L’achèvement de la procédure de passation des marchés publics en huit questions

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Le décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics (2de partie)

Dossier

L’achèvement de la procédure de passation des marchés publics en huit questions Le chapitre VIII du titre III du décret du 25 mars 2016 expose les règles applicables à l’achèvement de la procédure. Sont notamment précisées les conditions permettant de déclarer sans suite une procédure ou bien celles relatives à l’information des candidats évincés. En outre, différentes dispositions relatives à la signature du marché, sa notification ou bien encore à la durée de conservation des documents contractuels sont intégrées dans ce chapitre.

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n matière d’achèvement de la procédure de passation des marchés publics, l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ainsi que le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 sont empreints d’un effort de structuration que les praticiens de la commande publique ne critiqueront pas. Le chapitre VIII du Titre III du décret intitulé « achèvement de la procédure » définit, de manière chronologique, l’ensemble des prescriptions applicables aux pouvoirs adjudicateurs depuis la fin de l’analyse des offres jusqu’au terme de la procédure de passation, et même au-delà. Si ces nouvelles dispositions n’instituent pas une rupture de fond avec celles des articles 79 à 85-1 du Code des marchés publics, plusieurs apports méritent d’être signalés.

Dans quelles conditions la procédure peut-elle être déclarée sans suite ? Aux termes de l’article 98 du décret n° 2016-360 du 27 mars 2016, « À tout moment, la procédure peut être déclarée sans suite. Dans ce cas, l’acheteur communique aux opérateurs économiques ayant participé à la procédure, dans les plus brefs délais, les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas attribuer le marché public ou de recommencer la procédure ». Xavier Bigas et Yacine Baïta Avocats à la Cour, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Références Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 98 et s.

Mots clés Déclaration sans suite • Information des candidats • Rejet des offres • Signature électronique • Avis d’attribution • Transparence • Rapport de présentation • Secret des affaires

Contrats Publics – n° 166 - juin 2016

La rédaction est quelque peu différente de celle du Code des marchés publics dont il résultait, en vertu de son article 59.IV, que « À tout moment, la procédure peut être déclarée sans suite pour des motifs d’intérêt général. Les candidats en sont informés », l’article 80.II précisant en outre que les motifs de cette décision devaient être portés à la connaissance des candidats. Mais ces différences rédactionnelles ne sont que de peu de portée. Ainsi, la possibilité de faire intervenir la déclaration sans suite à tout moment demeure(1).

(1)  Rép. min. n° 22612, 21970, 21111, 20566, JO Sénat 12 avril 2012.

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Le décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics (2de partie)

En outre, s’il n’est désormais pas expressément prévu que la déclaration sans suite doit être motivée par l’intérêt général, la portée de cette suppression doit néanmoins être considérablement nuancée. On imagine en effet mal qu’une déclaration sans suite puisse être motivée pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’acheteur public. La décision pourrait donc être motivée par l’irrégularité de la procédure. En effet, un risque d’irrégularité pesant sur la procédure peut être invoqué pour démontrer l’existence d’un motif d’intérêt général justifiant une ­déclaration sans suite(2). L’importance accordée au choix du motif est d’autant plus importante que, désormais, l’acheteur public doit communiquer aux opérateurs ayant participé à la procédure, dans les plus brefs délais, les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas attribuer le marché public ou de recommencer la procédure. L’obligation pesant sur l’acheteur public est donc plus contraignante que sous l’empire de l’ancien code qui se bornait à viser une simple information des candidats. La jurisprudence s’était néanmoins empressée d’encadrer ce pouvoir de l’acheteur public. En effet, l’absence de motivation pouvait entraîner l’irrégularité de la déclaration sans suite en ce qu’elle ne reposerait pas sur un motif d’intérêt général(3). De même, il avait déjà été jugé que, s’il procède à un contrôle restreint, le juge administratif recherche si la déclaration sans suite n’est pas fondée sur des motifs étrangers à l’intérêt général, par exemple la volonté d’écarter un candidat(4). Même s’il ne marque pas une véritable rupture avec le passé, le décret n° 2016-360 du 27 mars 2016 a le mérite d’une plus grande précision.

Dans quelles conditions les candidats évincés doivent-ils être informés du rejet de leur offre ? Tant l’ordonnance du 23 juillet 2015 que le décret du 27 mars 2016 reviennent sur ce point. Sur le plan des principes, l’article 55 de l’ordonnance dispose que « Le choix des acheteurs à l’issue de la procédure de passation est communiqué aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l’offre n’a pas été retenue ». Il est également précisé, à l’article 56(5), que « Dans des conditions fixées par voie réglementaire, les acheteurs rendent public le choix de l’offre retenue et rendent accessibles sous un format ouvert et librement réutilisable les données essentielles du marché public

(2)  CE 13 janvier 1995, CCI de la Vienne, req. n° 68117, Rec. CE p. 26. (3)  CAA Lyon 7 janvier 2010, Ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, req. n° 07LY00624.

sous réserve des dispositions de l’article 44 ». La limite de fond découle de cet article 44 relatif aux règles de confidentialité qui indique, en son premier paragraphe, que « Sans préjudice des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’accès aux documents administratifs, l’acheteur ne peut communiquer les informations confidentielles qu’il détient dans le cadre du marché public, telles que celles dont la divulgation violerait le secret en matière industrielle et commerciale ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques, notamment par la communication, en cours de consultation, du montant global ou du prix détaillé des offres » étant entendu que « l’acheteur peut demander aux opérateurs économiques de consentir à ce que certaines informations confidentielles qu’ils ont ­fournies, précisément désignées, puissent être divulguées ». Le fondement de cette obligation de communication découle donc, en droit interne, de l’ordonnance, qui doit faire coexister le secret des affaires et la nécessaire transparence des procédures. En droit communautaire, l’article 21 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 dispose que c’est « sans préjudice » des obligations d’information des candidats et des soumissionnaires évincés que « le pouvoir adjudicateur ne divulgue pas les renseignements que les opérateurs économiques lui ont communiqués à titre confidentiel, y compris, entre autres, les secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels des offres ». La rédaction de l’ordonnance diffère donc quelque peu de celle de la directive, sur ce point. Gageons qu’au contentieux, l’article 44 précité sera invoqué pour faire échec à la transmission d’éléments couverts par le secret des affaires. Cela ne posera pas de difficultés pour les documents susceptibles de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise, dont la transmission était déjà refusée(6). Un doute demeure, en contentieux précontractuel et en l’absence d’accord des opérateurs, pour l’obtention du « montant global ou du prix détaillé des offres », que l’article 44 semble réticent à accorder « en cours de consultation » sans distinguer l’offre retenue des autres. Pourrait-on considérer que la consultation est encore en cours, dès lors qu’une offre a déjà été retenue ? On peut en douter. Il y aura nécessairement débat sur la question, dès lors que le concurrent évincé voudra évidemment connaître le montant global de l’offre retenue. L’article 99 du décret du 27 mars 2016 distingue expressément les marchés à procédure adaptée des marchés à procédure formalisée. En ce qui concerne les procédures adaptées, l’article 99.I prévoit que « l’acheteur, dès qu’il décide de rejeter une candidature ou une offre, notifie à chaque candidat ou soumissionnaire concerné le rejet de sa candidature ou de son offre. Il communique aux candidats et aux

(4)  CE 18 mars 2005, Société Cyclergie, req. n° 238752. (5)  Inséré dans une section IX de l’ordonnance intitulée « Trans­ parence », ce qui est loin d’être anodin…

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(6)  Comme par exemple le BPU, voir CE 30 mars 2016, Bureau européen d’assistance hospitalière, req. n° 375529.

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