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IV.418 MOTS CLÉS CE QU’IL FAUT RETENIR
TEXTES CODIFIÉS TEXTES NON CODIFIÉS
RESPONSABILITÉS
Travaux supplémentaires Travaux indispensables – Sujétions imprévues – OS irréguliers – Travaux utiles Les travaux utiles ne sont payés que si le maître de l’ouvrage y a consenti par un ordre de services régulier, parfois un ordre de services irrégulier ou un autre type d’accord. Mais les travaux indispensables doivent toujours être payés, même sans ordre de service. Il en va de même des travaux indispensables en raison de sujétions imprévues. ` la problématique classique de l’obligation contractuelle (ou de la non obligation) de payer les travaux ■ A supplémentaires, s’ajoute celle de la légalité ou de l’illégalité des travaux supplémentaires, au regard de l’article 65 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et de son décret d’application. La question est traitée de manière générale au Point-clé IV.127.2. Ne sont traitées ici que les compléments spécifiques. ■ Si cette nouvelle réglementation régit de la même manière les travaux supplémentaires et les autres prestations ou fournitures supplémentaires, le présent dossier ne traite que des travaux supplémentaires dans les marchés de travaux. ■
CMP jusqu’au 31 décembre 2015 – Article 20
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CCAG travaux de 2009, articles 14, 15 et 19
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Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, article 65
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Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, articles 139 et 140
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Travaux supplémentaires utiles 1
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Travaux prévus au marché, par avenant ou ordre de services
■ Travaux prévus par avenant
Naturellement, les travaux prévus au marché ou par avenant doivent être réglés et le maître de l’ouvrage ne saurait arguer que les travaux n’étaient pas indispensables pour demander aux entreprises le remboursement de ce qu’il a payé par avenant ! (cf. TA Rennes 28 mars 2001, commune de St-Brice-en-Cogles, req. n° 9701482, inédit au Lebon et sur légifrance ; BJCP 18/2001 p. 447). Un avenant convenant d’un supplément de prix pour des travaux supplémentaires prime nécessairement sur la clause de prix forfaitaire global (cf. CE 5 avril 2006, société Socae, req. n° 275445, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2006 n° 135, note Frédérique Olivier ; BJCP 46/2006 p. 221).
Un avenant fixant le prix de travaux supplémentaires interdit de demander une indemnité au titre de la théorie des travaux supplémentaires ou des sujétions imprévues (cf. CAA Bordeaux, 29 décembre 2005, société Ipodec, req. n° 01BX02067, inédit au Lebon ; JCP A 2006 chron. Pacteau 1134.6). Mais un arrêt du Conseil d’État juge au contraire que l’avenant sur des travaux supplémentaires demandés par le maître d’ouvrage ne vaut pas renonciation à des demandes au titre de sujétions imprévues ni renonciation à contester des pénalités de retard (cf. CE 27 janvier 2011, société Matière, req. n° 330523, inédit au Lebon ; JCP A 2011 n° 2112 obs. anonyme). Des travaux analogues réalisés dans d’autres rues après un accord informel de toutes les parties doivent être payés en fonction des quantités constatées par le maître d’œuvre (cf. CAA Nancy 12 mai 2016, commune d’Aingeray, req. n° 14NC01160, CP-ACCP 167/2016 p. 12). ` Conformité au décret du 25 mars 2016
Les travaux prévus ou envisagés au marché, même sous forme d’option ou d’éventualité, ne posent pas de problèmes de principe au regard de l’article 139 du décret n° 2016-360 du
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25 mars 2016 puisque par définition la mise en concurrence a été réalisée en envisageant cette éventualité. S’agissant des travaux convenus par avenant ou ordre de services, la problématique est celle de la légalité de l’avenant ou de l’ordre de services, traitée au Point-clé IV.127.2, nos 3 à 6. ■ Travaux relevant d’un autre marché
On distingue les travaux supplémentaires de ceux pouvant résulter d’un autre contrat (verbal éventuellement) par des critères formels, matériels et temporels (cf. CAA Paris 3 juillet 2012 société Jean Loup Bouvier, req. n° 10PA04696, Contrats et marchés publics 2012 n° 316 obs. Marion Ubaud-Bergeron). ` Travaux extérieurs au marché
Des travaux de réparation suite à un sinistre, payés avec les fonds de l’assurance ne se rattachent pas au marché principal et doivent être payés (cf. CAA 30 décembre 2010, société Forclim ˆIle-de-France venant aux droits de la société Pilliot c/ communauté de commune des Étangs, req. n° 09VE00400, CP-ACCP 108/2011 p. 19 chron. Laurent Vidal ; Contrats et marchés publics 2011 n° 79 et 96 obs. François Llorens). ■ Travaux non prévus ordonnés
Les travaux non prévus au forfait ayant fait l’objet d’un ordre de service ouvrent naturellement droit à un paiement en sus du forfait (cf. CE 25 mai 1977, Sté chimique routière et d’entreprise générale, req. n° 87737, inédit au Lebon ; RDP 1977, p. 1345 – CE 17 février 1978, Société Compagnie française d’entreprises, req. nos 99193 et a., Lebon p. 87 ; RDP 1978, p. 1484 – CE 14 juin 2002, Ville d’Angers, req. n° 219874, Lebon tables p. 812 ; BJCP 25/2002 p. 492 ; ACCP 14/2002 p. 11 ; JCP A 2002.1339, note Florian Linditch ; MTP 26 juillet 2002, p. 53 ; BJCP 27/2003 p. 110 concl. Emmanuelle PradaBordenave, note Ch. M.). Il importe peu que leur masse n’excède pas 5 % (cf. CAA Douai 5 juin 2012, communauté de communes des vallées de la Brèche et de la Noye, req. n° 11DA00155, CPACCP 124/2012 p. 22, chron. Catherine Ribot), ce seuil contractuel étant celui pour l’indemnisation des sujétions entraînées et non pour le paiement des travaux supplémentaires eux-mêmes. Dans le cas où le commencement des travaux a eu lieu avant l’ordre de services sans opposition du maître de l’ouvrage, le paiement est dû (cf. CAA Lyon 26 octobre 1994, Sté Serel, req. n° 94LY00420, inédit au Lebon ; RFDA 1995, p. 441). Les règles habituelles de procédure s’appliquent. L’omission de les intégrer dans le décompte prive l’entreprise du droit à paiement (cf. TA Rennes, 14 juin 2007, société sol étanche Bachy France, req. n° 053251, BJCP 54/2007 p. 418 obs. Ph. T.). Bibliographie H. Marganne, « Marchés à forfait le règlement des travaux supplémentaires (droit privé et droit public) », MTP 10 mai 1996, p. 52 – M. Berbari, « L’indemnisation des travaux supplémentaires », MTP 1998, p. 52 et s. – Éric Delacour, « Marchés publics, le droit à indem-
nité pour l’entreprise en cas d’aléas d’exécution », MTP 20 avril 2001 p. 80 – Fiche pratique, « Les travaux supplémentaires et avenants », MTP, 28 mai 2004 p. 79 – Fiche pratique, « Le prix forfaitaire et les travaux supplémentaires », MTP 25 février 2005 p. 81 – Séverin Abbatucci, Bertrand Sablier, Vincent Sablier, « Crise de l’acier : le retour de l’imprévision dans les marchés publics », AJDA 2004 p. 2192 – Walter Salamand, « Paiement des travaux non prévus par le marché : l’impossible point d’équilibre », CP-ACCP 90/2009 p. 49.
` Prix non fixés au marché
L’article 14 du CCAG travaux ancien ou nouveau prévoit pour les prestations ne comportant pas de prix un marché un système de prix provisoires notifiés par le maître d’œuvre. Ces prix provisoires deviennent facilement des prix définitifs puisque le silence de l’entreprise pendant trente jours (un mois sous l’ancien CCAG) vaut acceptation du prix, l’entreprise qui conteste les prix devant fournir une contre-proposition avec justification. En cas d’accord sur les prix, un avenant au marché (qui peut être un simple bordereau de prix, même si cela n’est plus formalisé) contractualise normalement les prix. L’article 14.5 du CCAG travaux de 1976 le prévoyait, tout comme le « commentaire » de l’article 14 du nouveau CCAG. Mais l’accord tacite de l’entreprise rend parfois inutile cette formalisation. Enfin, en cas de désaccord c’est la procédure de contestation qui doit s’appliquer. ` Travaux indemnisés par les compagnies d’assurance
d’autres constructeurs
La circonstance que les travaux régulièrement ordonnés soient des réparations rendues nécessaires par les travaux d’autres entreprises, et que ces entreprises aient accepté une indemnité de leurs assureurs, ne fait pas obstacle au paiement de la partie du prix dépassant l’indemnité (cf. CE 13 février 1981, Wogenski, req. n° 11520 et a., Lebon, Tables, p. 816). ` Travaux rendus plus coûteux
Il en va de même de travaux rendus plus coûteux par une décision du maître d’œuvre (cf. par ex. CAA Bordeaux, 7 octobre 2004, société ateliers CMR, req. n° 00BX01699, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2005, n° 48, note Gabriel Eckert : modification d’une implantation). ` Malhonnêteté du maître de l’ouvrage
Malgré une clause exigeant un avenant pour tout travaux supplémentaires, le paiement de travaux ordonnés par le maître d’œuvre sans ordre de services régulier mais avec l’assentiment du maître de l’ouvrage est dû (cf. CAA Paris 10 juin 2008, société Léon Grosse, req. n° 04PA02967, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2008, n° 236 et 237, obs. F.L.). ■ Responsabilité du maître d’œuvre
Une commune peut parfaitement rechercher la responsabilité contractuelle d’un maître d’œuvre pour des travaux supplémentaires (cf. CAA Nancy 10 mai 2007, SA Bet Adam c/ commune de Farebersviller, req. n° 05NC00561, inédit au
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Lebon ; Contrats et marchés publics 2007, n° 252, obs. FL et PSC).
mesure anticipé. En revanche en cas d’irrégularité grave le paiement est en principe refusé.
Plus largement, la responsabilité pour le coût de travaux supplémentaires rendus nécessaire par les fautes de constructeurs peut ainsi être recherchée (cf. CAA Nancy 18 octobre 2007, centre hospitalier Sélestat c/ société Stihle frères entreprise Santerne c/ Bet groupe Fluides et Groupe 6, req. n° 05NC00573, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2007 n° 328 obs. FL et PSC ; JCP éd. 2007 n° 2343 obs. Florian Linditch ; JCP A 2008 n° 2803/6/4 obs. G. Lazzarin).
La question nouvelle est de savoir si payer sur ordre de services irrégulier est valide au regard des règles de l’article 139 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés public.
■ Prestations intellectuelles
Il y a peu de jurisprudence sur l’application des travaux supplémentaires en dehors des travaux. Un arrêt applique la théorie à des prestations intellectuelles, en l’espèce la rédaction d’un plan d’occupation des sols (cf. CAA Bordeaux 29 décembre 2005, EURL Levincent Samson, req. n° 01BX01881, inédit au Lebon ; JCP A 2006 chron. Pacteau 1134.6). Mais d’autres arrêts refusent à un maître d’œuvre le paiement de prestations supplémentaires ni commandées ni indispensables (cf. CAA Versailles 19 juin 2007, Jean-Paul Back, req. n° 06VE00734, inédit au Lebon ; BJCP 54/2007 p. 419 obs. Ph. T. — CAA Bordeaux 18 novembre 2008, société MDP Ingénierie, req. n° 07BX00737, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2009, n° 15, obs. FL et PSC). ■ Cas du contrat annulé
Dans le cas du contrat nul, c’est seulement si la nullité n’est pas imputable au cocontractant ni décelable par lui qu’il a droit au paiement intégral des travaux supplémentaires sur le fondement quasi-contractuel et quasi-délictuel (cf. CE 18 novembre 2011, communauté commune de Verdun, req. n° 342642, Lebon tables, p. 1014 ; Dr. adm. 2012 n° 4 note François Brenet ; Contrats et marchés publics 2012 n° 27 note Jean-Paul Pietri ; CP-ACCP 117/2012 p. 11 chron. Jean-Pierre Jouguelet ; BJCP 80/2012 p. 15 concl. Nicolas Boulouis obs. R.S. ; AJDA 2012 p. 598 note Sylvie Aubert ; JCP A 2012 n° 2161 et 2162 obs. Florian Linditch ; Jean-Paul Pietri, « Un an de droit du contentieux de la commande publique », n° 5/A/18 ; Pascal Devillers, « Un an de responsabilité des constructeurs », Contrats et marchés publics 2012 chron. 7 2012/7 n° 14). Les dépenses supplémentaires dans le cadre d’un contrat annulé sont payées au niveau de l’utilité sur le fondement quasi-contractuel, et le complément sur le terrain quasi-délictuel
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Travaux faits sur ordre de service irrégulier
■ Impact du décret de transposition
La jurisprudence traditionnelle décrite ci-dessous considère que les travaux faits sur ordre de services irrégulier doivent être payés. Cette jurisprudence est d’ailleurs antérieure au principe de loyauté contractuelle qu’elle a d’une certaine
A` notre avis, les marchés prévoyant des ordres de services et un pouvoir de direction, ces travaux sont des prestations supplémentaires devenues nécessaires ou imprévisibles. A` cet égard, les irrégularités formelles des ordres de services ne devraient pas avoir d’incidence, ce qui ne dispense pas d’une réflexion au fond pour déterminer si l’ordre de services, régulier ou non, entre dans les prévisions de l’article 139 du décret du 25 mars 2016. ■ Irrégularité mineure
L’irrégularité de l’ordre de service peut tenir à sa forme, notamment quand il est verbal, à l’incompétence de l’auteur de l’ordre, ou au fond même de l’ordre (voir Point-clé IV.322.2, n° 4). Seule la première hypothèse ouvre droit à indemnité. ` Ordres de service irréguliers en la forme
La commande, dans le cadre d’un marché de travaux, par un procédé irrégulier, tel un ordre de service verbal, ouvre droit non pas au paiement à proprement parler, mais à une indemnité, légèrement plus faible que le prix, car sans élément de bénéfice, pour sanctionner l’imprudence d’exécuter des travaux sur un simple ordre de service verbal. De simples fiches d’intervention ne prouvent pas l’existence un ordre de services irrégulier (cf. CAA Bordeaux 18 décembre 2008, société Chrystal, req. n° 07BX00872, inédit au Lebon ; CP-ACCP 85/2009 p. 22 chron. Laurent Vidal ; Contrats et marchés publics 2009 n° 54 obs. FL). La mention dans un procès-verbal ou une demande de devis ne vaut pas ordre de services verbal (cf. CAA Douai, 5 octobre 2010, commune de Pernes en Artois, req. n° 09DA00271, Contrats et marchés publics 2011, n° 15, obs. François Llorens). Jurisprudence Notamment : – CE 19 mars 1982, Cojonde, req. n° 18632, Lebon tables, p. 671 ; RDP 1983, p. 235 : en l’espèce 53 000 F au lieu de 59 114 F, soit environ 90 % ; – CE 21 février 1986, Commune de Servant, req. n° 47725, nédit au Lebon ; RDP 1986, p. 1730 ; – CE 16 janvier 1987, Commune de Montbronn, req. n° 69729, inédit au Lebon ; RDP 1987, p. 1096 ; Dr. adm 1987, n° 81 ; – CE 1er juillet 1988, Sté des Entrep. Gray, req. n° 55947, inédit au Lebon ; RDP 1989, p. 1806 ; – CAA Paris 3 juillet 2007, société Bacotra c./ Opac de Paris, req. n° 04PA02056, inédit au Lebon ; MTP 7 septembre 2007 p. 94 chron. Cyrille Emery.
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Un arrêt a ordonné le paiement intégral lorsqu’une partie seulement des travaux supplémentaires avait fait l’objet d’ordres de service irréguliers (cf. CE 7 avril 1978, Commune de Riedisheim, req. n° 05560, Lebon tables, p. 753 ; RDP 1978, p. 1484). ` Appréciation de la marge bénéficiaire
Un arrêt estime 10 % la marge bénéficiaire à déduire de l’indemnité due pour des travaux utiles exécutés sur la base d’un ordre de services verbal (cf. CE 27 septembre 2006, société GTM construction, req. n° 269925, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2006 n° 293 & 294, obs. François Llorens et Pierre Soler-Couteaux ; MTP 12 janvier 2007 p. 67 et TO p. 38 ; BJCP 50/2007 p. 72, 73 et 75). La même marge est retenue dans une autre affaire (cf. CAA Paris, 3 juillet 2007, Société Bacotra c/ Opac de Paris, req. n° 04PA02056, inédit au Lebon ; MTP 7 septembre 2007 p. 94 chron. Cyrille Emery et TO p. 28). Un arrêt octroie la moitié de la marge bénéficiaire alors que le maître d’ouvrage avait reconnaît avoir donné un ordre de services verbal (cf. CAA Versailles 16 février 2010, OPHLM Arc de Seine Habitat, req. n° 09VE00557, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2010, n° 181, obs. François Llorens).
` Ordre de service nul
Un ordre de service verbal, violant la réglementation sur la passation des marchés publics, est nul et n’ouvre aucun droit contractuel à paiement à l’entreprise qui réalise des travaux utiles non indispensables (cf. CE 5 novembre 1980, SARL Parachini, req. n° 15345, inédit au Lebon ; RDP 1981, p. 524 – CAA Nancy 24 mars 2005, commune de Mutzig, req. n° 00NC00502, inédit au Lebon ; CP-ACCP 46/2005, p. 15). Remarque En dehors de ces arrêts, le concept d’ordre de service nul n’a pas été développé. On peut estimer que la nullité suppose l’irrégularité formelle et la violation au fond d’une règle de droit. La création d’une catégorie d’ordres de service nuls bien que réguliers en la forme n’est guère concevable car elle compromettrait le principe de l’obéissance aux ordres de service.
■ Ordre de services non suivi d’un avenant
Une Cour considère que l’article 17 du CCAG-PI (ancien) signifie que le titulaire doit émettre des réserves à un OS et exiger un avenant faute de quoi les modifications sont réputées acceptées sans supplément de prix (cf. CAA Bordeaux 20 février 2007, société d’architecture Jean-Pierre Renault (deux espèces), req. n° 03BX02344 et a., inédits au Lebon ; Contrats et marchés publics 2007, n° 184, obs. FL et PSC).
` Absence de révision
Selon une interprétation d’un arrêt, les travaux indemnisés ne bénéficient pas de la clause de révision des prix, qui ne concerne que les travaux réglés au prix du marché (cf. CAA Paris 6 mars 2007, société d’entreprise générale de construction et de maintenance venant aux droits de la société Razel, req. n° 04PA02356, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2007 n° 146 obs. F. L. et P. S.-C.). Mais l’arrêt peut se lire aussi comme interdisant la révision du solde, vraisemblablement pour qu’il n’y ait pas double révision. ■ Irrégularité grave
Il n’y a pas de droit au paiement en cas d’ordre de service tellement irrégulier que l’entreprise aurait dû s’en rendre compte. ` Ordre de service pris par une autorité incompétente
L’ordre de service pris par une autorité incompétente, tel l’architecte, si seul le maître de l’ouvrage pouvait donner cet ordre, n’ouvre pas droit au paiement d’un travail non indispensable (cf. CE 26 novembre 1975, Sté Entrasudo c/ OPHLM des Alpes-Maritimes, req. n° 91119, inédit au Lebon ; RDP 1976, p. 624 – CE 16 décembre 1981, SA Ets Jedelé, req. n° 11819, inédit au Lebon ; RDP 1983, p. 235). Il en va de même de l’ordre de services donné par le maître de l’ouvrage délégué alors que l’accord du maître de l’ouvrage était nécessaire et que l’entreprise ne pouvait ignorer l’étendue des pouvoirs du maître de l’ouvrage délégué (cf. CAA Paris, 13 février 2007, SNC Dumez Iˆle-de-France, req. n° 04PA01640, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2007 n° 102 note Willy Zimmer).
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Travaux après accord implicite
■ Principe
Lorsque, par son comportement, le maître de l’ouvrage a acquiescé aux propositions de travaux supplémentaires faites par l’entreprise, le paiement des travaux est dû. Ici encore, la jurisprudence traditionnelle exposée ci-dessous n’est valide que pour autant que les travaux supplémentaires puissent entrer dans une catégorie de l’article 139 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. ` Exception
L’accord du maître de l’ouvrage n’ouvre pas droit au paiement quand les travaux supplémentaires ont pour seul intérêt d’éviter un retard imputable à l’entreprise (cf. CE 1er mars 1985, Sté auxiliaire d’entreprise de la région parisienne, inédit au Lebon et sur légifrance ; RDP 1985, p. 1704). Mais si les travaux apportent, en outre, une plus-value à l’ouvrage, le paiement est dû (même arrêt). Il en va de même pour des travaux acceptés ou ordonnés pour remédier à une mauvaise exécution par l’entreprise de précédents travaux (cf. CE 19 juin 1981, Bongiovanni et autres, req. n° 03822, Lebon, Tables, p. 831 ; RDP 1982, p. 532). ■ Accord implicite admis
L’accord implicite a été admis dans les cas suivants : – opérations de vérification faites par le maître d’œuvre et l’apposition de son visa (cf. CE 27 septembre 1985, Départ. de
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la Vendée c/ Sté Jean Lefebvre, inédit au Lebon et sur légifrance ; RDP 1986, p. 1730) ; – maître de l’ouvrage s’étant abstenu de se prononcer sur des travaux préalables qui auraient évité des travaux spontanés utiles pour le respect des normes techniques (cf. CE 11 juillet 1979, Cie métropolitaine des asphaltes, req. n° 07225, Lebon, Tables, p. 797). ■ Accord implicite nié
Le plus souvent, la formation de l’accord implicite est niée ; il en a été jugé ainsi dans les cas suivants : – absence de réserves à la réception (cf. CE 11 mai 1984, Sté Verdoïa, req. n° 38974, inédit au Lebon et sur légifrance ; RDP 1985, p. 224) ; – simple agrément des propositions de l’entrepreneur même consigné sur le procès-verbal de chantier (cf. CE 19 juin 1981, Bongiovanni et autres, req. n° 03822, Lebon, Tables, p. 831 ; RDP 1982, p. 532) ; – travaux faits conformément aux indications d’un consultant (géologue) appelé par le maître de l’ouvrage et sans observation de l’architecte dûment informé (cf. CE 28 juillet 1989, Ville de Menton c/ Ivaldi et autres, req. n° 49650, inédit au Lebon et sur légifrance ; RDP 1990, p. 292 obs. François Llorens) ; – travaux conseillés par le bureau de contrôle (cf. CE 27 mars 1985, OPHLM de la Haute-Savoie, inédit au Lebon et sur légifrance ; RDP 1985, p. 1704). Pratique L’entreprise qui suggère une amélioration non indispensable a tout intérêt à l’assortir d’une proposition de prix supplémentaire et à ne pas se contenter d’un simple accord du maître de l’ouvrage ou du maître d’œuvre, l’accord sur la substitution ne valant pas accord sur le paiement de la plus-value.
■ Prestations d’un architecte
Les mêmes principes sont sans doute applicables aux architectes mais la jurisprudence est rarissime.
effectués spontanément par l’entrepreneur sans aucun ordre de service, n’ont pas à être payés. Jurisprudence Notamment : – CE 8 novembre 1940, Commune de Maussane, Lebon, p. 107 ; inédit sur légifrance ; – CE Sect. 17 octobre 1975, Commune de Canari, req. n° 93704, Lebon, p. 516 ; AJDA 1975, II, p. 580 ; – CE 9 mars 1979, Avondo, req. n° 10306, Lebon, Tables, p. 797 ; RDP 1980, p. 1479 ; – CE 26 juillet 1985, Sté d’études d’application de revêtements spéciaux, inédit au Lebon et sur légifrance ; RDP 1986, p. 1730 ; – CE 28 juillet 1989, Ville de Menton c/ Ivaldi et autres, req. n° 49650, inédit au Lebon et sur légifrance ; RDP 1991, p. 292 obs. François Llorens ; – TA Paris 30 novembre 1998, Société Dioguardi France, req. n° 9515003, inédit au Lebon et sur légifrance ; BJCP 10/2000, p. 213 ; – CE 14 juin 2002, Ville d’Angers, req. n° 219874, Lebon tables p. 812 ; BJCP 25/2002 p. 492 ; ACCP 14/2002 p. 11 ; JCP A 2002.1339, note Florian Linditch ; MTP 26 juillet 2002, p. 53 ; BJCP 27/2003 p. 110 concl. Emmanuelle Prada-Bordenave, note Ch. M.) ; – CAA Bordeaux, 18 janvier 2005, commune de Coussac-Bonneval, req. n° 00BX02269, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2005 n° 118, obs. F. Llorens : travaux sans ordre écrit ou verbal et ne figurant pas au décompte définitif.
Il en va a fortiori de même pour des travaux effectués malgré l’ordre contraire du maître de l’ouvrage (cf. CE 2 juillet 1982, Sté routière Colas, req. n° 23653, Lebon, p. 261 ; RDP 1983, p. 1431) ou de travaux inutilement onéreux (cf. CE 11 février 1983, Sté Entrep. Caroni, req. n° 29123, Lebon, p. 59 ; RDP 1983, p. 1420). ■ Confortation de la règle
L’article 139 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ne peut que conforter la règle traditionnelle refusant le paiement de travaux spontanés non indispensables. ■ Répétition de l’indu
Jurisprudence Un arrêt a admis que malgré, l’absence d’un ordre de service prévu au contrat, l’architecte qui a poursuivi les études au-delà de l’avantprojet sommaire en raison de l’acceptation tacite par le maître de l’ouvrage a droit à rémunération (cf. CAA Paris 6 juin 1991, Centre hospitalier départemental de Stell, req. n° 89PA02634, Lebon tables p. 1047).
Bien qu’aucun arrêt ne se soit prononcé sur la question, il nous semble que sauf dans le cas de travaux effectués malgré un ordre contraire, un paiement définitif fait par le maître de l’ouvrage n’est pas indu de sorte que le maître de l’ouvrage ne serait pas fondé à réclamer la restitution du prix de ces travaux, même en l’absence de décompte définitif. ■ Application de la responsabilité quasi-contractuelle
4 | Travaux sans ordre de services ni accord ■ Règle générale
En dehors des travaux indispensables (voir Point-clé IV.418.2), les travaux même utiles, les autres travaux supplémentaires (ou les travaux excédant la masse initiale prévue au marché en cas de travaux à prix unitaires sans décision de poursuivre)
Enfin, il convient de rappeler que la responsabilité quasicontractuelle s’applique en cas de réalisation de travaux après l’expiration des rapports contractuels (voir Point-clé IV.431.2). ■ Travaux de réparation
Bien entendu, des travaux permettant de rectifier l’erreur faite par l’entreprise ne sont jamais des travaux supplémen-
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GROUPE MONITEUR
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Mise à jour n° 88
IV.418.2
L’EXÉCUTION DES MARCHÉS PUBLICS
DMP-CPS
Rémi Rouquette
RESPONSABILITÉS
taires payables (cf. CAA 19 juillet 2011, société Baudin Châteauneuf c/ chambre de commerce et d’industrie du Havre, req. n° 10DA00561, inédit au Lebon ; CP-ACCP 113/2011 p. 23 chron. Laurent Vidal).
IV.418.2
Travaux supplémentaires indispensables
– CE 17 novembre 1967, Sté Ateliers de construction Nicou et Cie, req. n° 60938, Lebon, p. 429 ; RDP 1968, p. 401, note Waline et p. 935 ; – CE 8 juin 1973, Chirinian et Rey, req. n° 84751, Lebon, Tables, p. 1033 ; RDP 1974, p. 1185 ; – CE 26 mai 1982, Ville de Chamonix-Mont-Blanc et autres, req. n° 16488 et a., Lebon, Tables, p. 672 ; RDP 1983, p. 1420 ; – CE 31 octobre 1986, Hôpital-hospice de Vézelay, req. n° 39419, inédit au Lebon ; RDP 1987, p. 1096 et 1101 ;
Droit au paiement des travaux indispensables
– CE 14 juin 2002, Ville d’Angers, req. n° 219874, Lebon tables p. 812 ; BJCP 25/2002 p. 492 ; ACCP 14/2002 p. 11 ; JCP A 2002.1339, note Florian Linditch ; MTP 26 juillet 2002, p. 53 ; BJCP 27/2003 p. 110 concl. Emmanuelle Prada-Bordenave, note Ch. M. ;
■ Difficultés nouvelles d’interprétation
– CAA Nancy, 17 octobre 2005, commune de Still, req. n° 00NC00598, inédit au Lebon ; CP-ACCP 51/2006 p. 10 ;
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L’article 139 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics entraîne un sérieux doute sur la validité de la jurisprudence traditionnelle décrite ci-dessous, qui devra certainement évoluer. Même pour des travaux indispensables, les nouvelles règles impliquent, pour que le paiement soit licite que ces travaux indispensables puissent être considérés soient comme des prestations supplémentaires devenues nécessaires et dont l’exécution est licite, soit comme des modifications résultant de circonstances qu’un « acheteur diligent ne pouvait pas prévoir ». Certes, la plupart du temps, les travaux indispensables sont des travaux non prévus et non raisonnablement prévisibles. Mais il se peut que des travaux indispensables auraient dû être prévus par un « acheteur » diligent. Dans ce cas, à notre avis ces travaux ne peuvent pas être payés, sauf à pouvoir les analyser autrement, notamment comme une modification mineure ou non substantielle. Et pour celles des prestations qui deviennent nécessaires pour des motifs autres que des circonstances imprévisibles, la modification du contrat, donc le paiement sans accord également, ne sont possibles que si un changement de titulaire est impossible, pour des raisons techniques, une augmentation substantielle des coûts etc. ■ Principe classique
Malgré l’article 15-4 du CCAG-Travaux de 1976 ou l’article 15.4.1 de l’actuel CCAG ou des clauses analogues, voire plus sévères, stipulant que, à défaut d’ordre de poursuivre, les travaux exécutés au-delà du montant contractuel (la masse initiale dans l’ancien CCAG) ne sont pas payés, il est toujours jugé que les travaux indispensables doivent être payés, même sans ordre de service, avenant ou décision de poursuivre. Les juges du fond doivent donc rechercher si des travaux qui n’ont pas fait l’objet d’un ordre de services étaient indispensables ou non. Jurisprudence Notamment : – CE 16 février 1962, SARL Orsini-Larsatigues, Lebon, Tables, p. 1019 ; inédit sur légifrance ;
– CAA Bordeaux 4 avril 2006, entreprise Jean Lefebre, req. n° 02BX02352, inédit au Lebon ; JCP A 2006 act. 1284 ; – CE 11 mars 2009, société Dominique Housieaux, req. n° 296067 et a., Lebon tables, p. 836 ; JCP A 2009 act. 401 chron. Marie-Christine Rouault ; Contrats et marchés publics 2009 n° 156 note Frédérique Olivier ; MTP 4 septembre 2009 p. 61 et TO p. 35 ; BJCP 65/2009 p. 346 ; – CE 4 juillet 2012, commune de Quineville, req. n° 343539, inédit au Lebon ; JCP A 2012 n° 2360 obs. Florian Linditch confirmant CAA Nantes 2 juillet 2010, commune de Quineville, req. n° 10NT00090, Contrats et marchés publics 2010 n° 377 obs. François Llorens ; – CAA Nancy 27 septembre 2010, société Chanteloube, req. n° 09NC00502, inédit au Lebon ; CP-ACCP 105/2010 p. 14 chron. Laurent Vidal (dallage initialement prévu non solide).
Bibliographie Cyril Laroche, « Fiche pratique, le régime des travaux supplémentaires », MTP 28 juin 2013 p. 73.
■ Marchés à forfait
Cette règle s’applique même dans un marché à forfait (cf. CE 4 novembre 1988, Assistance publique à Paris, req. n° 42610, inédit au Lebon ; MP septembre 1988, n° 244, chr. M. Guibal ; MTP 15 février 1991, p. 57 ; RDP 1989 p. 1806 obs. François Llorens – CE 26 octobre 1988, Sté Étanco, req. n° 58253, inédit au Lebon ; Dr. adm 1988, n° 551 – CE 14 mai 1990, Assistance publique à Paris, req. n° 77842, inédit au Lebon ; MTP 15 février 1991, p. 57 – CE 14 juin 2002, Ville d’Angers, req. n° 219874, Lebon tables p. 812 ; BJCP 25/2002 p. 492 ; ACCP 14/2002 p. 11 ; JCP A 2002.1339, note Florian Linditch ; MTP 26 juillet 2002, p. 53 ; BJCP 27/2003 p. 110 concl. Emmanuelle Prada-Bordenave, note Ch. M.) et a fortiori quand les travaux auraient dû être prévus dans le marché (cf. CE 6 mars 1985, Ville de Colombes c/ M. Pottier et autres, inédit au Lebon et sur légifrance ; RDP 1985, p. 1704). Remarque Un auteur considère curieusement (cf. note FL sous CAA Marseille, Société Razel Pico sud, req. n° 07MA02828, inédit au Lebon ; Contrats et marchés publics 2009 n° 398) que le bouleversement est indispensable dans le cas du marché à forfait mais n’invoque qu’un arrêt isolé ancien et non publié au Lebon (cf. CE 28 juillet 1989, Ville
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