de base légale n’a pour effet de priver les intéressés d’aucune garantie et d’autre part il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que les requérants soutiennent, que l’arrêté en litige qui, en tout état de cause, est suffisamment motivé, aurait pour effet de porter atteinte à la liberté d’accès aux immeubles riverains et à leur desserte, ni que le retour à la gratuité de l’avenue JeanMoulin serait discriminatoire, ni qu’il porterait une atteinte à la liberté de circulation des riverains sur l’espace public. 33
Jurisprudence ❚ 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... et M. C..., et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Montreuil, ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes. Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montreuil, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Montreuil sur le fondement de ces dispositions. DéCIDE : Article 1er : Les requêtes de M. C... et de Mme E... sont rejetées. Article 2 : Les conclusions de la commune de Montreuil présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
FOURRIèRE Responsabilité des services communaux – Destruction du véhicule en fourrière CAA Lyon, 4e ch., 15 janvier 2020, n° 18LY03409 Le maire d’une commune, en sa qualité de gestion34
Code de la route et infractions pénales
naire du service public de la fourrière automobile, doit s’assurer avant d’ordonner la destruction d’un véhicule que la mise en fourrière a été régulièrement notifiée. La destruction d’un véhicule intervenant à l’issue d’une procédure irrégulière constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Or, la société propriétaire du véhicule ne s’est présentée au service municipal, que le 5 mars 2016, soit plus de quatre mois après avoir abandonné son véhicule sur la chaussée. Elle a ainsi fait preuve de négligence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité à hauteur de 90% des conséquences dommageables de la destruction du véhicule. Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Import-ExportTransports (SIET) a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Lyon à lui verser la somme de 16 466,73 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation, en réparation de son préjudice résultant de la destruction, après mise en fourrière, d’un véhicule lui appartenant. Par un jugement n° 1609272 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 septembre 2018 et 21 octobre 2019, la société Import-Export-Transports (SIET), représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 juillet 2018 ; 2°) de condamner la commune de Lyon à l’indemniser de ses préjudices à hauteur de 15 790,14 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de cette commune une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la commune a méconnu l’article R. 325-31 du code de la route et a commis un faute en ne lui notifiant pas la mise en fourrière d’un de ses véhicules alors même qu’elle avait été informée qu’elle en était propriétaire ; - la commune a reconnu sa responsabilité en lui remboursant l’intégralité des frais d’enlèvement, de gardiennage et d’expertise ; les frais de destruction n’ont pas été mis à sa charge ; le jugement est muet sur ce point ; - la commune ne peut se prévaloir d’une faute exonératoire de sa responsabilité ; - elle a droit à la réparation de son entier préjudice sans que puisse lui être opposée l’expertise de la valeur vénale du véhicule qui ne lui a pas été notifiée ; elle a été contrainte de louer un camion de remplacement ; elle a exposé, en pure perte, des frais d’immatriculation du véhicule détruit. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2019, la commune de Lyon, représentée par la SelariL Itinéraires Avocats, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la limitation de sa condamnation à de plus justes proportions et, dans tous les cas, à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la
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charge de la société appelante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - elle a régulièrement notifié la mise en fourrière aux seules sociétés identifiées dans le système d’immatriculation des véhicules ; alors qu’elle n’en avait pas l’obligation, elle a adressé la même notification à la SIET ; - si le gestionnaire de la fourrière a remboursé les frais d’enlèvement et de gardiennage du véhicule, il ne peut en être déduit une reconnaissance par elle de sa responsabilité ; - à supposer qu’elle ait commis une faute, elle n’est que la conséquence de celles commises par la société appelante qui a laissé son véhicule stationné pendant plus de sept jours au même endroit, ne s’en est pas préoccupé après sa mise en fourrière et n’a pas accompli les formalités d’immatriculation et d’assurance ; - l’indemnisation demandée est en tout état de cause excessive dès lors que la valeur du véhicule a été expertisée à moins de 765 euros TTC, que la SIET n’établit pas avoir eu besoin de louer un véhicule de remplacement et que les frais d’immatriculation lui reviennent. Par une ordonnance du 24 octobre 2019, l’instruction a été close le 21 novembre 2019. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la route ; - l’arrêté du 12 avril 2001 fixant la valeur marchande en dessous de laquelle les véhicules mis en fourrière réputés abandonnés et déclarés par expert hors d’état de circuler dans des conditions normales de sécurité seront livrés à la destruction ;
Jurisprudence - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Le 4 février 2016, le maire de Lyon a ordonné la destruction du véhicule utilitaire appartenant à la société Import-ExportTransports (SIET), après cent vingt-cinq jours de mise en fourrière pour stationnement abusif sur la voie publique. Par un jugement du 4 juillet 2018, dont la SIET relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de cette société tendant à l’indemnisation des préjudices subis du fait de cette destruction. 2. En vertu de l’article L. 325-1 du code de la route, la mise en fourrière d’un véhicule dont le stationnement est en infraction aux dispositions de ce code, peut intervenir à la demande et sous la responsabilité du maire, qui a lui-même, ainsi que ses adjoints, qualité d’officier de police judiciaire. L’article R.325-31 de ce code précise que la mise en fourrière est notifiée par l’auteur de cette mesure à l’adresse indiquée par le traitement automatisé mis en œuvre pour l’immatriculation des véhicules, le système d’immatriculation des véhicules (SIV). En vertu de l’article R. 325-32 du même code, cette notification s’effectue par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception et contient notamment une mise en demeure du propriétaire de retirer son véhicule dans un délai de dix jours lorsque l’expert, désigné par l’administration, l’aura estimé à une valeur marchande inférieure à un montant fixé par l’arrêté ministériel du 12 avril 2001 visé ci-dessus, soit 765 euros, et déclaré hors d’état de circuler dans des conditions normales de sécurité. Selon l’article L.325-
7 de ce code, à l’expiration de ce délai de dix jours, le véhicule laissé en fourrière est réputé abandonné et est livré à la destruction. 3. Il résulte de ces dispositions que le maire d’une commune, en sa qualité de gestionnaire du service public de la fourrière automobile, doit s’assurer avant d’ordonner la destruction d’un véhicule que la mise en fourrière a été régulièrement notifiée. La destruction d’un véhicule intervenant à l’issue d’une procédure irrégulière constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. 4. Il résulte de l’instruction que la SIET a acquis aux enchères, le 17 septembre 2015, un véhicule utilitaire mis en service le 29 mai 2013. Alors que le I de l’article R. 322-5 du code de la route lui faisait obligation, dans le délai d’un mois à compter de la cession, d’établir un certificat d’immatriculation à son nom, la SIET n’a fait établir ce certificat que le 5 novembre 2015 après la mise en fourrière de son véhicule le 2 novembre 2015. L’auteur de la mise en fourrière a, conformément aux dispositions de l’article R. 32531 du code de la route, notifié la mesure, d’abord à la SARL Auto-Méca, le 5 novembre 2015 puis à la société CGL le 20 novembre 2015, ces sociétés étant respectivement, selon les informations figurant alors au SIV, locataire et propriétaire du véhicule. Par un courrier du 3 décembre 2015, la société CGL a informé la commune de Lyon de ce que le véhicule mis en fourrière avait été vendu aux enchères et qu’elle n’en était plus propriétaire. À la suite de démarches engagées auprès de l’hôtel des ventes, la commune
a adressé à la SIET, par courrier du 14 décembre 2015, dont il ne résulte pas de l’instruction qu’il aurait été adressé par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception, la notification de la mise en fourrière précisant qu’elle disposait d’un délai de dix jours pour retirer son véhicule et qu’à l’expiration de ce délai, il sera réputé abandonné et ne pourra plus être lui restitué. La SIET, qui conteste avoir été destinataire de la notification de mise en fourrière, s’est présentée le 5 mars 2016 à la fourrière automobile municipale de Lyon où elle a été informée de la destruction de son véhicule. 5. Il résulte de ce qui précède et alors même que l’auteur de la mise en fourrière n’a pas méconnu les dispositions de l’article R. 325-31 du code de la route, que le maire de Lyon a ordonné la destruction du véhicule sans s’assurer que la SIET, à qui une nouvelle notification avait été adressée le 14 décembre 2015, avait été effectivement destinataire de ce courrier la mettant, entre autres, en demeure de retirer son véhicule dans les dix jours. Par suite, la SIET est fondée à soutenir que le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune et à demander l’annulation du jugement attaqué. 6. Toutefois, il résulte de l’instruction que la mise en fourrière a été décidée le 2 novembre 2015 alors que le véhicule, signalé « en panne », stationnait depuis plusieurs jours sur la voie publique. Or, la SIET ne s’est présentée au service municipal, ainsi qu’il a été dit au point 4 du présent arrêt, que le 5 mars 2016, soit plus de quatre mois après avoir abandonné
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son véhicule sur la chaussée. La SIET a ainsi fait preuve de négligence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité à hauteur de 90 % des conséquences dommageables de la destruction du véhicule. 7.Dansledernierétatdesesécritures en appel, la SIET demande à ce que l’indemnisation de son préjudice soit fixée à la somme de 15 790,14 euros correspondant aux frais d’acquisition du véhicule (7 909,60 euros), aux frais d’entretien et de réparation (1 635,47 euros), aux frais de location d’un camion de remplacement (5 903,31 euros) et au coût de son certificat d’immatriculation. 8. Il résulte de l’instruction que le véhicule utilitaire, malgré les réparations et travaux d’entretien réalisés dès son achat, a rapidement rencontré un « problème technique » selon la SIET qui aurait contraint cette dernière à le stationner durablement sur la voie publique. Au cours de cette période, le véhicule a subi des dégradations relevées dans le procèsverbal de mise en fourrière du 2 novembre 2015 et dans le rapport d’expertise établi à la demande de l’administration le 4 novembre suivant. L’expert a par ailleurs estimé que la valeur marchande du véhicule était inférieure à 765 euros et qu’il était hors d’état de circuler dans des conditions normales de sécurité. La SIET n’apporte à la cour aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation de l’expert. Il en résulte qu’elle ne peut prétendre à une indemnisation de la perte de son véhicule supérieure à 765 euros et ce, alors même, qu’elle n’a pas été mise à même de faire procéder à la contre-expertise 35
Jurisprudence ❚ prévue par l’article R. 32535 du code de la route. 9. Dans la mesure où son véhicule était hors d’état de circuler dans des conditions normales de sécurité, une restitution à la date à laquelle elle s’est présentée à la fourrière automobile municipale lui aurait imposé préalablement de faire procéder à des réparations indispensables à sa remise en état et de louer, comme elle l’a fait, un véhicule de remplacement pour poursuivre son activité professionnelle. Elle ne peut donc prétendre à l’indemnisation de ce poste de préjudice en l’absence de lien de causalité direct et certain avec la destruction de son véhicule. 10. Enfin, elle ne peut pas davantage prétendre au remboursement des taxes et redevances qu’il lui appartenait en toute hypothèse, en sa qualité de propriétaire du véhicule, de payer pour l’établissement d’un certificat d’immatriculation à son nom. 11. Il résulte de ce qui précède que l’indemnité due doit être fixée à la somme de 765 euros avant partage de responsabilité et que la commune de Lyon doit être condamnée à verser à la SIET la somme de 76,50 euros. 12. La SIET a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 76,50 euros à compter du 11 mars 2016, date de réception de sa demande préalable adressée à la commune. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment mais si, à la date où elle est demandée, les intérêts sont dus depuis moins d’une année, cette demande ne prend toutefois effet qu’à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. 36
Code de la route et infractions pénales
La capitalisation des intérêts a été demandée par la SIET le 23 décembre 2016 au tribunal administratif de Lyon. Il y a ainsi lieu de capitaliser les intérêts au 11 mars 2017, date à laquelle une année d’intérêts était due, et à chaque échéance annuelle ultérieure. 13. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des frais du litige. DéCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1609272 du 4 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé. Article 2: La commune de Lyon versera à la SIET la somme de 76,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2016. Les intérêts échus le 11 mars 2017 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
CONTRAVENTION Preuve contraire – énonciations du procès-verbal Crim., 25 février 2020, n° 19-83.696 Pour relaxer le prévenu, le jugement énonce qu’il ne résulte pas des débats de l’audience ni des pièces versées à la procédure que les faits lui soient imputables, qu’ils constituent une infraction à la loi pénale ou qu’ils soient établis. En se déterminant ainsi, par des motifs n’établissant pas que la
preuve contraire aux énonciations du procès-verbal constatant l’infraction ait été rapportée par écrit ou par témoins comme l’exige l’article 537 du code de procédure pénale, le tribunal de police n’a pas justifié sa décision. L’officier du ministère public près le tribunal de police d’évry a formé un pourvoi contre le jugement de ladite juridiction en date du 6 mai 2019, qui a relaxé M. C... B... du chef de contravention au code de la route. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 28 février 2018, une contravention de stationnement très gênant d’un véhicule sur une voie réservée à la circulation des véhicules de transport public a été constatée au [...] (91) concernant un véhicule immatriculé au nom de la société Spare part France. 3. M. [...], représentant légal de la société, a contesté l’infraction et il a été poursuivi devant le tribunal de police d’évry. Examen des moyens Sur le premier moyen Exposé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation de l’article 537 du code de procédure pénale. 5. Le moyen critique le jugement attaqué “en ce qu’il a relaxé le prévenu alors que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal constatant l’infraction n’a été rapportée ni par écrit ni par témoins.” Sur le second moyen Exposé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles 485 et 593 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique le jugement attaqué « en ce qu’il a
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relaxé le prévenu sans expliquer en quoi la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal était rapportée. » Réponse de la Cour 8. Les moyens sont réunis. Vu les articles 537 et 593 du code de procédure pénale : 9. Selon le premier de ces textes, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu’à preuve contraire, laquelle ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins. 10. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 11. Pour relaxer le prévenu, le jugement énonce qu’il ne résulte pas des débats de l’audience ni des pièces versées à la procédure que les faits lui soient imputables, qu’ils constituent une infraction à la loi pénale ou qu’ils soient établis. 12. En se déterminant ainsi, par des motifs n’établissant pas que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal constatant l’infraction ait été rapportée par écrit ou par témoins comme l’exige l’article 537 du code de procédure pénale, le tribunal de police n’a pas justifié sa décision. 13. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, La Cour : CASSE et ANNULE
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Jurisprudence ❚ TRAMWAY Exclusion de la loi du 5 juillet 1985 – Circulation sur voie propre Civ. 2e, 5 mars 2020, n° 19-11.411 Les dispositions du chapitre 1er de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, régissant l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation, sont applicables, selon l’article 1er de cette loi, aux victimes d’accidents dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 30 novembre 2018), que le 24 décembre 2012, Mme X... a été heurtée par un tramway de la société Kéolis, assuré par la société Allianz Eurocourtage ; qu’elle a assigné ces sociétés, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde, afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices ; Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du premier moyen et sur le second moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Et sur le premier moyen, pris en sa première branche : Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement ayant rejeté ses demandes fondées sur l’application de la 38
Accidents de la circulation et assurance
loi du 5 juillet 1985 tendant à l’indemnisation par la société Allianz Eurocourtage, en sa qualité d’assureur de la société Kéolis, de son entier dommage subi à la suite de l’accident du 24 décembre 2012, alors, selon le moyen, que les tramways sont exclus du domaine d’application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 s’ils circulent sur une voie qui leur est propre ; qu’un tramway n’est censé circuler sur une voie qui lui est propre que si l’assiette de son parcours a été rendue inaccessible aux piétons et aux autres véhicules ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a expressément constaté que les rails sur lesquels circulait le tramway ayant heurté Mme X..., lors de l’accident du 24 décembre 2012, étaient traversés par un passage piéton et par un carrefour permettant la circulation des autres véhicules, de sorte que la voie n’était pas propre audit tramway et que la loi du 5 juillet 1985 était applicable ; qu’en déboutant ensuite la victime de sa demande d’indemnisation de son entier dommage subi en raison de cet accident dans la mesure où, selon la cour d’appel, l’accident avait eu lieu sur une portion de voie réservée à la circulation du tramway l’ayant percutée, la cour d’appel a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas relative à la nécessité que la voie de circulation du tramway soit propre au lieu de l’accident, en violation de l’article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; Mais attendu que les dispositions du chapitre 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, régissant l’indemnisation des victimes d’accidents de la cir-
culation, sont applicables, selon l’article 1er de cette loi, aux victimes d’accidents dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semiremorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ; Attendu qu’ayant relevé d’une part qu’au lieu de l’accident les voies du tramway n’étaient pas ouvertes à la circulation et étaient clairement rendues distinctes des voies de circulation des véhicules par une matérialisation physique au moyen d’une bordure légèrement surélevée afin d’empêcher leur empiétement, que des barrières étaient installées de part et d’autre du passage piétons afin d’interdire le passage des piétons sur la voie réservée aux véhicules, qu’un terre-plein central était implanté entre les deux voies de tramway visant à interdire tout franchissement, que le passage piétons situé à proximité était matérialisé par des bandes blanches sur la chaussée conduisant à un revêtement gris traversant la totalité des voies du tramway et interrompant le tapis herbeux et pourvu entre les deux voies de tramway de poteaux métalliques empêchant les voitures de traverser mais permettant le passage des piétons, et retenu d’autre part que le point de choc ne se situait pas sur le passage piétons mais sur la partie de voie propre du tramway après le passage piétons, c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a retenu que l’application de la loi du 5 juillet 1985 était exclue dès lors que l’accident avait eu lieu sur une portion de voie
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réservée exclusivement à la circulation du tramway ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi
RECOURS DES TIERS PAYEURS Organismes sociaux étrangers – Détermination de la loi applicable Civ. 2e, 6 février 2020 , n° 18-11.278 Sans rechercher quelle était la loi applicable au recours des organismes sociaux suisses selon la règle de conflit, alors que ces derniers revendiquaient l’application de la loi suisse et soutenaient que, selon l’article 72 de la loi fédérale suisse sur les assurance sociales, ils étaient subrogés dès la survenance de l’accident dans les droits de la victime, de sorte que le caractère préalable ou non du versement des prestations était sans incidence sur l’étendue de ses droits, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. Désistement partiel Il y a lieu de donner acte à la Caisse nationale Suisse en cas d’et à l’Office de l’assurance invalidité du canton de Vaud du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme Q..., la société Nationale Suisse assurances et la société Progrès assurances. Faits et procédure Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 28 septembre 2017), M. S..., qui circulait en motocyclette sur
Jurisprudence PASSAGE à NIVEAU Responsabilité partielle de la SNCF – Faute de l’usager Civ. 2e, 16 janvier 2020, n° 19-14.821 Le gardien d’une chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s’il prouve que la faute de la victime a contribué à son dommage. La SNCF mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] , venant aux droits de la SNCF, a formé le pourvoi n° C 19-14.821 contre l’arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d’appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l’opposant : Donne acte à l’Etablissement public industriel et commercial SNCF mobilités, venant aux droits de la SNCF, du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme F... X..., agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritière de S... V... ; Sur le premier moyen : une route de Haute-Savoie, a été victime le 11 octobre 2009, d’un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par Mme X..., assurée auprès de la société Groupama Centre Atlantique (l’assureur). Après expertise, M. S..., résidant en Suisse, et sa mère, Mme Q... ont assigné Mme X... et l’assureur en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accident (la SUVA) et de la Caisse cantonale vaudoise de compensation. La société Nationale Suisses assurances et la société Progrès assurances ont été attraites à la procédure et l’Office de l’assurance invalidité du canton de
Vu l’article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil ; Attendu que le gardien d’une chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s’il prouve que la faute de la victime a contribué à son dommage ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 27 mars 2014, pourvoi n° 13-13.790), qu’à la suite du décès d’M... V... et de son fils K..., survenu à l’occasion d’une collision entre le véhicule automobile avec lequel celle-ci franchissait une voie ferrée à hauteur d’un passage à niveau et un train de la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF), aux droits de laquelle se trouve l’Etablissement public industriel et commercial SNCF mobilités (l’Epic mobilités), S... V..., M. Q... V... et Mmes G... X... et P... J..., nées V..., (les consorts V...) ont assigné la SNCF en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1, du code civil ; que les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), venant aux droits de la société Azur assurance IARD,
Vaud (l’Office) est intervenu volontairement à l’instance. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche et le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche Enoncés des moyens Premier moyen du pourvoi principal : La SUVA et l’Office font grief à l’arrêt de rejeter l’existence d’une perte de gains professionnels futurs, de condamner in solidum Mme X... et l’assureur à payer respectivement à la SUVA et à l’Office les sommes de 249 915,53 euros et 119 036,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2014 et capi-
assureur du véhicule accidenté, sont intervenues volontairement à l’instance ; qu’à la suite du décès de S... V..., ses héritiers ont repris l’instance ; Attendu que pour déclarer l’Epic SNCF mobilités responsable des conséquences de la collision et le condamner à payer diverses sommes aux consorts V... et aux sociétés MMA, l’arrêt retient que l’absence d’imprévisibilité ne permet pas à la SNCF de se prévaloir d’une cause extérieure exonératoire et qu’elle doit sa garantie sur le fondement de l’article 1242 nouveau du code civil ; Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M... V..., en faisant redémarrer son véhicule au moment de l’arrivée du train, n’avait pas commis une faute susceptible d’exonérer partiellement l’Epic SNCF mobilités de sa responsabilité, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS, DIT n’y avoir lieu de mettre les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles hors de cause ; CASSE ET ANNULE
talisation des intérêts et de débouter la SUVA et l’Office du surplus de leurs demandes, alors qu’« en application de l’article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs nonsalariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté, applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre les états membres de l’Union européenne et la Confédération suisse, la subrogation dont bénéficient les organismes sociaux suisses telle qu’elle résulte de la loi suisse doit donc être reconnue par les juridictions françaises ; qu’en faisant
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application de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 pour statuer sur le recours subrogatoire des tiers payeurs suisses et non pas de la loi suisse, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil, ensemble les articles 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté, applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre les états membres de l’Union et la Confédération suisse, au recours subrogatoire des tiers payeurs suisses, 72 et 74 de la loi fédérale suisse sur la partie générale du droit 39
Jurisprudence ❚ des assurances sociales du 6 octobre 2000 ; » Moyen unique du pourvoi incident : L’assureur fait grief à l’arrêt de fixer les préjudices de M. S... à la somme de 441 571,95 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux soumis à recours des tiers payeurs et à celle de 242 153,18 euros au titre de ses préjudices extra patrimoniaux non soumis à recours, de le condamner in solidum avec Mme X... à payer à M. S... la somme de 137 568,47 euros après déduction de la créance des tiers payeurs suisses et sous réserve de la déduction des provisions déjà versées, à la SUVA la somme de 249 915,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2014, avec capitalisation des intérêts, et à l’Office la somme de 119 036,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2014, avec capitalisation des intérêts, alors qu’« en application de l’article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs nonsalariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté, applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre les états membres de l’Union européenne et la Confédération suisse, la subrogation dont bénéficient les organismes sociaux suisses telle qu’elle résulte de la loi suisse doit être reconnue par les juridictions françaises ; qu’en faisant application de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 pour statuer sur le recours subrogatoire des tiers payeurs suisses et non de la loi suisse en 40
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vigueur qui autorisait l’imputation des indemnités servies sur les postes de préjudice à caractère personnel de M. S..., la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application, ainsi que l’article 3 du code civil, l’article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971 susvisé et les articles 72 et 74 de la loi fédérale suisse sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000, par refus d’application » ; Réponse de la Cour Vu l’article 3 du code civil, ensemble l’article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté, applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre les Etats membres de l’Union et la Confédération suisse : Pour fixer les préjudices patrimoniaux de M. S... soumis à recours et les préjudices extrapatrimoniaux non soumis à recours et condamner l’assureur, in solidum avec Mme X... à payer certaines sommes à la SUVA et à l’Office, l’arrêt retient que pour fixer le montant de l’indemnisation due, il y a lieu d’appliquer la loi du 21 décembre 2006, dans son article 25, qui prévoit que les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel. En se déterminant ainsi, sans rechercher quelle était la loi applicable au recours des organismes sociaux suisses selon
la règle de conflit, alors que la SUVA et l’Office national de l’invalidité du canton de Vaud revendiquaient l’application de la loi suisse, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : énoncé du moyen La SUVA et l’Office font grief à l’arrêt de fixer les préjudices patrimoniaux de M. S... soumis à recours des tiers payeurs à la somme de 441 571,95 euros, sauf pour mémoire les frais futurs de ces derniers pour un montant de 7 817,95 euros correspondant au remplacement et à l’entretien de la prothèse lorsqu’ils seront acquittés et justifiés et de condamner in solidum Mme X... et l’assureur à payer à la SUVA les frais de renouvellement et d’entretien de la prothèse, évalués à la somme de 7 817,95 euros par an, alors, qu’ « en application de l’article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté, applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre les états membres de l’Union européenne et la Confédération suisse, la subrogation dont bénéficient les organismes sociaux suisses telle qu’elle résulte de la loi suisse doit donc être reconnue par les juridictions françaises ; que selon l’article 72 de la loi fédérale suisse sur la partie générale des assurances sociales du 6 octobre 2000 : « Dès la survenance de
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l’événement dommageable, l’assureur est subrogé, jusqu’à concurrence des prestations légales, aux droits de l’assuré et de ses survivants contre tout tiers responsable » ; qu’en subordonnant le remboursement des dépenses de santé futures à la production des justificatifs de paiement de ces frais et en refusant leur capitalisation pour la même raison, cependant qu’en vertu de la loi suisse, le tiers payeur suisse est subrogé dans les droits de la victime dès la survenance de l’accident de sorte que le remboursement de ses débours ne peut pas être subordonné à la preuve du paiement, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil, ensemble les articles 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté, applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre les états membres de l’Union et la Confédération suisse, au recours subrogatoire des tiers payeurs suisses, 72 et 74 de la loi fédérale suisse sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 ; Réponse de la Cour Vu l’article 3 du code civil, ensemble l’article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de Sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté, applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre les états membres de l’Union et
Jurisprudence la Confédération suisse : Pour fixer les préjudices patrimoniaux de M. S... soumis à recours des tiers payeurs à la somme de 441 571,95 euros, sauf pour mémoire les frais futurs de ces derniers pour un montant de 7 817,95 euros correspondant au remplacement et à l’entretien de la prothèse lorsqu’ils seront acquittés et justifiés et condamner in solidum Mme X... et l’assureur à payer à la SUVA les frais de renouvellement et d’entretien de la prothèse, évalués à la somme de 7 817,95 euros par an, l’arrêt, après avoir relevé qu’il y avait lieu d’appliquer la loi du 21 décembre 2006, dans son article 25, retient que le mécanisme qui fonde les droits de la SUVA étant la subrogation dans les droits de la victime, et la capitalisation ayant pour but d’éviter une double indemnisation et de cerner l’étendue du recours, la SUVA ne pourra se faire rembourser ses dépenses qu’après les avoir exposées et que dès lors que la compagnie Groupama n’accepte pas de payer la capitalisation réclamée, celle-ci ne peut lui être imposée. En se déterminant ainsi sans rechercher quelle était la loi applicable au recours des organismes sociaux suisses selon la règle de conflit, alors que la SUVA et l’Office revendiquaient l’application de la loi suisse et soutenaient que, selon l’article 72 de la loi fédérale suisse sur les assurance sociales, la SUVA était subrogée dès la survenance de l’accident dans les droits de la victime, de sorte que le caractère préalable ou non du versement des prestations était sans incidence sur l’étendue de
ses droits, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour : CASSE ET ANNULE
PRéJUDICE CORPOREL Pensions versées par les organismes sociaux – évaluation préalable des pertes de gains professionnels futurs Civ. 2e, 6 février 2020, n°18-24.761 Pour fixer l’indemnisation du préjudice de perte de gains professionnels futurs et le montant total de l’indemnisation des préjudices, l’arrêt retient que la victime réclame en appel une indemnité complémentaire au titre des pertes de gains professionnels futurs qui avaient été et allaient être pris en charge par la caisse au titre de la rente, que ce poste de préjudice vise à l’indemnisationdelaperteou de la diminution des revenus consécutive à l’incapacité permanente à compter de la date de consolidation, que l’indemnisation de ce poste de préjudice a été rejetée en première instance au motif que la victime percevait une rente mensuelle, que cependant il convient de fixerlemontantdelapertede gains professionnels futurs à une somme correspondant à la rente versée par l’organisme social, la victime
ne réclamant aucune somme complémentaire. En statuant ainsi, sans évaluer préalablement ce poste de préjudice qui ne pouvait être confondu avec les rentes et pensions servies par la caisse des dépôts et consignations en vue de l’indemniser, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. Faits et procédure 2. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 20 septembre 2019) et les productions, M. B..., victime d’un accident de la circulation survenu le 11 août 2008, alors qu’il travaillait en qualité de ripeur au ramassage des ordures ménagères pour le compte de la communauté de communes du Vinobre (l’employeur), assurée auprès de la société Groupama Méditerranée (l’assureur), a, par actes des 3 et 10 avril 2015, assigné son employeur et son assureur ainsi que la caisse devant le tribunal de grande instance de Privas en indemnisation de ses préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La communauté de communes du Vinobre et la société Groupama Méditerranée font grief à l’arrêt de fixer l’indemnisation du préjudice de perte de gains professionnels actuels de M. B... à 29 613,89 euros euros et le montant total de l’indemnisation des préjudices de M. B..., due in solidum par la communauté de communes du Vinobre et son assureur, à 223 287 euros, déduction faite des provisions déjà versées, alors : « 1°/ que le jugement a fixé à 182 111 euros le montant du préjudice corporel subi par
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M. B..., somme ne comprenant pas d’indemnisation au titre d’une perte de gains professionnels actuels, le tribunal ayant retenu que M. B... n’avait subi aucun préjudice à ce titre ; qu’en appel, M. B... demandait que son préjudice des suites de l’accident soit fixé à la somme de 687 856,31 euros, comprenant une somme de 29 613,89 euros au titre d’une perte de gains professionnels actuels, tandis qu’elles demandaient la confirmation du jugement ; qu’en retenant que les parties sollicitaient la confirmation de la première décision, pour en déduire qu’un préjudice de perte de gains professionnels actuels devait être fixé à 29 613,89 euros, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige en violation de l’article 4 du code de procédure civile. 2°/ qu’en déduisant l’existence d’un préjudice de perte de gains professionnels actuels du versement par la caisse d’une rente au titre de l’accident du travail et en fixant le montant de ce poste de préjudice au montant des sommes versées par la caisse, quand il lui appartenait de déterminer l’existence et le quantum de ce préjudice indépendamment des sommes pouvant être versées par l’organisme de sécurité sociale, la cour d’appel a violé l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.» Réponse de la Cour 4. C’est sans méconnaître l’objet du litige qu’après avoir relevé que les parties sollicitaient la confirmation du jugement, la cour d’appel a retenu, en analysant souverainement la portée de leurs écritures au 41
Jurisprudence ❚ regard de l’ambiguïté de cette décision, que les pertes de gains professionnels actuels de la victime s’élevaient à la somme de 29 613,89 euros. 5. Dès lors, le moyen n’est pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 6. La communauté de communes du Vinobre et la société Groupama Méditerranée font grief à l’arrêt de fixer l’indemnisation du préjudice de perte de gains professionnels futurs de M. B... à 313 717,54 euros et de fixer le montant total de l’indemnisation des préjudices de M. B..., due in solidum par elles, à 223 287 euros, déduction faite des provisions déjà versées alors qu’« en déduisant l’existence d’un préjudice de perte de gains professionnels futurs du versement par la caisse d’une rente au titre de l’accident du travail et en fixant le montant de ce poste de préjudice au montant des sommes versées par la caisse, quand il lui appartenait de déterminer l’existence et le quantum de ce préjudice indépendamment des sommes pouvant être versées par l’organisme de sécurité sociale, la cour d’appel a violé l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour Vu l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 7. Pour fixer l’indemnisation du préjudice de perte de gains professionnels futurs de M. B... à la somme de 313 717,54 euros et le montant 42
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total de l’indemnisation de ses préjudices, due in solidum par l’employeur et son assureur à celle de 223 287 euros, déduction faite des provisions déjà versées, l’arrêt retient que M. B... réclame en appel une indemnité complémentaire de 40 815,77 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs (arrérages échus) et une indemnité complémentaire de 272 901,77 euros (arrérages à échoir) qui avaient été et allaient être pris en charge par la caisse au titre de la rente, que ce poste de préjudice vise à l’indemnisation de la perte ou de la diminution des revenus consécutive à l’incapacité permanente à compter de la date de consolidation, que l’indemnisation de ce poste de préjudice a été rejetée en première instance au motif que M. B... percevait une rente mensuelle de 1 138,97 euros, que cependant il convient de fixer le montant de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 313 717,54 euros correspondant à la rente versée par l’organisme social, la victime ne réclamant aucune somme complémentaire. 8. En statuant ainsi, sans évaluer préalablement ce poste de préjudice qui ne pouvait être confondu avec les rentes et pensions servies par la caisse des dépôts et consignations en vue de l’indemniser, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 9. La cassation sur le chef de décision fixant à la somme de 313 717,54 euros le montant de l’indemnisation du poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs entraîne
par voie de conséquence la cassation du chef de décision fixant, déduction faite des provisions versées par la caisse, le montant de la somme totale due par l’employeur et son assureur. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE
PRéJUDICE CORPOREL Incidence professionnelle – Distinction des pertes de gains professionnels futurs Civ. 2e, 6 février 2020, n°19-12.779 Ayant relevé que la victime avait subi une dévalorisation sur le marché du travail, compte tenu de son impossibilité d’avoir pu exercer une activité pérenne d’architecte conforme à son niveau de formation, et d’autre part une fatigabilité et une pénibilité accrues en raison des troubles cognitifs, c’est sans encourir le grief d’une double indemnisation d’un préjudice déjà réparé au titre des pertes de gains professionnels futurs que la cour d’appel a réparé au titre de l’incidence professionnelle, à la fois la dévalorisation sur le marché du travail et la pénibilité accrue subie par la victime durant les périodes pendant lesquelles il a exercé une activité professionnelle, préjudices distincts de celui réparé au titre de la perte de gains professionnels futurs. Faits et procédure
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1. Selon l’arrêt attaqué ( Paris, 3 décembre 2018), M. F..., qui était piéton, a été victime, le 15 mars 1994, d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Maif (l’assureur). 2. Il a assigné l’assureur en réparation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris, de la Cramif et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse travailleurs salariés. Examen des moyens Sur le premier moyen pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches et sur le second moyen, ci-après annexés 3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. L’assureur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser à M. F... une somme de 621 392,27 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, ainsi qu’une somme de 40 000 euros au titre de l’incidence professionnelle, alors : « 1°/ que la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit pour la victime ; que la perte de gains professionnels futurs correspond à la perte ou à la diminution des revenus consécutives à l’incapacité permanente à laquelle la victime est confrontée du fait du dommage ; qu’en se bornant à affirmer, pour évaluer comme elle l’a fait la perte de
Jurisprudence gains professionnels futurs sur une période courant de la date de consolidation au 26 octobre 2008, que la perte de gains subie par M. F... en raison de ce cursus professionnel discordant par rapport à sa qualification est en lien de causalité avec ses troubles cognitifs et comportementaux relevés par les experts, sans caractériser plus avant, tandis que les rapports d’expertise judiciaire produits avaient exclu toute impossibilité de reprendre un travail, dans quelle mesure le parcours professionnel de M. F... durant cette période pouvait intégralement trouver sa cause dans le fait dommageable, la cour d’appel privé sa décision de base légale au regard de l’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; 2°/ que la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit pour la victime ; que la perte de gains professionnels futurs correspond à la perte ou à la diminution des revenus consécutives à l’incapacité permanente à la laquelle la victime est confrontée du fait du dommage ; qu’en se bornant à affirmer, pour évaluer comme elle l’a fait la perte de gains professionnels futurs sur une période courant du licenciement de M. F... au mois de septembre 2018, que la rupture du contrat de travail était en lien avec les séquelles de l’accident, sans caractériser plus
avant, tandis que les rapports d’expertise judiciaire produits avaient exclu toute impossibilité de reprendre un travail et que M. D... avait estimé que certains motifs du licenciement étaient sans lien avec les séquelles de l’accident, dans quelle mesure le parcours professionnel ultérieur de M. F... pouvait intégralement trouver sa cause dans le fait dommageable, la cour d’appel privé sa décision de base légale au regard de l’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. » Réponse de la Cour 5. La cour d’appel a d’abord relevé que selon les experts, M. F... conservait des séquelles directement liées à l’accident gênant sa réinsertion professionnelle en raison notamment de troubles intellectuels avec difficulté de concentration et d’élaboration des idées, de troubles de la mémoire ainsi que des séquelles caractérielles et que, malgré un certain potentiel dans le domaine de l’architecture, ses séquelles neuropsychologiques constituaient un obstacle permanent dans les prises de poste dans son secteur de compétence, même s’il n’existait pas d’incapacité avérée à exercer une activité professionnelle génératrice de gains. Elle a également rappelé d’une part, que M. F... avait une formation d’architecte et qu’il avait exercé cette activité pendant six
ans avant d’obtenir un diplôme complémentaire en communication mais que depuis l’accident il n’avait exercé qu’une activité d’assistant de chef de projet durant 16 mois et une activité de dessinateur avec un contrat de travail auquel il a été mis fin durant la période d’essai et d’autre part, que son licenciement le 20 septembre 2010 avait été motivé par des griefs en corrélation avec la nature des troubles cognitifs et comportementaux décrits par les médecins l’ayant examiné. 6. Appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a pu retenir que le cursus professionnel de M. F..., discordant par rapport à sa qualification, était en lien de causalité avec ses troubles cognitifs et comportementaux relevés par les experts et imputés au syndrome post-commotionnel consécutif à l’accident et que son licenciement était imputable à ces séquelles et a ainsi légalement justifié sa décision. 7. Le moyen n’est donc pas fondé. Et sur le premier moyen pris en sa huitième branche. Enoncé du moyen 8. L’assureur fait le même grief à l’arrêt alors que « la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit pour la victime ; que la réparation de l’incidence professionnelle ne peut aboutir à la double indemnisation d’un préjudice déjà réparé
au titre de la perte de gains professionnels futurs ; qu’en allouant à la fois une somme de 40 000 euros en réparation de l’incidence professionnelle en raison notamment d’une fatigabilité et une pénibilité accrues en raison des troubles cognitifs, appréciées au degré modéré, sur une période de 24 ans et une somme de 621 392,27 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs correspondant à une période non travaillée de plus de 20 ans jusqu’à l’âge de la retraite, la cour d’appel a violé le principe susvisé. » Réponse de la Cour 9. Ayant relevé que M. F... avait subi d’une part une dévalorisation sur le marché du travail, compte tenu de son impossibilité d’avoir pu exercer une activité pérenne d’architecte conforme à son niveau de formation, et d’autre part une fatigabilité et une pénibilité accrues en raison des troubles cognitifs, c’est sans encourir le grief du moyen que la cour d’appel a réparé au titre de l’ incidence professionnelle, à la fois la dévalorisation sur le marché du travail et la pénibilité accrue subie par M. F... durant les périodes pendant lesquelles il a exercé une activité professionnelle, préjudices distincts de celui réparé au titre de la perte de gains professionnels futurs. 10. Le moyen n’est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi
Jurisprudence automobile
Vous êtes professionnel du droit de l’automobile (avocat, universitaire, juriste d’entreprise, ...) et souhaitez apporter un avis, un éclairage ou réagir sur un sujet d’actualité ou de fond sur cette matière en pleine évolution ? La Jurisprudence automobile s’ouvre pour accueillir de nouvelles contributions : commentaires de jurisprudence, chroniques, cas pratiques... Vous êtes intéressés ? Merci d’adresser vos propositions et/ou contributions à : Géraldine Bruguière-Fontenille Tél: 01 77 92 99 76 ou par mail à geraldine.bruguiere@infopro-digital.com JURISPRUDENCE AUTOMOBILE • N° 927 • AVRIL 2020 • jurisprudence-automobile.fr
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Jurisprudence ❚
Commerce et services de l’automobile
CENTRE DE CONTRôLE TECHNIQUE Responsabilité – Omission de mentionner des défauts. CA Pau, 1re ch., 7 janvier 2020, n° 18/00275 Un centre de contrôle technique automobile obligatoire est susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement contractuel à l’égard du propriétaire du véhicule l’ayant missionné et sur le fondement délictuel à l’égard des tiers, au rang desquels figurent les propriétaires ultérieurs du véhicule. La mise en jeu de la responsabilité délictuelle du contrôleur technique suppose la preuve d’une faute à son encontre, et d’un préjudice en lien avec cette faute. Le 13 février 2016, M. Dan R., exerçant sous l’enseigne Oly Auto, a vendu à Mme Belinda D. un véhicule automobile Opel Corsa, mis en circulation le 27 mai 2003, pour le prix de 1 600 €, outre la reprise d’un ancien véhicule pour un montant de 500 €. Le procès-verbal de contrôle technique établi le 2 février 2016 par la SARL DSM
VICES CACHéS Ventes successives – Connaissance des vices par le vendeur Civ. 1re, 26 février 2020, n°19-11.605 Aux termes de l’article 1646 du code civil, si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente. 44
indiquait que le véhicule présentait divers défauts à corriger sans obligation de contre-visite: jeu anormal de la crémaillère et du boîtier de direction, protection défectueuse droite de la rotule de l’articulation de direction, anomalie de fonctionnement du feu de recul, usure irrégulière des pneus, détérioration importante de la porte latérale avant gauche. En suite de la survenance de diverses avaries, M. Stéphane S., compagnon de Mme ÓD., a fait contrôler le véhicule par un concessionnaire Opel qui a établi un devis de remise en état pour un montant de 1 174,16 € T.T.C. M. S. a alors fait effectuer un contrôle technique auprès de la SARL Cactus 1 Auto Bilan, laquelle a émis le 22 février 2016 un procès-verbal faisant état des désordres. Par jugement du 19 décembre 2017, le tribunal d’instance de Tarbes a : - déclaré M. S. irrecevable, faute de qualité à agir, - prononcé la résolution de la vente ‘aux torts de la partie défenderesse , - ordonné la restitution par Mme D. à M. R. exerçant sous la dénomination commerciale Oly Auto du véhicule automobile Opel Corsa BQ 742 LB ; - condamné M. R. à payer à Mme D. les sommes de 2 100 euros en remboursement du prix de vente, de 68 € correspondant à
M. Y... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-11.605 contre l’arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d’appel d’Orléans (chambre des urgences). Faits et procédure 1. Selon l’arrêt attaqué (Orléans, 5 décembre 2018), le 1er juillet 2016, M. O... (le vendeur originaire) a vendu à M. T... (le vendeur intermédiaire) un véhicule automobile d’occasion, revendu par ce dernier, le 17 septembre 2016, à M. I... (l’acquéreur). 2. Les ventes successives ont été judiciairement résolues pour
une facture du 22 février 2016, 3 490 € en réparation du préjudice d’immobilisation ; - débouté Mme D. du surplus de ses demandes ; - déclaré la SARL DSM responsable du préjudice subi par Mme D. ; - condamné la SARL DSM, in solidum avec M. R., au paiement des sommes précitées ; - condamné in solidum les défendeurs à payer à Mme D. le somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens. La SARL DSM a interjeté appel de cette décision. MOTIFS Le litige est, en cause d’appel, circonscrit aux chefs de dispositif par lesquels le tribunal a déclaré la S.A.S. DSM responsable du préjudice subi par Mme D. et l’a condamnée in solidum avec M. R. à payer à Mme D. les sommes de 2 100 € au titre du prix de vente, 68 € au titre du coût du contrôle technique du 22 février 2016 et de 3 490 € au titre du préjudice d’immobilisation. Un centre de contrôle technique automobile obligatoire est susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement contractuel à l’égard du propriétaire du véhicule l’ayant missionné et sur le fondement délictuel à l’égard des tiers, au rang
vices cachés. Examen des moyens Sur le second moyen Enoncé du moyen 3. Le vendeur intermédiaire fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation du vendeur originaire à lui payer la somme de 133,76 euros à titre d’indemnisation des frais occasionnés par la vente, alors «qu’en vertu de l’article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dom-
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mages-intérêts envers l’acheteur ; qu’en déboutant le vendeur intermédiaire de sa demande tendant à la condamnation du vendeur originaire à l’indemniser au titre des frais d’immatriculation du véhicule affecté d’un vice caché, tout en constatant que ce dernier connaissait le vice de la chose lors de la vente, ce dont il résultait qu’il devait nécessairement indemniser le vendeur intermédiaire au titre des frais d’immatriculation engagés par celui-ci, la cour d’appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour
Jurisprudence desquels figurent les propriétaires ultérieurs du véhicule. La mise en jeu de la responsabilité délictuelle du contrôleur technique suppose la preuve d’une faute à son encontre, et d’un préjudice en lien avec cette faute. La responsabilité du centre de contrôle technique est susceptible d’être retenue lorsqu’il est établi qu’il a omis de mentionner des anomalies pouvant être décelées, sans démontage, au niveau des éléments soumis à contrôle selon la réglementation des contrôles techniques et, en dehors de tout élément soumis à contrôle, s’il ne signale pas des anomalies visibles sans démontage qui mettent en jeu la sécurité des usagers du véhicule ou des tiers du fait de la circulation dudit véhicule. Si le rapport d’expertise MPEX n’a pas été réalisé au contradictoire de la SARL DSM, il constitue cependant un élément de preuve qui a été soumis à la libre discussion des parties tant en première instance qu’en cause d’appel et il peut être pris en considération dès lors qu’il n’est pas le seul élément probatoire produit par Mme D., laquelle verse également aux débats un devis de réparations du 18 février 2016 et un procès-verbal de contrôle technique du 22 février 2016. Compte-tenu du faible kilométrage parcouru (au plus 1 760 km), du court laps de
4. La cour d’appel a souverainement constaté que le vendeur intermédiaire n’avait pas subi de préjudice réparable résultant des frais d’immatriculation du véhicule, qui lui ont permis d’utiliser celui-ci dans le respect des obligations légales, durant deux mois et demi, avant de le revendre. 5. Le moyen n’est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le vendeur intermédiaire fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à l’acquéreur les sommes de 1450,75 euros en rembourse-
temps (20 jours) entre les deux contrôles techniques et de l’absence de preuve d’une utilisation excessive et/ou inadaptée du véhicule par Mme D., il doit être considéré que les défauts relevés dans le cadre du deuxième contrôle technique existaient lors de la réalisation du premier contrôle car le jeu excessif et/ou la détérioration importante des rotules de direction gauche et droite et l’usure importante et/ou la différence importante d’usure des pneus avant (tous défauts nécessitant une contre-visite aux termes mêmes de l’arrêté du 18 juin 1991) ne sont pas apparus en 1 760 km et/ou 20 jours. Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a considéré que la SARL DSM a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de Mme D. pour avoir omis de signaler le jeu excessif et/ou la détérioration importante des rotules de direction et l’usure importante des pneumatiques avant et ne pas avoir indiqué la gravité des défauts affectant les organes de direction du véhicule et en omettant de mentionner les autres désordres relevés dans le procès-verbal de contrôle du 20 février 2016 dont le cumul participe à rendre le véhicule impropre à sa destination, sauf réparation d’un montant disproportionné à sa valeur vénale. La société de contrôle technique qui n’est
ment de ses frais d’assurance et de 1200 euros en réparation de son préjudice de jouissance, alors «que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommagesintérêts envers l’acheteur, mais que si en revanche il ignorait les vices de la chose, il ne peut être tenu qu’à la restitution du prix et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente; qu’en l’espèce, la cour d’appel n’a pas constaté que le vendeur intermédiaire connaissait les vices de
pas vendeur du véhicule ne peut être tenue, même in solidum avec celui-ci, à la restitution du prix de vente qui n’est qu’une conséquence de la résolution du contrat de vente. Cependant, la faute de la SARL DMS a concouru à la réalisation du préjudice de Mme D. qui, correctement informée sur l’état réel du véhicule, ne l’aurait pas acquis ou en aurait donné un moindre prix et n’aurait pas subi les préjudices consécutifs à la vente, soit les frais de réalisation d’un deuxième contrôle technique (68 €) et le préjudice de jouissance dont le premier juge a fait une appréciation exacte au vu des éléments de la cause. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SARL DSM à payer à Mme D., in solidum avec M. R., les sommes de 68 € et 3 490 € à titre de dommages-intérêts et de débouter Mme D. de la demande en paiement de la somme de 2 100 € par elle formée contre la SARL DMS au titre de la restitution du prix de vente du véhicule litigieux. PAR CES MOTIFS, LA COUR, Dans les limites de sa saisine: Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la SARL DSM responsable du préjudice subi par Mme D.,
la chose; qu’en le condamnant toutefois, après avoir prononcé la résolution de la vente, à payer à l’acquéreur la somme de 1450,75 euros à titre de remboursement de ses frais d’assurance et la somme de 1200 euros à titre de dommages-intérêts pour l’indemnisation de son préjudice de jouissance, cependant que ces condamnations ne concernaient pas l’indemnisation de frais occasionnés par la vente, frais qui ne pouvaient donc être mis à la charge d’un vendeur ignorant les vices de la chose, la cour d’appel a
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violé l’article 1646 du code civil.» Réponse de la Cour Vu l’article 1646 du code civil: 7. Aux termes de ce texte, si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente. 8. Pour condamner le vendeur intermédiaire à payer à l’acquéreur les sommes de 1450,75 euros en remboursement de ses frais d’assurance et de 1200euros en réparation de son préjudice de jouissance, l’arrêt retient 45
Jurisprudence ❚ que les primes d’assurance ont été payées en pure perte et que l’acquéreur a été privé de l’usage de son véhicule. 9. En statuant ainsi, sans constater que le vendeur intermédiaire connaissait les vices affectant le véhicule, et alors que ni les frais d’assurance ni les dommagesintérêts alloués en réparation des préjudices subis ne constituent des dépenses liées à la conclusion du contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour: CASSE ET ANNULE
VICES CACHéS Défaut de conformité – Délai de prescription de l’action CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 7 janvier 2020, n° 18/03910 En application de l’article 1641 du code civil, la garantie des vices cachés est due par le vendeur lorsque la chose présente un vice qui la rend impropre à l’usage auquel l’acheteur la destinait ; que le vice doit revêtir certains caractères pour que la garantie puisse être mise en œuvre. FAITS ET PROCÉDURE Le 10 févier 2010, M. et Mme D. ont commandé auprès du Garage de la Gare de Beauchamp, concessionnaire Renault, un véhicule neuf de la marque, modèle Clio, pour le prix de 7675.50 euros, déduction faite d’un bonus écologique de 2000 euros et d’une remise pour reprise de leur ancien véhicule de 700 euros, soit le montant total de 10375 euros. Le 17 mai 2010, le véhicule a été 46
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livré aux époux D. Le 10 mai 2011, ils ont confié leur véhicule au Garage de la Gare de Beauchamp suite à l’apparition de désordres: dysfonctionnement de la jauge à carburant (GPL), bruit et voyant «Service» et «GPL» allumés. Le véhicule a été partiellement remis en état et le 27 juin 2011. Le Garage de la Gare de Beauchamp a procédé au remplacement de la jauge. Ce dernier est intervenu par la suite à plusieurs reprises entre juillet 2011 et janvier 2012 sans que la panne ne soit réparée. Par plusieurs courriers recommandés avec accusés de réception, M. et Mme D. ont signalé les difficultés rencontrées à la SAS Renault, constructeur du véhicule. Le 13 avril 2012, le cabinet d’expertise Maison, diligenté par l’assureur protection juridique des époux D., a procédé à l’examen du véhicule en présence de M. D. et de M. L., responsable du service après-vente du Garage de la Gare de Beauchamp. La SAS Renault n’était ni présente ni représentée bien que régulièrement convoquée. Aux termes de son rapport du 24 juillet 2012, l’expert a constaté que la jauge GPL n’est pas fiable, un bruit au niveau du volant (vibration en tournant lentement le volant) ainsi qu’un voyant d’alerte allumé au tableau de bord. L’expert a relevé que le problème de la jauge GPL n’a pas été solutionné, a conclu qu’il existe une anomalie à ce niveau et que la responsabilité du constructeur est engagée. Par acte d’huissier en date du 4 octobre 2012, les époux D. ont fait assigner en référé-expertise la SAS Renault et le Garage de la Gare de Beauchamp. Par ordonnance du 20 novembre
2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné une mesure d’expertise confiée à M. D. Par acte d’huissier en date du 9 avril 2015, les époux D. ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre la SAS Renault sur le fondement principal de la garantie des vices cachés et subsidiairement sur le défaut de délivrance conforme. Par acte d’huissier en date du 22 juin 2016, ils ont également fait assigner devant le tribunal de céans, le Garage de la Gare de Beauchamp sur les mêmes fondements. Par le jugement dont appel, ils ont été déboutés de leurs demandes. SUR CE, LA COUR, Sur la qualification du défaut invoqué par M. et Mme D. Considérant que la détermination du régime de la prescription de l’action engagée par M. et Mme D. nécessite de qualifier au préalable le défaut qu’ils invoquent; Considérant que l’obligation de délivrance prévue aux articles 1604 et suivants du code civil renvoie en premier lieu à l’idée de transmission de la maîtrise essentiellement matérielle de la chose; que l’acheteur doit être mis en mesure de prendre possession du bien; qu’en second lieu, l’obligation de délivrance s’entend de la délivrance d’une chose conforme aux prévisions contractuelles; qu’ainsi, apprécier la conformité suppose d’établir une comparaison entre les caractéristiques de la chose livrée et celles de la chose qui faisait l’objet du contrat; que dès lors, une référence aux stipulations contractuelles s’impose afin d’apprécier en particulier la conformité eu égard à la qualité de la chose vendue; qu’en outre, le défaut de conformité s’appré-
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cie, sauf stipulation contraire, au jour de la délivrance; Considérant en l’espèce que suivant bon de commande et reçu d’acompte du 10 février 2010, M. et Mme D. ont acquis auprès de la société Garage de la gare de Beauchamp, concessionnaire Renault, un véhicule Clio Campus Evolution 5 portes Access 5 portes 1.2 60 GPL ECO2, couleur blanc glacier (369), sellerie 1 Astramix, d’une puissance fiscale de quatre chevaux; Considérant que le rapport d’expertise judiciaire rappelle ces caractéristiques; Considérant que le seul défaut de conformité invoqué par M. et Mme D. concerne la bicarburation GPL/essence; que l’expert judiciaire conclut que le véhicule fonctionne normalement mais ne correspond pas aux critères d’achat; Considérant qu’il y a lieu de rappeler que l’expert judiciaire a été mandaté pour formuler son avis technique sur les dysfonctionnements observés; qu’il n’est pas juriste; que par conséquent, la seule indication par ses soins que le véhicule ne correspond pas aux critères d’achat ne suffit pas à conclure que le véhicule est affecté d’un défaut de conformité au sens des articles 1603 et suivants du Code civil; que l’expert conclut à un dysfonctionnement de la jauge GPL perturbant à l’usage, celle-ci n’étant pas fiable; que néanmoins, il n’est pas contesté que la bicarburation GPL/essence, caractéristique essentielle du véhicule acheté au regard du bon de commande dont le contenu a été ci-dessus rappelé, est bien présente sur le véhicule, aucun dysfonctionnement au surplus ne l’affectant en elle-même; qu’ainsi, le véhicule acquis correspondant au contrat,
Jurisprudence il n’est justifié d’aucun défaut au sens des articles 1603 et suivants du code civil; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point; Considérant qu’il y a lieu en outre de rappeler que M. et Mme D. ne fondent leurs demandes subsidiaires que sur les articles 1603 et suivants du code civil; que, contrairement à ce que fait valoir la société Renault, la garantie de conformité prévue par le code de la consommation n’est évoquée que pour s’opposer à la prescription soulevée par la société Garage de la gare de Beauchamp dès lors que M. et Mme D. font valoir que l’article L217-13 du code de la consommation dispose que les dispositions de la présente section ne privent pas l’acheteur du droit d’exercer l’action résultant des vices rédhibitoires telle qu’elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou tout autre action de nature contractuelle ou extra contractuelle qui lui est reconnue par la loi; qu’ils en déduisent qu’ils peuvent donc fonder subsidiairement leur action sur les articles 1603 et suivants du code civil; Considérant par ailleurs que l’expertise judiciaire met en évidence un dysfonctionnement de la jauge GPL; qu’ainsi, alors que la chose livrée correspond au contrat, elle se trouve ainsi de moins bonne qualité comparée à sa destination normale; que toutefois, le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du code civil; qu’ainsi seules lesdites dispositions ont vocation à s’appliquer en l’espèce; qu’il reste cependant à déterminer si l’action en garantie des vices cachés est recevable et si elle est fondée; Sur la prescription de l’action engagée par M. et Mme D.
Considérant que les seules dispositions ayant vocation à s’appliquer en l’espèce sont les articles 1641 et suivants du code civil; qu’il n’y a pas lieu dès lors de déterminer si l’action est prescrite au regard des autres dispositions invoquées mais inapplicables en l’espèce; Considérant qu’en vertu de l’article 1648 du code civil, l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice; que la garantie peut être invoquée dès lors que l’acheteur n’a pu constater les défauts de la chose au moment de la vente, étant précisé que le vice n’est apparent que s’il est connu dans sa cause et son amplitude; que l’appréciation du caractère caché du vice dépend de l’ampleur des connaissances de l’acheteur; qu’il s’agit donc d’une appréciation in concreto, qui implique une distinction importante entre les hypothèses où l’acheteur est profane et celles où il est professionnel; Considérant en l’espèce qu’il n’est pas contesté que M. et Mme D. sont des acheteurs profanes; qu’ainsi, le défaut visible observé par l’expert judiciaire n’a pu qu’attirer leur attention sur un dysfonctionnement dont ils n’ont pu prendre connaissance dans toute son ampleur qu’à partir du moment où il leur a été révélé par un professionnel; que tel n’a pas été le cas lors de la première intervention de la société Garage de la gare de Beauchamp en mai 2011, laquelle n’a procédé au remplacement de la jauge que le 27 juin 2011; qu’à cette date toutefois, M. et Mme D. pouvaient espérer que le problème allait être réglé; que tel n’a pas été le cas néanmoins; que c’est dans
ces conditions que leur protection juridique a fait intervenir un expert qui a conclu par un rapport daté du 24 juillet 2012 que leur véhicule présentait une anomalie au niveau de la jauge à carburant, les problèmes persistant en dépit des nombreuses interventions de Renault; Considérant que c’est donc à cette date que M. et Mme D. ont pris connaissance du problème dans toute son ampleur ; qu’ils ont alors assigné la société Garage de la gare de Beauchamp en référé expertise le 4 octobre 2012, ce qui a interrompu le délai de prescription qui a recommencé à courir à compter du 20 novembre 2012, date de l’ordonnance de référé ordonnant la mesure d’expertise; que cette ordonnance, comme l’a exactement retenu le premier juge, a, en application de l’article 2239 du code civil, suspendu ce nouveau délai de deux ans jusqu’au dépôt du rapport d’expertise judiciaire; que l’expert judiciaire a déposé son rapport le 17 septembre 2014 ; que l’assignation au fond a été délivrée à l’encontre de la société Renault et de la société Garage de la gare de Beauchamp les 9 avril 2015 et 22 juin 2016; que leur action n’est donc pas prescrite; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point; Sur le bien-fondé de l’action en garantie des vices cachés Considérant que les moyens exposés par les parties concernant le bien-fondé de la demande ont été exposés ci-dessus; Considérant qu’en application de l’article 1641 du code civil, la garantie des vices cachés est due par le vendeur lorsque la chose présente un vice qui la rend impropre à l’usage auquel l’acheteur la destinait; que le vice doit revêtir certains caractères pour
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que la garantie puisse être mise en œuvre; qu’ainsi, il doit être inhérent à la chose, d’une certaine gravité et caché; qu’il doit rendre la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou diminuer tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il en avait eu connaissance; que le vice rédhibitoire, qui rend la chose totalement inutilisable, est à distinguer du vice qui ne fait que diminuer l’utilité de la chose; que l’appréciation du vice se fait par rapport à la destination de la chose vendue; qu’est prise en considération la fonction normale de la chose, faute pour l’acquéreur de démontrer qu’il envisageait un usage particulier intégré au champ contractuel; que le vice doit être caché; Considérant en l’espèce qu’il convient de rappeler les conclusions du rapport d’expertise judiciaire; que celui-ci indique que le véhicule a été examiné et des essais effectués pour constater le dysfonctionnement de la jauge GPL; que le véhicule fonctionne normalement mais ne correspond pas aux critères d’achat; qu’initialement prévu pour la bicarburation (essence et gaz GPL) le dysfonctionnement de la jauge GPL est perturbant à l’usage; que les informations transmises par la jauge GPL sur le niveau de carburant restant dans le réservoir fluctuent de façon anarchique, ce qui ne permet pas au conducteur de gérer convenablement le remplissage du réservoir; qu’alors que la jauge indique un niveau minimum, la quantité de carburant mise dans le réservoir correspond par exemple à la moitié de sa capacité; que ce défaut très perturbant pour le conducteur nécessite 47
Jurisprudence ❚ des arrêts plus fréquents à la pompe à carburant mais ne gêne pas le fonctionnement du moteur; que lorsque que la jauge indique un niveau minimum, le système passe automatiquement en version essence pour éviter la panne sèche; que ce dysfonctionnement est apparu peu de temps après l’achat du véhicule; qu’il est visible par un automobiliste non averti; que l’expert n’a aucune information lui permettant de dire que la situation était antérieure à l’achat, le véhicule ayant été acheté neuf; qu’au jour de l’expertise, le constructeur et son représentant n’ont pas trouvé de solution pérenne pour résoudre le dysfonctionnement; que la responsabilité du constructeur semble à l’expert judiciaire par conséquent engagée; que le préjudice se situe au niveau de la fréquence de remplissage du réservoir qui ne permet pas une utilisation «tranquille» du véhicule et d’un surcoût de carburant lorsque la gestion du moteur passe en version essence avant que le réservoir GPL ne soit complètement vide; Considérant qu’il sera rappelé une fois encore que l’expert n’est pas un juriste; qu’ainsi, s’il estime que la responsabilité du constructeur lui paraît engagée, encore convient-il que les conditions des articles 1641 et suivants du code civil soient réunies; qu’or, au terme de l’expertise, il apparaît que le véhicule fonctionne normalement; que la bicarburation fonctionne bien que le fonctionnement de la jauge GPL soit aléatoire; qu’ainsi s’il s’agit d’un dysfonctionnement perturbant pour le conducteur, il n’en demeure pas moins qu’il ne rend pas le véhicule impropre à cet usage ni ne le diminue, comme le démontre à l’évidence l’évolution de son 48
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kilométrage; qu’en effet, dans son rapport, l’expert judiciaire constate que le véhicule totalise à la deuxième expertise 59 584 km alors que, dans leurs écritures, M. et Mme D. indiquent qu’au 26 avril 2016, ils avaient parcouru 79 841 km et 85 963 km au 31 décembre 2016; qu’ainsi, si le dysfonctionnement est imputable au concepteur-constructeur de la jauge, il n’en demeure pas moins que les conditions légales de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme D. de toute leurs demandes sur ce fondement; Sur la responsabilité du garage Considérant qu’en application de l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part; Considérant en l’espèce que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme D., même si aucun remède n’a pu y être apporté, la cause du dysfonctionnement n’est pas inconnue; qu’elle résulte du caractère non fiable de la jauge GPL; que la société Renault indique ellemême dans ses écritures que l’indication des niveaux de carburant est liée à la nature même du gaz de pétrole liquéfié, composé d’une partie sous forme liquide et d’une partie sous forme gazeuse dont la quantité évolue en permanence avec la température de fonctionnement et qu’ainsi une jauge au gaz ne peut évidem-
ment pas offrir le même niveau de précision qu’une jauge liquide, comme celle relative à l’essence équipant également ce véhicule; qu’il en résulte, d’après les dires mêmes du constructeur, que le dysfonctionnement est inhérent à la technologie mise en oeuvre; qu’il s’agit donc d’une cause étrangère de nature à exonérer le garagiste de son obligation de résultat; que le jugement déféré sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme D. de leurs demandes sur ce dernier fondement; PAR CES MOTIFS, La Cour CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mars 2018 par le tribunal de grande instance de Nanterre.
VICES CACHéS Action estimatoire – Réduction du prix de vente CA Colmar, 2e ch. civ., sect. A, 9 janvier 2020, n° 17/02725 Il ressort de l’expertise judiciaire que le véhicule vendu était affecté d’un vice, du fait de l’insuffisance de vitesse de rotation du moteur lors de sa phase de lancement. Il s’agit d’un vice qui accentue les problèmes de démarrage à chaud liés à ce type de motorisation. Compte tenu des difficultés rencontrées par l’acheteur pour redémarrer son véhicule à chaud, il apparaît que le vice a diminué l’usage de son véhicule, à tel point que, s’il en avait eu connaissance, il n’aurait pas acquis le véhicule ou en aurait donné un
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prix moindre, puisqu’il n’a quasiment plus pu l’utiliser avant que la cause du vice ne soit identifiée par l’expert judiciaire. M. N. a cédé, le 22 janvier 2011, à M. R., un véhicule Mazda RX8, affichant 93790 kms au compteur, mis en circulation le 29 avril 2005, par voie d’échange avec le véhicule Audi A4 de M. R., après avoir mis une annonce sur le site internet Le Bon coin au prix de 11500 euros, mentionnant que le véhicule était en bon état mais avoir précisé à M. R. que le redémarrage à chaud du véhicule prenait un certain temps, ce qui était normal pour ce type de véhicule; M. N. avait lui-même acquis le véhicule Mazda d’occasion, auprès de la société Ligne bleue, pour la somme de 10990 euros et un kilométrage de 86089, le 30 juillet 2010. Exposant avoir été informé, le 6 juin 2011, par la société Ariane autos (garage Mazda), à laquelle il avait confié le véhicule pour révision, d’un problème de compression à chaud nécessitant de changer le moteur pour un montant de 5332,05 euros, ce qu’avait confirmé une expertise amiable contradictoire, M. R. a fait assigner M. N. devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, par acte d’huissier du 27 août 2012, en résolution de la vente pour vices cachés. M. N. a fait assigner la société Ligne Bleue en garantie le 24 octobre 2012. Par ordonnance du 9 janvier 2014, le juge de la mise en état a ordonné une expertise, dont le rapport a été établi le 22 juin 2015. Suite à l’expertise, M. R. a modifié sa demande initiale, en exerçant l’action estimatoire, en sollicitant la réduction du prix pour un montant égal au coût du démar-
Jurisprudence reur, et il a invoqué un préjudice de jouissance pour la privation du véhicule, immobilisé depuis le 6 juin 2011. Il a également fait assigner, par acte du 4 décembre 2015, la société Ariane autos, en responsabilité pour faute de diagnostic. Par jugement du 14 mars 2017, le tribunal a condamné M. N. à payer à M. R. la somme de 587,16 euros, au titre de l’action estimatoire, et la société Ligne Bleue à garantir M. N. de cette condamnation. Il a retenu la responsabilité de la société Ariane autos pour faute de diagnostic et l’a condamnée à payer à M. R. la somme de 4000 euros au titre de son préjudice de jouissance. Sur l’appel en garantie, le tribunal a considéré que, la société Ligne bleue étant un professionnel, elle ne pouvait ignorer le vice. Par déclaration du 21 juin 2017, la société Ligne Bleue a interjeté appel de ce jugement. Par déclaration du 3 juillet 2017, la société Ariane autos a également interjeté appel. MOTIFS Sur la garantie des vices cachés La demande principale à l’encontre de M. N. Aux termes de l’article 1641 du code civil, «le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendentimpropreàl’usageauquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus». En l’espèce, il ressort de l’expertise judiciaire que le véhicule vendu par M. N. à M. R. était affecté d’un vice, du fait de l’insuffisance de vitesse de rotation du moteur lors de sa phase de lancement. Il s’agit d’un vice qui accentue les
problèmes de démarrage à chaud liés à ce type de motorisation. Compte tenu des difficultés rencontrées par M. R. pour redémarrer son véhicule à chaud, il apparaît que le vice a diminué l’usage de son véhicule, à tel point que, s’il en avait eu connaissance, il n’aurait pas acquis le véhicule ou en aurait donné un prix moindre, puisqu’il n’a quasiment plus pu l’utiliser avant que la cause du vice ne soit identifiée par l’expert judiciaire. Ce vice était antérieur à la vente puisque, selon l’expertise, M. N. n’était déjà pas parvenu, le 25 octobre 2010, après avoir fait le plein d’essence, à redémarrer son véhicule, qu’il avait fait remorquer chez Ligne bleue à Illzach. Par ailleurs, il est constant que M. N. a averti M. R. de ce que ‘e redémarrage à chaud du véhicule prenait un certain temps, ce qui laisse entendre qu’il avait connaissance de la manifestation du vice, même s’il n’en connaissait pas l’origine exacte. En revanche, il ne peut être considéré qu’il a donné connaissance du vice à M. R. En effet, il a seulement évoqué un certain temps pour le redémarrage à chaud, en ajoutant que ce temps était normal pour ce type de véhicule; en tout état de cause, il n’a pas averti l’acquéreur de ce que le véhicule était affecté d’une insuffisance de vitesse de rotation du moteur lors de la phase de lancement, laquelle n’a été décelée que par l’expert judiciaire. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a retenu que le vice était antérieur à la vente et qu’il s’agissait d’un vice caché. Le jugement n’est pas contesté sur le montant accordé au titre de la remise en état du véhicule, ni en ce qu’il a rejeté la demande en
dommages et intérêts à l’encontre de M. N. L’appel en garantie à l’encontre de la société Ligne bleue Le vice décelé par l’expert ne peut être réduit à de simples problèmes de démarrage à chaud liés au type de motorisation (le moteur, qui consomme beaucoup de carburant, ayant tendance à se noyer), lesquels sont à l’origine de conseils du constructeur pour le démarrage dans le manuel de conduite et d’entretien, ainsi que de modifications techniques en après-vente, comme l’a expliqué l’expert dans son rapport. L’expert indique que, selon les informations recueillies, la panne du 25 octobre 2010 constituait la première impossibilité de démarrer le véhicule à chaud nécessitant un remorquage. Dès lors, il n’est pas établi que le vice préexistait à la vente du véhicule, le 30 juillet 2010, par la société Ligne Bleue à M. N. Si cette société est intervenue sur le véhicule en octobre 2010, c’est postérieurement à la vente consentie à M. N., suite au remorquage précité. La campagne spéciale constructeur à laquelle elle a procédé à cette occasion est sans incidence sur sa connaissance du vice au moment de la vente du véhicule à M. N. En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a fait droit à l’appel en garantie de M. N. Sur la responsabilité de la société Ariane autos Il est constant que la société Ariane autos, garage Mazda, a établi un devis le 6 juin 2011, au nom de M. R., pour le changement du moteur du véhicule. Il n’est pas vraisemblable qu’elle l’ait fait pour chiffrer, à la demande de M. R., un remplacement de moteur, sans l’avoir elle-
JURISPRUDENCE AUTOMOBILE • N° 927 • AVRIL 2020 • jurisprudence-automobile.fr
même préconisé, étant relevé que l’expertise amiable, qui est parvenue à la même conclusion, n’avait pas encore été faite, et que M. R. a précisément saisi son assureur de protection juridique à la suite de ce devis, ne voulant pas exposer le coût de cette réparation. En conséquence, l’établissement de ce devis caractérise une faute de diagnostic, qui a induit en erreur M. R. sur l’origine du problème de redémarrage à chaud; si la société Ariane autos avait préconisé, à cette date, le changement de démarreur, M. R. aurait pu faire procéder à la réparation sans attendre, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a condamné la société Ariane autos à indemniser le préjudice de jouissance qu’il a subi du fait de l’immobilisation de son véhicule jusqu’au résultat de l’expertise judiciaire. Le montant alloué n’est pas critiqué. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point et la demande de la société Ariane autos à l’encontre de M. R., en dommages et intérêts pour procédure abusive, sera rejetée. PAR CES MOTIFS La cour, CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a: - condamné la SAS Ligne bleue automobiles à garantir M. Denis N. de sa condamnation à payer la somme de 587,16 € (cinq cent quatre-vingt sept euros et seize centimes) à M. Baptiste R. et de sa condamnation aux dépens ; DÉBOUTE M. Denis N. de son recours en garantie à l’encontre de la société Ligne bleue.
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Cas pratique Les frais de gardiennage
Il arrive que le client tarde à récupérer son véhicule réparé, occasionnant pour le professionnel dépositaire des frais pour en assurer la bonne conservation. Par Nathalie Giroudet-Demay, avocate, cabinet Ravayrol & Giroudet
L
e réparateur est le gardien du véhicule ; il doit à ce titre prendre toutes les mesures qui s’imposent pour conserver en bon état le véhicule non récupéré par le client jusqu’à, le cas échéant, sa vente aux enchères si l’abandon du véhicule devait être constaté.
FACTURER LES FRAIS DE GARDIENNAGE : CONDITIONS La prestation de gardiennage doit en principe faire l’objet, comme toute prestation proposée par un professionnel, d’un affichage dans les lieux où la prestation est proposée au public (arr. 3 déc. 1987, art. 13 al 1er). Ainsi, pour justifier du caractère certain de sa créance, le professionnel de l’automobile devrait pouvoir justifier avoir correctement informé son client de son existence en apportant la preuve d’un affichage du tarif de gardiennage au lieu de réception de la clientèle et en produisant des conditions générales de réparation faisant état des modalités de mise en œuvre de ces frais de gardiennage. Dès lors, à défaut de retirement de son véhicule par le client dans un délai raisonnable à compter de sa mise à disposition, le professionnel lui adressera une mise en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de récupérer son véhicule sous 24 ou 48 h sous peine de se voir facturer des frais de gardiennage au tarif affiché. Si le professionnel n’a pas respecté ce formalisme, il peut s’en remettre au pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond. Par un arrêt du 28 novembre 2007 (Civ. 1re , n° 05-16.543), la Cour de cassation, rappelant le caractère onéreux du dépôt accessoire à un contrat d’entreprise, a rejeté l’argument selon lequel le propriétaire d’un véhicule n’était tenu au 50
Modéle de mise en demeure
Chaque entreprise devra adapter ce modèle au cas par cas et s’assurer que les modifications apportées au modèle ci-dessous restent juridiquement correctes. Le ..… / ….. / ….. LRAR n°XXXXX Objet: Mise en demeure de récupérer votre véhicule Madame, Monsieur, Votre véhicule ainsi désigné: Marque Type N° de série Immatriculation Mois et année de la première mise en circulation ..… / ….. / ….. kilométrage au compteur ayant fait l’objet d’un ordre de réparation n° du / est à votre disposition depuis le / / (date à laquelle le client a été prévenu qu’il pouvait récupérer son véhicule).
/
;
Or, à ce jour, vous ne vous êtes toujours pas présenté pour le récupérer. Par la présente, nous vous informons qu’à défaut de récupérer votre véhicule sous 48 h à compter de la réception de ce courrier, contre paiement de la facture correspondant à l’ordre de réparation signé, nous serons amenés à vous facturer des frais de gardiennage à hauteur de (à compléter) euros par jour conformément à l’information affichée au lieu de réception de la clientèle. Vous devez par conséquent considérer le présent courrier comme valant mise en demeure de récupérer votre véhicule dans les plus brefs délais. Restant à votre disposition pour toute éventuelle précision, nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en l’assurance de nos sincères salutations.
paiement des frais de gardiennage qu’à la condition qu’il en ait été contractuellement convenu et donc qu’il ait pu prendre connaissance de l’étendue des frais. Elle a admis l’existence par principe de la créance de frais de gardiennage en faveur du réparateur automobile dès lors qu’elle est accessoire à un contrat d’entreprise (réparation), et a reconnu aux juges du fond un pouvoir souverain de détermination du montant des frais de gardiennage. Une affaire jugée par la cour d’appel de Riom en 2015 (Riom, 3e ch. civ. et com. réunies, 25 nov. 2015, n° 14/01289) illustre
ce pouvoir d’appréciation du juge : - un garagiste avait informé le propriétaire par LRAR que les frais de gardiennage de 8 euros hors taxe par jour seraient à régler ; - La cour a réduit le montant réclamé à 3 euros TTC par jour à compter de la réception de la lettre, jugeant que le montant journalier demandé, qui n’était ni contractuel ni justifié par des éléments probants extérieurs au créancier (garagiste), était excessif. Cette position a été maintes fois confirmée (ex : CA de Riom, 24 janv. 2018, n° 16/00752).
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