JURISPRUDENCE AUTOMOBILE 928/929

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MENSUEL • MAI-JUIN 2020 • N°928-929 • 19 EUROS

Jurisprudence automobile www.jurisprudence-automobile.fr

Dossier

Flottes automobiles : bien piloter avec la réglementation ■ Actualité Proposition de loi Les assureurs auto dans le viseur des députés Entreprises Mise en place du Forfait mobilités durables Code de la route Téléphone au volant et infractions connexes : une suspension administrative est désormais possible

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■ Jurisprudence Décision du mois Chauffeur Uber: la relation avec la plateforme numérique caractérise un lien de subordination conférant le statut de salarié ■ Cas pratique Les infractions commises par les clients avec les véhicules de la société


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édito

DR

Et si l’assurance auto était aussi simple…

Lionel Namin, conseiller scientifique de « Jurisprudence automobile »

Les dispositions du code des assurances, si elles visent bien la modification du risque, dans le sens d’une aggravation comme d’une diminution, celle-ci est entendue comme fixant pour l’avenir la nouvelle situation de l’assuré. Une situation comme celle qui résulte d’une parenthèse, telle que le confinement, n’est pas envisagée.

Lors d’une interview donnée sur Europe 1, Bruno LeMaire, ministre de l’économie et des Finances, a demandé aux assureurs automobile de reverser l’argent des sinistres qui n’ont pas eu lieu. Il explique: «Il y a eu moins d’accidents de la circulation, moins de sinistres, donc moins de primes d’assurance à payer». Pour sa part, l’UFC Que-Choisir appelle les assurés à écrire pour réclamer une diminution du montant de leur prime en raison du confinement. Pour étayer son courrier, l’assuré doit préciser la nature des mesures prises comme, par exemple, le télétravail lorsqu’il est mis en œuvre par son employeur. Tous ces appels sont extrêmement populaires dans un pays qui ne compte pas moins de 40 millions d’automobilistes. Ils sont certes remplis de bonnes intentions mais si peu réalistes, eu égard au droit qui régit l’assurance automobile. Pour commencer, le régime de tarification de cette assurance n’est pas, en principe, à cotisations variables. Seule cette hypothèse pourrait conduire une mutuelle d’assurances à procéder à des distributions d’excédents de cotisations, au terme d’une année d’exercice. Les critères qui permettent d’évaluer le risque en assurance automobile, à partir des réponses fournies par l’assuré lors de la déclaration du risque, se limitent généralement à l’identité du conducteur, aux caractéristiques techniquesduvéhiculeoudulieudesongarage. Sauf exception, l’usage réel n’est pas un critère. Les dispositions du code des assurance (art. L.113-2) si elles visent bien la modification du risque, dans le sens d’une aggravation comme d’une diminution, celle-ci est enten-

due comme fixant pour l’avenir la nouvelle situation de l’assuré. Une situation comme celle qui résulte d’une parenthèse, telle que le confinement, n’est pas envisagée. Il n’en demeure pas moins vrai que cette période de confinement a permis aux assureurs automobiles d’économiser près de 2 Md€ d’indemnisation. Elle a fait naître une responsabilité d’un nouveau genre pour ces sociétés. Si en droit, elles ne sont pas comptables de ce trésor de guerre, d’un point de vue social c’est tout l’inverse: les assureurs automobiles devront se justifier. Certains l’ont compris en engageant des gestes commerciaux vis-à-vis de leurs assurés. Les mêmes, rejoints par d’autres, n’ont pas tardé à répondre présents face aux nouvelles problématiques qui se sont posées à l’assurance automobile en raison de cette crise sanitaire, en décidant de prendre en charge les frais de désinfection des véhicules de leurs assurés, facturés par les réparateurs. Parfois même, ils apportent un soutien économique à leurs réparateurs agréés ou à leurs experts en automobile en revalorisant le montant de leurs honoraires. Toutefois, auprès de l’opinion, ces actions sont encore trop discrètes, pas assez généralisées et significatives pour justifier le réemploi de ces 2 Md€ d’économie. Pour le reste, il faudra attendre la fin de cette année, au cas où… un nouveau confinement? Non, d’une reprise en V de la sinistralité. Car, les Français sont en train d’adopter une nouvelle mesure barrière celle du confinement à l’intérieur de son véhicule pour éviter les transports en commun. Le retour de l’usage du véhicule pourrait rimer avec une augmentation du risque automobile. à suivre. ■ 3


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Sommaire

Mai-Juin – N° 928-929 Revue mensuelle fondée en 1929 Téléphone : 01 77 92 92 92 Président Julien Elmaleh Directeur général délégué pôle retail et assurance-finance Jean-Baptiste Alline Directrice des éditions Véronique Crouzy Rédaction Géraldine Bruguière-Fontenille (9976) Conseil scientifique Lionel Namin, conseiller Comité de pilotage Ch. Aronica, directeur juridique de la Fiev ; S. Brousseau, docteur en droit ; J.-B. le Dall, avocat à la cour, docteur en droit, Ireda ; N. Giroudet-Demay, avocat à la cour d’appel de Paris ; L. Grynbaum, professeur à l’université Paris-Descartes ; Chr. Lièvremont, docteur en droit, avocat au barreau de Mulhouse ; L. Mercié, avocat au barreau de Paris, cofondateur de l’Association des avocats de l’automobile ; J. Péchinot, ancien responsable du marché automobile de la FFSA ; E. Peronet, juriste, DEA droit des contrats ; Ph. Ravayrol, avocat à la cour d’appel de Paris. Ont participé à ce numéro : L. Namin, J.-B le Dall, Chr. Lièvrement, G. Defrance, N. Giroudet-Demay, N. Roiné, L. Ray Réalisation Directrice des réalisations : P. Larguier (92 53) ; secrétaires de rédaction : X.Delecroix et Ch. Nicolas ; 1er rédacteur graphiste :T. Chaulet; rédacteur graphiste : C. Place ; service photo : S. Minien (chef de service) et L. Martini ; infographies : D. Guéret Marketing - Diffusion - Abonnement Directeur : Guillaume de Corbière Directrice marketing direct et diffusion : Laurence Vassor ; Marketing direct abonnement : Céline Bellon ; Gestion abonnements : Nadia Clément ; Marketing : Florence Duflos Directeur publicité : Philippe Cambaud-Pinon (92 82) Pour s’abonner Web : www.argusdelassurance.com. Service clients : (+ 33) 01 77 92 99 14 Tarifs abonnement France TTC (TVA 2,1 %) 1 an (11 numéros) : 219 €. Étranger : nous consulter. Règlement à l’ordre de Jurisprudence automobile (pour la CEE, préciser le numéro de TVA intercommunautaire). Jurisprudence automobile est éditée par Groupe Industrie Services Info, société par actions simplifiée au capital de 38 628 352 €. Siège social : 10, place du Général-de-Gaulle, 92160 Antony. RCS Nanterre 442 233 417. Siret : 442 233 417 00041.TVA : FR29442233417. Principal actionnaire : ETAI. Directeur de la publication Julien Elmaleh. Impression : Imprimerie de Champagne, ZI Les Franchises, 52 200 Langres. Paris ISSN 1153 5903 – CPPAP n° 1221 T 81221 Origine du papier : Allemagne Ce papier provient de forêts gérées durablement et ne contient pas de fibres recyclées. Impact sur l’eau (P tot) : 0,016 kg/tonne

Actualité 6 Proposition de loi Les assureurs auto dans le viseur des députés 7 Entreprises Mise en place du « Forfait mobilités durables » 8 Code de la route Téléphone au volant et infractions connexes : une suspension administrative est désormais possible

Jurisprudence LA DÉCISION DU MOIS

23 Chauffeur Uber

CODE DE LA ROUTE ET INFRACTIONS PÉNALES 30 La jurisprudence en bref ACCIDENTS DE LA CIRCULATION ET ASSURANCE 35 La jurisprudence en bref COMMERCE ET SERVICES DE L’AUTOMOBILE 42 La jurisprudence en bref

Cas pratique 50 Les infractions commises

par les clients avec les véhicules de la société

Dossier

FLOTTES AUTOMOBILES: BIEN PILOTER AVEC LA RÉGLEMENTATION 12 CODE DE LA ROUTE Dénonciation et désignation du conducteur, les règles se compliquent

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UNE PUBLICATION DE

17 ASSURANCE Quand le constat amiable devient la clé de l’économie dans l’assurance des flottes 20 ASSURANCE AUTO

ET ACCIDENT DU TRAVAIL L’indispensable détermination du régime du d’indemnisation applicable

Pour s’abonner www.jurisprudence-automobile.fr/abonnement Déjà abonné abo@infopro-digital.com – 01 77 92 99 14

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Actualité ProPosition de loi

les assureurs auto dans le viseur des députés Un groupe de députés LR souhaite imposer aux assureurs automobiles de reverser les économies réalisées du fait de la baisse de la sinistralité pendant la période de confinement. Une idée fortement contestée.

L

es annonces de la GMF et de la Maif d’engager des gestes commerciaux en faveur de leurs assurés automobiles du fait de la baisse de la sinistralité durant le confinement ont donné des idées. Une proposition de loi « visant à contraindre les assureurs automobiles à reverser à chaque assuré les économies engendrées par la chute des accidents de la circulation durant la période de confinement » a été déposée à l’A ssemblée nationale le 12 mai dernier. Contenant un article unique, ce texte propose que « les assureurs automobiles aient l’obligation de reverser à chaque assuré, au plus tard au 30 juin de cette année, un montant égal à 10 % du total des primes de l’année 2020. Une telle mesure se traduirait par une économie annuelle moyenne de 50 euros

par automobile détenue et de 29 euros par moto détenue ». Une proposition étayée par l’UFC Que-Choisir Au soutien de cette proposition les députés s’appuient sur une étude de l ’association de consommateurs UFC QueChoisir du mois d’avril 2020 selon laquelle : « la baisse de la sinistralité de l’assurance automobile résultant du confinement va engendrer des économie s sub stantielle s, qui atteindraient dans notre scénario médian 1,8 milliard d’euros au profit des assureurs ». Selon UFC Que-Choisir, la prime des assurances automobiles atteint en moyenne 512 euros TTC par an pour une voiture et 299 euros TTC par an pour une moto. « Sur un total de 22,3 milliards d’euros récoltés, environ 68 % du montant de ces primes sont habi-

«depuis de nombreuses années, les résultats techniques de l’assurance automobile sont négatifs et […] l’équilibre ne peut être atteint que grâce à des produits financiers de nos actifs qui, vous en conviendrez, risquent de nous faire défaut cette année», Florence lustman (FFA). 6

tuellement affectés à l’ indemnisation des sinistres en lien avec des véhicules roulant », reprend l’exposé des motifs de la proposition, ajoutant que « toujours selon UFC QueChoisir, la fréquence des accidents corporels aurait diminué de 91 % depuis les mesures de restriction des déplacements mises en œuvre à partir du 17 mars 2020. Pourtant, tous les assureurs n’ont pas diminué les primes des assurés à proportion des économies réalisées, même si certains d’entre eux font preuve d’une bonne volonté qui mérite d’ être saluée. Face à cette situation, l’ idéal de justice commande au législateur d’ intervenir, afin que tous les assureurs automobiles soient dans l’obligation de rétrocéder intégralement ces économies aux assurés. » la réponse des assureurs Une telle proposition sera loin de fa i re l ’u na n i m ité, la Fédération française de l’assurance ne cessant de marteler depuis le début de la crise sanitaire, le principe de mutualisation des risques sur lequel repose l’assurance. Da ns u ne let t re rendue publique, la présidente de la Fédération française de l’assurance, Florence Lutsman a

répondu à l ’association de consommateurs. Elle rappelle qu’« Une assurance est contractuellement souscrite pour une année, moyennant une prime convenue, et le respect du contrat est une obligation pour les deux parties ». Elle ajoute que « s’ il est vrai que nous avons constaté une baisse d’accidents ces dernières semaines, qui peut raisonnablement anticiper la situation dans les prochains mois ? (…) Ce n’est qu’ à la fin de l’année que nous pourrons juger de la réalité des accidents automobile pour 2020. S’ il se trouve que les primes perçues ont été supérieures aux sinistres payés, cela se répercutera sur les tarifs de l’année 2021. Je rappelle d’ailleurs que depuis de nombreuses années les résultats techniques de l’assurance automobile sont négatifs et que l’équilibre ne peut être atteint que grâce à des produits financiers de nos actifs qui, vous en conviendrez, risquent de nous faire défaut cette année. » ■ Géraldine Bruguière-Fontenille

source Proposition de loi n°2930, enregistrée à l’Assemblée nationale le 12 mai 2020 et www.ffa-assurance.fr


Actualité EntrEprisEs

Mise en place du « Forfait mobilités durables » Dans la perspective de la sortie progressive du confinement, élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’état aux Transports, ont accéléré la mise en place du « Forfait mobilités durables» prévu dans la loi d’orientation des mobilités.

L

e décret n° 2020-541 du 9 mai 2020 (JO du 10 mai) relatif au « Forfait mobilités durables » doit permettre aux entreprises d’encourager le recours par leurs salariés à des transports plus propres et moins coûteux tels que le vélo ou le covoiturage. Pris en application de la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019, il permet aux employeurs privés de mettre en place une aide pouvant aller jusqu’à 400 euros par an et par salarié, exonérés d ’ impôt et de cotisations sociales. « Cet encouragement financier individuel peut être décisif au moment où nous développons des pistes cyclables ou

des voies réservées au covoiturage. J’appelle tous les employeurs à le mettre en place massivement et rapidement pour permettre à des millions de Français de franchir le pas vers des mobilités propres », a indiqué la ministre de la Transition écologique et solidaire. Concrètement, le forfait mobilités durables per met au x employeurs privés de prendre en charge de manière facultative les frais de déplacement de leurs salariés sur leur trajet domiciletravail effectué avec des modes alternatifs à la voiture individuelle : • à vélo ; • en covoiturage (en tant que

conducteur ou passager) ; • avec des engins de déplacement personnels (motorisés ou non) en location ou en libre-service (comme les scooter et trottinettes électriques en free-floating ; • en autopartage avec des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène ; • avec des titres de transports en commun (hors abonnement). Ce forfait remplace l’indemnité kilométrique vélo mais le décret prévoit le maintien de cette prise en charge lorsqu’elle est en vigueur dans les entreprises et prévue dans les accords salariaux existants. à noter que ce forfait est cumulable avec la participation de

l’employeur à l’abonnement de transport en commun mais l’avantage fiscal résultant des deux aides ne pourra dépasser le monta nt ma x i mu m ent re 400 euros par an et le montant du remboursement de l’abonnement de transport en commun. Le forfait mobilités durables est également mis en place dans la fonction publique d’État et le gouvernement prépare sa mise en place dans l’ensemble du secteur public. ■ G.B.-F.

source Décret n°2020- 541 du 9 mai 2020 (JO du 10 mai) relatif au «forfait mobilités durables» et site du ministère des Transports

FiscaLité

Des mesures en faveur des transports routiers de voyageurs Le gouvernement a annoncé le 15 mai dernier un allégement supplémentaire de trésorerie en faveur du transport routier de voyageurs et l’inclusion du secteur des cars et bus touristiques dans le «plan tourisme».

G

érald Darmanin, ministre de l’Actionetdescomptespublics, et Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, chargé des Transports, ont décidé d’appliquer au transport routier de voyageurs de façon

immédiate une mesure d’accélération du remboursement de la taxe intérieuredeconsommation surles produits énergétiques (Ticpe). Pour accompagner le secteur durant l’année 2020, ce remboursement interviendra au trimestre échu et sera applicable aux

consommations effectuées depuis le 1er janvier. Le montant estimé s’élève à 50 M€, selon le ministère. Cette mesure bénéficiera à l’ensemble des entreprises du secteur, soit environ 40000 et prioritairement à celles qui déposent leurs demandes de remboursement de

façon dématérialisée, via l’application SidecarWeb. Les ministres ont également annoncé l’inclusion du secteur des carsetbustouristiquesdansleplan de soutien pour le tourisme présenté par le Premier ministre. Ces entreprises pourront ainsi bénéficier d’une exonération de cotisations sociales sur les mois allant de mars à juin 2020. ■ G.B.-F.

source Site du ministère des Transports 7


Actualité Code de la route

téléphone au volant et infractions connexes : une suspension administrative est désormais possible Le décret n° 2020-605 portant diverses dispositions en matière de sécurité routière rend applicable une suspension administrative pour l’usage d’un téléphone au volant dans l’hypothèse de certaines infractions simultanées à compter du 22 mai 2020.

un doute dissipé par la loi loM La loi d’orientation des mobilités (dite LOM) n° 2019-1428 du 8

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l

a mesure avait été annoncée depuis longtemps, les intentions du gouvernement avaient été affichées dès 2018 après plusieurs années de lobbying opéré par différentes associations de lutte contre l’insécurité routière. Il avait ainsi été proposé en 2018 par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) que «les forces de l’ordre pourront retenir le permis de conduire d’une personne sanctionnée pour conduite avec usage de téléphone tenu en main : le permis sera retenu lorsque le conducteur tient son téléphone en main et commet en même temps une infraction menaçant la sécurité d’autrui» (proposition n° 13). La notion d’« infraction menaçant la sécurité d’autrui» visée par le CICR soulevait pas mal d’interrogations à commencer par la subjectivité liée à l’appréciation de la dangerosité. Potentiellement, la plupart des comportements incriminés par le code de la route visent en théorie à protéger autrui…

24 décembre 2019 ( JORF n° 0299 du 26 décembre 2019, texte n° 1) a ainsi modifié le code de la route en ses articles L. 224-1 et L. 224-2 en prévoyant une sanction aggravée (rétention du permis de conduire et suspension administrative) lorsque le conducteur d’un véhicule utilisant un téléphone commettait une autre infraction (infractions simultanées visées par l’article L. 224-1 6° et 7° C. route) et avait été intercepté. Le législateur de décembre 2019, limite les risques d’une trop grande subjectivité dans la mise en œuvre d’une mesure de permis de

conduire avec le principe d’une liste d ’infractions dont la constatation avec un usage du téléphone portable au volant ou au guidon entraînerait la rétention du permis. Il ne restait plus pour le gouvernement qu’à dresser la liste de ces infractions, et c’est ce qu’il vient de faire avec un décret du 18 mai. Le décret n° 2020-605 portant diverses dispositions en matière de sécurité routière ( JORF n° 0124 du 21 mai 2020 texte n° 36 - NOR : INTS2000003D) rend applicable une suspension administrative pour l’usage d’un téléphone au volant dans

l’hypothèse de certaines infractions simultanées à compter du 22 mai 2020. Désormais, donc, est créé dans le code de la route un article R. 224-19-1 qui prévoit la rétention administrative du permis de conduire de l’intéressé dans les 72 heures (art. L. 224-1, I, 6° et 7°) afin de permettre à l’administration de prononcer une suspension administrative pouvant aller jusqu’à 6 mois en cas d’utilisation d’un téléphone en conduisant et de commission simultanée d’autres infractions (art. L.224-2, I, 4° et 5°). Ce délai peut-être même porté à 12 mois si l’usage du téléphone entraîne


Actualité un accident de la circulation ayant entraîné la mort d’une personne ou ayant occasionné un dommage corporel en cas de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, de conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et de refus de se soumettre aux épreuves de vérification (art. L. 224-2, II C. route). Désormais, le conducteur, intercepté et verbalisé par exemple pour l’usage d’un téléphone portable simultanément avec un franchissement de ligne continue, risquera 2 amendes de 135 € chacune, une perte totale de 6 points et une suspension administrative de permis de conduire d’un à six mois. On notera, enfin, que l’article L. 121-2 du code de la route fait appel au mécanisme bien connu en matière de droit routier qui consiste à se reporter à une liste fixée par décret. Vraisemblablement, cette liste pourra être très facilement étendue à l’avenir par le pouvoir réglementaire… À ceux qui s’étonneraient du temps qu’a pu prendre la mise en place de ce mécanisme, il sera rappelé qu’une autre modification du code de la route a dû être opérée pour permettre la cohabitation entre une mesure de suspensiondepermisdeconduire et la procédure de l’amende forfaitaire.

Cohabitation de la procédure de l’amende forfaitaire avec la mesure de suspension La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est, à cet effet, venue réécrire les dispositions de l’article L. 121-5 du code de la route: «le recours à la procédure (de l’amende forfaitaire), y compris en cas d’extinction de l’action publique résultant du paiement de l’amende forfaitaire, ne fait pas obstacle à la mise en œuvre et l’exécution des mesures administratives de rétention et de suspensiondupermisdeconduire, ou d’immobilisation et de mise en fourrière du véhicule…» La loi du 23 mars 2019 opère en quelque sorte un transfert de compétence au préfet en matière de contravention. Aumomentoùcetteloidu23 mars 2019 est publiée, la contravention d’excès de vitesse entre 39 et 50 km/h était la seule hypothèse d’une application pratique de ce mécanisme de suspension. Auparavantlarétentiondupermis de conduire en cas d’excès de vitesse compris entre 39 et 50 km/h au-delà de la vitesse autorisée excluait l’application de la procédure de l’amende forfaitaire. C’est ce qu’il ressortait clairement de la circulaire CRIM 200308 E8 / 10-06-2003 NOR : JUSD0330088C : « la rétention

ne peut être mise en œuvre en cas de recours à la procédure de l’amende forfaitaire, désormais applicable pour cette contravention. En effet, le paiement immédiat entre les mains de l’agent verbalisateur de l’amende forfaitaire minorée, éteint l’action publique et interdit donc le prononcédelapeinecomplémentaire de suspension du permis de conduire. Il en est de même si le contrevenant s’acquitte du montant de l’amende forfaitaire minorée dans les trois jours de la constatation de l’infraction, ou de l’amende forfaitaire dans les trente jours. » La jurisprudence administrative avait eu l’occasion de préciser que « l’extinction de l’action publique par le paiement d’une amende forfaitaire (n’a) pas en revanche pour effet de faire regarder comme entaché d’illégalité l’arrêté préfectoral portant suspension provisoire du permis de conduire du contrevenant édicté antérieurement au paiement de l’amende forfaitaire » (CAA Marseille, 27 févr. 2007, : JA 2007. 563, voir également CAA Marseille, 14 nov. 2005, n° 04MA00872). La loi du 23 mars 2019 permet désormais la cohabitation de la procédure de l’amende forfaitaire et de la mesure de suspension administrative du permis de conduire. La transaction proposée

directement par les forces de l’ordre au conducteur ne permettra pas, si l’action publique est éteinte par le paiement de l’amende forfaitaire, à un magistrat d’avoir à connaître de l’infraction. Le préfet sera alors le seul à se préoccuper du degré de dangerosité que peut présenter le contrevenant pour les autres usagers, en somme: le seul juge. On notera néanmoins que le décret du 18 mai 2020 est fort opportunément venu retoucher les dispositions de l’article R.4126-1 du code de la route réprimant l’usage du téléphone portable tenu en mains avec la précision que « tout conducteur coupable de cette infraction encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle. » Le contrevenant pourrait donc bénéficier d’un aménagement de peine, encore faudra-t-il qu’il pense à contester la verbalisation et qu’il ait accès au juge pénal avant la fin de sa suspension administrative… ■ Jean-Baptiste le dall,

docteur en droit et avocat à la Cour, et Christophe lièvremont, docteur en droit de l’université Jean-moulin (Lyon III), avocat au barreau de mulhouse, chargé d’enseignement à l’université de Franche-Comté

Jurisprudence automobile

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Dossier

Flottes automobiles: bien piloter avec la réglementation

Géraldine Bruguière-Fontenille

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A

près l’arrêt des activités imposées pendant deux mois en raison de la crise sanitaire, les entreprises recommencent à faire circuler leurs véhicules. Et si la relance économique est dans tous les esprits, pour les entreprises gérant des flottes automobiles, cela n’est pas le seul enjeu. La problématique des infractions causées par les salariés de sociétés possédant une flotte automobile est également majeure pour les employeurs. Comment conserver le solde de capital de points du collaborateur et conserver des salariés avec un permis de conduire valable ? Et comment s’adapter à la jurisprudence de la Cour de cassation sur la question de la désignation du salarié ? (lire p. 12). Autant de question qui ont des conséquences économiques et participent également à la prévention des accidents. Car c’est bien la sinistralité qui conditionne l’établissement de la prime par l’assureur (lire p. 17). Quant à ce dernier, régulièrement confronté à des sinistres constituant pour la victime un accident du travail, se pose dès lors la question du régime d’indemnisation applicable au salarié victime d’un accident du travail (lire p. 20). À l’heure du déconfinement et de la reprise de l’activité pour bon nombre d’entreprises, la Jurisprudence automobile fait le point sur les risques juridiques liés aux flottes automobiles. ■

Sommaire

12 code de lA route Dénonciation et désignation du conducteur : les règles se compliquent 17 ASSurANce Quand le constat amiable devient la clé de l’économie dans l’assurance des flottes 20 ASSurANce Auto et AccIdeNt du trAVAIl L’indispensable détermination du régime du d’indemnisation applicable

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Dossier ■

Flottes automobiles: bien piloter avec la réglementation

code de La route

dénonciation et désignation les règles se compliquent Le représentant d’une personne morale est confronté à plusieurs problématiques suite à une verbalisation effectuée par le contrôle automatisé: conserver son solde de capital de points et conserver des salariés avec un permis de conduire valable. Mais se pose également la question de la désignation du salarié, rendue plus complexe avec une série de quatre arrêts rendus en 2018 par la Cour de cassation.

DR

dénonciation et désignation du conducteur verbalisé par le contrôle automatisé

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Jean-Baptiste le dall, docteur en droit avocat à la cour

christophe Lièvremont docteur en droit de l’université Jean Moulin (Lyon III) avocat au barreau de Mulhouse, chargé d’enseignement à l’université de Franche-Comté 12

Si la validité du permis de conduire est bien évidemment au cœur des préoccupations de tous les conducteurs, cette question revêt une particulière acuité au sein des sociétés possédant une flotte automobile (sur cette question, cf. : Christophe Lièvremont, « Représentant de personne morale, certificat d’immatriculation et retrait de points : rappel de quelques principes », dossier : Le permis de conduire, un risque lourd à gérer pour les entreprises, JA juin 2011, n° 830, pp. 22-26). En effet, le représentant d’une personne morale est confronté à une double problématique suite à une verbalisation effectuée par le contrôle automatisé : conserver son solde de capital de points et conserver des

salariés avec un permis de conduire valable. Problématique qui se pose plus ou moins fréquemment selon la taille de la flotte de véhicules de la société concernée. En effet suite à la réception dans un premier temps d’une amende forfaitaire adressée à la société suite à la constatation d’une infraction par le centre de contrôle automatisé commise par un véhicule de la société (ex. : excès de vitesse, non-respect d’un feu rouge, etc.), le législateur a profité de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle pour introduire, à destination du représentant légal, un mécanisme de désignation obligatoire du salarié fautif. En d’autres termes, dans un second temps, le dirigeant de la société qui paie la première amende forfaitaire sans désigner le véritable conducteur du véhicule de sa flotte qui a été verbalisé reçoit par voie postale une

deuxième amende forfaitaire de nondésignation (art. L. 121-6 C. route). article L.121-6, code de la route « Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de


Dossier

du conducteur, force majeure. Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. » Les éléments que le représentant légal d’une personne morale doit fournir à l’administration sont prévus par les articles A. 121-1 et suivants du code de la route. article a.121-1, code de la route « Les informations que le représentant légal d’une personne morale propriétaire ou détentrice d’un véhicule, pour lequel une infraction a été constatée (…), est tenu d’adresser (…), dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, doivent préciser : 1° Soit l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule ; 2° Soit les éléments permettant d’établir l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure. » article a.121-2, code de la route « Lorsque ces informations sont adressées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, il est utilisé le formulaire prévu à cette fin qui est joint à l’avis de contravention adressée au représentant légal

de la personne morale. Ce formulaire mentionne que toute fausse déclaration expose le représentant de la personne morale ainsi que la personne morale à des poursuites pénales. Dans le cas prévu au 1° de l’article A. 121-1, le représentant de la personne morale doit également préciser la référence du permis de conduire de la personne qui était présumée conduire le véhicule lorsque l’infraction a été constatée. Dans le cas prévu au 2° de l’article A. 121-1, il doit joindre à l’envoi, selon les cas, la copie du récépissé du dépôt de plainte pour vol ou destruction du véhicule ou pour le délit d’usurpation de plaque d’immatriculation prévu par l’article L. 317-4-1, la copie de la déclaration de destruction de véhi-

Le dirigeant de la société qui paie la première amende forfaitaire sans désigner le véritable conducteur du véhicule de sa flotte qui a été verbalisé reçoit par voie postale une deuxième amende forfaitaire de non-désignation

cule établie conformément aux dispositions du présent code, ou les copies de la déclaration de cession du véhicule et de son accusé d’enregistrement dans le système d’immatriculation des véhicules, ou une déclaration motivée expliquant tout autre événement de force majeure, accompagné le cas échéant de documents justificatifs. » article a.121-3, code de la route « Lorsque ces informations sont adressées de façon dématérialisée, l’envoi est fait sur le site www. antai. fr, en utilisant les informations figurant sur l’avis de contravention, à l’aide du formulaire en ligne figurant sur ce site. Cet envoi produit les mêmes effets que l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception prévu par l’article L. 121-6. Dans le cas prévu au 1° de l’article A. 121-1, le représentant de la personne morale doit également préciser la référence du permis de conduire de la personne qui était présumée conduire le véhicule lorsque l’infraction a été constatée ; il est informé que toute fausse déclaration l’expose à des poursuites pénales. Dans le cas prévu au 2° de l’article A. 121-1, le représentant de la personne morale : 13


Dossier ■

Flottes automobiles: bien piloter avec la réglementation

- soit transmet de façon numérisée, selon les formats indiqués sur le site www. antai. fr, la copie du récépissé du dépôt de plainte pour vol ou de destruction du véhicule ou pour le délit d’usurpation de plaque d’immatriculation prévu par l’article L. 317-4-1, la copie de la déclaration de destruction de véhicule établie conformément aux dispositions du présent code, ou les copies de la déclaration de cession du véhicule et de son accusé d’enregistrement dans le système d’immatriculation des véhicules ; - soit mentionne dans le formulaire en ligne les éléments justifiant la survenance de tout autre événement de force majeure ; ces informations peuvent également figurer sur un document numérisé, selon les formats indiqués sur le site www.antai.fr, le cas échéant avec les documents justificatifs également numérisés. » Les avis de contravention qui sont adressés aux représentants légaux depuis le 1er janvier 2017 ont été modifiés avec notamment l’apparition d’un encart : « la non révélation de l’auteur de l’infraction par le représentant légal d’une personne morale constitue une infraction spécifique punie d’une amende de 90 à 750 euros par le représentant légal et/ou de 450 à 3 750 euros par la personne morale (art. L. 121-6, C. route et art. R. 530-3 et R. 49, C. pr. pén.). » Pour autant, il est toujours possible de régler le montant de l’amende. Ce règlement pourra être effectué même en l’absence d’une désignation. L’avis de contravention précise, toutefois, « si vous payez l’amende et reconnaissez l’infraction alors que vous n’êtes pas l’auteur, vous commettez une infraction pour non révélation ». A contrario, le représentant légal qui paye ne devrait pas commettre l’infraction prévue et réprimée par l’article L. 121-6 du code de la route si, 14

par ce paiement, il reconnaît être l’auteur de l’infraction. Mais dans cette hypothèse, les décisions de retraits de points devraient, alors, en théorie lui être imputées (en ce sens, CAA Douai, 22 sept. 2009, n° 08DA00178 : « considérant, (…) que M. A, qui n’a ni contesté l’infraction devant le juge judiciaire, ni formulé de recours en exonération, ne démontre pas qu’il n’était pas le conducteur du véhicule ayant fait l’objet du contrôle en produisant le certificat d’immatriculation afférent à un autre véhicule, appartenant à sa société dont il est administrateur et directeur général ; que la seule circonstance que l’amende a été réglée par cette société ne permet pas davantage de l’établir ; qu’il doit donc être regardé comme étant l’auteur de l’infraction. » Avec une série de quatre arrêts rendus en date du 11 décembre 2018, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue considérablement compliquer la tâche des entreprises qui contestaient les avis de contravention dressés pour non désignation du salarié ayant commis une infraction routière constatée par des appareils de contrôle automatiques (sur ces questions : cf. « Obligation de désignation des salariés, un dispositif validé par la Cour de cassation », Jean-Baptiste le Dall et Christophe Lièvremont., JA mars 2019, n° 915, pp. 26-31).

L’avis de contravention précise, toutefois, « si vous payez l’amende et reconnaissez l’infraction alors que vous n’êtes pas l’auteur, vous commettez une infraction pour non révélation ».

Avec ces quatre arrêts, la Cour de cassation – et ce de manière juridiquement non fondée - est venue conforter la position de l’administration en permettant la poursuite des personnes morales ou plus précisément en censurant les tribunaux qui avaient relaxé des personnes morales : « Vu l’article L. 121-6 du code de la route, ensemble l’article 121-2 du code pénal ; Attendu que le premier de ces textes, sur le fondement duquel le représentant légal d’une personne morale peut être poursuivi pour n’avoir pas satisfait, dans le délai qu’il prévoit, à l’obligation de communiquer l’identité et l’adresse de la personne physique qui, lors de la commission d’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 du code de la route, conduisait le véhicule détenu par cette personne morale, n’exclut pas qu’en application du second, la responsabilité pénale de la personne morale soit aussi recherchée pour cette infraction, commise pour son compte, par ce représentant ; Attendu que, pour renvoyer la société X…. des fins de la poursuite, le tribunal énonce que les faits ne peuvent être imputés à la personne morale mais à son représentant légal Mais attendu qu’en statuant ainsi, le tribunal de police a méconnu les textes susvisés et le principe précédemment rappelé. » On soulignera que les quatre arrêts du 11 décembre 2018 rendus par la Chambre criminelle ne constituent pas des décisions isolées, dans la mesure où trois autres arrêts postérieurs en date du 15 janvier 2019 (Cass. crim. 15 janvier 2019, n° 18-81.310, n° 18-82.446, n° 18-82.380), confirment l’analyse éminemment contestable retenue par la Haute Juridiction. Il va sans dire que dans le prolongement de cette jurisprudence, les juridictions du fond ont prononcé un

JURISPRUDENCE AUTOMOBILE • N° 928-929 • MAI-JUIN 2020 • jurisprudence-automobile.fr


Dossier nombre effarant de condamnations pour non désignation de conducteur. La Chambre criminelle, dans le même temps, est venue censurer les différentes argumentations qui ont pu être développées par les personnes morales verbalisées et n’a pas manqué de rappeler à l’ordre les juridictions qui usaient peut être trop fréquemment du mécanisme de la dispense de peine pour éviter une application aveugle d’une jurisprudence très sévère. Parmi les motifs de contestation qui ont pu prospérer devant les juridictions du fond, la question du délai de désignation soulignait encore une fois les faiblesses du dispositif mis en place par la loi de 2016. La cour d’appel d’Angers (arrêt corr. 134, 12 mars 2019, n° 18/00987) s’est prononcée en premier sur cette problématique du délai de 45 jours accordé au représentant légal pour opérer la désignation : « Le procèsverbal figurant à la procédure n’évoque pas de date de remise de l’avis de contravention initiale ; il comporte en revanche la mention qu’un avis de contravention a été édité le 14 janvier 2017 et envoyé au détenteur du véhicule. » Une telle formulation ne permet pas de connaître la date de l’envoi dudit avis, pour de départ du délai de 45 jours susmentionné. Dès lors, la cour n’est pas en mesure de s’assurer que le délai était bien échu lorsque le procès-verbal de constatation de nonindication du conducteur a été établi. La juridiction angevine a cependant été censurée par la chambre criminelle : « en statuant ainsi, alors que les énonciations du procès-verbal suffisaient à établir l’envoi des avis de contravention à la date ainsi mentionnée, la cour d’appel, qui n’a pas ordonné la mesure d’instruction dont elle reconnaissait elle-même implicitement la nécessité, n’a pas justifié sa décision. » (Cass. Crim., 7 janvier 2020, n° 19-83.204).

Le même jour, la chambre criminelle a rendu une série d’arrêts allant dans un sens identique : « les énonciations du procès-verbal suffisaient à établir, en l’absence de toute contestation de la prévenue, l’envoi des avis de contravention à la date ainsi mentionnée, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision » (Cass. Crim., 7 janvier 2020, n° 19-83.179, n° 19-83.180, n°19-83.181, n°19-83.182, n°19-83.198, n° 19-83.219, n° 19-83.220). accès aux données du FNPc par tout employeur titulaire d’une flotte automobile ? Il faut rappeler que le FNPC (Fichier national du permis de conduire) regroupe toutes les informations relatives au permis de conduire (art. L. 225-1 1° C. route). Le FNPC indique par exemple les différentes catégories de permis obtenues par le conducteur et leur statut (valide, suspendu, etc.). Figurent dans ce fichier, notamment, les décisions administratives dûment notifiées portant restriction de validité, retrait, suspension, annulation et restriction de délivrance du permis de conduire (art. L. 225-1 2° C. route), des mesures de retrait du droit de faire usage du permis de conduire (art. L. 225-1 3° et 4° C. route), des procès-verbaux des infractions entraînant retrait de points (art. L. 225-1 5° C. route), des modifications du nombre de points (art. L. 225-1 7° et 8° C. route), etc.

Le FNPc (Fichier national du permis de conduire) indique par exemple les différentes catégories de permis obtenues par le conducteur et leur statut (valide, suspendu, etc.).

Il pourrait donc être tentant pour un dirigeant de société de vouloir consulter les informations confidentielles concernant le permis de conduire d’un des conducteurs de sa flotte. Pour autant tout employeur peut-il avoir accès à de telles informations ? Une réponse extrêmement nuancée doit être apportée à cette question. 1°) En effet, TOUTES ces informations sont consultables par le titulaire du permis de conduire (art. L. 225-3, L. 225-5 C. route) et essentiellement par les autorités judiciaires, les magistrats de l’ordre administratif, et les forces de l’ordre (art. L. 225-4 et L. 225-5 C. route). article L.225-3, code de la route « Le titulaire du permis de conduire et le conducteur mentionné au I de l’article L. 223-10 ont droit à la communication du relevé intégral des mentions le concernant. Cette communication s’exerce dans les conditions prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. » 2°) En revanche d’autres autorités et personnes ne peuvent avoir accès qu’aux « informations relatives à l’existence, la catégorie et la validité du permis de conduire » (art. L. 225-5, C. route). En cette hypothèse l’accès aux informations est donc volontairement limité. Au fil du temps, la liste des personnes pouvant accéder à ces informations a été modifiée à plusieurs reprises. La dernière modification dont cette liste a fait l’objet résulte du décret n° 2018-387 du 24 mai 2018 précisant les conditions d’accès aux informations des traitements de données à caractère personnel relatifs au permis de conduire et à la circulation des véhicules (JORF n° 118 du 25 mai 2018, NOR: INTD1728556D) et a élargi les catégories de personnes (exemple : policiers munici15


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Flottes automobiles: bien piloter avec la réglementation

paux et garde-champêtre) pouvant avoir accès à ces informations nominatives à caractère personnel. L’article r.225-5 du code de la route en sa rédaction issue du décret du 14 mai 2018 « Parmi les autorités et personnes énumérées à l’article L. 225-5 C. route, reçoivent communication des informations mentionnées à cet article, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d’en connaître, au moyen d’un accès direct : … 4° Les personnels individuellement désignés et habilités des entreprises exerçant une activité de

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transport public routier de voyageurs ou de marchandises pour les personnes qu’elles emploient comme conducteur de véhicule à moteur. » En d’autres termes, seul l’employeur d’une « activité de transport public… » pourra accéder uniquement à la rubrique « état dossier » d’un de ses conducteurssalariés qu’on retrouve d’ailleurs sur tout relevé intégral d’information et qui précise notamment : « valide », « suspendu », « invalide ». En revanche, ces employeurs n’auront toujours pas accès au nombre de points de leurs salariés ni aux infractions commises par ces derniers. Cette communication d’in-

formation est donc doublement limitée par les textes à une catégorie d’employeur et à certains renseignements (Sur cette question, cf. Christophe Lièvremont, « Véhicules et conducteurs, de plus en plus de données recensées », JA mai 2019, n° 917, pp. 19-21). Certes selon l’information obtenue, ces employeurs pourront décider d’effectuer un licenciement d’un salarié privé d’un titre de conduite valable, mais il faut rappeler qu’une telle possibilité est généralement prévue par une clause de leur contrat de travail et qu’il appartient à toute partie à une convention de respecter les termes du dit contrat. ■


Dossier assurancE

quand le constat amiable devient la clé de l’économie dans l’assurance des flottes

DR

Si l’usage du constat amiable ne réduit pas la sinistralité, il permet de déterminer les responsabilités et de faire valoir ses droits en cas d’absence de responsabilité. Explications.

Lionel ray Centre des hautes études en assurance, consultant en assurance

d

ans les flottes, l’automobile constitue un risque de fréquence compte tenu de l’importante occurrence des accidents observés. Dès qu’un parc présente un effectif significatif (> 50 véhicules) la cotation de l’assurance n’est plus déterminée par véhicule mais se trouve assise sur les résultats statistiques des années antérieures. L’entreprise est « facturée » par l’assureur en fonction de la fréquence et de la charge des sinistres. À cela s’ajoute l’effet des franchises de dommages supérieures à celles pratiquées pour les particuliers, les entreprises disposant de moyens financiers supérieurs. Au-delà de la négociation des primes, l’entreprise doit donc maîtriser sa sinistralité afin de tirer vers le bas le prix de son assurance sous peine de voir leurs frais s’envoler d’autant que l’assurance obligatoire est fiscalisée à un taux de 35 %. Cette maîtrise passe par un usage avisé du constat amiable. Le prix de l’assurance automobile pour les flottes comme pour les particuliers, tend à augmenter sous l’effet de plusieurs pressions : • l’inflation du coût des réparations + 4,80 % sur 12 mois au premier trimestre 2019 (source : SRA) ; • le projet de réforme de la loi Badinter sur les accidents de circulation qui, en alignant l’indemnisation

des conducteurs-victimes sur celle des non-conducteurs aurait un impact très sensible sur le coût des sinistres corporels (+ 26 à + 48 % selon les sources) ; • le financement du Fonds de garantie par les assureurs (14 % des charges du Fonds) et par les assurés (1,8 % de la prime de responsabilité), du fait notamment du nombre de conducteurs sans assurance ; • la baisse des taux d’intérêts qui réduit les provisions constituées par les assureurs. Le particulier est assujetti à un modèle tarifaire de marché qu’il ne maîtrise que très partiellement par le système universel du bonus-malus. Les entreprises disposent d’une marge de manœuvre plus étendue car elles peuvent agir directement sur leur sinistralité par les mesures de préventions des accidents, l’encadrement de leurs conducteurs et l’usage raisonné de leur parc (ex. : autopartage des véhicules en pool). La sensibilisation et la formation des conducteurs doivent induire à la bonne mise en œuvre du constat amiable. Si son usage ne réduit pas la sinistralité, il permet de déterFréquEncE dEs accidEnts miner les responrEsponsabLEs aVEc tiErs sabilités et de ■ 2018 : 94.3 ‰ faire valoir ses ■ 2017 : 95.8 ‰ droits en cas Source : Etude flottes FFA oct. 2018. d’absence 17


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de responsabilité. Les gestionnaires de sinistres flottes observent que, souvent, la déclaration au verso du constat se trouve en désaccord avec le recto qui seul, a une valeur probante. À notre connaissance, aucune étude publiée n’a mis en lumière la proportion d’anomalies rencontrées dans les constats amiables des flottes mais on peut l’évaluer grossièrement à 25 %. Ainsi, dans un cas sur quatre la responsabilité d’un conducteur non fautif dans les faits peut être retenue. Exemple constaté fréquemment : les libellés figurant en regard des cases à cocher sont généralement rédigés à la 3e personne du singulier parce qu’ils rendent compte du comportement du conducteur A à gauche ou B à droite. Souvent, la croix est, par erreur, placée dans l’autre colonne induisant ainsi une faute ainsi qu’une incohérence avec le croquis conduisant à une responsabilité indue. Les solutions Comment peut-on former les conducteurs des véhicules professionnels à l’usage du constat amiable? Il y a souvent plus de conducteurs salariés que de véhicules et l’importance de leur effectif rend difficile de les grouper dans des stages sur ce sujet. Les préventionnistes sont en mesure de compléter leur formation à la conduite par l’utilisation du constat mais ils ne peuvent y consacrer qu’un temps limité d’autant plus que leur mission consiste à enseigner comment éviter l’accident plutôt qu’à le décrire. La formation à distance et l’emploi de

la digitalisation apportent une solution sous la formule d’un e-learning. Encore faut-il qu’il transmette une information pertinente par séquence, en un temps limité sans tomber dans les conseils simplistes tels que ceux qui, il y a quelques années, étaient communiqués par des dépliants sommaires placés dans la pochette du constat pour n’être jamais lus si ce n’est juste après l’accident quand il n’est plus temps. Les obstacles Il est exact que prétendre former les conducteurs au bon usage du constat amiable relève de la gageure, nombre de salariés considérant que cela ne concerne que leur employeur et que les contraintes qu’impliquent leurs missions de déplacement induisent nécessairement la survenance d’accidents. Cependant, la formation à la conduite et au remplissage du constat apporte aux conducteurs une qualification utile aussi lorsqu’ils se déplacent à titre privé, avec leur véhicule personnel. Face à ces réticences, les employeurs (notamment les transporteurs) ont mis en place des primes de non-accident ou ont inclus dans les primes rémunérant la « qualité professionnelle » le critère « accidents responsables ».

La détermination de la responsabilité La mise en œuvre de la Convention Irsa vient troubler cette fonction qui devrait s’appuyer sur le droit à indemnisation découlant de la loi Badinter du 5 juillet 1985 sur les accidents de circulation et sur le Code de la route mais qui, en praExEmpLE constaté FréquEmmEnt tique, donne lieu ■ Les libellés figurant en regard des cases à cocher sont à l’application généralement rédigés à la 3e personne du singulier parce qu’ils rendent compte du comportement du conducteur A du barème simà gauche ou B à droite. plificateur atta■ Souvent, la croix est, par erreur, placée dans l’autre ché à cette colonne induisant ainsi une faute ainsi qu’une incohérence convention. avec le croquis conduisant à une responsabilité indue.. Même s’il

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LE poids dE L’assurancE FLottE dans LE tco (1) ■ 10 à 15 %

selon la nature, l’usage des véhicules ainsi que des garanties.

1. Total cost of ownership

y est indiqué que les dispositions conventionnelles ne sont pas opposables aux assurés, c’est généralement sur l’un des 13 cas prévus au barème que s’établissent les responsabilités. Il faut convenir que dans les trois quarts des cas d’accidents, le barème Irsa et le droit commun conduisent (par des chemins différents) à la même affectation de responsabilité. Les trois principales rubriques du constat pour la détermination des responsabilités sont : • la n° 12 circonstances (cases cochées) ; • la n° 13 croquis de l’accident ; • la n° 14 observations (à condition que la mention qu’elle contient ne soit pas contestée en regard par l’autre conducteur). D’autres, tels que le lieu (rubrique 2), point de choc (rubrique 10) ou les dégâts apparents (rubrique 11) viennent préciser les circonstances accidentelles. Les circonstances Les libellés de quelques-unes des cases peuvent changer d’une version de constat à une autre mais leur numérotation est stable (17 cases). Il existe deux catégories de cases à cocher : • celles (au nombre de 11) ne traitant que d’un type de manœuvre (3, 6, 8, 9, 10, 11, 78, 13, 14, 15 et 16). • les 6 autres mentionnant des manœuvres différentes, éventuellement de natures proches (ex. : introduction dans un parking, un lieu privé, un chemin de terre). Il peut être utile de biffer la(les) mention(s) inapproprié(es). Il est indispensable que chaque conducteur indique en bas de la colonne le nombre de cases qu’il a cochées afin d’éviter que son adversaire ne falsifie le constat ce qui constitue un faux en écriture privée ( C a s s . C r i m . 1 er j u i n 1 9 8 1 , n° 79-93.469).


Dossier La case n° 1, souvent sollicitée, est bivalente car elle traite du stationnement et de l’arrêt. Peu de conducteurs savent que si elle est cochée sans qu’un choix de libellé soit effectué, l’assureur retient le stationnement qui est présumé et selon l’Irsa, la responsabilité ne peut être attribuée au véhicule supposé stationné, sauf à l’être de façon irrégulière (Irsa p. 115/116). Si la mention « en stationnement » est biffée, le véhicule est réputé être en circulation et peut se voir affecter une responsabilité (ex. : voiture à l’arrêt effectuant un changement de file). La case n° 2 permet d’éclairer deux situations distinctes : le fait de quitter un lieu de stationnement et l’ouverture intempestive d’une portière ou d’un hayon (Irsa p. 125). Le rapprochement de ces deux situations se justifie parce qu’ils renvoient tous deux au cas 51 (non-respect d’une obligation relative). La case n° 17 présente cette même bivalence en prévoyant deux libellés : le non-respect d’un signal de priorité (stop, cédez le passage) et le feu rouge ce qui devrait conduire à un choix lors du remplissage du constat. Le premier constate une violation d’une obligation relative (cas 51 Irsa) tandis que l’autre vise le passage du véhicule à un feu au rouge (cas 50 Irsa). Le second cas rend compte d’une faute plus lourde que le premier et fait porter la totalité de la responsabilité sur le non-respect du feu rouge. savoir dessiner irsa La réalisation du croquis de l’accident

(rubrique 13) nécessite une bonne maîtrise graphique surtout du fait qu’une collision induit généralement sur les conducteurs un stress handicapant. En dépit que l’Irsa précise que le constat doit être analysé dans son ensemble, le croquis est apprécié comme présentant une valeur probante supérieure à celle des cases cochées car il permet d’illustrer le déroulement de l’accident dans son contexte et d’introduire des légendes explicatives. La convention a prévu les principes qui président à la réalisation du croquis et à son analyse par l’assureur, à titre d’exemples : • deux traits parallèles pleins (=) représentent le bord de la chaussée mais un trait plein sur une chaussée signifie qu’il s’agit d’une ligne blanche continue ; • une flèche peut donner lieu à des interprétations discutables. Lorsqu’elle est reliée à un véhicule ou placée sur son côté, elle indique son sens de marche mais si la flèche présente un coude, il s’agit d’une signalisation au sol (flèche directionnelle) imposant un changement de direction pour un véhicule circulant dans cette file. Le non-respect de cette signalisation entraîne nécessairement une responsabilité (cas 50 : violation d’une obligation absolue) ; • la présence d’un signal de priorité à une intersection est matérialisée par un triangle avec la mention « stop » ou « céder le passage ». La bande de marquage au sol figurée sur le constat par un trait est insuffisante pour avérer l’existence d’une priorité. • les emplacements de stationnement

ForcE probantE ■ Le constat amiable ne constitue pas une présomption d’assurance (Cass. 2° Civ. 24 juin 1998, n° 96-21066). Seul le recto est probant. Le verso l’est aussi à condition d’être signé par les deux conducteurs. Un constat déchiré puis recollé n’est pas recevable sauf accord des conducteurs (signatures). En cas de carambolage, il convient de compléter autant de constats qu’il y a de véhicules entrés en collision deux à deux..

déFinitions ■ Stationnement : immobilisation du véhicule moteur coupé, conducteur descendu. ■ Arrêt : immobilisation momentanée ou motivée par les conditions de circulation. (Irsa p. 115).

marqués au sol sont à figurer par un rectangle complet, l’un des côtés pouvant être confondu avec la bordure du trottoir. Faute de cette représentation, l’emplacement n’est pas reconnu comme étant expressément prévu pour un stationnement régulier. Le choc du véhicule stationné avec un autre en circulation donne lieu alors à un partage de responsabilité 50/50 (cas 43-Irsa § A1.4.2.b). Quelquefois, l’absence d’un trait sur le croquis modifie les responsabilités. conclusion Ce qui précède montre que quelle que soit l’habileté à la conduite d’un conducteur, la responsabilité peut lui incomber, en totalité ou en partie, s’il n’a pas su manipuler les « bons leviers » du constat qui lui auraient évité d’être reconnu responsable, et cela parce qu’il n’a pas été initié aux arcanes du constat et de l’Irsa. S’il s’agit de salariés en service, leur ignorance peut indirectement peser sur la cotisation de leur employeur et s’ils se trouvent au volant de leur véhicule personnel pour un trajet privé, leur propre cotisation peut se trouver majorée d’un malus (+ 25 % pour 100 % de responsabilité, + 50 % pour une responsabilité partagée). Les initiés au bon usage du constat s’en tirent mieux. On peut regretter que les pratiques conventionnelles des assureurs restent opaques pour les automobilistes mais elles ont pour objectif de simplifier la gestion des sinistres en réduisant le coût de cette gestion qui, sans cela, viendrait peser sur les cotisations. ■ 19


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Flottes automobiles: bien piloter avec la réglementation

ASSURANCE AUTO ET ACCIDENT DU TRAVAIL

L’indispensable détermination du d’indemnisation applicable

Les assureurs de flotte automobile sont régulièrement confrontés à des sinistres constituant pour la victime un accident du travail. Se pose dès lors la question du régime d’indemnisation applicable au salarié victime d’un accident du travail.

Nathalie Roiné avocate chez Selarl Roiné & Associés

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Principe de l’application des règles d’indemnisation prévues par le Code de la Sécurité sociale L’article L.451-1 du Code de la Sécurité sociale consacre l’impossibilité pour l’assuré social de demander réparation de son préjudice selon les voies de droit commun: «Sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L.452-5, L.454-1, L.455-1, L.455-1-1 et L.455-2, aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit.» La Cour de cassation a précisé dans un arrêtdu19décembre1991(n°90-81.191) quelaloidu5juillet1985n’apaseupour effet d’abroger les dispositions spécifiques régissant les accidents du travail et que la victime ne peut donc bénéficier que de la réparation forfaitaire prévue par la législation en vigueur sur les risques professionnels. Dans un arrêt en date du 11 septembre 2008 (n°07-18.171), la 2e chambre civile de la Cour de cassation a considéré, que ces dispositions sont d’ordre public et que la victime d’un accident du travail, lorsqu’elle entend obtenir une indemnisation complémentaire à celle forfaitairement prévue par la Caisse de Sécurité sociale, doit nécessairement fonder son action sur les dispositions du Code de la Sécurité sociale (prestations en nature et en espèce et répara-

tion complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur). La Cour de cassation retient d’ailleurs, de manière constante, la compétence d’attribution du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, désormais remplacé par Pôle social du Tribunal judiciaire par la loi de modernisation de la justice au XXIe siècle du 18 novembre 2016,pourconnaîtredesactionsindemnitaires diligentées par la victime d’un accident du travail (Cass. Soc., 9 juillet 2014, n°13-18.696). Néanmoins, deux dérogations sont prévues par le Code de la Sécurité sociale:lorsquel’accidentestimputable à un tiers (article L.454-1) et lorsque le véhicule terrestre à moteur est conduit par l’employeur ou un de ses préposés et que l’accident survient sur une voie ouverte la circulation publique (article L.455-1-1). Dérogation prévue par l’article L.454-1 du CSS: l’accident causé par un tiers L’article L.454-1 du Code de la Sécurité sociale permet au salarié de demander la réparation de son préjudice conformément aux règles de droit commun, lorsque la lésion dont il est atteint est imputable à un tiers, c’est-à-dire une personne autre que son employeur ou ses préposés. En pratique, cette dérogation est d’applicationfréquentepuisqu’ellerecouvre

la quasi-totalité des cas d’accidents de trajet(accidentsurvenulorsd’undéplacement entre le domicile et le lieu de travail ou entre le lieu de restauration habituel et le lieu de travail) et des accidents de mission (accident ayant lieu à l’occasion d’un déplacement nécessaire à l’exécution du travail). C’est donc la loi du 5 juillet 1985 qui régira l’indemnisation du salarié. Dérogation prévue par l’article L.455-1-1 du CSS: le véhicule terrestre à moteur conduit par l’employeur ou l’un de ses préposés et survenant sur une voie ouverte à la circulation publique L’articleL.455-1-1duCodedelaSécurité sociale dispose : « La victime ou ses ayants droit et la caisse peuvent se prévaloir des dispositions des articles L.454-1 et L.455-2 lorsque l’accident défini à l’article L. 411-1 survient sur une voie ouverte à la circulation publique et implique un véhicule terrestre à moteur conduit par l’employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime. La réparation complémentaire prévue au premier alinéa est régie par les dispositions de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.»


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régime Cette disposition opère donc une distinction entre les risques qui sont essentiellement liés à l’exercice de la profession et ceux liés à la circulation. Dans ce dernier cas, le législateur a reconnu au salarié la possibilité de solliciter la réparation de ses préjudices selon le droit commun. Le régime d’indemnisation de la loi du 5 juillet 1985 étant plus favorable que celui prévue par le Code de la Sécurité sociale, le salarié va naturellement chercher à obtenir l’application des dispositions de l’article L.455-1-1 précité devant les juridictions de droit commun. Pour ce faire, il lui incombera de rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives prévues à l’article L.455-1-1 sont réunies, au besoin en tentant d’en obtenir une interprétation extensive de la part des juges du fond, étant précisé que dans sa décision du 23 septembre 2011 (n°2011-167 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 455-1-1 conforme à la Constitution (Conseil constitutionnel 23 septembre 2011 n°2011-167). Première condition: véhicule terrestre à moteur conduit par l’employeur ou un préposé Cette condition est a priori aisée à vérifier. Pourtant, des difficultés peuvent apparaître lorsque l’accident survient alors que le véhicule n’a plus de conducteur (notamment accident de chargement et de déchargement) ou lorsqu’il y a interaction entre des salariés de plusieurs entreprises (lors d’un chantier par exemple). La Cour de cassation a donc eu à se prononcer à plusieurs reprises sur ces

différents points. En premier lieu, il convient de rappeler qu’en vertu de son article 1er, la loi du 5 juillet 1985 n’est pas applicable au profit du conducteur d’unvéhicule,quiestseulimpliquédans un accident dont il est victime (Civ. 2e, 13 juillet 2006, n°04-20.290). Il a donc été jugé que l’article L.455-1-1 du Code de la Sécurité sociale n’est pas applicable: - lorsque la victime est le conducteur du véhicule terrestre à moteur (Civ. 2e, 24 mars 2016, n°15-15.306); - lors d’un accident du travail dont a été victime l’employée d’une boulangerie blessée par le véhicule de livraison appartenant à son employeur, dont elle était initialement conductrice, et qui a reculé alors qu’elle en était descendue et se trouvait derrière celui-ci (Civ. 2e, 5 février 2015, n°13-26.358). Ensecondlieu,ilestdésormaisconstant qu’en cas de prêt de main d’œuvre, la société utilisatrice n’est pas considérée comme tiers à la relation de travail (Civ. 2e, 3 février 2011, n°09-70.888), tout comme dans le cas du travail temporaire (Civ. 2e, 30 juin 2011, n°10-20.24; Civ. 2e, 5 novembre 2015, n°14-22.603). Il en est de même pour le travail en commun, c’est-à-dire dans l’hypothèse où les salariés de plusieurs entreprises travaillent sous une direction unique pour un objet commun (Crim, 14 mai 1996, n° 94-84.132). Lesdites entreprises ne sont pas considérées comme des tiers vis-àvis du salarié victime d’un accident du travail. Il sera rappelé que selon la jurisprudence, la notion de travail en commun supposelaréuniondeconditionscumulatives, à savoir l’existence d’une «concertation préalable sur la façon d’accomplir, sous une direction unique et de manière simultanée, une tâche déterminée» (Civ. 2e, 4 juillet 2007, n°06-16.006; Civ. 2e, 27 mars 2014, n° 12-29.569 ; Civ. 2e, 4 avril 2018, n°17-14.907).

Seconde condition: la délicate appréciation de la voie ouverte à la circulation publique Il convient tout d’abord de souligner que le champ d’application de l’article L.455-1-1 (voie ouverte à la circulation publique) ne se confond pas avec celui de la loi du 5 juillet 1985 (voie de circulation), dès lors qu’il s’avère plus restreint. La circulaire de la CNAMTS n°98/94 du 29 novembre 1994 précise que sont exclus du champ d’application de l’article L. 455-1-1 du Code de la Sécurité sociale: • les accidents qui surviennent sur les voies de circulation internes à l’entreprise(parking,enceintedel’usine...)(…) •lesaccidentssurvenantsurunchantier de travaux publics installé sur une voie partiellement ouverte à la circulation publique, dans la partie qui est fermée à la circulation publique. L’article L. 455-1-1 précité est donc inapplicable lorsque l’accident survient sur une voie privée, intérieure à l’entreprise, destinée au chargement et au déchargement et réservée aux seuls agents et véhicules autorisés (Crim., 12 janvier 2016, n° 12-87.724, CA Toulouse, 1re ch. 1er sect., 7 octobre 2019, n° 17/03162), ou sur un chantier de travaux dont l’accès n’est pas autorisé au public (Civ. 2 e, 7 mai 2015, n°14-10.713), sur un parcelle agricole (CA Nîmes, 1re ch. civ., 12 février 2013, n°11/05622) ou enfin sur une piste de golf (Civ. 2e, 12 juin 2014, n°13-18.480). S’agissant de l’assurance automobile, il sera observé que l’article R.211-8 du Code des assurances dispose que l’obligation d’assurance ne s’applique pas à la réparation des dommages subis par une personne salariée ou travaillant pour un employeur, à l’occasion d’un accident du travail. Depuis le décret n°93-1073 du 7 septembre 1993, iI est toutefois prévu une exception en ce qui concerne «la couverture de la réparation complémentaire, prévue à l’article L. 455-1-1 du Code de la sécurité sociale, pour 21


Dossier ■

Flottes automobiles: bien piloter avec la réglementation

les dommages consécutifs à un accident défini à l’article L. 411-1 du même code, subi par une personne salariée ou travaillant pour un employeur et qui est victime d’un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur conduit par cet employeur, un de ses préposés ou une personne appartenantàlamêmeentreprise que la victime, et survenu sur la voie ouverte à la circulation publique.» Afin de permettre à l’employeur de ne pas assumer personnellement la charge de la réparation des préjudices du salarié, le législateur a donc fait coïncider l’obligation d’assurance avec les conditions d’application des dispositions de l’articleL.455-1-1.L’assureurautomobile doit donc sa garantie au salarié victime d’un accident du travail constituant égalementunaccidentdelacirculation, si les conditions mentionnées aux articles R.211-8 et L.455-1-1 (qui sont les mêmes), sont réunies. Couverture possible du sinistre par l’assureur automobile, même lorsque l’accident du travail ne se produit pas à l’occasion d’un fait de circulation La non-application de la loi du 5 juillet 1985 n’implique cependant pas la nonintervention de l’assureur automobile. Cette hypothèse se rencontre principalement lorsque l’accident est provoqué par un élément d’équipement du véhicule étranger à sa fonction de déplacement et alors que celui-ci était à l’arrêt. Il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article R.211-5 du Code des assurances, dans sa rédaction issue du décret n°86-21du7janvier1986:«L’obligation d’assurance s’applique à la réparation des dommages corporels ou matériels résultant: 1° Des accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule, les accessoires et produits servant à son utilisation, les objets et substances qu’il transporte; 2°Delachutedecesaccessoires,objets, substances ou produits.» 22

Il n’est donc, depuis 1986, plus fait référence à un accident survenu à l’occasion de la circulation. Il en résulte que l’assurance automobile est susceptible de jouer, même en l’absence d’accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985. La jurisprudence de la Cour de cassation a connu une évolution sensible concernant l’application de ces différentstextes,notammentsurl’obligation de garantie de l’assureur automobile. Ainsi, dans un premier temps, la Haute Juridiction a considéré que, dès lors que l’accident était causé par les seuls éléments d’équipement utilitaires étrangers à la fonction de déplacement, la loi Badinternes’appliquaitpasetl’assurance automobile n’avait pas lieu d’être mobilisée pour les accidents causés par: le basculementdelabenned’uncamionen déchargement (Civ. 2e, 8 mars 2001, n°99-13.525),l’ouverturedel’auventd’un camion pizza (Civ. 2e, 8 mars 2001, n°98-17.678), la chute de la nacelle d’un chariotélévateuràl’arrêt(Civ.2e,8 juillet 2003, n°00-18.216), la chute d’un tronc d’arbre soulevé par un chariot élévateur (Civ. 2e, 18 mai 2017, n°16-18.421). En revanche, dès lors que le véhicule était en circulation, quand bien même l’accident était dû à un équipement étranger à la fonction de déplacement, la garantie automobile était mobilisable (Civ. 2e, 9 octobre 2003, n°01-13.199). Toutefois, cette jurisprudence a évolué dans un sens défavorable à l’assureur automobilepuisque,désormais,laCour de cassation considère que celui-ci doit sa garantie quand bien même le véhicule est à l’arrêt et que l’accident a été causé uniquement par un équipement

Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, 38 % des accidents corporels de la route sont liés au travail. Ils représentent également la première cause de mortalité au travail.

de celui-ci étranger à sa fonction de déplacement. Le premier arrêt rendu en ce sens date du 21 novembre 2013 (n° 12-14.714), mais avait fait l’objet d’une publication restreinte (D). Il a depuis été confirmé par un arrêt de la 2e chambre civile du 13 septembre 2018(n°17-25.671), quia,quantàlui,fait l’objet d’une large publication (F-B+P). Dans cet arrêt, la Cour de cassation a, à nouveau, considéré que les accidents causés par les accessoires ou la chute d’objets sont, selon l’article R.211-5 du Code des assurances, «garantis même si le véhicule ne circule pas et si l’accident ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi de 1985». Ilenrésultequel’obligationd’assurance dépasse le champ d’application de la loi du 5 juillet 1985 et que l’assureur automobile pourra être tenu de prendre en charge un sinistre que ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985. En conséquence : - d’une part la qualification d’accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985 n’aura plus pour objet que de déterminer le régime d’indemnisation applicable: loi Badinter ou responsabilité du fait des choses; - d’autre part, là où les assurances RC exploitation et automobile se complétaient par le biais d’exclusion de garantie (relative aux dommages causés par les véhicules terrestres à moteur pour les polices RC exploitation) et d’extension de garantie (responsabilité fonctionnement ou risque non automobile pour les polices RC auto), il pourra désormais y avoir cumul d’assurance. Reste, pour l’assureur automobile, la possibilité de ne pas garantir les dommages subis par une personne salariée à l’occasion d’un accident du travail, en application de l’article R.211-8 du code des assurances, sous réserve de la mise en œuvre de l’article L.455-1-1 (véhicule conduit par l’employeur ou un préposé et voie ouverte à la circulation publique)… ■


décision JLa urisprudence

du mois

CHAUFFEUR UBER

La relation avec la plateforme numérique caractérise un lien de subordination conférant le statut de salarié La question posée à la justice dans cette affaire était simple : lorsqu’il réalise une prestation pour Uber, un chauffeur, inscrit au registre des métiers comme travailleur indépendant, est-il lié par un lien de subordination avec cette société, situation de nature à justifier la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail ? La cour d’appel de Paris avait répondu par l’affirmative. La Cour de cassation confirme cette décision, conformément à sa jurisprudence désormais bien établie.

R

STUDIOFALOUR

Remarques introductives

Nathalie Giroudet-Demay, avocate au sein du cabinet Ravayrol&Giroudet

Le lecteur attentif notera que l’arrêt du 4 mars 2020 est rédigé conformément aux nouvelles règles que la Cour de cassation s’est imposées depuis octobre 2019 et qui visent à simplifier la compréhension de sa décision, en supprimant la traditionnelle rédaction « par attendu » et en lui substituant une rédaction au style direct articulée autour de paragraphes numérotés. Le présent arrêt est en effet ainsi découpé : une première partie consacrée au rappel des faits et de la procédure (paragraphes 1 à 5), une deuxième partie consacrée à l’examen du moyen (énoncé du moyen dans le paragraphe 6 et réponse de la Cour par les paragraphes 7 à 15) et la troisième partie consacrée au dispositif. S’agissant d’un arrêt « FP-PBTI », il a donc été rendu en formation plénière et bénéficie d’une large publication tant au Bulletin des arrêts des chambres civiles qu’au Bulletin d’ information de la Cour de cassation, que dans le rapport annuel et sur le site Internet de la Cour de

cassation. Pourtant, la solution ici adoptée par la Cour n’est guère innovante. Cette décision est en effet la seconde que la chambre sociale de la Cour de cassation rend à propos des travailleurs des plateformes, après l’arrêt prononcé dans l’affaire Take Eat Easy concernant des livreurs à vélo (Soc.,28novembre2018,pourvoin°17-20.079, publié). Il faut sans doute y voir la volonté de la Cour de cassation d’affirmer clairement sa vigilance sur les divers statuts utilisés par les plateformes numériques. Les faits et la procédure La société Uber met en relation, via une plateforme numérique et une application, des chauffeurs VTC et des clients. Les chauffeurs exercent leur activité sous un statut d’indépendant. Une fois son compte clôturé par Uber, un de ces chauffeurs a saisi la justice prud’homale en juin 2017 en lui demandant de requalifier la relation contractuelle avec cette société en contrat de travail. 23


décision JLa urisprudence Le Conseil de prud’hommes de Paris s’est déclaré incompétent par un jugement de juin 2018 (Cons. prud’h. Paris, 28 juin 2018, n° 17/04674) et a renvoyé l’affaire vers le tribunal de commerce, considérant que le lien qui unissait le chauffeur et la plateforme de mise en relation Uber relevait de la relation commerciale. La Cour d’appel de Paris, saisie par le chauffeur VTC, par un arrêt infirmatif du 10 janvier 2019 (CA Paris, pôle 6, ch. 2, RG n° 18/08357, 10-01-2019) a jugé que le contrat de partenariat signé par le chauffeur et la société Uber BV s’analysait en un contrat de travail et a renvoyé l’affaire devant le Conseil de prud’hommes afin qu’il statue au fond sur les demandes du chauffeur au titre de rappel d’indemnités, de rappel de salaires, de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, de travail dissimulé et licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation. L’analyse de la Cour de cassation Selon une jurisprudence désormais bien établie, l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont données à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est réellement exercée l’activité professionnelle visée (Soc., 17 avril 1991, pourvoi n° 88-40.121, Bull. V n° 200 ; Soc., 19 décembre 2000, pourvoi n° 98-40.572, Bull. V, n° 437 ; Soc., 9 mai 2001, pourvoi n° 98-46.158, Bull. V, n° 155). Il s’agit donc, pour le juge, de porter une appréciation in concreto sur la situation qui lui est soumise. Il n’existe pas de définition légale du contrat de travail, mais seulement une construction jurisprudentielle selon laquelle il y a contrat de travail dès lors qu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération. La jurisprudence a donné du lien de subordination une définition commune à la législation du travail et à la Sécurité sociale. Cette définition implique le cumul de trois conditions : l’accomplissement d’une prestation de travail identifiée, l’octroi d’une rémunération en contrepartie de la prestation réalisée et la subordination juridique 24

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de celui qui réalise la prestation. Cette troisième condition est décisive puisque c’est elle et elle seule qui permet de distinguer le contrat de travail d’un contrat commercial. Et c’est tout l’enjeu de la présente affaire, le conseil de prud’hommes ayant estimé que la subordination n’était pas démontrée, alors que la cour d’appel et la Cour de cassation estiment au contraire que le lien de subordination est caractérisé. De nombreux éléments peuvent être pris en considération pour caractériser l’existence, ou au contraire l’absence, d’une situation de subordination. Ainsi par exemple, comme l’indique l’article L. 8221-6 du Code du travail, l’immatriculation à certains registres de travailleurs indépendants (registre du commerce, registre des agents commerciaux, répertoire des métiers…) crée une présomption légale d’absence de lien de subordination. Mais, comme l’a souligné la Cour de cassation dans l’arrêt Take Eat Easy précité, cette présomption est une présomption simple qui tombe dès lors que les conditions dans lesquelles les prestations demandées par le donneur d’ordre révèlent l’existence d’un lien de subordination juridique de la personne réalisant lesdites prestations à l’égard du donneur d’ordre. Et le travail au sein d’un service organisé peut au contraire constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail (Soc. 13 novembre 1996, n° 94-13.187). La société Uber a essentiellement mis en avant deux arguments pour tenter d’établir l’absence de lien de subordination du chauffeur. En premier lieu, elle a invoqué l’immatriculation du chauffeur au registre des exploitants de voitures de tourisme, qui caractérisait, selon elle, une présomption de non-salariat. En second lieu, elle a précisé que le chauffeur n’était tenu par aucune exclusivité en faveur de la société et qu’il pouvait « librement utiliser de manière simultanée d’autres applications de mise en relation avec la clientèle ». La société Uber a expliqué que le partenariat commercial, qui avait démarré avec ce

chauffeur le 12 octobre 2016, avait été émaillé de nombreuses difficultés liées à des manquements graves et répétés aux règles régissant l’application Uber nécessaire à l’organisation des courses et que ces difficultés l’avaient contrainte à priver le chauffeur de son accès à cette application, ce qui avait mis un terme au partenariat commercial le 2 avril 2017. Pour contredire cette analyse, la Cour de cassation s’est appuyée sur plusieurs éléments de fait mis en avant par la cour d’appel : - la plateforme Uber constitue un service de prestations de transport organisé qu’intègre chaque chauffeur ; - par ce service organisé, le chauffeur ne peut ni développer sa propre clientèle, ni fixer librement ses tarifs, ni encore les conditions d’exercice de sa prestation de transport, l’ensemble étant régis par la société ; - plus particulièrement concernant le tarif des courses exécutées par le chauffeur, celui-ci était fixé au moyen des algorithmes de la plateforme par un mécanisme prédictif imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n’avait pas le choix ; - ce système ne permettait pas au chauffeur d’avoir systématiquement connaissance de la destination de la course proposée par l’application Uber, ce qui l’empêchait de choisir librement les courses qui lui convenaient ou non ; - le chauffeur pouvait perdre temporairement l’accès à l’application en cas de trois refus de courses ou perdre l’accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou en cas de signalement de comportements problématiques par les utilisateurs, peu important que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission. La Cour de cassation considère donc qu’il ressort de l’ensemble de ces constatations que la société avait adressé des directives au chauffeur, en avait contrôlé l’exécution et avait exercé un pouvoir de sanction. Elle en déduit ainsi qu’un faisceau suffisant d’indices se trouve réuni pour permettre au chauffeur de caractériser le lien de subor-


dination dans lequel il se trouvait lors de ses connexions à la plateforme Uber et d’ainsi renverser la présomption simple de nonsalariat que font peser sur lui les dispositions de l’article L. 8221-6 I du Code du travail. À noter que la Cour de cassation a bien en l’espèce exercé un contrôle de motivation en s’assurant que les juges du fond avaient tiré les conséquences légales de leurs observations. Elle ne s’est donc pas substituée aux juges du fond dans l’appréciation des éléments de fait et de preuve qui relèvent de leur pouvoir souverain. Les conséquences de la reconnaissance d’un lien de subordination Comme indiqué en remarque introductive, ce n’est pas un arrêt innovant. Il s’agit d’une application classique de la jurisprudence de 1996 sur le lien de subordination. On ne peut dès lors affirmer que l’arrêt de la Cour de cassation remet en cause le modèle économique des plateformes ; il oblige seulement à une rigueur dans la définition des rôles de chacun et des modalités de fonctionnement des applications des plateformes numériques. Dans la note explicative rédigée par la Cour

de cassation pour expliquer sa décision, il est rappelé qu’au Royaume-Uni, le régime des “workers” constitue un régime intermédiaire entre les “employees” et les “independents”, et qu’en Italie, il existe des contrats de “collaborazione coordinata e continuativa”, ou encore de “collaborazione a progetto”, catégories que l’on peut situer à mi-chemin entre le salariat et le statut d’indépendant… Mais en droit français, en dehors de quelques sit uations t rès délimitées (gérants mandataires non-salariés de succursales d’alimentation visés à l’article L. 7322-1 du Code du travail), il n’existe pas de régime intermédiaire entre le statut de salarié et celui d’indépendant. Le lien de subordination étant reconnu entre le chauffeur et la société, l’existence d’un contrat de travail est démontrée. Toutes les conséquences qui y sont attachées vont donc automatiquement être admises. Le chauffeur ayant été licencié sans qu’une procédure de licenciement ne soit engagée, aura notamment droit à un préavis et aux congés payés sur préavis, à une indemnité de licenciement et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. S’il démontre

le non-respect de la durée légale du travail, il pourra également revendiquer un rappel de salaire pour heures supplémentaires et des dommages et intérêts pour travail dissimulé. Certains commentateurs de cet arrêt pensent que la Cour de cassation a voulu, par cet arrêt largement publié, faire un appel du pied au législateur, pour l’inciter à adopter un régime juridique intermédiaire comme il en existe en Italie ou au RoyaumeUni (« Les chauffeurs Uber sont des salariés selon la Cour de cassation ! » par Frédéric Chhum avocat, et Claire Chardès juriste, Village de la justice, 4 mars 2020). D’autres y décèlent une stratégie des plateformes qui estiment que le droit français doit s’adapter à elles et non l’inverse (cf. interview de Fabien Masson, avocat, Dalloz Actualité, 16 mars 2020). Mais une certitude en ressort dans l’immédiat : cet arrêt, très médiatisé du fait de la célébrité de l’entreprise qui fournit les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), ne peut qu’inciter les chauffeurs concernés à saisir une juridiction prud’homale pour demander la requalification de leur contrat de partenariat commercial en contrat de travail. ■

La décision Soc. 4 mars 2020, pourvoi n°19-13.316;

Demandeur(s): Uber France, société par actions simplifiée unipersonnelle; et autre(s) Défendeur(s): M. A... X...

Faits et procédure 1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), M. X..., contractuellement lié avec la société de droit néerlandais Uber BV par la signature d’un formulaire d’enregistrement de partenariat, a exercé une activité de chauffeur à compter du 12 octobre 2016 en recourant à la plateforme numérique Uber, après avoir loué un véhicule auprès d’un partenaire de cette société, et s’être enregistré au répertoire Sirene en tant qu’indépendant, sous l’activité de transport de voyageurs par taxis. 2. La société Uber BV a désactivé définitivement son compte sur la plateforme à partir du mois d’avril 2017.

3. M. X... a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de sa relation contractuelle avec la société Uber en contrat de travail, et formé des demandes de rappels de salaires et d’indemnités de rupture. Examen de la recevabilité de l’intervention volontaire du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière 4. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l’appui des prétentions d’une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. 5. Le syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière ne justifiant pas d’un tel intérêt dans ce litige, son intervention volontaire n’est pas recevable. Examen du moyen

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décision JLa urisprudence Énoncé du moyen 6. Les sociétés Uber France et Uber BV font grief à l’arrêt de dire que le contrat ayant lié M. X... à la société Uber BV est un contrat de travail, alors: « 1°/ que le contrat de travail suppose qu’une personne physique s’engage à travailler pour le compte d’une autre personne, physique ou morale, moyennant rémunération et dans un rapport de subordination juridique; que ne constitue donc pas un contrat de travail, le contrat conclu par un chauffeur VTC avec une plateforme numérique, portant sur la mise à disposition d’une application électronique de mise en relation avec des clients potentiels en échange du versement de frais de service, lorsque ce contrat n’emporte aucune obligation pour le chauffeur de travailler pour la plateforme numérique, ni de se tenir à sa disposition et ne comporte aucun engagement susceptible de le contraindre à utiliser l’application pour exercer son activité; qu’au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l’application ou non, de choisir l’endroit et le moment où il entend se connecter, sans en informer la plateforme à l’avance, et de mettre fin à la connexion à tout moment; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu’il choisit de se connecter à l’application, le chauffeur est libre d’accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l’application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion de l’Application pour des raisons opérationnelles liées au fonctionnement de l’algorithme, le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment et cette déconnexion temporaire n’a aucune incidence sur la relation contractuelle entre le chauffeur et Uber BV; que la société Uber BV faisait encore valoir que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l’application, de sorte que le chauffeur n’est tenu d’aucun engagement financier envers la plateforme susceptible de le contraindre à utiliser l’application; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de partenariat et l’utilisation de l’application ne sont assortis d’aucune obligation d’exclusivité pour le chauffeur qui peut librement utiliser de manière simultanée d’autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d’autres moyens; que la société Uber BV en déduisait que la conclusion et l’exécution du contrat par M. X... n’emportaient strictement aucune obligation pour ce dernier de travailler pour le compte de la plateforme, de sorte que la relation contractuelle ne pouvait être qualifiée de contrat de travail; qu’en jugeant néanmoins que le contrat ayant lié M. X... à la société Uber BV est un contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion et l’exécution de ce contrat emportaient une obligation à la charge du chauffeur de travailler pour la plateforme ou de se tenir à la disposition de cette dernière pour accomplir un travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1, L.1411-1, L.7341-1 et L.8221-6 du Code du travail; 2°/ qu’il résulte de l’article L.8221-6 du Code du travail que la présomption

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du mois de non salariat pour l’exécution d’une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n’est écartée que lorsqu’il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné; que le travail au sein d’un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail; qu’aucun lien de subordination juridique permanent ne saurait résulter du contrat conclu entre une plateforme numérique et un chauffeur VTC, lorsque le contrat n’emporte aucun pouvoir de la plateforme d’exiger du chauffeur qu’il accomplisse un travail pour elle ou même qu’il se tienne à sa disposition pendant une période donnée, aussi courte soit-elle, ni aucun engagement susceptible de contraindre le chauffeur à utiliser l’application développée par la plateforme; qu’au cas présent, il est constant que M. X..., qui était inscrit au répertoire des métiers en qualité de chauffeur, entrait dans le champ d’application de l’article L.8221-6 du Code du travail; que la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l’application, de choisir l’endroit et le moment où il entend se connecter, sans être aucunement tenu d’en informer à l’avance la plateforme, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu’il choisit de se connecter à l’application, le chauffeur est libre d’accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l’application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion temporaire de l’application pour permettre le bon fonctionnement de l’algorithme (les demandes de courses étant proposées aux chauffeurs connectés un par un, par ordre de proximité avec le passager), le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment uniquement en cliquant sur l’application; que la société Uber BV faisait encore valoir que la conclusion du contrat de partenariat et l’utilisation de l’application ne donne lieu à aucune redevance, ni à aucun engagement financier, de la part du chauffeur à l’égard de la société Uber BV, qui serait de nature à contraindre le chauffeur d’utiliser l’application, et que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l’application; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de prestation de service électronique et l’utilisation de l’application n’étaient assortis d’aucune obligation d’exclusivité pour le chauffeur qui pouvait tout à fait librement utiliser de manière simultanée d’autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d’autres moyens; qu’en se bornant à énoncer que le fait de pouvoir choisir ses lieux et heures de travail n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, sans rechercher si, pris dans


leur ensemble, ces éléments, dont il résultait, non pas une simple liberté pour M. X... de choisir ses horaires de travail (telle qu’elle peut exister pour certains salariés), mais une liberté totale d’utiliser ou non l’application, de se connecter aux lieux et heures choisis discrétionnairement par lui, de ne pas accepter les courses proposées par le biais de l’application et d’organiser librement son activité sans l’application, n’excluaient pas l’existence d’un lien de subordination permanente avec la société Uber BV, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1, L.1411-1, L.7341-1 et L.8221-6 du Code du travail; 3°/ que le juge ne peut se prononcer sur l’existence ou non d’un lien de subordination juridique qu’en tenant compte de l’ensemble des éléments relatifs aux conditions d’exercice de l’activité qui lui sont présentés par les parties; qu’au cas présent, la société Uber BV faisait valoir, sans être contredite, que le chauffeur n’était soumis à aucune obligation, ni à aucun contrôle, en termes de connexion et d’activité, que le contrat de partenariat portant sur l’utilisation de l’application ne comportait aucun engagement financier à la charge du chauffeur à son égard, ne comportait pas d’obligation d’exclusivité et rappelait même expressément que le chauffeur était libre de se connecter et d’utiliser des applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC autrement qu’en utilisant l’application Uber ; qu’en jugeant qu’il existait un faisceau d’indices suffisant pour caractériser l’existence d’un lien de subordination, sans prendre en compte ces éléments déterminants propres à établir que le chauffeur dispose dans l’exercice de son activité, y compris par l’intermédiaire de la plateforme Uber, d’une liberté incompatible avec l’existence d’un lien de subordination juridique permanente, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1, L.1411-1, L.7341-1 et L.8221-6 du Code du travail; 4°/ que l’exécution d’un contrat de partenariat portant sur l’utilisation par un chauffeur VTC d’une application électronique de mise en relation avec des clients implique une possibilité pour la plateforme de s’assurer du bon fonctionnement de l’application, du respect par le chauffeur de la réglementation applicable, de la sécurité des personnes et de la qualité de la prestation de transport; que ne caractérise pas un pouvoir disciplinaire, la possibilité pour une plateforme numérique de rompre unilatéralement le contrat en cas de manquements graves et répétés du chauffeur aux obligations résultant du contrat de partenariat; qu’au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que l’exigence à l’égard du chauffeur de ne pas annuler trop fréquemment les courses proposées par l’application qu’il a acceptées n’a ni pour objet ni pour effet de restreindre la liberté du chauffeur de choisir si, quand, et où il se connecte et de ne pas accepter les courses proposées, mais est nécessaire pour garantir la fiabilité du système en fluidifiant l’offre et la demande; qu’elle exposait, par ailleurs, que les chauffeurs utilisant l’application Uber ne reçoivent aucun ordre, ni aucune directive personnalisée et que les règles fondamentales résultant

des documents contractuels constituent des exigences élémentaires de politesse et de savoir-vivre, de respect de la réglementation et de la sécurité des personnes, inhérentes à l’activité de chauffeur VTC ; que, dans ces conditions, la possibilité de rompre le contrat de partenariat en cas de méconnaissance de ces obligations n’est aucunement constitutive d’un pouvoir disciplinaire, mais relève de la faculté dont dispose tout contractant de rompre un partenariat commercial lorsque ses termes et ses conditions ne sont pas respectés par son cocontractant ; qu’en se bornant à relever, pour considérer que la société Uber BV disposait à l’égard des chauffeurs d’un pouvoir de sanction caractérisant un contrat de travail, qu’un taux d’annulation trop élevé ou le signalement par les passagers de comportements problématiques du chauffeur pouvaient entraîner la perte d’accès au compte, sans expliquer en quoi les exigences posées pour l’utilisation de l’application se distinguent de celles inhérentes à la nature même de l’activité de chauffeur VTC et à l’utilisation d’une plateforme numérique de mise en relation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du Code du travail, ensemble les articles L. 3221-1 et suivants du code des transports et 1103 et 1226 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ; 5°/ que la seule existence d’une possibilité stipulée au contrat, pour la plateforme de désactiver ou de restreindre l’accès à l’application ne saurait en elle-même caractériser un contrôle de l’activité des chauffeurs en l’absence de tout élément de nature à établir qu’une telle prérogative serait utilisée pour contraindre les chauffeurs à se connecter et à accepter les courses qui leur sont proposées ; qu’en se bornant à affirmer que la stipulation, au point 2.4 du contrat, selon laquelle Uber se réserve le droit de désactiver l’application ou d’en restreindre l’utilisation aurait pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, cependant, d’une part, que le contrat rappelait, par ailleurs, expressément au chauffeur qu’il était libre d’utiliser l’application quand il le souhaitait et d’accepter ou non les courses proposées et, d’autre part, qu’il n’était relevé aucun élément de nature à faire ressortir l’existence une quelconque désactivation ou restriction d’utilisation de l’application lorsqu’un chauffeur ne se connecte pas ou refuse des courses, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1, L.1411-1, L.7341-1 et L.8221-6 du Code du travail; 6°/ que l’article 2.4 du contrat de prestations de services stipule notamment que le client et ses chauffeurs conservent exclusivement le droit de déterminer quand et combien de temps utiliser, pour chacun d’eux, l’application chauffeur ou les services Uber et que le client et ses chauffeurs gardent la possibilité, par l’intermédiaire de l’application chauffeur, de tenter d’accepter, de refuser ou d’ignorer une sollicitation de services de transport par l’intermédiaire des services Uber, ou d’annuler une demande de services de transport acceptée par l’intermédiaire de l’application chauffeur, sous réserve des politiques d’annulation d’Uber

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décision JLa urisprudence alors en vigueur; qu’en tronquant l’article 2.4 du contrat pour dire que cette stipulation aurait pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans prendre en compte les termes clairs et précis de cette stipulation relative à la liberté du chauffeur de se connecter et de ne pas accepter les courses proposées, la cour d’appel a dénaturé par omission cette stipulation contractuelle, en violation des articles 1103 et 1192 du code civil, dans leur version issue de l’ordonnance du 10 février 2016; 7°/ que le respect de la commande du client, qui a été acceptée par le chauffeur VTC, ne saurait constituer un indice de l’existence d’un lien de subordination de ce dernier à l’égard de la plateforme numérique ayant mis en relation le chauffeur et le client; qu’ainsi, le fait pour un chauffeur VTC, qui a accepté d’effectuer une prestation de service de transport exclusive commandée par un client, de respecter les termes de cette commande et ne pas pouvoir prendre en charge d’autres passagers tant que la prestation de transport est en cours ne peut constituer un indice de subordination à l’égard d’une plateforme numérique; qu’en jugeant que l’interdiction faite au chauffeur pendant l’exécution d’une course réservée via l’application Uber de prendre en charge d’autres passagers vient réduire à néant un attribut essentiel de la qualité de prestataire indépendant, la cour d’appel s’est fondée sur un motif erroné et a violé les articles L.1221-1, L.1411-1, L.7341-1 et L.8221-6 du Code du travail, ensemble l’article 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016; 8°/ qu’il résulte de la charte de la communauté Uber que sont prohibés les actes qui menacent la sécurité des chauffeurs et des passagers comme le fait d’entrer en contact avec les passagers après une course sans leur accord. Par exemple: le fait d’envoyer un SMS, d’appeler ou de rendre visite à l’une des personnes présentes dans la voiture après la fin de la course sans son accord; qu’il résulte de ce document contractuel produit aux débats que, d’une part, l’interdiction de contacter les clients après la course, qui répond à des impératifs de sécurité, ne s’applique pas lorsque le client a accepté d’être contacté par le chauffeur et que, d’autre part, il n’est nullement interdit au chauffeur de donner ses coordonnées aux clients pour leur permettre de réserver une course auprès de lui directement sans passer par l’intermédiaire de la plateforme ; qu’en jugeant néanmoins qu’en interdisant au chauffeur de contacter les passagers et de conserver leurs informations personnelles après une course, la société Uber BV privait les chauffeurs de la possibilité pour un passager consentant de laisser au chauffeur ses coordonnées pour réserver une prochaine course en dehors de l’application Uber, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis des documents contractuels produits aux débats, en violation des articles 1103, 1189 et 1192 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016; 9°/ que la société Uber BV faisait valoir que les dispositions du code de la consommation interdisent à un chauffeur VTC de refuser d’accomplir une course sans motif légitime, de sorte que l’absence de connaissance précise de la destination, n’est pas de nature à remettre en cause l’indépendance du

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du mois chauffeur; qu’en énonçant que l’absence de connaissance du critère de destination par le chauffeur lorsqu’il doit répondre à une proposition par le biais de la plateforme Uber interdit au chauffeur de choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les dispositions légales relatives au refus de fourniture de services n’interdisent pas à un chauffeur professionnel de refuser une course pour des motifs de pure convenance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.121-11 et R.121-13 du code de la consommation, ensemble l’article L.8221-6 du Code du travail; 10°/ que le système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d’une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels ne caractérise pas un lien de subordination juridique des chauffeurs à l’égard de la plateforme dès lors que ce système n’a pas pour objet de contrôler l’activité des chauffeurs mais n’est utilisé que pour mettre ces derniers en contact avec le client le plus proche, assurer la sécurité des personnes transportées et déterminer le prix de la prestation; qu’en affirmant que le système de géolocalisation utilisé par la plateforme Uber suffit à établir l’existence d’un contrôle des chauffeurs, peu important les motivations avancées par la société Uber BV de cette géolocalisation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1, L.1411-1, L.7341-1 et L.8221-6 du Code du travail; 11°/ que la détermination par une plateforme de mise en relation par voie électronique du prix des prestations de services fournies par son intermédiaire ne saurait caractériser un indice de l’existence d’un contrat de travail; que le seul fait qu’une prestation de transport fasse l’objet d’un tarif horokilométrique et que le prix de la prestation puisse être réajusté, en cas de réclamation d’un passager, lorsque le trajet choisi par le chauffeur n’est pas approprié car abusivement long n’est pas constitutif d’un ordre ou d’une directive dans l’exécution du travail; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L.1221-1, L.1411-1 et L.7341-1 du Code du travail, ensemble les articles 1164 et 1165 du code civil dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016; 12°/ que les éventuels engagements pris par un chauffeur indépendant à l’égard de tiers afin d’exercer son activité professionnelle ne sauraient constituer des indices d’un lien de subordination juridique entre ce chauffeur et une plateforme numérique; qu’en relevant le fait que M. X... avait, dans l’attente de sa propre inscription au registre des VTC intervenue le 7 décembre 2016, exercé son activité sous la licence de la société Hinter France, partenaire de la société Uber BV, ce qui le contraignait à générer un chiffre d’affaires en se connectant à la plateforme Uber, la cour d’appel s’est fondée sur un motif impropre à caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique avec la société Uber BV, en violation des articles L.1221-1, L.1411-1, L.7341-1 et L.82216 du Code du travail, ensemble l’article 1199 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016. Réponse de la Cour 7. Selon l’article L.8221-6 du Code du travail, les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou


L’ESSENTIEL

répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail. L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre. 8. Selon la jurisprudence constante de la Cour (Soc., 13 nov. 1996, n°94-13187, Bull. V n°386, Société générale), le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. 9. Selon cette même jurisprudence, peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution. 10. À cet égard, la cour d’appel a retenu que M. X... a été contraint pour pouvoir devenir «partenaire» de la société Uber BV et de son application éponyme de s’inscrire au Registre des métiers et que, loin de décider librement de l’organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs, il a ainsi intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber BV, qui n’existe que grâce à cette plateforme, service de transport à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport, qui sont entièrement régis par la société Uber BV. 11. La cour d’appel a retenu, à propos de la liberté de se connecter et du libre choix des horaires de travail, que le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsqu’un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la société Uber BV. 12. Au sujet des tarifs, la cour d’appel a relevé que ceux-ci sont contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme Uber par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix, puisque le contrat prévoit en son article 4.3 une possibilité d’ajustement par Uber du tarif, notamment si le chauffeur a choisi un «itinéraire inefficace», M. X... produisant plusieurs corrections tarifaires qui lui ont été appliquées par la société Uber BV et qui traduisent le fait qu’elle lui donnait des directives et en contrôlait l’application. 13. S’agissant des conditions d’exercice de la prestation de transport, la cour d’appel a constaté que l’application Uber exerce un contrôle en matière d’acceptation des courses, puisque, sans être démenti, M. X... affirme que, au bout de trois refus de sollicitations, lui est adressé le message «Êtes-vous encore là?», la charte invitant les chauffeurs qui ne souhaitent pas accepter de courses à se déconnecter «tout simplement», que cette invitation doit être mise en regard des stipulations du point 2.4 du contrat, selon lesquelles: «Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l’accès ou l’utilisation de l’Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d’Uber», lesquelles ont pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir

■ Selon la jurisprudenc e, le lien de subordinatio n implique le cumul de trois conditions : l’ac complissement d’une pre station de travail identifiée, l’oc troi d’une rémunération en contre par réalisée et la subordina tion juridique de celui qui tie de la prestation réalise la prestation. ■ La Cour de cassation considère donc qu’il res sor t de l’ensemble de ces constatations que la société avait adress é des directives au chauffeur, en avait con trôlé l’exécution et ava it exercé un pouvoir de sanction. Elle en déd uit ainsi qu’un faisceau suf fisant d’indices se trouve réuni pour per mettre au chauffeur de caractériser le lien de subordination dans lequel il se trouvait lor s de ses connexions à la plateforme Uber. ■ Le lien de subordina tion étant reconnu entre le chauffeur et la société, l’existence d’un contrat de travail est démontrée.

constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non, ce d’autant que le point 2.2 du contrat stipule que le chauffeur «obtiendra la destination de l’utilisateur, soit en personne lors de la prise en charge, ou depuis l’Application Chauffeur si l’utilisateur choisit de saisir la destination par l’intermédiaire de l’Application mobile d’Uber», ce qui implique que le critère de destination, qui peut conditionner l’acceptation d’une course est parfois inconnu du chauffeur lorsqu’il doit répondre à une sollicitation de la plateforme Uber, ce que confirme le constat d’huissier de justice dressé le 13 mars 2017, ce même constat indiquant que le chauffeur dispose de seulement huit secondes pour accepter la course qui lui est proposée. 14. Sur le pouvoir de sanction, outre les déconnexions temporaires à partir de trois refus de courses dont la société Uber reconnaît l’existence, et les corrections tarifaires appliquées si le chauffeur a choisi un «itinéraire inefficace», la cour d’appel a retenu que la fixation par la société Uber BV d’un taux d’annulation de commandes, au demeurant variable dans «chaque ville» selon la charte de la communauté Uber, pouvant entraîner la perte d’accès au compte y participe, tout comme la perte définitive d’accès à l’application Uber en cas de signalements de «comportements problématiques» par les utilisateurs, auxquels M. X... a été exposé, peu important que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission. 15. La cour d’appel, qui a ainsi déduit de l’ensemble des éléments précédemment exposés que le statut de travailleur indépendant de M. X... était fictif et que la société Uber BV lui avait adressé des directives, en avait contrôlé l’exécution et avait exercé un pouvoir de sanction, a, sans dénaturation des termes du contrat et sans encourir les griefs du moyen, inopérant en ses septième, neuvième et douzième branches, légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour: DIT irrecevable l’intervention volontaire du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière; REJETTE le pourvoi;

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Jurisprudence ❚

Code de la route et infractions pénales

PROFESSION DE TAXI Chauffeur « Uber » – Maraude habituelle non caractérisée Crim. 3 mars 2020, n° 19-83.795 Une cour d’appel énonce que le prévenu a été interpellé alors qu’il avait pris à bord de son véhicule des passagères sur la voie publique dont l’une avait réservé la course avec l’application «Uberpop». Elle ajoute qu’il n’a jamais été soutenu qu’il était titulaire d’une licence de VTC ni qu’il exerçait son activité dans le cadre d’une entreprise de transport routier public intérieur de personnes, qu’il n’a pu soutenir qu’il exerçait en qualité de taxi, n’étant pas titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle réservée aux taxis. Elle en conclut que la constatation de l’absence d’autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle suffit à caractériser le délit d’exercice illégal de l’activité de taxi. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne caractérisent ni une maraude, ni le caractère habituel de celle-ci, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. M. X... T... a formé un pourvoi contre l’ar-

PERMIS ÉTRANGER Échange avec un titre français–Point de départ du délai d’un an Crim. 11 mars 2020, n° 19-80.465 Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un État ni membre de l’Union européenne ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu’à l’expira30

rêt de la cour d’appel de Paris, chambre 4-10, en date du 8 janvier 2019, qui pour exercice illégal de l’activité de taxi, l’a condamné à un mois d’emprisonnement avec sursis. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. X... T... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, du chef d’exercice illégal de l’activité de taxi pour avoir pris sur la voie publique à bord de son véhicule deux passagères dont l’une avait réservé la course avec l’application Uberpop pour les transporter chez elles au prix de 4 €. 3. M. T... a reconnu qu’il travaillait avec l’application Uberpop tout en cherchant un emploi par ailleurs. 4. Les juges du premier degré ont relaxé le prévenu. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision. Énoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-4 du code pénal, L. 3121-1, L. 3121-11, L. 3124-4 du code des transports, 388 et 593 du code de procédure pénale. 6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré le prévenu coupable de l’exercice illégal de l’activité de taxi alors : « 1°/ que la loi pénale est d’inter-

tion d’un délai d’un an après l’acquisition de la résidence normale de son titulaire. La date d’acquisition de la résidence normale est celle du début de validité du premier titre de séjour. M. J... U... a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre des appels correctionnels de Mamoudzou, en date du 6 décembre 2018, qui, pour conduite d’un véhicule sans permis, l’a condamné à 500 €

prétation stricte ; qu’exerce illégalement l’activité d’exploitant de taxi, le conducteur d’un véhicule routier qui exerce une activité de transport de personnes à titre onéreux, en recherchant ses clients pendant qu’il stationne ou circule sur la voie publique, sans être titulaire de l’autorisation de stationner ou de circuler sur la voie publique prévue par l’article L. 3121-1 du code des transports, et, ce, à titre non ponctuel ; que pour retenir le délit d’exercice illégal de l’activité de taxi à l’encontre du prévenu interpellé alors qu’il avait pris en charge un passager ayant réservé par utilisation de l’application Uber, la cour d’appel a estimé que le prévenu exerçait l’activité d’exploitant de taxi, dès lors qu’il ne pouvait prétendre à la qualité de chauffeur VTC ou à celle de transport public occasionnel et qu’il ne disposait pas de l’autorisation administrative de l’article L. 3121-1 du code des transports lui permettant d’exercer la profession d’exploitant de taxi ; qu’en déduisant l’exercice illégal de l’activité d’exploitant de taxi du fait que le prévenu ne pouvait prétendre être chauffeur VTC ou de véhicule de transport collectif, ni même être exploitant de taxi en l’absence de l’autorisation administrative de circuler sur la voie publique, estimant ainsi indifférente la question de savoir s’il avait pris en charge un passager en vertu d’une réservation

d’amende. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. J... U..., ressortissant rwandais, titulaire d’un permis de conduire en cours de validité délivré par les autorités rwandaises le 30 mai 2016, a comparu devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou sous la prévention d’avoir, à Mamoudzou, le 18 octobre 2017, conduit un véhicule, sans être titulaire du permis de conduire.

3. Par jugement du 10 avril 2018, le tribunal correctionnel a prononcé sa relaxe après avoir constaté qu’étant demandeur d’asile, le prévenu ne pouvait se prévaloir d’avoir acquis une résidence normale en France, celle-ci ne pouvant l’être qu’à compter du début de validité du premier titre de séjour, et qu’en conséquence, il n’était pas soumis aux obligations administratives prévues à l’article R 222-1 du code de la route, s’appliquant à tout titulaire d’un permis de conduire d’un État n’appartenant pas à l’Union


Jurisprudence préalable, quand l’autorisation de circuler sur la voie publique n’est pas nécessaire dans un tel cas, et en ne caractérisant pas le fait que le prévenu exerçait effectivement l’activité d’exploitant de taxi, en circulant sur la voie publique en quête de clientèle et ce à titre non ponctuel, activité propre aux taxis, la cour d’appel a méconnu les articles 111-4 du code pénal et L. 3121-1, L. 3121-11 et L. 3124-4 du code des transports dans leur rédaction résultant de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014, applicable à l’époque des faits ; 2°/ qu’à tout le moins faute d’avoir relevé qu’au moment de la réservation, le prévenu stationnait ou circulait sur la voie publique, en quête de clients, sans disposer de l’autorisation de stationner sur la voie publique propre aux exploitants de taxis, l’arrêt relevant seulement que le prévenu avait été interpellé alors qu’il prenait en charge un utilisateur de l’application Uberpop qui avait préalablement réservé (arrêt, p. 3), une telle prise en charge ne nécessitant pas l’autorisation spécifique aux taxis, la cour d’appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 3121-1, L. 3121-11 et L. 3124-4 du code des transports dans leur rédaction résultant de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu’en outre, le prévenu étant pour-

européenne ou à l’Espace économique européen et avec lequel la France n’a pas conclu d’accord de réciprocité en ce domaine. 4. Le ministère public a formé appel de ce jugement. Énoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles R. 222-3 du code de la route et 591 et 593 du code de procédure pénale; 6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré le prévenu coupable de conduite d’un véhicule sans être titulaire du permis de conduire, alors «qu’en

suivi que pour les faits commis le 2 juillet 2015, à la suite de son interpellation lors de la prise en charge de passagers, la cour d’appel ne pouvait caractériser le délit d’exercice illégal de l’activité d’exploitant de taxi, faute de pouvoir constater dans les limites de l’acte de prévention, une activité habituelle ; qu’elle a ainsi violé l’article L. 3124-4 du code des transports ; 4°/ qu’enfin et en tout état de cause, en se fondant sur la circonstance que le prévenu ne pouvait prétendre à la qualité de chauffeur VTC ou de véhicule de tourisme, quand l’acte de prévention ne portait pas sur de tels faits et que le prévenu n’avait pas accepté d’être jugé sur de tels faits, la cour d’appel a méconnu les articles 388 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. » Réponse de la Cour : Vu l’article 593 du code de procédure pénale : 7. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 8. Pour infirmer le jugement et déclarer le prévenu coupable d’exercice illégal de l’activité de taxi, l’arrêt attaqué énonce que M. T... a été interpellé alors qu’il avait pris à bord de son véhicule des passa-

jugeant que la date de validité de la première attestation de demande d’asile constituait la date d’acquisition de la résidence normale en France cependant que la «résidence normale» n’est constituée que par un titre de séjour, la cour d’appel a méconnu les articles R. 222-3 du code de la route, 591 et 593 du code de procédure pénale.» Réponse de la Cour Vu les articles R. 221-3 du code de la route et 2 et 4 de l’arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance

gères sur la voie publique dont l’une avait réservé la course avec l’application Uberpop. 9. Les juges ajoutent qu’il n’a jamais été soutenu que le prévenu était titulaire d’une licence de VTC ni qu’il exerçait son activité dans le cadre d’une entreprise de transport routier public intérieur de personnes, qu’il n’a pu soutenir qu’il exerçait en qualité de taxi, n’étant pas titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle réservée aux taxis. 10. Ils en concluent que la constatation de l’absence d’autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle suffit à caractériser le délit d’exercice illégal de l’activité de taxi. 11. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne caractérisent ni une maraude, ni le caractère habituel de celle-ci, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. 12. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE

et d’échange des permis de conduire délivrés par les États n’appartenant ni à l’Union européenne ni à l’Espace économique européen: 7. Il résulte de ces articles, applicables au moment de la commission des faits, que tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un État ni membre de l’Union européenne ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an après l’acquisition de la résidence

normale de son titulaire. La date d’acquisition de la résidence normale est celle du début de validité du premier titre de séjour. 8. Pour déclarer M... coupable de conduite d’un véhicule sans permis, l’arrêt relève notamment que la référence au titre de séjour doit s’interpréter comme visant tout document autorisant l’étranger à se maintenir en France et qu’en application des dispositions de l’article L. 743-1 du CESEDA, l’attestation de demande d’asile vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable 31


Jurisprudence ❚ jusqu’à ce que l’office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et, le cas échéant, la cour nationale du droit d’asile statuent. 9. Les juges ajoutent que la date de validité de la première attestation de demande d’asile délivrée à M..., le 17 mars 2016, constituait ainsi la date d’acquisition de la résidence normale en France, point de départ du délai d’un an pendant lequel son permis rwandais était reconnu en France. 10. Ils concluent que le délai d’un an, pendant lequel le permis de conduire rwandais de M... était reconnu en France, a expiré le 16 mars 2017, ce permis n’étant donc plus reconnu le 18 octobre 2017, date des faits poursuivis. 11. En se déterminant ainsi, alors que le délai d’un an dont dispose le titulaire d’un permis de conduire étranger pour demander son échange contre un permis de conduire français a pour point de départ la date d’établissement effectif résultant du premier titre de séjour délivré à l’intéressé, et non la délivrance à ce dernier d’une autorisation provisoire de séjour, renouvelable tous les six mois, attestant du dépôt d’une demande d’asile, la cour d’appel a violé les textes susvisés. 12. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 13. N’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, CASSE et ANNULE

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Code de la route et infractions pénales

CHEMIN D’EXPLOITATION Traversée d’une propriété–Accès à la voie publique Civ. 3e, 26 mars 2020, n° 1824764 Pour dire qu’une parcelle n’est pas enclavée, l’arrêt retient que la maison édifiée sur cette parcelle dispose d’une entrée qui donne directement sur la voie publique, que l’accès en voiture par l’arrière-cour n’a été admis qu’à titre de simple tolérance et n’est revendiqué que par souci de commodité ou de convenance personnelle; En statuant ainsi, sans s’expliquer, comme il le lui était demandé, sur l’insuffisance de l’issue sur la voie publique et la nécessité d’un accès en véhicule automobile eu égard à l’usage normal du fonds comprenant un atelier de menuiserie, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 13 septembre 2018), que MM. A…, C… et X… T… et Mmes N…, V… et F… T… (les consorts T…), propriétaires d’une parcelle cadastrée [...], ont assigné M. et Mme P… en reconnaissance de l’existence d’un chemin d’exploitation sur leur parcelle voisine cadastrée [...], subsidiairement, d’un droit de passage pour cause d’enclave; Sur le premier moyen Vu l’article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime; Attendu que, pour dire que le chemin litigieux ne constitue pas

un chemin d’exploitation, l’arrêt retient que la propriété exclusive de M. et Mme P… sur le chemin traversant leur propriété est inconciliable avec la qualification de chemin d’exploitation; Qu’en statuant ainsi, alors que le droit d’usage d’un chemin d’exploitation n’est pas lié à la propriété du sol, la cour d’appel a violé le texte susvisé; Et sur le second moyen Vu l’article 682 du code civil; Attendu que, pour dire que la parcelle des consorts T… n’est pas enclavée, l’arrêt retient que leur maison dispose d’une entrée qui donne directement sur la voie publique, que l’accès en voiture par l’arrière-cour n’a été admis qu’à titre de simple tolérance et n’est revendiqué que par souci de commodité ou de convenance personnelle; Qu’en statuant ainsi, sans s’expliquer, comme il le lui était demandé, sur l’insuffisance de l’issue sur la voie publique et la nécessité d’un accès en véhicule automobile eu égard à l’usage normal du fonds des consorts T… comprenant un atelier de menuiserie, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision; PAR CES MOTIFS, la Cour: CASSE ET ANNULE

POLICE JUDICIAIRE Compétence– infractions au code de la route Crim., 22 janvier 2020, n° 19-82.591 Les agents de police judiciaire ayant le pouvoir de constater par procès-verbal les contraventions, la régularité et la force probante des procèsverbaux et rapports qu’ils établissent ne dépendent pas

de leur mode de transmission hiérarchique à l’officier du ministère public. L’officier du ministère public près le tribunal de police de Compiègne a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 22 mars 2019, qui a relaxé M. B… W… du chef d’usage d’un téléphone tenu en main par conducteur d’un véhicule en circulation; Sur le moyen de cassation, pris de la violation des articles 20 et D.14, alinéa 4 du code de procédure pénale; Vu l’article 20 du code de procédure pénale; Attendu que, selon ce texte, indépendamment de leur mission de seconder les officiers de police judiciaire dans l’exercice de leurs fonctions, les agents de police judiciaire ont compétence pour rechercher et constater les infractions au code de la route; Attendu que, pour faire droit à l’exception de nullité soulevée par le prévenu et le renvoyer des fins de la poursuite, le jugement attaqué énonce que le procès-verbal de constatation ne comporte aucune mention de l’officier de police judiciaire sous le contrôle et les instructions duquel l’agent de police judiciaire a agi et qu’il a été transmis directement à l’officier du ministère public; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que, d’une part, les agents de police judiciaire ont le pouvoir de constater par procès-verbal les contraventions, et, d’autre part, la régularité et la force probante des procès-verbaux et rapports ne dépendent pas de leur mode de transmission hiérarchique à l’officier du ministère public, le tribunal de police a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé; D’où il suit que la cassation est


Jurisprudence encourue; Par ces motifs: CASSE et ANNULE

AMENDE FORFAITAIRE Moyens de défense– Existence de la limitation de vitesse Crim., 17 mars 2020, n° 19-84.399 Pour déclarer un prévenu pécuniairement redevable de l’amende encourue, le jugement énonce qu’il est titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule avec lequel il est régulièrement établi qu’a été commise une contravention mentionnée par l’article L. 121-3 du code de la route. Le juge ajoute que n’est apporté ni la preuve du vol du dit véhicule ou de tout autre événement de force majeure, ni d’élément permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur véritable de l’infraction. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu qui contestait l’existence d’une limitation temporaire de la vitesse à 90 km/h sur autoroute le tribunal n’a pas justifié sa décision. Ces conclusions, fussent-elles fondées sur un moyen de défense autre que ceux énumérés au premier alinéa de l’article L. 121-3 du code de la route, revêtaient en effet un caractère péremptoire en ce qu’elles contestaient l’existence même de l’infraction. Mme Q… K… a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police d’Aix-en-Provence, en date du 29 mai 2019, qui, pour contravention au code de la route, l’a dé-

clarée pécuniairement redevable d’une amende de 130 €. Faits et procédure 1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme K… a formé une requête en exonération de l’amende forfaitaire qui lui a été délivrée le 6 juillet 2018 à la suite d’un contrôle par radar automatique ayant constaté un excès de vitesse inférieur à 20 km/h. 3. Elle a été citée, en tant que redevable de l’amende encourue, devant le tribunal de police qui l’a déclarée pécuniairement redevable d’une amende de 130 €. Examen du moyen Énoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation des articles L. 121-3, R. 121-6, R. 413-14 u code de la route et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale. 5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré Mme K… pécuniairement redevable et tenue au paiement de l’amende civile de 130 €, alors «queMme K…pourétablirqu’elle n’était pas pécuniairement redevable de l’amende, avait fait valoir que la portion d’autoroute A8 sur laquelle le véhicule [...] avait fait l’objet d’un contrôle de vitesse n’était pas limitée à 90 km/h mais à 130 km/h et qu’ainsi nul excès de vitesse n’avait été commis; que, à l’appui de son argumentation, elle avait produit, d’une part, l’arrêté du 15 mars 2018 DDTM 13-201803-15-001, lequel n’avait fait l’objet d’aucune publication et n’avait pas été régulièrement signé par une personne disposant d’une délégation de signature, d’autre part, les photos du contrôle de vitesse établissant qu’il n’existait pas de travaux justifiant une limitation de vitesse et de signalétique limitant la vitesse à 90 km/h; que pour

déclarer Mme K… pécuniairement redevable, le tribunal s’est borné à énoncer que celle-ci ne rapportait pas la preuve du vol du véhicule ou de tout autre événement de force majeure, et n’a pas ainsi répondu, comme il le devait, aux conclusions dont il était saisi, méconnaissant ainsi les articles L. 121-3, R. 121-6, R. 413-14 du code de la route et les articles 591 et 593 du code de procédure pénale». Réponse de la Cour Vu l’article 593 du code de procédure pénale: 6. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 7. Pour déclarer Mme K… pécuniairement redevable de l’amende encourue, le jugement énonce qu’elle est titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule avec lequel il est régulièrement établi qu’a été commise une contravention mentionnée par l’article L. 121-3 du code de la route. 8. Le juge ajoute qu’elle n’apporte ni la preuve du vol du dit véhicule ou de tout autre événement de force majeure, ni d’élément permettant d’établir qu’elle n’est pas l’auteur véritable de l’infraction. 9. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la prévenue qui contestait l’existence d’une limitation temporaire de la vitesse à 90 km/h sur autoroute le tribunal n’a pas justifié sa décision. 10. Ces conclusions, fussent-elles fondées sur un moyen de défense autre que ceux énumérés au premier alinéa de l’article L. 121-3 du code de la route, revêtaient en effet un caractère péremptoire en ce qu’elles contestaient l’existence même de l’infraction.

11. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour: CASSE et ANNULE

CONTRAVENTION Personne morale – représentant légal Crim. 21 avril 2020, n° 19-86.467 En se déterminant ainsi, et dès lors que d’une part, la force probante conférée par l’article 537 du code de procédure pénale aux procès-verbaux ne s’attache qu’à leurs constatations matérielles, d’autre part, l’entreprise prévenue n’étant pas une personne morale, son dirigeant ne pouvait par conséquent être poursuivi, le tribunal a justifié sa décision. L’officier du ministère public près le tribunal de police d’Auxerre a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal en date du 27 septembre 2019 qui a déclaré non constituée la contravention au code de la route reprochée à l’entreprise V… A… et s’est déclaré non saisi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, et les conclusions de Mme Caby, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a 33


Jurisprudence ❚ rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 24 mai 2018, un avis de contravention pour excès de vitesse a été adressé à «M. le représentant légal V… A…». Un procèsverbal en date du 8 août suivant a constaté que l’entreprise n’avait pas répondu à l’obligation de désigner la personne physique conductrice du véhicule. M. V… a reçu un avis pour la contravention prévue par l’article L.121-6 du code de la route. Condamnée par ordonnance pénale à une amende de 250 €, l’entreprise V… A… a fait opposition à cette ordonnance puis a été citée à comparaître devant le tribunal de police. Examen des moyens Sur le troisième moyen 3. Il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur les 1er et 2e moyens Énoncé des moyens 4. Le premier moyen est pris de la violation de l’article L. 121-6 du code la route. 5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce que le tribunal a déclaré l’infraction non constituée et s’est déclaré non saisi, alors

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Code de la route et infractions pénales

«que l’article L.121-6 du code de la route ne précise pas que la personne morale en question doit être une société inscrite au registre du commerce et des sociétés, que le responsable légal de l’entreprise V… A… ne conteste pas l’existence de la personne morale et précise qu’il utilise son véhicule pour ses activités professionnelles et qu’en dernier lieu, le certificat d’immatriculation du véhicule est au nom d’une personne morale déclarée auprès de l’Insee avec numéro de Siret et raison sociale V… A… dont le responsable légal est entrepreneur individuel.» 6. Le deuxième moyen est pris de la violation de l’article 537 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique le jugement attaqué en ce que le tribunal a déclaré l’infraction non constituée et s’est déclaré non saisi, alors «que le tribunal n’a pas constaté expressément que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal a été rapportée dans les conditions prévues par la loi, méconnaissant que le responsable légal de l’entreprise a loué le véhicule au nom d’une personne morale ce qui prouve l’existence de fait de cette dernière, le dossier comportant un relevé infogreffe de description de l’entreprise et un relevé du système d’immatriculation des véhicules

mentionnant l’inscription Siret apportant la preuve matérielle de l’existence de fait de la personne morale V… A…» Réponse de la Cour 8. Les moyens sont réunis. 9. Pour dire l’infraction de nontransmission de l’identité et de l’adresse du conducteur par le responsable légal de la personne détenant le véhicule non constituée et se déclarer non saisi, le tribunal énonce, notamment, que pour qu’un acte soit une infraction pénale, un texte législatif ou réglementaire doit le prévoir. 10. Le juge ajoute que la foi due aux procès-verbaux en vertu de l’article 537 du code de procédure pénale ne s’attache qu’aux constatations matérielles qui y figurent et non aux déductions qui en sont tirées par leurs auteurs, les agents verbalisateurs devant rapporter les constatations de nature à caractériser l’infraction qu’ils relèvent. 11. Il souligne que l’obligation de désignationrésultantdel’articleL.1216 du code de la route pèse sur le représentant d’une personne morale, laquelle est une entité qui dispose de la personnalité juridique. 12. Il relève que l’officier du ministère public, à qui incombe la preuve de l’infraction, ne produit pas de copie du certificat d’immatriculation, ni de relevé K-bis justi-

fiant que l’entreprise est effectivement une personne morale inscrite au registre du commerce et des sociétés, ni d’autres documents, s’en tenant à l’immatriculation du véhicule avec un numéro Siret pour en déduire qu’il s’agit bien d’une personne morale, et à une recherche Infogreffe dans lequel il est précisé que M. V… exerce en tant qu’entrepreneur individuel. 13. Il précise que l’immatriculation d’un véhicule avec le numéro Siret de l’entrepreneur ne confère pas, pour ce seul motif, à son propriétaire ou détenteur la qualité de personne morale, de sorte que son dirigeant ne peut être poursuivi. Il conclut que l’infraction n’est pas constituée. 14. En se déterminant ainsi, et dès lors que d’une part, la force probante conférée par l’article 537 du codedeprocédurepénaleauxprocès-verbaux ne s’attache qu’à leurs constatations matérielles, d’autre part, l’entreprise prévenue n’étant pas une personne morale, son dirigeant ne pouvait par conséquent être poursuivi, le tribunal a justifié sa décision. 15. Les moyens ne peuvent donc qu’être écartés. PAR CES MOTIFS, la Cour: REJETTE le pourvoi


Accidents de la circulation et assurance IMPLICATION Preuve – Conducteur ayant pris la fuite après accident CA Douai, 3e ch., 2 avril 2020, n° 18 / 06924 Il résulte d’éléments de fait, de temps et de lieu un ensemble d’indices graves, précis et concordants démontrant que le véhicule Volkswagen, de couleur bleue, volé à Lille entre 5 heures et 5 h 30, est impliqué dans l’accident de la circulation pour avoir percuté à l’arrière d’une Renault Clio, sur la RD 656 dans le sens Lille vers Roubaix, aux alentours de 6 h 10 / 6 h 30, le véhicule ayant ensuite été retrouvé à proximité de l’accident à Wasquehal avec un choc important à l’avant. C’est en conséquence à bon droit que les premiers juges ont estimé, dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis, que le véhicule Volkswagen assuré, était impliqué dans l’accident de la circulation. Exposé du litige Le 7 novembre 2014, Mme Véronique L., épouse E., a été victime d’un accident de la circulation. (…) Selon jugement du 28 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Lille a notamment : - déclaré irrecevables les demandes dirigées contre M. D. au titre de son implica-

tion dans l’accident litigieux et de l’indemnisation provisionnelle des préjudices matériels ; - dit que la MACIF devra indemniser Mme L. des conséquences dommageables de l’accident survenu le 7 novembre 2014 ; - condamné la MACIF à payer Mme L. la somme de 8 500 euros à titre de provision ; - ordonné une expertise médicale de Mme L. et commis le docteur Philippe S. pour y procéder ; - condamné la MACIF à verser à Mme L. la somme de 2 500 euros à titre de provision sur le procès ; - débouté Mme L. de ses demandes en paiement dirigées contre M. D. ; - condamné la MACIF aux dépens. Suivant déclaration du 20 décembre 2018, la MACIF a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées. MOTIFS DE LA DÉCISION Il résulte de l’application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation qu’un véhicule est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu’il est intervenu d’une manière ou d’une autre dans cet accident. Il appartient à la victime de rapporter la preuve de l’implication d’un véhicule dans l’accident, cette preuve pouvant se faire par tout moyen. Sur ce, l’enquête de police produite par les parties renseigne la cour sur les éléments suivants :

- le 7 novembre 2014, vers 6 h 10, de nuit et par temps de pluie, le véhicule Renault Clio, de Mme L. immatriculé 326-BMP-59, circulant sur la RD 656 dans le sens Lille vers Roubaix, a été accidenté à l’arrière, Mme L. déclarant aux fonctionnaires de police « avoir été percutée à l’arrière par un véhicule dont elle ne peut donner l’immatriculation ni même une description ou renseignement d’identification concernant son conducteur ». Les services de police ont constaté un choc arrière sur le véhicule de Mme L. et ont résumé les circonstances de l’accident, aux termes des constatations effectuées et des renseignements recueillis dans le cadre de l’enquête diligentée par eux, comme suit : « Madame L. épouse E. Véronique conductrice du véhicule A circule normalement sur la voie de la droite de la RD 656 quand arrivée à hauteur du pk 4.400 se fait percuter par un véhicule Volkswagen Sirocco qui prend immédiatement la fuite. Les services de police ont identifié le véhicule en fuite, comme étant celui de M. D., à savoir un véhicule VW Sirocco immatriculé BX-717-KX. Au cours de son audition par les services de police le 13 janvier 2015, Mme L. a déclaré : » Un jeune homme qui se trouvait devant mon véhicule est venu me demander si ce n’était pas une Sirocco bleue qui m’avait percutée : vous m’apprenez que le véhicule qui m’a percuté était une Volkswagen Sirocco immatriculée BX-717-KX qui venait d’être volée peu de temps avant mon accident sur Lille ».

Jurisprudence Mme Ali M., entendue par téléphone par les services de police, le 13 janvier 2015, a indiqué que le 7 novembre 2014, vers 6 h 30, sur la RD 656 en direction de Wattrelos, elle a vu un véhicule bleu arriver « très très vite » derrière elle, qu’après l’avoir laissé passer, elle a entendu « quasiment aussitôt un gros bruit » ; concernant le véhicule bleu « qui est arrivé très vite derrière elle, elle n’a pas eu le temps de voir ses occupants, ni même son immatriculation, les événements s’étant déroulés de nuit et très vite » ; elle souligne enfin « ne pas avoir assisté à la collision » ; Le véhicule Volkswagen Sirocco de M. D., immatriculé BX-717-KX, de couleur bleue, a été volé le 7 novembre 2014 entre 5 h 00 et 5 h 30 à [...], sur le parking du magasin Match ; Un véhicule Volkswagen Sirocco, immatriculé BX-717-KX, de couleur bleue, a été retrouvé le 7 novembre 2014, [...], les précisions suivantes ayant été notées : « épave » et « gros choc violent à l’avant ». Il résulte de ces éléments de fait, de temps et de lieu un ensemble d’indices graves, précis et concordants démontrant que le véhicule Volkswagen de M. D., de couleur bleue et immatriculé BX-717-KX, volé à Lille entre 5 heures et 5 h 30, est impliqué dans l’accident de la circulation dont a été victime Mme L., pour avoir percuté à l’arrière le véhicule Renault Clio de cette dernière, sur la RD 656 dans le sens Lille vers Roubaix, aux alentours de 6 h 10 / 6 h 30, le véhicule de M. D. ayant ensuite été retrouvé à proximité de l’accident à 35


Jurisprudence ❚ Wasquehal avec un choc important à l’avant. C’est en conséquence à bon droit que les premiers juges ont estimé, dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis, que le véhicule de M. D., assuré auprès de la MACIF, était impliqué dans l’accident de la circulation dont a été victime Mme L. Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions, en ce compris ses dispositions relatives aux dépens. PAR CES MOTIFS CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement.

FONDS DE GARANTIE Mise en cause – Formalités applicables à tous contrats d’assurance de responsabilité CA Versailles, 3e ch., 19 mars 2020, n° 18 / 05239 Selon l’article R. 421-5, al. 1er du code des assurances, lorsque l’assureur entend invoquerlanullitéducontrat d’assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le déclarer au Fonds de garantie des assurances de dommages obligatoires et joindre à sa déclaration des pièces justificatives de son exception, et doit en aviser en même temps et dans les 36

Accidents de la circulation et assurance

mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat, le tout sous peine d’inopposabilité aux victimes de l’exception de non-garantie invoquée. Les formalités ainsi requises s’appliquent dans tous les cas d’assurance de responsabilité civile sans distinction, qu’elles relèvent ou non d’un régime d’assurance obligatoire des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur. FAITS ET PROCÉDURE Le 10 mars 2012, M. Julien M. a été victime d’un accident de la circulation, ayant été percuté sur sa gauche par le véhicule de type « voiturette de golf » conduit par M. Alexey S. qui sortait d’une voie privée non ouverte à la circulation. (…) Par jugement du 20 juin 2018, le tribunal a : • condamné M. S. à payer à M. M. au titre de la réparation de son préjudice corporel, déductions non faites des provisions, la somme totale de 267 029,37 euros décomposée comme suit : • 225 euros au titre des frais de tierce personne avant consolidation, • 2 602, 14 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, • 131 533,53 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs • 30 000 euros au titre de l’incidence professionnelle • 89 089,20 euros au titre du préjudice lié à la perte de chance de pouvoir bénéficier d’un logement gratuit en caserne, • 839,50 euros au titre du défi-

cit fonctionnel temporaire, • 5 500 euros au titre des souffrances endurées • 800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire • 6 440 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter du jugement • constaté que M. M. se réserve le droit de solliciter ultérieurement l’indemnisation de son préjudice lié aux dépenses de santé futures, • déclaré la décision opposable au FGAO, • condamné la société Allianz IARD à garantir M. S. de toutes les condamnations en principal, intérêts, frais et dépens prononcées contre lui au profit de M. M., • condamné M. S. à payer à M. M. la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et la société Allianz à payer à M. S. celle de 1 500 euros sur ce même fondement, • déclaré le jugement commun à la CPAM d’Eure-et-Loir, • condamné M. S. aux dépens. Par acte du 23 juillet 2018, la société Allianz a interjeté appel. SUR QUOI, Les dispositions du jugement ayant condamné M. S. à verser diverses sommes à M. M. en réparation de ses préjudices et au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et celle ayant constaté qu’il se réservait le droit de solliciter ultérieurement l’indemnisation de son préjudice lié aux dépenses de santé futures ne sont pas frappées d’appel et sont donc définitives. Le tribunal a jugé que sa décision devait être rendue com-

mune et opposable au FGAO, et que la société Allianz, qui était parfaitement informée de la situation de M. S. et ne lui a pas proposé un contrat adapté assurant son véhicule de type «voiturette de golf» qui constitue un véhicule terrestre à moteur soumis à une assurance obligatoire, a manqué à son devoir d’information et de conseil et doit en conséquence être condamnée à garantir M. S. de toutes les condamnations prononcées à son encontre. Sur l’opposabilité du refus de garantie opposé par Allianz Le FGAO fait valoir que la société Allianz ne l’a jamais avisé de l’exception de non garantie qu’elle entendait soulever dans les formes requises par l’article R. 421-5 du code des assurances et qu’en conséquence cette exception lui est inopposable. Allianz réplique que l’article R. 421-5 du code des assurances n’est évidemment pas applicable à une compagnie d’assurance liée à l’auteur de l’accident par un autre type de contrat que celui d’assurance automobile, en particulier une assurance habitation, comme c’est le cas en l’espèce. Le tribunal a jugé qu’il était constant qu’aucun contrat garantissant les conséquences d’un accident dans lequel est impliqué l’engin en cause, véhicule terrestre à moteur, n’a été souscrit auprès de la société Allianz et que c’était à raison que celle-ci soutenait qu’elle n’était pas tenue par les dispositions de l’article R. 421-5 du code des assurances. Il est acquis que le contrat d’assurance mentionné par M. S.


Jurisprudence dans le constat amiable d’accident n’est pas un contrat d’assurance auto mais un contrat d’assurance habitation qui a pour objet de garantir les dommages subis par l’habitation de l’assuré et son contenu (garantie «dommages aux biens»), ainsi que les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile, notamment dans sa vie privée (garantie «responsabilité civile vie privée»). Cette police comporte une clause prévoyant que ne sont pas garantis les « dommages, en et hors circulation, dans la réalisation desquels est impliqué ... un véhicule terrestre à moteur soumis à l’obligation d’assurance automobile (sauf en cas de prise à l’insu par un enfant mineur assuré ou un préposé tel que prévu ciavant ». Selon les dispositions de l’article L. 421-1, alinéas 1er et 3, du code des assurances, dans sa rédaction applicable au présent litige, le FGAO est chargé, lorsque le responsable demeure inconnu ou n’est pas assuré, d’indemniser tant les victimes des dommages résultant des atteintes à leur personne nés d’un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur en circulation, que les victimes de dommages de même nature causés accidentellement par des personnes circulant sur le sol dans des lieux ouverts à la circulation publique. En application de l’article R. 421-4, alinéa 1er, du même code, lorsqu’un contrat d’assurance a été souscrit pour garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l’auteur de dommages résultant d’atteintes aux

personnes nés d’un accident mentionné à l’article L. 421-1, le FGAO ne peut être appelé à payer l’indemnité allouée à la victime ou à ses ayants droit qu’en cas de nullité du contrat, de suspension du contrat ou de la garantie, de non-assurance ou d’assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit. Selon l’article R. 421-5, alinéa 1er du même code, lorsque l’assureur entend invoquer la nullité du contrat d’assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le déclarer au FGAO et joindre à sa déclaration des pièces justificatives de son exception, et doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat, le tout sous peine d’inopposabilité aux victimes de l’exception de nongarantie invoquée. Les formalités ainsi requises s’appliquent dans tous les cas d’assurance de responsabilité civile sans distinction, qu’elles relèvent ou non d’un régime d’assurance obligatoire des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur. Ainsi, Allianz ne peut utilement invoquer le fait que M. S. n’était garanti qu’au titre d’une police d’assurance habitation comportant un volet responsabilité civile et pas au titre d’une police assurance automobile pour échapper aux obligations légales qui lui incombaient dès lors qu’elle refusait sa garantie. Or, Allianz qui entendait opposer un refus de garantie n’a pas

respecté les formalités susvisées. En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu’il a déclaré opposable au FGAO le refus de garantie opposé par Allianz. Sur le manquement au devoir de conseil et d’information Allianz indique que l’attestation produite par M. S. ne précise pas à quelle date il se serait rendu dans une de ses agences ni quelle personne lui aurait donné une information erronée, qu’elle est dénuée de toute force probante et que le tribunal ne pouvait sur la base de ce seul élément la condamner. Elle ajoute que M. S. était parfaitement informé des limites de la garantie qu’il avait souscrite en 2007 et savait donc que sa voiturette de golf devait faire l’objet d’une assurance obligatoire. Enfin, l’appelante fait valoir que, même en imaginant que l’assureur lui ait indiqué qu’il n’avait pas à souscrire une assurance automobile pour ce véhicule, il n’est pas sérieusement contestable que le conseil ou l’information qui aurait été donné à cette occasion concernait un usage réservé à la circulation sur une voie privée et que jamais un agent d’assurance, en particulier de sa société, n’aurait pu indiquer qu’un véhicule comme celui de M. S. n’était pas soumis à l’obligation d’assurance s’il circulait sur la voie publique. Dans l’hypothèse où elle serait reconnue responsable d’un manquement à son devoir d’information, elle rappelle que celui-ci ne se résout qu’en l’allocation de dommages-intérêts et non en une condamnation à garantie et précise que l’octroi

de dommages-intérêts vise à réparer la perte de chance de se voir garantir de toute condamnation et non à réparer la perte subie non garantie. Elle constate que M. S. ne démontre pas la perte de chance de se voir garanti et ne chiffre d’ailleurs pas son préjudice à ce titre. Ainsi que l’a justement rappelé le tribunal, l’assureur est tenu d’un devoir d’information et de conseil et manque à ses devoirs lorsqu’il propose un contrat d’assurance ne couvrant pas les risques auxquels l’assuré est exposé et dont l’assureur était informé. M. S. verse aux débats l’attestation établie par Mme T., dont il indique qu’elle l’accompagne dans ses démarches en qualité d’interprète en langue russe puisqu’il ne parle pas le français. Cette attestation est ainsi rédigée : « J’atteste avoir accompagné Monsieur S. à l’agence Allianz Margottin située [...]. Nous lui avons expressément demandé s’il y avait lieu d’assurer la voiturette-golf que venait d’acquérir Monsieur S. Il nous a été répondu qu’il n’y avait pas d’obligation à le faire car la voiturette n’avait pas d’immatriculation. Sur la base de ses conseils Monsieur S. ne l’a pas immatriculée. » Ce témoignage est parfaitement probant et Allianz n’a d’ailleurs pas déposé plainte pour faux à l’encontre de son auteur. Il ne manque nullement de précision, Mme T. ayant bien donné le nom et l’adresse de l’agence d’Allianz dans laquelle elle a accompagné M. S. Il s’agit d’ailleurs de l’agence qui gère les contrats d’assurance de ce dernier, comme en attestent les 37


Jurisprudence ❚ avis de cotisation versés aux débats. L’absence, dans ce témoignage, d’informations sur le véhicule en cause est sans incidence sur le fait que la voiturette est un véhicule terrestre à moteur et devait donc obligatoirement être couverte par un contrat d’assurance étant ajouté que c’est, en toute hypothèse, à l’assureur de poser si besoin des questions à son assuré sur le bien en cause et non l’inverse. Allianz est mal fondée à invoquer les stipulations contractuelles du contrat souscrit en 2007 par M. S. puisque cellesci n’excluent pas expressément de la garantie les véhicules autres que les jouets, fauteuils roulants de handicapés, motoculteurs et tondeuses autoportées, seuls les dommages causés par un véhicule terrestre à moteur soumis à l’obligation d’assurance automobile n’étant pas couverts, et que, précisément, il a été indiqué à tort par l’agent d’Allianz que la voiturette n’entrait pas dans cette catégorie, au motif qu’elle n’était pas immatriculée. Il est donc démontré que la société Allianz a manqué à son devoir d’information et de conseil vis-à-vis de M. S., lequel, correctement renseigné sur la nécessité d’assurer le véhicule en cause, aurait de manière quasi certaine souscrit un contrat adapté, comme il l’a fait dans le passé pour ses véhicules, son tracteur et les trois unités d’habitation qui composent son bien immobilier. Cette faute est à l’origine d’une perte de chance pour celui-ci de contracter une assurance pour ce véhicule et d’être ainsi garanti s’agissant de l’accident du 10 mars 2012. 38

Accidents de la circulation et assurance

Si Allianz évoque la limitation de circulation s’imposant aux voiturettes électriques, pour contester son manquement au devoir de conseil, elle n’en tire aucune conséquence s’agissant de la garantie à laquelle aurait pu prétendre M. S. pour ce véhicule. La perte de chance subie par M. S. sera évaluée à 90 %. Allianz sera donc condamnée à garantir M. S. à hauteur de 90 % de toutes les condamnations en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens prononcées contre lui au profit de M. M. Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. Succombant en appel, la société Allianz sera condamnée aux dépens y afférents. Elle sera en outre condamnée à payer à M. S. la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. PAR CES MOTIFS La cour, Infirme le jugement en ce qu’il a: • déclaré la décision opposable au fonds de garantie des assurances obligatoires, • condamné la société Allianz IARD à garantir M. S. de toutes les condamnations en principal, intérêts, frais et dépens prononcées contre lui au profit de M. M. Statuant à nouveau de ces chefs : Dit que la société Allianz IARD n’a pas respecté les formalités prescrites par l’article 421-5 du code des assurances ; Déclare en conséquence la société Allianz IARD irrecevable à opposer un refus de garantie au fonds de garantie des assurances obligatoires.

Condamne la société Allianz IARD à garantir M. S. à hauteur de 90 % de toutes les condamnations en principal, intérêts, frais et dépens prononcées contre lui au profit de M. M.. Confirme le jugement en ses autres dispositions frappées d’appel.

TIERS PAYEURS Organisme social suisse – application de la nomenclature française Crim., 31 mars 2020, n° 19-80.428 Pour limiter à 171766 francs suisses le montant du recours de l’organisme social suisse au titre des prestations destinées à compenser les pertes de gains futurs de la victime, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé que cet organisme invoque des versements à hauteur de 815 625,80 francs suisses et avoir fixé la perte de gains professionnels futurs de la victime à hauteur de 370022,74 francs suisses (pertes de gains de 2010 à 2015 et arrérages à échoir), retient que l’organisme suisse ne justifie de versements effectifs qu’à hauteur de 171766 francs suisses. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. À la suite d’un accident de la circulation survenu le 22 mars 2008, M. D. F. a été déclaré coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail inférieure

à trois mois, par violation manifeste d’une obligation de sécurité, au préjudice de Mme Doris D.-B., qui travaillait en Suisse et s’est constituée partie civile. La société Suva, caisse d’assurance suisse agissant en qualité de tiers payeur lui ayant servi des prestations est intervenue à l’instance, ainsi que la société Axa, assureur responsabilité civile du prévenu. L’affaire a été renvoyée sur les intérêts civils. 3. Le rapport d’expertise a fixé la date de consolidation de la victime au 16 juin 2010, et a notamment évalué les souffrances endurées à 4/7, constaté un déficit fonctionnel temporaire total du 22 mars au 3 juin 2008, de 50% du 4 juin 2008 au 1er août 2008, et de 25% du 2 août 2008 au 16 juin 2010, un déficit fonctionnel permanent, évalué à 15%, et un dommage esthétique de 0,5/7. Il a indiqué qu’une aggravation était possible. 4. La société Suva, au titre de son recours subrogatoire, a demandé la condamnation de M. F. à lui payer notamment, certaines sommes au titre des indemnités versées à la victime consécutivement à l’accident, en compensation de ses pertes de revenus postérieures à la date de consolidation. Elle a également demandé le paiement d’une somme de 37800 francs suisses correspondant à l’indemnité pour atteinte à l’intégrité physique versée à la victime, réparant, selon elle, l’ensemble des préjudices extrapatrimoniaux subis par celle-ci. 5. Statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a fixé notamment, d’une part, le montant de la perte de gains professionnels futurs de la victime et, d’autre part, le montant des indemnisations dues au titre du


Jurisprudence déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique. Il a condamné M.F. à payer à la société Suva les sommes de 78 131,90 francs suisses et de 97 841,25 francs suisses, imputées respectivement sur les postes de la perte de gains professionnels actuels et de la perte de gains professionnels futurs. Par ailleurs, constatant que le montant de l’indemnité réparant l’atteinte à l’intégrité physique était supérieur à l’assiette du recours, il a limité la créance de la société Suva à ce titre à la somme de 18000 euros, correspondant au montant du déficit fonctionnel permanent. 6. La société Suva et la société Axa ont relevé appel de cette décision. Déchéance du pourvoi formé par la société Axa: 7. La société Axa n’a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l’article 590-1 du code de procédure pénale. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs nonsalariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté, applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre les États membres de l’Union et la Confédération suisse, au recours subrogatoire des tiers payeurs suisses, 72 et 74 de la loi fédérale suisse sur

la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000, 1240 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale; 9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné M. F. à payer à la société Suva-Bâle la somme de 357 216,15 francs suisses, ou sa contre-valeur en euros au jour du paiement, outre 21000 euros au titre des débours, ce en quittance ou en deniers, alors: « 1/ que le juge doit répondre aux conclusions des parties ; qu’en limitant la créance de la Suva au titre du préjudice économique à la somme de 171 766 francs suisses, sans répondre aux conclusions d’appel de la Suva, tiers payeur suisse, selon lesquelles c’est la somme de 815 625,80 francs suisses qui avait été versée au titre des rentes destinées à compenser la perte de gains subie par Mme B., la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision. 2/ qu’en application de l’article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté, applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre les États membres de l’Union européenne et la Confédération suisse, la subrogation dont bénéficient les organismes sociaux suisses telle qu’elle résulte de la loi suisse doit être reconnue par les juridictions françaises ; que selon les articles 72 et 74 de la loi fédérale suisse sur la partie générale des assurances sociales du 6 octobre 2000,

«les droits passent à l’assureur pour les prestations de même nature» et sont de même nature l’indemnité pour atteinte à l’intégrité et l’indemnité à titre de réparation morale ; qu’en refusant d’imputer sur l’ensemble des préjudices extrapatrimoniaux la créance de la Suva au titre de l’indemnité de l’atteinte à l’intégrité physique, la cour d’appel a méconnu l’étendue du recours subrogatoire des tiers payeurs suisses. » Réponse de la Cour Sur le moyen pris en sa première branche 10. Pour limiter à 171 766 francs suisses le montant du recours de la société Suva au titre des prestations destinées à compenser les pertes de gains futurs de la victime, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé que cet organisme invoque des versements à hauteur de 815 625,80 francs suisses et avoir fixé la perte de gains professionnels futurs de Mme B.-D. à hauteur de 370 022,74 francs suisses (pertes de gains de 2010 à 2015 et arrérages à échoir), retient que la société Suva ne justifie de versements effectifs qu’à hauteur de 171 766 francs suisses. 11. En l’état de ces énonciations, qui relèvent de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d’appel a justifié sa décision. 15. Ainsi, le grief doit être écarté. Mais sur le moyen pris en sa seconde branche Vu l’article 93 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 applicable selon l’accord du 21 juin 1999, entre

les États membres de l’Union et la Confédération suisse, au recours subrogatoire des tiers payeurs suisses, les articles 72 et 74 de la loi fédérale suisse du 6 octobre 2000, 1240 du code civil et 593 du code de procédure pénale. 12. Il résulte du premier de ces textes que l’action du tiers payeur suisse subrogé dans les droits de la victime est soumise à la loi suisse en ce qui concerne le principe et l’étendue de la subrogation. 13. Il résulte des deuxième et troisième que les droits de la victime passent à l’organisme social pour les prestations de même nature et que sont notamment des prestations de même nature l’indemnité pour atteinte à l’intégrité physique et l’indemnité à titre de réparation morale. 14. Selon les deux derniers, le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties et tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties, l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivalant à leur absence. 15. Pour limiter la condamnation de M. F. au titre de l’indemnité de réparation de l’atteinte à l’intégrité physique versée par la société Suva à la somme de 21 000 euros, l’arrêt, énonce tout d’abord que seule se pose la question de l’assiette du recours subrogatoire de la société Suva, l’accident ayant eu lieu en France et la société Suva faisant fonction d’organisme de sécurité sociale suisse, de sorte que l’article 93 39


Jurisprudence ❚

Accidents de la circulation et assurance

ASSURANCE DE DOMMAGES Qualité d’assuré – Preuve apportée par l’assuré Crim., 17 mars 2020, n° 19-80.542 Pour statuer sur les intérêts civils, la cour d’appel, après avoir constaté que la mutuelle n’avait pas comparu à l’audience en dépit de sa mise en cause régulière par lettre recommandée avec accusé réception versée aux débats, déclare que la décision concernant les intérêts civils lui sera opposable. La société Maif, partie intervenante, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 18 octobre 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. H… W… du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

du règlement n 1408/71 du conseil européen s’applique, et qu’en vertu de ce texte les préjudices sont fixés selon les règles du droit français et le recours subrogatoire des organismes suisses s’exercera dans les limites de l’indemnité mise à la charge du tiers responsable poste par poste. Les juges retiennent ensuite que si la cour d’appel de Chambéry, dont la jurisprudence est invoquée, considère que s’agissant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité physique, le recours subrogatoire de la société Suva peut s’exercer sur « l’ensemble des postes de préjudices extrapatrimoniaux temporaires et permanents », la cour de cassation n’a jamais statué en ce sens. 16. Les juges concluent que le déficit fonctionnel permanent 40

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et, article préliminaire, 388-1, 388-2, 388-3, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ; En ce que l’arrêt attaqué déclare être opposable à la Maif ; alors que la décision concernant les intérêts civils n’est opposable à l’assureur du prévenu que s’il est intervenu au procès ou a été avisé dans les conditions prévues par l’article 388-2 du code de procédure pénale ; la mise en cause de l’assureur doit être faite dix jours au moins avant l’audience au moyen d’un acte d’huissier ou d’une lettre recommandée, avec demande d’avis de réception, qui mentionne la nature des poursuites engagées, l’identité du prévenu, de la partie civile et, le cas échéant, de la personne civilement responsable, le numéro des polices d’assu-

étant évalué à 21 000 euros, les sommes dues à la société Suva seront limitées à cette somme, constituant l’assiette de son recours subrogatoire. 17. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il le lui était demandé, si l’indemnité de réparation de l’atteinte à l’intégrité physique versée par l’organisme social suisse, ne réparait pas d’autres préjudices à caractère personnel subis par la victime que ceux correspondant au déficit fonctionnel permanent, question préalable à celle de l’assiette du recours du tiers payeur selon la nomenclature française des postes de préjudice, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la COUR CASSE et ANNULE

rance, le montant de la demande en réparation ou, à défaut, la nature et l’étendue du dommage, ainsi que le tribunal saisi, le lieu, la date et l’heure de l’audience ; qu’en l’espèce, en jugeant que la Maif avait été régulièrement mise en cause par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2017 versée aux débats, sans avoir dûment recherché si cette lettre avait bien été envoyée et reçue par la Maif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ». Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 388-1, 388-2, 3883, 591 et 593 du code de procédure pénale ; En ce que l’arrêt attaqué déclare être opposable à la Maif ; alors que seuls les assureurs du prévenu, de la personne civilement responsable et de la partie civile peuvent être mis en cause devant la juridiction répressive saisie de poursuites pour homicide ou blessures involontaires ; qu’en l’espèce, il

PRÉJUDICE CORPOREL Date d’évaluation du préjudice – Jour de la décision le fixant Civ. 2e, 16 janvier 2020, n° 18-24.847 Le préjudice subi par la victime doit être évalué au jour de la décision qui le fixe en tenant compte de tous les éléments connus à cette date. Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. I… a été victime le 20 octobre 2008 d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société GMF assurances (l’assureur) ; qu’à la suite des blessures résultant de cet acci-

dent, il a été déclaré inapte à titre définitif à son poste de métallier chaudronnier ainsi qu’à tout emploi nécessitant, notamment, des manutentions manuelles lourdes ; que M. I… a été licencié pour inaptitude le 26 août 2010 ; qu’après avoir été indemnisé de ses préjudices par l’assureur, suivant deux transactions des 9 décembre 2010 et 13 avril 2012, M. I… a connu une aggravation de son état ; qu’en application d’une nouvelle transaction conclue le 4 juin 2014, n’indemnisant pas le préjudice de perte de gains professionnels futurs, l’assureur lui a alloué une indemnité complémentaire ; que M. I… a assigné ce dernier ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne, en indemnisation de ce chef


Jurisprudence ressortait du procès-verbal de constatation dressé le 30 mars 2009 et de la fiche de renseignement établie par la police nationale que le véhicule de M. W… était assuré par sa propriétaire auprès de la Filia-Maif ; que pour déclarer son arrêt opposable à la Maif, la cour d’appel a retenu que cette dernière avait été régulièrement mise en cause par une lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2017 versée aux débats ; qu’en statuant ainsi sans rechercher s’il ne ressortait pas des pièces de la procédure que le prévenu avait affirmé être assuré auprès de la société Filia-Maif et non auprès de la Maif, mutuelle d’assurance distincte de la société Filia-Maif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ». Les moyens étant réunis ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 30 mars 2009, le cyclomoteur piloté par Mme C…

de préjudice ; que l’assureur a appelé la Mutuelle Pro BTP direction générale Sud-Ouest en intervention forcée ; Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; Attendu que pour enjoindre à l’assureur de lui payer une indemnité de 66 000 euros, l’arrêt retient que M. I…, s’il était, du fait de l’accident, inapte à l’exercice de sa profession de métallier et à tout poste nécessitant des manutentions manuelles lourdes et / ou la position accroupie répétée ou prolongée et / ou une station debout prolongée, n’était pas inapte à l’exercice de toute profession, et que

Y… a été percuté par le véhicule conduit par M. H… W… ; que Mme Y… a été blessée ; que par jugement du 17 février 2017, le tribunal correctionnel, statuant après opposition, a mis à néant un premier jugement rendu par défaut le 20 janvier 2012 et, statuant à nouveau, a déclaré M. W… coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à trois mois par conducteur de véhicule terrestre a moteur ayant fait usage de stupéfiants, a déclaré recevable la constitution de partie civile de Mme Y…, retenu que celle-ci était partiellement responsable de son propre préjudice, condamné M. W… à lui payer une indemnité provisionnelle, ordonné une expertise, déclaré le jugement opposable à la société d’assurances Maif et ordonné le renvoi sur intérêts civils ; que M. W…, Mme Y…, et le procureur de la République ont interjeté appel de cette décision ;

l’état de santé de l’intéressé imputable à l’accident le place dans l’impossibilité de retrouver un emploi rémunéré à un taux supérieur au Smic ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que M. I… avait accompli des démarches en vue de retrouver un emploi, en se portant candidat à des stages de pré-orientation, formation à l’activité d’agent d’entretien du bâtiment, formation théorique et pratique relative à la prévention des risques électriques dispensée par l’Afapa, et qu’au jour où elle statuait il n’avait toujours pas trouvé un emploi adapté, ce dont il résultait que, pour la période antérieure à sa décision, la perte de gains professionnels futurs subie par M. I… ne pouvait être limitée à la

Attendu que pour statuer sur les intérêts civils, la cour d’appel, après avoir constaté que la Maif n’avait pas comparu à l’audience du 27 mars 2018 en dépit de sa mise en cause régulière par Mme Y…, par lettre recommandée avec accusé réception du 24 octobre 2017 versée aux débats, déclare que la décision concernant les intérêts civils lui sera opposable ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, et la Maif n’ayant pas demandé sa mise hors de cause au profit de la société Filia-Maif, a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi

seule différence entre la rémunération nette qu’il percevait lors de l’accident et le montant du Smic à la même époque, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le principe susvisé ; Et sur le moyen unique pris en sa troisième branche : Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; Attendu que le préjudice subi par la victime doit être évalué au jour de la décision qui le fixe en tenant compte de tous les éléments connus à cette date ; Attendu que pour fixer à 66 000 euros l’indemnité due en réparation du préjudice de M. I…, l’arrêt retient que c’est à bon droit que, pour

indemniser à cette hauteur la perte de gains professionnels futurs qu’il a admise, le tribunal a retenu que M. I… avait à subir jusqu’à la date de son jugement une perte de rémunération égale à la différence, imputable à l’ accident, entre la rémunération nette antérieurement perçue et le montant du Smic auquel, seul, son état actuel lui permettait de prétendre ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait d’actualiser le préjudice au jour de sa décision, la cour d’appel a violé le principe susvisé ; PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE

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Jurisprudence ❚

Commerce et services de l’automobile

PIÈCE DE RECHANGE Légalité de l’obligation d’information du consommateur – Respect des obligations des réparateurs. CE, 6e – 5e ch. réunies, 11 mars 2020, n° 426199 Les dispositions, qui ont pour seul objet de préciser les modalités de mise en œuvre de l’information du consommateur prévue par l’article L.224-67 du code de la consommation et ne régissent ni la nature, ni l’étendue de la recherche de pièces issues de l’économie circulaire à laquelle doivent procéder les professionnels en application de ce même article, se bornent à préciser l’information qui doit être fournie au consommateur lorsque cette recherche a permis d’identifier plusieurs pièces pour remplacer la pièce défectueuse. L’obligation posée à l’article L. 224-67 du code de la consommation, dont le but est de promouvoir l’économie circulaire et la protection du pouvoir d’achat des consommateurs, est mise en œuvre dans le respect des obligations qui s’imposent à tout professionnel commercialisant des prestations d’entretien ou de réparation de véhicules automobiles, notamment de l’obligation de résultat qui pèse sur lui. (…) Considérant ce qui suit : 1. L’article 77 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a introduit dans le code de la consommation un nouvel article L. 121-117, devenu depuis l’article L. 224-67 du même code aux termes duquel : « Tout professionnel qui commercialise des prestations d’entretien ou de réparation de véhicules automobiles permet aux consommateurs d’opter pour l’utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l’économie circulaire à la place de pièces neuves. / Un décret en Conseil d’État 42

établit la liste des catégories de pièces concernées et précise la définition des pièces issues de l’économie circulaire, au sens du présent article. Il définit également les conditions dans lesquelles le professionnel n’est pas tenu de proposer ces pièces du fait de leur indisponibilité ou d’autres motifs légitimes. / Les modalités d’information du consommateur sont arrêtées dans les conditions prévues à l’article L. 112-1. / En cas de litige, il appartient au professionnel de prouver qu’il a exécuté ses obligations ». L’article L. 112-1 du même code dispose que : « Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l’exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l’économie, après consultation du Conseil national de la consommation ». Ces dispositions ont été précisées par les articles R. 224-22 à R. 224-25 du code de la consommation, créés par le décret du 30 mai 2016 relatif à l’utilisation de pièces de rechange automobiles issues de l’économie circulaire. L’arrêté du 8 octobre 2018 relatif à l’information du consommateur sur les prix et les conditions de vente des pièces issues de l’économie circulaire dans le cadre des prestations d’entretien ou de réparation des véhicules automobiles a été pris pour leur application. Par la présente requête, le Conseil national des professions de l’automobile demande l’annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir. 2. En premier lieu, l’obligation de proposer aux consommateurs, sous certaines conditions, des pièces de rechange issues de l’économie circulaire s’impose, aux termes de l’article L. 224-67 du code de la consommation précité, à « tout professionnel qui commercialise des prestations d’entretien ou de réparation de véhicules automobiles », dont l’article R. 224-22 du même code pris pour son application, indique qu’il s’agit du professionnel « qui commercialise des prestations d’entretien ou de réparation de voitures particulières et de camion-

nettes ». L’arrêté attaqué précise toutefois, à son article 2, que l’obligation d’informer le consommateur sur les prix et les conditions de vente des pièces issues de l’économie circulaire s’applique aux prestations d’entretien ou de réparation des véhicules automobiles, ces prestations étant elles-mêmes définies, à l’article 1er de cet arrêté, comme toute « prestation de service d’entretien ou de réparation d’un véhicule automobile y compris les prestations de recherche de pannes ou d’incidents, et la vente de pièces détachées et fournitures utilisées dans le cadre d’une opération d’entretien ou de réparation ». Si, comme le souligne le requérant, les prestations de recherche de pannes ou d’incidents n’impliquent pourtant, par elles-mêmes, aucune prestation d’entretien ou de réparation nécessitant la recherche de pièce de rechange, les dispositions précitées n’ont pas, contrairement à ce qui est soutenu, entendu élargir le champ de l’obligation posée à l’article L. 224-67 du code de la consommation précité, mais seulement préciser que cette obligation s’applique y compris lorsque la prestation d’entretien ou de réparation s’inscrit dans le prolongement d’une prestation de recherche de panne ou d’incident, dans le cadre, notamment, d’un contrat de prise en charge globale. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué serait entaché d’incompétence au motif qu’il méconnaîtrait le champ de l’obligation posée à l’article L. 224-67 du code de la consommation doit être écarté. 3. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, en imposant aux professionnels concernés d’informer le consommateur de la possibilité d’opter pour l’utilisation de pièces issues de l’économie circulaire « au niveau de l’entrée du public où le professionnel propose des prises de rendez-vous » et par « un affichage clair, visible et lisible de l’extérieur », l’article 4 de l’arrêté attaqué n’a ni pour objet, ni pour effet d’imposer aux intéressés un réaménagement de leurs locaux, mais uniquement de préciser l’emplacement et les modalités de l’information du consommateur, au


Jurisprudence besoin par plusieurs affiches, afin d’assurer le caractère effectif de cette information. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’article 4 de l’arrêté attaqué imposerait aux professionnels concernés des obligations incompatibles avec le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et de la liberté d’entreprendre ne peut qu’être écarté. 4. En troisième lieu, l’article R. 224-23 du code de la consommation définit trois hypothèses dans lesquelles l’obligation posée à l’article L. 224-67 ne s’applique pas : « 1° Lorsque le véhicule fait l’objet de prestations d’entretien ou de réparation réalisées à titre gratuit, ou sous garanties contractuelles, ou dans le cadre d’actions de rappel conformément aux dispositions de l’article R. 321-14-1 du code de la route ; / 2° Lorsque les pièces issues de l’économie circulaire ne sont pas disponibles dans un délai compatible avec le délai d’immobilisation du véhicule qui est mentionné sur le document contractuel signé entre le professionnel et son client relatif à la nature des prestations d’entretien ou de réparation à réaliser ; / 3° Lorsque le professionnel mentionné à l’article R. 224-22 estime que les pièces de rechange automobiles issues de l’économie circulaire sont susceptibles de présenter un risque important pour l’environnement, la santé publique ou la sécurité routière ». 5. L’article 5 de l’arrêté attaqué impose au professionnel, avant que le consommateur ne donne son accord sur une offre de services, de recueillir son choix d’opter pour des pièces issues de l’économie circulaire, en lui précisant, par une mention claire et lisible, que « leur fourniture est effectuée sous réserve de disponibilité, de l’indication par le professionnel du délai de disponibilité et de leur prix, et sous réserve de ne pas relever des exemptions de l’article R. 224-23 du code de la consommation ». Ces dispositions, prises pour la mise en œuvre de l’obligation définie à l’article L. 224-67 du code de commerce précité, n’ont ni pour objet ni pour effet d’imposer au professionnel d’informer le consom-

mateur dans les cas où il n’est pas tenu de respecter cette obligation, notamment lorsque le véhicule fait l’objet de prestations d’entretien ou de réparation réalisées à titre gratuit, ou sous garanties contractuelles, ou dans le cadre d’actions de rappel, conformément aux dispositions de l’article R. 321-14-1 du code de la route. Par suite, le moyen tiré de ce que l’article 5 de l’arrêté litigieux méconnaîtrait les articles L. 224-67, R. 224-22 et R. 224-23 du code de la consommation et serait entaché d’incompétence doit être écarté. 6. En quatrième et dernier lieu, l’article 6 de l’arrêté litigieux dispose que : « Lorsque, après recherche, plusieurs pièces issues de l’économie circulaire peuvent être proposées pour remplacer une même pièce défectueuse, notamment lorsque le choix de l’une d’elles a des conséquences sur le délai de réparation, la possibilité de choisir entre les différentes pièces et options est présentée clairement au consommateur. Il précise son choix sur support durable pour chacune d’elles. (...) ». 7. D’une part, ces dispositions, qui ont pour seul objet de préciser les modalités de mise en œuvre de l’information du consommateur prévue par l’article L. 22467 du code de la consommation et ne régissent ni la nature, ni l’étendue de la recherche de pièces issues de l’économie circulaire à laquelle doivent procéder les professionnels en application de ce même article, se bornent à préciser l’information qui doit être fournie au consommateur lorsque cette recherche a permis d’identifier plusieurs pièces pour remplacer la pièce défectueuse. Dès lors, le moyen tiré de ce qu’elles méconnaîtraient les dispositions de l’article L. 224-67 du code de la consommation et imposeraient aux professionnels concernés des sujétions portant une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie est inopérant. 8. D’autre part, il résulte des dispositions rappelées aux points 1 et 5, éclairées par les travaux préparatoires à l’adoption de la loi du 17 août 2015 précitée, que l’obligation

posée à l’article L. 224-67 du code de la consommation, dont le but est de promouvoir l’économie circulaire et la protection du pouvoir d’achat des consommateurs, est mise en œuvre dans le respect des obligations qui s’imposent à tout professionnel commercialisant des prestations d’entretien ou de réparation de véhicules automobiles, notamment de l’obligation de résultat qui pèse sur lui. L’article 6 de l’arrêté attaqué a pour seul but de prévoir que, lorsque, après recherche, plusieurs pièces issues de l’économie circulaire peuvent être proposées pour remplacer une pièce défectueuse, le consommateur doit être informé sur les prix et les conditions de vente de ces pièces afin qu’il soit mis à même de faire un choix éclairé, sans qui cela puisse conduire le professionnel à méconnaître l’obligation de résultat qui pèse sur lui et qui implique qu’il ne propose aux consommateurs que des pièces qui ne présentent pas de risque de sécurité. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’article 6 de l’arrêté attaqué méconnaîtrait l’obligation de résultat qui s’impose à chaque professionnel de l’automobile concerné doit être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté qu’il attaque. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête du Conseil national des professions de l’automobile est rejetée.

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Jurisprudence ❚ GARAGISTE DÉPOSITAIRE Vol du véhicule – obligation de garde de moyens CA Amiens, 1re ch. civ., 12 mars 2020, n° 17 / 03270 Lorsque la restitution devient impossible par la perte ou le vol de la chose déposée, le dépositaire manque à son obligation de restitution. Mais, dans ce cas, le manquement se combine avec une violation de l’obligation de conservation qui n’est que de moyens. La responsabilité du dépositaire dans l’impossibilité de restituer est alors appréciée à l’aune de son obligation de garde. Le 21 décembre 2013, M. Zouhair B. a acquis, en Belgique, de M.Soufian Z. un véhicule de marque BMW, série1, pour un prix de 9100 euros. Le 23 décembre 2013 M.B. a confié son véhicule au garage SG Auto, exploité par M.Steven G., pour réparation d’un voyant du tableau de bord ainsi que de l’aile avant droite. Le 24 décembre 2013, il se présentait à deux reprises au garage pour récupérer son véhicule et apprenait lors de sa seconde visite que son véhicule avait disparu. Le véhicule a été retrouvé calciné le 24 décembre 2013. M. B. a déposé plainte pour vol et, après enquête, sa plainte a fait l’objet d’un classement sans suite. Par acte d’huissier en date du 26 avril 2016, M. B. a assigné M.G. devant le tribunal de grande instance de SaintQuentin. 44

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C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 1er juin 2017, le tribunal de grande instance de Saint-Quentin a: - débouté M.B. de ses demandes - débouté M.G. de sa demande de dommages-intérêts - condamné M.B. à payer à M.G. la somme de 1500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile - condamné M.B. aux dépens dont distraction au profit de la SCP B.-C.-B. - dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement. Par déclaration au greffe en date du 25 juillet 2017, M. B. a interjeté appel de cette décision. SUR CE, LA COUR: Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M.B. M.G. soutient que M.B. ne justifie pas être le propriétaire du véhicule, ne prouve pas avoir réglé le prix entre les mains de M.Z., le certificat d’immatriculation visant une personne tierce, à savoir Mme R.et le certificat de visite ne visant aucun nom.Il ajoute que la règle de l’article 2276 du code civil ne démontre pas en elle-même la réalité du titre de propriété et que n’est pas parce que les enquêteurs ne se sont pas interrogés sur le droit de propriété de M.B. sur le véhicule automobile que pour autant celui-ci en serait réellement propriétaire. M.B. estime qu’il produit au débat tous les documents suffisants pour permettre de caractériser son droit de propriété (facture d’achat du véhicule et les certificats belge et de visite). Il ajoute que lors de l’enquête, les forces de l’ordre n’ont pas non plus remis en cause cette qualité. Il estime que le simple fait que le certificat d’immatriculation

mentionne une tierce personne n’est pas de nature à faire échec à ses demandes, cette situation résultant uniquement du peu de temps écoulé entre la vente du véhicule et le sinistre, rappelant que selon l’article R.322-5 du code de la route, l’acquéreur d’un véhicule dispose d’un délai d’un mois pour effectuer les modifications du certificat d’immatriculation. Il considère que le prix soit payé ou non, partiel ou en totalité n’a aucune incidence sur le présent litige. En l’état: D’une part, il résulte des dispositions de l’article 122 du code procédure civile que «constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause. Elles doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse. Dans les cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance. D’autre part, il résulte des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile que «l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux

seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.» Enfin, en vertu de l’article 1937 du code civil: «Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, oui à celui qui a été indiqué pour le recevoir.» Le principe est que le dépositaire ne doit restituer qu’au déposant, indépendamment de sa qualité de propriétaire de la chose remise en dépôt, l’article 1938 alinéa 1er précisant que «Il ne peut exiger de celui qui a fait le dépôt la preuve qu’il était le propriétaire de la chose déposée.» En l’espèce, il n’est pas contestable ni contesté que c’est bien M.B. qui a déposé son véhicule chez M.G.. Dans la mesure où il importe peu que M.B. soit ou non le propriétaire dudit véhicule, il y a lieu dès lors de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir soulevée par M.G.. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a visé l’article 1938 du code civil dans ses motifs mais le tribunal ayant omis dans le dispositif de rejeter la fin de nonrecevoir soulevée par M.G. et il conviendra dès lors de rectifier cette omission de statuer. Sur la responsabilité contractuelle de M.G. M.B. soutient en substance, au visa des articles 1915 et 1927 du code civil, que: - il a confié à M.G. son véhicule afin que ce dernier procède à diverses réparations: M. G. avait donc la qualité de dépositaire; ce dépôt ne lui a pas été imposé - le dépositaire s’engage à titre principal à garder une chose confiée par l’autre partie, et à lui restituer en nature à pre-


Jurisprudence mière requête, - le contrat de dépôt d’un véhicule auprès d’un garagiste, accessoire à un contrat d’entreprise, est présumé fait à titre onéreux; il s’en déduit donc une obligation de moyen renforcée Concernant l’obligation de garde: - il existe au-delà de ce devoir fondamental de garde, une obligation de moyen renforcée en cas de défaillance du dépositaire; il en résulte que le déposant n’a pas à établir la faute du dépositaire mais celui-ci peut s’exonérer en prouvant la force majeure mais encore son absence de faute - le gardien doit prouver qu’il a mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour éviter le dommage - en outre, le dépositaire doit prouver qu’il est étranger à la détérioration de la chose déposée en établissant qu’il a donné à cette chose les mêmes soins qu’il aurait apportés à la garde des choses lui appartenant ou en démontrant que la détérioration est due à la force majeure - M.G. est défaillant dans la charge de la preuve du respect de ses obligations de résultant de la garde de la chose Concernant l’obligation de restitution: - le dépositaire doit restituer la chose à première demande du déposant et répond à ce titre des détériorations qu’elle a éventuellement subies - l’obligation de restitution est une obligation du résultat - seule la force majeure constitue une cause d’exonération de la responsabilité du dépositaire - le vol ne constitue pas un cas de force majeure - la responsabilité de M.G. se trouve également engagée

compte tenu de sa carence dans l’administration de la preuve d’une éventuelle cause étrangère exonérant sa responsabilité. M.G. fait valoir pour l’essentiel que: - il ne conteste pas sa qualité de «dépositaire» du véhicule automobile propriété de M.B., puisque le véhicule était dans les lieux par lui exploités à l’occasion du vol litigieux, même s’il n’avait pu que s’étonner de l’insistance avec laquelle M.B. lui avait demandé d’en assurer la conservation momentanée, l’espace d’une nuit; - toutefois, la responsabilité du «dépositaire» n’est pas systématique et dépend notamment du caractère «gratuit» ou au contraire «intéressé» du dépôt: lorsque le contrat de dépôt est «gratuit», le «dépositaire» est tenu à une pure obligation de moyen, il en résulte pour le déposant la charge d’établir une faute du dépositaire dans son obligation de garde, en conséquence de quoi, si aucune faute n’est établie ou si la cause d’une perte ou d’une détérioration reste inconnue, le dépositaire n’engage pas sa responsabilité; par contre, lorsque le contrat de dépôt est «intéressé», il incombe au «dépositaire» une obligation de moyen renforcée, qui impose au «dépositaire», en cas de perte ou de détérioration, d’établir qu’il n’a commis aucune faute; - il s’agit d’un dépôt gracieux, en conséquence de quoi M.B. doit apporter la preuve d’une faute qu’il aurait commise à son endroit en sa qualité de «dépositaire», or, aucune faute à proprement parler n’est alléguée par M.B., - il est vrai qu’il a été jugé que le

contrat de dépôt d’un véhicule auprès d’un garagiste, dès lors qu’il est accessoire à un contrat d’entreprise, est présumé fait à titre onéreux, mais encore faut-il que le contrat de dépôt considéré soit accessoire à un contrat d’entreprise et qu’il ait été convenu d’une rémunération en contrepartie de ce dépôt, - à supposer qu’il ait la qualité de dépositaire «intéressé», il serait tenu à une obligation de moyen renforcée, la charge de la preuve n’incombe plus au déposant mais au dépositaire; le dépositaire doit être exonéré de toute responsabilité dès lors qu’il établit la cause étrangère, la faute du déposant et, plus simplement, son absence de faute, - il n’était pas tenu d’une quelconque obligation de clos et de couvert, les lieux étaient protégés et il appartenait au bailleur propriétaire des lieux (Mme Annick D.) d’assurer la surveillance de l’ensemble immobilier au sein duquel il exerçait son activité; la cour d’accès au garage était fermée par une grille automatique qui s’ouvre à l’aide d’une télécommande, et cette cour est surveillée nuit et jour par un gardien, le gardien ayant précisé que la grille avait été fermée le 23 décembre 2013 entre 19h00 et 19h30 et qu’il avait rouvert cette grille le 24 décembre 2013 à 07h30; si un défaut de surveillance peut être reproché, il ne peut l’être qu’à la personne du bailleur Mme D. - il se trouvait, lors du vol commis portant sur le véhicule de M.B., un certain nombre de véhicules propriété du garage et (ou) qui lui avaient été confiés pour réalisation de divers travaux; or, tous les véhicules étaient parqués dans les mêmes

conditions; - les fautes dans la garde du dépositaire s’apprécient in concreto et rien ne démontre qu’il aurait apporté moins de soins au véhicule litigieux qu’à ses propres véhicules, M. B. ne justifiant ni n’alléguant que son véhicule aurait été moins bien «surveillé» que les autres véhicules qui se trouvaient à ce moment-là sous sa «garde». Il convient de relever que la question de la qualification du contrat de dépôt n’est pas contestée par les parties, de même que l’absence de la restitution du véhicule du fait du vol de celui-ci. Il s’agit en l’occurrence d’un dépôt volontaire, accessoire à un contrat d’entreprise et désintéressé. En effet, M. G. ne s’est pas offert lui-même pour recevoir le dépôt, il n’a pas été stipulé un salaire pour la garde du dépôt, le dépôt n’a pas été fait uniquement pour l’intérêt du dépositaire et il n’a pas été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute. Le dépositaire est débiteur: - d’une obligation de garde, durant la remise de la chose: . il doit assurer la surveillance et la conservation de la chose; le dépositaire désintéressé doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent; l’appréciation de ses diligences se fait in concreto (pour rappel, conformément à l’article 1928, l’obligation du dépositaire est appréciée avec plus de rigueur en cas de dépôt intéressé; l’appréciation de ses diligences se fait in abstracto) . il n’a pas le pouvoir de faire usage de la chose dépo45


Jurisprudence ❚ sée, sauf autorisation du déposant (article 1930) . lorsque le dépositaire se voit remettre un contenant fermé par le déposant, il lui est interdit, par discrétion, de chercher à en connaître le contenu (article 1931) - d’une l’obligation de restitution; son exécution met fin au contrat de dépôt; pour rappel, en principe, le créancier de la restitution est le déposant, le dépositaire doit remettre la chose déposée à celui qui la lui a confiée, il doit seulement vérifier la qualité de déposant de celui qui lui réclame la restitution et il n’a pas à vérifier sa qualité de propriétaire de la chose déposée; la restitution de la chose déposée constitue une obligation de résultat Lorsque la restitution devient impossible par la perte ou le vol de la chose déposée, le dépositaire manque aussi à son obligation de restitution. Mais, dans ce cas, le manquement se combine avec une violation de l’obligation de conservation qui n’est que de moyens. La responsabilité du dépositaire dans l’impossibilité de restituer est alors appréciée à l’aune de son obligation de garde. Enfin et plus généralement, il résulte de dispositions de l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du contrat, du régime général et de la preuve des obligations que: «Le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui 46

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ne peut lui être imputée, encore qu’il n’ait aucune mauvaise fois de sa part.» En l’espèce, M.B. ne justifie en cause d’appel d’aucun moyen ni élément de nature à remettre en cause la décision des premiers juges qui ont fait une exacte appréciation tant en droit qu’en fait des circonstances de la cause et ont justement estimé que M.G. n’avait pas été négligent dans la garde de son véhicule et que, par conséquent, sa responsabilité ne pouvait être retenue et ses demandes indemnitaires devaient être rejetées. Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté M.B. de ses demandes. PAR CES MOTIFS CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er juin 2017 par le tribunal de grande instance de SaintQuentin; REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir soulevée par M.Steven G. ;

VICE CACHÉ Ventes successives – preuve du vice CA Versailles, 3e ch., 12 mars 2020, n° 18 / 07337 Le sous-acquéreur ne pouvant prétendre à plus de droits que celui ou ceux qui l’ont précédé dans la chaîne des contrats, le vendeur initial ne peut être tenu envers lui au-delà de son engagement, et peut lui opposer tous les moyens de défense qu’il aurait pu invoquer contre son propre cocontractant, parmi lesquels celui tiré de la prescription. Est suffisamment

caractérisée l’existence d’un vice non apparent au point que la pièce litigieuse a dû faire l’objet d’une radiographie. Ce vice est antérieur à la vente dès lors que l’expert conclut, sans être utilement contredit, que la défaillance est de nature structurelle. FAITS ET PROCÉDURE M.Florian B. expose avoir acquis un véhicule d’occasion de marque Opel Astra le 8 octobre 2009 auprès de la société Garage de l’Europe au prix de 15 814,89 euros. Le 15 août 2013, le véhicule est tombé en panne dans le sud de la France et a été remorqué chez un représentant de la marque Opel à Hyères où il a fait l’objet d’une expertise amiable. M.B. a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise, lequel a désigné, par ordonnance du 18 juin 2014, M.B. en qualité d’expert. Celui-ci a déposé son rapport le 9 janvier 2015. Par acte du 5 mai 2015, M.B. a assigné devant le tribunal de grande instance de Pontoise la société General Motors désormais la société Opel France et la société Garage de l’Europe aux fins de voir prononcer la résolution de la vente intervenue le 8 octobre 2009. Par jugement du 3 septembre 2018 le tribunal a: - dit que l’action engagée par M.B. à l’encontre de la société Opel France précédemment dénommée General Motors France est prescrite, - débouté M.B. de sa demande en résolution de vente formée à rencontre de la société Garage de l’Europe, - rejeté les demandes plus

amples ou contraires des parties, - condamné M. B. aux dépens Par acte du 25 octobre 2018, M.B. a interjeté appel. SUR QUOI, LA COUR - Sur la prescription de l’action de M.B. à l’encontre de la société Opel France Le tribunal a observé que les principes généraux régissant l’action directe dont bénéficie le sous-acquéreur permettent au vendeur initial d’opposer tous les moyens de défense qu’il pourrait opposer à son contractant, y compris la prescription. Le tribunal a jugé que le délai de prescription de cinq ans fixé par l’article L.110-4 du code de commerce, dans lequel est enfermé le délai de prescription de l’article 1648 du code civil, avait commencé à courir à compter de la date de la vente du véhicule au premier acheteur en l’espèce le 16 février 2007, M.B. ne pouvant faire partir la prescription à l’encontre du vendeur originaire du jour de sa propre acquisition, soit le 8 octobre 2009. M.B. avance qu’il est de jurisprudence constante que dans le cadre d’une action directe du sous-acquéreur contre le vendeur initial, la date de la vente initiale du bien ne peut être opposée au sous-acquéreur comme formant le point de départ du délai de prescription de l’action formée par ce dernier à l’encontre du vendeur initial.Il affirme que seule la date de son acquisition doit être prise en compte, soit le 8 octobre 2009, de sorte que son action dirigée contre la société Opel France n’est pas prescrite. La société Opel France réplique que l’action directe de M.B. est soumise aux mêmes conditions que l’action dont aurait disposé l’acquéreur intermédiaire


Jurisprudence à l’encontre du vendeur initial et que le point de départ du délai de la prescription extinctive de l’article L.110-4 du code de commerce a couru à compter de la vente initiale, soit la date à laquelle il a été mis en circulation, soit en février 2007. Le sous-acquéreur ne pouvant prétendre à plus de droits que celui ou ceux qui l’ont précédé dans la chaîne des contrats, le vendeur initial ne peut être tenu envers lui au-delà de son engagement, et peut lui opposer tous les moyens de défense qu’il aurait pu invoquer contre son propre cocontractant, parmi lesquels celui tiré de la prescription. Il est ainsi de principe que le délai de deux ans prévu à l’article 1648 du code civil est enfermé dans le délai de droit commun et ne se substitue pas à lui. L’article L.110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, et applicable lorsque le constructeur a vendu le véhicule litigieux mis pour la première fois en circulation en février 2007 disposait que «les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes». Cette prescription, dont le point de départ est la date de la livraison de la chose vendue, était toujours en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui a ramené de dix à cinq ans le délai de droit commun prévu aux articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce. Une telle action doit être enga-

gée avant l’expiration du délai de la prescription de droit commun dont le point de départ se situe à la date de la vente. En effet, la créance née de la garantie des vices cachés a son origine au jour de la conclusion de la vente et non au jour de la révélation du vice. En l’espèce, le véhicule affecté d’une panne a été vendu par la société Opel France, importateur, à un vendeur professionnel en février 2007. En application de l’article 26 II de la loi du 17 juin 2008 relative à la prescription, le délai de prescription applicable à l’action n’a pu excéder cinq années à compter de son entrée en vigueur, soit le 19 juin 2013. Il s’ensuit que lorsque M.B. a délivré l’assignation en référé à l’encontre de la société Opel France le 14 avril 2014, son action était déjà atteinte par la prescription. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que l’action dirigée par M.B. à l’encontre de la société Opel France était prescrite. - Sur la prescription de l’action de M.B. à l’encontre de la société Garage de l’Europe C’est à bon droit que le tribunal a jugé que le point de départ de la prescription de l’action dirigée par M.B. à l’encontre de son propre vendeur ne pouvait se situer à la date de la vente initiale. L’article 1648 du même code dispose que l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Cette action est enfermée dans le délai de droit commun de cinq ans à compter de l’acquisition du véhicule. La vente a été réalisée le

8 octobre 2009. La panne survenue le 15 août 2013 a amené M.B. à saisir le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise le 14 avril 2014, lequel a ordonné une expertise par ordonnance du 18 juin 2014. Par application de l’article 2239 du code civil, qui dispose que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, le délai de prescription recommençant à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée, la prescription a été suspendue jusqu’au 9 janvier 2015, date du dépôt du rapport. Ainsi l’action en résolution de la vente introduite par M.B. à l’encontre de la société Opel France le 5 mai 2015 n’est pas prescrite. Le jugement sera confirmé de ce chef. - Sur la résolution de la vente Le tribunal, a, au vu du rapport d’expertise, jugé que le véhicule était atteint d’un défaut caché existant en germe au moment de son acquisition, le comportement structurellement fragile des bords du basculeur étant de nature à provoquer la rupture de cette pièce. Ce vice qui a entraîné la panne du véhicule, était de nature à le rendre impropre à son usage, à défaut de réparation. Toutefois le tribunal a jugé qu’il lui appartenait d’apprécier si la gravité du vice invoqué était de nature à justifier la demande de résolutiondelavente.Ilaobservé que le véhicule était techniquement et économiquement réparable, le coût des réparations s’élevant à 6 886,94 euros alors que la valeur résiduelle du bien au jour du sinistre était de

8 000,00 euros. Le tribunal a retenu que le désordre pouvait être réparé, qu’il s’agissait d’un véhicule d’occasion que M.B. avait utilisé près de 4 années et avec lequel il avait parcouru près de 60000 kilomètres et en a déduit que ce désordre ne présentait pas une gravité suffisante pour justifier la résolution de la vente et la restitution du prix sollicitée. M.B. fait valoir que les premiers juges ne pouvaient écarter la demande en résolution de la vente après avoir constaté la réalité du vice caché, l’appréciation de la gravité du désordre étant à prendre en compte uniquement pour apprécier l’existence ou non d’un vice caché. M.B. rappelle que dès lors qu’il existe un vice caché, il doit être fait application de l’article 1644 du code civil et que l’option offerte par ce texte n’appartient qu’à l’acheteur. Il ajoute que son véhicule ne peut plus rouler et qu’il est remisé dans un garage depuis plusieurs années dans l’attente d’une décision judiciaire. La société Garage de l’Europe réplique que le véhicule a parcouru 85911 km entre sa mise en circulation initiale le 16 février 2007 et la panne du 15 août 2013 et que l’expert judiciaire a indiqué que, même après la panne du mois d’août 2013, il restait techniquement et économiquement réparable. Il souligne qu’on ne voit pas sur quel fondement la demande de M.B. pourrait prospérer alors que seule la gravité évidente du vice peut éventuellement justifier que soit prononcée la résolution de la vente. Subsidiairement, la société Garage de l’Europe conteste l’existence d’un vice caché, faisant valoir que la rupture 47


Jurisprudence ❚ du basculeur de distribution est due à l’usure normale d’une pièce équipant un véhicule d’occasion qui a parcouru plus de 85000 km.Elle ajoute qu’elle ne saurait être tenue pour responsable d’un défaut de conception qui ne pouvait être décelé qu’après un examen en laboratoire. Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. La preuve de la réalité de ce vice et de son antériorité incombe à celui exerçant l’action en garantie. Aux termes de l’article 1644 du même code l’acheteur d’une chose atteinte d’un vice a le choix entre l’action rédhibitoire et l’action estimatoire. Il est de principe qu’il ne doit aucun compte de ce choix. L’expert judiciaire a constaté des désordres importants sur la cylindrée. Il a confié au laboratoire AEMA la radiographie de la soupape brisée et un examen de pièces complémentaires. L’expert conclut que la cause principale de la rupture du basculeur était liée au comportement fragile de cette pièce, et souligné qu’il s’agissait là d’une défaillance structurelle au niveau des bords du basculeur, à l’origine de la rupture et des dommages sur la cylindrée. Répondant aux dires des parties, il a exclu un défaut d’utilisation ou d’entretien à l’origine des désordres. Il a également exclu toute intervention d’un garagiste sur le véhicule en lien avec 48

Commerce et services de l’automobile

la panne survenue. Il ajoute que compte tenu du kilométrage parcouru et de la date de mise en circulation, le désordre était imprévisible. Est ainsi suffisamment caractérisée l’existence d’un vice non apparent au point que la pièce litigieuse a dû faire l’objet d’une radiographie. Ce vice est antérieur à la vente dès lors que l’expert conclut, sans être utilement contredit, que la défaillance est de nature structurelle. Les développements que consacre la société Garage de l’Europe à l’usure normale de cette pièce sont donc sans pertinence. Le tribunal a à bon droit conclu que le véhicule acheté par M.B. était affecté d’un défaut caché existant en germe au moment de son acquisition. Ce défaut a entraîné la panne du véhicule et est de nature à le rendre impropre à son usage. De fait, le véhicule est à ce jour immobilisé. Au regard de son prix d’acquisition et de la valeur vénale de véhicule au moment de la panne –8 000,00 euros– il ne saurait être considéré que le coût de la réparation – 6 886,00 euros – est minime. Il est au contraire important. En sa qualité de vendeur professionnel, la société Garage de l’Europe est présumée, par application de l’article 1645 du code civil, connaître les vices du bien vendu, de sorte que les développements qu’elle consacre à son absence de faute et aux vérifications entreprises avant la vente sont sans pertinence. Il y a lieu de juger que le vice qui affecte le véhicule, caché et antérieur à la vente, le rendant impropre à son usage sans une réparation dont le coût corres-

pond à plus de 80% de sa valeur vénale et plus de la moitié de sa valeur d’acquisition, fonde la demande en résolution de la vente formée par M.B.. Le jugement sera infirmé de ce chef. Il y a lieu de prononcer la résolution de la vente du véhicule intervenue le 8 octobre 2009. La société Garage de l’Europe devra restituer le prix de vente, soit la somme de 15 814,89 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2015, date de la demande en justice. Elle devra reprendre possession du véhicule au lieu où il est entreposé à ses frais après restitution du prix de vente. Par application de l’article 1645 précité, la société Garage de l’Europe est tenue de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. Dès lors que le prix de vente du véhicule lui est restitué, M.B. n’est pas fondé à demander la condamnation de son vendeur à lui rembourser le coût d’acquisition de son nouveau véhicule. M.B. demande par ailleurs l’allocation de la somme de 700 euros par mois du 15 août 2013 jusqu’au jour du prononcé de la résolution de la vente en réparation de son préjudice de jouissance. La société Garage de l’Europe conclut au rejet de cette demande qu’elle qualifie de fantaisiste, observant que l’appelant ne produit aucun justificatif du montant demandé et que la somme totale réclamée est totalement excessive au regard de la valeur du véhicule au moment de la panne. Il est certain que M.B. a été privé de la jouissance de ce véhicule depuis la survenue de la panne et qu’il existe donc un

préjudice qui ne peut rester sans indemnisation. Toutefois la cour observe qu’à l’appui de sa demande – qui s’élève au jour de l’arrêt à plus de 55000 euros – M.B. ne verse aucune pièce qui permettrait de connaître avec précision l’usage qu’il avait de ce véhicule, les dépenses induites par son immobilisation ou bien encore la date à laquelle il a acquis un autre véhicule (M.B. faisant état dans ses conclusions à ce sujet d’une pièce n° 11 alors que son bordereau de communication s’arrête à la pièce n° 10). Ce préjudice sera réparé par l’allocation de la somme de 3 000,00 euros. PAR CES MOTIFS La cour, Confirme le jugement en ce qu’il a dit prescrites les demandes formées par M.B. à l’encontre de la société Opel France. L’infirme pour le surplus. Statuant à nouveau, Ordonne la résolution de la vente du véhicule Opel Astra immatriculé 170CNM59 conclue entre M.B. et la société Garage de l’Europe (facture n° VOF 103726 du 8 octobre 2009). Dit que la société Garage de l’Europe devra reprendre possession du véhicule au lieu où il est entreposé à ses frais après restitution du prix de vente. Condamne la société Garage de l’Europe à payer à M.B. les sommes suivantes: - 15 814,89 euros, en restitution du prix de vente, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2015 - 3 000,00 euros au titre du préjudice de jouissance Rejette le surplus des demandes de M.B.


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Cas pratique Les infractions commises par les clients avec des véhicules de la société

Lors de l’utilisation du véhicule prêté, il peut arriver que le client commette une infraction au Code de la route sans immobilisation immédiate du véhicule du contrevenant. Le titulaire du certificat d’immatriculation étant l’entreprise et non le conducteur, c’est l’entreprise qui va recevoir l’avis de contravention. Situations visées Il existe plusieurs hypothèses dans lesquelles un client peut bénéficier d’un prêt d’un véhicule de l’entreprise : - Le véhicule neuf qu’il a commandé n’est pas disponible à la date de livraison indiquée sur le bon de commande et pour le faire patienter l’entreprise lui prête pendant quelques jours un véhicule équivalent ; - son véhicule est immobilisé pour réparation à l’atelier et la société lui rend service en lui prêtant un véhicule le temps de l’immobilisation. Obligation de dénonciation du conducteur La loi n° 2016-1547 datée du 18 novembre 2016 sur la justice du XXI e siècle impose aux entreprises de dénoncer les conducteurs auteurs de certaines infractions au Code de la route commises au volant d’un véhicule immatriculé au nom de la personne morale. L’entreprise dispose d’un délai de 45 jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention pour adresser aux autorités l’identité, l’adresse et le numéro de permis de conduire de la personne qui conduisait le véhicule immatriculé au nom de la personne morale. La dénonciation prendra la forme d ’une lettre 50

recommandée avec accusé de réception ou par voie dématérialisée sur le site www.antai.fr. Date d’entrée en vigueur et infractions visées Cette obligation est entrée en vigueur au 1er janvier 2017 et concerne les infractions suivantes constatées au moyen d’un appareil de contrôle automatique homologué (radars, caméras de vidéosurveillance : absence de port de la ceinture de sécurité, téléphone tenu en main, usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules, circulation sur une bande d’arrêt d’urgence, non-respect des distances de sécurité, franchissement de lignes continues, non-respect de signalisation imposant l’arrêt des véhicules (stop, feu rouge), dépassement des vitesses maximales autorisées…

Les sanctions encourues en cas de non-dénonciation de l’auteur de l’infraction Pour qu’il s’agisse désormais d’une obligation de dénoncer, il faut qu’une sanction soit encourue par l’entreprise qui refuserait de dénoncer le conducteur auteur de l’infraction. L’amende encourue est une contravention de 4 e classe, c’est-à-dire d’un montant forfaitaire de 135 € qui peut être minoré (90 €) en cas de paiement immédiat et majoré (375 €) en cas de paiement plus tardif. La sanction pourra théoriquement être portée à 750 € maximum. L’avis de contravention précise que la personne morale peut se voir appliquer une amende de 450 € à 3 750 € (c. pénal art. 131-38 et code procédure civile art. 530-3). La légitimité de cette sanction à l’encontre de la personne morale a été large-

Véhicules concernés par l’obligation de dénonciation Véhicules conduits par un salarié

Véhicules conduits par un client

Véhicule de fonction

■ Véhicule prêté dans l’attente de la livraison du véhicule commandé

Véhicule en convoyage

■ Véhicule prêté pendant l’immobilisation du véhicule du client à l’atelier

ment discutée : l’obligation de dénonciation pèse en effet sur le représentant légal de la personne morale et non sur la personne morale elle-même. La Cour de cassation s’est prononcée par un arrêt en date du 11 décembre 2018 : elle juge que la responsabilité pénale de la personne morale peut être recherchée pour cette infraction, commise pour son compte par son représentant légal. Conseil Il est fortement conseillé de mettre en place un outil de gestion des prêts et essais de véhicules permettant l’identification du conducteur au moment de l’infraction. ■ Nathalie Giroudet-Demay,

cabinet Ravayrol&Giroudet

À retenir Ne pas pouvoir justifier de l’identité du conducteur, auteur de l’infraction, peut coûter cher.

Source «Guide pratique de la vente et de l’après-vente automobile», éd. L’Argus


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