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Contrats Publics Dossier
Actualités
Modalités de publicité : entre liberté et contraintes X Quelle marge de liberté ? Les contrats et concessions sans publicité Libre définition des modalités de publicité
X Les différents types d’avis Avis de préinformation et avis périodique indicatif Formulaire d’avis de concession Avis de marché
X Contournements et violations des règles de publicité Hypothèse de la modification d’un contrat de DSP Panorama de jurisprudence
Viedes contrats
ACTUALITÉ NORMATIVE
L’open data dans les contrats de concession
N° 171 – Mensuel – 29 €
moniteurjuris.fr/contratspublics/
Éditorial
L’obligation de publicité, pour quoi faire ?
L
es obligations de publicité à laquelle la revue Contrats publics consacre ce numéro de décembre ne concernent pas seulement les marchés publics ou les contrats de concessions passés par des pouvoirs adjudicateurs mais encadrent, chaque jour un peu plus, l’ensemble des actes et des contrats par lesquels les collectivités publiques interviennent sur un marché, qu’elles agissent en qualité d’acheteur comme « d’offreur public ». Ainsi, ce n’est pas (plus) le rattachement d’un acte au droit de la commande publique (qu’il conviendrait de définir comme : « L’ensemble des règles régissant la passation et l’exécution des actes ou des contrats par lesquels un pouvoir adjudicateur commande ou confie, à titre onéreux, à un opérateur agissant sur un marché concurrentiel, la réalisation de travaux, la livraison de fournitures ou la prise en charges de services ») qui conditionne le respect de règles de publicité préalable à la passation de cet acte ou de ce contrat, mais la simple intervention d’une personne publique sur le marché. Ce constat, réalisé depuis plus de vingt années en droit de l’Union(1), conforté par l’autorité de la concurrence lorsque cette dernière a eu à s’interroger sur les modalités de délivrance de titres privatifs d’occupation du domaine public(2), vient, enfin serait-on tenté de dire(3), d’être partagé par le législateur français. La loi dite Sapin 2, adoptée dans sa version définitive (dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel) le 8 novembre 2016, introduit en effet un article 34 qui dispose : « Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi tendant à moderniser et simplifier, pour l’État et ses établissements publics : 1° Les règles d’occupation et de sous-occupation du domaine public, en vue notamment de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalable applicables à certaines autorisations d’occupation et de préciser l’étendue des droits et obligations des bénéficiaires de ces autorisa-
(1) V. en ce sens la communication de la Commission « concernant les éléments d’aide d’État contenus dans les ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics », JO n° C 209 du 10 juillet 1997, p. 3. (2) Avis n° 04-A-19 du 21 octobre 2004 « relatif à l’occupation du domaine public pour la distribution de journaux gratuits ». Principes rappelés lors de l’avis n° 10-A-04 du 22 février 2010. (3) V., en dernier lieu, M. Karpenschif et W. Salamand, « Les occupations privatives du domaine public : la longue marche vers la mise en concurrence de la délivrance des titres d’occupation domaniale », Contrats publics, n° 162, février 2016, p. 29.
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
tions ; 2° Les règles régissant les transferts de propriété réalisés par les personnes publiques, en vue notamment de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables aux opérations de cession et de faciliter et sécuriser leurs opérations immobilières ». Les arguments (arguties(4) ?) juridiques derrières lesquels se sont cachées les autorités nationales sont donc balayés au bénéfice d’un principe de réalité : l’intervention d’une personne publique sur le marché, qui n’est jamais véritablement équivalente à celle d’un opérateur privé, exige le respect de règles singulières. En effet, parce qu’elle est un acheteur public utilisant des deniers publics, parce qu’elle est un propriétaire public aliénant ou mettant à disposition des biens publics (souvent rares, si ce n’est non reproductibles), ses actions sur le marché doivent nécessairement être précédées de règles de publicité et/ou de mise en concurrence afin : de ne pas accorder d’avantages indus à certains opérateurs, de garantir une égale concurrence entre ces derniers(5), de ne pas spolier le propriétaire public, et, comme l’a récemment jugé la Cour de justice, de pas restreindre la libre prestation de services et la liberté d’établissement des opérateurs économiques dans l’Union(6) en leur interdisant l’accès aux dépendances publiques. Ces évolutions prévisibles(7), qui seront sous peu définitivement consacrées avec les ordonnances attendues courant 2017, ne visent donc pas qu’à prévenir la corruption comme pourrait le laisser penser l’intitulé même de la loi Sapin 2, mais servent, à l’instar de sa devancière adoptée en 1993 pour introduire un peu de transparence et encadrer les procédures d’attribution des délégations de service public, à stimuler la concurrence sur un marché, à garantir l’égalité de traitement des opérateurs économiques, à donner corps aux libertés économiques du traité et, in fine, à préserver les intérêts publics. Alors, vive la publicité ! Michaël Karpenschif Professeur de droit public, Université Jean Moulin, Lyon III
(4) Allant du distinguo subtil entre les pouvoirs adjudicateurs se comportant comme acheteur ou comme vendeur, en passant par l’impossibilité d’établir des critères permettant de sélectionner les candidats ou la lourdeur insupportable qu’entraînerait le respect d’une procédure de publicité et de mise en concurrence ad hoc. (5) Avis n° 04-A-19 du 21 octobre 2004 préc., spéc. pt 21. (6) V. CJUE 14 juillet 2016, aff. C-458/14. V. Ph. Proot, « La CJUE précise le régime des concessions domaniales au regard du droit de l’Union », Contrats publics, n° 169, octobre 2016, p. 70. (7) M. Karpenschif, « Les collectivités locales et la directive services : entre contraintes nouvelles et espoirs déçus », JCP A, 6 sept. 2010, n° 36, ét. n° 2256.
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Contrats Publics Actualités
Antony Parc 2 10, place du Général de Gaulle, BP 20156, 92186 Antony Cedex Tél. : 01 79 06 73 42 RÉDACTION Responsable éditorial : Richard Deau Courriel : richard.deau@infopro-digital.com Conception graphique : Catherine Lattuca Maquette : DESK Ont collaboré à ce numéro* : Laurent Ayache, Yacine Baïta, Adéyinka Bellow, Sophie Bernier, Xavier Bigas, Sébastien Bracq, Carole Collinet, Cécile Fontaine, Karine Hennette-Jaouen, Jean-Pierre Jouguelet, Michaël Karpenschif, Charlotte Michellet, Marie Perritaz, Solmaz Ranjineh, Catherine Ribot, Davy Sarre, Marion Terraux, Jean-Baptiste Vila. * Les opinions ou interprétations exprimées par les auteurs de cette revue n’engagent qu’eux-mêmes et non les organismes auxquels ils appartiennent.
DIRECTION Éditeur : Claire de Gramont Directeur éditorial : Thierry Kremer Directeur commercial : Christophe Vitiello Service commercial : Maël Gombert (73 46) et Francis Lefevre (72 69) Gestion des abonnements : Nadia Clément (72 91) Abonnements : Antony Parc 2 10, place du Général de Gaulle, BP 20156, 92186 Antony Cedex Tél. : 01 79 06 70 70 Internet : www.editionsdumoniteur.com 1 numéro : 29 € (TTC) ; 11 nos (1 an) : 269 € (TTC) ; 22 nos (2 ans) : 445 € (TTC) Fabrication : Nathalie Randon Gestion : Sabine Lejeune Couverture : Pressmaster – Fotolia.com
Contrats Publics – Actualité MoniteurJuris est éditée par Groupe Moniteur Président, directeur de la publication : Julien Elmaleh Société éditrice : GROUPE MONITEUR SAS au capital de 333 900 euros. Siège social : Antony Parc 2 10, place du Général de Gaulle - La Croix de Berny BP 20156, 92186 Antony Cedex RCS NANTERRE 403 080 823 N° SIRET : 403.080.823.00228 N° TVA intracommunautaire FR 32 403 080 823 Principal associé : Infos Services Holding. Imprimerie, brochage, routage Imprimerie de Champagne Z.I. Les Franchises 52200 Langres France. Commission paritaire : 0618T80648 ISSN 1760-2483 Mensuel. Dépôt légal à parution. IMPRIMÉ EN FRANCE
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Comité de rédaction Claudie Boiteau
Jean-Pierre Jouguelet
est professeur de droit public à l’université Paris-Dauphine et coordinatrice de la revue. Elle est l’auteur de l’ouvrage Les conventions de délégation de service public*.
est conseiller d’État.
Mireille Berbari est avocate à la Cour. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages notamment Les CCAG des marchés publics annotés et commentés*.
Nicolas Charrel est avocat à la Cour. Il est l’auteur des commentaires du Code des marchés publics *.
Guy Duguépéroux est président de section à la Chambre régionale des comptes du Centre, professeur associé à la faculté de droit de Poitiers.
Michel Guibal est professeur des facultés de droit. Il est l’auteur des commentaires et annotations du Code des marchés publics *.
Michaël Karpenschif est professeur à l’université Lyon III (Jean-Moulin).
Gilles Le Chatelier est avocat associé.
Pierre Pintat est avocat associé.
Catherine Ribot est professeure de droit public à l’université Montpellier I.
Laurent Richer est professeur de droit à l’université Paris I (Panthéon-Sorbonne) et avocat au barreau de Paris. Il est directeur scientifique de Délégation de service public *.
Patrick Sitbon est conseiller référendaire à la Cour des comptes, secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière. * Édité(s) par Les Éditions du Moniteur
La mention abrégée de la revue est Contrats publics-Le Moniteur. La revue peut être citée comme suit : Auteur(s), « Titre de l’article », Contrats publics-Le Moniteur, n°, mois et année, page(s). Cette revue comprend un encart 6 pages Éditions du Moniteur
Nous alertons nos lecteurs sur la menace que représente, pour l’avenir de l’écrit, le développement massif du « photocopillage ». Le Code de la propriété intellectuelle interdit expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est développée dans de nombreux cabinets, entreprises, administrations, organisations professionnelles et établissements d’enseignement, provoquant une baisse des achats de livres, de revues et de magazines. En tant qu’éditeur, nous vous mettons en garde pour que cessent de telles pratiques.
Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, micro-filmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Toutefois, l’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie peut être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris, tél. : 01 44 07 47 70, fax : 01 46 34 67 19.
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Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
Sommaire
Editorial ....................................................................................................................................... L’actualité de MoniteurJuris ......................................................................................................
3 6
Dossier
Veille Textes officiels Nationaux Richard Deau .............................................................................................................
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Jurisprudence Européenne Richard Deau .......................................................................................................... Conseil d’État Jean-Pierre Jouguelet ......................................................................................... Cours administratives d’appel Catherine Ribot ........................................................................ Tribunaux administratifs Catherine Ribot ................................................................................. Juridictions financières Carole Collinet .....................................................................................
8 9 14 20 21
Modalités de publicité : entre liberté et contraintes Les marchés et concessions sans publicité Sébastien Bracq et Davy Sarre ........................................................... Publicité préalable et conventions d’occupation du domaine public : la fin de la controverse ? Laurent Ayache et Charlotte Michellet ........................................................................................................................ La liberté dans la publicité des contrats publics : mise à l’épreuve Sophie Bernier............................................. Le recours à l’avis de préinformation et à l’avis périodique indicatif Karine Hennette-Jaouen et Adéyinka Bellow ............................................................................................................. Les formulaires d’avis de concession : champ d’application et contenu Solmaz Ranjineh .................................. Publicité préalable et finale dans le cadre des marchés publics et des contrats de concession Marion Terraux .............................................................................................................................................................
26 31 37 42 47
Modification du contrat de DSP et risque de contournement des règles de publicité Jean-Baptiste Vila...........
52 58
Panorama de la jurisprudence 2015-2016 en matière de violation des règles de publicité et de mise en concurrence Xavier Bigas et Yacine Baïta ...........................................................................................
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Actualité normative
L’open data dans les contrats de concession Cécile Fontaine et Marie Perritaz ...........
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Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
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L’actualité de JURISPRUDENCE
Groupement d’entreprises : qui est responsable en cas de dommages ? La CAA de Versailles rappelle « qu’en l’absence de stipulations contraires, les entreprises qui s’engagent conjointement et solidairement envers le maître de l’ouvrage à réaliser une opération de construction s’engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer les malfaçons susceptibles de rendre l’immeuble impropre à sa destination, malfaçons dont les constructeurs sont, pendant dix ans à compter de la réception des travaux, responsables à l’égard du maître de l’ouvrage sur le fondement des principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que, pour échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, une entreprise n’est fondée à soutenir qu’elle n’a pas réellement participé à la construction des lots où ont été relevées certaines malfaçons, que si une convention, à laquelle le maître de l’ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l’exécution des travaux » (CE 29 septembre 2010, req. n° 332068). En l’espèce, si la société requérante produit un document mentionnant une répartition des tâches entre celle-ci et un autre membre du groupement, ce document ne saurait suffire à démontrer l’existence d’une convention entre l’ensemble des membres du groupement, à laquelle, en outre, le maître de l’ouvrage aurait été partie, fixant la part revenant à chaque intervenant dans l’exécution des prestations objet du marché de maîtrise d’œuvre. J CAA Versailles 17 novembre 2016, req. n° 15VE00625 Responsabilité contractuelle et garantie décennale La CAA de Nancy souligne que « la fin des rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d’un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l’entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d’ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n’étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ; qu’il n’en irait autrement que dans le cas où la réception n’aurait été acquise à l’entrepreneur qu’à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; que toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l’ouvrage objet du marché, la responsabilité de l’entrepreneur envers le maître d’ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs » (cf. CE 13 novembre 2009, req. n° 306061). En l’espèce, la réception n’a pas été acquise à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives. Ainsi, la fin des rapports contractuels entre les parties fait obstacle à ce que les sociétés soient ultérieurement appelées en garantie par la communauté de communes sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour les dommages dont la commune demande réparation, alors même que ces dommages n’étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. S’agissant en second lieu de la garantie décennale, la Cour souligne que les désordres affectant le réseau d’assainissement à l’origine des dommages subis par la commune étaient aisément décelables par la communauté de communes lors des opérations de réception du réseau d’assainissement et doivent, ainsi, être regardés comme apparents. Ainsi, les désordres affectant le réseau d’assainissement ne revêtent pas un caractère décennal. J CAA Nancy 15 novembre 2016, req. n° 15NC00185 Formulation des spécifications techniques La CAA rappelle les dispositions de l’article 6 V du CMP 2006 selon lesquelles « Lorsque le pouvoir adjudicateur utilise une spécification technique formulée selon les modalités prévues au 1° du I, il ne peut pas rejeter une offre au motif qu’elle n’est pas conforme à cette spécification si le candidat prouve dans son offre, par tout moyen approprié, que les solutions qu’il propose respectent de manière équivalente cette spécification ». En l’espèce, le TA a retenu, pour annuler le marché, que l’offre de la société attributaire était irrégulière dès lors que son offre ne comprenait pas la pose de deux couches de plaques de plâtre en méconnaissance des stipulations de l’article 9.2.4.2 du CCTP du marché. Or, selon la CAA, en ne rejetant pas comme irrégulière l’offre de la société attributaire dès lors que la solution proposée de système de chape sèche flottante respectait de manière équivalente la spécification technique de l’article 9.2.4.2 du CCTP du marché, la région, qui a fait application à bon droit des dispositions susmentionnées du V de l’article 6 du CMP, n’a pas entaché de vice la procédure de passation du marché contesté. Dès lors, la région est fondée à soutenir que c’est à tort que le TA s’est fondé sur l’irrégularité de l’offre de la société attributaire au regard de l’article 9.2.4.2 du CCTP du marché pour annuler le marché contesté. J CAA Nancy 15 novembre 2016, req. n° 15NC02087
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Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
Veille Retrouvez l’intégralité de la veille sur
Textes officiels nationaux
à lire
ce mois-ci sur
Ont participé à cette veille Richard Deau Jurisprudence européenne Textes officiels nationaux Jean-Pierre Jouguelet Jurisprudence nationale Catherine Ribot Jurisprudence nationale Carole Collinet Jurisprudence nationale
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
Médiation – Code de justice administrative ......................................................................... Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
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Compétence territoriale – Actions indemnitaires ................................................................ Décret n° 2016-1480 du 2 novembre portant modification du code de justice administrative (partie réglementaire)
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Responsable ministériel des achats – Avis conforme – Seuils ............................................. Arrêté du 10 novembre 2016 (NOR : ECFZ1628736A) relatif à la mise en œuvre de l’avis conforme sur les projets de marchés publics par le responsable ministériel des achats du ministère de la justice
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Jurisprudence européenne Service public de transport de voyageurs – Sous-traitance – Limitation ............................... CJUE 27 octobre 2016, aff. C-292/15
8
Certificat – Cotisations sociales – Infraction – Exclusion d’un candidat................................. CJUE 10 novembre 2016, aff. C-199/15
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Charges d’entreprise concernant la sécurité au travail – Omission – Exclusion du soumissionnaire ........................................................................................................... CJUE 10 novembre 2016, aff. C-162/16
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Jurisprudence nationale Marché – Passation – Méthode de notation des offres – Recours au tirage au sort entre plusieurs simulations pour apprécier le critère du prix .............................................. CE 16 novembre 2016, Sté SNEF, Ville de Marseille, req. n° 401660
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Procédure contentieuse – Résiliation d’une délégation de service public – Conditions d’une mesure de suspension par le juge du référé .............................................................. CE 16 novembre 2016, Cne d’Erstein, req. n° 401321
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Procédure contentieuse – Recours contre une sentence rendue en matière d’arbitrage international – Pouvoir de mise en régie d’un marché de travaux publics ............................ CE Ass. 9 novembre 2016, Sté Fosmax LNG, req. n° 388806
11
Procédure contentieuse – Portée du secret commercial opposé devant le juge .................... CE 17 octobre 2016, Commune d’Hyères les Palmiers, req. n° 400172
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Réparation du préjudice subi à la suite de désordres .......................................................... CAA Nantes 5 octobre 2016, Commune de Loiron Ruillé, req. n° 14NT01873
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Responsabilité contractuelle du contrôleur technique ........................................................ CAA Paris 11 octobre 2016, Société Bureau Veritas, req. n° 15PA02867
17
Rémunération du maître d’œuvre pour travaux supplémentaires ........................................ CAA Marseille 17 octobre 2016, Commune de Gémenos, req. n° 15MA01987
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Veille Textes officiels nationaux
Textes officiels nationaux Ordonnances Corse – Règles de mise en concurrence – Services d’incendie et de secours Ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse (JO du 22 novembre) Le nouvel article L. 1424-83 issu de cette ordonnance prévoit que dans le respect des règles de mise en concurrence prévues par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, la collectivité de Corse peut effectuer, pour le compte et à la demande de l’un des établissements publics mentionnés à l’article L. 1424-77 (services d’incendie et de secours), l’entretien de l’ensemble de ses moyens matériels.
Lois Médiation – Code de justice administrative Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (JO du 19 novembre) Cette loi intègre au sein du livre II du Titre Ier du Code de justice administrative un chapitre entièrement consacré à la médiation. Outre les dispositions générales définissant notamment en quoi consiste la médiation, deux formes de médiations sont distinguées : celle à l’initiative des parties (CJA, art. L. 213-5 et s.) et celle à l’initiative du juge (CJA, art. L. 213-7 et s.). Dans le cadre de cette seconde hypothèse, l’article L. 213-10 précise que les décisions prises par le juge en application des articles L. 213-7 et L. 213-8 ne sont pas susceptibles de recours.
Décrets Compétence territoriale – Actions indemnitaires Décret n° 2016-1480 du 2 novembre portant modification du code de justice administrative (partie réglementaire) (JO du 4 novembre) Ce décret modifie certaines dispositions du Code de justice administrative qui concernent le contentieux de la commande publique. En vertu de l’article 6 de ce décret, le nouvel article R 312-11 du CJA précise que la compétence territoriale du tribunal administratif prévue en matière contractuelle et quasi contractuelle est aussi valable dans le domaine précontractuel. Actuellement, l’article R. 811-1 du CJA prévoit que les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort, notamment, sur toutes les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur à 10 000 euros. À compter du 1er janvier 2017, date d’entrée en vigueur de ce décret, les tribunaux administratifs ne statueront pas en premier et dernier ressort en cas d’actions indemnitaires concernant les contrats de la commande publique.
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Arrêtés Responsable ministériel des achats – Avis conforme – Seuils Arrêté du 10 novembre 2016 (NOR : ECFZ1628736A) relatif à la mise en œuvre de l'avis conforme sur les projets de marchés publics par le responsable ministériel des achats du ministère de la justice (JO du 30 novembre) L’article 8 du décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 prévoit que « dans chaque ministère, tout projet de marché public d'un montant égal ou supérieur au seuil de procédure formalisée publié au Journal officiel de la République française applicable aux autorités publiques centrales pour les fournitures et services et à un million d'euros hors taxe pour les travaux est soumis à l'avis conforme du responsable ministériel des achats, qui s'assure de sa conformité aux politiques interministérielle et ministérielle des achats Tout projet de marché public dont le montant se situe au-dessous des seuils mentionnés à l'alinéa précédent peut, à l'initiative du responsable ministériel des achats, être soumis à la procédure prévue à ce même alinéa (…) ». Un arrêté du 10 novembre 2016 a précisé le montant de ces seuils : ils sont fixés à 500 000 euros hors taxes pour les marchés publics de fournitures et services et à un million d'euros hors taxes pour les marchés publics de travaux. La durée de cet arrêté est fixée à un an à compter de la date de sa publication.
Jurisprudence européenne Cour de justice de l’Union européenne Service public de transport de voyageurs – Sous-traitance – Limitation CJUE 27 octobre 2016, aff. C-292/15
X Des pouvoirs adjudicateurs allemands (ville d’Augsburg ainsi que son district) ont publié un avis de marché portant sur la fourniture de services publics de transport de voyageurs par autobus. Selon cet avis de marché, les soumissionnaires étaient autorisés à recourir à des entreprises sous-traitantes dans une proportion maximale de 30 % de la prestation, calculée en fonction des kilomètres de réseau. Une société a saisi la chambre des marchés publics de Bavière du Sud aux fins de contester la légalité d’une telle limitation de la sous-traitance.
Dans le cadre de ce litige, la chambre des marchés publics a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE des questions préjudicielles. La juridiction de renvoi demande notamment si l’article 4 § 7 du règlement n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la fixation à 70 %, par le pouvoir adjudicateur, de la proportion de fourniture autonome par l’opérateur chargé de la gestion et de l’exécution d’un service public
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
Veille Jurisprudence nationale
de transport de voyageurs par autobus, tel que celui en cause au principal. Selon la Cour, l’article 4 précité ne s’oppose pas à ce que le pouvoir adjudicateur limite, de façon importante, la possibilité de recourir à la sous-traitance dans le cadre d’un marché. En outre, la CJUE estime que la limitation fixée par ledit avis ne dépasse pas le pouvoir d’appréciation que l’article 4 du règlement confère aux autorités compétentes. Certificat – Cotisations sociales – Infraction – Exclusion d’un candidat CJUE 10 novembre 2016, aff. C-199/15
X Une centrale d’achat italienne a lancé une procédure d’appel d’offres aux fins de l’attribution d’un marché de services de nettoyage. Parmi les candidats figure un consortium qui a mentionné, dans son offre, les coopératives prestataires dans l’hypothèse où le marché lui serait attribué. Parmi celle-ci figure Ancora Soc. Coop. arl. qui n’est pas en règle, en matière de cotisations sociales, au regard du paiement des primes d’assurance. La centrale d’achat décide donc d’exclure le consortium de la procédure d’appel d’offres. Suite à cette décision d’exclusion, le consortium saisit les juridictions administratives italiennes. Dans le cadre de ce litige, le Conseil d’État italien a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE une question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 45 de la directive 2004/18/CE. Plus précisément, la Cour doit déterminer si cet article 45 s’oppose à ce qu’une réglementation nationale prévoit l’exclusion d’un candidat ayant commis l’infraction précitée même si elle n’existait plus à la date de l’adjudication ou du contrôle d’office par le pouvoir adjudicateur.
En s’appuyant notamment sur la jurisprudence qui a précisé que le pouvoir adjudicateur ne peut admettre des rectifications quelconques à des omissions qui, selon les dispositions expresses des documents du marché, doivent conduire à l’exclusion du soumissionnaire (cf. CJUE 6 novembre 2014, aff. C-42/13), la CJUE estime que l’article 45 de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui oblige le pouvoir adjudicateur à considérer comme étant un motif d’exclusion l’infraction en matière de versement de cotisations de sécurité sociale, constatée dans un certificat demandé d’office par le pouvoir adjudicateur et délivré par les organismes de sécurité sociale, lorsque cette infraction existait à la date de la participation à un appel d’offres, même si elle n’existait plus à la date de l’adjudication ou du contrôle d’office par le pouvoir adjudicateur. Charges d’entreprise concernant la sécurité au travail – Omission – Exclusion du soumissionnaire
dite « SOA », inscrites dans certaines catégories. Des entreprises évincées forment un recours devant les juridictions nationales en vue de l’annulation de la décision d’attribution du marché ainsi qu’à la réparation de leur préjudice. À l’occasion de ce litige, le tribunal administratif régional du Molise sursoit à statuer et pose une question préjudicielle à la CJUE concernant l’interprétation des principes d’égalité de traitement et d’obligation de transparence. La CJUE doit déterminer si le fait qu’une réglementation nationale permette d’exclure un soumissionnaire qui n’aurait pas mentionné, dans les offres économiques d’une procédure de passation de marchés publics de travaux, des coûts internes de sécurité au sein de l’entreprise, est contraire ou non aux principes communautaires précités.
La CJUE souligne notamment, en s’appuyant sur l’arrêt Pizzo (CJUE 2 juin 2016, aff. C-27/15) que dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, une condition de participation à la procédure de passation du marché, sous peine d’exclusion de cette dernière, n’est pas expressément prévue par les documents du marché et où cette condition ne peut être identifiée que par une interprétation jurisprudentielle du droit national, le pouvoir adjudicateur peut accorder au soumissionnaire exclu un délai suffisant pour régulariser son omission. Ainsi, selon la Cour, le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence, tels que mis en œuvre par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’exclusion d’un soumissionnaire de la procédure de passation d’un marché public à la suite du non-respect par celui-ci de l’obligation d’indiquer de façon distincte dans l’offre les charges d’entreprise concernant la sécurité au travail – dont le non-respect est sanctionné par l’exclusion de la procédure – qui résulte non pas expressément des documents de marché ou de la réglementation nationale, mais d’une interprétation de cette réglementation et du comblement des lacunes présentées par lesdits documents, par la juridiction nationale statuant en dernier ressort. Les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité doivent également être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas au fait d’accorder à un tel soumissionnaire la possibilité de remédier à la situation et de satisfaire à ladite obligation dans un délai fixé par le pouvoir adjudicateur.
Jurisprudence nationale Conseil d’État Marché – Passation – Méthode de notation des offres – Recours au tirage au sort entre plusieurs simulations pour apprécier le critère du prix CE 16 novembre 2016, Sté SNEF, Ville de Marseille, req. n° 401660
CJUE 10 novembre 2016, aff. C-162/16
X Une commune italienne a lancé une procédure d’appel d’offre ouverte en vue de l’attribution d’un marché public de travaux. Le cahier des charges de ce marché prévoit que peuvent participer à cette procédure les entreprises détenant la qualification
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
X La ville de Marseille a lancé une procédure formalisée d’appel d’offres ouvert pour l’attribution d’un marché de travaux ayant pour objet l’exploitation et le maintien de ses installations d’éclairage public. Ce marché unique englobait divers types de travaux et prestations répartis selon quatre postes distincts, exploitation,
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entretien, études et maintien des installations d’éclairage. Le juge du référé précontractuel du tribunal administratif a annulé l’ensemble de la procédure de passation de ce marché, ainsi que la décision de la ville attribuant le marché à la société SNEF. La société et la ville de Marseille se sont pourvues en cassation contre cette ordonnance.
Le règlement de la consultation prévoyait que la note attribuée aux candidats sur le critère du prix reposait sur six prix correspondant aux quatre postes de prestations prévus au marché ; qu’en vertu de l’article 6.2 du règlement pour deux des postes de prestations, la note attribuée aux candidats selon le critère du prix était fondée sur l’application au bordereau des prix unitaires (BPU) fourni par les candidats d’un « Détail Quantitatif Estimatif (DQE), dit “chantier masqué”, non publié et non communiqué aux candidats. (…) Ces DQE “chantiers masqués” comportent des articles et des prestations du Bordereau des Prix Unitaires (BPU) affectés de quantités (…). À partir du BPU complété par lui, chaque candidat verra ses chantiers masqués reconstitués par l’Administration (…). Par contre l’Administration retiendra pour la notation du prix qu’un seul DQE “chantiers masqués” qui demeurera sous pli cacheté jusqu’à l’ouverture des plis. Ce dernier sera tiré au sort au moment de l’ouverture des plis par le Représentant Légal du Pouvoir Adjudicateur ou la personne ayant reçu le pouvoir de le représenter, parmi les deux DQE “chantiers masqués” préparés qui lui ont été remis sous pli cacheté conformément aux dispositions précédentes. Le pli non tiré au sort par le Pouvoir Adjudicateur le jour de l’ouverture des plis est conservé cacheté par l’Administration ». Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. En effectuant, pour évaluer le montant des offres qui lui sont présentées, une « simulation » consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats par le nombre d’interventions envisagées, un pouvoir adjudicateur n’a pas recours à un sous-critère, mais à une simple méthode de notation des offres destinée à les évaluer au regard du critère du prix. Il n’est donc pas tenu d’informer les candidats, dans les documents de la consultation, qu’il aura recours à une telle méthode. Il ne manque pas non plus à ses obligations de mise en concurrence en élaborant plusieurs commandes fictives et en tirant au sort, avant l’ouverture des plis, celle à partir de laquelle le critère du prix sera évalué, à la triple condition que les simulations correspondent toutes à l’objet du marché, que le choix du contenu de la simulation n’ait pas pour effet d’en privilégier un aspect particulier de telle sorte que le critère du prix s’en trouverait dénaturé et que le montant des offres proposées par chaque candidat soit reconstitué en recourant à la même simulation. En censurant le recours à une telle méthode de notation du critère du prix au seul motif que l’introduction du hasard dans la procédure de désignation du bénéficiaire du marché en litige, sous la forme de l’application des stipulations citées ci-dessus, avait nécessairement privé de leur portée les critères de sélection ou neutralisé leur pondération et induit, de ce fait, que la meilleure note ne soit pas nécessairement attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble
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des critères pondérés que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie, dès lors que le choix de l’attributaire ne résulte pas de l’analyse conduite par le pouvoir adjudicateur mais des résultats d’un tirage au sort aléatoire, le juge des référés a entaché son ordonnance d’erreur de droit. Procédure contentieuse – Résiliation d’une délégation de service public – Conditions d’une mesure de suspension par le juge du référé CE 16 novembre 2016, Cne d’Erstein, req. n° 401321
X La commune d’Erstein a confié à la société Opale Dmcc, par une convention de délégation de service public l’exploitation du camping municipal « Wagelrott », auparavant géré en régie par la commune. Par la délibération du 2 mai 2016, le conseil municipal de la commune a décidé de résilier pour faute cette convention avec effet au 15 juin 2016. La commune s’est pourvue en cassation contre l’ordonnance du 23 juin 2016 par laquelle le juge des référés du TA a fait droit aux conclusions de la société tendant à la suspension de l’exécution de la délibération litigieuse et a ordonné à la commune de reprendre les relations contractuelles avec cette société à titre provisoire.
Il incombe au juge des référés saisi, sur le fondement de l’article L. 521-1 du CJA, de conclusions tendant à la suspension d’une mesure de résiliation, après avoir vérifié que l’exécution du contrat n’est pas devenue sans objet, de prendre en compte, pour apprécier la condition d’urgence, d’une part, les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment à la situation financière de ce dernier ou à l’exercice même de son activité, d’autre part, l’intérêt général ou l’intérêt de tiers, notamment du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse, qui peut s’attacher à l’exécution immédiate de la mesure de résiliation. Le juge des référés a estimé qu’en faisant valoir la perte de revenus qui résulterait pour elle de la décision de résiliation contestée, la société requérante avait suffisamment justifié de la condition d’urgence. En se limitant à la prise en compte de ce seul élément pour caractériser l’atteinte grave et immédiate portée à ses intérêts par la résiliation de la convention, sans le rapporter aux autres données permettant d’évaluer sa situation financière et la menace pesant sur sa pérennité, notamment à son chiffre d’affaires global, alors d’ailleurs qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu’elle exploitait d’autres campings, il a entaché son ordonnance d’erreur de droit. Par suite, la commune d’Erstein est fondée à en demander l’annulation. D’une part, indépendamment de la condition d’urgence, il incombe au juge des référés, pour déterminer si un moyen est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la validité de la mesure de résiliation litigieuse, d’apprécier si, en l’état de l’instruction, les vices invoqués paraissent d’une gravité suffisante pour conduire à la reprise à titre provisoire des relations contractuelles et
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non à la seule indemnisation du préjudice résultant, pour le requérant, de la résiliation. D’autre part, pour déterminer s’il y a lieu de faire droit à la demande de reprise à titre provisoire des relations contractuelles, il incombe au juge d’apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu’aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n’est pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation. Si tel est le cas, il doit, quels que soient les vices dont la mesure de résiliation est, le cas échéant, entachée, rejeter les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles. La commune d’Erstein a résilié pour faute la convention de délégation de service public qu’elle a conclue avec la société Opale Dmcc aux motifs que la société délégataire n’avait pas réalisé les investissements contractuellement prévus, que de nombreuses plaintes d’usagers du camping avaient été déposées quant aux conditions d’accueil et au comportement de son gérant et que la société avait omis de collecter la taxe de séjour, refusé de pratiquer les tarifs validés par la commune et failli à sa mission en matière de sécurité, d’entretien et de nettoyage du camping. Compte tenu notamment des attestations d’usagers, corroborées par les services de l’État et du département, produites par la commune, la matérialité d’une partie des faits reprochés à la société n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, sérieusement contestable. Ainsi, si la société soutient que les fautes commises n’auraient pas atteint un degré de gravité tel qu’il justifiât une résiliation aux torts exclusifs de celle-ci, une reprise des relations contractuelles à titre provisoire serait, en tout état de cause, dans les circonstances de l’espèce, de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l’existence d’une situation d’urgence, que la demande de la société Opale Dmcc doit être rejetée. Procédure contentieuse – Recours contre une sentence rendue en matière d’arbitrage international – Compétence et contrôle du juge administratif lorsque le contrat relève d’un régime administratif d’ordre public – Règles d’ordre public. Pouvoir de mise en régie d’un marché de travaux publics (oui). Modalités d’indemnisation du cocontractant d’un contrat de la commande publique (non) CE Ass. 9 novembre 2016, Sté Fosmax LNG, req. n° 388806 X Gaz de France, alors établissement public industriel et commercial, a lancé une consultation en vue de l’attribution d’un contrat ayant pour objet la construction d’un terminal méthanier, ouvrage comprenant principalement des installations de déchargement des navires méthaniers, des réservoirs de stockage et des unités de regazéification. Le contrat a été attribué le 17 mai 2004 au groupement momentané d’entreprises solidaires STS, composé des sociétés Sofregaz, devenue TCM FR, SN Technigaz et Saipem. Par un avenant du 17 juin 2005, Gaz de France, devenu société anonyme, a cédé le contrat, avec effet rétroactif à sa date
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de signature, à sa filiale, la Société du terminal méthanier de Fos Cavaou, laquelle a ensuite pris le nom de Fosmax LNG. Par avenant du 23 janvier 2008, les droits et obligations de la société SN Technigaz ont été transférés à la société Saipemet la société de droit italien Tecnimont est entrée dans le groupement. Par un nouvel avenant conclu le 11 juillet 2011, les parties au contrat y ont inséré une clause compromissoire prévoyant que tout différend relatif au contrat serait tranché définitivement suivant le règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale par trois arbitres nommés conformément à ce règlement. Un différend étant né entre les parties, la société Fosmax LNG a mis en œuvre la procédure d’arbitrage, sous l’égide de la Chambre de commerce internationale, afin d’obtenir réparation du préjudice résultant pour elle du retard et des malfaçons dans la livraison du terminal méthanier. Le groupement STS a formé de son côté des conclusions reconventionnelles tendant au remboursement de l’intégralité des surcoûts supportés par lui pour la réalisation du terminal. Aux termes d’une sentence rendue le 13 février 2015, le tribunal arbitral constitué sous l’égide de la Chambre de commerce internationale a jugé que le groupement STS devrait payer la somme de 68 805 345 euros à la société Fosmax LNG et que celle-ci devrait payer au groupement la somme de 128 162 021 euros et rejeté le surplus des demandes. Le 18 mars 2015, la société Fosmax LNG a saisi le Conseil d’État d’un recours tendant à l’annulation de la sentence arbitrale. Par décision du 3 décembre 2015, le Conseil d’État, statuant au contentieux a saisi le Tribunal des conflits de la question de compétence en application de l’article 35 du décret du 27 février 2015. Celui-ci, par une décision du 11 avril 2016, a jugé que le recours en annulation formé contre la sentence arbitrale ressortissait à la compétence de la juridiction administrative.
Sur l’étendue du contrôle du Conseil d’État sur les sentences rendues en matière d’arbitrage international : Le recours dirigé contre une sentence arbitrale rendue en France dans un litige né de l’exécution ou de la rupture d’un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français mais mettant en jeu les intérêts du commerce international, ressortit, lorsque le contrat relève d’un régime administratif d’ordre public et que le recours implique, par suite, un contrôle de la conformité de la sentence arbitrale aux règles impératives du droit public français relatives à l’occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique, à la compétence de la juridiction administrative. Il en va ainsi y compris pour les sentences rendues, sur le fondement de l’article 90 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, en vue du règlement de litiges relatifs à l’exécution des marchés de partenariat mettant en jeu les intérêts du commerce international, dès lors que le renvoi que cet article comporte aux dispositions du livre IV du Code de procédure civile ne saurait s’entendre, s’agissant de dispositions réglementaires, comme emportant dérogation aux principes régissant la répartition des compétences entre les ordres de juridiction en ce qui concerne les voies de recours contre une sentence arbitrale. Au sein de la juridiction administrative, le Conseil d’État est compétent pour connaître des recours dirigés contre une telle sentence arbitrale, en application de l’article L. 321-2 du CJA. Lorsqu’il est saisi d’un tel recours, il appartient au Conseil d’État de s’assurer, le cas échéant d’office, de la licéité
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de la convention d’arbitrage, qu’il s’agisse d’une clause compromissoire ou d’un compromis. Que ne peuvent en outre être utilement soulevés devant lui que des moyens tirés, d’une part, de ce que la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières et, d’autre part, de ce qu’elle est contraire à l’ordre public. Que s’agissant de la régularité de la procédure, en l’absence de règles procédurales applicables aux instances arbitrales relevant de la compétence de la juridiction administrative, une sentence arbitrale ne peut être regardée comme rendue dans des conditions irrégulières que si le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent, s’il a été irrégulièrement composé, notamment au regard des principes d’indépendance et d’impartialité, s’il n’a pas statué conformément à la mission qui lui avait été confiée, s’il a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ou s’il n’a pas motivé sa sentence. Que s’agissant du contrôle sur le fond, une sentence arbitrale est contraire à l’ordre public lorsqu’elle fait application d’un contrat dont l’objet est illicite ou entaché d’un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, lorsqu’elle méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger, telles que notamment l’interdiction de consentir des libéralités, d’aliéner le domaine public ou de renoncer aux prérogatives dont ces personnes disposent dans l’intérêt général au cours de l’exécution du contrat, ou lorsqu’elle méconnaît les règles d’ordre public du droit de l’Union européenne. À l’issue de ce contrôle, le Conseil d’État, s’il constate l’illégalité du recours à l’arbitrage, notamment du fait de la méconnaissance du principe de l’interdiction pour les personnes publiques de recourir à l’arbitrage sauf dérogation prévue par des dispositions législatives expresses ou, le cas échéant, des stipulations de conventions internationales régulièrement incorporées dans l’ordre juridique interne, prononce l’annulation de la sentence arbitrale et décide soit de renvoyer le litige au TA compétent pour en connaître, soit d’évoquer l’affaire et de statuer lui-même sur les réclamations présentées devant le collège arbitral. S’il constate que le litige est arbitrable, il peut rejeter le recours dirigé contre la sentence arbitrale ou annuler, totalement ou partiellement, celle-ci. Il ne peut ensuite régler lui-même l’affaire au fond que si la convention d’arbitrage l’a prévu ou s’il est invité à le faire par les deux parties. À défaut de stipulation en ce sens ou d’accord des parties sur ce point, il revient à celles-ci de déterminer si elles entendent de nouveau porter leur litige contractuel devant un tribunal arbitral, à moins qu’elles ne décident conjointement de saisir le TA compétent. Enfin, l’exécution forcée d’une sentence arbitrale ne saurait être autorisée si elle est contraire à l’ordre public. Par suite, un contrôle analogue à celui décrit ci-dessus doit être exercé par le juge administratif lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à l’exequatur d’une sentence arbitrale rendue dans un litige né de l’exécution d’un contrat administratif entre une personne morale de droit public français et une personne de droit étranger, mettant en jeu les intérêts du commerce international et soumis à un régime administratif d’ordre public, qu’elle ait été rendue en France ou à l’étranger.
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Sur la sentence arbitrale en cause : En ce qui concerne les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure : En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la sentence a examiné les moyens opérants soulevés devant le tribunal par la société Fosmax LNG pour établir le caractère administratif du contrat. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la sentence arbitrale doit être écarté. En deuxième lieu, l’avenant n° 6 conclu le 11 juillet 2011 qui a introduit la clause compromissoire dans le contrat stipulait, à son article 2, que « L’arbitrage sera conduit en langue française, le lieu de l’arbitrage sera Paris (France) et le droit applicable au fond du litige sera le droit français, y compris le cas échéant les dispositions du droit administratif français » et, à son article 4, que « Les Parties sont en désaccord sur la question de l’application du droit administratif au contrat. Il est précisé que le choix de l’arbitrage est sans influence sur la solution de cette question et que le tribunal devra décider de l’application ou de la non application du droit administratif au contrat en fonction des critères fixés par la loi et la jurisprudence des tribunaux français. Le tribunal arbitral aura pour mission de déterminer si le droit administratif est applicable en faisant une stricte application de ces critères… ». Si le tribunal arbitral a conclu que le contrat devait être qualifié de « contrat d’entreprise de droit privé au sens du droit français applicable » alors qu’il résulte de la décision rendue par le Tribunal des conflits le 11 avril 2016 que le contrat litigieux est un contrat de droit public, cette circonstance ne saurait conduire à considérer que le tribunal arbitral ne s’est pas conformé à sa mission telle qu’elle avait été définie par les parties. Enfin, le groupement STS demandait dans ses écritures devant le tribunal arbitral une indemnisation de 165 407 813 euros au titre d’un bouleversement économique du contrat résultant de divers évènements survenus après la conclusion de l’avenant n° 5 en date du 24 janvier 2008. Il invoquait à l’appui de sa demande non seulement la signature d’avenants ayant augmenté le volume des travaux et par voie de conséquence le prix, mais également l’immixtion de la société Fosmax LNG dans l’exécution du contrat. Contrairement à ce qui est soutenu, la sentence n’a pas, en ce qu’elle relève que les interventions répétées de la société Fosmax LNG dans le cours de l’exécution du contrat ont créé un bouleversement économique du contrat de nature à remettre en cause le prix forfaitaire, fondé l’indemnisation du préjudice sur un fondement juridique non débattu entre les parties. Le tribunal arbitral n’avait pas à recueillir les observations des parties sur le raisonnement qu’il entendait déduire des éléments de fait et de droit dont les parties ont débattu. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu’être écarté. En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de règles d’ordre public : En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le contrôle du juge administratif sur une sentence arbitrale doit porter non sur la qualification que les arbitres
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ont donnée de la convention liant les parties, mais sur la solution donnée au litige, l’annulation n’étant encourue que dans la mesure où cette solution méconnaît une règle d’ordre public. S’il résulte de la décision rendue par le Tribunal des conflits le 11 avril 2016 que le contrat en cause était un contrat administratif et si, par suite, c’est à tort que les arbitres, chargés de déterminer le droit applicable au contrat, ont estimé que le litige était régi par le droit privé, la censure de la sentence par le Conseil d’État ne saurait être encourue que dans la mesure où cette erreur de qualification aurait conduit les arbitres à écarter ou à méconnaître une règle d’ordre public applicable aux contrats administratifs. En deuxième lieu, il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que le maître d’ouvrage de travaux publics qui a vainement mis en demeure son cocontractant d’exécuter les prestations qu’il s’est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, dispose de la faculté de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce ou par lui-même. La mise en régie, destinée à surmonter l’inertie, les manquements ou la mauvaise foi du cocontractant lorsqu’ils entravent l’exécution d’un marché de travaux publics, peut être prononcée même en l’absence de toute stipulation du contrat le prévoyant expressément, en raison de l’intérêt général qui s’attache à l’achèvement d’un ouvrage public. La mise en œuvre de cette mesure coercitive, qui revêt un caractère provisoire, qui peut porter sur une partie seulement des prestations objet du contrat et qui n’a pas pour effet de rompre le lien contractuel existant entre le maître d’ouvrage et son cocontractant, ne saurait être subordonnée à une résiliation préalable du contrat par le maître d’ouvrage. La règle selon laquelle, même dans le silence du contrat, le maître d’ouvrage peut toujours faire procéder aux travaux publics objet du contrat aux frais et risques de son cocontractant revêt le caractère d’une règle d’ordre public. Par suite, les personnes publiques ne peuvent légalement y renoncer. Le contrat en cause dans le présent litige portait sur la réalisation d’un terminal méthanier destiné à Gaz de France. Ce nouveau terminal devait permettre d’assurer la sécurité d’approvisionnement et la continuité de la fourniture du gaz, conformément aux obligations de service public assignées à Gaz de France. Eu égard à l’objet de ce marché, qui portait sur la réalisation de travaux publics, la société Fosmax LNG est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal arbitral, s’arrêtant à la constatation que les stipulations des articles 34.2.1 et 34.2.3 du contrat litigieux subordonnaient l’exercice de cette prérogative à la résiliation préalable du contrat et estimant qu’en ne procédant pas à la résiliation du contrat avant de prononcer la mise en régie des travaux, la société avait violé la loi du contrat, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du groupement STS au paiement de l’intégralité du coût des travaux que la société a fait exécuter par des tiers aux frais et risques de celui-ci. Enfin, la sentence arbitrale a mis à la charge de la société Fosmax LNG divers surcoûts occasionnés par le comportement du maître d’ouvrage dans la conduite du contrat, dont elle a estimé qu’il avait provoqué un bouleversement économique du contrat. S’il est soutenu que le tribunal
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arbitral a, en accueillant l’essentiel des demandes reconventionnelles du groupement STS au motif que le contrat de construction avait connu un bouleversement économique rendant caduc le prix forfaitaire convenu dans le contrat, méconnu les règles impératives du droit de la commande publique relatives aux conditions dans lesquelles un prix forfaitaire convenu dans un marché public peut être remis en cause, les modalités d’indemnisation du cocontractant d’un contrat de la commande publique conclu à prix forfaitaire en cas de survenance de difficultés d’exécution ne revêtent pas par elles-mêmes le caractère d’une règle d’ordre public. En mettant à la charge de la société Fosmax LNG les surcoûts résultant du comportement de la société maître d’ouvrage durant le chantier, dont les interventions ont conduit à des travaux supplémentaires importants, et de l’arrêt du chantier pendant plus de trois mois à la suite de l’annulation par le TA de Marseille, le 29 juin 2009, de l’arrêté préfectoral du 15 décembre 2003 autorisant l’exploitation du terminal méthanier, le tribunal arbitral n’a pas méconnu de règle d’ordre public. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fosmax LNG est fondée à demander l’annulation de la sentence attaquée en tant seulement qu’elle a rejeté sa demande tendant au paiement par le groupement STS d’une somme de 36 359 758 euros au titre du remboursement du coût des travaux exécutés aux frais et risques du groupement. Ses conclusions tendant à l’annulation de cette sentence en tant qu’elle l’a condamnée à payer à celui-ci une somme de 87 947 425 euros au titre du bouleversement de l’économie du contrat doivent en revanche être rejetées. Il appartient le cas échéant à la société Fosmax LNG de saisir de nouveau, dans la limite de l’annulation prononcée par la présente décision, un tribunal arbitral, à moins que les parties ne décident conjointement de saisir le tribunal administratif compétent de leur litige contractuel. Procédure contentieuse – Portée du secret commercial opposé devant le juge CE 17 octobre 2016, Commune d’Hyères les Palmiers, req. n° 400172 Il appartient au juge du référé précontractuel, lorsque est invoqué devant lui le secret commercial et industriel, et s’il l’estime indispensable pour forger sa conviction sur les points en litige, d’inviter la partie qui s’en prévaut à lui procurer tous les éclaircissements nécessaires sur la nature des pièces écartées et sur les raisons de leur exclusion. Il lui revient, si ce secret lui est opposé à tort, d’enjoindre à la collectivité de produire les pièces en cause et de tirer les conséquences, le cas échéant, de son abstention. Pour annuler partiellement la procédure litigieuse, le juge du référé précontractuel a accueilli le moyen tiré de ce que la commission de délégation de service public aurait dû écarter la candidature de la société Le Petit Bain, au motif que celle-ci ne justifiait pas des garanties professionnelles et financières requises, en se bornant à relever que les mentions chiffrées afférentes à ces garanties, figurant dans les documents relatifs à l’analyse de la candidature de la société qui lui avaient été transmis par la commune, avaient été occultées, alors, selon lui, qu’elles ne relevaient pas du secret commercial ou indus-
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triel. Toutefois, la seule circonstance que la commune ait cru devoir, devant le juge, occulter des éléments chiffrés portant sur la société attributaire, afin d’éviter qu’ils ne soient versés aux débats dans le cadre de la procédure contradictoire et qu’il soit ainsi porté atteinte au secret des affaires, ne pouvait, à supposer même que l’analyse de la collectivité ait été erronée quant à l’applicabilité de ce secret en l’espèce, être regardée comme établissant, par elle-même, le caractère insuffisant des garanties offertes par la société. Les requérantes sont, par suite, fondées à soutenir que le premier motif de l’ordonnance attaquée est entaché d’erreur de droit.
Jurisprudence nationale Cours administratives d'appel Renonciation à la cession d’un contrat Signature d’un avenant ayant pour objet le changement de titulaire du marché – Refus de la personne publique de prendre acte de la renonciation CAA Marseille 3 octobre 2016, Société Ordiges France, req. n° 15MA02425
X La communauté urbaine Nice Côte d’Azur, aux droits de laquelle est venue la métropole Nice Côte d’Azur, a confié à la société Trace Solutions un marché, portant sur l’acquisition d’un logiciel de gestion de marchés publics. La société Trace Solutions a cédé à la société Ordiges France sa clientèle liée à son activité de prestations de services informatiques et de distribution de logiciels et le bénéfice et la charge de ses contrats et marchés en cours, dont celui conclu avec la communauté urbaine Nice Côte d’Azur. La métropole ayant refusé de prendre acte de sa renonciation au bénéfice de ce marché, la société Ordiges France a sollicité du TA de Nice l’annulation de cette décision ainsi que de l’avenant n° 1 à ce marché et a également sollicité du tribunal qu’il enjoigne à la métropole de tirer toutes les conséquences de la nullité de l’avenant n° 1. La société Ordiges France relève appel du jugement par lequel le TA de Nice a rejeté ses demandes.
À la suite de la cession à son profit du fonds de commerce de la société Trace Solutions, la société Ordiges France a signé un projet d’avenant n° 1 au marché conclu initialement entre la société Trace Solutions et la communauté urbaine Nice Côte d’Azur ayant pour objet le changement de titulaire du marché. Ayant toutefois eu connaissance, lors d’une réunion organisée en vue de la reprise du marché, du montant des pénalités déjà décomptées à l’encontre de la société Trace Solutions, la société Ordiges a indiqué à la métropole renoncer au transfert de ce marché dès lors qu’elle ne souhaitait pas assumer les conséquences financières des difficultés d’exécution du marché en cause dont l’entière responsabilité incombait selon elle à la société Trace Solutions. La métropole a refusé de prendre acte de la renonciation de la société Ordiges au bénéfice du transfert du marché en cause. Cette décision étant susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, la société Ordiges France est, dès lors, fondée à soutenir que sa demande tendant à l’annulation de cette décision lui refusant le bénéfice de la renonciation au marché
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qu’elle sollicitait est recevable. Considérant que c’est donc à tort que le TA de Nice a rejeté ses conclusions dirigées contre cette décision comme irrecevables, la Cour évoque l’affaire. Le projet d’avenant au marché avait pour objet la reprise pure et simple par la société Ordiges de l’intégralité des droits et obligations liés au marché initial pour l’acquisition d’un logiciel de gestion des marchés publics, dont était titulaire la société Trace Solutions sans remise en cause des éléments de ce contrat, tels que la durée, le prix, la nature des prestations. Le changement de titulaire du marché ne s’accompagnant en l’espèce d’aucune modification dans les caractéristiques essentielles du marché initial, la métropole n’avait pas à procéder à la conclusion d’un nouveau marché soumis aux procédures de publicité et de mise en concurrence préalables prévues par le Code des marchés publics. La reprise de l’activité de la société Trace Solutions par la société Ordiges n’a pas eu par elle-même pour effet de lui transférer le marché dont était titulaire la société Trace Solutions. La société Ordiges a signé un projet d’avenant portant transfert du marché à son profit mais elle avait rétracté sa signature lorsque le représentant légal de la métropole a lui-même signé ce projet d’avenant. Il doit donc être regardé comme n’ayant jamais été formé. En conséquence, la métropole ne pouvant légalement refuser de prendre acte de la renonciation de la société Ordiges au transfert du contrat, sa décision est annulée, et les conclusions tendant à l’annulation de l’avenant de transfert, lequel n’a jamais été formé, sont sans objet et ne peuvent qu’être rejetées. À NOTER La cession d’un marché ne peut avoir lieu qu’avec l’assentiment préalable et exprès des parties. L’une des parties peut renoncer au transfert du contrat.
Paiement de travaux supplémentaires Projet de décompte final – Intérêts moratoires – Intérêts capitalisés CAA Marseille 3 octobre 2016, Société Sogev, req. n° 15MA01607
X Dans le cadre de la réalisation de cinq courts de tennis et d’un club house, la commune de Gardanne a conclu avec la société Sogev un marché à prix global et forfaitaire portant sur la réalisation du lot n° 1 « terrassements ». La société Sogev relève appel du jugement par lequel le TA de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser le paiement de travaux supplémentaires.
La société Sogev a adressé au maître d’œuvre un projet de décompte final intégrant les travaux supplémentaires dont elle demandait le paiement. Le maître d’œuvre a refusé de prendre en compte le coût de ces travaux et a demandé à l’entrepreneur d’établir un nouveau projet de décompte final. La société Sogev a indiqué au maître d’œuvre qu’elle refusait de modifier le projet de décompte
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
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et a joint à son courrier un mémoire en réclamation motivé et chiffré aux fins de transmission à la personne responsable du marché. La commune de Gardanne n’a notifié aucun décompte général à la société Sogev (article 13.44 du CCAG travaux applicable au présent litige). Elle ne peut donc utilement se prévaloir des stipulations de l’article 50.22 du CCAG et la fin de non-recevoir opposée en première instance et tirée du non-respect de la procédure fixée par ces stipulations doit être écartée. Le titulaire d’un marché à prix forfaitaire a droit au paiement des travaux supplémentaires qui, bien qu’ils aient été réalisés sans ordre de service du maître d’ouvrage, ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage selon les règles de l’art. Lors de la réunion de chantier du 25 octobre 2007, le maître d’œuvre a demandé à la société Sogev, suite aux instructions d’Electricité de France, de réaliser certains travaux indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art. La société Sogev a supporté un surcoût de 757,60 euros HT du fait de la pose de ce fourreau d’un diamètre supérieur à celui initialement prévu. La société requérante soutient avoir dû procéder à une extension du raccordement au réseau d’évacuation des eaux usées, le raccordement contractuellement imposé ne permettant pas, selon elle, d’effectuer des travaux conformes aux règles de l’art. La Cour refuse que ces travaux puissent être indemnisés du fait du défaut de justifications apportées par la Société alors même qu’elle n’avait pas signalé cela avant la signature du marché (article 6 du CCTP). Les juges rejettent la demande d’indemnisation du coût supplémentaire généré par la réalisation d’essai de portance par court de tennis car la société Sogev ne justifie pas que le maître d’œuvre aurait finalement exigé qu’elle effectue un nombre d’essais supérieur à celui contractuellement prévu et n’établit pas non plus que la réalisation d’essais supplémentaires était indispensable à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art. L’existence du lien contractuel unissant la société Sogev à la commune à la date de réalisation des travaux supplémentaires en litige fait obstacle à ce qu’elle présente une demande indemnitaire sur le fondement de la responsabilité de la commune de Gardanne pour enrichissement sans cause. Pour calculer les intérêts moratoires dus par la commune, la Cour vérifie à quelle date devait être envoyé, par la société au maître d’œuvre, le projet de décompte final, devait être notifié le décompte général, devait intervenir le paiement du solde. Elle en déduit la date à partir de laquelle les intérêts moratoires doivent être à comptés. Les juges font droit à la demande de capitalisation des intérêts de la société Sogev à la date à laquelle la société a demandé pour la première fois la capitalisation des intérêts, ils étaient dus depuis plus d’une année entière. En effet, la demande de capitalisation des intérêts peut être introduite à tout moment devant le juge du fond et prend effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée, si à cette date il s’agit d’intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s’accomplit à nouveau à l’expiration de chaque échéance annuelle
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ultérieure sans qu’il soit besoin de formuler une nouvelle demande. À NOTER Les juges du fond apprécient de manière détaillée le respect de la procédure conduisant à l’établissement du décompte général et les travaux supplémentaires dont elle peut demander le remboursement. Éventuellement, ils se prononcent ensuite sur la reconnaissance d’intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts.
Réparation du préjudice subi à la suite de désordres Effets de la réception sans réserve – Responsabilité contractuelle du maître d’œuvre (non) – Responsabilité solidaire (non) CAA Nantes 5 octobre 2016, Commune de Loiron Ruillé, req. n° 14NT01873
X La commune de Loiron-Ruillé a confié à la SARL Agence MarieAnnick Talvard la maîtrise d’œuvre des travaux de construction d’une école maternelle. La société Cruard Charpente a été chargée des travaux du lot « Charpente et bardage bois ». La réception des travaux a été prononcée sans réserve. Constatant une dégradation de l’aspect des panneaux de bardage fabriqués par la société Prodema et installés par la société Cruard Charpente, la commune a demandé au TA de Nantes de condamner solidairement la société Prodema et la SARL Agence Marie Annick Talvard à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait des désordres affectant le bardage de l’école maternelle. Sa demande ayant été rejetée, la commune de Loiron-Ruillé relève appel du jugement et demande la condamnation de la SARL Agence Marie Annick Talvard sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Il résulte de l’instruction que si le bardage en bois fabriqué par la société Prodema et installé par la société Cruard Charpente a été choisi par le maître d’œuvre, les désordres qui l’affectent sont inhérents au bardage choisi et ne résultent pas d’un manquement de la SARL Agence Marie Annick Talvard à son obligation de conseil envers le maître d’ouvrage lors des opérations de réception. La réception des travaux ayant été prononcée sans réserve, la commune n’est pas fondée à demander la condamnation du maître d’œuvre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle. La commune de Loiron-Ruillé n’est pas recevable à demander qu’un constructeur, dont elle demande la condamnation, soit garanti par un tiers, contre lequel elle ne formule aucune conclusion. En effet, un tel litige, s’il existe, lui est étranger. À NOTER Après la réception des travaux, le maître d’ouvrage ne peut rechercher la responsabilité contractuelle des maîtres d’œuvre que pour des manquements à leur devoir de conseil lors des opérations de réception ou des fautes commises dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des comptes des entreprises.
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Exigence concernant le mandataire du groupement Irrecevabilité manifeste de la requête d’un candidat évincé – Conditions de régularisation d’une requête introductive d’instance – Mention concernant les voies de recours – Atteinte illégale au principe de libre accès à la commande publique (non) CAA Douai 6 octobre 2016, M.B..., req. n° 14DA02026
X Par un avis d’appel public à la concurrence publié au BOAMP, la commune de Roubaix a engagé une procédure d’appel d’offres en vue de l’attribution d’un marché de maîtrise d’œuvre portant sur la réalisation d’études afférentes à la réhabilitation du parc Barbieux. La commission d’appel d’offres a écarté l’offre déposée par M.B..., en qualité de mandataire d’un groupement d’entreprises, comme ne répondant pas à l’une des exigences posées par le règlement de la consultation. Se prévalant de la qualité de candidat évincé, M.B. demande au TA de Lille, l’annulation du marché finalement attribué au groupement dont la société Osmose était le mandataire. M.B... relève appel de l’ordonnance par laquelle le président de la 2e chambre du TA de Lille a rejeté sa requête, pour irrecevabilité manifeste, au motif qu’elle n’était pas accompagnée du marché contesté.
Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application des articles R. 612-1 et R. 222-1 du CJA sont : – celles dont l’irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte ; – celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu’à l’expiration du délai de recours, si ce délai est expiré ; – celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l’informant des conséquences qu’emporte un défaut de régularisation comme l’exige l’article R. 612-1 du CJA, est expiré. Un rejet par ordonnance n’est pas possible lorsque la juridiction s’est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non-recevoir. Alors, à moins que l’auteur de la requête n’ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l’article R. 612-1 du CJA, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique. La communication, par le président de la 2e chambre du TA de Lille, du mémoire en défense de la commune, ne comportait aucune invitation faite au requérant de régulariser sa demande par la production du contrat contesté, ni aucune indication sur les conséquences susceptibles de s’attacher à l’absence de régularisation de sa demande dans le délai imparti. En conséquence, en se fondant sur le 4° de l’article R. 222-1 du CJA pour rejeter comme manifestement irrecevable la demande de M.B..., le président de la 2e chambre du TA de Lille a commis une erreur de droit qui justifie l’annulation de son ordonnance par la Cour. Les juges d’appel décident d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M.B... devant le TA de Lille contestant la validité du marché contesté.
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En vertu des principes en vigueur à la date à laquelle le marché faisant l’objet de la procédure d’appel d’offres mise en œuvre par la commune a été signé avec l’entreprise attributaire (juin 2012, soit après l’arrêt CE Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545), tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, afin d’en obtenir la résiliation ou l’annulation. Il appartient au juge saisi de telles conclusions, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité éventuellement commise : – soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses ; – soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante ; – soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits du cocontractant, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat. L’obligation, pour le pouvoir adjudicateur, de mentionner les voies et délais de recours contre la procédure de passation dont disposent les candidats à l’attribution d’un marché vise seulement à permettre aux candidats évincés de saisir utilement le juge du référé précontractuel. Le vice tenant à l’absence de mention de ces voies et délais de recours n’affecte pas la validité du contrat et ne saurait, en conséquence, justifier son annulation ou sa résiliation. De plus, l’avis publié, comportant la mention selon laquelle des renseignements relatifs à l’introduction des recours peuvent être obtenus auprès du greffe du TA de Lille, la commune n’était pas tenue de faire figurer des indications plus précises quant aux modalités d’introduction des recours. L’avis d’appel public à la concurrence et le règlement de la consultation imposaient, en l’espèce, que les candidats constitués en groupement d’entreprises aient pour mandataire un bureau d’études techniques. Les juges constatent que cette procédure de consultation portait sur l’attribution d’un marché dont l’objet justifiait que le mandataire de ce groupement, chargé de coordonner les prestations de ses membres, dispose lui-même, compte tenu de ses responsabilités propres, de garanties professionnelles, techniques ou financières suffisantes (I de l’article 52 du Code des marchés publics). Cette exigence n’était donc, en l’espèce, pas manifestement disproportionnée à l’objet du marché et, en l’imposant, la commune de Roubaix n’a pas porté une atteinte illégale au principe de libre accès à la commande publique énoncé au II de l’article 1er du Code des marchés publics. Les candidats constitués en groupement d’entreprises et ceux ayant la forme d’une entreprise unique n’étaient pas objectivement placés dans une situation identique pour l’appréciation de leurs compétences techniques mais, cependant, aucun candidat non
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constitué en groupement d’entreprises ne s’est présenté dans le cadre de la consultation en cause. Ainsi, aucune inégalité de traitement n’a pu vicier, en conséquence de la mise en œuvre de cette exigence, les conditions d’attribution du marché contesté au groupement d’entreprises dont la société Osmose était le mandataire. En conséquence, le candidat évincé n’est pas fondé à demander l’annulation du marché de maîtrise d’œuvre conclu par cette commune. À NOTER La juridiction ne peut se borner à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non-recevoir. L’auteur de la requête doit être invité à la régulariser dans les conditions prévues à l’article R. 612-1 du CJA (par la production du contrat contesté avec indication des conséquences susceptibles de s’attacher à l’absence de régularisation de sa demande dans le délai imparti).
Nature d’une convention passée entre deux communes concernant la cession amiable de parcelles du domaine privé Résiliation d’une convention passée entre deux communes – Expropriation – Renvoi au Tribunal des conflits CAA Bordeaux 10 octobre 2016, Commune d’Aragnouet, req. n° 12BX02086
Le refus de la commune d’Aragnouet de poursuivre le paiement à la commune de Vignec d’une fraction des recettes des remontées mécaniques de la station de PiauEngaly constitue donc l’inexécution de la convention de cession amiable passée dans le cadre de la procédure d’expropriation. La commune de Vignec a demandé au TA de Pau de condamner la commune d’Aragnouet à lui payer une indemnité en conséquence de la résiliation de la convention. Par un jugement avant dire droit, le TA a considéré que la résiliation de cette convention obligeait la commune d’Aragnouet à racheter à la commune de Vignec la rente foncière que constituerait le versement d’une fraction du montant annuel des recettes des remontées mécaniques. Il a ordonné une expertise afin de déterminer le montant du rachat de cette rente foncière. La commune d’Aragnouet fait appel de ce jugement en tant qu’il l’a condamnée à racheter cette rente foncière, et présente des conclusions reconventionnelles tendant à ce que la commune de Vignec soit condamnée à lui reverser la somme de 515 469 euros correspondant à la rente indûment versée de 2000 à 2003. À NOTER La question de savoir si un accord amiable passé entre deux communes revêt un caractère administratif et, dans ce cas, quel est l’ordre de juridiction appelé à connaître d’un litige relatif à l’indemnisation de la dépossession intervenue dans le cadre d’une procédure d’expropriation, soulève une difficulté sérieuse mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction.
Responsabilité contractuelle du contrôleur technique X La CAA, en application de l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, renvoie au Tribunal des conflits le soin de décider de la nature d’une convention signée entre deux communes concernant la cession amiable de parcelles du domaine privé postérieurement à l’intervention d’une déclaration d’utilité publique. En application de l’article L. 12-2 du Code de l’expropriation, cette convention emporte les mêmes effets que l’ordonnance d’expropriation. Les juges décident de surseoir à toute procédure jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l’ordre de juridiction compétent pour statuer sur cette requête. Les enjeux financiers sont énormes.
En vue de la création d’une station de ski, la commune d’Aragnouet a suscité une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique de terrains appartenant en indivision aux domaines privés de deux communes. L’arrêté portant déclaration d’utilité publique étant intervenu et n’étant pas en mesure de régler immédiatement les indemnités d’expropriation, la commune d’Aragnouet a passé avec la commune de Vignec, propriétaire des biens concernés, une convention aux termes de laquelle cette dernière cédait à la commune d’Aragnouet ses droits, moyennant diverses compensations et, surtout, le versement annuel par la commune d’Aragnouet à la commune de Vignec, d’une redevance annuelle égale à 3 % du montant des recettes brutes des remontées mécaniques, en contrepartie de l’utilisation hivernale du domaine skiable. L’expropriation des parcelles concernées a ensuite été prononcée. Cette convention a été résiliée par la commune d’Aragnouet à compter du 31 décembre 2007.
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Mauvaise exécution du contrat – Responsabilité pour manquement aux obligations contractuelles CAA Paris 11 octobre 2016, Société Bureau Veritas, req. n° 15PA02867
X La SNCF a confié à la société Bureau Veritas une mission de vérification des installations en gare de Sablé-sur-Sarthe préalablement à la réalisation de travaux de construction d’un souterrain d’accès aux quais. La société Bureau Veritas a établi en conséquence un rapport de diagnostic technique. Par la suite, une entreprise chargée de la réalisation des travaux, a informé la SNCF qu’elle était contrainte d’arrêter les travaux pour des raisons de sécurité et que cette situation entraînerait un arrêt du chantier pour définir de nouvelles méthodes d’exécution ainsi que des coûts supplémentaires en fonction de principes constructifs nouveaux. La SNCF demande au TA de Paris de condamner la société Bureau Veritas à réparer des préjudices résultant de l’arrêt du chantier et des surcoûts des travaux. La société Bureau Veritas fait appel du jugement par lequel le TA l’a condamnée à indemniser la SNCF.
Les juges vérifient que les missions qui ont été confiées par la SNCF à la société Bureau Veritas avaient bien pour objet des prestations de contrôle technique de vérification des installations en gare de Sablé-sur-Sarthe. Ils constatent ensuite qu’effectivement, contrairement aux conclusions du rapport de diagnostic technique de la société Bureau Veritas, la dalle du bâtiment voyageur de la gare n’était pas portée et que son ferraillage était défaillant.
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Ils en déduisent que la responsabilité contractuelle de la société Bureau Veritas, est engagée, celle-ci ne faisant état d’aucune faute commise par la SNCF susceptible de l’exonérer de sa responsabilité. Il est précisé que la société Bureau Veritas ne fournit aucun élément de nature à démontrer que ces préjudices ne correspondraient pas à des surcoûts subis par la SNCF en raison de ses manquements à ses obligations contractuelles. En conséquence, la société Bureau Veritas n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le TA de Paris a estimé que sa responsabilité contractuelle était engagée et l’a condamnée à indemniser la SNCF. À NOTER Les juges vérifient si l’exécution du contrat démontre le respect des engagements contractuels. Si ce n’est pas le cas, la responsabilité contractuelle du co-contractant est mise en cause pour permettre l’indemnisation des préjudices.
Rémunération du maître d’œuvre pour travaux supplémentaires Délai de saisine du juge – Exécution d’un marché de maîtrise d’œuvre se rattachant à la matière des travaux publics – Pouvoirs du mandataire au nom du groupement solidaire CAA Marseille 17 octobre 2016, Commune de Gémenos, req. n° 15MA01987
X Dans le cadre de l’opération d’aménagement intérieur de l’hôtel de ville, la commune de Gémenos a conclu un marché de maîtrise d’œuvre avec un groupement momentané d’entreprises composé des sociétés Arpaca, mandataire, et Technic Ingénierie. La société Arpaca, agissant au nom du groupement, a demandé au TA de Marseille de condamner la commune à lui verser le paiement de prestations supplémentaires réalisées durant l’exécution du marché. La commune de Gémenos relève appel du jugement par lequel le TA de Marseille a fait partiellement droit à la demande de la société. Par la voie de l’appel incident, la société Arpaca relève aussi appel de ce jugement en tant qu’il n’a pas fait intégralement droit à sa demande.
La société Arpaca a formé un mémoire en réclamation auprès de la commune, exposant le détail des sommes dont elle sollicitait le paiement ainsi que les motifs précis de sa demande. La commune lui a opposé une décision de rejet et la société Arpaca a ensuite valablement saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges en matière de marchés publics (CCIRAL) de Marseille (en application de l’article 40.1. du CCAG PI). Aucune disposition du Code des marchés publics ou du CCAG PI ne fixe le délai de saisine de ce comité. La commune de Gémenos a ensuite informé la société Arpaca de son intention de ne pas suivre l’avis émis par cette instance. Aux termes de l’article R. 421-1 du CJA (dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du Code de justice administrative), les litiges portant sur l’exécution de marchés de maîtrise d’œuvre dont l’objet est la réalisation de travaux publics se rattachent à la matière des
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travaux publics, quand bien même ils ne portent pas sur la réalisation des travaux. La saisine du juge n’est donc pas soumise au délai de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet. De plus, la saisine du juge suite à un tel rejet n’est soumise à aucune condition de délai par les stipulations contractuelles. En conséquence, c’est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de nonrecevoir opposée par la commune tirée de la tardiveté de la demande. Il ressort de l’acte d’engagement que le groupement momentané constitué entre la société Arpaca et la société Technic Ingénierie est un groupement solidaire dont le mandataire commun est la société Arpaca (CMP, art. 51 ; Rémi Rouquette, « Distinction entre groupements conjoints et solidaires », in Droit des marchés publics, éd. le Moniteur, sept. 2014). S’étant ainsi engagées solidairement à l’égard de la commune, ces sociétés sont réputées s’être donné mandat mutuel de se représenter dans le cadre de l’exécution du marché. En l’absence de stipulations contraires dans les documents contractuels, elles ont également clairement entendu, dans le cadre de leur engagement solidaire, confier à la société Arpaca, mandataire, le pouvoir d’agir au nom du groupement devant le juge du contrat (article 3.1. du CCAG PI). Dans ces conditions, la société Arpaca n’avait pas à justifier d’un mandat spécifique consenti par l’autre membre du groupement ni du respect des règles de représentation devant la juridiction administrative posées par les articles R. 431-2 et R. 431-5 du CJA. La fin de non-recevoir opposée par la commune et tirée de l’absence de qualité pour agir de la société Arpaca a, donc, été à bon droit écartée par les premiers juges. Le titulaire d’un contrat de maîtrise d’œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l’ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu’il en escompte (article 9 de la loi MOP, article 30 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993). Seule une modification de programme ou une modification de prestations décidée par le maître de l’ouvrage peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. La prolongation de la mission du maître d’œuvre n’est de nature à justifier une rémunération supplémentaire qu’en cas de modifications de programme ou de prestations décidées par le maître de l’ouvrage. Le maître d’œuvre peut également prétendre à être rémunéré de missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d’œuvre et non décidées par le maître de l’ouvrage si elles ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art ou s’il a été confronté à des sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l’économie du contrat (G. Ramus, « La rémunération du maître d’œuvre », CP-ACCP, n° 79, juillet 2008,). Les juges de la Cour constatent l’existence de plusieurs points : une importante augmentation du montant de l’opération initialement fixé par l’avant-projet définitif puis, suite à la défaillance du titulaire du lot électricité, le lancement d’une nouvelle procédure de marché, l’objet du marché étant étendu ; la conclusion d’avenants sur les autres lots suite à des demandes du maître d’ouvrage ; des
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modifications importantes du projet initial s’agissant de la sécurité contre l’incendie ayant conduit à la conclusion d’un nouveau marché ; la conclusion d’un marché supplémentaire en réponse à une demande du maître d’ouvrage. Ils considèrent que les modifications ainsi apportées au projet font suite à des demandes du maître d’ouvrage sans qu’aucune carence ou erreur du maître d’œuvre soit sérieusement alléguée. La société Arpaca a donc droit à l’augmentation de sa rémunération résultant des modifications du programme et des prestations décidées par le maître de l’ouvrage. Selon les juges, il résulte de l’instruction et notamment des comptes-rendus de chantier produits par la société Arpaca que, contrairement à ce qui est affirmé par la commune, elle a réalisé des prestations relevant de la mission OPC (ordonnancement, pilotage et coordination du chantier). Elle a sollicité vainement auprès de la commune la conclusion d’un avenant permettant de prendre en compte l’extension de sa mission, indispensable à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art. Elle devait donc être rémunérée pour l’exécution de cette mission. À NOTER Le titulaire d’un contrat de maîtrise d’œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l’ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu’il en escompte. Seule une modification de programme ou une modification de prestations décidée par le maître de l’ouvrage peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. La prolongation de la mission du maître d’œuvre n’est de nature à justifier une rémunération supplémentaire qu’en cas de modifications de programme ou de prestations décidées par le maître de l’ouvrage. Le maître d’œuvre peut également prétendre à être rémunéré de missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d’œuvre si elles ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l’économie du contrat
Indemnisation du préjudice causé au candidat irrégulièrement évincé Méconnaissance de l’autorité de chose jugée (non) – Chance sérieuse de remporter le marché – Évaluation du manque à gagner CAA Lyon 20 octobre 2016, Commune de Grenoble, req. n° 15LY03081
satisfait ses conclusions principales. Le rejet du surplus des conclusions de la demande de la société PIC, dans l’article 3 de ce jugement, ne saurait être interprété comme révélant un rejet au fond des conclusions indemnitaires. Ce rejet porte uniquement sur le surplus des conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens. Il ne saurait être déduit du fait que le tribunal ait indiqué qu’en tout état de cause, la société PIC, par les documents produits, ne justifiait ni de l’existence, ni de l’étendue de son préjudice, que le tribunal a entendu rejeter les conclusions indemnitaires dont il avait expressément précisé antérieurement qu’il n’était plus saisi. Il ne s’agit, selon les juges d’appel, que d’un motif surabondant. Aussi, la CAA considère qu’il n’y a pas méconnaissance de l’autorité de chose jugée en l’absence de précédente décision de justice rejetant ces conclusions indemnitaires. Lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, le juge vérifie d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre. Ensuite, les juges doivent rechercher si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché. Alors, l’entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant les frais de présentation de l’offre. Le TA de Grenoble a jugé en 2012 que l’offre de la société PIC avait été considérée à tort comme irrégulière. La société PIC n’était donc pas dépourvue de chance d’emporter le marché. À l’exception de celle de l’attributaire, la société SMAC, toutes les autres offres avaient été analysées comme irrégulières. Pour déterminer l’existence d’une chance sérieuse d’emporter le marché, les juges vont comparer les mérites respectifs des offres des sociétés SMAC et PIC, à partir du critère prix et du critère de la valeur technique. Ils estiment que c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la société PIC justifiait d’une chance sérieuse d’emporter le marché. Concernant l’évaluation du manque à gagner, les juges se fondent sur les documents comptables produits par l’entreprise démontrant que son activité habituelle génère une marge nette, considérant que la marge nette réalisée pour d’autres activités est susceptible d’être utilisée à titre d’indice. Ils rejettent en conséquence la requête de la commune de Grenoble. À NOTER
X La commune de Grenoble relève appel du jugement par lequel le TA de Grenoble l’a condamnée à verser à la société PIC l’indemnisation du préjudice tenant au manque à gagner résultant de son éviction irrégulière du lot n° 2 (façades-protections solaires) du marché de travaux de rénovation des bâtiments d’Alpexpo.
Par un jugement rendu le 28 décembre 2012, le TA de Grenoble, après avoir annulé le marché conclu entre la commune et la société SMAC, s’est abstenu de statuer sur les conclusions indemnitaires de la société PIC, au motif qu’elles étaient présentées à titre subsidiaire et qu’il avait
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Lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, le juge vérifie d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais engagés pour présenter son offre. Ensuite, les juges doivent rechercher si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché. Alors, l’entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant les frais de présentation de l’offre.
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Contrat d’assurance destiné à garantir le remboursement des indemnitaires statutaires à la suite d’un congé maladie ordinaire Sinistre intervenu pendant la période de validité d’un contrat – Interruption des prestations à la suite de la résiliation du contrat CAA Bordeaux 24 octobre 2016, Commune de Villegouge, req. n° 14BX00676
X Mme B..., agent de la commune de Villegouge (Gironde), a été placée en congé de maladie ordinaire pour une période de 10 mois. La commune a été indemnisée au titre de ces arrêts de travail par la société CNP Assurances, avec laquelle elle avait conclu un contrat d’assurance destiné à garantir le remboursement des indemnités statutaires qu’elle pourrait être amenée à verser à ses agents pour la période concernée. Mme B...a, ensuite, à nouveau été placée en arrêt maladie mais la société Groupama Centra Atlantique, assureur de la commune à ce moment-là, a refusé de prendre en charge ce congé maladie, au motif qu’il s’agissait d’une rechute du précédent arrêt maladie. La commune s’est alors tournée vers la société CNP Assurances, qui a refusé de la garantir au motif que la date de départ de l’arrêt de travail était postérieure à la fin du contrat qui l’unissait à la commune. La commune fait appel du jugement du TA de Bordeaux ayant rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la société CNP Assurances à lui rembourser les indemnités versées à Mme B..., à titre subsidiaire, la condamnation de la société Groupama Centre Atlantique aux mêmes fins.
Les juges constatent que l’arrêt de travail de Mme B... pour lequel la commune a été indemnisée par la société CNP Assurances, était un congé de maladie ordinaire. En application du contrat conclu entre la commune et la société CNP Assurances, que Mme B... ait ou non été victime d’une rechute ultérieure, la société CNP Assurances était fondée à refuser de rembourser à la commune les indemnités versées à Mme B... lors de l’arrêt de travail intervenu après la fin de ce contrat. Les principes applicables aux contrats administratifs passés en matière d’assurance impliquent que les prestations liées à la réalisation d’un sinistre survenu pendant la période de validité d’un contrat d’assurance de la nature de celui en litige ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de celui-ci (R. Rouquette, « Contrats d’assurance », in Droit des marchés publics, éd. le Moniteur, sept. 2015 ; Ch. Tourrain, « Le juge administratif et le contentieux des assurances », CP-ACCP, n° 14, sept. 2002). Doivent donc être réputées non écrites les clauses prévoyant l’interruption des prestations en cours à la date de résiliation du contrat. Toutefois, ces principes n’impliquent pas que soit réputée non écrite une clause selon laquelle les rechutes d’arrêt de travail relevant initialement de la maladie ordinaire intervenues postérieurement à la date de la résiliation du contrat ne sont pas prises en charge par l’assureur. La société Groupama Centre Atlantique a motivé son refus de prise en charge des indemnités versées par la commune à Mme B... en se fondant sur les conclusions de l’expertise réalisée, à sa demande, en présence de Mme B..., et selon lesquelles l’arrêt de travail en cause était en rapport avec son état de santé antérieur. La commune, informée de la réalisation de cette expertise n’apporte,
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pas plus en appel qu’en première instance, d’élément de nature à remettre en cause les conclusions de l’expert. Par suite, l’arrêt de travail ne peut qu’être regardé que comme une rechute liée à une pathologie antérieure à la prise d’effet du contrat et ayant déjà donné lieu à deux interventions chirurgicales. Les premiers juges ont donc à bon droit considéré que, dans ces conditions, la société Groupama Centre Atlantique était fondée à refuser le remboursement à la commune des indemnités versées à Mme B.... Le TA a donc à juste titre rejeté les conclusions indemnitaires de la commune à l’encontre de la société Groupama Centre Atlantique. À NOTER Les principes applicables aux contrats administratifs passés en matière d’assurance impliquent que les prestations liées à la réalisation d’un sinistre survenu pendant la période de validité d’un contrat d’assurance ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de celui-ci. Toutefois, ces principes n’impliquent pas que soit réputée non écrite une clause selon laquelle les rechutes d’arrêt de travail relevant initialement de la maladie ordinaire intervenues postérieurement à la date de la résiliation du contrat ne sont pas prises en charge par l’assureur.
Jurisprudence nationale Tribunaux administratifs Responsabilité décennale Défauts de conception rendant la station impropre à sa destination – Évaluation des préjudices TA Toulouse 25 mai 2016, Commune de Saint Michel de Bannières, req. n° 1204420
X La commune de Saint Michel de Bannières a confié à la société Eparco assainissement la conception et l’installation d’une station d’épuration. En raison des difficultés de fonctionnement de cette station, la commune demande l’indemnisation par la société des préjudices liés aux désordres constatés sur la station. Le TA de Toulouse devait décider si la responsabilité de la société, fondée sur la garantie décennale, pouvait être engagée à raison de dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
S’appuyant sur les constats d’expertise, le tribunal estime que des dysfonctionnements liés à des défauts de conception existent et sont susceptibles d’engendrer des rejets de boues non traitées dans les milieux naturels. Ces désordres, non apparents à la réception des travaux, rendent la station impropre à sa destination et, donc, engagent la responsabilité décennale de la société. Celleci est, en conséquence, condamnée à réparer les préjudices subis par la commune. Les juges fixent le préjudice au montant du coût de réhabilitation de la station à la date où a été rendue une évaluation menée par un bureau d’études. La commune n’établissant pas avoir été dans
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l’impossibilité de le faire à ce moment-là, elle ne peut réclamer une actualisation de cette somme en fonction de l’indice TP, le remboursement d’un surcoût d’exploitation causé par les dysfonctionnements. À NOTER Des défauts de conception peuvent rendre un ouvrage impropre à sa destination et justifier, sur le fondement de la garantie décennale, l’indemnisation du coût de la réhabilitation de l’ouvrage.
Jurisprudence nationale Juridictions financières CRC Ile de France Rapport d’observations définitives – avril 2016 Qualification d’une concession d’aménagement – Marchés publics Société d’économie mixte d’aménagement, de rénovation et d’équipement de Levallois-Perret (SEMARELP) La SEMARELP, dont le capital est détenu à près de 80 % par la ville de Levallois Perret, réalise des opérations d’aménagement pour la commune, tout en développant des activités propres. Dans ce dernier cadre, elle a notamment exercé des prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour deux grandes sociétés privées ayant pour objet une « assistance dans les relations avec la ville ». La juridiction financière s’interroge sur la réalité du besoin de cette prestation et sur le caractère des opérations concernées, qui semblent s’inscrire dans le cadre des concessions d’aménagement selon la définition donnée par l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme. Le choix d’une concession d’aménagement aurait par ailleurs présenté l’avantage de mettre en concurrence les candidats à l’aménagement des quartiers concernés et de garantir la bonne information du conseil municipal sur son avancement à travers la production des comptes rendus annuels à la collectivité locale. Par ailleurs, si la société est soumise au respect des principes de la commande publique, de nombreux dysfonctionnements ont pu être constatés. Ainsi, de nombreux avenants modifient substantiellement les marchés tant au regard des montants que des modifications ou introductions de conditions qui auraient pu permettre l’admission d’autres soumissionnaires. Tel est le cas des délais par exemple, toujours contraints dans le marché et systématiquement prorogés. CRC Ile de France Rapport d’observations définitives – janvier 2016 Délégation de service public stationnement (entreprise délégataire) Société à responsabilité limitée LEVAPARC La société LEVAPARC, filiale de la SEMARELP, gère le stationnement public en ouvrage et en surface sur la commune de Levallois Perret (11 000 places) dans le
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cadre de trois délégations de service public (affermage). La chambre a analysé la situation financière de la société, soulignant le montant élevé des charges de structure et l’augmentation des tarifs, liée à la volonté de la ville d’accroître le montant de ses redevances. Bien que soumise au respect des principes de la commande publique en raison de son actionnariat, la gestion des achats de la société est entaché de divers dysfonctionnement, similaire à ceux observés pour la SEMARELP, dont des majorations de coût par l’intermédiaire d’avenants au profit d’une même société ou l’absence quasi systématique de respect des délais, alors qu’ils constituaient un critère majeur de sélection des candidats. CRC Centre – Val de Loire Rapport d’observations définitives – mai 2016 Délégation de service public – Haut débit Syndicat mixte Dorsal Les principales collectivités territoriales du Limousin se sont groupées dans un syndicat mixte pour porter, au niveau régional, l’aménagement numérique de leur territoire. Le déploiement et l’exploitation d’un réseau d’initiative publique, associant les technologies, cuivre, WIFI et fibre optique, a été réalisé dans le cadre d’une concession, conclue pour une durée de 20 ans, prorogé de quatre ans pour permettre l’amortissement des nouveaux investissements réalisés par le délégataire. L’enjeu est désormais, dans le cadre d’une région élargie, de mettre en œuvre un réseau tout fibre et d’articuler la réalisation et l’exploitation de cette infrastructure avec l’actuelle délégation de service public, qui commence seulement, à mi-parcours, à dégager des bénéfices. Ce rapport met en exergue les risques propres à cette activité, la difficulté du modèle économique retenu et les risques juridiques liés au développement technologique du réseau, dans le cadre de la DSP actuelle où l’affermage s’inscrit dans la concession initiale, et surtout dans la possible articulation avec un réseau de seconde génération. CRC Nouvelle Aquitaine Rapport d’observations définitives – mars 2016 Partenariat public privé Commune de Villenave d’Ornon La commune de Villenave d’Ornon a souhaité s’inscrire dans le cadre d’un projet d’aménagement d’ensemble élaboré par la communauté urbaine de Bordeaux, et a décidé de recourir à la procédure du contrat de partenariat pour la construction et la maintenance de neuf équipements comprenant un groupe scolaire, deux accueils de loisirs sans hébergement, une crèche, une médiathèque, un centre socio-culturel, un espace d’archivage, des locaux techniques, un logement de fonction, un gymnase et enfin un terrain de sport synthétique. Ce choix reposait sur les critères de complexité et d’efficience. La chambre s’est interrogé sur la réalité de la complexité de l’opération et la crainte énoncée par la commune de ne pouvoir bénéficier de conditions bancaires satisfaisantes au regard de la faiblesse de son endettement. Par ailleurs, si l’intérêt de la commune était de bénéficier de l’ensemble de ces équipements pour septembre 2014, certains n’ont été livrés
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que deux ans plus tard, questionnant ainsi l’efficience de l’opération et l’intérêt de regrouper la réalisation de ces équipements dans une même opération. CRC Auvergne, Rhône-Alpes Avis budgétaire n°2016-015 du 29 janvier 2016 Dépenses obligatoires Syndicat de traitement des déchets Ardèche Drôme (SYTRAD) Une société d’assistance à maîtrise d’ouvrage a saisi la chambre au motif d’une créance du syndicat de traitement des déchets qui ne lui aurait pas été payée. La juridiction rappelle qu’une dépense, pour pouvoir être qualifiée d’obligatoire, doit, entre autres conditions, reposer sur un fondement juridique, qui peut prendre la forme d’un contrat. Une prestation qui intervient alors qu’un marché est arrivé à échéance ou dans le cadre d’un accord tacite ne saurait répondre à cette exigence. CRC Ile de France Rapport d’observations définitives – février 2016 Gestion déléguée du stationnement Commune d’Argenteuil En 2011, la commune a résilié, pour des motifs d’intérêt général, la délégation de service public relative au stationnement urbain. Pour mettre fin à la procédure contentieuse, la commune et la société ont conclu en 2014 un protocole transactionnel pour un montant de 13,6 millions d’euros. La délégation comprenait l’exploitation des parcs de stationnement existants et le stationnement payant en voirie sans inventaire préalable ou définition précise du périmètre. La chambre recense de nombreuses autres lacunes ou difficultés du contrat à l’exemple d’un droit d’entrée irrégulier, d’une compensation pour gratuité transformée par avenant en subvention forfaitaire annuelle, avec un montant substantiellement plus élevé, sans précision quant aux sujétions pouvant la motiver, d’autant que l’avenant définissait d’autres mécanismes de compensation pour tarifs préférentiels ou gratuité. La chambre souligne aussi la clause, peu usuelle, consistant à reverser au délégataire la totalité des recettes en voirie. Elle met également en exergue l’incohérence des formules d’indexation des subventions et l’insuffisant contrôle des comptes du délégataire, des recettes ayant été omises dans les comptes prévisionnels tout comme dans les rapports d’activité, la présentation choisie ne permettant que difficilement de rapprocher ces documents. Le stationnement payant en voirie a depuis fait l’objet d’une reprise en régie. Il nécessite, pour une meilleure gestion, une maintenance des horodateurs et des contrôles plus réguliers du stationnement payant, ainsi qu’une révision des tarifs, inchangés depuis 2000. Les parkings en ouvrages et enclos ont fait l’objet d’une nouvelle délégation de service public. Des améliorations sensibles ont été constatées, notamment dans la définition du périmètre et le suivi des prestations et des comptes du délégataire. La chambre souligne toutefois la motivation trop succincte des sujétions de service public justifiant les
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subventions forfaitaires et rappelle que les subventions pour complément de prix sont soumises à la TVA. CRC Pays de la Loire Rapport d’observations définitives – janvier 2016 Urgence dans un marché public – Taxation de l’enlèvement des ordures ménagères Communauté de communes du pays de Mayenne Le conseil communautaire a validé a posteriori une procédure d’urgence pour la réfection de la toiture d’une ancienne fonderie, ce recours étant justifié dans les faits par la volonté de réalisation rapide de la prestation permettant un paiement d’une entreprise en situation financière difficile. La chambre rappelle que l’appréciation du critère d’urgence est très précise. Ainsi, en dehors des cas limitativement énumérés par le Code de la santé publique et le Code de la construction et de l’habitation et repris à l’article 35 du CMP, l’urgence résulte de « circonstances imprévisibles pour le pouvoir adjudicateur et n’étant pas de son fait ». La collectivité doit également justifier que les prestations à réaliser ont un lien direct, immédiat avec l’évènement et sont immédiatement nécessaires pour faire face au caractère impérieux de l’urgence. Par ailleurs, dans le cadre de la gestion des déchets de la commune, la juridiction financière souligne l’instauration d’une redevance incitative, qui constitue un mode de taxation encore peu usuel, et les difficultés de mise en œuvre de cette décision. CRC Occitanie Rapport d’observations définitives – mars 2016 Commande publique – Définition des besoins et mise en œuvre de l’article 35-II-8 du CMP Région Midi-Pyrénées La juridiction financière souligne les difficultés d’anticipation et d’évaluation des besoins des services de l’ancienne région, et leurs incidences sur la détermination des procédures et des règles de publicité applicables. Des commandes ont été passé hors marché ou en excédant le montant des marchés conclus, rendant difficile leur paiement. De nombreux exemples étayent la démonstration de la chambre, qui concernent des marchés négociés sans mise en concurrence en vue de compléter d’autres marchés, notamment en matière d’évènementiel. Par ailleurs, sur vingt protocoles transactionnels signés par la région ou son mandataire pour des travaux liés aux lycées, onze découlent d’une mauvaise anticipation des besoins par la collectivité. Par ailleurs, la collectivité a utilisé de façon inadaptée la procédure prévue à l’article 35-II-8 du Code des marchés publics pour la mise en place d’un extranet entre les services de la région et les lycées. En effet, une collectivité ne peut s’exonérer des règles de publicité et de mise en concurrence sur le fondement de cet article que si les prestations ne peuvent être « confiées qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité ». Le pouvoir adjudicateur qui applique cette procédure doit être en mesure d’apporter au juge, en cas de contentieux,
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la preuve que l’entreprise est la seule susceptible de réaliser l’objet du marché et qu’ainsi la mise en compétition est impossible. Au cas d’espèce, il n’a pu être justifié qu’aucun autre prestataire n’était en mesure de répondre aux besoins exprimés. CRC Bourgogne, Franche-Comté Rapport d’observations définitives – octobre 2015 Conventions d’exploitation des TER Région Franche-Comté La politique ferroviaire de la région et ses relations avec la SNCF ont fait l’objet d’un examen de la chambre qui regrette l’absence de prise en charge suffisante de l’évolution de la fréquentation et du coût total, voire de solutions alternatives pour le développement ou la mise aux normes de lignes, ainsi que pour le renouvellement de matériel roulant. La juridiction a ensuite analysé plus particulièrement les conventions d’exploitation des trains express régionaux et les évolutions intervenues lors de leur renouvellement en 2013. Elle constate un renforcement du contrôle de la région sur la qualité des prestations (définition précise des clauses exonératoires de ponctualité, pénalités ou réfaction de charges pour non-respect d’une obligation de service telle que les horaires d’ouverture des guichets, organisation des dessertes prioritaires en cas de grève…) et sur la maîtrise des coûts avec également la mise en place d’un intéressement de la région aux éventuels gains de productivité de la SNCF. La situation financière des régions nécessite de limiter les financements importants consentis ces dernières années au transport ferroviaire, en cherchant des marges de manœuvre qui pourrait se traduire par exemple par un allégement du nombre de trains à certaines heures ou certaines périodes, un ajustement de l’offre TER aux autres possibilités ferroviaires, notamment suite à la mise en service des lignes TGV, ainsi que, de façon plus large, une meilleure concertation entre les diverses autorités organisatrices de transport. CRC Auvergne, Rhône-Alpes Rapport d’observations définitives – mars 2016 Construction de l’hôtel de région Région Rhône-Alpes En 2005, la région a choisi de construire un nouvel hôtel de région pour regrouper l’ensemble de son personnel, pour un coût prévisionnel de 107 millions d’euros dont 74 millions d’euros de travaux. La chambre constate que la région a retenu l’architecte qui présentait le projet le plus important en termes de surface, et le plus cher, à la fois en phase esquisses et à l’issue de la négociation. Le calendrier imposé était très serré alors que le projet revêtait une complexité certaine, notamment au regard des objectifs de performance environnementale et d’accessibilité. Faute d’une définition suffisante des besoins, de nombreux ajustements ont été opérés, générant des coûts et des retards. La chambre souligne les difficultés liées à la passation et à la réalisation des chantiers, notamment au regard de la coordination des 70 entreprises présentes sur le chantier
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et de la sécurité. Des contentieux sont nés de ces difficultés, qui ont donné lieu à la signature de transactions, le coût du projet ayant au final été majoré de 30 %. CRC Auvergne, Rhône-Alpes Rapport d’observations définitives – mars 2016 Participation de la région à l’exposition universelle de Shanghai Association Entreprise Rhône-Alpes International (ERAI) et région Rhône-Alpes L’analyse de la participation de la région Rhône-Alpes à l’exposition universelle de Shanghai en 2010 fait l’objet de deux rapports, dont l’un plus spécifiquement consacré au porteur du projet, l’association ERAI. L’association a ainsi représenté la région sur place et a assuré la construction d’un pavillon et d’un réseau d’éclairage urbain et architectural, de l’accueil d’un restaurant école, ainsi que la réalisation de spectacles de lumière, excédant le périmètre de ses statuts. Cette prestation a fait l’objet d’une subvention alors qu’elle aurait dû être considérée comme une prestation de maîtrise d’ouvrage publique et faire l’objet d’un marché. Par ailleurs, bien qu’entité adjudicatrice, l’association n’a jamais respecté les principes généraux de la commande publique et soumis ses fournisseurs, au-delà de l’exposition universelle de Shanghai, à une concurrence préalable. La chambre estime le montant de l’opération exposition universelle de 2010 à 24 millions d’euros, dont la moitié a été financée par la région. Les retombées, en termes de notoriété notamment, restent difficiles à apprécier. CRC Bretagne Rapport d’observations définitives – avril 2016 Société publique locale Commune de Rennes La commune a transféré sa compétence eau à la métropole, qui la délègue à un syndicat. Ce dernier en confie l’exercice à une société publique locale dont il est actionnaire avec la ville de Rennes. Toutefois, la commune n’exerçant toutefois plus la compétence, la chambre s’est interrogée sur la régularité de l’actionnariat. Aucune précision n’est apportée sur l’éventuelle cession de parts de la SPL à l’EPCI. La chambre a également analysé la délégation de service public relative au stationnement et une opération d’aménagement de zone, mettant en exergue des résultats satisfaisants, tout en regrettant que la commune n’ait pas modifié en conséquence son intéressement sur la DSP. Elle souligne aussi le caractère perfectible de l’information transmise par les prestataires à la collectivité. CRC Pays de la Loire Rapport d’observations définitives – janvier 2016 Gestion du parc Terra Botanica – Mise en œuvre du haut débit Département du Maine et Loire Après un examen rapide des modalités de gestion des transports publics du département, la chambre s’est inté-
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ressée à la gestion du parc Terra Botanica, objet d’une délégation conclue avec une SEM, dont les détails ont fait l’objet d’un rapport spécifique. La juridiction rappelle la situation financière difficile de la SEM, liée pour partie à l’absence de toute subvention pour sujétions d’ordre public, que le département a dû compenser, avant de décider de la création d’un GIP avec la ville d’Angers pour poursuivre l’exploitation de ce parc. Le choix de cette structure a pour objet de lever tout obstacle juridique au versement de subventions. La juridiction financière souligne que si le nouveau modèle économique est, pour les premiers exercices, assis sur des bases de fréquentation réalistes, les prévisions d’augmentation de cette dernière semblent optimistes, à un moment où la situation financière du département pourrait le contraindre à une moindre implication financière dans l’exploitation du parc. Un rapport distinct de la chambre analyse la mise en œuvre d’un réseau d’initiative publique pour le numérique dans le département avec, à l’origine une distinction entre l’infrastructure et l’exploitation, chacun faisant l’objet d’une délégation de service public. Le délégataire étant le même, les deux contrats ont été fusionnés, une des deux sociétés ad hoc absorbant la seconde en 2013. Cette fusion a consolidé le modèle économique du RIP, désormais globalement rentable, ce qui n’était pas le cas de la DSP infrastructures. Le contrat a été également modifié, le département privilégiant de nouveaux investissements par le délégataire au versement d’un intéressement aux recettes. Depuis juillet 2015, un syndicat mixte « Maine et Loire numérique » s’est substitué au concédant. CRC Provence, Alpes, Côte-d’Azur Rapport d’observations définitives – janvier 2016 Concession des ports Chambre de commerce et d’industrie du Var (CCIV) La CCIV gère, dans le cadre d’une concession attribuée par l’État, l’établissement public Toulon plaisance, qui
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regroupe cinq ports de plaisance de plusieurs communes. Dans le cadre de la loi, le département du Var s’est substitué en 2006 au concédant avant de constituer un syndicat mixte dédié. La concession a pour objet l’aménagement, l’entretien et l’exploitation des ports de plaisance, des ouvrages et des installations existantes mais aussi d’ouvrages à créer. La chambre relève une situation financière satisfaisante. La CCIV s’est aussi efforcée de mettre en œuvre les principales préconisations ressortant d’un rapport de l’inspection générale de l’industrie, notamment dans ses relations avec les usagers et la définition d’une tarification plus précise grâce à la mise en place d’une comptabilité analytique. Elle constate que les investissements relatifs notamment à la sécurisation des ports ont été réalisés, bien qu’avec retard et qu’il conviendrait de veiller à ce que la programmation des investissements soit plus en conformité avec les capacités de réalisation. CRC Ile de France Rapport d’observations définitives – mars 2016 Délégation de service public – Stationnement Commune de Vincennes La chambre s’est intéressée à la gestion du stationnement public sur la commune, réalisé sous forme de concession pour un parc ayant fait l’objet d’une construction. Le stationnement payant de surface est géré dans le cadre d’une régie intéressée et les autres parcs de stationnement souterrains par affermage, régie intéressée et affermage faisant l’objet d’une convention globale. Le rapport détaille les conditions de passation et de fonctionnement des contrats, y compris les renégociations sur les conditions financières, désormais plus favorables à la commune mais qui permettent toutefois un résultat excédentaire pour les délégataires.
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Dossier
Modalités de publicité : entre liberté et contraintes
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Pour certains contrats et marchés, les personnes publiques disposent d’une certaine marge de liberté. En effet, tous les marchés et concessions ne sont pas soumis au respect d’une obligation de publicité. En outre, les modalités de publicité sont définies librement par l’acheteur dans certains cas. Cependant, il s’agit d’exceptions. Plus généralement, quelles sont les règles applicables en matière de publicité préalable ? En amont de l’avis de marchés peuvent être publiés des avis de préinformation, des avis périodiques indicatifs. Quelles sont leurs caractéristiques et que doivent-ils contenir ?
Les marchés et concessions sans publicité ................................................................
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Sébastien Bracq et Davy Sarre
Publicité préalable et conventions d’occupation du domaine public : la fin de la controverse ? ........................................................................................................
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Laurent Ayache et Charlotte Michellet
La liberté dans la publicité des contrats publics : mise à l’épreuve ........................
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Sophie Bernier
Le recours à l’avis de préinformation et à l’avis périodique indicatif ......................
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Karine Hennette-Jaouen et Adéyinka Bellow
Les formulaires d’avis de concession : champ d’application et contenu .................
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Solmaz Ranjineh
Publicité préalable et finale dans le cadre des marchés publics et des contrats de concession ......................................................................................
52
Marion Terraux
Modification du contrat de DSP et risque de contournement des règles de publicité.....................................................................................................................
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Jean-Baptiste Vila
Panorama de la jurisprudence 2015-2016 en matière de violation des règles de publicité et de mise en concurrence ....................................................
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Xavier Bigas et Yacine Baïta
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
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Dossier Modalités de publicité : entre liberté et contraintes
Les marchés et concessions sans publicité La publicité permet de garantir une large concurrence à l’occasion des procédures de passation des contrats de marchés publics ou concessions. En revanche, les nouvelles dispositions issues des décrets de 2016 ont repris des exceptions à ce principe, permettant, dans certains cas, de recourir à des marchés ou concession, sans publicité, ni mise en concurrence.
L’
ordonnance n° 2016-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics rappelle dans son premier article les principes de la commande publique et notamment la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Les mêmes principes sont repris par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. Afin de garantir le respect de ces principes, les mesures de publicité et de mise en concurrence doivent permettre de susciter une large concurrence. Qu’ils s’agissent de contrats de marchés publics ou de concessions, des exceptions existent et permettent de recourir à ces contrats, sans publicité, ni mise en concurrence. L’article 30 du décret n° 2016-360 relatif au marchés publics et l’article 11 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession dressent la liste des situations dans lesquelles ces contrats peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence. Ces différents cas sont repris et présentés ci-après.
Sébastien Bracq Avocat associé, Cabinet LLC et Associés Davy Sarre Juriste, Cabinet LLC et Associés
Références Décret n° 2016-86 du 1er février 2016, art. 11 Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 30 Décret n° 2016-361 du 25 mars 2016, art. 23
Mots clés BVgX] ejWa^X 8dcigVi YZ XdcXZhh^dc EjWa^X^i Zi b^hZ Zc XdcXjggZcXZ Jg\ZcXZ ^be g^ZjhZ EgdX YjgZ ^c[gjXijZjhZ EgZhiVi^dch h^b^aV^gZh HZj^a '* %%% Zjgdh =I
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En cas d’urgence impérieuse L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 1° Lorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour l’acheteur et n’étant pas de son fait ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées. Tel est notamment le cas des marchés publics rendus nécessaires pour l’exécution d’office, en urgence, des travaux réalisés par des acheteurs en application des articles L. 1311-4, L. 1331-24, L. 1331-26-1, L. 1331-28, L. 1331-29 et L. 1334-2 du code de la santé publique et des articles L. 123-3, L. 129-2, L. 129-3, L. 511-2 et L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation ainsi que des marchés publics passés pour faire face à des dangers sanitaires définis aux 1° et 2° de l’article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime. Le marché public est limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence ; ».
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Ce nouvel article correspond à ce qui était précédemment prévu par l’article 35 II 1° du Code des marchés publics. Si les Codes des marchés publics de 2001 et de 2004 dispensaient ces marchés de publicité, une mise en concurrence était toutefois obligatoire. De la même façon que cela était prévu par le Code de 2006, le décret dispense désormais ces marchés de publicité et de mise en concurrence. Le juge administratif a rappelé que les critères visés étaient cumulatifs(1) :
Le Conseil d’État aura probablement l’occasion de confirmer que cette jurisprudence est toujours d’actualité avec le décret de 2016.
En cas d’infructuosité d’une première procédure
– urgence ; – imprévisibilité ; – extériorité ; – incompatibilité formalisées.
crites ; que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la collectivité entend poursuivre la délégation du service, ou, au cas contraire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ; ».
avec
les
délais
des
procédures
Ces critères sont les mêmes que sous l’égide du Code de 2006. Le décret de 2016 a ajouté une hypothèse supplémentaire dans laquelle il est désormais possible de recourir à la procédure de marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalable : « pour faire face à des dangers sanitaires définis aux 1° et 2° de l’article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime ». S’agissant des contrats de concession, l’hypothèse de l’urgence impérieuse n’a pas été inscrite dans le décret « concession ». Pourtant, le Conseil d’État avait récemment indiqué la possibilité de recourir à un contrat de délégation de service public, sans publicité ni mise en concurrence quand les conditions d’urgence, d’extériorité étaient réunies, et pour permettre la continuité du service public, à titre provisoire et sur une courte période(2) : « […] Les DSP des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d’État. (...) ; que si l’article L. 1411-12 prévoit que les dispositions de l’article L. 1411-1 ne s’appliquent pas aux délégations inférieures à certains montants, il les soumet également à une publicité préalable ; que les articles R. 1411-1 et R. 1411-2 du même code, pris pour application des articles L. 1411-1 et L. 1411-12, qui fixent les modalités de cette publicité, ne sont assortis d’aucune dérogation ; que, toutefois, en cas d’urgence résultant de l’impossibilité soudaine dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public, conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de délégation de service public sans respecter au préalable les règles de publicité pres-
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L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 2° Lorsque dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres lancée par un pouvoir adjudicateur ou d’une procédure formalisée lancée par une entité adjudicatrice ou dans le cadre de la passation d’un marché public répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée ou d’un marché public relevant des articles 28 et 29, soit aucune candidature ou aucune offre n’a été déposée dans les délais prescrits, soit seules des candidatures irrecevables au sens du IV de l’article 55 ou des offres inappropriées au sens du I de l’article 59 ont été présentées, pour autant que les conditions initiales du marché public ne soient pas substantiellement modifiées. Lorsque le présent 2° est mis en œuvre à la suite d’une procédure d’appel d’offres lancée par un pouvoir adjudicateur ou d’une procédure formalisée lancée par une entité adjudicatrice ou à la suite d’une procédure de passation d’un marché public relevant de l’article 28 et répondant à un besoin dont la valeur estimée est égale ou supérieure au seuil européen applicable à ces marchés publics publié au Journal officiel de la République française, un rapport est communiqué à la Commission européenne si elle le demande ; ». Ce nouvel article correspond à ce qui était précédemment prévu par l’article 35 II 3° du Code des marchés publics, avec quelques modifications non négligeables. Dans le Code de 2006, seule l’hypothèse des marchés supérieurs aux seuils des procédures formalisées était prévue. Désormais, le décret de 2016 permet également de recourir à la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence lorsque les procédures dites « adaptées » se révèlent infructueuses. Par ailleurs, le Code de 2006 prévoyait uniquement l’hypothèse des offres inappropriées. Désormais, le décret de 2016 prévoit également la possibilité de recourir au marché négocié sans publicité ni mise en concurrence également dans les cas de remise d’offres irrecevables (interdiction de soumissionner du candidat, candidat qui ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l’acheteur, candidat qui ne produit pas dans le délai imparti les justificatifs sollicités par l’acheteur. S’agissant des contrats de concession, l’article 11 du décret n° 2016-86 indique que ce type de contrat peut être régularisé, sans publicité ni mise en concurrence, si aucune candidature ou aucune offre n’a été reçue ou lorsque seules des candidatures irrecevables ou des
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offres inappropriées ont été déposées, à la condition que les caractéristiques de la procédure initiale ne soient pas substantiellement modifiée et qu’un rapport soit communiqué à la Commission européenne, à sa demande.
Lorsque les prestations ne peuvent être fournies que par un opérateur économique déterminé L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 3° Lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé, pour l’une des raisons suivantes :
b) L’achat de matières premières cotées et achetées en bourse ; ».
a) Le marché public a pour objet la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique ;
Ce nouvel article correspond à ce qui était précédemment prévu par l’article 35 II 4° et 9° du Code des marchés publics.
b) Des raisons techniques. Tel est notamment le cas lors de l’acquisition ou de la location d’une partie minoritaire et indissociable d’un immeuble à construire assortie de travaux répondant aux besoins de l’acheteur qui ne peuvent être réalisés par un autre opérateur économique que celui en charge des travaux de réalisation de la partie principale de l’immeuble à construire ;
S’agissant les achats de matières premières cotées et achetées en bourse, la disposition est reprise à l’identique.
c) La protection de droits d’exclusivité, notamment de droits de propriété intellectuelle. Les raisons mentionnées aux b et c ne s’appliquent que lorsqu’il n’existe aucune solution alternative ou de remplacement raisonnable et que l’absence de concurrence ne résulte pas d’une restriction artificielle des caractéristiques du marché public ; ». Ce nouvel article correspond à ce qui était précédemment prévu par l’article 35 II 8° du Code des marchés publics qui a été précisé. Tout comme sous l’égide du Code de 2006, les trois mêmes hypothèses ont été reprises (raisons artistiques, raisons techniques, protection de droits d’exclusivité). Ces hypothèses ont été précisées dans le décret de 2016, et notamment assorties d’exemples. En tout état de cause, force est de constater que le principe reste le même et que les jurisprudences qui existaient avec le Code de 2006 sont toujours d’actualité avec le décret de 2016. S’agissant des contrats de concession, l’article 11 du décret n° 2016-86 fixe les mêmes hypothèses (raisons artistiques, raisons techniques, protection de droits d’exclusivité) et permet désormais de recourir à ce type de contrat sans publicité ni mise en concurrence.
En cas de fournitures complémentaires ou d’achat de produits côtés L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 4° Pour les marchés publics de fournitures qui ont pour objet :
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a) Des livraisons complémentaires exécutées par le fournisseur initial et qui sont destinées soit au renouvellement partiel de fournitures ou d’installations, soit à l’extension de fournitures ou d’installations existantes, lorsque le changement de fournisseur obligerait l’acheteur à acquérir des fournitures ayant des caractéristiques techniques différentes entraînant une incompatibilité ou des difficultés techniques d’utilisation et d’entretien disproportionnées. Lorsqu’un tel marché public est passé par un pouvoir adjudicateur, sa durée ne peut dépasser, sauf cas dûment justifié, trois ans, périodes de reconduction comprises ;
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À noter que ce même principe a été repris à l’article 23 9° du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité. S’agissant des livraisons complémentaires exécutées pour le fournisseur initial, l’esprit reste le même. En revanche, le décret n’a pas repris les conditions relatives au montant maximum du marché, livraisons complémentaires comprises. Sur ce point, il ne fait aucun doute que le juge administratif confirmera les pratiques antérieurs et que le montant total du marché, livraisons complémentaires comprises, ne pourra être égal ou supérieur aux seuils des procédures formalisées, sauf à ce que la publicité et la mise en concurrence initiale aient été faites selon les règles des procédures formalisées.
En cas de fournitures ou de services à des conditions particulièrement avantageuses L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 5° Pour les marchés publics de fournitures ou de services passés dans des conditions particulièrement avantageuses soit auprès d’un opérateur économique en cessation définitive d’activité soit, sous réserve du 3° de l’article 45 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée, auprès d’un opérateur économique soumis à l’une des procédures prévues par le livre VI du code de commerce, à l’exception de celles mentionnées au titre I, ou une procédure de même nature prévue par une législation d’un autre État ; ». Ce nouvel article correspond à ce qui était précédemment prévu par l’article 35 II 10° du Code des marchés publics. Le décret a précisé que ces marchés négociés sans publicité ni mise en concurrence ne pouvaient être régularisés avec les entreprises exclues des procédures de passation des marchés publics selon l’article 45 3° de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (liquidation judiciaire, faillite personnelle, interdiction de gérer,
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redressement judiciaire sans habilitation à poursuivre l’activité). À noter que ce même principe a été repris à l’article 23 10° du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité. L’article 30 III du décret n° 2016-360, s’agissant des entités adjudicatrices, indique que ces dernières peuvent avoir recours à un marché sans publicité ni mise en concurrence pour l’achat de fournitures dans des conditions particulièrement avantageuses, dans une période de très courte durée. Aucune condition relative à l’opérateur économique n’est alors exigée.
Lauréat de concours L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 6° Pour les marchés publics de services attribués au lauréat ou à l’un des lauréats d’un concours. Lorsqu’il y a plusieurs lauréats, ils sont tous invités à participer aux négociations ; ». Cette hypothèse reprend celle qui était prévue par l’article 35 II 7° du Code de 2006 et aucune nouveau n’a été apportée par le décret de 2006.
Prestations similaires en marchés de travaux ou de services L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 7° Pour les marchés publics de travaux ou de services ayant pour objet la réalisation de prestations similaires à celles qui ont été confiées au titulaire d’un marché public précédent passé après mise en concurrence. Le premier marché public doit avoir indiqué la possibilité de recourir à cette procédure pour la réalisation de prestations similaires. Sa mise en concurrence doit également avoir pris en compte le montant total envisagé, y compris celui des nouveaux travaux ou services. Lorsqu’un tel marché public est passé par un pouvoir adjudicateur, la durée pendant laquelle les nouveaux marchés publics peuvent être conclus ne peut dépasser trois ans à compter de la notification du marché public initial ; ». Cette hypothèse reprend celle qui était prévue par l’article 35 II 6° du Code de 2006 et aucune modification n’a été apportée par le décret de 2016. Le principe des prestations similaires doit avoir été prévu lors de la mise en concurrence initiale. La mise en concurrence initiale doit tenir compte du montant total envisagé du marché, y compris des prestations similaires envisagées. Enfin, les prestations similaires ne peuvent être sollicitées que dans les trois années qui suivent la notification du marché initial(3).
Pour les marchés inférieurs à 25 000 euros HT L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 8° Pour les marchés publics répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 25 000 euros HT. L’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin ; ». Cette disposition correspond à ce qui était prévu par l’article 28 du Code de 2006. Le seuil en deçà duquel aucune publicité ni mise en concurrence n’est nécessaire a fortement évolué ces dernières années. Initialement fixé à hauteur de 4 000 euros HT, le seuil avait été relevé à 20 000 euros HT(4) avant d’être annulé par le juge administratif et ramené à 4 000 euros HT(5). En 2011, le seuil a été porté de 4 000 euros HT à 15 000 euros HT(6). Ce relèvement du seuil a été assorti de conditions pour permettre la passation d’un marché public sans publicité ni mise en concurrence (pertinence de l’offre par rapport au besoin, bonne utilisation des deniers publics, ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire lorsqu’il existe une pluralité d’offres potentielles susceptibles de répondre au besoin). Enfin en 2015, ce seuil a été porté de 15 000 euros HT à 25 000 euros HT(7). La rédaction reprise par le décret de 2016 correspond en tout point à ce qui était applicable depuis le 1er octobre 2015. À noter que ce même principe a été repris à l’article 23 14° du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité.
Fournitures de livres non scolaires inférieures à 90 000 euros HT L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 9° Pour les marchés publics de fournitures de livres non scolaires passés par les acheteurs mentionnés aux 1° et 2° de l’article 3 de la loi du 10 août 1981 susvisée, pour leurs besoins propres ou pour l’enrichissement des collections des bibliothèques accueillant du public et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 90 000 euros hors taxe. Lorsqu’ils font usage de cette faculté, les acheteurs se conforment aux obligations mentionnées au 8°
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, 9 XgZi c '%&*"&&+( Yj &, hZeiZbWgZ '%&* bdY^ÒVci XZgiV^ch seuils relatifs aux marchés publics.
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et tiennent compte de l’impératif de maintien sur le territoire d’un réseau dense de détaillants qui garantit la diversité de la création éditoriale et l’accès du plus grand nombre à cette création ; ». Le seuil évoqué ci-avant a été relevé à 90 000 euros HT pour les seuls marchés de fournitures de livres non scolaires.
Le juge administratif a notamment considéré qu’un marché pouvait être passé sans publicité ni mise en concurrence lorsque les prestations avaient un caractère unique (exemple de l’achat de places pour assister à des matchs de football de l’Olympique Lyonnais distribuées uniquement par le club de football(9)).
Les principes à respecter en cas de marchés inférieurs à 25 000 euros HT sont transposables pour ces marchés.
À noter que ce même principe a été repris à l’article 23 15° du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité.
Qui plus est, les acheteurs devront également tenir compte de l’impératif de maintien sur le territoire d’un réseau dense de détaillants. En d’autres termes, ce principe est à rapprocher de l’impératif de ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire. En revanche, s’agissant des livres scolaires, non prévus par le décret de 2016, le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence est maintenu à hauteur de 25 000 euros HT(8).
Mise en concurrence impossible ou faible concurrence dans le secteur L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « 10° Pour les marchés publics répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure aux seuils européens, lorsque la mise en concurrence est impossible ou manifestement inutile en raison notamment de l’objet du marché public ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré ».
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Produits fabriqués à des fins de recherches, d’expérimentation, d’étude ou de développement L’article 30 du décret n° 2016-360 dispose que : « II. – Les pouvoirs adjudicateurs peuvent également négocier sans publicité ni mise en concurrence préalables les marchés publics de fournitures ayant pour objet l’achat de produits fabriqués uniquement à des fins de recherche, d’expérimentation, d’étude ou de développement, sans objectif de rentabilité ou d’amortissement des coûts de recherche et de développement ». Cette disposition est reprise à l’identique que celle qui existaient à l’article 35 II 2° du Code de 2006. L’article III du décret n° 2016-360 reprend les mêmes dispositions, qui sont également applicables aux entités adjudicatrices, à la condition que ces marchés ne portent pas préjudice à la mise en concurrence des marchés ultérieurs qui poursuivent ces mêmes objectifs.
Cette hypothèse reprend ce qui avait été prévu par l’article 28 II du Code de 2006.
À noter que ce même principe a été repris à l’article 23 7° du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité.
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Publicité préalable et conventions d’occupation du domaine public : la fin de la controverse ? La délivrance des conventions d’occupation du domaine public doit-elle être soumise à une procédure de publicité préalable ? Les juridictions se sont longtemps opposées sur la réponse à donner. Quelles sont actuellement les règles applicables en la matière ?
À
la question faut-il faire précéder la délivrance d’une autorisation ou d’une convention d’occupation du domaine public d’une procédure de publicité susceptible de faire jouer la concurrence, la réponse a été longtemps incertaine.
La réponse a, d’abord, été l’absence d’obligation de publicité préalable, à l’exception de régimes spécifiques institués par le législateur dans des domaines particuliers ; la jurisprudence a, ensuite, procédé, en forçant parfois un peu le trait, à la requalification de concessions domaniales en contrats de la commande publique afin de les soumettre à des obligations de publicité ; plus généralement, certaines juridictions du fond(1) ont vu, dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne Telaustria(2), un fondement adéquat à l’existence d’une telle obligation ; dans son arrêt Ville de Paris du 3 décembre 2010(3), le Conseil d’État a fermement rejeté cette interprétation, mettant fin, pensait-on, à ce débat ; c’était sans compter sur la Cour de justice qui, par un arrêt récent du 14 juillet 2016(4), vient de rouvrir ce débat. Ces tergiversations qui, depuis plusieurs années, ont donné lieu à d’innombrables articles et discussions, résultent de la circonstance que l’existence d’une obligation de publicité préalable à la délivrance des titres d’occupation temporaire du domaine public dépend principalement du fondement juridique sous lequel on se place. Le présent article se propose de dresser un panorama de ces différents fondements juridiques.
Laurent Ayache Avocat associé Charlotte Michellet Avocat McDermott Will et Emery AARPI
Mots clés 6Wjh YZ edh^i^dc Ydb^cVciZ 8dcXZhh^dc YdbVc^VaZ 9^gZXi^kZ HZgk^XZh 9gd^i YZ aV XdcXjggZcXZ EjWa^X^i eg VaVWaZ
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(1) Voir notamment, TA Paris 30 mai 2007, Préfet de Paris c. Ville de Paris, req. n° 0516131 ; TA Nîmes 24 janvier 2008, Société des trains touristiques G. Eisenreich, req. n° 0620809 ; TA Marseille 11 juin 2008, Société Nigel Burgess, req. n° 0803537. (2) CJUE 7 décembre 2000, Telaustria, aff. C-324/98. (3) CE Sect., 3 décembre 2010, Ville de Paris, Association Paris Jean Bouin, req. n° 338272. (4) CJUE 14 juillet 2016, aff. C-458/14.
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Le droit de la commande publique n’impose pas, en tant que tel, une publicité préalable des titres d’occupation du domaine public L’absence d’obligation générale de publicité préalable Sur le plan du droit de la commande publique, le régime de la délivrance des concessions domaniales – terme qui sera utilisé ici comme visant tout à la fois les autorisations et les conventions d’occupation temporaire du domaine public – est caractérisé par un principe, simple en apparence : l’absence d’obligation d’organiser une procédure de publicité préalable. En effet, ces contrats doivent être distingués des marchés publics et des concessions de travaux ou de services lesquels sont soumis, depuis longtemps, à un ensemble de règles procédurales et matérielles définies, aujourd’hui, par les ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et n° 2016-65 du 29 janvier 2016 notamment. Au contraire, le droit public des biens n’a jamais, jusqu’ici, imposé de procédure de publicité préalable à la délivrance des concessions domaniales, qu’il s’agisse du Code du domaine de l’État désormais abrogé, du CGCT ou du CG3P.
Le principe de l’absence de publicité préalable connaît deux exceptions, dont ne fait pas partie le principe de transparence issu de la jurisprudence Telaustria Ce principe de l’absence d’obligation d’organiser une publicité préalable connaît deux exceptions, une troisième ayant été rejetée. En premier lieu, le législateur est intervenu pour imposer, dans certains domaines particuliers, des obligations de publicité et de mise en concurrence préalable à l’occupation du domaine public. Ainsi, à titre d’exemple, on peut mentionner l’obligation pesant sur les gestionnaires du domaine public non routier de donner accès aux exploitants de réseaux de communications électroniques « dans des conditions transparentes et non discriminatoires(5) » ; ou, s’agissant du domaine public hertzien, des autorisations d’exploiter une ressource radioélectrique en vue de l’émission d’un service de télévision ou de radio qu’il appartient au Conseil supérieur de l’audiovisuel de délivrer à la suite d’un appel à candidatures(6) ; ou encore, la délivrance de conventions d’occupation temporaire du domaine public par les sociétés concessionnaires d’aéroport soumise, en vertu
(5) Article L. 46 du Code des postes et des communications électroniques. (6) Articles 29 et suivants de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
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de l’article 11 du cahier des charges type approuvé par le décret n° 2007-244 du 23 février 2007, à une « procédure permettant une mise en concurrence effective ». En deuxième lieu, dès lors que l’occupation du domaine public répond, de façon plus ou moins directe, à un besoin de la personne publique, alors les règles de la commande publique trouvent à s’appliquer et impliquent la mise en œuvre de procédures de publicité préalables. En effet, dès lors que l’occupation domaniale est couplée à la réalisation de travaux ou de services au profit de la personne publique, et ce quelle que soit la qualification donnée par les parties au contrat, le montage contractuel est susceptible d’être requalifié de marché public, de concession de travaux ou de services en fonction du mode de rémunération du cocontractant. À ce titre, l’attribution d’une concession domaniale est alors soumise à des procédures de publicité et de mise en concurrence(7). Il en va de même lorsque la personne publique n’est, au moment du lancement de la procédure, pas encore fixée sur la nature exacte du contrat qu’elle entend conclure(8). Cette distinction entre le régime applicable aux concessions domaniales « pures » et celui applicable aux autres concessions domaniales adossées à un contrat de la commande publique a créé une véritable insécurité juridique. À cet égard, la récente réforme des marchés publics, issue de la transposition de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, transposée par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, a permis de circonscrire plus précisément la frontière entre concessions domaniales et outils de la commande publique en excluant l’usage de concessions domaniales ou de montages contractuels assis sur les baux emphytéotiques administratifs, pour répondre à un besoin de la personne publique. En effet, l’article 101 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 a modifié les dispositions relatives aux baux emphytéotiques administratifs et aux autorisations d’occupation temporaire du domaine public constitutives de droits réels en leur interdisant désormais d’« avoir pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, pour le compte ou pour les besoins d’un acheteur [public] ». Comme le relève C. Maugüé et G. Bachelier, « cette réforme s’est traduite par un recentrage de l’utilisation du BEA et des AOT sur une finalité purement domaniale : ils ne peuvent plus servir de support à la commande d’une
(7) Voir par exemple, CE 10 juin 1994, Commune de Cabourg, req. n° 141633 ; CE 21 juin 2000, SARL Plage Chez Joseph, req. n° 212100 ; CE Ass., 4 novembre 2005, Sté Decaux, req. n° 247298 ; CE 10 juin 2009, Port autonome de Marseille, req. n° 317671. (8) CE 10 juin 2009, Port autonome de Marseille, req. n° 317671.
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opération de construction par la collectivité comportant une contrepartie économique(9) ». En troisième lieu, on se souvient que, en l’absence d’obligation légale en ce sens, certaines juridictions du fond avaient entendu soumettre, de manière générale, la délivrance des concessions domaniales à l’exigence d’une procédure de publicité préalable. Ces jurisprudences se fondaient, pour la plupart, sur la jurisprudence Telaustria selon laquelle l’« obligation de transparence qui incombe au pouvoir adjudicateur consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication ». Ainsi, dans son jugement du 24 janvier 2008, le tribunal administratif de Nîmes considérait qu’une concession domaniale n’était pas exclue du champ d’application du principe général de transparence imposant aux pouvoirs adjudicateurs des obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l’égalité d’accès à ces contrats. Toutefois, par sa décision de Section du 3 décembre 2010, Ville de Paris(10), le Conseil d’État a mis un terme à l’incertitude juridique découlant de ces différents jugement en affirmant qu’« aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’imposent à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à la passation d’un contrat d’occupation d’une dépendance du domaine public, ayant dans l’un ou l’autre cas pour seul objet l’occupation d’une telle dépendance ; qu’il en va ainsi même lorsque l’occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché concurrentiel ». Pour justifier cette position, le rapporteur public devant le Conseil d’État rappelait notamment que (i) aucune disposition législative et réglementaire n’imposait, de façon générale, un principe de publicité préalable à la délivrance des concessions domaniales et (ii) que le principe de transparence issu de la jurisprudence Telaustria ne trouvait à s’appliquer, jusqu’à présent, que dans le champ de la commande publique, lorsque la personne publique est en position d’acheteur sur le marché. Or, la délivrance de titres d’occupation du domaine public constitue, pour la personne publique gestionnaire, « une offre de prestation de services(11) ». Il s’agit ici du point essentiel faisant échapper les concessions domaniales au champ du droit de la commande publique issu des directives européennes ou de la jurisprudence.
Le droit de la concurrence peut, dans certaines circonstances bien particulières, imposer la mise en œuvre d’une publicité préalable Agissant en tant qu’offreur, les décisions d’un gestionnaire du domaine public entrent dans le champ du droit de la concurrence Puisque, lorsqu’il autorise l’occupation de son domaine public, le gestionnaire du domaine « agit comme un opérateur économique classique et devient un véritable offreur sur un marché(12) », ce qui lui permet d’échapper au droit de la commande publique, le droit de la concurrence a, dès lors, vocation à s’appliquer. C’est, notamment, le sens de la décision du 26 mars 1999, Société EDA, par laquelle le Conseil d’État a jugé que l’autorité gestionnaire du domaine public doit « lorsque, conformément à l’affectation de ces dépendances, cellesci sont le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ou l’ordonnance du 1er décembre 1986, dans le cadre desquelles s’exercent ces activités(13) ». Si, dans une décision du 23 mai 2012, RATP(14), le Conseil d’État a jugé que « la décision de délivrer ou non une telle autorisation, que l’administration n’est jamais tenue d’accorder, n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie », cette décision ne semble toutefois pas avoir remis en cause le principe posé par la décision Société EDA précitée en vertu de laquelle les règles du droit de la concurrence ont vocation à s’appliquer aux actes pris par le gestionnaire du domaine public. Dans ce contexte, trouvent notamment à s’appliquer les articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et L. 420-2 du Code de commerce prohibant les abus commis par un opérateur économique en situation de position dominante sur un marché donné et ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence. Ainsi, à quelques reprises déjà, le juge administratif a sanctionné le comportement du gestionnaire du domaine public au motif qu’il enfreignait les règles du droit de la concurrence et constituait un abus de position dominante. À titre d’exemple, on peut mentionner un jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 16 novembre
(9) C. Maugüé, G. Bachelier, « Le CGPPP : bilan d’étape avant de nouvelles évolutions », AJDA 2016, p. 1785.
(12) L. Ayache, « Droit de la concurrence et secteur public – Applicabilité et compétence », Jcl Concurrence – Consommation, Fasc. 120 ; Cons. conc., 14 février 2003, n° 03-D-09 ; Cass. com., 7 janvier 2004, APHPAR, n° 00-12.451.
(10) CE Sect., 3 décembre 2010, Ville de Paris, Association Paris Jean Bouin, req. n° 338272.
(13) CE Sect., 26 mars 1999, Société EDA, req. n° 202260, Rec. CE p. 109.
(11) Cass. com., 7 janvier 2004, APHPAR, n° 00-12.451.
(14) CE 23 mai 2012, RATP, req. n° 348909.
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2005(15) qualifiant d’abus de position dominante le refus discriminatoire du gestionnaire de l’aéroport de SaintDenis de délivrer à une société de location de voitures installée en dehors de la plateforme aéroportuaire une autorisation d’occupation du domaine public en vue de mettre en place un signalétique informant les passagers de son existence. On peut également mentionner l’arrêt de la cour administrative de Marseille du 13 février 2007, SARL SATA HANDLING(16) relative à la décision du gestionnaire de l’aéroport d’Ajaccio d’imposer au titulaire d’une convention d’occupation du domaine public de déplacer ses installations dans une aérogare différente. Si, dans cette affaire, la Cour n’a pas sanctionné les pratiques dénoncées par le requérant, elle a relevé qu’« il appartient au juge administratif, à qui il revient d’apprécier la légalité des actes de gestion du domaine public, de s’assurer que ces actes ont été pris compte tenu notamment des règles issues de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ». Faisant application de la jurisprudence Société EDA, la cour administrative de Bordeaux a, dans un arrêt du 27 novembre 2007(17), censuré le maire de la commune de Saint-Emilion qui, agissant en tant que gestionnaire du domaine public, avait refusé de délivrer au propriétaire d’une restaurant une concession domaniale. Pour annuler ce refus, la Cour a considéré, notamment, que la priorité donnée aux actuels détenteurs de concessions domaniales méconnaissait, à la fois, le principe d’égalité et le droit de la concurrence. Ainsi, les actes de gestion du domaine public entrent dans le champ d’application du droit de la concurrence qui est, dès lors, susceptible d’entraîner leur illégalité.
Dans certaines circonstances, l’absence d’organisation d’une publicité préalable peut constituer un abus de position dominante
(15) TA Saint-Denis, 16 novembre 2005, Sté Wein Autos, req. n° 0301732 ; voir également, CAA Paris 4 décembre 2003, Sté d’équipement de Tahiti et des îles, req. n° 00PA02740 ; CAA Marseille 13 février 2007, Sarl Sata Handling, req. n° 04MA00915 ; TA Lille 28 février 2006, SARL Gérald Demeyer Communications ; CAA Marseille 29 mai 2006, Congrégation des Cisterciens de l’Immaculée Conception, req n° 03MA01196 ; CAA Bordeaux 27 novembre 2007, Carreras, req. n° 06BX00462 ; CAA Bordeaux 30 décembre 2008, SARL CRAM, req. n° 06BX01765. (16) CAA Marseille 13 février 2007, Sarl Sata Handling, req. n° 04MA00915. 27
novembre
2007,
Carreras,
req.
(18) Voir à ce sujet, L. Ayache, C. Michellet, « Les pratiques d’éviction de l’organisateur d’un appel d’offres à l’égard d’entreprises candidates », Concurrences n° 2-2015.
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Ainsi, dans sa décision n° 09-D-08 du 16 février 2009 concernant les pratiques mises en œuvre par des sociétés concessionnaires d’autoroutes lors d’appels d’offres relatifs à l’octroi et au renouvellement d’agréments pour l’exercice de l’activité de dépannage-remorquage, le Conseil de la concurrence a contesté, à la fois « le caractère limité des procédures de mise en concurrence » et « l’octroi et le renouvellement des agréments de service de dépannage-remorquage sur autoroute […] sans mise en concurrence suffisante et dans une certaine opacité ». En outre et surtout, dans sa décision n° 14-MC-01 du 30 juillet 2014, l’Autorité de la concurrence a considéré qu’eu égard à la position de la Ligue Nationale de Rugby et à l’existence de barrières à l’entrée significatives sur le marché de la télévision payante, l’attribution des droits du Top 14 sans mise en concurrence « est susceptible de constituer un comportement discriminatoire ayant eu pour objet et pour effet de favoriser le Groupe Canal Plus, son partenaire historique depuis 1998, au détriment de beIN Sports ». L’Autorité de la concurrence a alors imposé à la Ligue Nationale de Rugby, à titre de mesures conservatoires, l’obligation d’attribuer les droits du Top 14, pour la saison 2015/2016 et les saisons suivantes, « à l’issue d’une procédure de mise en concurrence transparente, non discriminatoire et pour une durée qui ne soit pas disproportionnée ». Dans cette affaire, la Ligue Nationale de Rugby commercialisait sur le marché de la télévision payante les droits de retransmission des matchs du Top 14 et se trouvait, ainsi, en position d’offreur sur le marché. C’est, mutadis mutandis, la même position qu’occupent les gestionnaires du domaine public lorsqu’ils délivrent des concessions domaniales « pures ».
Le droit de la concurrence peut, dans certaines circonstances particulières, conduire à imposer l’organisation d’une procédure préalable de publicité et de mise en concurrence(18).
(17) CAA Bordeaux n° 06BX00462.
Deux décisions au moins, rendues en dehors d’un contexte de domanialité publique, permettent de conclure que l’absence de publicité préalable peut constituer un abus de position dominante.
En définitive, sur le fondement de la prohibition des abus de position dominante, les gestionnaires du domaine sont susceptible de se voir imposer l’organisation d’une procédure de publicité préalable à la commercialisation d’emplacements publics dont la rareté et le caractère essentiel leur confèrent une dimension stratégique pour le développement des entreprises actives sur le marché concerné. Il faut néanmoins reconnaître qu’il s’agit d’hypothèses limitées nécessitant de réunir les conditions propres aux abus de position dominante.
La Directive Services impose, désormais, l’obligation d’une publicité et d’une procédure de sélection non discriminatoire préalables Pendant longtemps, la question de l’existence d’une obligation de publicité préalable à l’attribution de conces-
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sions domaniales ne se posait qu’au regard du droit de la commande publique et du droit de la concurrence. En revanche, les autres fondements de droit européen n’avaient pas nécessairement été explorés(19). C’est désormais chose faite avec l’arrêt du 14 juillet 2016(20) qui a donné l’occasion à la Cour de justice de définir, sur le fondement de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, une obligation de transparence pour les concessions domaniales.
Les concessions domaniales constituent des autorisations au sens de la Directive Services soumises, à ce titre, à une obligation de transparence Dans cette affaire, étaient cause des décisions d’autorités administratives italiennes mettant fin à des concessions domaniales délivrées pour l’exercice d’activités touristiques sur les bords du lac de Garde et les côtes Sardes à deux sociétés italiennes. Contestant ces décisions, les deux sociétés arguaient, devant le juge national, d’une législation italienne prévoyant la prorogation de droit des concessions domaniales jusqu’en 2020. Saisie par la voie préjudicielle, la Cour de justice a rappelé que la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur a pour objet d’« éliminer les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres et à la libre circulation des services entre États membres ». Afin d’atteindre cet objectif, la Directive services fixe les conditions et limites dans lesquelles les États membres peuvent subordonner l’exercice d’une activité de service à un régime d’autorisation et, en particulier, les cas où une publicité et une procédure de sélection transparente de sélection des candidats doivent être mise en œuvre. Après avoir rappelé que l’article 4 de la Directive services définit un régime d’autorisation comme « toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice », la Cour de justice en a conclu que « des concessions octroyées par les autorités publiques dans le domaine maritime et lacustre qui visent l’exploitation d’une zone domaniale à des fins touristico-récréatives [...] peuvent dès lors être qualifiées d’autorisations, au sens des dispositions de la directive 2006/123, en ce qu’elles constituent des actes formels, quelle que soit leur qualification en droit national, devant être obtenus
(19) En effet, si la Cour de justice avait déjà eu l’occasion d’appliquer le principe de non-discrimination en fonction de la nationalité aux autorisations d’occupation du domaine public (CJUE 18 juin 1985, Steinhauser c. Ville de Biarritz, aff. C-197/84), elle n’avait, en revanche, jamais transposé à ces contrats le principe général de transparence dégagé en matière de commande publique. (20) CJUE 14 juillet 2016, aff. C-458/14.
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par les prestataires, auprès des autorités nationales, afin de pouvoir exercer leur activité économique ». Or, lorsque le nombre d’autorisations est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, l’article 12 de la Directive services impose, d’une part, une procédure de sélection impartiale et transparente, ainsi que, d’autre part, une durée limitée des autorisations et, enfin, interdit leur renouvellement automatique. Faisant application de cette disposition, la Cour de justice a considéré, s’agissant des concessions de plage en Italie, qu’une concession domaniale, « lorsque leur nombre est limité en raison de la rareté des ressources naturelles, doit être soumise à une procédure de sélection entre les candidats potentiels, laquelle doit répondre à toutes les garanties d’impartialité et de transparence, notamment de publicité adéquate ». En outre, la Cour de justice a précisé que, dans l’hypothèse où la directive du 12 décembre 2006 ne serait pas applicable, « les concessions en cause au principal concernent un droit d’établissement dans la zone domaniale en vue d’une exploitation économique à des fins touristico-récréatives, de sorte que les situations concernées par les affaires au principal relèvent, de part leur nature même, de l’article 49 TFUE » relatif au principe de la liberté d’établissement.
Le champ d’application de ce nouveau principe de publicité préalable apparaît très large Cette décision semble bien mettre un terme à l’incertitude qui présidait, jusqu’à présent, quant à l’exigence d’une procédure de publicité préalable à la délivrance des concessions domaniales « pures » en lui offrant un fondement juridique nouveau. Le champ d’application de cette obligation de publicité paraît large et devrait probablement concerner la grande majorité des concessions domaniales pures, la Directive services trouvant à s’appliquer y compris en l’absence d’intérêt transfrontalier. En outre, s’agissant des rares concessions domaniales qui n’entreraient pas dans le champ d’application de la Directive Services (c’est-à-dire soit qu’elles ne portent pas sur une ressource naturelle ou une capacité technique, soit que le nombre d’autorisations ne serait pas limité en raison de la rareté de ces ressources ou capacités), la Cour de justice prend soin de rappeler que le principe de la liberté d’établissement prend, alors, le relai et impose, lui aussi, un minimum de transparence préalable à leur délivrance. Par ailleurs, il faut relever que le corolaire de cette exigence de publicité préalable est que, désormais, les concessions domaniales doivent être attribuées pour une durée limitée et périodiquement remises en concurrence, remettant ainsi en cause la possibilité aujourd’hui offerte aux gestionnaires du domaine public de délivrer des concessions domaniales à la durée indéterminée.
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En guise de conclusion, le nouvel état du droit résultant de la décision de la Cour de justice du 14 juillet 2016 soulève les deux interrogations suivantes. Premièrement, si cette décision a finalement donné à l’obligation d’organiser une publicité préalable à la délivrance des concessions domaniales le fondement juridique qui lui faisait défaut, la question demeure toujours de l’étendue de son champ d’application et de ses modalités. En France, il reviendra au législateur délégué d’apporter ces réponses, puisque la loi Sapin 2, adoptée définitivement le 8 novembre dernier, a habilité le Gouvernement à définir, par ordonnance, « des obligations de publicité et de mise en concurrence préalable applicables à certaines autorisations d’occupation ».
Deuxièmement, se pose la question des conséquences de la décision du 14 juillet 2016 sur les concessions domaniales en cours délivrées sans publicité préalable, la Cour de justice ayant, en l’espèce, écarté la possibilité pour les requérants de se prévaloir des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, au motif que les concessions en cause ont été délivrées « alors qu’il avait déjà été établi que les contrats qui présentaient un intérêt transfrontalier certain devaient être soumis à une obligation de transparence ». Est-ce à dire qu’il serait possible de remettre en cause toutes les concessions domaniales attribuées sans publicité préalable ? Il appartiendra à la jurisprudence de trancher cette question et, le cas échéant, de franchir le pas.
À cette occasion, une attention particulière devra être portée à la question de la durée (qui pouvait jusqu’à présent être indéfinies) et des mécanismes de transmissibilité des concessions domaniales récemment introduits par le législateur(21) et dont la compatibilité avec la Directive services soulève quelques doutes.
(21) Il s’agit, par exemple, de la possibilité offerte au concessionnaire de demander à l’administration de s’engager, par avance,
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à agréer le repreneur potentiel de son activité (nouvel article L. 2122-7 du CG3P).
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La liberté dans la publicité des contrats publics : mise à l'épreuve du professionnalisme de l’acheteur Le décret du 25 mars 2016 prévoit dans certains articles que les modalités de publicité sont définies « librement pas l’acheteur ». Que recouvre cette liberté ? Quelles sont les différentes possibilités offertes aux acheteurs ? Outre les réponses à ces questions, cette contribution contient diverses recommandations destinées aux acheteurs.
L’
achat public (même dans sa conception renouvelée), et plus largement les contrats publics, portent encore les stigmates de la rigueur et de l’inflexibilité que les élus locaux et les techniciens ont bien voulu leur donner. Pour autant et n’en déplaise à leurs détracteurs, la conférence annuelle de l’Association des Acheteurs Publics (AAP)(1) a été l’occasion de rappeler la volonté de faire de la passation d’un contrat public, un « acte d’achat intelligent ». À l’aune de la dernière réforme des contrats publics, il est urgent pour eux de faire peau neuve. La publicité utilisée lors du lancement d’une consultation figure sans nul doute, au nombre des outils pouvant participer à la passation de contrats publics raisonnés. Les mesures de publicité déployées lorsqu’un contrat public est lancé, vont constituer l’un des premier choix stratégiques de l’acheteur(2). En quelque sorte, la publicité va donner le ton ! Les supports de publicité utilisés vont en effet conditionner l’audience, la visibilité du contrat et donc stimuler plus ou moins le secteur concurrentiel concerné. Interrogés sur le cadre juridique de la publicité en matière de commande publique, les praticiens feront aisément référence à des dispositions telles que les articles 33 à 36 du décret relatifs aux marchés publics ou encore les articles 9 à 16 du décret relatifs aux contrats de concession(3). Pour autant, l’évidence peut rapidement céder la place au doute et à la perplexité face aux souplesses offertes par certaines de nos dispositions. « Lorsque que la valeur estimée du besoin est inférieure au seuil européen applicable (...) l’acheteur définit librement les mesures de publicités adaptées (...) »(4), « L’acheteur
Sophie Bernier Responsable juridique SMiTU Thionville-Fensch
Mots clés 9 Òc^i^dc YZh WZhd^ch EjWa^X^i VYVei Z EjWa^X^i [VXjaiVi^kZ EjWa^X^i hjeea bZciV^gZ IgVcheVgZcXZ
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(1) Conférence annuelle du 6 octobre 2016. (2) L’acheteur viendra désigner ici, au sens large, pouvoir adjudicateur, entité adjudicatrice, autorité concédante, bailleur s’agissant des baux emphythéotiques administratifs (BEA)… etc. (3) Décrets n° 2016-360 du 25 mars 2016 et décret n° 2016-86 du 1er février 2016. (4) Article 35.I. (1°) du décret n° 2016-360.
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peut faire paraître une publicité supplémentaire »(5) (entre autres références qui seront évoquées en infra), voici un échantillon de dispositions juridiques, vecteur de liberté pour l’acheteur certes, mais qui impose également à ce dernier de sortir de sa zone de confort en dégradant des règles de publicité propres aux contrats qu’il va lancer, et ce, au sein d’un cadre juridique général.
Ces premiers éléments de langage méritent toutefois d’être affinés. En effet, à y regarder de plus près les dispositions encadrant la publicité des contrats publics, l’acheteur ne va pas toujours disposer des mêmes marges de manœuvre. Doit alors être dégagé le concept de liberté graduée.
N’oublions pas que, jusqu’alors, les acheteurs étaient davantage assimilés à des techniciens de la procédure (dans une acception juridique) qu’à des acheteurs au sens économique du terme. La rigueur prenait le pas sur l’adaptation.
1° la publicité facultative ;
Face à la « professionnalisation » de la commande publique, en témoigne notamment l’introduction dans notre droit positif de la qualité d’« acheteur », il convient d’isoler et de décrypter, les situations dans lesquelles, une certaine liberté est laissée pour procéder à la publicité des contrats publics.
Notions – Une liberté graduée Il convient préalablement de définir et d’encadrer ce que l’on entend par l’expression suivante : « Modalités de publicité librement fixées ». Certains contrats de la commande publique, pour diverses raisons (objet, montant entre autres choses) doivent faire l’objet de mesures de publicité strictement encadrées. Il s’agit, à titre d’illustration, des marchés publics dits formalisés(6). A contrario, il est de ces situations dans lesquelles, il va être permis de mettre en œuvre des mesures de publicité qui ne sont pas imposées par les textes. À cet instant, va souffler un vent de liberté pour l’acheteur.
Ce concept peut être matérialisé par une échelle à trois niveaux, permettant d’isoler les situations suivantes : 2° la publicité adaptée ; 3° la publicité supplémentaire ou complémentaire. S’agissant de la publicité facultative, celle-ci va designer la situation dans laquelle, l’acheteur, bien que dispensé par les dispositions en vigueur, de procéder à la publicité de son contrat, va souhaiter se soumettre volontairement à de telles mesures (à des degrés variables évidemment). La publicité adaptée va, quant à elle, faire référence à la situation dans laquelle le contrat public à lancer doit être soumis, de part les textes qui l’encadrent, à des mesures de publicité sans toutefois que la consistance de celles-ci ne soient définies précisément. L’acheteur va donc devoir déterminer quelles sont les mesures de publicité utiles à son contrat en tenant compte notamment de son objet, de son montant ou encore de sa technicité. Enfin, la publicité dite supplémentaire ou complémentaire(7) va intervenir dans le cadre de contrats publics où un socle de mesures de publicité est imposé par les textes mais pour lesquels, il va pouvoir être mis en œuvre des mesures de publicité additionnelles, si cela est jugé opportun (visibilité supplémentaire). Une liberté multiforme donc, pour une palette de contrats publics elle-même variées. Une synthèse casuistique s’impose. (8) (9)
Éventails des possibilités juridiques Degrés de publicité libre Typologie des contrats publics
FACULTATIVE
ADAPTÉE
SUPPLÉMENTAIRE
Marchés publics de l’État, ses établissements publics autres qu’à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et groupements MP < 25 000 euros HT Article 30 (8°) du décret8
X. Tout support en lien avec l’objet et le montant du MP
25 000 euros < MP < 90 000 euros Article 34 I. (1° a) du décret
X. Tout support en lien avec l’objet et le montant du MP
X. Support accessoire de la publicité principale
90 000 euros < MP < seuils9 Article 34 I. (1° b) du décret
X. Support accessoire de la publicité principale
MP > seuils Article 33 I (1°) et III du décret
X. Support accessoire de la publicité principale
, Edjg aZh XdcigVih YZ XdcXZhh^dc / Vgi# &* Yj Y XgZi c '%&+"-+# (8) Référence au décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics. (5) Article 35.II du décret susmentionné. (6) Article 33 du décret n° 2016-360.
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(9) Seuils fixés par le décret n° 2015-1904 modifiant les seuils applicables aux marchés publics et autres contrats de la commande publique.
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Degrés de publicité libre Typologie des contrats publics
FACULTATIVE
ADAPTÉE
SUPPLÉMENTAIRE
Marchés publics des autres acheteurs MP < seuils Article 34 I. (2°) du décret
X. Tout support en lien avec l’objet et le montant du MP
MP > seuils Article 33 I (2°) et III du décret
X. Support accessoire de la publicité principale X. Support accessoire de la publicité principale
Marchés publics (ensemble des acheteurs) MP service juridique Article 29 I du décret
X. Tout support en lien avec l’objet et le montant du MP
X. Support accessoire de la publicité principale
MP services sociaux et spécialisés < seuils Article 35 I (1°) du décret
X. Tout support en lien avec l’objet et le montant du MP
X. Support accessoire de la publicité principale
MP services sociaux et spécialisés > seuils Article 35 II du décret Marchés de partenariat Articles 33 et 143 du décret marchés publics
X. Support accessoire de la publicité principale Régime identique à celui des marchés publics décrit en supra
Contrats de concession Article 15 du décret10 Convention d’occupation du domaine public Cf. jurisprudence11
X. Publicité spécialisée éventuelle (Contrat du 15 II.)
X. Publicité additionnelle au support principal – contenu allégé
X. Tout support permettant de répondre aux objectifs que la personne publique s’est fixés (valorisation du domaine public notamment)
L’un des contrats précité adossé à un BEA Cf. jurisprudence12
X. Application des modalités de publicité libre des contrats visées en supra, en cas d’adossement de l’un de ceux-ci à un BEA
(10) (11) (12)
Les recommandations « A.C.H.A.T » Face à cet éventail des possibles, cinq qualités devront être déployées :
« A » comme Analyse Si un achat public performant doit commencer par une définition affinée du besoin(13), la mise en œuvre d’une publicité libre devra nécessairement débuter par l’analyse du contrat à conclure (objet, montant... etc.) et de son environnement concurrentiel (secteur professionnel particulier, technicité... etc.).
À ce stade, il va falloir déployer une véritable stratégie afin de satisfaire l’objectif qui est celui de la publicité à savoir : donner de la visibilité à son projet et créer une émulation au sein du secteur concurrentiel concerné. Afin de construire cette stratégie, une attention particulière va devoir être portée à plusieurs éléments : – l’impact du contrat : il va s’agir de déterminer s’il est susceptible de disposer d’une audience locale, nationale voir transfrontalière. Ce premier critère rendra plus ou moins pertinent l’utilisation de certains supports de publicité. À titre d’exemple, pour la réalisation de petits travaux d’électricité au sein d’un bâtiment communal, solliciter quelques prestataires locaux apparaît suffisant ;
(10) Décret n° 2016-86 relatif aux contrats de concession.
– le montant du besoin à satisfaire ;
&& 8: ( Y XZbWgZ '%&%! K^aaZ YZ EVg^h! gZf# c ((-','#
– la technicité : la complexité technique du besoin à satisfaire, en dépit du faible montant du contrat, peut nécessiter de mettre en œuvre des mesures de publicité
(12) CE Ass, 10 juin 1994, Commune de Cabourg, req. n° 141633. (13) Article 30 du l’ordonnance n° 2015-899.
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spécifiques(14) afin d’avoir une meilleure visibilité et d’atteindre un secteur économique particulier tant au niveau local que national. Une attention particulière doit donc être portée à cet élément ; – le prestige : il s’agit de contrats publics convoités des opérateurs économiques en raison de l’effet « vitrine » que leur réalisation pourra procurer. L’image de marque du prestataire sélectionné pouvant être considérablement améliorée, une fois le contrat honoré, ce type de contrat nécessite la mise en œuvre de mesures de publicité plus importantes que des contrats à l’objet plus classique, et ce, indépendamment de leur montant. L’analyse ainsi faite, permettra de jauger le niveau de publicité libre, adéquat.
« C » comme Connaissance Nul ne pourra procéder à une publicité adaptée, de façon satisfaisante sans disposer d’une solide connaissance : – d’une part, des situations dans lesquelles la publicité est libre(15) ; – d’autre part, des outils à disposition pour procéder à une telle publicité efficacement. Parmi ces outils doivent, entre autres, être cités: le profil acheteur, la presse, BOAMP, JOUE, les revues spécialisées (assurance, restauration… etc.), l’utilisation du bulletin d’une collectivité, l’affichage, le site internet, courriel, fax, courrier… etc. L’acheteur dispose d’une véritable panoplie d’outils afin de composer une publicité libre et performante.
« H » comme Hardiesse En préambule de ces développements a été évoqué le mouvement récent de professionnalisation de l’achat public. L’acheteur (au sens économique du terme) est salué pour ses solides connaissances du secteur économique dans lequel il opère, une maîtrise de la stratégie achat et, enfin, une capacité d’adaptation et d’innovation pour rester performant. Telle est la logique de l’achat privé. En matière de contrats publics, si la liberté permet l’adaptation, elle doit également et heureusement être parfois l’occasion de faire preuve d’audace, en réinventant la manière de procéder à la publicité des contrats. Il est tentant et confortable de laisser certains acheteurs innover en attendant éventuellement les jugements rendus sur ces « essais » par nos juridictions administratives, afin de savoir comment se positionner face à ces tentatives audacieuses. Mais est-ce le comportement
que doit avoir le fameux « acheteur intelligent »(16) ? Il est permis d’en douter. Au nombre des essais innovants, il convient d’en mettre au moins un en exergue. Celui de la ville de Royan qui, dans la perspective du lancement d’un marché public pour la fourniture de mobiliers d’affichage urbain, numérique, de signalétique urbaine commerciale et publique a décidé, en application de ce que permet l’article 4 du décret relatif aux marchés publics, de réaliser une étude et un échange préalable avec les opérateurs économiques dit « sourçage » ou « sourcing ». Innovant, en ce que cette pratique n’était, jusqu’au 1er avril 2016, pas au nombre des dispositions de notre règlementation mais de prime abord hors sujet au regard de la thématique qui nous intéresse dans ce dossier. Et pourtant, détrompez-vous. La ville de Royan a fait le choix de soumettre cette étape préalable de sourcing, à des mesures de publicité au moyen d’une publication sur le profil acheteur de la commune ainsi que par voie de presse. Aucune disposition du décret susmentionné, n’imposait à cet acheteur de se soumettre à de telles formalités. Pour autant, au regard de la technicité et de l’impact de cette commande à venir, la démarche et le formalisme auxquels s’est soumis spontanément la ville de Royan matérialise la mise en œuvre d’une démarche achat raisonnée, permettant d’interpeler des fournisseurs nationaux, au fait qui plus est, des nouveautés technologiques pouvant répondre à son besoin. Face à une même démarche de renseignements, un acheteur « lambda », en application stricto sensu des dispositions de l’article 4 précité, aurait organisé une entrevue avec des prestataires qui, ayant eu connaissance de ce besoin potentiel grâce à divers canaux, l’auraient préalablement contacté. Une telle pratique, bien que ne conditionnant pas l’issue de la consultation lancée ultérieurement, expose l’acheteur à une perte de connaissance du secteur économique voir même des possibilités techniques et technologiques pouvant s’offrir à lui. L’audace aussi risquée puisse-t-elle être, présente aussi ses avantages. La présente recommandation (« H » comme hardiesse), bien que ne pouvant qu’être plus rarement déployée, méritait toutefois d’être évoquée afin d’insister sur l’évolution connue et nécessaire de la commande publique à savoir, désormais, tendre vers un rapprochement de l’achat privé à tout le moins en ce qui concerne certaines techniques d’achat.
« A » comme Adaptation Chaque contrat doit autant que possible faire l’objet de mesures de publicité qui lui sont propres. L’efficacité de mesures de publicité libres se mesure à la réalisation
&) 8: , dXidWgZ '%%*! G \^dc"CdgY"EVh"9Z"8VaV^h! gZf# n° 278732. (15) Cf. tableau en infra.
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(16) En référence aux propos tenus lors de la conférence annuelle YZ aÉ66E! aZ + dXidWgZ '%&+#
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ou non d’un juste équilibre entre efficacité du contrat et économie des mesures de publicité mise en œuvre. Et, considérant que chaque contrat public possèdera des caractéristiques propres, l’adaptation sera de mise pour concilier ces deux objectifs. Cette adaptation se justifie notamment par le fait que le montant d’un contrat public, aussi déterminant puisset-il être pour définir son niveau de publicité, ne doit pas pour autant être le seul critère mis en œuvre. La Haute cour a ainsi rappelé, dans une décision du 7 octobre 2005(17), que le montant limité d’un marché ne peut à lui seul justifier la mise en œuvre de mesures de publicité relativement restreintes. Doivent ainsi être pris en compte des critères tels que le prestige attaché à la réalisation des prestations ou encore la spécificité du besoin. L’adaptation réside également dans le fait que l’obligation de publicité n’implique pas de manière systématique, la publication(18). Ainsi, la consultation pourra se faire par courriel, fax ou encore par courrier, s’il apparaît que ces mesures de consultation s’avèrent adaptées au besoin à satisfaire. Cette pratique va notamment être pertinente pour des achats de faible montant. Attention toutefois à ce que l’adaptation ne conduise pas à procéder à des mesures de publicité dont le coût serait supérieur au bénéfice concurrentiel qu’elles peuvent procurer. Chaque support de publicité implique en effet des coûts non négligeables. De véritables choix stratégiques doivent donc être opérés à cette étape de la procédure de passation d’un contrat public.
« T » comme Transparence La commande publique est encadrée par quelques grands principes au nombre desquels figure la « Transparence »(19).
Cette idée renvoie à l’obligation qui est faite de pouvoir justifier à tout instant, notamment dans la perspective de sollicitations de candidats évincés voir encore dans le cas de contentieux afférant aux contrats publics, d’un déroulement des procédures conforme aux dispositions juridiques en vigueur. La publicité des contrats publics n’échappe évidemment pas à cette exigence de transparence dont l’objectif nous est notamment rappelé par l’article 41 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics à savoir : « (...) susciter la plus large concurrence (...) ». La difficulté en la matière va, là encore, naître des situations dans lesquelles la liberté est de mise. Si les cas de publicité imposés se veulent rassurant, ils portent également le poids de la contrainte. A contrario, les cas de publicité libres, aussi déstabilisant puissent-ils être, présentent l’avantage de la souplesse. Pour des raisons relativement évidentes, il est presque inutile d’évoquer la tentation, dans pareille situation, qui est celle de ne pas mobiliser l’ensemble des mesures de publicité permettant de servir la passation de contrats publics « intelligents ». Il va donc falloir veiller à ne pas se détourner de cet impératif, car les textes encadrant la commande publique sont clairs. Afin de répondre à l’exigence de transparence des procédures, il faudra être en mesure d’apporter la preuve des mesures de publicité déployées comme en témoignent notamment les dispositions de l’article 16 du décret relatif aux contrats de concession(20). À cet effet, les profils acheteurs, notamment, sont des outils pertinents afin d’assurer la traçabilité de la procédure et démontrer si nécessaire qu’il a été mis en œuvre des mesures de publicité proportionnées au contrat public mis en cause. La publicité est donc bel et bien un levier de l’achat performant. À charge pour l’acheteur de réinventer constamment sa mise en œuvre.
(17) Cf. cité supra n° 9. (18) CJUE 21 juillet 2005, Consorzio Aziende Metano, aff. C-231/03. (19) Article 1 de l’ordonnance n° 2016-65 relative aux contrats de concession, article 1.I. de l’ordonnance n° 2015-899 relative aux marchés publics.
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'% 6gi^XaZ &+# >>># Yj Y XgZi c '%&+"-. / » AÉVjidg^i XdcX YVciZ doit être en mesure de faire la preuve de la date d’envoi des avis de concession ».
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Le recours à l’avis de préinformation et à l’avis périodique indicatif L’avis de préinformation et l’avis périodique indicatif interviennent en amont de la publication des avis de marché. Lorsqu’ils les acheteurs recourent à ces avis, ils poursuivent différents objectifs. Outre qu'un certain nombre d’éléments doivent figurer dans ces avis, des règles de publicité spécifiques s’appliquent.
L
es textes portant la réforme visant à simplifier et à moderniser le droit de la commande publique sont entrés en vigueur le 1er avril 2016. Ils ont notamment introduit de nouvelles règles en matière de publicité préalable à la passation des marchés publics. L’article 41 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 transposant le volet législatif des directives 2014/24/UE et 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics pose le principe de la publicité préalable(1). Les conditions de cette publicité sont définies aux articles 31 à 37 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics transposant le volet règlementaire des directives 2014/24/UE et 2014/25/UE du 26 février 2014.
L’avis de préinformation – à destination des pouvoirs adjudicateurs(2) – et l’avis périodique indicatif – à destination des entités adjudicatrices(3) – constituent des modalités de publicité intervenant en amont de la publication des avis de marché et permettant aux acheteurs de faire connaître aux opérateurs économiques leur intention de passer un marché public. Ce sont des avis d’appel à la concurrence, au même titre que l’avis de marché. Ces deux instruments préexistants sous l’empire du Code des marchés publics ont vu leurs régimes juridiques modifiés et harmonisés. Notamment, à la différence du Code des marchés publics, les dispositions introduites par le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ne conditionnent pas le recours à ces avis Karine Hennette-Jaouen Avocat Associé Adéyinka Bellow Avocat
Mots clés 6k^h YZ eg ^c[dgbVi^dc 6k^h e g^dY^fjZ ^cY^XVi^[ 9 aV^h BZci^dch EjWa^X^i
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(1) Article 41 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 : « Afin de susciter la plus large concurrence, les acheteurs procèdent à une publicité selon l’objet du marché public, la valeur estimée hors taxe du besoin ou l’acheteur concerné ». (2) Article 31 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. (3) Article 32 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016.
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au respect d’une condition de seuil(4). Cette absence de toute référence à un seuil minimal doit être interprétée comme une volonté de favoriser leur utilisation par les acheteurs. Cette refonte constitue une occasion de faire le point sur l’intérêt pour les acheteurs de recourir à ce type d’avis d’appel à la concurrence. L’utilisation de l’avis de préinformation et de l’avis périodique indicatif par les acheteurs est justifiée par différents motifs. En fonction du but poursuivi par l’acheteur, les modalités de publication que devront respecter ces avis varieront.
Les motifs du recours aux avis de préinformation et avis périodiques indicatifs Le recours à l’avis de préinformation et à l’avis périodique indicatif par les acheteurs peut poursuivre trois objectifs différents qui peuvent par ailleurs être cumulatifs.
L’efficacité de la commande publique Le recours à l’avis de préinformation comme à l’avis périodique indicatif permet aux acheteurs d’améliorer l’efficacité de la commande publique en apportant une information anticipée aux opérateurs économiques. En effet, la publication de ces avis – jusqu’à douze mois avant la publication de l’avis de marché – va permettre aux acheteurs d’optimiser la procédure de passation du marché public en réduisant le risque d’infructuosité, d’une part, et en favorisant la concurrence entre les opérateurs économiques, d’autre part. En pratique, l’intérêt de recourir à ces avis sera justifié en particulier pour des marchés importants, récurrents, et/ ou pour des secteurs spécialisés.
La réduction des délais de réception des offres L’utilisation de l’avis de préinformation ou de l’avis périodique indicatif constitue l’une des modalités permettant aux acheteurs de réduire les délais de réception des offres dans le cadre de certaines procédures. Ainsi : – en appel d’offres ouvert, la publication d’un avis de préinformation ou d’un avis périodique indicatif ouvre la faculté à l’acheteur de réduire le délai minimal de réception des candidatures et des offres de trente-cinq jours à quinze jours à compter de la date d’envoi de l’avis de marché(5) ;
– en appel d’offres restreint, la publication d’un avis de préinformation ouvre la faculté à l’acheteur de réduire le délai minimal de réception des offres de trente jours à dix jours à compter de la date d’envoi de l’invitation à soumissionner(6) ; – en procédure concurrentielle avec négociation, la publication d’un avis de préinformation ouvre la faculté à l’acheteur de réduire le délai minimal de réception des offres initiales de trente jours à dix jours à compter de la date d’envoi de l’invitation à soumissionner(7). Les acheteurs bénéficieront de ces réductions de délais sous réserve du respect des modalités spécifiques de publication de ces avis détaillées infra.
Le lancement d’un appel à la concurrence Les pouvoirs adjudicateurs – hors autorités publiques centrales(8) – et les entités adjudicatrices peuvent lancer un appel à la concurrence par le biais respectivement des avis de préinformation et des avis périodiques indicatifs. Cette faculté nouvelle pour les pouvoirs adjudicateurs existait déjà sous l’empire du Code des marchés publics pour les entités adjudicatrices. Le lancement d’un appel à la concurrence par le biais de ces avis est limité : – à la procédure d’appel d’offres restreint et à la procédure concurrentielle avec négociation pour les pouvoirs adjudicateurs ; – à la procédure d’appel d’offres restreint et à la procédure négociée avec mise en concurrence préalable pour les entités adjudicatrices. Lorsque ces avis sont utilisés pour lancer un appel à la concurrence, ils doivent remplir les conditions spécifiques prévus aux articles 31-II et 32-II du décret.
Les modalités du recours aux avis de préinformation et avis périodiques indicatifs Différents objectifs peuvent motiver le recours aux avis de préinformation et avis périodiques indicatifs par les acheteurs. Les modalités du recours à ces avis (support de publicité / mentions / moment de la publication) varient en fonction du but recherché par l’acheteur. En toute hypothèse, ces avis doivent être établis conformément aux modèles fixés par le règlement de la Commission européenne établissant les formulaires standards pour la publication d’avis.
(6) Article 70 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. ) AZh Vk^h YZ eg ^c[dgbVi^dc Zi aZh Vk^h e g^dY^fjZh ^cY^XVi^[h pouvaient être publiés à partir du seuil de 750 000 euros HT pour les fournitures et les services et de 5 225 000 euros HT pour les travaux (article 39 et 149 du Code des marchés publics abrogé). (5) Article 67 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016.
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(7) Article 72 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. - AV a^hiZ YZh Vjidg^i h ejWa^fjZh XZcigVaZh Zhi ejWa^ Z YVch l’avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités ejWa^fjZh XZcigVaZh Zc Ygd^i YZ aV XdbbVcYZ ejWa^fjZ! ?D c %%,) du 27 mars 2016.
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Dossier Modalités de publicité : entre liberté et contraintes
Les modalités du recours aux avis de préinformation et avis périodiques indicatifs visant uniquement à améliorer l’efficacité de la commande publique O
Supports de publicité
O
Supports de publicité
L’avis de préinformation comme l’avis périodique indicatif doivent être soit adressés pour publication à l’Office des publications officielles de l’Union européenne, soit publiés sur le profil acheteur.
L’avis de préinformation comme l’avis périodique indicatif doivent être soit adressés pour publication à l’Office des publications officielles de l’Union européenne, soit publiés sur le profil acheteur.
Lorsque l’acheteur fait le choix de publier l’avis sur son profil acheteur, il doit au préalable envoyer à l’Office des publications officielles de l’Union européenne un avis annonçant la publication de l’avis de préinformation ou de l’avis périodique indicatif sur son profil acheteur.
Lorsque l’acheteur fait le choix de publier l’avis sur son profil acheteur, il doit au préalable envoyer à l’Office des publications officielles de l’Union européenne un avis annonçant la publication de l’avis de préinformation ou de l’avis périodique indicatif sur son profil acheteur.
La date de cet envoi devra être mentionnée sur l’avis publié sur le profil acheteur.
La date de cet envoi devra être mentionnée sur l’avis publié sur le profil acheteur.
O
Mentions à porter dans l’avis
O
Mentions à porter dans l’avis
L’avis de préinformation comme l’avis périodique indicatif est établi conformément au modèle fixé par le règlement 2015/1986/UE de la Commission européenne du 11 novembre 2015 établissant les formulaires standard pour la publication d’avis.
En cas d’utilisation de ces avis dans l’optique de réduire les délais de réception des offres, ils devront comporter les mêmes renseignements que ceux qui figurent dans l’avis de marché, pour autant que ces renseignements soient disponibles au moment de l’envoi à la publication.
En cas d’utilisation de ces avis dans la seule optique d’apporter une information anticipée aux opérateurs économiques, l’acheteur complète le formulaire dans le respect des instructions contenues dans celui-ci.
Le respect de cette obligation est contrôlé par le juge. Ainsi, dans l’hypothèse où une information serait manquante, il appartiendra à l’acheteur de démontrer qu’il n’était pas en mesure d’apporter le renseignement en cause au stade de la préinformation(11).
Par ailleurs, en ce qui concerne les entités adjudicatrices, en toute hypothèse, celles-ci doivent communiquer aux candidats qui le demandent les spécifications techniques qu’elles font habituellement figurer ou qu’elles entendent faire figurer dans les marchés ayant le même objet que celui faisant l’objet de l’avis périodique indicatif(9). O
Moment de la publication
L’avis de préinformation comme l’avis périodique indicatif pourront être transmis pour publication jusqu’à douze mois avant le lancement de la procédure de passation du marché(10).
(9) Article 32 III du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. &% HVj[ Zc XZ fj^ XdcXZgcZ aZh bVgX] h ejWa^Xh YZ hZgk^XZh hdX^Vjm edjg aZhfjZah aV ejWa^XVi^dc YÉjc Vk^h YZ eg ^c[dgbVi^dc dj YÉjc Vk^h e g^dY^fjZ ^cY^XVi^[ eZji Xdjkg^g jcZ Yjg Z hje g^ZjgZ | 12 mois : art. 35 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016.
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Les modalités du recours aux avis de préinformation et avis périodiques indicatifs visant à réduire les délais de réception des offres
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Dès lors, en cette hypothèse, les acheteurs devront veiller à apporter l’information la plus exhaustive aux opérateurs économiques dans l’avis de préinformation ou dans l’avis périodique indicatif s’ils entendent réduire les délais de réception des offres. O
Moment de la publication
L’avis de préinformation comme l’avis périodique indicatif devront être envoyés à la publication entre 35 jours
&& I6 BVghZ^aaZ! (& bV^ '%%,! gZf# c %,%(%&% / » 8dch^Y gVci! YÉVjigZ eVgi! fjÉVjm iZgbZh YZ aÉVgi^XaZ *, Yj XdYZ YZh bVgX] h publics, applicable aux procédures d’appel d’offres ouvert, […] : fjZ! XZeZcYVci! aZ edjkd^g VY_jY^XViZjg V VYgZhh | aV ejWa^XVtion le 16 janvier 2007, comme il en avait la possibilité, un avis YZ eg "^c[dgbVi^dc 0 fjZ idjiZ[d^h! XZi Vk^h YZ eg "^c[dgbVi^dc! s’il mentionne la durée du marché, ne comporte pas tous les gZchZ^\cZbZcih fj^ Yd^kZci Ò\jgZg YVch jc Vk^h YÉVeeZa ejWa^X | la concurrence, en particulier les modalités de financement, les \VgVci^Zh egd[Zhh^dccZaaZh Zi iZX]c^fjZh Zm^\ Zh YZh XVcY^YVih! aZh Xg^i gZh YÉViig^Wji^dc Yj bVgX] ! aV aVc\jZ YVch aVfjZaaZ aZh d[[gZh YZkV^Zci igZ g Y^\ Zh 0 fjÉ^a cÉZhi eVh iVWa^ fjZ hjg XZh différents points, le pouvoir adjudicateur n’était pas en mesure YÉVeedgiZg aZh ^c[dgbVi^dch gZfj^hZh Y h XZiiZ eg "^c[dgbVi^dc 0 fjZ! YVch XZh XdcY^i^dch! aZ edjkd^g VY_jY^XViZjg cÉV ej a \VaZbZci ramener le délai de dépôt des offres en deçà de 52 jours, en se fondant sur les dispositions précitées de l’article 57 du code des marchés publics ».
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au moins et 12 mois au plus avant la date d’envoi de l’avis de marché.
Les modalités du recours aux avis de préinformation et avis périodiques indicatifs utilisés dans l’optique de lancer un appel à la concurrence O
Supports de publicité
Les avis de préinformation et les avis périodiques indicatifs utilisés pour lancer un appel à la concurrence doivent être transmis pour publication à l’Office des publications officielles de l’Union européenne. Ces avis ne sont pas publiés sur le profil acheteur sauf publication complémentaire réalisée après transmission à l’Office des publications officielles de l’Union européenne. Cette publication complémentaire ne pourra fournir plus de renseignements que la publication au Journal officiel de l’Union européenne. O
Mentions à porter dans l’avis
Un avis de préinformation ou un avis périodique indicatif utilisé pour lancer un appel à la concurrence devra : – faire référence spécifiquement aux travaux, aux fournitures ou aux services qui feront l’objet du marché public à passer ; – mentionner que le marché public sera passé selon une procédure d’appel d’offres restreint ou une procédure concurrentielle avec négociation ou une procédure négociée sans publication ultérieure d’un avis d’appel à la concurrence ; – inviter les opérateurs économiques intéressés à manifester leur intérêt. L’invitation à confirmer l’intérêt envoyée par la suite simultanément aux opérateurs ayant manifesté leur intérêt comprend les informations détaillées relatives
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au marché public à passer. La liste des mentions devant figurer dans l’invitation à confirmer l’intérêt est précisé à l’article 37 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. O
Moment de la publication
Les avis de préinformation et les avis périodiques indicatifs utilisés pour lancer un appel à la concurrence doivent être transmis pour publication entre trente-cinq jours et douze mois avant la date d’envoi de l’invitation à confirmer l’intérêt.
Conclusion Les avis de préinformation et les avis périodiques indicatifs peuvent être parfois perçus comme un facteur de complexification de la procédure de passation d’un marché public nonobstant les avantages que procurent leur utilisation. Toutefois, le développement du recours à ces instruments ne peut qu’être encouragé d’autant que ces avis constituent une information anticipée non contraignante pour l’acheteur en ce qu’aucune disposition ne lui fait obligation de donner suite à leur publication par la passation d’un marché public(12). S’ils ont vocation à être utilisés plus largement par les acheteurs, on peut néanmoins relever que dans le cadre de la réforme de la commande publique le recours à ces avis n’a pas été étendu à la passation des contrats de concession.
&' 8: &% cdkZbWgZ '%&%! ;gVcXZ 6\g^bZg! gZf# c ()%.)) / » P###R fjZ aÉZckd^ YÉjc Vk^h YZ eg "^c[dgbVi^dc | aÉd[ÒXZ YZh ejWa^XVi^dch YZh 8dbbjcVji h Zjgde ZccZh! fj^ hZ WdgcZ | [V^gZ XdccV igZ aZh ^ciZci^dch YÉVX]Vi YZ aV eZghdccZ ejWa^fjZ! cZ eZji igZ gZ\VgY comme l’engagement d’une procédure de passation au sens de ces dispositions ».
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TABLEAU RÉCAPITULATIF AVIS DE PRÉINFORMATION / AVIS PÉRIODIQUE INDICATIF
Avis visant uniquement à améliorer l’efficacité de la commande publique
Intérêt
t 0QUJNJTBUJPO EF MB QSPDÏEVSF de passation du marché public par la réduction du risque d’infructuosité et la stimulation de la concurrence
Avis visant à réduire les délais de réception des offres t 0QUJNJTBUJPO EF MB QSPDÏEVSF de passation du marché public par la réduction du risque d’infructuosité et la stimulation de la concurrence
Avis visant à lancer un appel à la concurrence t 0QUJNJTBUJPO EF MB QSPDÏEVSF de passation du marché public par la réduction du risque d’infructuosité et la stimulation de la concurrence
t 3ÏEVDUJPO EFT EÏMBJT EF SÏDFQUJPO t -BODFNFOU EF M BQQFM des offres à la concurrence sans recours à un avis de marché Support de publicité
t 1VCMJDBUJPO BV +06& t 1VCMJDBUJPO TVS MF QSPöM BDIFUFVS
t 1VCMJDBUJPO BV +06& t 1VCMJDBUJPO TVS MF QSPöM BDIFUFVS
t 1VCMJDBUJPO BV +06&
t "WJT ÏUBCMJ DPOGPSNÏNFOU au formulaire standard
t "WJT ÏUBCMJ DPOGPSNÏNFOU au formulaire standard
t "WJT ÏUBCMJ DPOGPSNÏNFOU au formulaire standard
t 3FOTFJHOFNFOUT JEFOUJRVFT Ë DFVY t 3ÏGÏSFODF BVY USBWBVY GPVSOJUVSFT öHVSBOU EBOT M BWJT EF NBSDIÏ ou services qui feront l’objet pour autant qu’ils soient du marché disponibles t *OEJDBUJPO SFMBUJWF Ë MB QSPDÏEVSF de passation qui sera mise en œuvre
Mentions à porter dans l’avis
t *OWJUBUJPO EFT PQÏSBUFVST économiques intéressés à manifester leur intérêt Moment de la publication
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t +VTRV Ë NPJT BWBOU le lancement de la procédure de passation du marché
t &OUSF KPVST BV NPJOT FU ̓NPJT t &OUSF KPVST FU NPJT BWBOU au plus avant la date d’envoi la date d’envoi de l’invitation de l’avis de marché Ë DPOöSNFS M JOUÏSÐU
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Dossier Modalités de publicité : entre liberté et contraintes
Les formulaires d'avis de concession : champ d'application et contenu Dans le cadre des contrats de concession, les modalités de publicité varient en fonction de l’objet du contrat et de sa valeur estimée. L’avis de publicité de certains de ces contrats doit respecter le modèle établi par le règlement européen du 12 novembre 2015. Pour d’autres contrats s’applique le formulaire d’avis d’appel public à la concurrence « réduit ».
L’
article 35 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession (« ordonnance concession ») impose le recours à un avis de publicité préalable dont les modalités et le contenu varient selon « l’objet du contrat de concession » ou « sa valeur estimée hors taxe ». La publicité n’est pas obligatoire dans certains cas prévus par voie réglementaire. S’agissant du modèle de l’avis de concession, l’article 14 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession (« décret concession ») distingue les contrats relevant de l’article 9 et ceux relevant de l’article 10 du décret. L’avis de publicité des contrats de concession relevant de l’article 9 doit être conforme au modèle fixé par le règlement (UE) n° 2015/1986 du 12 novembre 2015 établissant les formulaires standard pour la publication d’avis dans le cadre de la passation de marchés publics et abrogeant le règlement d’exécution (UE) n° 842/2011. Les avis de publicité des contrats de l’article 10 doivent être conformes au modèle fixé par arrêté qui est celui du 21 mars 2016 (NOR : EINM1600212A) fixant le modèle d’avis pour la passation des contrats de concession. Le champ d’application et le contenu des formulaires diffèrent selon l’objet du contrat et sa valeur estimée.
Solmaz Ranjineh Avocat à la Cour – Cabinet Cloix et Mendès-Gil Spécialiste en droit public
Mots clés 6aadi^hhZbZci 6XX h aZXigdc^fjZ 6k^h YZ ejWa^X^i 8dcXZhh^dc ;dgbjaV^gZ HZj^a KVaZjg Zhi^b Z
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
Champ d’application et contenu du formulaire d’avis de concession européen Champ d’application Les contrats de concession dont l’avis de publicité doit respecter le modèle établi par le règlement européen n° 2015/1986 susvisé sont les suivants :
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Dossier Modalités de publicité : entre liberté et contraintes
– les contrats dont la valeur estimée hors taxe est supérieure ou égale à 5 225 000 euros HT (article 9 1° du décret concession, II de l’avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique et article 30 de la directive 2014/23/ UE du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession, « directive concession ») (quel que soit le support de publicité utilisé) ; – les contrats portant sur un des services sociaux ou les autres services spécifiques, dont la liste est publiée au JORF (avis relatif aux contrats de la commande publique ayant pour objet des services sociaux et autres services spécifiques [NOR : EINM1608208V], publié au JORF du 27 mars 2016) dont la valeur estimée est supérieure ou égale au seuil de 5 225 000 euros HT, quel que soit le support de publicité ; – les contrats de concession que la collectivité concédante choisit de publier au JOUE au regard de la nature et du montant des services ou des travaux en cause afin de garantir l’information des opérateurs économiques raisonnablement vigilants pouvant être intéressés par le contrat de concession (article 2 de l’arrêté du 21 mars 2016 et article II deuxième phrase de l’article 15 du décret concession) ; – avis de publicité complémentaire publié au JOUE (article 2 de l’arrêté du 21 mars 2016 et article 15 IV du décret concession).
Contenu de l’avis de publicité Le formulaire de l’avis de concession est le formulaire standard n° 24 constitutif de l’annexe XXI du règlement (UE) n° 2015/1986 susvisé. Il reprend les informations exigées par la directive concession qui sont listées à l’annexe V de cette directive. La structure et la numérotation des rubriques de l’avis de concession reprennent celles de l’avis de marché (annexe II, formulaire standard 2). Certaines rubriques n’étant pas obligatoires ou non appropriées pour les concessions (système d’acquisition dynamique, appel d’offre ouvert, etc.), elles ne sont pas prévues dans l’avis de concession. Les informations exigées dans le formulaire reflètent les évolutions opérées par la réglementation européenne et nationale. O
La procédure restreinte
Tant la directive concessions que la réglementation française (ordonnance et décret concession) prévoient implicitement le recours à la procédure restreinte. Ainsi, l’article 39 de la directive susvisée et l’article 18 du décret relatif aux concessions prévoient des délais distincts pour les candidatures et les offres. Par ailleurs, il est fait plusieurs fois référence à « une invitation à présenter une offre » (article 34 et article 37 b de la directive, article 4 I, article 18 I 2 et article 27 II du décret concession).
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Par conséquent, le formulaire européen d’avis de concession fait référence à cette possibilité dans la rubrique « I.3) Communication » où l’autorité concédante peut indiquer que « les documents du marché sont disponibles gratuitement en accès direct ou restreint et complet à l’adresse : (URL)15 ». Par ailleurs, le renvoi numéroté15 signifie « dans l’invitation à présenter une offre » et renvoie ainsi implicitement à la procédure restreinte. O
La communication électronique
L’article 34 de la directive concession impose l’accès électronique aux documents de la consultation qui doit être « gratuit, sans restriction, direct et complet ». L’article 5 du décret concessions fait également référence à la possibilité de les mettre à disposition sur le profil d’acheteur de la collectivité à condition de respecter les exigences minimales définies par arrêté (non encore édicté). La transmission par voie électronique des candidatures et des offres n’est pas imposée par la réglementation. Au regard de ces obligations, la rubrique « I.3) Communication » prévoit que soit les documents de la consultation sont mis à disposition en accès direct non restreint à une adresse URL soit que l’accès à ces documents est restreint (procédure restreinte) auquel cas des informations doivent pouvoir être obtenues par voie électronique pour obtenir les documents. De même, cette rubrique prévoit que les candidatures « ou le cas échéant » les offres (troisième encadré de la rubrique) peuvent être transmises par voie électronique via une adresse URL ou aux points de contact susmentionnés dans l’avis ou à une autre adresse à préciser. La rubrique « VI.2.) Informations sur les échanges électroniques » concerne en réalité l’exécution du contrat de concession, l’autorité concédante devant indiquer si la commande en ligne, la facturation en ligne ou encore le paiement en ligne seront acceptés. Le formulaire ne donne pas de précision quant à ces informations qui d’ailleurs ne sont pas imposées par l’annexe V susvisée de la directive concession. La commande en ligne ne semble pas pour le moment d’actualité au niveau national. En revanche, concernant la facturation en ligne, il s’agit d’une obligation qui s’imposera de manière échelonnée en France selon la taille des entreprises à compter du 1er janvier 2017 en application de l’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 et du décret n° 2016-1478 du 2 novembre 2016 relatifs au développement de la facturation électronique. La réglementation susvisée prévoit que les « titulaires et sous-traitants admis au paiement direct » seront obligées de transmettre une facture électronique par l’intermédiaire d’un portail de facturation qui sera mis à disposition par l’État. La notion de « titulaire » n’est pas précisée dans l’ordonnance ou le décret, il doit s’agir de toute entreprise titulaire d’un contrat avec l’État, les collectivités territoriales ou les établissements publics.
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S’agissant du paiement en ligne, il est mis en place pour le paiement des collectivités (notamment pour les impôts) mais pas encore pour le paiement des entreprises ayant réalisé des prestations. O
L’allotissement
Cette rubrique est assez novatrice dès lors que la jurisprudence nationale n’avait jamais imposé l’allotissement en matière de délégation de service public. Cependant, cette jurisprudence a connu une timide avancée avec la décision Société d’assistance et de gestion du stationnement(1) dans laquelle le Conseil d’État juge qu’il ne peut y avoir une seule convention de délégation de service public (qui est une catégorie de concession) dès lors que le périmètre est manifestement excessif ou que les services n’ont manifestement aucun lien entre eux.
O
Valeur estimée de la concession
Cette information est prévue à deux rubriques différentes : dans la rubrique « II.5) Valeur totale estimée » où elle n’est pas obligatoire (il est précisé « le cas échéant ») ainsi que dans la rubrique « II.2.6) Valeur estimée » concernant le lot concerné où cette information est obligatoire. Il nous semble que l’obligation d’indiquer la valeur estimée pour chaque lot mais non la totalité résulte de la possibilité exposée ci-dessus à savoir la réunion de plusieurs lots permettant une mutualisation des coûts. Dans ce cas, la collectivité peut avoir des difficultés à évaluer la valeur totale de la concession. La définition de la valeur estimée de la concession est prévue à l’article 8 de la directive concessions.
La rubrique « II.1.6.) Information sur les lots » est dédiée à l’information sur l’existence ou non de lots et la collectivité doit préciser si les candidats peuvent soumettre une offre pour tous les lots, un nombre maximal de lots (à préciser) ou un seul lot.
Cette valeur inclut :
Par ailleurs, la collectivité doit préciser le nombre maximal de lots pouvant être attribués à un soumissionnaire.
– les paiements effectués par la collectivité et tout avantage financier dont les compensations de service public ;
Sur ce dernier point, en matière de marchés publics (l’allotissement n’étant alors pas obligatoire pour les conventions de délégation de service public), le Conseil d’État a jugé que la collectivité pouvait limiter le nombre de lots dont un candidat pouvait être attributaire à condition de déterminer les critères et règles objectifs non discriminatoires permettant de fonder le choix des lots(2).
– la valeur des subventions ou tout avantage financier accordé par des tiers ;
En revanche, le Conseil d’État n’a pas statué sur la possibilité pour la collectivité de limiter le nombre de lots pour lesquels un candidat pouvait déposer une offre. Cela est autorisé en matière de marchés publics par l’article 46 § 2 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics (« directive marchés publics »). Enfin, l’autorité concédante doit préciser si elle se réserve le droit d’attribuer des marchés combinant des lots ou groupes de lots. Cette dernière hypothèse est prévue par l’article 32 paragraphe I alinéa 3 de l’ordonnance n° 2015899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui dispose que « Les offres sont appréciées lot par lot sauf lorsque l’acheteur a autorisé les opérateurs économiques à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus ». Cette hypothèse a pour but de permettre aux candidats de regrouper, en cours de procédure, plusieurs offres correspondant à des lots distincts et assurer ainsi une mutualisation des coûts du fait de ce regroupement. Cependant, la mise en œuvre des critères d’attribution pour des offres « variables » semble délicate.
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– les recettes provenant du paiement de redevances et d’amendes par les usagers des ouvrages ou des services, autres que celles collectées pour le compte du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice ;
– les recettes tirées de la vente d’actifs relevant de la concession ; – la valeur des fournitures et services nécessaires à l’exécution du contrat et mis à disposition par la collectivité concédante ainsi que ; – toutes primes ou paiements accordés aux candidats soumissionnaires. L’article 7 du décret concession reprend cette définition. Cette obligation d’information de la valeur estimée de la concession présente un inconvénient puisqu’elle peut encourager les candidats à ne pas faire une offre mieuxdisante c’est-à-dire bien inférieur à la valeur annoncée. Cependant, cette obligation d’information de la valeur estimée de la concession peut se justifier par trois motifs. Premièrement, la valeur estimée détermine la procédure applicable qui relèvera soit de l’article 9 du décret concession soit de l’article 10 (sauf quelques exceptions). À vrai dire, ce motif ne nous paraît suffisant pour justifier de cette obligation compte tenue de l’inconvénient présenté ci-dessus. Deuxièmement, elle démontre que la collectivité concédante a procédé à une analyse de ses besoins. Troisièmement, elle donne une indication aux candidats sur le périmètre de la concession et les avantages qui seront accordés au candidat retenu notamment quant aux biens (mobiliers ou immobiliers) mis à sa disposition. Ces deux derniers motifs sont un gage de transparence financière et faciliteront notamment la démonstration de l’absence de versement d’une aide d’État incompatible avec le traité sur le fonctionnement de l’Union euro-
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péenne (articles 106 sur les services d’intérêt économique général, articles 107 et 108 sur les aides d’État).
restreinte, calendrier de la procédure, format des candidatures ou des offres (dématérialisation ou non), etc.
Pour autant, il ne nous semble pas que l’absence d’information de la valeur estimée de la concession puisse léser les candidats.
Cette rubrique est par ailleurs parfois indispensable dès lors que le format des avis sur les plateformes du JOUE ou du BOAMP ne contient pas d’espace suffisant pour intégrer l’ensemble des informations à intégrer dans les autres rubriques.
O
Les conditions de participation des candidats
Concernant les capacités exigées des candidats, elles sont exposées à la rubrique « III.1) Conditions de participation » qui concerne également l’habilitation à exercer l’activité professionnelle (rubrique « III.1.1) Habilitation à exercer l’activité professionnelle, y compris exigences relatives à l’inscription au registre du commerce ou de la profession »). L’article 38 § 1 de la directive concession ainsi que l’article 21 du décret concession prévoient que ces conditions doivent être liées et proportionnées à la nécessité de garantir la capacité du concessionnaire à exploiter la concession, compte tenu de l’objet de la concession et de l’objectif d’assurer une concurrence effective. Tout comme pour les marchés publics, l’autorité concédante peut exiger des niveaux minimaux de capacités quant aux capacités économiques, financières « (rubrique III.1.2) capacité économique et financière) » et/ou technique et professionnelle « (rubrique III.1.3) capacité technique et professionnelle) » qui doivent être annoncés dans l’avis d’appel public à la concurrence. En revanche, aucune sous-rubrique ne concerne un aspect essentiel des conditions de participation à une procédure d’attribution de contrat de concession à savoir la preuve de l’absence d’interdiction de se présenter à un contrat de concession en raison notamment d’une condamnation pénale définitive (trafic de stupéfiants, escroquerie, terrorisme, abus de confiance, concussion, trafic d’influence, faux, corruption passive et active, participation à une association de malfaiteurs, fraude fiscale, traite des êtres humains). Cette interdiction est prévue à l’article 84 § 4 de la directive concession, aux articles 39, 40 et 42 de l’ordonnance concession et à l’article 19 du décret concession. O Les autres informations complémentaires nécessaires ou utiles
Au regard de ce qui vient d’être expliqué, les autorités concédantes doivent impérativement dans la « rubrique VI.3.) Informations complémentaires » exiger des candidats une attestation sur l’honneur portant sur le respect des conditions prévues à l’article 39, 40 et 42 de l’ordonnance concession. Un modèle d’attestation sur l’honneur est en cours d’élaboration par le ministère de l’Économie. Dans cette attente, les candidats peuvent, a priori, utiliser le formulaire DC1 actualisé le 26 octobre 2016 et dédié aux marchés publics, dont la réglementation prévoit des cas d’interdictions, de se porter candidat, similaires à ceux des concessions. Cette rubrique peut également être destinée à renseigner la procédure mise en œuvre : procédure ouverte ou
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Champ d’application et contenu du formulaire d’avis d’appel public à la concurrence « réduit » Champ d’application Ce formulaire « national » ou « réduit » d’avis d’appel public à la concurrence (cf. infra) concerne les concessions suivantes : – les contrats dont la valeur estimée hors taxe est inférieure à 5 225 000 euros HT (article 10 1° du décret concession, paragraphe II de l’avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique et article 30 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession, « directive concession »), quel que soit le support de publicité ; – les contrats de concession qui ont, quelle que soit leur valeur estimée, pour objet les activités relevant du 3° du I de l’article 11 de l’ordonnance concession à savoir la mise à disposition, l’exploitation ou l’alimentation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’eau potable (article 10 2°a) du décret concessions) ; – les contrats de concession qui ont, quelle que soit leur valeur estimée, pour objet l’exploitation de services de transport de voyageurs relevant de l’article 5, paragraphe 3 du règlement du 23 octobre 2007 ce qui inclut : aZh XdcigVih YZ igVchedgi ejWa^X Ydci aV kVaZjg VccjZaaZ moyenne est supérieure ou égale à 1 millions d’euros ou qui ont pour objet la fourniture annuelle moyenne de moins de 300 000 km (ou 2 millions d’euros et 600 000 km pour une entreprise n’exploitant pas plus de vingt-trois véhicules) ; aZh XdcigVih YZ igVchedgi ejWa^X Viig^Wj h Zc XVh d’urgence avérée ; aZh XdcigVih YZ igVchedgi eVg X]Zb^c YZ [Zg | aÉZmXZei^dc du métro et du tramway. – les avis des contrats de concession que la collectivité concédante choisit de publier au niveau national au regard de la nature et du montant des services ou des travaux en cause afin de garantir l’information des opérateurs économiques raisonnablement vigilants pouvant être intéressés par le contrat de concession (article 2 de l’arrêté du 21 mars 2016 et article II deuxième phrase de l’article 15 du décret concession) ;
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– avis de publicité complémentaires publiés au niveau national (article 2 de l’arrêté du 21 mars 2016 et article 15 IV du décret concession).
5° Rubrique II.2.5 « Critères d’attribution », sans pour autant que la mention hiérarchisée des critères d’attribution ne s’impose à l’autorité concédante 6° Rubrique III.1 « Conditions de participation »
Contenu Le formulaire d’avis d’appel public à la concurrence fixé par l’arrêté du 21 mars 2016 (NOR : EINM1600212A) est en réalité le formulaire établi par le règlement (UE) 2015/1986 susvisé dont certaines rubriques ne sont pas obligatoires. Les rubriques devant être renseignées sont les suivantes : 1° Rubrique I.1 « Nom et adresses » 2° Rubrique I.3 « Communication » 3° Rubrique II.1.1 « Intitulé » 4° Rubrique II.2.4 « Description des prestations »
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7° Rubrique IV.2.2 « Date limite de remise des candidatures ou de réception des offres ». Le formulaire obligatoire est ainsi très réduit par rapport au formulaire européen. Les formulaires obligatoires d’avis de publicité établis constituent un outil obligatoire et pratique pour les collectivités concédantes permettant de garantir l’égalité d’accès et de traitement des candidats à la procédure. Toutefois, il appartient à chaque collectivité de fournir des informations complémentaires dès lors qu’elles résultent de la réglementation (interdiction de concourir) ou qu’elles permettent de renseigner de façon exhaustive les candidats sur la procédure et le périmètre de la concession.
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Dossier Modalités de publicité : entre liberté et contraintes
Publicité préalable et finale dans le cadre des marchés publics et des contrats de concession L’analyse des décrets n° 2016-360 relatif aux marchés publics et n° 2016-86 relatif aux contrats de concessions s’agissant des formalités de publicité – publicité préalable et publicité finale – permet de constater que si ces nouvelles dispositions constituent une réforme de la commande publique, elles ne constituent pas une révolution.
S
i le respect des formalités de publicité constitue le premier instrument pour assurer le respect de grands principes tels que la transparence dans l’attribution de contrats publics, la parfaite concurrence ou le respect des droits de recours par les tiers, force est d’admettre que cette question également une épreuve pour le praticien du droit de la commande publique, tant les règles sont strictes et les exceptions nombreuses. L’heureuse nouvelle étant que sur ce point, comme sur de nombreux autres, ni les règles applicables aux marchés, ni celles applicables aux concessions n’ont été profondément modifiées par les réformes de 2015 et 2016. Il convient d’en dresser un état des lieux.
Quelles formalités dans l’hypothèse de marchés publics ?
Marion Terraux Avocat à la Cour – Cabinet Seban et Associés
Références Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics Décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics Ordonnance n° 2016-65 relative aux contrats de concession Décret n° 2016-86 relatif aux contrats de concession
Mots clés
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La notion d’avis d’appel public à la concurrence visée à la section 1 du chapitre II du titre II du décret n° 2016360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics (ci-après dénommé « décret marchés ») recouvre tout à la fois l’avis d’appel à concurrence, l’avis de préinformation des pouvoirs adjudicateurs et l’avis périodique indicatif des entités adjudicatrices. C’est plus particulièrement au premier de ces trois avis que le présent chapitre sera consacré.
Règles générales pour déterminer les formalités de publicité et de mise en concurrence Pour définir les formalités de publicité applicables au lancement de la procédure préalable à un marché public, l’acheteur public devra répondre aux questions suivantes : – Quel est l’objet du marché public ? S’agit-il d’un marché public de travaux ?
8dcXZhh^dc ;dgbVa^i h YZ ejWa^X^i ;^c YZ aV egdX YjgZ AVcXZbZci YZ aV egdX YjgZ BVgX] h ejWa^Xh
Le marché public de travaux est défini à l’article 5 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative
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Dossier Modalités de publicité : entre liberté et contraintes
aux marchés publics (ci-après dénommé « Ordonnance marchés ») comme un marché ayant pour objet : 1° Soit l’exécution, soit la conception et l’exécution de travaux dont la liste est publiée au JORF ; 2° Soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception. S’agit-il d’un marché public de fourniture ? Le marché public de fournitures est défini par la disposition précitée comme un marché ayant pour objet l’achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits. S’agit-il d’un marché de service ? Le marché public de service de droit commun est défini comme un marché ayant pour objet la réalisation de prestations de services. S’agit-il d’un marché ayant pour objet des services sociaux ou des services spécifiques ? Les services sociaux et services spécifiques ont été définis dans l’avis relatif aux contrats de la commande publique ayant pour objet des services sociaux et autres services spécifiques publié au Journal officiel le 27 mars 2016. Il n’y pas réellement lieu à rechercher une logique dans cette liste de services spécifiques et, pour les marchés
publics, le travail du praticien est rendu complexe en raison de la diversité des services visés. Ainsi, par exemple, constituent des services spécifiques pour les marchés publics : certains services sanitaires, sociaux et connexes, certains services de sécurité sociale obligatoire, les services religieux, certains services de prestations sociales et familiales, certaines services internationaux, certains services postaux ou encore…. les services de rechapages de pneus ou de travaux de forge. – Le besoin de quelle personne est-il satisfait par la procédure ? S’agit-il de l’État, d’un de ses établissements autres qu’un établissement public industriel et commercial, d’une collectivité territoriale, de leurs établissements publics ou de leurs groupements ou d’un autre acheteur public ? Et agit-il en qualité de pouvoir adjudicateur ou en qualité d’entité adjudicatrice ? – Quelle est la valeur estimée du besoin ? Aux termes de l’article 20 du décret marché, la valeur estimée du besoin est calculée sur la base du montant hors taxes du ou des marchés publics envisagés, y compris les options et les reconductions. À ce titre, il convient de rappeler que les seuils sont les suivants :
État et ses établissements publics
135 000 euros HT
Collectivités et établissements publics de santé
209 000 euros HT
Acheteur qui exerce une activité d’opérateur de réseaux (production, transport ou distribution d’électricité, gaz, eau etc.)
418 000 euros HT
Travaux
Tous acheteurs
5 225 000 euros HT
Services sociaux et autres services spécifiques
Pouvoirs adjudicateurs
750 000 euros HT
Entités adjudicatrices
1 000 000 euros HT
Fournitures et services
Quelles formalités pour le lancement de la procédure en matière de marchés publics ? Lorsque l’acheteur a répondu à ces questions, il doit faire application des règles visées aux articles 33 à 35 du décret, lesquelles sont synthétisées dans le tableau ci-après :
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
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Dossier Modalités de publicité : entre liberté et contraintes
Publicité obligatoire pour le lancement de la procédure en matière de marchés publics JOUE Marché public de droit commun (hors service sociaux et services spécifiques)
État, ses établissements autres qu’EPIC, collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements
Autres acheteurs
Marchés public portant sur des services sociaux ou des services spécifiques
Tous acheteurs
JAL
Valeur estimée du besoin inférieure à 90 000 euros
L’acheteur choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché
Valeur estimée du besoin égale ou supérieure à 90 000 euros et inférieure aux seuils européens
Acheteur apprécie en fonction de la nature et du montant du marché
OUI (ou dans un journal d’annonces légales)
OUI (ou au BOAMP)
Valeur estimée du besoin égale ou supérieure aux seuils européens
OUI
OUI
Pas obligatoire
Valeur estimée du besoin inférieure aux seuils européens
L’acheteur choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché
Valeur estimée du besoin égale ou supérieure aux seuils européens
OUI
Valeur estimée du besoin inférieure aux seuils européens applicables à ces marchés
L’acheteur choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché
Valeur estimée du besoin égale ou supérieure aux seuils européens applicables à ces marchés
OUI
Il conviendra d’être particulièrement vigilant lorsque l’avis de marché doit être publié au JOUE et dans une autre publication et de respecter les règles suivantes. Tout d’abord, les publications au niveau national ne devront pas être effectuées avant la publication au JOUE, sauf si l’acheteur public n’a pas été avisé de la publication au JOUE dans les 48 heures suivant la confirmation de la réception de l’avis par l’Office des publications de l’Union européenne. Par ailleurs, elles ne devront pas fournir plus de renseignements que ceux envoyées au JOUE. Cette précision est sans importance lorsque l’acheteur décide de publier l’avis de marché au BOAMP en plus du JOUE. En effet, dans cette hypothèse, il suffira de renseigner l’information selon laquelle l’avis devra être également publié au JOUE pour que le site renvoie au bon formulaire et que l’avis soit adressé au JOUE pour publication.
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BOAMP
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Pas obligatoire
Pas obligatoire
Pas obligatoire
Pas obligatoire
En revanche, dans l’hypothèse d’une publication dans un journal d’annonces légales, il conviendra d’être particulièrement vigilant à publier d’abord l’avis au JOUE puis d’adresser strictement cet avis dans un journal d’annonces légales sans ajouter aucune information. Enfin, l’acheteur public peut faire paraître une publicité supplémentaire sur un autre support. Et cette publicité supplémentaire pourra ne pas comporter toutes les informations mentionnées dans l’avis de marché principal, à la condition, toutefois, qu’il indique les références à l’avis principal.
Quelles formalités pour la fin de la procédure en matière de marchés publics ? La publication d’un avis d’attribution est la dernière formalité accomplie par un acheteur public dans le cadre des marchés publics. Elle n’est obligatoire au titre du décret que pour les marchés suivants :
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
Dossier Modalités de publicité : entre liberté et contraintes
JOUE
BOAMP
Valeur estimée du besoin inférieure aux seuils européens
Tous acheteurs
Pas d’obligation au titre du décret
Valeur estimée du besoin égale ou supérieure aux seuils européens
État, ses établissements autres qu’EPIC, collectivités territoriales, leurs groupements
OUI
OUI
Autres acheteurs
OUI
Pas d’obligation au titre du décret
Toutefois, même lorsque cette formalité n’est pas obligatoire, l’on ne saurait trop conseiller aux acheteurs publics d’y procéder pour tous les marchés publics. En effet, seule cette publication sera de nature à faire courir le délai de recours dont disposent tous les tiers pour contester le marché. Plus précisément, en application de l’arrêt du Conseil d’État en date du 4 avril 2014(1), le recours en contestation de validité d’un contrat administratif peut être exercé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. Dans ces conditions, et afin de ne pas faire peser sur le contrat, durant toute la durée de son exécution, un risque de recours, il conviendra donc de publier un avis d’attribution de ce marché.
Quelles formalités dans l’hypothèse de concessions ? Règles générales pour déterminer les formalités obligatoires de publicité et de mise en concurrence
du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route ou sur un des services sociaux ou des autres services spécifiques. Comme c’est le cas pour les marchés publics, les services sociaux et services spécifiques en matière de concession sont définis dans l’avis précité relatif aux contrats de la commande publique ayant pour objet des services sociaux et autres services spécifiques publié au JO le 27 mars 2016. Mais pour les concessions, le praticien n’aura pas trop de difficultés pour savoir si la concession constitue ou non un service spécifique. En effet, sont seules concernées les concessions portant sur les jeux (services de jeux et de paris, d’exploitation de casinos, de machines pour les paris mutuels, ou les services prestés par les bookmakers). – Quelle est la valeur estimée de la concession ? Aux termes de l’article 7 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession, la valeur estimée du contrat de concession correspond au chiffre d’affaires total hors taxes du concessionnaire pendant toute la durée du contrat, eu égard à la nature des prestations qui font l’objet de la concession. Et pour les contrats de concession, le seuil est unique et fixé actuellement à un montant de 5 225 000 euros HT.
S’agissant des concessions, l’acheteur public devra se poser les questions suivantes :
Quelles formalités pour le lancement de la procédure en matière de concessions ?
– Quel est l’objet du marché public et, plus précisément, s’agit-il d’un contrat de droit commun ou d’un contrat portant sur des matières dérogatoires ?
Lorsque l’acheteur a répondu à ces questions, il doit faire application des règles visées aux articles 14 et 15 du décret Concessions, lesquelles sont synthétisées dans le tableau ci-après :
Constituent de tels contrats dérogatoires les contrats portant sur la production, le transport ou la distribution d’eau potable, l’évacuation et traitement d’eau usées, ou les projets de génie hydraulique, d’irrigation ou de drainage pour autant que le volume utilisé pour l’alimentation en eau potable représente plus de 20 % du volume total d’eau utilisé pour ces projets, sur l’exploitation des services de transport de voyageurs relevant de l’article 5 paragraphe 3 du règlement européen (UE) n° 1370/2007
(1) CE 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994.
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Publicité obligatoire pour le lancement de la procédure en matière de concessions
JOUE
Contrat de concession de droit commun
Contrat portant sur la production, le transport ou la distribution d’eau potable, l’évacuation et traitement d’eau usées, ou les projets de génie hydraulique, d’irrigation ou de drainage pour autant que le volume utilisé pour l’alimentation en eau potable représente plus de 20 % du volume total d’eau utilisé pour ces projets
BOAMP ou JAL
Publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné
Valeur estimée hors taxes du contrat égale ou supérieure au seuil européen
OUI
OUI
OUI
Valeur estimée hors taxes du contrat inférieure au seuil européen
L’autorité concédanteapprécie si cette publication est nécessaire
OUI
L’autorité concédante apprécie si cette publicationestnécessaire
Pas de distinction en fonction de la valeur estimée hors taxes du contrat
L’autorité concédanteapprécie si cette publication est nécessaire
OUI
L’autorité concédante apprécie si cette publicationestnécessaire
Contrat portant sur l’exploitation des services de transport de voyageurs relevant de l’article 5 § 3 du règlement européen n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route Contrat portant sur un des services sociaux ou des autres services spécifiques
S’agissant de la publication en matière de concession, il convient de formuler les deux conseils suivants.
Le Conseil d’État a, quant à lui, considéré que la publication d’un avis dans cette revue était suffisante(3).
D’une part, il conviendra d’être particulièrement vigilant dans le choix de la publication spécialisée et de publier, dès que cela est possible, l’avis dans une publication particulièrement adaptée au secteur.
D’autre part, il conviendra également d’être particulièrement vigilant dans les délais de publication de cette revue spécialisée. En effet, ces revues sont parfois relativement confidentielles et la périodicité de la publication peut être longue, parfois bimestrielle.
Ainsi, les juges du fond ont pu sanctionner une procédure au motif que la publication de l’avis d’appel public à concurrence au sein du Moniteur du bâtiment et des travaux publics était insuffisante s’agissant d’une délégation de service public relative aux services de réseaux câblés(2).
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(3) Voir en ce sens, CE 19 novembre 2004, Commune d’Auxerre, req. n° 2669875, pour une convention de délégation de service public relative au traitement des eaux usées ou, CE 8 juillet 2005, Société EGC, req. n° 277554, pour une délégation de service public relative à la gestion des marchés d’approvisionnement, dans cet arrêt le Conseil d’État prend soin de préciser qu’il n’existe pas de publication spécialisée correspondant au secteur.
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Or, comme en matière de marchés publics, l’avis de concession doit être envoyé à la publication au JOUE avant d’être envoyé à la publication dans les revues nationales. Si l’acheteur public ne l’a pas anticipé, un délai de plusieurs semaines risque de s’écouler entre la publication au JOUE et la publication dans une revue spécialisée. Cela n’aura pas directement d’impact sur la procédure, dès lors que les délais de remise des candidatures et des offres courent à compter de la publication au JOUE. Cependant, pour éviter de retirer tout effet utile à la publication spécialisée, il conviendra d’anticiper les délais de publication dans les revues spécialisées avant de décider de la date de lancement de la procédure. Enfin, l’acheteur public peut faire paraître une publicité supplémentaire sur un autre support. Et cette publicité supplémentaire pourra ne pas comporter toutes les informations mentionnées dans l’avis de de concession principal, à la condition, toutefois, qu’il indique les références à l’avis principal.
Quelle publicité obligatoire pour l’attribution des concessions ? Jusque-là, le droit applicable aux délégations de service public ne prévoyait pas explicitement la communication d’un courrier de notification aux candidats évincés et l’autorité délégante devait publier un avis d’intention de conclure pour faire courir les délais devant être respectés avant la signature d’une convention de délégation de service public. Depuis la publication de l’ordonnance et du décret « concessions », comme en matière de marchés publics, l’acheteur public devra informer par courrier les candidats évincés du rejet de leur offre. C’est ce courrier de notification qui fera courir le délai de onze jours ou de seize jours préalables à la signature de la convention et il
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n’y a plus lieu de publier un avis d’intention de conclure, puis un avis d’attribution. L’article 32 du décret « Concession » n’impose la publication d’un avis d’attribution que pour les contrats de concession suivants : – contrat de concession de droit commun dont la valeur estimée hors taxes est égale supérieure au seuil européen ; – contrat de concession relatif à un des services sociaux ou des autres services spécifiques précités dont la valeur estimée est égale ou supérieure au seuil européen ; – contrat de concession de service conclu avec un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs, une ou plusieurs entités adjudicatrices visées au 1° de l’article 10 ou un opérateur économique lorsqu’ils bénéficient, en vertu d’une disposition légalement prise, d’un droit exclusif à condition que cette disposition soit compatible avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et les actes juridiques de l’Union établissant les règles communes concernant l’accès au marché applicables aux activités d’opérateur de réseau, lorsque la valeur hors taxes du contrat est égale ou supérieure au seuil européen et lorsque la législation sectorielle de l’Union européenne ne prévoit pas d’obligation de transparence. Toutefois, comme cela a été souligné ci-avant s’agissant des marchés publics, tout contrat de concession fera utilement l’objet d’un avis de concession afin de fermer le délai de recours en contestation de validité du contrat et cet avis d’attribution mentionnera les modalités de la consultation du contrat. Pour assurer la parfaite sécurité juridique de la convention, l’on ne saurait trop conseiller de procéder à la publication d’un tel avis d’attribution pour tous leurs contrats de concessions, et cet avis devra mentionner les modalités de la consultation du contrat de concession dans le respect des secrets protégés par la loi.
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Modification du contrat de DSP et risque de contournement des règles de publicité La modification du contrat administratif apparaît sans nul doute nécessaire. Elle seule permet aux parties d’adapter l’accord contractuel initial pour tenir compte du/des changement(s) qui influencent ses conditions de réalisation/ d’exécution. Ce phénomène explique d’ailleurs pourquoi et comment la théorie de l’avenant a pris une place, à ce point considérable, dans les contrats de la commande publique. Le problème est que, comme bien souvent, la pratique de l’avenant ne doit pas conduire à contourner les règles, en particulier de publicité. Sur ce point les exemples passés peuvent servir de référentiel pour identifier les nouveaux risques liés à l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016 relative aux contrats de concessions.
L’
entrée en vigueur du nouveau corpus de textes applicables aux contrats de délégation de service public (DSP) a entériné un bouleversement qui était latent dans ce type de contrat : la refonte de la procédure de passation pour la rendre presque en tout point similaire à celle des marchés publics (au moins pour la pratique et la mise en œuvre des critères de sélection). Certes tout n’a pas été réformé (maintien de l’ancienne CCSPL, conservation des grandes étapes de procédure avec les candidatures et les offres, la négociation…). Mais il y a là une évolution indiscutable qui était pendante depuis quelques années(1). L’objet de cette réforme ne se limite toutefois pas à cet aspect, bien au contraire. Une analyse plus affinée démontre tout son intérêt pour d’autres aspects du contrat de DSP. Il en est ainsi du régime des modifications qui peuvent éventuellement intervenir durant sa phase d’exécution. L’enjeu est avéré car les nouvelles règles structurant le régime des modifications conventionnelles dans les DSP s’avèrent certainement plus souples et prévoient en tout cas un nombre d’hypothèses bien plus important que par le passé. Le risque est évidemment d’accroître ainsi la tentation des praticiens de se servir de ce régime pour mieux contourner les nouvelles règles de publicité qui s’appliquent à ces contrats. Même si nous disposons de peu de recul en la matière, les expériences passées, sous l’empire de l’ancienne loi Sapin de 1993, peuvent fournir une grille d’analyse intéressante.
Jean-Baptiste Vila Maître de conférences en droit public (Université de Bordeaux, Domaine Droit) Chercheur à l’Institut Léon Duguit (EA 505) Membre du réseau « Contrats publics dans la globalisation juridique », Of Counsel
Rappel sur le régime de modification du contrat de DSP Si la question de la modification du contrat de DSP a déjà été traitée dans ces colonnes, elle ne manque
Mots clés 6kZcVci 9 a \Vi^dc YZ hZgk^XZ ejWa^X BdY^ÒXVi^dc hjWhiVci^ZaaZ EjWa^X^i HZj^ah
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(1) V. encore pour une application récente : CE 6 mai 2015, Société Keolis c/ SITURV et Société RATP Développement, req. n° 387544.
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d’attirer l’attention eu égard aux nouvelles modalités, pour le moins surprenantes, prévues par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 et dans le décret n° 2016-86 du 1er février 2016. Elles le sont à deux égard : d’une part par comparaison avec ce qui était prévu aux termes de la loi Sapin modifiée ; d’autre part en analysant de plus près le nouveau régime de modification du contrat de DSP issu de la directive concessions puis de ses textes de transposition. Deux cas de modifications du contrat étaient prévus aux termes de l’ancien article L. 1411-2 du CGCT. L’une motivée par l’intérêt général (souvent constitué par le besoin de préserver la continuité du service public et de s’accorder le temps d’une nouvelle procédure de passation ou d’une reprise en régie) permettant une prolongation d’une année. L’autre justifiée par des investissements supplémentaires à l’initiative de l’autorité délégante qui auraient pu occasionner une augmentation substantielle des tarifs si la durée contractuelle n’était pas modifiée. Était ainsi institutionnalisée la pratique des avenants modifiant le contrat initial(2). In extenso toute modification du contrat était alors autorisée, dans le but d’en permettre le rééchelonnement aux conditions de réalisations, à la condition que l’avenant ne s’apparentait pas à un nouveau contrat (cf. partie 2.). La directive concessions adopte quant à elle une démarche différente en se concentrant sur la notion de modification substantielle du contrat(3). De telles modifications sont ainsi strictement interdites ; la notion de modification substantielle(4) renvoyant à trois cas de figure : – une nouvelle obligation opérant un bouleversement du contrat est mise à la charge du délégataire ; – une ou plusieurs clauses financières/économiques du contrat sont modifiées en faveur du délégataire ; – l’objet du contrat (comme par exemple le champ du service public) est étendu de telle sorte que le délégataire en retire un profit. In extenso, la directive concessions autorise quatre types de modifications du contrat qui n’entrent donc pas dans ce régime de la modification substantielle : – une modification du contrat justifiée par des travaux supplémentaires nécessaires alors que le changement de délégataire soit serait impossible pour des raisons économiques ou techniques ou présenterait un inconvénient majeur, soit entrainerait une augmentation significative
' k# =# =dZe[[cZg! » AZ g \^bZ YZh bdY^ÒXVi^dch XdckZci^dcnelles des conventions de délégation de service public », Contrats et marchés publics, n° 12, déc. 2006, Étude 19. (3) Cf. Art. 43 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014, préc. Sur l’interprétation à donner à cet élément, v. aussi CJCE 19 juin 2008, aff. C-454/06, Rec. I, p. 4401 ; DA 2008, comm. 132, note R. Noguellou ; Contrats et marchés publics 2008, comm. 186, note W. Zimmer. (4) H. Hoepffner, « L’exécution des marchés publics et des concessions saisie par la concurrence : requiem pour la mutabilité des contrats administratifs de la commande publique », Contrats et marchés publics n° 6, juin 2014, dossier 16.
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(substantielle dans le texte) des coûts. Ici la modification du contrat ne peut entraîner une augmentation de plus de 50 % de la valeur initiale du contrat et chaque avenant est expertisé ici séparément ; – une modification à raison de sujétions techniques imprévues. Dans ce cas, trois conditions cumulatives devant être réunies : l’avenant doit être la conséquence de sujétions techniques imprévues ; ne pas occasionner un changement de la nature globale du contrat ; ne pas entrainer une augmentation de plus de 50 % de la valeur initiale du contrat ; – un avenant peut être adopté par les parties dès lors que la modification n’entre pas dans les trois cas de modification substantielle du contrat au sens de la directive ; – la passation d’un avenant est autorisée si deux seuils ne sont pas dépassés : 5 186 000 euros (seuil d’application de la directive concessions) ; 10 % de la valeur initiale du contrat. L’analyse de l’ordonnance du 29 janvier et le décret du 1er février de cette année montrent, par comparaison avec ces deux corpus de règles, deux choses : d’abord un délaissement partiel du dispositif prévu à l’ancien article L. 1411-2 du CGCT ; de l’autre une tentative de mise en conformité avec les mécanismes issus de la directive concessions. En effet, rien ne semble à première vue s’opposer à ce que, d’une part, l’autorité délégante recourt à l’hypothèse de la prolongation limitée et justifiée pour un motif d’intérêt général. Même si ce cas n’est pas repris ici dans les nouveaux textes, une telle modification ne saurait être substantielle et permettrait d’entrer dans le champ de la troisième hypothèse d’avenants autorisée par la directive concessions. D’autre part, l’ordonnance et le décret du début de l’année 2016 tentent de se conformer aux dispositions contenues dans la directive concessions en prévoyant six cas de figure où la passation d’avenants est autorisée et permet : – la mise en œuvre d’une clause de revoyure, et ce, alors même que les textes de transposition demeurent silencieux sur une telle hypothèse qui était pourtant l’occasion à saisir aux termes de la directive concessions ; – la mise en œuvre des travaux supplémentaires (avec les deux conditions précédemment énoncées) ; – la mise en œuvre de palliers des sujétions techniques imprévues (avec les trois conditions précédemment étudiées) ; – de prendre acte de la substitution du délégataire ou de la cession du contrat ; – la mise en œuvre des modifications qui ne sont pas substantielles au sens de la directive concessions (cf. supra) ; – une modification du contrat en respectant les deux seuils visés par la directive concessions. Au-delà de ces cas de figure, il convient de noter que les textes du nouveau régime des contrats de DSP, aussi bien
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la directive concessions que l’ordonnance et le décret de 2016, consacrent une nouveauté à prendre en compte en amont de la passation de l’avenant : le calcul de la valeur prévisionnelle du contrat. Bien connu dans la pratique des contrats de partenariats public privé, devenus depuis lors des marchés de partenariat, dans la lignée de l’ancien article L. 1414-2 du CGCT (sur l’évaluation préalable), le calcul prévisionnel du contrat était jusque là inconnu dans les contrats de DSP. L’objectif est de déterminer en amont l’équilibre économique contractuel. Pour ce faire, l’autorité délégante devra ainsi réaliser, en amont de la procédure de passation, une expertise de cette économie contractuelle fondée sur un « calcul de la valeur prévisionnelle du contrat »(5). L’article 7 du décret du 1er février 2016 prévoit ainsi les différentes données sur lesquelles l’autorité délégante doit se fonder pour mener cette évaluation. Elle doit ainsi être objective, figurer dans les documents de consultation et permettre de prendre en compte le chiffre d’affaires total HT du concessionnaire en intégrant les éléments suivants : – la valeur du contrat en prenant en compte toutes les options et en particulier les prolongations de durée raisonnablement prévisibles ; – les recettes perçues sur les usagers (sans tenir compte de celles faisant l’objet d’un reversement à l’autorité délégante) ; – les apports concédés par l’autorité délégante ou toute personne publique, voire les autres apports financiers ; – les subventions ou recettes tirées de la vente d’actifs faisant partie du contrat ; – la valeur des biens mis à disposition par l’autorité délégante et strictement nécessaires à l’activité ; – l’ensemble des lots, si le contrat est ainsi divisé. Le décret précise par ailleurs que l’autorité délégante devra relancer une nouvelle procédure de passation lorsque la valeur du contrat varie durant la procédure de passation au point d’être supérieure de 20 % à ce qui était estimé en amont et que, conséquemment, la valeur du contrat dépasse le seuil européen. Dans tous les cas, les autorités délégantes devront mener, avec soin, l’expertise de la valeur initiale prévisionnelle du contrat car celle-ci est loin d’avoir un caractère facultatif. S’agissant d’un élément permettant de se faire une idée de la valeur du contrat et donc de déterminer s’il est en dessous des seuils visés dans la directive(6), elle pourra d’abord donner lieu à un contentieux abondant
(5) Cf. Art. 8 de la directive concession, préc. Cet article détermine le seuil (5 186 000 euros) à partir duquel la directive est applicable mais pas seulement. Il prévoit en effet que l’autorité délégante expertise la valeur du contrat car celle-ci peut ensuite avoir un impact en cas de passation d’un avenant par exemple. (6) Sur cette question des seuils et de la procédure de passation, v. G. Clamour, Nouvelle directive concessions, premier panorama, Revue Contrats et marchés publics n° 4 mars 2014, comm. 72 ;
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portant sur l’annulation de la procédure de passation. Mais il sera aussi un élément d’appréciation pour déterminer si, ensuite lors de la phase d’exécution, un avenant constitue ou non un nouveau contrat. En effet, la question de la modification substantielle du contrat conditionnant les quatre cas de figure visés par la directive, et mis en œuvre dans les six hypothèses consacrées par les textes de transposition, repose sur le calcul de la valeur prévisionnelle réalisée en amont. C’est donc bien elle qui servira de fondement pour déterminer si les parties sont allées trop loin ou au contraire si elles sont autorisées à adapter le contrat. Corrélativement, c’est aussi elle qui permettra de savoir si les règles de publicité adéquates ont bien été respectées. Plus largement elle servira à déterminer si les parties se conforment au risque contractuel dont on sait maintenant qu’il porte sur les investissements et leur remboursement en se fondant sur un risque opérationnel, conformément à l’article 5 de l’ordonnance qui dispose : « La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts qu’il a supportés, liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service ». C’est bien ce risque qui doit être évalué de manière globale dès la procédure de passation en se fondant sur le « calcul de la valeur prévisionnelle du contrat »(7).
Contournement des règles de publicité sous l’empire de la loi Sapin 1 Sans conteste, les hypothèses prévues dans le régime de la loi Sapin modifiée et les anciens articles L. 1411-1 et s. du CGCT n’étaient pas aussi exhaustives s’agissant des modifications conventionnelles. Comme cela a été présenté, le précédent régime prévoyait textuellement deux cas de modification du contrat conduisant à une prolongation de la durée (une année supplémentaire pour un motif d’intérêt général souvent constitué par une donnée factuelle en lien avec le principe de continuité du service public ; des travaux supplémentaires qui pourraient occasionner, sans modification du contrat, une augmentation disproportionnée des tarifs). Pour le reste, le juge administratif laissait la liberté contractuelle faire son office tout en limitant ce droit à modifier le contrat grâce à un principe : l’avenant ne doit pas s’apparenter, par son contenu et son importance, à un nouveau contrat qui aurait nécessité une nouvelle procédure de passation, une publicité et une mise en concurrence.
F. Linditch, « Mise en œuvre des procédures de passation des concessions de service », JCP A n° 18-19 du 5 mai 2014, 2140. (7) Cf. Art. 8 de la directive concession, préc.
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Les hypothèses n’étaient donc pas tout à fait les mêmes. Pour autant, elles n’apparaissent pas non plus complètement exogènes au nouveau régime des modifications conventionnelles des DSP résultant du décret du 1er février 2016. Les seuils d’appréciation dans les six catégories d’avenants possibles prévues par l’article 36 de ce décret semblent très proches dans leur logique de la grille d’appréciation développée au fil des années par le juge administratif en matière d’avenants. C’est là la raison pour laquelle la jurisprudence passée semble nous fournir, d’ores et déjà, avant même que le juge administratif n’ait eu à contrôler des avenants conclus sous l’empire du décret, des éléments d’appréciation sur la légalité de ces modifications, notamment au regard des règles de publicité et de mise en concurrence. Quelle était alors la situation et quels sont les exemples concrets qui pourraient s’avérer utiles dans l’appréciation à venir, par le juge administratif, du nouveau régime des avenants ? Le juge administratif a notamment pu sanctionner les avenants ayant pour objet de : – conduire à un bouleversement du contrat, s’agissant notamment de ses clauses substantielles(8), et donc la modification pourrait s’apparenter à un nouveau contrat de DSP. Il ne peut être conclu par voie d’avenant et doit faire l’objet d’une nouvelle procédure de passation, de mesures de publicité et de mise en concurrence(9) ; – faire prendre en charge, à titre principal ou accessoire, par le délégataire, des dépenses étrangères par nature au service public concerné par le contrat de DSP(10) ; – modifier l’objet même du contrat(11) ; – mettre à disposition de l’autorité délégante, gratuitement, un réseau alors que le cocontractant en assure la maintenance et l’entretien(12) ; – prévoir de nouveaux travaux alors que, en principe, ceux-ci auraient du être mis à la charge du cocontractant dans le contrat initial(13) ou de modifier de manière significative leur contenu par rapport à ce qui était prévu dans le contrat initial(14) ; – modifier substantiellement l’économie du contrat et son équilibre(15). Il serait possible de réaliser une analyse exhaustive de la jurisprudence sur le sujet. Mais les quelques exemples
(8) Sur ur cette notion v. CE avis, 8 juin 2000, n° 364803 ; CE avis, 19 avril 2005, n° 371234. (9) V.. par exemple CAA Paris 17 avril 2007, Société Kéolis, req. n° 06PA02278.
références ci-dessus semblent démontrer que la grille d’analyse du juge administratif ne devrait pas être fondamentalement différente de celle qu’il a mis en place ces dernières années. Au contraire, certains exemples démontrent même que, dans une certaine mesure, il aurait su anticiper l’adoption du nouveau référentiel du régime des modifications conventionnelles qui s’articule autour de l’interdiction de la modification substantielle. Ainsi, et comme cela a été présenté dans ces colonnes(16), les juges du fond ont déjà eu l’occasion de sanctionner toute « modification substantielle d’une clause essentielle du contrat »(17) étant entendu qu’ils avaient déjà pu préciser que les clauses essentielles du contrat renvoyaient à la durée, aux tarifs, aux prestations assurées par le cocontractant(18). On notera cependant que la notion de modification substantielle n’est pas aisée à appréhender et fera l’objet d’une appréciation qui sera entre les mains du juge administratif (pour sanctionner un avenant non conforme). Mais force est de constater que le pouvoir du juge administratif va aller en s’accentuant dans ce domaine car il contrôlera aussi le respect des règles de publicité, partiellement renouvelée, entourant l’avenant.
Risques de contournement des règles de publicité sous l’empire de l’ordonnance de 2016 Il est encore difficile à ce stade de déterminer les risques de contournement des règles de publicité qui pourraient être constatés dans le cadre de la modification du contrat de DSP sous l’empire de leur nouveau régime juridique. En effet, le recul sur la question est encore bien faible et la jurisprudence quasi inexistante sur ce sujet. Dans ces conditions, seules des projections sont à ce stade envisageables. Certaines d’entre elles peuvent toutefois être prises au sérieux si l’on rapproche le régime juridique découlant des textes de 2016 de l’expérience passée, notamment jurisprudentielle, sur la modification du contrat de DSP. Sans aucun doute, le premier point qui attire l’attention est une problématique de fond qui doit être mise en évidence ici. Les textes de transposition, en particulier le décret du 1er février 2016(19), entretiennent un paradoxe sur la passation des avenants par l’autorité délégante et les modalités d’appréciation de l’impact de cette modification par rapport à la valeur prévisionnelle du contrat calculée en amont lors de la procédure de passation. En effet, les textes nationaux de 2016 consacrent le principe selon lequel l’impact des modifications contractuelles
(10) TA Toulouse 25 octobre 2001, Bonnet et Cne de Castres, req. n° 97-361. (11) CE avis, 19 avril 2005, n° 371234.. (12) CE 31 juillet 2009, Ville de Grenoble c/ Société Gaz Électricité de Grenoble, req. n° 296964. (13) CE 9 mai 2012, Syndicat des ordures ménagères de l’Aude, req. n° 355665.
&+ ;gVc d^h AZ]djm! » AV Y^[ÒX^aZ Veeg ]Zch^dc YZ aV cdi^dc YZ bdY^ÒXVi^dc hjWhiVci^ZaaZ Yj XdcigVi YZ 9HE ¼! Contrats publics – Le Moniteur, n° 157, septembre 2015, p. 64-68. (17) CAA Paris 9 mai 2012, SECOSUD, req. n° 10PA04297.
(14) CE 21 février 2014, Société Dalkia France, req. n° 373159..
(18) CAA Lyon 9 mai 2008, Société Delin Architecture, req. n° 05LY00437.
(15) TA Lille 2 juillet 1998, Préfet du Nord, req. n° 98-640..
(19) V. décret n° 2016-86 du 1er février 2016, art. 37.
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devra être apprécié isolément, pour chaque avenant donc par l’autorité délégante. De ce point de vue, ils ne sont pas en contradiction avec le texte de la directive concessions. Au contraire ils s’y conforment strictement. Seule l’hypothèse des avenants conclus dans le respect du seuil européen (5 180 000 euros) et le seuil de 10 % de la valeur prévisionnelle, telle qu’elle a été calculée en amont, fait l’objet d’une appréciation cumulative. Mais là aussi les questions sont nombreuses : un tel avenant doit-il faire l’objet d’une telle appréciation cumulative par rapport aux anciens avenants même si ceux-ci n’entrent pas dans le champ de cette hypothèse ? Ou, au contraire, l’appréciation cumulative ne porte-t-elle que sur les avenants entrant dans le cas de figure du double seuil ? On le comprend, il est loisible de regretter le temps où une version préparatoire de la directive concessions prévoyait que toutes les modifications contractuelles auraient dû s’apprécier de manière globale et cumulative par rapport à la valeur prévisionnelle du contrat. Cela aurait eu du sens quand on sait que, d’après le nouveau régime, chaque avenant pourrait atteindre (au maximum mais tout de même) 50 % de cette valeur initiale du contrat. Cette nouvelle disposition n’apparaît de toute évidence pas satisfaisante et soulève une autre question centrale : quelle sera la limite (dans le temps et matériellement / sur le plan des investissements) pour ce type de contrat ? Plus largement, n’est-ce pas les textes qui institutionnalisent un contournement des règles de publicité ? La question ne manque pas d’intérêt à première vue. Autre champ problématique : la mise en application immédiate, aux contrats en cours, des dispositions de l’ordonnance du 29 janvier 2016 et du décret du 1er février de la même année. Bien entendu, il semble qu’il ne pouvait en être autrement. Mais cette application immédiate soulève des questions en matière de pratique des avenants : un avenant conclut dans le cadre d’un contrat de DSP dont la valeur initiale dépassait le nouveau seuil de déclenchement de la publicité européenne est-il soumis à une insertion dans le JOUE, comme pour les nouveaux contrats de DSP et leurs avenants ? Comment doit s’apprécier la valeur initiale prévisionnelle, si tant est qu’elle ait été expertisée à l’époque par les parties, du contrat qui sert d’appréciation ensuite pour mesurer l’impact de certains avenants (prise en compte de l’inflation ou non…) ? Il n’est pas nécessaire de multiplier les exemples pour mesurer la complexité inhérente à la mise en œuvre de ce nouveau régime des modifications conventionnelles, et ce, alors même que les textes demeurent silencieux sur le sujet. Un dernier point retient l’attention s’agissant des règles de publicité elles-mêmes qui sont prévues dans les textes de transposition de la directive concessions. A priori elles n’occasionnent aucun bouleversement de la pratique. Et pourtant, une analyse plus affinée semble démontrer que non seulement ces règles de publicité sont pour le moins
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disparates, mais aussi qu’elles risquent de favoriser leur propre contournement par les praticiens des contrats de DSP. En effet, un bilan de ces règles de publicité peut d’ores et déjà être dressé à partir des dispositions contenues dans le décret du 1er février 2016, et plus précisément son article 37. Elles sont les suivantes : – lorsque l’avenant entre dans la catégorie des modifications conventionnelles ne pouvant dépasser 50 % de la valeur initiale prévisionnelle (travaux supplémentaires et sujétions techniques imprévues), il est apprécié individuellement et ne peut avoir pour objet de contourner les règles de publicité et de mise en concurrence ; – lorsque l’avenant porte sur un contrat de DSP conclut initialement avec une valeur prévisionnelle égale ou supérieure au seuil européen (5 180 000 euros), l’autorité délégante doit publier un avis de modification du contrat de DSP au JOUE dans les conditions fixées à l’article 16 du décret et conformément au modèle fixé par le règlement d’exécution du 11 novembre 2015. Ces règles appellent plusieurs remarques critiques. S’agissant de la première hypothèse prévue par cette disposition 37 du décret du 1er février 2016, il est loisible de louer l’objectif général (ne pas avoir pour objet de contourner les règles de publicité de et de mise en concurrence) sans pour autant considérer que cette forme de soft law soit parfaitement adaptée à la réalité et aux pratiques. D’autre part, et pour les autres hypothèses de modifications conventionnelles des DSP, aucune règle ne semble prescrire une forme de publicité des avenants. Il semble donc que seules les règles connues jusque là (publicité/affichage, contrôle de légalité pour les collectivités territoriales) continuent à s’appliquer à leur passation. Mais dans ce cas, qu’en est-il lorsque l’avenant franchit la ligne des règles induites par ce nouvel article 37 du décret en entrant dans l’une des deux catégories présentées ci-dessus ? On le comprend, ce régime des règles de publicité applicable à la passation de certains avenants est largement incomplet. Et c’est précisément cette incomplétude qui est porteuse de risque à première : la tentation sera effectivement grande de faire entrer coûte que coûte un avenant dans une catégorie soumise à un formalisme allégé en matière de publicité tel qu’envisagé à l’article 37 du décret. Au final, seule la seconde hypothèse (publicité d’un avis de modification au JOUE dès lors que le contrat entre dans le régime du 1° de l’article 9 du décret) semble satisfaisante. Il serait peut-être souhaitable de s’en inspirer pour faire évoluer par la suite ce régime des modifications conventionnelles. En toute hypothèse et de manière, il faudra attendre l’appréciation que donnera le juge administratif de ce nouveau régime des avenants en matière de contrats de DSP pour en mesurer toute sa portée et, éventuellement, ses lacunes.
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Panorama de la jurisprudence 2015-2016 en matière de violation des règles de publicité et de mise en concurrence Au cours des années 2015 et 2016, les juridictions nationales et européennes ont rendu un certain nombre de décisions concernant le champ d’application des obligations de publicité des contrats publics ainsi que les violations de ces règles de publicité et leurs conséquences contentieuses.
P
lusieurs décisions ont précisé le champ d’application du droit de la commande publique, des obligations de publicité et de mise en concurrence en découlant et des sanctions mises en œuvre. La jurisprudence récente est également revenue sur la question des modalités de passation des contrats et des éventuelles violations des règles de publicité et de mise en concurrence susceptibles d’être commises. Enfin, le juge national a précisé les conséquences de violations des règles de publicité sur l’introduction de certains contentieux.
Champ d’application des règles de publicité et de mise en concurrence La jurisprudence européenne Le juge communautaire est revenu sur l’activité de transport sanitaire d’urgence(1), en recherchant si les règles du droit communautaire des marchés publics s’opposent à ce qu’une réglementation nationale puisse permettre d’attribuer une mission de cette nature, en l’absence de toute publicité, à une association de bénévolat. La Cour a relevé que la limitation de la rémunération du titulaire au seul remboursement des frais engagés et le caractère non lucratif de l’entité ne suffisaient pas à écarter la qualification de marché public.
Xavier Bigas et Yacine Baïta Avocats à la Cour, SCP Lyon-Caen et Thiriez
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Elle a également indiqué qu’il convient de rechercher si la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 est ou non applicable(2). Dans l’affirmative, toute forme d’attribution directe du contrat est en principe prohibée. Dans
(1) CJUE 28 janvier 2016, Casta c./ ASL TO4, aff. C-50/14, voir M. Ubaud Bergeron, Contrats et Marchés publics n° 3, mars 2016, comm. 64. (2) Étant entendu que les services de transports sanitaires d’urgence sont hors du champ de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, voir article 10.
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la négative, la liberté n’est pas totale et le droit national doit respecter les principes généraux de transparence et d’égalité de traitement découlant du Traité. Néanmoins, la Cour a indiqué que le recours à ces associations « est susceptible d’être motivé par les principes d’universalité et de solidarité ainsi que par des raisons d’efficacité économique et d’adéquation, en tant qu’il permet que ce service d’intérêt général soit assuré dans des conditions d’équilibre économique sur le plan budgétaire, par des organismes constitués essentiellement en vue de servir l’intérêt général ». De plus, en cas d’attribution directe et compatible avec le droit de l’Union européenne, dès lors qu’aucune procédure de publicité et de mise en concurrence n’est requise, une comparaison des offres n’est en principe pas nécessaire, sous réserve de contribuer à l’objectif d’efficacité budgétaire. L’attribution directe du marché à des associations, sans publicité et mise en concurrence, est donc possible. Néanmoins, le juge communautaire, rappelant sa jurisprudence antérieure, souligne que le cadre légal et conventionnel dans lequel se déploie l’activité desdites associations doit contribuer « effectivement à une finalité sociale ainsi qu’à la poursuite des objectifs de solidarité et d’efficacité budgétaire »(3). Il rappelle enfin que, si ces associations peuvent exercer certaines activités commerciales, des limites doivent être fixées pour garantir qu’elles resteront marginales et destinées à soutenir la poursuite de l’activité bénévole. Le juge communautaire s’est également prononcé à propos d’une réglementation italienne permettant une prorogation automatique et généralisée des concessions accordées sur le domaine maritime et lacustre, à leur date d’échéance, pour l’exploitation touristique des biens du domaine maritime et lacustre (en particulier les plages) (4). La Cour est tout d’abord revenue sur la question du champ d’application des directives communautaires(5) en rappelant que la directive « services » ne saurait s’appliquer à des concessions de services publics régies par la directive « concession ». Partant, elle est amenée à distinguer les « pures » concessions domaniales, qui peuvent être regardées comme des autorisations au sens de l’article 4 § 6 de la directive 2006/123/CE, des concessions de services. Selon la Cour, « une concession de services est caractérisée, notamment, par une situation dans laquelle un droit d’exploitation d’un service déterminé est transféré par un adjudicateur à un concessionnaire, ce dernier disposant, dans le cadre du contrat conclu, d’une certaine liberté économique pour déterminer les conditions d’exploitation de ce droit et étant parallèlement,
largement exposé aux risques liés à cette exploitation »(6) alors que, en l’espèce « les concessions portent non pas sur une prestation de services déterminée par l’entité adjudicatrice, mais sur l’autorisation d’exercer une activité économique dans une zone domaniale. Il en découle que les concessions en cause au principal ne relèvent pas de la catégorie des concessions de services »(7). C’est donc l’absence de prestation de service sollicitée par la personne publique qui est déterminante pour opérer la distinction. La Cour rappelle ensuite que, dès lors que la directive « services » est applicable, l’octroi d’une autorisation (unilatérale ou contractuelle) d’occupation doit respecter son article 12.1 « lorsque le nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables » et être précédé d’une procédure de sélection telle que prévue audit article 12. Tel est le cas en l’espèce selon la Cour. La prorogation automatique des autorisations, sans la moindre procédure de sélection, est donc en principe irrégulière(8). Elle souligne également que si les États membres peuvent se retrancher derrière l’article 12 de la directive pour tenir compte de raisons impérieuses d’intérêt général, cela ne saurait justifier une prorogation automatique, dès lors qu’aucune procédure de sélection n’a été organisée pour l’octroi de l’autorisation initiale. Les principes de confiance légitime et de sécurité juridique, qui visent à permettre aux concessionnaires d’amortir leurs investissements, ne sauraient y faire échec. La juge communautaire souligne enfin que, même lorsqu’une directive communautaire n’est pas applicable, l’octroi d’une concession domaniale relève de l’article 49 du Traité relatif à la liberté d’établissement. Ainsi, les règles fondamentales du Traité, en général, et le principe de non-discrimination, en particulier, doivent être respectés lors de l’octroi d’une concession. Si la concession présente un intérêt transfrontalier certain, la prorogation automatique en l’absence de toute transparence implique une différence de traitement, au détriment des entreprises ressortant des autres États membres, contraire à la liberté d’établissement(9). Là encore, les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ne sauraient en principe y faire échec. La portée de cet arrêt paraît différente(10) de celle de la jurisprudence du Conseil d’État(11). En tout état de cause, elle est importante quant aux règles de publicité et de mise en concurrence à respecter lors de l’octroi d’une simple concession d’occupation domaniale : l’absence
(6) § 46. (3) CJCE 11 décembre 2014, Azienda sanitaria locale « Spezzino », aff. C-113/13. (4) CJUE 14 juillet 2016, aff. C-458/14 et C-67/15, voir P. Proot, Contrats publics – Le Moniteur, n° 169, octobre 2016, p. 70. (5) En l’occurrence les directives 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relatives aux services dans le marché intérieur et 2014/23/UE du 23 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession.
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(7) § 47. (8) § 57. (9) § 64 et 65. &% G# Cd\jZaadj! » AÉViig^Wji^dc YZh Vjidg^hVi^dch YdbVc^VaZh / feu l’arrêt Jean Bouin », AJDA 2016, p. 2176. (11) CE Sect., 3 décembre 2010, Ville de Paris, Association Paris Jean Bouin, req. n° 338272, BJCP '%&&! e# (+! XdcXa# C# :hXVji#
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totale de sélection doit être sanctionnée au regard de l’article 12 précité. Il en va de même lorsqu’aucune directive communautaire n’est applicable, en cas d’intérêt transfrontalier.
La jurisprudence administrative Le juge administratif français est également revenu sur la qualification juridique de deux types de convention, susceptible d’être à l’origine d’obligations de publicité et mise en concurrence. Il s’est tout d’abord prononcé sur les obligations de publicité et de mise en concurrence applicables à la passation d’un bail emphytéotique administratif (B.E.A.)(12). Dans cette affaire, une commune avait mis à la disposition d’un opérateur des parcelles relevant de son domaine privé, afin que ce dernier y développe des activités commerciales, dans le cadre d’un B.E.A. Une consultation avait été organisée, avec négociation, point litigieux devant le juge. La Cour a tout d’abord estimé que le contrat devait être qualifié de B.E.A. au sens de l’article L. 1311-2 du CGCT. Elle s’est fondée sur le caractère d’intérêt général du projet, en ce qu’il contribue à étendre une zone d’activités, que sa réalisation a été déclarée d’utilité publique et va permettre de développer l’emploi, de sorte que le bail a été conclu en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général, relevant de la compétence de la commune. Elle a également souligné que la commune, qui sera à terme propriétaire des constructions réalisées par le preneur, va retirer un intérêt économique direct du contrat. Elle relève en outre que la réalisation du projet est imposée par le bail, de sorte que ce dernier répond à un besoin exprimé par la commune. Elle en déduit l’applicabilité du droit de la commande publique. Dès lors et en vertu des principes généraux applicables à la commande publique, un tel contrat doit faire l’objet d’une procédure de publicité(13). L’absence d’onérosité et de qualification en marché public est inopérante. La Cour estime enfin que, postérieurement à la publicité, la commune est en mesure de « négocier librement avec les personnes qu’elle choisit, sous réserve du respect des autres obligations qui s’imposent à elle en fonction du type de procédure applicable, et dans tous les cas, du principe d’égalité de traitement des concurrents ». Elle juge donc valide l’engagement de la négociation avec les deux seules entreprises encore en lice. Le juge administratif s’est également prononcé sur les conventions d’aménagement et leur soumission au droit
de la commande publique ainsi qu’aux procédures de publicité et de mise en concurrence(14). La requérante prétendait qu’une communauté avait conclu une convention d’aménagement en naissance des règles de publicité et de mise en rence préalables pourtant obligatoires pour ce contrat.
urbaine méconconcurtype de
La Cour va rechercher si la communauté urbaine a consenti à son cocontractant privé la maîtrise d’une opération publique d’équipement. Elle examine ainsi les conditions dans lesquelles ce dernier a commercialisé les emplacements. Elle estime que la communauté urbaine avait pour objectif de favoriser la création d’une zone commerciale en adaptant le P.L.U., en renforçant les infrastructures ou en cédant des terrains et que son action n’a pas excédé l’exercice de ses compétences en matière d’urbanisme, de sorte qu’elle ne saurait être regardée comme ayant défini un programme de travaux publics dont elle aurait confié la réalisation à un tiers. La Cour relève en outre que la conception et l’exécution de la zone d’activités relevaient du cocontractant privé. C’est en outre ce dernier, et non la communauté urbaine, qui a acquis les terrains, puis a procédé à leur aménagement et à leur commercialisation. Il n’y a donc ni concession d’aménagement, ni marché de travaux publics, de sorte qu’aucune procédure de publicité et de mise en concurrence n’avait à être mise en œuvre.
La jurisprudence judiciaire La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur les conséquences de la violation des règles de publicité et de mise en concurrence en matière pénale, en précisant le champ d’application du délit de favoritisme(15). Cette affaire mettait en cause les conditions de passation de différents contrats de prestations de services (de nombreux marchés de services ayant été passés sans mise en concurrence préalable) par France Télévisions. La Cour de cassation devait rechercher si ce délit trouvait à s’appliquer aux contrats régis par l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 et non aux seuls marchés régis par le Code des marchés publics alors applicable. Elle a répondu par l’affirmative. Elle a relevé que cette ordonnance était applicable à France Télévisions et aux marchés à passer par cette dernière, la notion de marchés publics devant être entendue largement, et ce malgré le principe d’interprétation stricte de la loi pénale. La Cour de cassation a d’ailleurs souligné que le Code des marchés publics en
(12) CAA Lyon 21 mai 2015, Société Broche et Fils et société de distribution alimentaire de la Vallée et Sté Bobsleigh et société Distribution Casino France,req. n° 14LY01566, voir G. Eckert, Contrats et Marchés publics n° 7, juillet 2015, comm. 183.
&) 866 CVciZh '( dXidWgZ '%&*! H6GA GjZ YZ H^Vb! c &)CI%(',' 0 kd^g =# =dZecZg! Contrats et Marchés publics n° 12, décembre 2015, comm. 295.
&( 866 BVghZ^aaZ '* [ kg^Zg '%&%! 8dbbjcZ YZ Gd\cZh! AJDA 2010, p. 1200, concl. F. Dieu.
(15) Cass. crim. 17 février 2016, n° 15-85.363, voir C. ClaverieGdjhhZi! Droit pénal n° 4, avril 2016, comm. 57.
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vigueur a été créé en 2006, soit après l’entrée en vigueur de l’article L. 432-14 du Code pénal dans sa rédaction applicable au litige. Ainsi, le fait que la règle méconnue ne soit pas issue du Code des marchés public est sans incidence. La Cour de cassation a expressément invoqué les principes à valeur constitutionnelle de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ainsi que le droit de l’Union européenne. Dès lors, la violation des dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005 (en l’occurrence l’absence de procédure de publicité et de mise en concurrence) peut être sanctionnée par les dispositions de l’article 432-14 du Code pénal.
Modalités de passation des contrats et violations des règles de publicité et de mise en concurrence Urgence et conclusion d’une convention de DSP Si le juge administratif avait déjà pris en compte l’urgence en cas de prolongation des conventions de délégation de service public(16), le Conseil d’État s’est très récemment prononcé sur la possibilité de se retrancher derrière l’urgence pour conclure une convention de délégation de service public provisoire(17). Une communauté d’agglomération avait passé en 2008 une convention de délégation de service public portant sur la gestion et l’exploitation d’une fourrière, reprise en 2011 par une société tierce, avec un terme fixé au 31 août 2015, prorogé jusqu’en 2016 pour motif d’intérêt général. Le contrôle de légalité avait estimé que la délibération correspondante encourait la critique, dès lors qu’elle prévoyait l’ajout de clauses suspensives litigieuses. La communauté d’agglomération avait alors retiré l’avenant et engagé une consultation afin de conclure une convention de gestion provisoire. Cette procédure de passation a été critiquée devant le juge des référés (par la voie précontractuelle puis contractuelle) et annulée, au motif que la communauté d’agglomération n’avait mis en œuvre aucune mesure de publicité, sans que l’urgence invoquée ne le justifie. Le Conseil d’État indique tout d’abord sur le plan des principes qu’« en cas d’urgence résultant de l’impossibilité soudaine dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer
à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public, conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de délégation de service public sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ; que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la collectivité entend poursuivre la délégation du service, ou, au cas contraire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ». Il est donc possible, pour la passation des conventions de délégation de service public, de s’exonérer des règles de publicité et de mise en concurrence en cas d’urgence. Mais cela doit être justifié par une cause indépendante de la volonté de l’autorité délégante et par l’impossibilité soudaine d’assurer la continuité du service public. Si ces conditions sont remplies, une convention de gestion transitoire peut être passée, pour une brève durée correspondant au délai nécessaire pour organiser une nouvelle procédure de passation, ou reprendre la gestion en régie ou en redéfinir la consistance. En l’espèce, le Conseil d’État a estimé que ces conditions n’étaient pas remplies. Il a relevé que le délégataire avait, après quelques péripéties, accepté la prolongation du contrat, également validé dans son principe par le contrôle de légalité, de sorte que la décision de retrait de l’avenant de prolongation devait être regardée comme une résiliation. Le service public de la fourrière aurait pu continuer à être exercé dans le cadre de la prolongation de la convention initiale, de sorte que l’urgence ne justifiait pas la conclusion d’une nouvelle convention sans procédure de publicité et de mise en concurrence.
Limitation du nombre de candidats Le Conseil d’État est venu apporter une précision utile sur la procédure à suivre lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre(18). La Haute juridiction a d’abord rappelé le principe issu de sa décision Communauté de communes de l’enclave des Papes(19) selon lequel « lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il lui appartient d’assurer l’information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats » et que cette information appropriée « suppose que le pouvoir adjudicateur indique les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures ».
(16) En matière de prolongation, voir CE 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la Côte d’Amour et de la presqu’île guérandaise, req. n° 209319, RFDA '%%% e# &%(&! XdcXa# 8# 7Zg\ZVa 0 8: - _j^c '%%*! IdbVhZaa^ Zi XdbbjcZ YZ GVbVijZaaZ! gZf# c '**.-,! Rec. CE T p. 875. (17) CE 4 avril 2016, Communauté d’agglomération du centre de la Martinique, req. n° 396191, voir G. Eckert, Contrats et Marchés publics n° 6, juin 2016, comm. 161.
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(18) CE 10 avril 2015, CCI territoriale d’Ajaccio et de Corse-du-Sud, req. n° 387128. (19) CE 24 février 2010, req. n° 333569.
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Ensuite, il confirme l’obligation de porter à la connaissance des candidats les niveaux de capacités que le pouvoir adjudicateur a, le cas échéant, entendu fixer. Enfin, et c’est là la nouveauté, il juge que cette information appropriée des candidats n’implique pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures, « sauf dans l’hypothèse où ces conditions, si elles avaient été initialement connues, auraient été de nature à susciter d’autres candidatures ou à retenir d’autres candidats ».
Obligation d’informer les candidats en cas de recours à la négociation Le Conseil d’État est revenu sur le recours à la négociation dans le cadre d’une procédure adaptée(20). L’acheteur public avait organisé une procédure adaptée en vue de passer un marché public de services. Saisi d’un contentieux au fond(21), le Conseil d’État indique que, si le pouvoir adjudicateur décide de faire usage de sa faculté de négocier dans le cadre d’une procédure adaptée(22), il a l’obligation d’en informer les candidats, dès le lancement de la procédure.
nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser et ne pas méconnaître le principe d’égalité de traitement. Cette solution n’est pas novatrice(24), une telle « confusion » n’étant prohibée que pour les procédures formalisées(25).
Violation des règles de publicité et conséquences contentieuses Violation des règles de publicité et recevabilité du référé contractuel Le Conseil d’État est venu apporter des précisions utiles sur les conséquences de violations des règles de publicité sur la recevabilité du référé contractuel. Par une décision de juin 2015(26), la Haute juridiction a statué sur un pourvoi dirigé contre une ordonnance de référé contractuel qui, après avoir relevé que le contrat litigieux était une délégation de service public, l’avait annulé, au motif que le pouvoir adjudicateur n’avait pas procédé à toutes les publications requises en vue de sa passation.
En outre, l’acheteur public ne peut renoncer à négocier en cours de procédure. Une telle solution est logique : dès lors que la négociation est annoncée dans le règlement de la consultation, elle est attendue par les candidats et le pouvoir adjudicateur ne saurait décider d’y renoncer, sauf à modifier la règle du jeu.
Censurant cette ordonnance comme entachée d’erreur de droit, le Conseil d’État a fait une application littérale de l’article L. 551-18 du Code de justice administrative, en jugeant que « l’annulation d’un contrat n’est susceptible d’être prononcée par le juge du référé contractuel (…) que lorsqu’aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise ».
Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur peut aussi se limiter à informer les candidats, lors du lancement de la procédure, qu’il se réserve la possibilité de négocier(23). Dans cette hypothèse, il ne sera pas obligé, s’il décide effectivement de négocier après la remise des offres, d’en informer l’ensemble des candidats.
Violation des règles de publicité et délais de recours
la Haute juridiction indique également que la décision de recourir à la négociation dans le cadre d’une procédure adaptée ne peut être critiquée devant le juge. Mais si le pouvoir adjudicateur décide de ne négocier qu’avec certains des candidats qui ont présenté une offre, il appartient au juge, saisi d’un moyen sur ce point, de s’assurer qu’il n’a méconnu aucune des règles qui s’imposent. Le Conseil d’État rappelle enfin que le pouvoir adjudicateur peut retenir, en procédure adaptée, un critère d’appréciation des offres relatif à l’expérience des candidats et, partant, à ses références même si cela est en principe pris en compte au titre de la sélection des candidatures, étant entendu que cela doit être rendu objectivement
(20) CE, 18 septembre 2015, Société Axcess, req. n° 380821, voir P. Devillers, Contrats et Marchés publics n° 11, novembre 2015, comm. 260.
Les conséquences de la violation des règles de publicité applicables à l’achèvement des procédures sur le déclenchement du délais de recours de pleine juridiction en contestation de la validité d’un contrat ouvert aux tiers, dans l’hypothèse où une double publicité de l’avis d’attribution est requise, ont fait l’objet de précisions jurisprudentielles bienvenues mais contestables. Rappelons que le délai de recours en contestation de la validité d’un contrat ouvert aux tiers est de deux mois. Il court à compter « de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les
(24) CE, 6 mars 2009, Commune d’Aix-en-Provence, req. c (&)+&% 0 8: ' Vd i '%&&! HdX^ i EVgX CVijgZa G \^dcVa YZh Grands Causses, req. n° 348254.
(22) En application de l’article 28 du Code des marchés publics alors applicable.
(25) CE 13 mai 1987, Société Wanner Isofi Isolation, req. n° 39120, Rec. CE e# &,& 0 8: '. Y XZbWgZ '%%+! HdX^ i 7ZgiZaZ HC8 I! Rec. CE e# .)- 0 866 7dgYZVjm &( cdkZbWgZ '%%-! HdX^ i 7IE EdjfjZi! req. n° 06BX02602.
(23) Voir contra, Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics du 14 février 2012, article 12.1.1.
(26) CE 26 juin 2015, Grand port maritime de la Martinique, req. n° 388867.
(21) CAA Paris 18 mars 2014, req. n° 12PA02599.
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modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi »(27). La portée de la notion de « mesures de publicité appropriées » mérite des précisions. Doit-elle l’être dans son contenu seulement, ou aussi dans son ampleur ? La question de son ampleur se pose en particulier lorsque l’avis d’attribution doit faire l’objet d’une double publication, au BOAMP et au JOUE. Dans cette hypothèse se pose la question de savoir si la seule publicité de l’avis d’attribution dans l’un de ces organes seulement constitue une « mesure de publicité appropriée » permettant de faire courir le délai de recours contentieux. La double publication de l’avis d’attribution du marché au BOAMP et au JOUE était requise par le Code des marchés publics en vertu des dispositions du III de son article 85 pour la passation d’un marché dont le montant estimé est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée définis à l’article 26. Elle l’est désormais par le 1° du I de l’article 104 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, pour les marchés publics répondant à un besoin d’un montant égal ou supérieur aux seuils européen passés par l’État, ses établissements publics autres qu’à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements. La Cour administrative d’appel de Marseille a récemment été amenée à se prononcer sur cette question(28). Statuant sur la fin de non-recevoir opposée en défense, tirée d’irrecevabilité de la demande de première instance comme tardive, la Cour, après avoir estimé qu’en vertu des articles 40 et 85, la double publication de l’avis d’attribution du marché public en litige au JOUE et au BOAMP était requise, l’a écartée en retenant que : « cet avis d’attribution a été publié au journal officiel de l’Union européenne le 21 août 2008 et au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 28 août 2008 ; que le délai de recours n’a ainsi commencé à courir qu’à compter de cette dernière date ; que, par suite, la demande de première instance, introduite le 28 octobre 2008, par la société AGL Services devant le tribunal administratif de Marseille n’était pas tardive ». Il a ainsi été considéré que, dès lors que les textes imposent la publicité de l’avis d’attribution à la fois au BOAMP et au JOUE, cette formalité n’est accomplie de manière « appropriée » qu’au jour de la publication de la dernière mesure de publicité. Cette appréciation est très largement contestable pour plusieurs séries de raisons.
(27) CE 16 juillet 2007, Tropic Travaux Signalisation, req. c '.&*)* 0 8: Vk^h! && bV^ '%&&! Hi G W^aadc HX]b^i Eg kdi! gZf# n° 347002, Rec. CE 0 8: ) Vkg^a '%&)! 9 eVgiZbZci YZ IVgc"Zi" Garonne, req. n° 358994. (28) CAA Marseille, 4 juillet 2016, Société AGL Services, req. n° 15MA04278, un pourvoi en cassation est pendant.
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Tout d’abord, lorsque dans ses conclusions sur l’arrêt Tarn-et-Garonne(29), le rapporteur public, M. Dacosta, évoquait la notion de « publicité suffisante », c’était seulement au regard du contenu de l’avis d’attribution : « Il appartient à la collectivité (…) d’organiser, au moins pour les contrats un peu sensibles ou financièrement importants, une publicité suffisante mentionnant l’existence du contrat et le lieu où il peut être consulté. Faute de publicité suffisante, il n’y a pas de délai de recours ». Ensuite, la doctrine administrative semble privilégier la thèse inverse. Dans son Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics, la DAJ indique que, s’agissant des marchés et accords-cadres donnant lieu à une procédure formalisée, « la publication d’un tel avis d’attribution [au JOUE] permet également de faire courir le délai de deux mois du recours en contestation de validité du contrat à condition que l’avis mentionne à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation afin de pouvoir être regardée comme une “mesure de publicité appropriée”, au sens de la décision Tropic(30) ». De même, dans une fiche technique(31), la DAJ mentionne que « pour les marchés passés selon une procédure formalisée, la publication d’un avis d’attribution au JOUE, suffit pour déclencher ce délai ». Enfin, la cour administrative d’appel de Lyon(32) semble avoir aussi retenu la thèse inverse, à propos de la publication de l’avis d’attribution d’une convention de délégation de service public dont le montant prévisionnel était supérieur aux seuils de procédure formalisée. Dans cette espèce, il a été jugé que la seule publication de l’avis d’attribution au BOAMP constituait une mesure de publicité appropriée, alors même que l’avis d’appel public à la concurrence avait fait l’objet d’une double publication dans cet organe et au JOUE. La portée de cet arrêt semble néanmoins pouvoir être nuancée, dès lors qu’il s’agissait d’une délégation de service public dont le régime de la publicité applicable à l’achèvement de la procédure diffère de celui applicable aux marchés publics, et que la critique tirée de l’absence de double-publication de l’avis d’attribution n’apparaissait pas expressément soulevée. Dans ce contexte, en l’absence de décision du Conseil d’État statuant sur ce point, l’incertitude demeure(33).
(29) CE Ass., 4 avril 2014, req. n° 358994. (30) Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics, édition du 26 septembre 2014, p. 85. (31) Fiche « Les recours contentieux liés à la passation des contrats de la commande publique », 8 septembre 2016. (32) CAA Lyon n° 15LY01472.
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décembre
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France,
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Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
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Actualité normative L’open data dans les contrats de concession ..............................................................
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Cécile Fontaine et Marie Perritaz
La loi pour une République numérique a intégré, dans l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, un article 53-1 imposant à tout concessionnaire d’un service public de fournir à l’autorité concédante, sous format électronique, les données et les bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service public faisant l’objet du contrat et qui sont indispensables à son exécution. Que recouvre cette obligation dans le cadre des concessions ?
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L’open data dans les contrats de concession L’un des articles de la loi pour une République numérique définit, pour les contrats de concession, un cadre général à l’ouverture des données publiques. Avant la publication de cette loi, le législateur avait, pour certains secteurs spécifiques (distribution d’énergie…), déjà ouvert l’accès à ce type de données.
L
a France s’est engagée dans la mise en œuvre d’une politique de partage des données publiques, ou « Open data », compte tenu des opportunités qu’elle présente en termes d’optimisation de l’action publique et de développement économique. Un certain nombre de personnes publiques se sont déjà volontairement inscrites dans une telle démarche. Elle est désormais rendue obligatoire avec la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Cette loi réforme le régime de l’accès aux documents administratifs(1) en passant d’une logique de demande à une logique d’offre. Le champ des données à publier en ligne est ainsi accru de manière significative, la publication en ligne devenant l’un des modes d’accès aux documents administratifs(2). D’un point de vue pratique, pour assurer cette publication en ligne, la personne publique peut recourir à la plateforme publique data.gouv.fr sur laquelle toute administration peut ouvrir un compte, ou sur son propre site internet ou toute autre plateforme dédiée(3). Un article de la loi pour une République numérique est plus spécifiquement consacré à l’ouverture des données collectées dans le cadre des concessions de service public et définit un cadre général applicable aux concessions soumises à l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. Ce dispositif général vient se surajouter à des régimes sectoriels existants, le législateur ayant déjà ouvert l’accès aux données pour certaines activités de service public gérées en concession – tel que le secteur de l’énergie – afin de tenir compte des enjeux qui leur sont propres.
Cécile Fontaine et Marie Perritaz Avocats, société d’avocats Fidal
Références Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, art. 17, 23
Mots clés 9 a \Vi^dc YZ hZgk^XZ ejWa^X 9^hig^Wji^dc YÉ cZg\^Z DWa^\Vi^dc HZXgZi
Contrats Publics – n° 171 - décembre 2016
(1) Règles codifiées dans le Code des relations entre le public et l’administration. (2) Article L. 311-9 du Code des relations entre le public et l’administration. (3) La mission Etalab a publié un guide de publication à destination des administrations.
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La définition d’un cadre juridique commun à l’ouverture des données publiques dans les concessions Avant l’entrée en vigueur de la loi pour une République numérique, l’article 53 de l’ordonnance n° 2016-65 imposait déjà à l’autorité concédante de rendre accessibles, sous un format ouvert et librement réutilisable, les données essentielles du contrat de concession. Il s’agit plus précisément pour cette autorité d’offrir sur son profil d’acheteur un accès libre, direct et complet aux informations telles que la nature et l’objet du contrat, sa durée, sa valeur globale et ses principales conditions financières, les dépenses d’investissement réalisées par le concessionnaire, les principaux tarifs à la charge des usagers, etc(4). Des dispositions spécifiques aux délégations de service public conclues par les collectivités territoriales prévoient également la mise à disposition du public, sur place, des documents remis à la collectivité délégante en application de la délégation de service public(5). La loi pour une République numérique complète ce dispositif en insérant dans l’ordonnance un article 53-1 lequel impose à tout concessionnaire d’un service public de fournir à l’autorité concédante, « sous format électronique, dans un standard ouvert librement réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, les données et les bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service public faisant l’objet du contrat et qui sont indispensables à son exécution. L’autorité concédante ou un tiers désigné par celleci peut extraire et exploiter librement tout ou partie de ces données et bases de données, notamment en vue de leur mise à disposition à titre gratuit à des fins de réutilisation à titre gratuit ou onéreux »(6). D’emblée, on précisera que ces nouvelles dispositions n’ont pas vocation à s’appliquer aux contrats en cours mais uniquement à ceux pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de concession est envoyé à la publication à compter de l’entrée en vigueur de la loi pour une République numérique. Cette loi a néanmoins un effet sur les contrats en cours : pour ces derniers, dès lors qu’ils délèguent un service public, les autorités concédantes peuvent exiger du concessionnaire la transmission des données et des bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service public afin de préparer le renouvellement du contrat(7). Par ces dispositions, l’objectif du législateur est clairement de renforcer la place des services publics dans la société(8) et de garantir une meilleure transparence des procédures de passation des contrats, le concession-
(4) Voir l’article 34 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession. (5) Articles L. 1411-13 et s. du CGCT. (6) Article 17 de la loi. (7) Article 78 de l’ordonnance n° 2016-65 tel que modifié par la loi pour une République numérique. (8) Compte-rendu des débats, séance du 27 avril 2016, www.senat. fr.
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naire « sortant » étant objectivement dans une meilleure situation que ses concurrents sans cette ouverture des données d’exploitation(9). Si le nouvel article 53-1 de l’ordonnance 2016-65 institue une véritable obligation à la charge du concessionnaire, il prévoit une simple faculté pour l’autorité concédante d’exploiter les données communiquées et de les publier.
L’obligation du concessionnaire à l’égard de l’autorité concédante Bien que les nouvelles dispositions de l’article 53-1 ne soient pas insérées dans la section de l’ordonnance 2016-65 consacrée à l’information de l’autorité concédante, elles ont nécessairement pour effet d’améliorer le niveau de connaissance de cette dernière et de faciliter l’exercice de son pouvoir de contrôle sur le service concédé. On notera cependant que le législateur n’a pas suivi l’avis de l’Autorité de la concurrence qui avait recommandé d’attribuer, à l’autorité concédante, un pouvoir de contrôle sur les données collectées et de sanction en cas de diffusion de données erronées, incomplètes ou biaisées compte tenu « des fortes asymétries d’informations existantes entre l’autorité délégante et le délégataire »(10). La question de l’application de pénalités contractuelles pour défaut de transmission des données susvisées devra faire l’objet de négociations entre l’autorité concédante et les candidats dans le cadre de la procédure de passation des concessions. Il est probable que cette nouvelle obligation mise à la charge des concessionnaires nécessite pour eux d’adapter leur système d’information afin de pouvoir communiquer les données sous format électronique dans un standard ouvert librement réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé(11). Toutefois, l’étude d’impact réalisée préalablement à l’adoption de la loi pour une République numérique a estimé que ces coûts supplémentaires pour le concessionnaire devraient être limités et ponctuels. La pratique devra confirmer cette analyse. En outre, le coût supporté par le concessionnaire dépendra également de la quantité de données à traiter. À cet égard, l’étude d’impact recommande aux parties de renforcer la prévisibilité de la clause « open data », en y faisant figurer une liste indicative des types de données concernées(12), le législateur n’ayant pas dressé de liste des données entrant dans le champ du nouvel article 53-1. L’autorité concédante pourra d’ailleurs, dès la conclusion du contrat ou au cours de son exécution, exempter le
(9) Avis n° 3391 enregistré le 13 janvier 2016. (10) Avis de l’Autorité de la concurrence du 10 novembre 2015 sur le projet de loi pour une République numérique. (11) Aux termes de l’article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, « (o)n entend par standard ouvert tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre ». (12) Étude d’impact sur le projet de loi pour une République numérique, précitée.
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concessionnaire de tout ou partie des obligations mises à sa charge par l’article 53-1 de l’ordonnance. Cette exemption devra faire l’objet d’une décision motivée fondée sur des motifs d’intérêt général et rendue publique. Il est probable que ce point fera également en pratique l’objet de négociations lors de la passation de la concession.
La mise à disposition du public à des fins de réutilisation des données La loi pour une République numérique permet à l’autorité concédante de publier en « open data » les données et bases de données indispensables à l’exécution de la concession que le concessionnaire est tenu de lui transmettre, et ce en vue de leur réutilisation à titre gratuit ou onéreux. Cette loi a en outre étendu le droit à réutilisation des données publiques à celles liées aux services publics à caractère industriel ou commercial jusqu’alors exclues de ce droit(13), dispositif qui n’était prévu jusqu’alors que dans certains secteurs d’activité(14). La publication des données de la concession demeure toutefois encadrée. Tout d’abord, la loi pour une République numérique n’a pas modifié les limitations déjà existantes, à savoir l’interdiction de communiquer des éléments « dont la divulgation violerait le secret en matière industrielle et commerciale ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques, notamment par la communication, en cours de consultation, de la valeur globale ou détaillée des offres »(15). Ensuite, le nouvel article 53-1 précise que la mise à disposition ou la publication des données de la concession se fait dans le respect des articles L. 311-5 à L. 311-7 du Code des relations entre le public et l’administration. Autrement dit, ne peuvent être publiés en ligne les documents non communicables ou qui comprennent des mentions sensibles, notamment celles portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou celles dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle, sauf à avoir fait l’objet d’un traitement permettant d’occulter ces mentions. À cet égard, la notion de secret en matière commerciale et industrielle a fait l’objet de précisions dans la loi pour une République numérique : elle comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles, ce secret devant être apprécié en tenant compte du fait que la mission de service public concernée est soumise à la concurrence.
(13) Article L. 321-2 du Code des relations entre le public et l’administration. (14) Voir par exemple, l’article 4 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui a prévu la diffusion gratuite, par voie électronique, des données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité en vue de leur réutilisation libre, immédiate et gratuite. (15) Article 38 de l’ordonnance n° 2016-65.
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Il est à noter que dans la loi pour une République numérique, le législateur ne précise pas la nature des données indispensables à l’exécution de la concession et ne se prononce pas non plus sur leur régime de propriété et en particulier sur leur qualification de biens de retour. Un droit d’usage desdites données est en revanche expressément reconnu au profit de l’autorité concédante. Il conviendra donc, en pratique, lors de la négociation de la concession de définir les modalités précises de mise en œuvre de ce droit d’usage dont l’exercice pourrait être source de différends entre les parties lors de l’exécution du contrat.
Le renforcement de l’ouverture des données publiques sectorielles : le cas des concessions de distribution d’énergie Dans certains secteurs d’activité, le législateur avait, dès avant l’entrée en vigueur de la loi pour une République numérique, procédé à la définition d’un cadre juridique spécifique pour l’ouverture des données publiques. Cela a notamment été le cas du secteur du transport et, plus récemment de la distribution d’énergie (électricité, gaz et chaleur). La donnée énergétique – à savoir, principalement, les données relatives aux volumes d’énergie injectés et soutirés sur les réseaux –, constitue en effet l’un des enjeux fondamentaux de la transition énergétique. Elle l’est pour les personnes publiques dès lors que c’est à partir de cette donnée qu’une politique énergétique va pouvoir être définie. Elle l’est également pour les opérateurs privés qui vont pouvoir, sur cette base, proposer de nouveaux services et usages. Elle l’est enfin pour le consommateur final qui doit pouvoir disposer de cette donnée pour être en mesure d’agir sur sa consommation en vue de la maîtriser. C’est la raison pour laquelle, un an avant l’adoption de la loi pour une République numérique, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a ouvert de manière significative l’accès à la donnée énergétique en renforçant les obligations incombant aux gestionnaires de réseaux d’énergie. La loi du 7 octobre 2016 n’a pas pour effet de remettre en cause ces règles(16). De sorte que tout en maintenant les dispositifs sectoriels déjà existants, la loi pour une République numérique est venue les compléter et les renforcer, provoquant ainsi un effet d’empilement des textes dès lors que le service public est exploité dans le cadre d’une concession(17).
&+ Hjg XZ ed^ci! aÉ ijYZ YÉ^beVXi g Va^h Z eg VaVWaZbZci | l’adoption de loi pour une République numérique a relevé : « (…) aZ cdjkZVj Y^hedh^i^[ egdedh gZheZXiZ aÉVYV\Z HeZX^Va^V \ZcZgVlibus derogant, non generalia specialibus, selon lequel les règles spéciales dérogent aux règles générales. Même si les règles générales prévues par l’actuel projet de loi sont postérieures à certaines dispositions spéciales préexistantes, le présent projet n’a ni pour objet, ni pour effet de les abroger » (Étude d’impact sur le projet de loi pour une République numérique – 9 décembre 2015 CDG / :>C>&*')'*%A$7aZjZ # (17) Voir en ce sens, le rapport n° 534, Tome 1, enregistré à la Eg h^YZcXZ Yj H cVi aZ + Vkg^a '%&+#
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Les obligations issues de la loi relative à la transition énergétique La loi relative à la transition énergétique a contraint les gestionnaires de réseaux de distribution d’énergie à ouvrir l’accès aux données qu’ils collectent dans le cadre de leur activité. Il s’agit tout d’abord, dans le cadre du déploiement des compteurs intelligents, d’imposer aux gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité et de gaz de mettre à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d’alerte liés au niveau de leur consommation et des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales(18). Des dispositions spécifiques sont prévues au profit des propriétaires et des gestionnaires d’immeuble : dès lors que ces derniers en formulent la demande et qu’ils justifient de la mise en œuvre d’actions de maîtrise de la consommation d’énergie engagées pour le compte des consommateurs de l’immeuble, les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz doivent leur communiquer les données de comptage de consommation sous forme anonymisée et agrégée à l’échelle de l’immeuble(19). La loi relative à la transition énergétique a également fait bénéficier les personnes publiques de cette ouverture des données, l’objectif du législateur étant de faciliter la mise en œuvre de politiques énergétiques au niveau tant national que local(20). Des textes réglementaires sont récemment venus préciser cette obligation(21) en fixant la liste des données que les gestionnaires de réseaux doivent communiquer au ministre de l’Énergie, en vue de leur publication dans un standard ouvert aisément réutilisable. Il s’agit, par exemple, de la consommation totale annuelle d’électricité et de gaz par secteurs d’activité – résidentiel, tertiaire, industriel, agricole – et ce à l’échelle du quartier, de la région et du bâtiment, ou des livraisons totales annuelles de chaleur ou de froid par secteur d’activité et par quartier. Ces mêmes données doivent également être communiquées à titre gratuit par les gestionnaires de réseaux aux personnes publiques qui en font la demande et qui justifient d’une compétence en matière d’énergie (notamment les autorités organisatrices de la distribution, les collectivités compétentes en matière de plan local d’urbanisme, les collectivités en charge de la performance énergétique ou qui mettent en œuvre des actions de maîtrise de demande de l’énergie), lesquelles peuvent déléguer la gestion desdites données à un tiers.
(18) Article L. 341-4 du Code de l’énergie. (19) Article L. 341-4 du Code de l’énergie. (20) Article 179 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015. (21) Décret n° 2016-973 du 18 juillet 2016 relatif à la mise à disposition des personnes publiques de données relatives au transport, à la distribution et à la production d’électricité, de gaz naturel et de biométhane, de produits pétroliers et de chaleur et de froid ; arrêté Yj &- _j^aaZi '%&+ CDG / 9:KG&+&%%+%6 ! ÒmVci aZh bdYVa^i h YZ transmission des données de transport, distribution et production d’électricité, de gaz naturel et de biométhane, de produits pétroliers et de chaleur et de froid.
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Enfin, la loi relative à la transition énergétique a assoupli le régime de la confidentialité des informations en matière d’énergie – dit « régime des ICS » – pour permettre aux gestionnaires de réseaux de satisfaire à leurs nouvelles obligations en matière de mise à disposition des données tout en garantissant la protection des données personnelles(22).
Des obligations renforcées par la loi pour une République numérique À ce dispositif institué par la loi relative à la transition énergétique s’ajoute à présent celui prévu par la loi pour une République numérique. Les gestionnaires des réseaux de distribution de chaleur sont ainsi désormais soumis aux nouvelles obligations insérées à l’article 53-1 de l’ordonnance n° 2016-65 présentées plus haut dès lors qu’ils exploitent leur activité dans le cadre d’un contrat de concession. Pour les concessionnaires des réseaux de distribution d’électricité et de gaz, la loi du 7 octobre 2016 a par ailleurs prévu des obligations spécifiques dès lors que les concessions de distribution d’électricité ou de gaz pourraient être exclues du champ d’application de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession compte tenu des monopoles légaux dont bénéficient ces opérateurs(23). L’article 23 de la loi pour une République numérique introduit ainsi dans le Code de l’énergie(24) des dispositions spécifiques aux concessions d’électricité et de gaz pour imposer aux gestionnaires de réseaux d’électricité et de gaz de publier, sous un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable, les données détaillées de consommation et de production issues de leur système de comptage en vue de permettre leur réutilisation. La loi renvoie à un décret le soin de préciser la nature et les modalités de traitement des données concernées par cette nouvelle obligation. Le cas échéant, un accès centralisé à ces données pourra être mis en place. Il est intéressant de noter que pour les concessions de distribution d’électricité et de gaz, la publication – en vue de leur réutilisation – des données liées à l’activité concédée constitue une obligation directement mise à la charge du concessionnaire et non une simple faculté pour l’autorité concédante comme le prévoit l’article 53-1 de l’ordonnance n° 2016-65 pour les autres contrats de concession. Le législateur a clairement entendu, pour ce secteur d’activité, imposer des contraintes plus fortes qu’aux autres concessionnaires, et ce afin de développer de nouvelles offres et servir de levier à la transition énergétique en termes de nouveaux usages et services énergétiques.
(22) Décret n° 2016-972 du 18 juillet 2016 relatif à la confidentialité des informations détenues par les opérateurs gaziers et par les gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité. (23) Articles 13 et 14 de l’ordonnance. (24) Code de l’énergie, art. L. 111-73-1 et L. 111-77-1.
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