Ford Mustang Patrick Lesueur
CETTE FAMEUSE ANNÉE 1964…
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En 1964, aux États Unis, Lyndon Baines Johnson (1908-1973) s’installe dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, il en est le 36e occupant. Le général de Gaulle (1890-1970) reconnaît le gouvernement chinois en recevant son premier ambassadeur Huang Chen. Martin Luther King (1929-1968) est honoré du prix Nobel de la Paix pour son combat pour l’égalité raciale outre-Atlantique. Un conseil interministériel présidé par Georges Pompidou (1911-1974) approuve la construction de l’aéroport Paris-Nord à Roissy-en-France. En Allemagne, un groupe de 31 femmes, 23 hommes et trois enfants s’échappe de Berlin-Est afin de rejoindre la République fédérale grâce à un tunnel de 100 mètres, tandis que l’enseigne de vaisseau Éric Tabarly (1931-1998) remporte la Transatlantique en solitaire. Les Beatles débutent au cinéma, l’événement est d’importance, puisque la princesse Margaret assiste à la première du long-métrage baptisé A Hard Day’s Night. En France débute, le 6 février, dans le département de la Seine-etOise, la première journée d’une étape redoutable pour l’avenir des automobilistes de notre pays, la naissance de l’Alcootest. En 1964, la France assemble 1 390 312 automobiles ; le premier constructeur du
pays, Renault, en fabrique pour sa part 476 008. Avec 374 755 livraisons, Citroën se positionne comme le deuxième fournisseur national, la 2 CV engrangeant à elle seule 167 557 demandes, soit les meilleures ventes de l’entreprise. Chez Peugeot, 231 334 voitures quittent les lignes d’assemblage de Sochaux, dont 30 % de 403 et 70 % de 404. Depuis 1963, la Chrysler Corporation possède 63 % du capital de Simca, une prise de participation synonyme d’un acte de propriété unique, qui implique une nouvelle ère pour la marque. Voyons maintenant comment se présente le paysage automobile au sein duquel le cheval sauvage de la Ford Motor Company va pouvoir entamer son intrépide galop. En 1964, la production automobile mondiale s’élève à 21 731 185 véhicules, dont 16 734 746 voitures particulières. Les États-Unis demeurent en tête dans cette activité, avec une production de 9 306 136 véhicules dont 7 745 492 voitures particulières. À ce chiffre impressionnant, il faut ajouter celui bien plus modeste de l’exportation automobile américaine, totalisant 166 314 exemplaires. Outre-Atlantique, en considérant l’année modèle, Chevrolet demeure en tête du classement des ventes, avec la diffusion de 2 319 619 unités, devant Ford (1 641 417), viennent ensuite Pontiac avec la belle performance de 71 561 exemplaires immatriculés, la division populaire du groupe Chrysler, Plymouth,
Lee Iacocca et Donald Frey posent avec une fierté bien compréhensible
Selon Gale Halderman, l’un des responsables du Ford Design Studio, aucun
à côté de ce que l’on peut considérer de nos jours comme une création
des designers présents n’était capable (ou volontaire) de mettre en forme
majeure de l’histoire de l’automobile sportive. Les numéros inscrits sur la
un étalon sauvage au galop, le thème sélectionné comme image de marque
plaque de police interpellent, si l’on comprend 4-17 en référence à la date
de la Mustang. Par bonheur, le sculpteur Charles Keresztes, grand amateur
de présentation du 17 avril, le nombre 417 reste mystérieux.
de chevaux, va s’impliquer dans cette mission avec le succès que l’on sait.
1964 À 1966
en totalisant 548 321, talonnée par Oldsmobile qui en produit 546 112. Le classement suivant comprend 511 666 Buick et 505 094 Dodge. On découvre ensuite les constructeurs en dessous du demi-million : 388 651 Rambler, 299 431 Mercury, 165 959 Cadillac, les magnifiques Lincoln d’une remarquable sobriété plastique séduisent 40 180 connaisseurs. Imperial, la division d’élite de la Chrysler Corporation, clôt ce classement avec 23 285 unités. En 1964, les voitures destinées aux consommateurs dont le budget demeure une préoccupation majeure se trouvent chez Plymouth à partir de 1 920 dollars, Ford 1 985 dollars, Dodge 1 988 dollars ou en encore Chevrolet 2 011 dollars. A contrario, les privilégiés peuvent choisir entre Cadillac (5 048 dollars à 9 146 dollars), Lincoln (6 292 à 6 938 dollars) ou encore Imperial (5 581 à 6 100 dollars). Afin de mettre en corrélation ces tarifs avec les services et les pièces détachées liés à la possession d’une automobile de cette même année, voici quelques exemples relevant d’une moyenne : une batterie coûte 8 dollars, une peinture 50 dollars, une radio 30 dollars, des ceintures de sécurité 6 dollars, des housses de sièges 23 dollars, le dispositif d’air conditionné reste un luxe pour beaucoup, il faut compter avec la pose la somme rondelette de 290 dollars.
L’ENVOL DU PRODUIT Le lancement officiel de la Mustang relève de la plus agressive des stratégies publicitaires. La veille de la présentation officielle, le jeudi 16 avril 1964 à 21 heures, les principales chaînes de télévision américaines diffusent un spot permettant à plus de 29 millions d’Américains de découvrir les premières images de la voiture en mouvement. En parallèle, Walter Howing, président de la célèbre maison de joaillerie Tiffany, remet à Henry Ford II une médaille en or célébrant l’excellence du design américain. Quelque 2 600 périodiques insèrent une annonce ou un article vantant les mérites de la nouvelle venue. Le lendemain matin, le vendredi 17 avril, 150 éditeurs et journalistes de la presse automobile sont gracieusement invités à un délicieux repas servi au sein du pavillon de la compagnie installé à la Foire internationale de New York. Cette dernière se déroule du 22 avril au 18 octobre 1964, puis du 21 avril 1965 au 17 octobre 1965, une exposition qui va attirer en deux années 51 607 307 visiteurs ! L’événement recouvre les terrains de Flushing Meadows Corona Park dans le district du Queens. À cette exceptionnelle occasion, les trois grands, Ford Motor Company, General Motors, Chrysler Corporation, souhaitent
Cette photographie fait partie des premiers dossiers de presse et met parfaitement en valeur la grande réussite plastique de la voiture dans sa simplicité originelle, sûrement la plus attractive de l’histoire du modèle. La barre horizontale entourant le cheval galopant est encore manquante.
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GÉNÉRATION QUATRE L’éclosion des années 1970 génère aux États-Unis (et dans le reste du monde) une ambiance crispée et inquiète, désormais bien éloignée de l’insouciante saison 1964, symbole de la naissance de la sportive de Dearborn. Des milliers de jeunes Américains n’ont plus le loisir de contempler les showrooms Ford de leur ville en admirant avec envie la dernière édition de la Mustang. Ils perdent leur vie en Asie du Sud-Est dans une guerre qui ne les trans-
forme nullement comme leurs pères en héros mais en agresseurs, le conflit étant de plus en plus désavoué par leurs concitoyens. Le mois de décembre 1970 se confirme comme une date d’importance pour l’industrie automobile américaine, qui va devoir grandement modifier ses usages pour les années à venir et impacter directement la plus célèbre des Ford ! Le sénateur du Maine Edmund S. Muskie ajoute de nouveaux amendements plus sévères au Clean Air Act de 1968. Ce dernier propose l’éradication de 90 % des émissions d’hydrocarbone et de monoxyde de carbone à partir
Les proportions des Mustang devenant chaque saison de plus en plus volumineuses, le six-cylindres de 2 194 cm3 (115 ch) semble perdu au sein du vaste compartiment moteur. On le remplace en 1971 par une version plus puissante de 4 100 cm3 (145 ch) qui s’affiche désormais comme la mécanique la moins onéreuse du catalogue, mais certainement pas la plus nerveuse afin de propulser ce coupé Grandé laqué “Silver Blue Metallic” pesant 1 383 kg !
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La Mustang millésime 1971 retient la représentation esthétique des
Les Mustang 1971, à feux plats, ne sont plus assemblées que dans le site
premières générations du type long capot, mais cette fois grandement
historique de Dearborn (Michigan). L’usine de Metuchen (New Jersey) se
optimisée ! La longueur hors tout est de 483 cm, soit 17,3 cm de plus que le
reconvertit dans l’assemblage de la Pinto lancée en 1971, qui connaît une
modèle 1965, et 18,3 cm supplémentaires sur la largeur. La Mustang Grandé
demande exponentielle. Par ailleurs, la baisse des ventes de la Mustang
de par sa finition attentionnée remplit parfaitement son rôle depuis son
oblige l’usine de San Jose à en cesser la fabrication. Le six-cylindres en ligne
lancement en 1969 auprès d’une clientèle plus sujette au confort qu’à de
de 115 ch est retiré de l’offre 1971, seule subsiste la version 4 litres, dont
violentes accélérations. Le modèle engrange le chiffre un rien dérisoire de
le potentiel est ramené à 145 ch. Le moins puissant des V8 dispose d’une
près de 17 500 commandes.
cylindrée de 4 953 cm3 développant 210 ch.
1971 À 1973
des automobiles du millésime 1975 ! Les constructeurs assommés par une telle demande avisent les autorités qu’ils ne pourront pas aboutir à un tel objectif avant 1980-1981. En ce qui concerne le programme Mustang, les mutations esthétiques sont majeures, avec comme idée première une augmentation des proportions autorisant une meilleure habitabilité. Une requête toujours sérieuse sur le marché américain, même pour des automobiles moins bourgeoises. Les cadres décideurs de Dearborn entendent les vœux de cette clientèle, d’autant que l’offre est désormais attaquée dans ce domaine par de nouvelles concurrentes, les compactes du moment, comme la Ford Maverick, la Plymouth Valiant, la Dodge Dart ou encore la Chevrolet Nova. Le programme Mustang millésime 1971 démarre à l’hiver 1967-1968. Le dessin retenu pour la surface avant se signale par la forme d’une large ouverture horizontale encadrée d’un bandeau chromé au sein de laquelle se logent les optiques. Le logotype chevalin revient au centre de la calandre, entouré de deux baguettes en Inox, rappelant l’aménagement des modèles 1965. Les feux arrière abandonnent la division en trois parties pour une configuration unique et plate. Le programme Mustang 1971 ne déclenche nullement un enthousiasme démesuré au sein des pages des magazines spécialisés, malgré une tenue de route optimisée par un dispositif de suspension profitant de l’expérience désormais sérieuse acquise en compétition. Le caractère sous-vireur récurrent de la voiture s’estompe, aidé en cela par un nouveau système de
direction à assistance variable. Toutefois, le poids des Mustang reste une donnée toujours en hausse, les modèles 1971 accusant sur la balance entre 1 320 kg et 1 453 kg selon les modèles. Conjuguée à des mécaniques pouvant délivrer jusqu’à 375 ch, la consommation atteint elle aussi des sommets ! Cependant, la clientèle concernée n’est nullement ébranlée par une vision d’économie, nous sommes alors dans le principe d’un carburant bon marché à 30 cents le gallon (3,7854 litres) en 1971, un fluide encore, dans l’opinion publique, largement disponible à prix bas, et pour de nombreuses décennies. Le combat fratricide entre Ford et Chevrolet demeure durant l’année 1971. La firme de Dearborn occupe au final la première place, grâce à une diffusion de 1,8 million de véhicules contre 1,6 million en faveur de la division de la General Motors. Les résultats de cette dernière sont encore amoindris à cause de la longue grève déclenchée l’année passée, alors que la Ford Motor Company est parvenue à signer un accord salarial avec le puissant syndicat United Auto Workers, obtenant ainsi une pause de trois années de paix sociale. Cependant, une désillusion est une nouvelle fois observée concernant la diffusion de la Mustang, totalisant 149 678 exemplaires. Le coupé hard-top se place toujours comme la meilleure vente avec 65 696 commandes, suivi du coupé fastback Mach 1 totalisant 36 449 ventes, viennent ensuite le coupé fastback comptant 23 956 ventes et le coupé hardtop Grandé, 17 406 ventes. Toutefois une interrogation demeure : où sont passés les amateurs de
La silhouette de la Mach I 1971, ici une version pourvue sur demande de l’option Dual Ram Air conjuguée à la mécanique 5 756 cm3 de 330 ch Code C, est le résultat des goûts prononcés envers les machines de compétition des brefs locataires de Dearborn, le tandem Knudsen-Shinoda ! Le pavillon désormais presque plat prend ainsi le nom de flatback, s’inspirant du show car Mach I dévoilé en 1968. On observe la présence de spoilers avant et arrière, le modèle montré repose sur des roues Magnum 500 optionnelles. Chiffre impressionnant, pratiquement une Mustang sur quatre est une version Mach I au cours de la période 1971.
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Si les bandes bleues dites “Guardsman Blue Le Mans” caractérisent grandement le coupé fastback Shelby GT 350, elles sont en 1965 optionnelles, mais largement commandées. Le modèle (et la prochaine GT 500) fera énormément pour la notoriété sportive de la Mustang. Toutefois si le produit est disponible chez tous les concessionnaires Ford, accompagné d’un contrat de garantie constructeur traditionnel, le modèle, d’un caractère irascible, nécessite une certaine expérience de conduite, ainsi que des bras puissants afin d’en apprécier tout le potentiel.
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LEE ET CARROLL, UNE HISTOIRE EN MARCHE
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