Cet ouvrage, co-écrit par un universitaire spécialiste du droit de la construction et un praticien de l’assurance construction, a pour objectif premier de rendre intelligible une matière réputée complexe et technique. Ce souci de clarté et d’accessibilité n’empêche pas un traitement exhaustif et approfondi de la matière. Les encadrés reprenant les textes officiels ou de nombreux extraits d’arrêts, des annexes résumant la matière à travers 8 axes fondamentaux ou 15 arrêts de principe, ou encore la CRAC dans sa version actualisée 2016, offrent au lecteur la source même du droit. L’ouvrage est à jour des évolutions récentes, qu’il s’agisse de la loi du 17 août 2015 consacrant l’impropriété à destination en matière de performance énergétique, du nouveau modèle d’attestation d’assurance, ou encore des dernières jurisprudences. Les débats actuels qui agitent la responsabilité des constructeurs ou l’assurance construction sont analysés et discutés. Spécificité de l’ouvrage, une large place est accordée au droit comparé et à l’harmonisation européenne. Ces innovations se situent dans une certaine continuité. Le plan des précédentes éditions a ainsi été repris : sont d’abord envisagés les risques liés à l’acte de construire (intervenants, ouvrage, fondement juridique et régime des responsabilités et garanties), puis la prise en charge de ces risques par les assurances (assurances obligatoires responsabilité décennale et dommagesouvrage et assurances facultatives). Directeur du Centre d’Etudes d’Assurances (CEA), un cabinet de courtage et de conseil spécialisé en assurance construction, Jean Roussel préside la commission assurance construction de la CSCA et enseigne la matière à l’Institut des assurances de Paris (IAP, Paris Dauphine) et à l’Université de Paris II. Agrégée de droit privé, Professeur à l’Université de Montpellier et directrice du Master 2 Droit du patrimoine Parcours Droit immobilier, Solange Becqué-Ickowicz enseigne aussi le droit de la construction à l’Université Paris II Panthéon-Assas et à l’ICH-CNAM Languedoc Roussillon.
J. Roussel S. Becqué-Ickowicz
Risques et assurances construction
Risques et assurances construction
Les FONDAMeNTAUX Risques et assurances construction 3e édition
Jean Roussel Solange Becqué-Ickowicz
Préface de Jean Bigot
www.argusdelassurance.com ISBN 978 2 35474 191 4
9 782354 741914
COUV_RAC_2016_dos20.indd 1
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Sommaire
Préface ............................................................................................................................................................................................................ 9 Introduction.................................................................................................................................................................................................... 11 Sommaire......................................................................................................................................................................................................... 15 Chapitre liminaire......................................................................................................................................................................................... 17
Première Partie
Les risques Chapitre I
– Les intervenants......................................................................................................................................................... 57
Chapitre II – L’ouvrage........................................................................................................................................................................ 95 Chapitre III – Responsabilités et garanties : fondement juridique............................................................................... 113 Chapitre IV – Responsabilités et garanties : régime commun........................................................................................ 171
Deuxième Partie
Les assurances Chapitre I
– Les dispositions communes aux deux assurances obligatoires......................................................... 197
Chapitre II – L’assurance de responsabilité décennale obligatoire.............................................................................. 229 Chapitre III – L’assurance dommages-ouvrage....................................................................................................................... 255 Chapitre IV – Les assurances facultatives................................................................................................................................... 295
Annexes ........................................................................................................................................................................................................... 329 Bibliographie................................................................................................................................................................................................... 393 Table des matières........................................................................................................................................................................................ 403 Index alphabétique...................................................................................................................................................................................... 415
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Chapitre liminaire
Présentation générale de la responsabilité des constructeurs et de l'assurance construction Section 1 – Évolution historique de la responsabilité des constructeurs et de l'assurance construction........................................................................ 17 Section 2 – Responsabilité des constructeurs, assurance construction et Europe.................................................................................................................. 31 Section 3 – Responsabilité des constructeurs, assurance construction et droit public........................................................................................................ 51 Ce chapitre liminaire aura pour objectif de répondre à trois questions : Quelles sont, en premier lieu, les étapes qui ont conduit à la mise en place du droit positif tel que nous le connaissons aujourd’hui ? Comment, en second lieu, le situer dans l’espace, en particulier comment s’inscrit-il dans son environnement européen ? Quelles sont, enfin, les parties de ce droit qui relèvent respectivement du droit privé et du droit public ? C’est pourquoi nous retracerons l’évolution historique de la responsabilité des constructeurs et de l’assurance construction (Section 1), puis présenterons une approche comparative des systèmes en vigueur et une analyse de l’impact du droit de l’Union européenne (Section 2), avant d’évoquer la place du droit public en matière de responsabilité et d’assurance construction (Section 3).
Section 1 – É volution historique de la responsabilité des constructeurs et de l’assurance construction L’histoire de la construction se confond avec l’histoire de la civilisation. Notre propos n’ira pas cependant à remonter le temps jusqu’à l’aube des responsabilités auxquelles furent confrontés les intervenants à l’acte de construire. Nous pouvons simplement relever que le Code Hammourabi (1750 avant J.-C.) retenait une lourde responsabilité de l’architecte, puisque l’effondrement d’une maison ayant causé la mort de ses occupants était sanctionné par la mort de l’architecte ! Nous présenterons l’évolution du droit de la responsabilité des constructeurs avant d’envisager celle du droit et du marché de l’assurance construction. www.argusdelassurance.com
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I – L ’évolution de la responsabilité des constructeurs Le cœur de notre ouvrage est la grande réforme de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978, adoptée par un vote à l’unanimité de chacune des deux Chambres (L. n° 78-12, 4 janv. 1978, relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction, dite loi Spinetta, JO 5 janv., p. 189 ; pour une analyse du texte article par article au vu des travaux préparatoires, A. Roussel, « Responsabilités et assurances des constructeurs, guide pratique et théorique », 1978, éd. technique et documentation). Elle est applicable à toutes les constructions ayant fait l’objet d’une déclaration d’ouverture de chantier postérieure au 1er janvier 1979, quelle que soit la date de passation des contrats. La loi ayant profondément remanié le droit de la responsabilité des constructeurs, nous évoquerons donc rapidement les régimes antérieurs à cette loi, avant de présenter de manière générale la loi du 4 janvier 1978 puis l’évolution législative postérieure.
A – Situation antérieure à la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 1° Le Code civil de 1804 Les rédacteurs du Code civil ont, dès 1804, créé un régime spécifique de responsabilité pour les constructeurs traditionnels, architecte et entrepreneur, dérogeant au droit commun de la responsabilité fondé sur la faute. Ils ont créé, à cet effet, les articles 1792 et 2270 du Code civil. Code civil Ancien article 1792 (rédaction d'origine) Si l'édifice construit à prix fait, périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architectes et entrepreneurs en sont responsables pendant dix ans. Ancien article 2270 (rédaction d'origine) Après dix ans, l'architecte et les entrepreneurs sont déchargés de la garantie des gros ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés.
Ce régime spécifique était plus favorable au maître d’ouvrage, à une époque où la seule responsabilité existante était une responsabilité pour faute. Par dérogation, le maître d’ouvrage n’avait ainsi pas besoin de prouver la faute dès lors que l’immeuble « périssait en tout ou partie par le vice de la construction ». L’idée principale était que la construction devait résister à l’épreuve et aux rigueurs du temps pendant un délai que l’on voulait suffisant, à savoir dix ans. Ce système ne s’appliquait cependant qu’aux hypothèses de marché à forfait, seul réglementé par le Code civil. Dans les autres cas (contrat non conclu à forfait, dommage peu grave), la responsabilité de droit commun subsistait, avec preuve d’une faute. Ce système a été maintenu tel quel 163 ans, jusqu’à la loi de 1967.
2° La loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 Surtout connue comme la loi ayant créé le contrat de vente d’immeuble à construire, la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 a également modifié le régime de responsabilité des constructeurs.
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Chapitre liminaire
Loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 Article 1792 (Ancien article 1792) Si l’édifice périt en tout ou partie par le vice de la construction, les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont responsables pendant dix ans. Article 2270 (Ancien article 2270) Les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont déchargées de la garantie des ouvrages qu’elles ont faits ou dirigés après dix ans s’il s’agit de gros ouvrages et après deux ans s’il s’agit de menus ouvrages.
On note ainsi une extension du domaine de la responsabilité, par rapport aux redevables : il ne s’agit plus seulement des architectes et entrepreneurs, mais plus généralement de toutes « personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage », ce qui permet d’inclure notamment les techniciens. La législation de 1967 faisait, en outre, peser sur le vendeur d’un immeuble à construire, par l’article 1646-1 du Code civil, les obligations dont sont tenus les locateurs d’ouvrage, envers le maître de l’ouvrage, en vertu des articles 1792, et 2270 du Code civil. Toujours dans le sens d’une extension du domaine de la responsabilité, la référence au marché à forfait fut supprimée. Enfin, l’article 2270 prévoit, à côté d’une responsabilité décennale pour les « gros ouvrages », une responsabilité biennale pour les « menus ouvrages ». C’est donc en 1967 qu’apparaît cette distinction entre garantie décennale et garantie biennale. L’une des causes du déclin du régime né de loi du 3 janvier 1967, résulte moins, semble-t-il, de déficiences au fond de l’article 1792 du Code civil, que dans l’absence d’assurance obligatoire.
B – La loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 Conformément aux recommandations de la commission interministérielle qui avait été constituée à la demande du gouvernement sous la présidence de M. Adrien Spinetta (voir « Proposition pour une réforme de l'assurance construction », la documentation française, 30 juin 1975), la loi ne réforme pas seulement l’assurance construction, mais comprend trois titres : le premier a pour objet de modifier les règles qui régissent la responsabilité des constructeurs et se traduit notamment par un renforcement et un élargissement de la présomption de garantie décennale, le second encadre pour la première fois le contrôle technique et le rend obligatoire pour un certain nombre d’ouvrages et le troisième institue une double obligation d’assurance qui concerne, dans la version originale du texte, les seuls travaux de bâtiment (V. p. 23 et 198). À s’en tenir à la responsabilité des constructeurs, la loi met l’accent sur l’exigence, en amont, d’outils de prévention et de contrôle du domaine bâti et, en aval, d’un nouveau droit spécial à la construction.
1° La prévention des désordres : le contrôle technique Le législateur a créé une nouvelle déontologie du contrôle technique des ouvrages de bâtiment. Il définit la mission des bureaux de contrôle (prévention des aléas techniques) et leur zone d’intervention obligatoire, au seul profit du maître de l’ouvrage et non plus, comme par le passé, au bénéfice de l’assureur. Il est intégré dans la chaîne des constructeurs et soumis à la responsabilité de plein droit des constructeurs (V. infra, p. 71).
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2° Les garanties et responsabilités Le législateur a redessiné le droit de la responsabilité des constructeurs, avec de nouveaux critères d’application, en distinguant trois garanties : la garantie décennale, répondant à la « fonction construction », la garantie biennale pour la « fonction équipement », et la garantie annale de parfait achèvement. Subsiste de manière résiduelle la responsabilité de droit commun. La « fonction construction » concerne l’atteinte à la solidité de l’ouvrage ou son impropriété à destination. Elle relève de la responsabilité décennale de plein droit des constructeurs (C. civ., art. 1792 et 1792-2), chacun tenu in solidum, à l’égard du maître de l’ouvrage ou de l’acquéreur, à compter de la réception des travaux. Les fabricants y sont entraînés par les Epers (Éléments pouvant engager la Responsabilité Solidaire) qui engagent leur responsabilité solidaire avec le locateur d’ouvrage qui les a mis en œuvre (C. civ., art. 1792-4) (V. infra, p. 88). La « fonction équipement » fait l’objet, selon l’article 1792-3 du Code civil, d’une garantie biennale à dater de la réception de l’ouvrage (V. infra, p. 129). La garantie annale de parfait achèvement des travaux selon l’article 1792-6 du Code civil, pèse contractuellement sur l’entrepreneur à laquelle peut être assimilée, par nature, la garantie de l’isolation phonique de l’ouvrage (V. infra, p. 115 et s.). La responsabilité de droit commun, pour ainsi dire résiduelle, a survécu au régime spécial, d’ordre public, du droit de la construction, du moins devant les juridictions judiciaires : elle est là pour régir les dommages ou désordres intermédiaires qui ne trouvent pas leur place dans les articles 1792 et suivants du Code civil mais qui cependant doivent être réparés (V. infra, p. 155).
C - Évolution postérieure à la loi du 4 janvier 1978 1° L’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 Cette réforme est inspirée des travaux de la commission présidée par le Professeur Perinet-Marquet (V. Rapport, déposé auprès des pouvoirs publics, le 18 déc. 1997, sur le champ d’application de l’assurance construction obligatoire, rendu par un comité composé de trois juristes – H. Périnet – Marquet, C. SaintAlary – Houin, J.-P. Karila – RDI1998, p. 1, Comm. G. Leguay et 112 ; RGDA 1997, p. 71). Elle est applicable aux marchés, contrats ou conventions conclus après le 9 juin 2005, à l’exception de l’article 2 relatif à la prescription des actions contre les sous-traitants immédiatement applicable (V. J. Bigot, Responsabilité et assurance décennale : la clarification attendue. Ordonnance du 8 juin 2005 : JCP, 2005 I 148 ; Ph. Malinvaud, la responsabilité en matière de construction après l’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 : RDI 2005, p. 237 ; J.-P. Karila, Responsabilités des constructeurs et assurance construction : la réforme du 8 juin 2005 : D. 2005, p. 2236 ; G. Leguay : RDI 2005, p. 250). Cette réforme agit d’une part, sur le droit de la construction, où elle substitue, partout, le mot ouvrage au mot bâtiment, et d’autre part, sur l’obligation d’assurance (V. infra, p. 201). Par ailleurs, sont désormais clairement exclus de la responsabilité des constructeurs les éléments d’équipement à usage exclusivement professionnel (C. civ., art. 1792-7). Le sous-traitant échappe, de justesse, à la responsabilité décennale et à l’obligation d’assurance des constructeurs mais les actions en responsabilité dirigées contre lui, se prescrivent, désormais, par dix ans, à compter de la réception des travaux, pour les dommages de la nature de ceux des articles 1792 et 1792-2 du Code civil et par deux ans pour ceux de l’article 1792-3 du Code civil (V. infra, p. 76 et 173). Le contrôleur technique de l’article L. 111-24 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) est affranchi de sa responsabilité in solidum, vis-à-vis des autres constructeurs (mais non vis-à-vis du maître de l’ouvrage, art. L. 111-24, al. 2 du Code de la construction et de l’habitation).
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2° Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription La loi du 17 juin 2008 relative à la prescription a un champ d’application évidemment bien plus vaste que le seul droit de la construction, mais certaines de ses dispositions, notamment relatives aux causes d’interruption ou de suspension, ont un impact direct sur ce droit (V. infra, p. 177 et s.). Elle a par ailleurs créé ou modifié certaines dispositions spécifiques à la responsabilité des constructeurs. La plus importante est la généralisation du délai décennal aux actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs (C. civ., art. 1792-4-3) (V. infra, p. 174).
3° Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte Cette loi fleuve a inséré un nouvel article L. 111-13-1 dans le code de la construction et de l’habitation qui définit l’impropriété à destination en matière de performance énergétique (V. infra, p. 146 et s.).
4° Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations Enfin, il est certain que la récente réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 et qui modifie en profondeur le droit commun des contrats, aura des répercussions sur les contrats de construction. Tout au long de cet ouvrage, nous signalerons donc l’ancienne et la nouvelle numérotation des articles et, le cas échéant, les modifications du régime général pouvant avoir un impact sur le droit de la responsabilité des constructeurs et de l’assurance construction.
II – L ’évolution du droit et du marché de l’assurance construction A – Le marché de l’assurance avant l’entrée en vigueur de la loi de 1978 Le secteur de l’assurance avait mis en place différentes garanties, soit pour prendre en charge la responsabilité des constructeurs, notamment décennale, soit pour garantir directement l’ouvrage. Mais dans les deux cas, les assurances délivrées restaient facultatives et, à ce titre, soumises au seul droit commun des assurances. De plus, les assureurs avaient choisi de constituer des groupements à telle enseigne que l’on a pu parler de marché cartellisé (Proposition pour une réforme de l’assurance construction, Commission interministérielle présidée par A. Spinetta, la documentation française, 30 juin 1975, n° 6.61, p. 66).
1° Assurances de responsabilité Les assurances de responsabilité faisaient l’objet de contrats-types, élaborés sous l’égide des professions concernées. La gamme couvrait les divers besoins du marché de la construction : – pour les entrepreneurs, la police d’assurance de la responsabilité décennale des entrepreneurs, depuis la disparition de la « globale chantier », permettait un système d’assurance personnelle : la « police individuelle de base – I.B., 1973 », pour les entreprises affiliées à la Fédération Nationale du Bâtiment (FNB) avec une police « complémentaire de groupe », remplacée, à effet du 1er janvier 1973, par une police « complémentaire d’ouvrage ». Notons que la police « individuelle de base » de l’entrepreneur (FNB) comportait une clause de bonus/malus ayant pour objet de moraliser le risque ; – pour les artisans, la « police décennale entrepreneur DE » et la « police décennale 1979 artisan et petites entreprises du bâtiment (DAPEB) » ; www.argusdelassurance.com
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Risques et assurances construction – pour les concepteurs, la police d’assurance de la « responsabilité professionnelle des architectes » et celle des « ingénieurs conseils » ; – pour les constructeurs de maisons individuelles, « l’assurance de la responsabilité des constructeurs de maisons individuelles (CMI) » ; – pour les promoteurs et vendeurs, l’assurance des constructeurs non réalisateurs (CNR), police délivrée par chantier ; – pour les fabricants, la police d’assurance 1977 de la responsabilité professionnelle des négociants et des fabricants de matériaux.
2° Assurances de dommages Le maître de l’ouvrage, pouvait, de son côté, souscrire une police spécifique dite police maître d'ouvrage, conçue certes comme une assurance de biens ou de dommages, mais loin d’en remplir pleinement le rôle. La police maître d’ouvrage a été stigmatisée par la commission interministérielle, présidée par M. Adrien Spinetta, dont les conclusions du 25 juin 1975 ont servi de point de départ à la réforme du droit et de l’assurance de la construction (La documentation Française, Proposition pour une réforme de l’assurance – construction, p. 59, n° 6.3.B.3) : Extraits du rapport Spinetta : « En posant le principe que la police ne couvre que les seuls désordres relevant de la responsabilité légale, les assureurs ont pratiquement retiré tout intérêt à ce type d’assurance. Il faut en effet, pour que puisse jouer la garantie, qu’il ait au préalable été établi que le désordre constaté engage la responsabilité des constructeurs, alors que le véritable intérêt d’une police « dommages » est de pouvoir jouer en tout état de cause, dans l’immédiat, sans attendre que soient tranchées les questions de responsabilité, pour qu’au terme de l’expertise elle conserve la charge de la réparation si aucune responsabilité n’a pu être effectivement mise en cause. La police « maîtres d’ouvrage » n’est donc pas une police de préfinancement ». Pour beaucoup d’observateurs, l’assurance, bien que proposant un assez large éventail de polices sous forme de contrats-types, n’a pas, en réalité, joué son rôle et a fait, au contraire, partie intégrante des maux dont a souffert le secteur de la construction après la promulgation de la loi du 3 janvier 1967.
3° Des assurances facultatives a) Principe En tout état de cause, l’assurance restait facultative pour tous les intervenants à l’acte de construire à l’exception de l’un d’entre eux, l’architecte. Instaurée durant l’occupation (L. 31 déc. 1940 et D. 24 sept. 1941, modifié le 31 mai 1943, portant code des devoirs professionnels de l’architecte), l’assurance obligatoire des architectes a été consacrée par la loi de 1977 qui régit la profession (loi n° 77-2 du 3 janvier 1977, art. 16, modifiée par la loi du 12 juillet 1985). Elle ne se limite pas à la responsabilité décennale mais s’étend à toute responsabilité « engagée en raison des actes qu’il accomplit à titre professionnel ». L’obligation d’assurance a existé, dans une moindre mesure, pour l’entrepreneur, mais elle n’a eu qu’une existence éphémère, avec la loi Loucheur du 13 juillet 1928 promulguée pour la construction de logements économiques.
b) Effets L’absence d’obligation d’assurance a, ainsi, entraîné une sous-assurance, en matière de construction, aggravée par une augmentation de la densité des sinistres et un allongement des délais d’indemnisation. De plus, elle a créé une situation discriminatoire au détriment de l’architecte, obligatoirement garanti, et subissant le coût des condamnations prononcées in solidum (sur le parallèle avec d’autres exemples européens ; voir infra p. 39 )
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Chapitre liminaire La liberté contractuelle des exclusions, conditions ou limitations de garantie a ajouté au marasme.
c) Régime Le mode collectif de gestion de l’assurance construction, son régime technique, était fondé sur la semirépartition. Les primes encaissées dans l’exercice, servaient, dans ce régime, à couvrir les règlements de sinistres de l’exercice ainsi que les provisions pour sinistres déclarés restant à payer. Si bien que, sauf convention contraire, la garantie des sinistres cessait avec la cessation de la police d’assurance. Le constructeur, mais il s’en souciait peu dès lors qu’il se trouvait en faillite, pouvait se prémunir contre ce risque en souscrivant, moyennant surprime, en cas de résiliation de la police d’assurance, une garantie subséquente, pour le temps de la responsabilité décennale restant à couvrir. Notons néanmoins que la garantie subséquente était parfois gratuite, en cas de cessation normale d’activité, notamment pour les architectes.
4° Les groupements Le marché de l’assurance, du moins au titre du risque décennal, reposait essentiellement sur un marché cartellisé : les assureurs avaient constitué des groupements à la fois pour la souscription des risques, par l’intermédiaire de pools de co-réassurance (chargés des assurances maîtres d’ouvrage, responsabilité des entrepreneurs, fabricants de matériaux…), et dans la gestion des sinistres, par l’intermédiaire de structures de gestion collective. Ces groupements, avaient, à travers le temps, emprunté plusieurs formes juridiques, essentiellement des groupements d’intérêt économique (GIE) aux appellations diverses : – au jour de la réforme du 4 janvier 1978, le GECO gérait deux structures, le GAB et le GARCO ; – au lendemain de la réforme de 1978, est né le STAC (Service Technique d’Assurance Construction) qui avait sous son contrôle, pour les garanties obligatoires, trois groupements d’assurance : le GABAT (assurances de responsabilité décennale), le GADOBAT (assurance Dommages – Ouvrage) et le GAFNIC (assurance des fabricants, négociant et importateurs de matériaux de construction). La Fédération Nationale du Bâtiment (FNB) était, en outre, associée aux risques et au tarif d’assurance des entrepreneurs relevant de cette organisation, à travers l’ARCES (Association pour l’Assurance des Risques de la Construction des Entrepreneurs Syndiqués). Cet état du marché de l’assurance construction a donc partiellement – et temporairement – survécu à l’entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1978 (voir ci-après).
B – La loi du 4 janvier 1978 et l’assurance construction 1° Objectifs de la loi Afin de remédier à la situation antérieure, le rapport de la Commission interministérielle désignée par les pouvoirs publics sous la présidence de l’ingénieur général Adrien Spinetta a proposé une réforme assez radicale (rapport précité). Fondamentalement, la principale originalité de la démarche sur le terrain de l’assurance consiste à mettre en place un système à double détente, une double obligation d’assurance dont l’objectif est, selon les termes mêmes du rapport : – d’assurer l’automaticité de la réparation ; – de sanctionner les responsabilités.
2° Architecture de la loi Comme cela a été signalé, la loi Spinetta comprend trois titres, relatifs respectivement aux responsabilités des constructeurs, au contrôle technique et à l’assurance obligatoire des « travaux de bâtiment » (dans la rédaction initiale du texte). www.argusdelassurance.com
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Risques et assurances construction Pour s’en tenir à ce dernier aspect, le titre troisième de la loi introduit dans le Code des assurances une douzaine d’articles qui instaurent et encadrent les deux nouvelles obligations d’assurance. Ces articles constituent un titre 4 dans le livre 2 du Code des assurances. On remarquera à cet égard que la numérotation des articles du code est d’une utilisation particulièrement simple, puisque le numéro de chaque article est composé : – d’une lettre, L, R ou A, correspondant aux parties dites « législative », « réglementaire » et « arrêtés » ; – d’un premier chiffre, en l’occurrence le 2, qui renvoie au livre 2, c’est-à-dire aux assurances obligatoires ; – d’un second chiffre, en l’occurrence le 4, qui correspond au titre 4 du livre 2 consacré à l’assurance des travaux de construction ; – et d’un troisième chiffre, qui sera le 1 lorsque le texte concerne l’assurance de responsabilité décennale (chapitre 1), le 2 pour la dommage-ouvrage (chapitre 2) et le 3 pour les dispositions communes (chapitre 3). Pour l’essentiel, le nouveau titre 4 issu de la loi Spinetta contient donc : – un chapitre consacré à l’assurance de responsabilité décennale obligatoire (art. L. 241-1 et L. 241-2) ; – un second consacré à l’assurance de dommages obligatoire (art. L. 242-1 et L. 242-2) ; – et un troisième, intitulé dispositions communes, qui prévoit une exonération pour l’État (art. L. 243-1), instaure des mesures de contrôle et des sanctions (art. L. 243-2 et L. 243-3), donne la possibilité aux assujettis de faire appel à un bureau central de tarification (art. L. 243-4) et affirme le caractère impératif des garanties minimales fixées par les clauses types (art. L. 243-8).
3° Mise en place du nouveau système Le Premier ministre, s’inquiétant des premiers pas difficiles de la loi, a confié à M. Adrien Spinetta une nouvelle mission en août 1981. Déposé le 26 octobre 1981, peu après les conclusions de M. Consigny, rendues le 8 mai 1981 à la demande du ministère de l’Économie, de l’Environnement et du Cadre de vie (voir « L’assurance construction », F.-X. Ajaccio, A. Caston et R. Porte, éd. Le Moniteur, 2015, n° 2.1.1, p.39), ce rapport a conduit à une nouvelle réforme, que l’on pourrait appeler, avec le recul, « Spinetta 2 ». Il s’est agi essentiellement d’organiser le passage en capitalisation de l’assurance de responsabilité décennale (a). À cette occasion, les groupements ont disparu (b), s’est développée la pratique des PUC (c) et a été créé un Comité chargé de faciliter la mise en application de la loi, le COPAL (d).
a) Le passage en capitalisation Le régime de capitalisation est celui où la prime unique appelée, à la souscription, auprès de l’assuré, est destinée à couvrir tous les sinistres survenant sur la durée de la responsabilité décennale, pour chaque chantier ouvert et déclaré dans l’exercice, y compris l’inflation du coût des travaux de construction. Le régime de semi-capitalisation procède de la même technique mais sans inclure l’inflation du coût de la construction, qui fait l’objet de son côté, d’un complément de prime ou de mécanisme de régulation (cf. J. Bigot, Où en est l’assurance construction ?, RGAT, 1983, p. 292). Il fallut attendre l’article 30 de la loi n° 82-540 du 28 juin 1982 pour que soient unifiés les régimes techniques des assurances de responsabilité et de dommages-ouvrage. L’assurance de responsabilité est, ainsi, passée d’un régime de répartition à un régime de capitalisation. Une nouvelle clause type a été promulguée par l’arrêté du 27 décembre 1982 à effet du 1er janvier 1983 disposant que : « Le contrat couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur l’assuré en vertu des articles 1792 et 2270 du Code civil, les travaux ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier, pendant la période de validité fixée aux conditions particulières. La garantie afférente à ces travaux est maintenue dans tous les cas pour la même durée, sans paiement de prime subséquente.
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Chapitre liminaire Cette garantie est revalorisée selon les modalités prévues aux conditions particulières, pour tenir compte de l’évolution des coûts de construction entre la date de souscription du contrat et celle de la réparation du sinistre ». Parallèlement, l’institution du Fonds de compensation des risques de l’assurance construction (FCAC) avait pour objet principal d’apurer les sinistres survenant après le 1er janvier 1983 ou non encore réglés à cette date, au titre d’activités passées et de contrats souscrits antérieurement. Cette mesure permettait de combler une bonne partie du vide créé inévitablement par le passage du système de répartition au système de capitalisation. Notons néanmoins qu’il ne comblait malheureusement qu’une partie de ce vide. Seuls les sinistres déclarés au titre de contrats encore en vigueur au 31 décembre 1982 pouvaient bénéficier d’une prise en charge par cet organisme et aucune solution satisfaisante n’était en revanche apportée aux sinistres déclarés, après résiliation, au titre de contrats d’assurance résiliés avant le 31 décembre 1982. L’apurement de la responsabilité décennale nécessitant une vingtaine d’années, on pouvait supposer que le FCAC aurait rempli son objet vers l’année 2003. Ce fut effectivement le cas. En conséquence, le législateur réduisit de moitié, dans un premier temps et à effet du 1er janvier 2003, le taux de la contribution perçue sur les contrats d’assurance couvrant les risques de nature décennale en matière de travaux de bâtiment (art. 124 de la loi de finances pour 2003, loi n° 2002-1575 du 30 déc. 2002, JO 31 déc.). L’exposé des motifs de cette disposition prévoyait, en outre, que, dans un second temps, et sous réserve que le chiffre d’affaires de l’assurance construction se maintienne et que les engagements du Fonds ne connaissent pas de réévaluation significative, on pourrait envisager la suppression complète de la contribution fin 2004 ou début 2005 (V. chron. G. Leguay, RDI 2002., p. 515). C'est ce qui fut finalement décidé, à effet du 1er janvier 2005, par la loi de finances rectificative pour 2003, n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 [V.RDI 2004. 65, obs. G. Leguay]. On notera encore que les sommes disponibles dans le cadre de la liquidation du FCAC ont été affectées à hauteur de 70 millions d’euros à trois plans de relance de la construction en 2014 (voir « L’assurance construction » F.-X. Ajaccio, A. Caston et Rémi Porte, Le Moniteur, 2e éd. 2015, n° 2.1.3.6, p. 39).
b) La disparition des groupements Les groupements de co-réassurance qui avaient été constitués par les assureurs avaient un rôle considérable. Ces groupements rédigeaient des contrats types – véritables contrats d’adhésion, par catégorie de professionnels et par chantier. Ils mettaient également au point des grilles tarifaires et des instructions en matière d’expertise et de modalités de gestion des sinistres, tenaient la comptabilité des primes et des sinistres et collectaient et analysaient les éléments statistiques en résultant (sur l’existence de pratiques anticoncurrentielles, V. l’avis et les recommandations de la commission technique des ententes et positions dominantes ; avis 20 déc. 1979, BOSP 14 juin 1980, RDI 1980. 327, obs. G. Durry). À partir de l’application de la loi du 4 janvier 1978, dont l’un des objectifs était de faire disparaître cette situation de cartellisation (voir le rapport de la commission interministérielle précité « Propositions pour une réforme de l’assurance construction », documentation française, 1975), le marché de l’assurance construction s’est progressivement libéré des groupements, d’abord en ce qui concerne l’assurance de chose, dite assurance dommages-ouvrage, puis en ce qui concerne l’assurance de responsabilité décennale – surtout à partir de la loi n° 82-540 du 28 juin 1982 imposant, à effet du 1er janvier 1983, une gestion en capitalisation de cette catégorie d’assurance.
c) Les polices uniques de chantier (PUC) La PUC peut se définir comme une formule facultative de regroupement des différentes garanties délivrées au titre d’un même chantier. De façon « classique », la PUC comportait la garantie dommages-ouvrage au profit des propriétaires successifs (qui doit fonctionner en matière d’expertise et d’indemnisation conformément aux clauses types ; en ce sens, Versailles, 8 juill. 1994, RDI 1994. 675, obs. G. Leguay) et la garantie des responsabilités décennales www.argusdelassurance.com
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Risques et assurances construction – et, pour la même nature de risque, de droit commun en ce qui concerne les sous-traitants – de l’ensemble des intervenants. La garantie de la responsabilité décennale des fabricants d’EPERS (Éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire) et des contrôleurs techniques est en général exclue de cette formule de contrat d’assurance (à noter toutefois un accord de l’Association française des assureurs construction [AFAC] datant de 1995 pour intégrer les contrôleurs techniques dans la PUC). Cette restriction est contraire à l’idée même de la PUC et peut en perturber le fonctionnement dans la mesure où elle impose, alors, la nécessité de recours extérieurs. La PUC peut être étendue à certaines garanties accessoires facultatives : bon fonctionnement, dommages immatériels, garanties sur existants, ou complémentaires : « erreur sans désordres », garantie de préjudice financier. Et il convient de noter que la PUC peut être mise en œuvre, même en l’absence de garantie « dommages-ouvrage », par exemple en cas de non-assujettissement d’un ouvrage aux garanties obligatoires (travaux de génie civil non soumis) ou d’exonération d’assurance d’un maître de l’ouvrage. Le contrat comporte alors l’ensemble des garanties obligatoires ou facultatives de responsabilité décennale et éventuellement des garanties accessoires ou complémentaires. Cette formule d’assurance, inaugurée en 1983, a représenté – en elle-même et par l’effet d’émulation provoqué par son introduction sur le marché – un progrès important par rapport à la pratique traditionnelle de multiplicité d’assurances pour un même risque, sur un même chantier. La PUC permet, en particulier, une meilleure adaptation des garanties à la réalité technique et juridique du risque à assurer, la suppression des nombreuses superpositions de garanties, de primes, de frais de gestion et d’honoraires d’experts pour l’assurance d’un même risque, la simplification de l’information sur les garanties dont bénéficie chacun et l’élimination du problème que constitue la vérification des assurances décennales individuelles des différents intervenants, la suppression de l’aléa et de la durée des recours de l’assureur de dommages à l’encontre des assureurs de responsabilité décennale, sans avoir à subir les inconvénients des accords passés entre assureurs au sein de la Convention de règlement. Il convient toutefois de mentionner les difficultés rencontrées au cours des premières années de pratique de ce produit, en matière de définition et d’information des différents assurés, de plafond épuisable des garanties facultatives accessoires et complémentaires, de reconstitution des garanties obligatoires, de mandat donné par les assurés au souscripteur du contrat, de récupération des franchises, de défense de chaque assuré et d’éventualité d’assurances cumulatives. Le plus grave problème résultant, bien sûr, de la disparition de l’assureur unique (V., sur la PUC, l’avis du COPAL, Mon. TP, 10 déc. 1982 ; étude de l’ARC, supplément spécial n° 83-9 bis, Le Moniteur n° 9, 25 févr. 1983, et l’analyse effectuée à ce propos par la commission assurance construction de la Fédération française des courtiers d’assurance et de réassurance (devenue CSCA), Revue du courtage n° 704, mai 1996, p. 38 et n° 706, juill. 1996, p. 37). La PUC a été fréquemment pratiquée pendant une quinzaine d’années, en particulier pour les opérations importantes ou complexes ou encore répétitives. Elle a néanmoins fait l’objet de nombreuses critiques, critiques dont on peut se demander avec le recul si elles n’étaient pas dues pour l’essentiel à la pesanteur des habitudes, aux craintes de certains quant à la perte éventuelle de marchés et, de façon plus justifiée, à la plus grande complexité de mise en œuvre et de gestion de cette formule de contrat, nécessitant un niveau plus élevé de compétence des intermédiaires d’assurance et des assureurs. À partir des années 2000 et plus particulièrement après les catastrophes naturelles et les attentats survenus au tout début de cette décennie, la pratique de cette forme d’assurance s’est considérablement réduite puis, par la suite, même si on peut le regretter, a été quasiment abandonnée.
d) Le COPAL Signalons encore, dans le cadre de ce bref rappel des premiers pas de notre droit positif, qu’un organisme a joué un rôle important dans la mise en place, puis dans le fonctionnement du nouveau système d’assurance construction, le Comité pour l’application de la loi du 4 janvier 1978, dit COPAL. Il fut créé en 1982 à la suite du second rapport d’Adrien Spinetta remis au gouvernement en octobre 1981. Adrien Spinetta en a d’ailleurs assumé lui-même la présidence jusqu’à sa disparition en juin 1998.
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Chapitre liminaire Ce comité de sages composé d’experts dans les domaines techniques et juridiques de la construction, nommés par son président, était directement relié au Premier ministre. Son secrétariat était assumé par un représentant du ministère de l’Équipement. Son objet était de procéder aux études nécessaires et de répondre aux questions posées par les professionnels afin de faciliter l’interprétation et l’application de la loi du 4 janvier 1978 et d’effectuer toute proposition aux pouvoirs publics permettant d’améliorer le dispositif mis en place. Dans les années 90, le COPAL s’était élargi de façon informelle à quelques spécialistes du monde de la construction, du droit et de l’assurance construction sous la dénomination de COPAL bis. On doit notamment au COPAL qui a présidé aux destinées de l’assurance construction pendant une dizaine d’années : – avis relatif à la PUC (Mon. TP, 10 déc. 1982) ; – communication du 25 novembre 1983 réalisant une synthèse sur la notion de travaux sur existants (RDI 1984. 273) ; – avis sur la notion controversée de « bâtiment » ; – une structure gonflable est-elle un bâtiment ? (Mon. TP 21 févr. 1986, p. 46) ; – ou un droit européen consensuel dans le domaine de la construction (1994, éd. Documentation Française).
C - Principales réformes intervenues depuis 1° Un système stable ? Le régime français d’assurance construction doit-il être vu, comme cela a parfois été soutenu, comme un système perpétuellement en crise ? La réponse nous semble négative. Même si le droit positif a connu des évolutions importantes depuis l’entrée en vigueur des nouveaux textes, en particulier sous l’effet de la jurisprudence dont le rôle a été parfois déstabilisateur et reste en tout état de cause crucial pour définir le cadre juridique applicable, et même si la pratique professionnelle a elle aussi considérablement changé, avec la disparition des polices uniques de chantier (PUC) et des fluctuations dans les conditions de souscription et de tarification parfois difficilement compréhensibles, il est possible à notre sens d’affirmer que le système d’assurance construction mis en place par la loi Spinetta a fait preuve d’une relative stabilité. Les dispositions essentielles et les principes directeurs ont pu en être conservés.
2° Deux réformes fondamentales Pour schématiser, les deux seules réformes véritablement fondamentales des textes qui sont intervenues depuis la période de mise en place du système – ce sont en tout cas les deux principales – ont trait en premier lieu au champ d’application des assurances obligatoires, avec l’ordonnance du 8 juin 2005 qui a conduit en particulier à l’abandon du terme « bâtiment », et en second lieu au plafonnement des garanties avec la consécration des contrats collectifs de responsabilité décennale (CCRD) pour les grands chantiers. Elles seront présentées dans le chapitre consacré aux dispositions communes aux deux assurances obligatoires, respectivement dans les sections 1 (p. 197) et 2 (p. 206).
3° Autres modifications importantes du cadre légal et réglementaire a) La loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 Il convient également de noter, parmi les modifications d’importance d’ordre législatif, la loi du 31 décembre 1989 « portant adaptation du Code des assurances à l'ouverture du marché européen ». On retiendra de ce texte, qui a réformé le droit de l’assurance en général, trois mesures phares relatives au droit de l’assurance construction et plus particulièrement à l’assurance dommages-ouvrage : – la confirmation de l’interdiction de toute franchise ; – la création d’exonérations, en lieu et place de l’ancien système de dérogations demandées au cas par cas (V. p. 220) ; www.argusdelassurance.com
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Risques et assurances construction – la réforme de la procédure d’indemnisation et l’intégration dans la loi de modalités et délais de règlement. À l’époque, c’est l’existence même de l’obligation d’assurance de dommages qui fut menacée, ce qui a conduit le Professeur Bigot à observer : « L’assurance de dommages obligatoire est une rescapée de la réforme du Code des assurances ! » (RGAT 1990, p. 25 « La loi n° 89-1014 et l’assurance de dommages obligatoire »).
b) La réforme oubliée : l’arrêté du 19 avril 1995 sur le provisionnement des sinistres non encore manifestés (SNEM) Enfin, il nous semble important de rappeler la réforme du provisionnement des sinistres restant à payer ou sinistres non encore manifestés (SNEM) réalisée par l’arrêté du 19 avril 1995 qui a modifié l’article A. 331-21 du Code des assurances. On pourrait à cet égard parler d’une réforme oubliée, dans la mesure où il est rare que ce texte soit mentionné dans les études relatives à l’assurance construction, alors même que ses conséquences sur l’évolution ultérieure du marché ont été considérables. Il faut dire que l’article A. 331-21 du Code des assurances apparaît de prime abord comme une disposition relevant de la pure technique actuarielle et que sa lecture n’est pas aisée. En substance, les dispositions de l’article A. 331-21 ont pour objet de guider l’assureur dans l’estimation des sinistres restant à payer au titre des garanties décennales obligatoires. Compte tenu du principe de la gestion en capitalisation, les primes émises au cours d’un exercice ont pour contrepartie des sinistres qui ne se manifesteront que dans les années à venir. Elles ne peuvent donc être considérées comme acquises dès leur perception et doivent faire l’objet d’un étalement dans le temps en fonction de l’écoulement de la période d’exposition aux risques. Très schématiquement, l’article A. 331-21 prévoyait déjà un mode d’estimation des sinistres restants à payer fort prudentielle, puisque, en fonction de l’ancienneté de l’exercice d’ouverture des chantiers, ces sinistres devaient – et doivent toujours – être évalués à la totalité de la prime émise pendant une première période de deux ans (années 0 et 1) pour diminuer progressivement jusqu’à l’année 13, c’est-à-dire sur une période totale de 14 ans :
Année
0
1
Coefficient
1
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
0,95 0,85 0,75 0,65 0,55 0,45 0,35 0,25 0,20 0,15 0,10 0,05
Cela se traduit par un étalement dans le temps que l’on peut illustrer par le schéma ci-dessous, la partie hachurée de chaque colonne figurant les SNEM et la partie pleine correspondant à la prime acquise :
Provisionnement des sinistres non encore manifestés (SNEM)
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Cet ouvrage, co-écrit par un universitaire spécialiste du droit de la construction et un praticien de l’assurance construction, a pour objectif premier de rendre intelligible une matière réputée complexe et technique. Ce souci de clarté et d’accessibilité n’empêche pas un traitement exhaustif et approfondi de la matière. Les encadrés reprenant les textes officiels ou de nombreux extraits d’arrêts, des annexes résumant la matière à travers 8 axes fondamentaux ou 15 arrêts de principe, ou encore la CRAC dans sa version actualisée 2016, offrent au lecteur la source même du droit. L’ouvrage est à jour des évolutions récentes, qu’il s’agisse de la loi du 17 août 2015 consacrant l’impropriété à destination en matière de performance énergétique, du nouveau modèle d’attestation d’assurance, ou encore des dernières jurisprudences. Les débats actuels qui agitent la responsabilité des constructeurs ou l’assurance construction sont analysés et discutés. Spécificité de l’ouvrage, une large place est accordée au droit comparé et à l’harmonisation européenne. Ces innovations se situent dans une certaine continuité. Le plan des précédentes éditions a ainsi été repris : sont d’abord envisagés les risques liés à l’acte de construire (intervenants, ouvrage, fondement juridique et régime des responsabilités et garanties), puis la prise en charge de ces risques par les assurances (assurances obligatoires responsabilité décennale et dommagesouvrage et assurances facultatives). Directeur du Centre d’Etudes d’Assurances (CEA), un cabinet de courtage et de conseil spécialisé en assurance construction, Jean Roussel préside la commission assurance construction de la CSCA et enseigne la matière à l’Institut des assurances de Paris (IAP, Paris Dauphine) et à l’Université de Paris II. Agrégée de droit privé, Professeur à l’Université de Montpellier et directrice du Master 2 Droit du patrimoine Parcours Droit immobilier, Solange Becqué-Ickowicz enseigne aussi le droit de la construction à l’Université Paris II Panthéon-Assas et à l’ICH-CNAM Languedoc Roussillon.
J. Roussel S. Becqué-Ickowicz
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Risques et assurances construction
Les FONDAMeNTAUX Risques et assurances construction 3e édition
Jean Roussel Solange Becqué-Ickowicz
Préface de Jean Bigot
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9 782354 741914
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