Extrait_Contrats publics N185

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N° 000 N° 185 ••Mars MOIS 2018 2013

Contrats Publics Le sourcing : pratiques et recommandations uuCaractéristiques du sourcing

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Exemples d’avis de sourçage Élaboration d’une charte de déontologie Modèle de compte-rendu

et sur tablett

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uuRetours d’expériences

Consultez votre revue sur

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Absence de caractère obligatoire Les différentes techniques envisageables Conditions de réussite d’une opération de sourcing

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Dossier

Actualités

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uuU  n outil vecteur de risques…

Les acheteurs doivent cibler leurs actions Sécuriser la phase succédant aux consultations préalables Utilisation abusive du sourcing et risque pénal

Viedes contrats

EXÉCUTION

Travaux supplémentaires et responsabilité du maître d’œuvre ; limite à la jurisprudence Région Haute-Normandie

N° 185 – Mensuel – 29 €

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les textes cités sur

Le sourcing : pratiques et recommandations Qu’est-ce que le sourcing ?............................................................................................ 18

Yvonnick Le Fustec

Les techniques de sourcing : conseils et recommandations........................................ 22 Fabrice Strady

Si le sourcing (ou sourçage) existait déjà avant la réforme des marchés publics, la directive 2014/24/UE et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 lui ont consacré un fondement textuel. L’acheteur doit néanmoins veiller à effectuer un sourcing respectant le principe d’égalité de traitement. Le dialogue entre l’acheteur public et l’opérateur privé ne doit pas avoir pour effet de perturber le jeu de la concurrence. Dans ces conditions, l’acheteur se retrouve souvent confronté à toute une série de questions : qui viser ? Combien de personnes ? Comment organiser son sourcing ? Jusqu’on peut-on aller ? Comment éviter les risques de mise en cause pénale… ?

Sourcing : mode d’emploi pour des échanges sécurisés et réussis............................ 28 Chantal Saïchi

« Sourcing » et « consultations préalables » : précautions à prendre........................ 33 Cyril Coupé

Le sourcing, un outil au service de la performance de l’achat public.......................... 37 Karine Melin

Sourcing et achat public : entretien avec Clodyne Samuel Delacroix et Christian Rouvière...................................................................................................... 42 Jean-Marc Peyrical

Le sourçage est-il adapté à tous les marchés publics ?............................................... 45 Bruno Mounier

Le sourçage mis en pratique.......................................................................................... 51 Michel Crahès

L’impact du sourcing dans les marchés publics............................................................ 57 Eve Derouesné et Virginie Lafargue

Le sourcing dans les achats publics Retour d'expérience - Département des Hauts-de-Seine............................................ 62 Maika Aubry Ngatsing

Sourcing et risque pénal................................................................................................. 66 Sonia Kanoun et Matthieu Hénon

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Le sourcing : pratiques et recommandations

Les techniques de sourcing : conseils et recommandations Si le décret du 25 mars 2016 prévoit la possibilité de recourir au sourcing, ce texte ne donne que peu de détails quant aux modalités de mise en œuvre. Les acheteurs doivent apprécier au cas par cas l’utilité du sourcing et se poser un certain nombre de questions : pourquoi y recourir ? Quelle méthode utiliser ? Quels sont les pièges à éviter ?

S

i l’acheteur ne connaît pas ou peu le secteur d’activité relevant de l’objet du marché qu’il envisage de lancer, il existe différentes techniques pour lui permettre d’établir dans les meilleures conditions possibles son cahier des charges. Afin de préparer la passation d’un marché public, l’acheteur peut effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences. Il s’agit du sourcing – ou sourçage – désormais réglementé depuis le 1er avril 2016(1).

Auteur Fabrice Strady Responsable des services administratifs de la ville de Royan Juriste, auteur, formateur, consultant Marchés publics, conférencier

Références F. Strady, Rédiger et instruire un appel d’offres, éd. Le Moniteur, 2017 F. Strady, Remporter un appel d’offres, éd. Le Moniteur, 2016.

Le sourcing - ou études et échanges préalable - est une pratique qui permet aux acheteurs de solliciter les entreprises en amont des marchés publics. Le sourcing permet à l’acheteur d’actualiser sa connaissance du secteur d’activité concerné et d’identifier ce qui est susceptible de répondre au mieux à son besoin. L’idée est d’éviter de rédiger un cahier des charges qui ne réponde pas – ou seulement en partie – aux capacités des entreprises et de minimiser ainsi le risque de voir sa consultation ne pas trouver de réponse adéquate – ou, du moins, adaptée au besoin de l’acheteur. Si le besoin n’est pas bien défini, l’acheteur prend le risque en effet d’aboutir à des offres infructueuses, ce qui outre une

Mots clés Définition des besoins • Méthode active • Méthode passive • Pédagogie • Risque pénal • Traçabilité

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(1)  Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 4.

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Le sourcing : pratiques et recommandations

perte de temps, a pour conséquence de devoir lancer une nouvelle procédure qui représente un surcoût financier en matière de gestion du personnel, de publicité, etc. Connaître les secteurs d’activités concernés en vue de la dénomination et la rédaction des lots permet d’accroître les possibilités de réponse des entreprises en particulier des TPE et PME, sans les obliger à sous-traiter ou à se constituer en groupement momentané d’entreprises (ou cotraitance) qui nécessitent pour elles du temps et de l’énergie dont elles pourraient se dispenser. Par exemple, il est fréquent de trouver des constitutions de lots qui pourraient être affinées du type « désamiantage et démolition » alors qu’il s’agit de deux activités différentes ou encore « terrassement – gros œuvre – VRD », ce qui ne facilitent pas la tâche des PME ou TPE, souvent constituées en entreprises individuelles où le gérant est, par exemple, terrassier et n’est pas forcément en capacité de réaliser le gros œuvre, voire la VRD. L’acheteur doit donc trouver la bonne adéquation entre sa demande et la réalité économique correspondant à la satisfaction de son ou de ses besoins, ce que lui permet notamment le sourcing qui participe ainsi à sa connaissance des secteurs d’activités économiques concernés par ses besoins à satisfaire. Depuis la réforme sur les marchés publics d’avril 2016, le sourcing est donc la consécration juridique d’une pratique utilisée dans les faits par de nombreux acheteurs. Devant l’absence d’organisation juridique du sourcing imposé par les textes, l’acheteur est amené à établir son propre processus opératoire. Pour autant, il doit apprécier au cas par cas l’utilité du sourcing : d’abord, il doit se poser la question de savoir pourquoi y recourir et quel en est l’intérêt, avant d’envisager la méthode choisie en évitant les écueils susceptibles de fragiliser la démarche du sourcing pour son projet d’achat.

Ne pas faire automatiquement du sourcing à chaque consultation Il ne s’agit pas de faire du sourcing pour le plaisir d’en faire. En effet, cette pratique nécessite de consacrer du temps donc des moyens humains et matériels qui doit être justifiée par l’objet du marché.

Les objectifs du sourcing L’objectif du sourcing est de permettre aux acheteurs d’avoir une connaissance précise du marché, des opérateurs économiques, des solutions qu’ils proposent, notamment en matière d’innovations technologiques, en décloisonnant au maximum la sphère publique commerciale et industrielle du monde institutionnel public. Pour l’acheteur, le sourcing va lui permettre d’affiner la définition des besoins en améliorant les documents de la consultation (par exemple, la précision du bordereau de prix, l’exhaustivité de son contenu, les conditionnements, la nature des produits…), de mieux connaître les

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raisons d’un faible taux de réponse à une précédente consultation. Pour l’entreprise, l’intérêt d’être sourcé participe à se faire connaître auprès de l’acheteur en cas de premier contact, mais surtout d’obtenir des informations pour une prochaine consultation et d’améliorer le potentiel de chiffre d’affaire du futur marché.

Comment procéder au sourcing ? Même si le sourcing a vocation à favoriser l’approche partenariale avec les entreprises, l’acheteur doit établir les opportunités du sourcing en interne. Il peut établir en amont une série d’indices pour savoir si le recours au sourcing est judicieux ou pas selon l’objet du marché. Par exemple, souhaite-t-il communiquer avec les entreprises pour étoffer son projet d’achat et donc créer une sorte d’émulation concurrentielle ? A-t-il besoin d’informations techniques par les entreprises en raison d’un manque de connaissances (techniques, économiques, organisationnel…) dans le secteur d’activité concerné ? Les enjeux financiers sont-ils significatifs pour justifier le recours au sourcing (potentielles économies non négligeables par exemple) ? Le secteur commercial concerné est-il fortement concurrentiel pouvant permettre d’élargir la connaissance à de nouveaux opérateurs économiques que l’acheteur ne connaissait pas jusqu’alors ? S’agit-il de secteurs d’activités sensibles où les entreprises sont dans une situation féroce pour l’obtention de parts de marché ? L’acheteur a-t-il besoin d’informations pour étoffer la rédaction de son projet d’achat (connaître la structuration des coûts et des prix, la nature et la forme du marché, allotissement, groupements d’entreprises, techniques particulières d’achat, forme des prix…) ? Si une majorité de réponses positives l’emporte, l’acheteur peut considérer le recours au sourcing comme opportun.

Sécuriser la procédure L’acheteur doit : ●● Maîtriser les éléments de langage du sourcing : connaître les limites d’utilisation du sourcing

Le sourcing n’est pas une procédure de consultation : ce n’est pas un acte d’achat. Il ne s’agit donc pas d’obtenir des chiffrages, des devis, encore moins d’aboutir à une négociation. Il sert à informer l’acheteur et non pas à lui permettre déjà de faire une sorte de présélection. Lorsque l’acheteur décide d’utiliser le sourcing, il est conseillé de préciser qu’il ne s’agit pas d’une consultation de marchés publics. Les renseignements et documents récupérés lors du sourcing serviront de « matière » pour permettre à l’acheteur d’optimiser la rédaction de son besoin. Lorsque l’acheteur fera connaître son besoin au travers de son DCE, il ne pourra pas rejeter les soumissionnaires qui n’auront pas répondu au sourcing.

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Le sourcing : pratiques et recommandations

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Le sourcing : pratiques et recommandations

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Modèle de Compte-rendu Sourcing

[Insérer logo de l’acheteur] Objet du sourcing : [Préciser la thématique abordée par le sourcing] Date, lieu de rencontre : [A préciser] Mode opératoire choisi : ORAL ou ECRIT Nom des participants et fonctions respectives (Agents/Elus/Dirigeants [selon le mode de fonctionnement propre à l’acheteur]) : …………………………… …………………………… …………………………...

Nom de l’opérateur économique sourcé : ………………………………. Représentant(s) : [Indiquer Nom(s) et fonctions] : ……………………………………….. ……………………………………….. Titulaire sortant (seul, co-traitant, sous-traitant) du marché concerné en cours de relance : OUI NON Titulaire d’un marché précédent de l’acheteur (seul, co-traitant, soustraitant) [Cas échéant si info utile pour l’acheteur ou pas] : OUI NON

Nature des informations demandées (Questions/Réponses) : [A Détailler] …………………………….

Réponses [A indiquer] : ………………………….. ………………………….. Le candidat précise que la remise d’échantillons dans le cadre de la consultation ne lui pose aucune difficulté [OUI ou NON]

Fondement juridique : Articles 4 et 5 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 [ou articles 2 et 3 du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 pour les marchés publics de défense ou de sécurité] Les informations transmises par l’acheteur aux opérateurs économiques sollicités doivent être rigoureusement identiques. Elles peuvent être complétées de toute autre information issue des échanges précédents à la condition de ne pas fausser la concurrence ni à entraîner une violation des principes de libre accès à la commande publique. Aucune information issue d’un échange préalable (sourcing) ne peut être portée à la connaissance des opérateurs économiques rencontrés si elles relèvent du secret industriel et commercial. Dans un souci de transparence, l’ensemble des informations transmises par les opérateurs économiques sollicités est retracé dans le présent document.

Nom des participants de l’acheteur + fonctions + signature

Une offre spontanée (devis, cahier des charges) n’est pas du sourcing car c’est une offre exploitable en l’état pour conclure un acte d’achat. L’entreprise sollicite l’acheteur directement pour faire une offre. Autrement dit, l’acheteur peut signer le contrat, clef en mains, sans récupération d’informations pour bâtir un futur cahier des charges d’une consultation qui pourra être lancée ultérieurement. ●● Faire preuve de pédagogie envers les élus/ dirigeants et les services opérationnels

L’intérêt est de convaincre ou de sensibiliser les élus/ dirigeants qui peuvent être très frileux en raison du risque juridique potentiel inhérent à la procédure ou, à l’inverse, ceux qui sont partisans d’une pratique débridée, de la démarche du sourcing. À l’égard des services opérationnels, l’approche pédagogique est toute aussi vitale car il faut être en mesure

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Nom des participants de l’opérateur économique + fonctions + signature

d’expliquer le sourcing et son utilité à des techniciens qui manquent souvent de temps pour le pratiquer.

Les types de sourcing envisageables La pratique du sourcing peut prendre différentes formes qui vont de la sollicitation de fournisseurs à la consultation de bases dédiées, comme celle de la plateforme PLACE, qui répertorie plus de 80 000 sociétés. Ces techniques se sont diversifiées, allant de la formelle request for information (demande d’information), publiée par exemple sur le site de la Banque de France(2), en vue d’obtenir des éléments de réponse sur des probléma-

(2)  https://ibfi.banque-france.fr/la-banque-de-france/marchespublics/achats-des-domaines/rfi-demande-dinformations.html.

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Le sourcing : pratiques et recommandations

tiques liées à la faisabilité technique d’un projet, voire au lancement d’un appel à idées. Le ministère de la Défense propose par exemple des contacts sur son site avec les PME(3)..

La méthode passive La recherche d’informations s’effectue par échanges électroniques uniquement, sans rencontre commerciale. Les entreprises peuvent être invitées éventuellement à répondre à un questionnaire élaboré par l’acheteur ou il peut s’agir pour l’acheteur de se procurer des documents (type catalogues, plaquettes) en indiquant – ou pas – à cette occasion, un échange d’informations sur le projet d’achat ou le calendrier d’une future procédure de marchés publics. Plusieurs outils sont envisageables : publication d’ un avis d’appel public à la concurrence sur un ou plusieurs supports de publicité que l’acheteur juge approprié pour faire connaître sa demande, faire appel aux plate-forme de référencement pour accéder à un vivier d’opérateurs économiques, voire piocher dans un panel de fournisseurs établi en interne par l’acheteur.

La méthode active Un contact par courriel ou une demande de renseignements (telle qu’une documentation ou plaquette informelle) ne présentent bien évidemment pas le même degré d’implication qu’un entretien individuel et il peut donc être envisagé d’organiser des auditions ou entretiens directs avec les opérateurs économiques intéressés. Les échanges verbaux sont à privilégier par rapport aux échanges écrits (méthode passive). Comme pour la méthode passive, les outils de recherche d’entreprises envisageables restent identiques.

L’acheteur doit mettre fin aux échanges avec les entreprises du secteur d’activité concerné par le projet d’achat dès qu’il a obtenu l’éclairage suffisant à ses questions, et, en tout cas, avant la publication de la consultation et ce, jusqu’à la notification du marché. L’acheteur peut également participer à des salons ou forums professionnels pour glaner des renseignements.

Les pièges ou les dérives à éviter Manque ou absence de préparation en cas de rencontre commerciale L’acheteur doit conserver la maîtrise de la conduite des échanges : il ne doit surtout pas se laisser déposséder du pouvoir de diriger l’entretien par l’entreprise qui va lui présenter son catalogue et surtout sa stratégie commerciale, ses produits cible, voire proposer son aide à la rédaction du ou des bordereaux, et des rabais ou des gestes commerciaux promotionnels mirobolants. L’acheteur ne doit surtout pas subir l’échange et se laisser séduire par les techniques de négociation en cours d’exécution. L’acheteur doit savoir mettre fin aux échanges.

Ne pas détourner le sourcing pour éviter le risque pénal Il faut éviter les « copier-coller » de CCTP d’autres acheteurs ou la rédaction technique de spécificités techniques orientant clairement vers le choix d’une entreprise en particulier.

En ce cas, l’acheteur doit être en capacité de retracer les échanges préalables dans un compte-rendu formalisé, précisant la présence et l’identification des agents/ élus/dirigeants, la nature des informations demandées (questions/réponses) et éventuellement les modalités d’utilisation de ces réponses pour l’élaboration future du projet de cahier des charges, de préférence, en le faisant signer par le ou les participants pour assurer la sécurité juridique du procédé entrepris.

Les résultats de ces études et échanges préalables peuvent être utilisés par l’acheteur, à condition qu’ils n’aient pas pour effet de fausser la concurrence et n’entraînent pas une violation des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Tout « dérapage » est susceptible également d’être qualifié de délit de favoritisme.

Par exemple, pour un marché de fournitures, le compterendu peut être un document synthétique reprenant l’objet et le lieu de la réunion, les personnes présentes et leurs fonctions respectives, la fiche d’identité des opérateurs économiques sourcés (en indiquant si l’entreprise est le titulaire sortant, si elle a déjà été attributaire d’un marché précédent avec l’acheteur (co-traitant ou sous-traitant éventuel), les questions posées qui peuvent avoir trait aux activités et aux spécialisations de l’entreprise, à ses moyens, à ses références, à son

Les opérateurs économiques peuvent consentir à ce que certaines informations confidentielles qu’ils ont fournies, précisément désignées, puissent être divulguées(4). En conséquence, il est interdit aux acheteurs d’utiliser des données industrielles et commerciales d’opérateurs sourcés couvertes par le secret, sauf à détenir une autorisation expresse de ces derniers.

(3)  www.defense.gouv.fr/sga/le-sga-en-action/achats/relationsavec-les-pme.

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champs d’intervention géographique, à la provenance, aux marques des produits concernés et à la présentation d’échantillons.

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L’acheteur doit assurer la protection du secret des affaires des entreprises sourcées.

(4)  Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, art. 44.

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Le sourcing : pratiques et recommandations

Un opérateur économique qui a participé aux échanges ne peut pas faire l’objet d’une exclusion automatique de la future consultation en tant que soumissionnaire(5). L’acheteur doit néanmoins prendre les mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation à la procédure de passation du marché public d’un opérateur économique qui aurait eu accès, du fait de sa participation préalable directe ou indirecte à la préparation de cette procédure, à des informations ignorées des autres candidats ou soumissionnaires. Cet opérateur n’est exclu de la procédure de passation que lorsqu’il ne peut être remédié à cette situation par d’autres moyens(6). Concrètement, l’acheteur communique à l’ensemble des entreprises rencontrées, notamment la nature du projet de marché et son calendrier procédural prévisionnel, les règles de déontologie paramétrant l’entretien (préservation du secret commercial, neutralité des échanges…), la règle juridique applicable(7) et les thématiques cibles, choisies en fonction de l’objet du futur marché (par exemple : état de la concurrence sur ce segment d’achat, les savoirs-faires de l’entreprise, les effets de calendrier peuvent-ils impacter la réponse des entreprises, les difficultés rencontrées le plus souvent par les entreprises pour répondre aux consultations, le critère unique du prix pour des achats standardisés peut-il être un frein à la réception des offres, quels sont les éléments contractuels qui intéressent les entreprises pour stimuler la concurrence et leur envie de répondre aux futures consultations, quelle est la forme de prix la mieux adaptée réellement (unitaire, forfaitaire, mixte, coûts induits…) concernant le projet d’achat et pourquoi, l’avance automatique peut-elle inciter les entreprises à répondre aux consultations de l’acheteur, provenance géographique des fournitures, normes de qualité à appliquer et à privilégier, les délais de réponse sont-ils adaptés, quelles sont les nouveautés techno-

(5)  CJCE 3 mars 2005, Fabricom SA c/État belge, aff. C-21/03 et C-34/03 ; CE 29 juillet 1998, Garde des Sceaux, ministre de la Justice c/ Société Genicorps, req. n° 177952. (6)  Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 5 ; ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, art. 48-3°. (7)  Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 4 et 5.

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logiques/innovantes accessibles actuellement dans le contexte du projet d’achat concerné, quelles sont les prestations connexes à la fourniture objet de la consultation pouvant être assurées par l’entreprise consultée, en cas de réponse à des variantes sans obligation de réponse à l’offre de base est-elle une souplesse pour l’entreprise…). À titre d’illustration, la commune de Toulon a établi un florilège des thématiques sourcing. En revanche, l’acheteur ne doit pas communiquer toute information obtenue d’une entreprise sourcée qui pourrait être profitable aux autres (solutions techniques, procédés spécifiques, stratégie commerciale, prix…) pour éviter toute distorsion aux principes de liberté d’accès et à l’égalité de traitement des entreprises qui répondront aux marchés publics de l’acheteur, avec pour conséquence induite le risque d’un conflit d’intérêt ou toute démarche ou mesure susceptible d’être assimilée à un octroi ou une tentative d’octroi à autrui d’un avantage injustifié.

Absence de traçabilité L’acheteur doit prendre toutes les mesures appropriées pour garantir la transparence et la traçabilité des échanges intervenus avec les entreprises sourcées. Pour assurer la sécurité juridique de la démarche, il est recommandé de faire signer par l’opérateur économique concerné le compte-rendu individuel (et non le tableau synthétique qui reprend l’ensemble des entreprises sourcées dont le nom ne doit pas être communiqué). Pour les marchés publics et les systèmes d’acquisition dynamiques répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure aux seuils européens publiés au Journal officiel de la République française, l’article 105II-5° du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics impose au pouvoir adjudicateur d’établir un rapport de présentation qui décrit les mesures appropriées pour justifier que la concurrence n’a pas été faussée, transmis au contrôle de légalité pour les acheteurs soumis au code général des collectivités territoriales : le compte-rendu répond parfaitement à cette obligation. Pour les autres marchés, l’acheteur est invité à conserver les comptes-rendus de sourcing dans ses archives en cas de contrôle éventuel (chambres régionales des comptes ou autre).

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Viedes contrats Retrouvez les textes cités sur

Exécution Travaux supplémentaires et responsabilité du maître d’œuvre ; limite à la jurisprudence Région Haute-Normandie . ................................................................ 71 Claude Grange

Dans un arrêt rendu le 20 décembre 2017, le Conseil d’État s’est prononcé sur la question de la responsabilité du maître d’œuvre en présence de travaux supplémentaires qui lui sont imputables. Cette décision apparaît comme une limite à l’application de la jurisprudence Région Haute-Normandie.

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Viedes contrats

Exécution

Travaux supplémentaires et responsabilité du maître d’œuvre ; limite à la jurisprudence Région Haute-Normandie Le 20 décembre dernier, la Haute juridiction administrative a apporté des précisions sur les cas possibles d’appel en garantie du maître d’œuvre par un maître d’ouvrage lorsqu’un entrepreneur demande à ce dernier l’indemnisation du coût de travaux supplémentaires indispensables à la réalisation d’un ouvrage.

D

ans un arrêt rendu le 20 décembre 2017, le Conseil d’État s’est prononcé sur la question de la responsabilité du maître d’œuvre en présence de travaux supplémentaires qui lui sont imputables. Implicitement cette décision apparaît comme une limite à l’application de la jurisprudence Région Haute-Normandie(1).

Travaux supplémentaires et responsabilité du maître d’œuvre La jurisprudence fait régulièrement apparaître que des maîtres d’ouvrage recherchent la responsabilité du maître d’œuvre en cas d’augmentation du coût des travaux qui lui est imputable.

Auteur Claude Grange Avocat au barreau de Paris GMR Avocats

Références CE 20 décembre 2017, Communauté d’agglomération du Grand Troyes, req. n° 401747, à publier au Rec. CE tables

Compte tenu du mode de rémunération du maître d’œuvre, lorsque sa mission comporte la direction de l’exécution du contrat de travaux et l’assistance au maître d’ouvrage lors des opérations de réception, celui-ci doit s’engager sur un coût d’objectif des travaux assorti d’un taux de tolérance. En cas de non-respect du seuil de tolérance fixé par le contrat de maîtrise d’œuvre, la rémunération du maître d’œuvre est réduite. Mais la question se pose de savoir si, en plus, le maître d’ouvrage peut rechercher la responsabilité du maître d’œuvre. Dans une décision fichée sur ce point dans les tables du Recueil Lebon, le Conseil d’État a jugé que le dépassement du coût d’objectif fixé par le contrat ne fait pas obstacle à ce que le maître d’ouvrage appelle en garantie la maîtrise d’œuvre(2). Cette décision a été rendue sous l’empire de la réglementation antérieure à la loi modifiée n° 85-704 du 12 juillet 1985, relative à la maitrise d’ouvrage publique, mais le mécanisme de

Mots clés Appel en garantie • Jurisprudence Région Haute-Normandie • Responsabilité • Travaux supplémentaires

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(1)  CE 5 juin 2013, req. n° 352917. (2)  CE 24 octobre 1990, Régie immobilière de la ville de Paris, req. n° 87327, Rec. CE T. 871.

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Viedes contrats

Exécution

la rémunération du maître d’œuvre prévu par cette loi et ses textes d’application est identique à celui de l’ancienne réglementation. Ce principe est donc toujours d’actualité(3).

Incertitudes Pour autant, jusqu’à la décision du 20 décembre 2017, le Conseil d’État n’avait pas clairement tranché la question des conditions de l’appel en garantie du maître d’œuvre. S’il a été jugé que cet appel en garantie doit être rejeté pour des travaux supplémentaires conséquences d’une erreur de la part du maître d’œuvre, dès lors que cette erreur n’a pas entraîné de surcoût pour le maître d’ouvrage(4), pour certains arrêts, le maître d’œuvre doit supporter la différence entre le coût de réalisation des travaux au jour de l’arrêt et celui qui aurait été exposé dix ans plus tôt(5), ou le coût des travaux supplémentaires diminué de celui des travaux que le maître d’ouvrage aurait dû supporter en tout état de cause(6), ou la différence de coût entre le procédé d’origine et celui mis finalement en œuvre(7). En revanche, pour d’autres arrêts, le maître d’œuvre est condamné à rembourser la totalité des travaux supplémentaires payés par le maître d’ouvrage aux entreprises(8). S’agissant des cours administratives d’appel, certains arrêts sanctionnent une erreur de conception conduisant à une exécution des travaux plus onéreuse(9). Lorsque le surcoût des travaux est la conséquence d’oublis du maître d’œuvre ou d’erreurs dans les quantités à mettre en œuvre, la jurisprudence est plus incertaine. Certains arrêts condamnent le maître d’œuvre à rembourser le coût des travaux supplémentaires, tels que le dimensionnement insuffisant d’un mur de soutènement(10), la réalisation de fondations spéciales(11), des oublis de la maîtrise d’œuvre(12), la sous-estimation des quantités figurant dans le détail estimatif(13).

(3) CE 19 décembre 2007, Centre hospitalier universitaire de Nice, req. n° 282261 ; CAA Bordeaux 14 octobre 2008, Société OTH SudOuest, req. n° 06BX02518. (4)  CE 8 mars 1989, Commune de Troissereux, req. n° 61920. (5)  CE 1er juillet 1970, Commune de Sainteny, Rec. CE 451. (6)  CE 14 décembre 1973, Moachon, req. n° 84952. (7)  CE 14 novembre 1979, Novarina, Rec. CE T. 799. (8)  CE 24 octobre 1990, Régie immobilière de la ville de Paris, req. n° 87327 ; CE 26 mai 1993, Saffache, req. n° 75507. (9)  CAA Nantes 25 septembre 1991, Delanoy c/O.P.H.L.M. de Cholet, req. n° 89NT00522 ; CAA Bordeaux 18 décembre 2003, Société Gravière et Foulon, req. n° 99BX02374 ; CAA Douai 8 juin 2006, SARL J.M. Ibos et M. Vitart, req. n° 04DA00365 ; CAA Versailles 8 juillet 2010, Société Chantiers Modernes, req. n° 07VE00126. (10)  CE 19 décembre 2007, Centre hospitalier universitaire de Nice, req. n° 282261. (11)  CAA Nancy 7 octobre 1993, O.P.A.C. de l’Aube, req. n° 92NC00293. (12)  CAA Douai 8 juin 2006, S.A.R.L. J.M. Ibos et M. Vitart, req. n° 04DA00365. (13)  CAA Nantes 6 novembre 2012, Société Site Concept, req. n° 11NT02701.

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D’autres arrêts procèdent d’une approche plus nuancée en considérant que les travaux supplémentaires auraient dû, en tout état de cause, être payés en l’absence d’un oubli du maître d’œuvre et en recherchant si l’oubli n’a pas augmenté le coût de l’ouvrage(14).

Solution Dans son arrêt du 20 décembre 2017, le Conseil d’État a fixé les règles de l’appel en garantie du maître d’œuvre par le maître d’ouvrage. Deux hypothèses sont prévues. Selon la première hypothèse, le maître d’ouvrage peut mettre les travaux supplémentaires à la charge du maître d’œuvre lorsque la nécessité de procéder à ces travaux n’est apparue que postérieurement à la passation du marché, en raison d’une mauvaise évaluation initiale par le maître d’œuvre, et que le maître d’ouvrage établit qu’il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s’il en avait été avisé en temps utile. La mise en œuvre de cette hypothèse risque d’être délicate. En effet, comme l’indique le Conseil d’État, la question de l’appel en garantie se posera lorsque le marché de travaux aura été attribué et que la nécessité de travaux supplémentaires apparaîtra au cours de l’exécution de ce marché. Si les travaux supplémentaires apparaissent nécessaires avant la passation du marché de travaux, la situation sera réglée par les dispositions de l’article 30 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, qui prévoit qu’en cas de dépassement du seuil de tolérance, le maître de l'ouvrage peut demander au maître d'œuvre d'adapter ses études, sans rémunération supplémentaire. Mais, une fois les travaux entrepris, il risque d’être difficile, pour le maître d’ouvrage, de justifier, a posteriori, qu’il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s’il avait connu le coût réel des travaux en temps utile. En tout cas, cette hypothèse d’appel en garantie du maître d’œuvre supposera certainement que l’augmentation du coût de l’ouvrage soit suffisamment importante pour justifier une telle décision, car il faudra bien qu’il existe une proportionnalité entre la gravité d’une décision de renoncer à un ouvrage construit le

(14)  CAA Nancy 9 avril 1992, Commune d’Ay-Champagne, req. n° 90NC00117 ; CAA Nancy 13 octobre 2005, Ville de Nancy, req. n° 00NC00672 ; CAA Lyon 6 avril 2006, M. Jacques Kalisz, Société Grosfillex, req. n° 00LY01966 ; CAA Lyon 16 décembre 2010, Société d'architectes Aart-Farah International et autres, req. n° 08LY01643 ; CAA Marseille 6 juin 2011, Centre Hospitalier d’Avignon, req. n° 09MA00628 ; CAA Lyon 6 octobre 2011, Commune de Saint-Rémy-sur-Durolle, req. n° 10LY00838 ; CAA Versailles 23 février 2012, Société Pierre au Carré, req. n° 09VE00990 ; CAA Lyon 24 mai 2012, Ville de Lyon, req. n° 10LY02449 ; CAA Bordeaux 19 juin 2014, Communauté d’agglomération Bayonne Anglet Biarritz, req. n° 12BX01945.

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plus souvent dans l’intérêt général ou de le modifier et le coût des travaux supplémentaires non prévus. La jurisprudence ultérieure sera peut-être amenée à fixer le pourcentage au-delà duquel le maître d’ouvrage pourra rechercher la responsabilité du maître d’œuvre. Pour éviter que cette hypothèse d’appel en garantie du maître d’œuvre reste théorique, on pourrait envisager d’insérer dans le marché de maîtrise d’œuvre une clause stipulant qu’en cas d’augmentation du coût des travaux imputable au maître d’œuvre, le maître d’ouvrage sera réputé avoir décidé de modifier l’ouvrage pour rester dans le coût prévu, de sorte que le surcoût restera à la charge du maître d’œuvre. A défaut, le maître d’ouvrage devra prendre, dans le budget de l’opération, une provision pour les dépassements de coûts imputables au maître d’œuvre mais ne permettant pas de rechercher sa responsabilité. Selon la seconde hypothèse, le maître d’ouvrage peut rechercher la responsabilité du maître d’œuvre lorsque, en raison d’une faute sa part dans la conception de l’ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l’ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l’ouvrage si le maître d’œuvre n’avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants. Cette seconde hypothèse, qui valide la jurisprudence du Conseil d’État et des cours administratives d’appel qui ne met à la charge du maître d’œuvre que le surcoût résultant de la faute du maître d’œuvre, appelle deux observations. D’une part, le risque de mise en cause du maître d’œuvre pour les travaux supplémentaires qui lui seraient imputables le conduira certainement à être très restrictif dans leur admission. S’agissant de leur valorisation, il aura tout intérêt à se référer à la structure des prix du marché pour démontrer qu’ils ne seront pas plus onéreux que s’ils avaient été prévus à l’origine. Les sous détails de prix ou la décomposition du prix global et forfaire (D.P.G.F.) seront donc au cœur des débats avec les entreprises, le maître d’œuvre ayant intérêt à demander la production de tous les sous détails de prix et de D.P.G.F. beaucoup plus précises que celles généralement établies. Ces débats risquent d’être animés lorsque l’on sait que les entreprises s’efforcent souvent de démontrer que les prix du marché ne pas toujours utilisables pour chiffrer les travaux supplémentaires. D’autre part, la responsabilité du maître d’œuvre vis-à-vis du maître d’ouvrage semble assez étendue puisqu’elle concerne la faute du maître d’œuvre, non seulement dans la conception de l’ouvrage, mais aussi dans le « suivi de travaux ». Comme précédemment indiqué, le cas classique de la responsabilité du maître d’œuvre réside dans les travaux supplémentaires qui sont la conséquence d’une faute de conception de sa part. En revanche, la notion de travaux supplémentaires liée au « suivi des travaux » est plus nouvelle, dès lors que cette notion n’apparaît pas comme telle dans les éléments de mission de maîtrise d’œuvre énumérés dans le décret précité du 29 novembre 1993 et dans son arrêté

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d’application du 21 décembre 1993(15), et qu’en dépit du caractère particulièrement abondant de la jurisprudence sur les travaux supplémentaires, on ne trouve pas de décision ayant reconnu l’existence de tels travaux en raison d’une mauvaise exécution des éléments de mission VISA, DET, OPC et AOR qui peuvent se rattacher à la notion de « suivi de travaux ». Mais, compte tenu de l’ouverture ainsi pratiquée par le Conseil d’État, il incombera aux entreprises de donner une réalité à l’existence de travaux supplémentaires liés à une faute du maître d’œuvre dans le suivi des travaux. En conclusion, si l’arrêt Communauté d’agglomération du Grand Troyes semble limiter la responsabilité du maître d’œuvre vis-à-vis du maître d’ouvrage, cette limitation doit s’apprécier au regard de la réduction de sa rémunération en cas de dépassement du coût d’objectif des travaux dû aux travaux supplémentaires qui lui sont imputables et des possibilités réduites de réclamation qui lui sont ouvertes par la jurisprudence Société Babel(16).

Limite à l’application de la jurisprudence Région Haute-Normandie Dans l’arrêt Région Haute-Normandie(17), le Conseil d’État a expressément indiqué que le maître d’ouvrage ne pouvait pas être responsable vis-à-vis d’un intervenant dans l’opération de construction « du seul fait de fautes commises par d'autres intervenants ». Cette règle a été posée à propos des marchés forfaitaires, mais elle semble également concerner les marchés à prix unitaires(18). Dans l’arrêt Communauté d’agglomération du Grand Troyes, le Conseil d’État, avant même de préciser les conditions de la responsabilité du maître d’œuvre vis-àvis du maître d’ouvrage au titre des travaux supplémentaires qui lui sont imputables, indique très clairement : « L'entrepreneur a le droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation d'un ouvrage dans les règles de l'art. La charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage ». Ainsi, le Conseil d’État, en posant le principe que l’entrepreneur a le droit d’être indemnisé du coût des travaux supplémentaires, et que la charge définitive de l’indemnisation incombe, en principe, au maître de l’ouvrage, sous réserve de l’appel en garantie du maître d’œuvre, admet que, dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage est responsable vis-à-vis de l’entreprise du seul fait de la faute commise par le maître d’œuvre dans la conception de l’ouvrage et le suivi des travaux. On se trouve, donc, en présence d’une limite à l’application de la jurisprudence Région Haute-Normandie.

(15)  Arrêté du 21 décembre 1993 (NOR : EQUU9301426A). (16)  CE 29 septembre 2010, Société Babel, req. n° 319481, Rec. CE T. 851. (17)  CE 5 juin 2013, Région Haute-Normandie, req. n° 352917, Rec. CE T. 695. (18)  CAA Bordeaux 11 juin 2014, req. n° 12BX01024 ; CAA Paris 3 mars 2015, req. n° 10PA01307 ; CAA Nancy 8 décembre 2015, req. n° 14NC00216.

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Cette limite avait d’ailleurs été anticipée par certaines cours administratives d’appel qui, en présence de fautes commises par un intervenant sur le chantier, ayant entraîné des travaux supplémentaires pour un autre intervenant, ont privilégié la notion de travaux supplémentaires à la charge du maître d’ouvrage(19). L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux est parfaitement clair puisqu’il précise que les règles de la jurisprudence Région Haute-Normandie ne concernent pas l’hypothèse des insuffisances du projet défini au marché, c’est-à-dire en amont des travaux, qui ont entraîné des travaux supplémentaires. La limite ainsi apportée à la jurisprudence Haute-Normandie n’est certainement pas négligeable, dans la mesure où elle ne concerne pas uniquement les travaux supplémentaires imputables au maître d’œuvre, mais aussi, tous les travaux supplémentaires imputables aux autres intervenants sur le chantier, notamment les entreprises. En effet, si l’arrêt Communauté d’agglomération du Grand Troyes a été rendu à propos de la responsabilité du maître d’œuvre, la première phrase du résumé de l’arrêt pose le principe général de la prise en charge, par le maître d’ouvrage, des travaux supplémentaires sans apporter une quelconque limite à l’origine de ces travaux. À cet égard, l’arrêt précité de la cour administrative d’appel de Nantes du 7 mars 2014 concerne des travaux supplémentaires imputables à la défaillance d’une autre entreprise. En effet, la jurisprudence considère que sont des travaux supplémentaires, les travaux palliant la carence d’autres entreprises(20). Il s’agit le plus souvent de travaux proprement dits non prévus par le marché, mais

(19)  CAA Nantes 7 mars 2014, Société LGI Industrie, req. n° 12NT00798 ; CAA Bordeaux 11 juin 2014, Société Bourbonnaise de travaux publics et de constructions, req. n° 12BX01024 ; CAA Paris 10 juillet 2015, SAS Balas Mahey, req. n° 12PA04253 ;14PA03595. (20)  CE Sect. 17 novembre 1967, Société des ateliers de construction Nicou et Cie, Rec. CE 429 ; CE 26 octobre 1988, Société anonyme Etanco, req. n° 58253 ; CAA Nancy, 27 janvier 2000, Commune de la Rivière Drugeon, req. n° 95NC00525 ; CAA Bordeaux 4 octobre 2007, Société Les Grands Travaux du Bassin Aquitaine G.T.B.A., req. n° 04BX01178.

aussi d’études supplémentaires(21), voire de contraintes d’exécution des travaux, sans incidence sur la consistance de l’ouvrage à réaliser, comme le rehaussement d’une grue(22), l’installation d’une passerelle d’accès pompier (23) ou la réalisation de dépôts ou de pistes de chantier. Pour autant, le champ d’application de la jurisprudence Région Haute-Normandie reste étendu puisqu’il concerne, notamment, le sujet récurrent des retards de chantier dans les opérations alloties. Sauf à prouver une faute du maître d’ouvrage dans son pouvoir de direction du chantier, les conséquences du dérapage des délais imputables aux différents intervenants ne relèvent pas de sa responsabilité. En effet, les préjudices liés à ces difficultés ne constituent pas des travaux supplémentaires(24). Il ne pourra en aller autrement que si le dérapage des délais est la conséquence de travaux supplémentaires imputables aux autres intervenants sur le chantier. Une dernière observation doit être présentée : si l’arrêt Région Haute-Normandie a été rendu à propos d’une réclamation d’entreprise, la généralité de la règle énoncée dans le résumé de la décision, en se référant à la notion de marché à forfait, concerne également les marchés de maîtrise d’œuvre. La jurisprudence Babel, précitée, permettant au maître d’œuvre d’obtenir la rémunération de prestations indispensables à la réalisation de l’ouvrage selon les règles de l’art, formule équivalente à celle de l’arrêt Communauté d’agglomération du Grand Troyes, il en résulte que le maître d’œuvre devrait pouvoir demander au maître d’ouvrage de l’indemniser des prestations supplémentaires qui sont la conséquence de la défaillance des autres intervenants sur le chantier.

(21)  CE 12 mai 1989, Société Fougerolle France, req. n° 81896 ; CAA Nancy 17 février 2000, Commune de Champigny-sur-Vesle, req. n° 95NC01121 ; CAA Bordeaux 11 juin 2001, Centre hospitalier de Cayenne, req. n° 97BX30587. (22)  CAA Lyon 18 juillet 2007, Commune de Tignes, req. n° 05LY00461. (23)  CAA Marseille 20 février 2014, SASU Gagne, req. n° 11MA02621. (24)  CAA Nancy 8 décembre 2015, Société Etandex, req. n° 14NC00656 ; CAA Nancy 27 décembre 2016, Société GTM Halle, req. n° 14NC01860.

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