auto
PORTRAIT
NOS GRANDS
PILOTES
DE RALLYE ENGUERRAND LECESNE
SOMMAIRE 2
INTRODUCTION — 4 JEAN TRÉVOUX — 6
MARIE-CLAUDE BEAUMONT — 88
JEAN RÉDÉLÉ — 8
JACQUES HENRY — 94
JACQUES FÉRET — 12
JEAN-PIERRE NICOLAS — 98
PAUL COLTELLONI — 16
JEAN-CLAUDE ANDRUET — 104
ROGER DE LAGENESTE — 20
BERNARD DARNICHE — 112
BERNARD CONSTEN — 24
JEAN-LUC THÉRIER — 118
ANNIE SOISBAULT — 30
JEAN RAGNOTTI — 124
HENRI OREILLER — 34
GUY FRÉQUELIN — 130
JEAN VINATIER — 38
MICHÈLE MOUTON — 136
JEAN ROLLAND — 42
BRUNO SABY — 142
RENÉ TRAUTMANN — 46
BERNARD BÉGUIN — 148
HENRI GREDER — 52
DIDIER AURIOL — 152
PIERRE ORSINI — 58
PHILIPPE BUGALSKI — 158
CLAUDINE BOUCHET — 64
FRANÇOIS DELECOUR — 162
BOB NEYRET — 68
GILLES PANIZZI — 168
GÉRARD LARROUSSE — 72
STÉPHANE SARRAZIN — 172
JEAN-PIERRE HANRIOUD — 78
SÉBASTIEN LOEB — 176
JEAN-FRANÇOIS PIOT — 82
SÉBASTIEN OGIER — 184
Même si plus de soixante-quinze ans séparent ces photos montrant, d’une part, Charles Lahaye et René Quatresous venant de gagner le Monte-Carlo 1935 sur une Renault Nervasport et, d’autre part, Sébastien Loeb et Daniel Elena fêtant leur huitième titre mondial au pays de Galles sur le capot de leur Citroën DS3, on remarque que chaque fois le drapeau tricolore est à l’honneur !
TRÉVOUX JEAN
1905 — 1981
Jean Trévoux à bord de la magnifique Bugatti 43 avec laquelle il a gagné le Paris-Nice en 1932.
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Jean Trévoux, c’est le Sébastien Loeb des années 1930 et 1940 ! Quatre Monte-Carlo, deux rallyes du Maroc, deux Paris-Nice, un Liège-Rome-Liège… Personne d’autre, parmi ses contemporains, ne pouvait se targuer d’un tel palmarès ! Normand bon teint (il est né au Petit-Quevilly dans la banlieue de Rouen) et fils de bonne famille, Jean intègre, une fois son diplôme HEC en poche, l’entreprise de matériel aérien de son polytechnicien de père. À la fin des années 1920, le sport automobile est en vogue chez les jeunes gens bien comme il faut, aussi il est presque normal de le retrouver au départ d’une course de côte en 1929. Innocence ou prestige social ? Sa voiture n’est autre qu’une Bugatti 35… et pas n’importe laquelle, une auto d’usine ayant gagné la Targa Florio ! Imaginerait-on, aujourd’hui, un néophyte au volant de la Mercedes de Lewis Hamilton ? D’ailleurs, ne doutant de rien, le jeune homme s’inscrit sans complexe, après avoir seulement participé à deux ou trois
Notre premier grand rallyman PALMARÈS
Monte-Carlo 1939, 1949, 1951 Maroc 1935, 1937 Liège-Rome-Liège 1939
courses de côte de sa région, au Grand Prix de Dieppe… Il y tombe rapidement en panne, et c’est peut-être ce qui le pousse à se montrer plus circonspect en 1931, en troquant la 35 contre une plus raisonnable 43 Sport. À son volant, il gagne en 1932 le Paris-Nice (devant la Chrysler d’un néophyte nommé Raymond Sommer) avant de monter à Paris pour entrer chez Hotchkiss, à la fois comme pilote et comme membre du service commercial. C’est à ce moment qu’il devient le patron en gagnant le Monte-Carlo (en tant que coéquipier de Louis Gas) et le Paris-Nice en 1934 puis le rallye du Maroc en 1935 et en 1937 (même s’il tombe dans un oued en cours de route !), le rallye de La Baule en 1938 et enfin le Monte-Carlo et le Liège-Rome-Liège en 1939. Des résultats proprement extraordinaires à une époque où le rallye, c’est la grande aventure… Il faut en effet parcourir des milliers de kilomètres sur des routes épouvantables, en tâchant de respecter la moyenne imposée par les organisateurs, bien souvent dans des conditions météorologiques dantesques, tout en participant à toutes sortes d’épreuves (kilomètre départ arrêté, concours de maniabilité, test d’accélération et de freinage, gymkhanas, course de côte, circuit…) qui peuvent sur une simple erreur, en une fraction de seconde vous rejeter dans les tréfonds du classement général ! Trévoux en fera lui-même l’amère expérience lorsqu’il perdra le Monte-Carlo en 1938 lors de l’ultime épreuve, le test d’accélération, à cause d’une erreur infime… Signalons au passage qu’étant également loin d’être un manchot sur les circuits (toujours comme Loeb !), il termine deuxième des 10 Heures de Spa-Francorchamps en 1934 avant de remporter sa catégorie aux 24 Heures du Mans en 1935. Évidemment, la guerre le prive de quelques victoires supplémentaires, il tente quand même de se qualifier, sans succès, aux 500 Miles d’Indianapolis en 1940 sur une Talbot-Lago, mais après le conflit la moisson reprend de plus belle avec un formidable succès au Monte-Carlo 1951 sur une Delahaye 175. Par ailleurs, s’étant installé dans l’intervalle à Mexico (où il se marie et ouvre un restaurant baptisé
> Trévoux Jean >>>> Nos grands pilotes de rallye
Pour fêter la victoire de la Delahaye 175 de Trévoux et Crovetto au Monte-Carlo 1951, Kléber Colombes fit réaliser cette belle lithographie par Géo Ham.
Trévoux, lors de la remise des prix du rallye de Monte-Carlo 1939 qu’il vient de remporter avec son Hotchkiss Riviera, à égalité avec la Delahaye 135 de Joseph Paul.
La Cucaracha), il devient un fidèle de la Carrera Panamericana, une course folle de 3 500 kilomètres à travers le Mexique, où il fera bonne figure (cinquième en 1951 sur une Packard) jusqu’à la disparition de l’épreuve, jugée trop dangereuse, en 1954. Il devient ensuite importateur Renault – il dispute sa toute dernière course en 1957 sur une Dauphine – puis Peugeot avant de finir ses jours dans son pays d’adoption. Assurément une vie pas banale ! 7
MOUTON
MICHÈLE 1951 —
Au Monte-Carlo 1976, Michèle et Françoise Conconi se classent onzièmes (deuxièmes du Groupe 3 derrière la Porsche de Fréquelin) pour leur tout dernier rallye sur une A110.
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Présenter la seule femme ayant gagné des rallyes de championnat du monde en quelques lignes n’est pas un exercice facile… Peut-être faut-il tout simplement s’en tenir au surnom que lui donnait son équipier Hannu Mikkola… Il l’appelait en effet Superwoman, ce qui en dit suffisamment long ! En dépit d’une pratique sportive intense (ski, danse), jeune fille, Michèle ignore tout des rallyes, même si pour elle obtenir le permis de conduire était plus important que d’avoir le baccalauréat. Finalement, c’est lors d’un concours de danse que l’un de ses amis, Jean Taibi, lui propose de l’accompagner pendant les reconnaissances du Tour de Corse où il a inscrit sa Peugeot 304. Découverte d’un nouveau monde… Puis, peu après, Taibi se fâche avec son coéquipier et lui demande, cette fois, si elle veut bien le remplacer. Lire les notes convient bien à Michèle, mais cela emballe moins son père qui s’inquiète du “courage” de Taibi, surtout qu’il découvre que ce dernier n’a pas toujours les moyens de changer les pneus de la 304… Il s’en ouvre à sa
Superwoman
PALMARÈS
Vice-championne du monde 1982 San Remo 1981 Portugal, Acropole, Brésil 1982 Championne d’Allemagne 1986 Espagne 1977, Tour auto 1978 Vice-championne d’Europe 1977 Vice-championne de France 1979
fille en lui proposant de devenir pilote tout en s’engageant à lui acheter une Alpine 1600S et à prendre en charge tous les frais. Comment refuser ? Prudent, il lui conseille aussi de participer d’abord au Paris-Saint-Raphaël pour se mesurer aux autres féminines puis au Tour auto afin de se jauger face aux hommes… Michèle s’en tirant très bien chaque fois, enthousiaste, il investit derechef dans une deuxième Alpine, une 1600SC neuve. À son volant, elle se classe deuxième du championnat de France en Groupe 3 derrière Guy Chasseuil en 1974 et de vilains messieurs ne tardent pas à insinuer que son auto n’est pas conforme… Ils en seront pour leurs frais quand, après une énième victoire de groupe au Tour de Corse 1975, le moteur de l’Alpine est vérifié et déclaré conforme par les officiels. Quoi qu’il en soit, tous ces succès finissent par attirer l’attention de François Guiter, le patron de la compétition chez Elf, qui décide de faire de “la Mouton” une championne des circuits. Il lui fait d’abord courir les 24 Heures du Mans puis demande à Didier Pironi de la coacher en vue d’une saison en monoplace. Mais la piste l’ennuie, et finalement Guiter lui finance une saison de rallye sur une A310 préparée par Jacques Henry. Cependant, en dépit de plusieurs places d’honneur, l’A310 lui plaît beaucoup moins que la berlinette et elle la remplace par une Porsche préparée par Alméras en 1977. Un bon choix, puisque à son volant elle gagne partout en Groupe 3, tout en se classant deuxième à la Ronde cévenole et au Tour auto, où elle signe dix temps scratch, et remporte sa première victoire internationale à l’occasion de ses débuts sur terre au rallye d’Espagne. Elle peut d’ailleurs remercier son principal adversaire qui, fair-play, lui a fourni les pneus adéquats et la suspension de la Porsche qui a attendu la ligne d’arrivée pour s’effondrer ! Michèle est alors recrutée pour trois ans par Claude Foulon, le patron de la compétition
> Mouton michèle >>>> Nos grands pilotes de rallye
de Fiat France, qui la met dans une 131 Abarth, une auto certes très brutale qui fera beaucoup souffrir ses mains, mais qui la fait aussi connaître du grand public quand elle gagne le Tour auto en 1978. Elle se classe ensuite deuxième du championnat de France en gagnant le Lyon-Charbonnières et en terminant troisième au Tour auto en signant plusieurs meilleurs temps devant Darniche et Andruet en 1979, mais en 1980 elle fait une moins bonne saison à cause d’un pouce retourné qui lui vaut quatre mois d’arrêt. Puis vient la grande aventure Audi en championnat du monde : une organisation “à l’allemande”, une auto, la Quattro, en avance sur la concurrence et convenant parfaitement à son style coulé, une coéquipière modèle (Fabrizia Pons) et enfin un équipier (Hannu Mikkola) toujours de bon conseil…
Que demander de plus ? Très logiquement, les résultats suivent : d’abord quatrième au Portugal, Michèle figure un moment en tête à l’Acropole avant de terminer treizième aux Mille Lacs puis de faire sauter la banque en gagnant le San Remo, en poussant Ari Vatanen à la faute et en distançant Henri Toivoinen, le petit prodige des rallyes, de quatre minutes. En revanche, la saison 1982 démarre de la pire des façons en heurtant un mur de plein fouet à plus de cent à l’heure sur le verglas au Monte-Carlo puis avec un carambolage avec l’autre Audi de Mikkola en Suède. Heureusement, elle redresse ensuite la barre avec des victoires au Portugal et à l’Acropole en matant chaque fois Walter Röhrl, puis au Brésil, ce qui la met en lice pour le titre mondial. Finalement, tout se joue au rallye
Victoire en 2 litres aux 24 Heures du Mans 1975 sur la Moynet en compagnie de Christine Dacremont (championne d’Europe des rallyes en 1976) et Mariane Hoepfner.
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OGIER
SÉBASTIEN 1983 —
C’est au moment même où l’on imaginait qu’il faudrait plusieurs décennies pour que l’on retrouve un champion du calibre de Loeb que, tel Zorro, Sébastien Ogier est arrivé ! Habitant non loin de Gap, le jeune Ogier s’intéressait évidemment au ski, mais, de manière un peu surprenante, c’est à la boule lyonnaise qu’il excellera puisqu’il devient champion de France en doublette en 2003, aiguisant au passage ses réflexes et sa concentration, ce qui lui sera bien utile plus tard en rallye. Même s’il possède un kart, il est alors à mille lieues de la course automobile, et elle ne le
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L’homme de tous les paris PALMARÈS
Champion du monde de 2013 à 2018 Quarante-huit victoires en WRC dont : six au Monte-Carlo, au Mexique, cinq au Portugal et en Grande-Bretagne, trois en Allemagne, Suède, Sardaigne, Australie et Catalogne, deux en Alsace et en Corse Champion du monde Junior 2008 Monte-Carlo 2009 IRC
rattrape finalement que lorsqu’il choisit l’option assistance de rallye dans le cadre de son BTS de mécanique. Grisé par l’ambiance, il laisse rapidement tomber la clé à molette pour le volant et s’inscrit à l’opération Rallye Jeunes en 2005, au cours de laquelle il rencontre Julien Ingrassia qui deviendra son fidèle coéquipier. Que dire de plus ? À partir de son succès au Rallye Jeunes, son ascension est irrésistible : il gagne la Coupe 206, est élu Espoir Échappement (c’est à ce moment qu’il est repéré par Sébastien Loeb qui en touche un mot à Guy Fréquelin), et enfin il est sacré champion WRC Junior. Sur la lancée, il gagne le Monte-Carlo en 2009,
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disputé en IRC cette année-là, sur une Peugeot avant de terminer deuxième en Grèce avec la C4, ce qui lui vaut un programme complet en WRC au sein du team Citroën Junior pour la saison suivante. Il rivalise bientôt avec les meilleurs, mais, après quelques épreuves, on lui demande de balayer la route pour Loeb, en lice pour un septième titre. Il se plie aux consignes, mais la nuit, à l’hôtel, réaction psychosomatique, il tombe malade, son corps lui rappelant qu’il est avant tout là pour gagner ! Il finit d’ailleurs par s’imposer au Portugal puis au Japon après avoir intégré l’écurie mère. Ford lui fait les yeux doux, mais il préfère rester fidèle à Citroën, qui lui a assuré qu’il serait traité comme Loeb en 2011 et qu’il deviendrait même l’unique numéro 1 en 2012, car l’Alsacien a prévu de prendre sa retraite à cette date. Hélas, entre les deux hommes, l’entente est brisée
dès le deuxième rallye de l’année quand Citroën décide de geler les positions et que Loeb, deuxième, continue d’attaquer jusqu’à pousser son équipier à la faute. Cela ne s’améliore pas quand, en Grèce, alors qu’Ogier gagne, Loeb déclare publiquement que son équipe doit avant tout l’aider à être champion et non faire gagner son équipier. Ambiance ! En conséquence, Citroën établit des consignes en faveur de Loeb au rallye d’Allemagne, mais contre toute attente il est victime d’une crevaison, et finalement Ogier gagne de nouveau en révélant à la presse les consignes qu’on lui a imposées. Pour mettre fin à ce chaos, Citroën décide finalement de jouer la carte Loeb (qui a renoncé à une éventuelle retraite) et de se séparer d’Ogier, qui a pourtant gagné cinq rallyes comme son équipier. Était-ce le bon choix ? Deux ans plus tard, en effet, après le départ
Le duo Ogier-Ingrassia en 2011, du temps de la DS3.
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