Extrait de Droit des marchés publics - Modifier le contrat sans avenant

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Rémi Rouquette

IV.125 MOTS CLÉS CE QU’IL FAUT RETENIR

TEXTES CODIFIÉS

IV.125

L’EXÉCUTION DES MARCHÉS PUBLICS DÉTERMINATION DES OBLIGATIONS

Modification du contrat sans avenant Décision de poursuivre – Pouvoir de modification unilatérale – Novation ■ Le présent dossier expose le régime des modifications sans avenant antérieur à l’entrée en vigueur de la transposition de la directive n° 2014/24/UE du 26 février 2014 qui le remet en cause et paraît en outre anéantir la distinction entre modifications par avenants et modifications unilatérales. Ce dossier ne sera plus refondu et sera supprimé dans quelques années. La question de l’applicabilité aux contrats passés antérieurement des nouvelles règles sera traitée dans le futur dossier IV.127 « Les modifications du marché en cours d’exécution [nouveau régime] ». ■ Pour éviter d’avoir à passer des avenants, le marché pouvait prévoir la technique de la décision de poursuivre, qui permet d’augmenter le volume du marché dans le seul but de parvenir à l’exécution de l’objet initial. Quant au pouvoir de modification unilatérale proprement dit, il existe sans clause et permet à l’administration, dans l’intérêt général de modifier un contrat sans le bouleverser ni en changer l’économie, moyennant indemnisation du cocontractant. Enfin, la novation par changement d’obligation paraît illégale car faisant naître un nouveau marché sans mise en concurrence.

CMP – Articles 1, 3, 20, 26, 28, 68, 79, 118 et 126

CMP 2004 – Articles 1, 3, 19, 26, 28, 68, 75, 118 et 130 ■

Code civil – Articles 1134, 1271 et 1273 (avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations) ■

TEXTES NON CODIFIÉS

Directive n° 2014/24/UE du Parlement Européen et du conseil du 26 février 2014

Loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, article 2 ■

Circulaire du 3 août 2006 du ministère de l’économie et des finances (NOR: ECOM0620004C) portant manuel d’application du Code des marchés publics (2006) (publié sur http://www.circulaires.gouv.fr/) ■

CCAG-PI de 1978, article 17

CCAG-MI de 1980, article 19

CCAG-MI du 16 septembre 2009, article 19

CCAG-PI du 16 octobre 2009, article 19

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IV.125.1

L’EXÉCUTION DES MARCHÉS PUBLICS DÉTERMINATION DES OBLIGATIONS

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Décision de poursuivre

Notion

■ Définition

Dans les marchés à prix unitaires où l’entreprise est rémunérée en fonction des quantités effectives, la décision de poursuivre est l’ordre donné à l’entreprise de continuer les travaux, alors que la masse prévisionnelle des travaux va être dépassée (voir aussi Point-clé IV.417.2). Bibliographie François Llorens et Pierre Soler-Couteaux, « Des nouvelles du pouvoir de modification unilatérale dans les contrats administratifs », Contrats et marchés publics 2014, repère n° 10 – Astrid Boullault, « La modification unilatérale des contrats publics », CP-ACCP 2015 p. 45 – Patrice Cossalter, « Les quatre outils de la modification du contrat : définitions et conditions d’utilisation », CP-ACCP 2015 p. 29.

Le mécanisme permet sans passer d’avenant d’exécuter le marché, dont le coût s’avère supérieur à la prévision initiale. La décision de poursuivre est subordonnée à l’existence d’une clause l’envisageant (CMP de 2001, 2004 ou 2006, art. 118). Elle est prise par le pouvoir adjudicateur. La clause la plus courante est celle de l’article 15.4 du CCAG travaux (de 1976 ou de 2009) (voir pour les détails Point-clé IV.417.2). La notion paraît totalement inadéquate pour un marché à prix global forfaitaire puisque, par définition, le prix global est censé rémunérer toutes les prestations nécessaires. Il est donc illogique, voire irrégulier de prévoir une clause de poursuite dans un tel marché. Ce n’est que dans le cas où le forfait global comporte des réserves, c’est-à-dire si en fait il n’est pas entièrement forfaitaire (par exemple, forfait global pour des prestations de fondations jusqu’à telle profondeur) qu’une clause de poursuite peut être insérée. Bibliographie Fiche pratique, MTP 16 mars 2001 p. 105 – Claude Farnoux et Pierre Boudrand, « Le mythe de l’avenant obligatoire dans les marchés publics de travaux », MTP 26 décembre 2008 p. 48 – Hélène Hoepffner, « La modification du contrat administratif », LGDJ 2009, tome 260 – Walter Salamand, « Marchés publics de travaux : à la recherche du prix global et forfaitaire », MTP 3 septembre 2010, p. 56 – Xavier Bigas et Yacine Baïta, « Avenant, bouleversement de l’économie et changement d’objet en huit questions », CP-ACCP 2015, p. 34 – Sébastien Bracq et David Sarre, « Modifications de la réglementation en cours d’exécution », CP-ACCP 2015, p. 49.

■ Finalité

Le mécanisme a pour but de concilier les règles budgétaires avec le caractère estimatif du prix global d’un marché à prix unitaires. En effet, l’évaluation du montant du marché n’est pas un élément de la définition de son objet (cf. CE 29 juillet 1953,

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Entreprise générale Veuve Marcel Duval, Lebon p. 421, inédit sur légifrance). La jurisprudence postérieure sur la notion de poursuite de l’exécution du marché initial (cf. CE 29 juillet 1994, Communauté urbaine de Lyon, req. n° 118953, Lebon tables p. 1033 ; Dr. adm. 1994, n° 585 ; MP 1996, n° 290, p. 23) va dans le même sens. Une décision de poursuivre n’apparaît donc pas comme une modification du marché à proprement parler. En décidant de poursuivre l’exécution, l’administration renonce simplement à son droit que l’exécution du marché cesse lorsque le coût prévisionnel est atteint. ■ Acte contractuel unilatéral

La faculté de prendre une décision de poursuivre doit être prévue par le marché. Ce n’est donc pas l’exercice du pouvoir de modification unilatérale. La décision est cependant un acte unilatéral qui ne nécessite pas le consentement du titulaire, parce que celui-ci y a consenti par avance. A` l’instar d’autres actes, comme les ordres de services, la décision de poursuivre est donc un acte unilatéral à fondement contractuel. L’instruction d’application du 28 août 2001 (NOR : ECOM0110565J) relative au CMP de 2001 (inédit sur http://www.circulaires.gouv.fr/ ; annexe au JO du 8 septembre 2001) avait la même position (commentaire de l’article 118 du CMP de 2001) tout comme le manuel de 2004 (art. 14.6) et celui de 2006 (art. 14.8). ■ Proximité avec l’avenant

Acte unilatéral consenti par avance, la décision de poursuivre est bien plus proche de l’avenant que l’exercice du pouvoir de modification unilatérale. Son seul objet est d’ailleurs de remplacer un avenant quantitatif. Cela explique que la décision de poursuivre obéisse à la même règle de fond que l’avenant, à savoir l’impossibilité de bouleverser l’économie du contrat, ou d’en changer l’objet (voir sur cette condition Point-clé IV.120.4). ` Caractère facultatif de l’avenant

La passation d’un avenant n’étant nécessaire, sous le régime du CMP de 2001 (mais sans doute également sous les régimes ultérieurs) qu’en l’absence d’ordre de poursuivre les travaux si l’administration a donné un tel ordre et qu’il n’a pas été contesté, le paiement ne saurait être subordonné à la passation d’un avenant, même si le seuil de 5 % est atteint (cf. CAA Paris 3 avril 2007, société Cegelec et société Ineo c/ APHP, req. n° 04PA02708, inédit au Lebon ; CP-ACCP 67/2007, p. 12 ; MTP 29 juin 2007, p. 11, et TO p.18 ; MTP 29 juin 2007, p. 11, et TO p.18 ; Contrats et marchés publics 2007, n° 172, note Frédérique Olivier ; MTP 7 septembre 2007, p. 94, chron. Cyrille Emery et TO p. 19 ; BJCP 54/2007, p. 418, obs. Ph. T.).

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DÉTERMINATION DES OBLIGATIONS

Conditions

■ Existence d’une clause

L’article 118 du CMP de 2001, 2004 ou 2006 pose comme seule condition générale que le marché prévoie cette éventualité et que le pouvoir adjudicateur prenne une décision. A` défaut d’une telle clause, un avenant est nécessaire pour que les travaux puissent continuer si le volume des travaux envisagé est atteint. Les clauses contractuelles du CCAG travaux comportent des obligations de prévenance par l’entreprise (voir Point-clé IV.417.3). S’ajoutent les contrôles généraux en matières de dépenses de l’État et les contrôles propres à chaque ministre (CMP de 2001 ou de 2004, art. 130 ; CMP de 2006, art. 126).

Bibliographie Fiche pratique, MTP 16 mars 2001, p. 105 – Fiche pratique, « Les travaux supplémentaires et avenants », MTP 28 mai 2004, p. 79.

■ Absence de bouleversement

Parce qu’elle remplace les avenants relatifs aux quantités totales, et qu’elle permet donc de dépasser le coût du marché tel qu’évalué lors de la mise en compétition, la décision de poursuivre est suspecte du point de vue de la concurrence. C’est pourquoi (CMP de 2001 ou de 2004, art. 118 et 19 ; CMP de 2006, art. 118 et 20) elle est soumise à la même condition de fond que les avenants : ne pas bouleverser l’économie du contrat ou changer son objet. (Pour l’étude de cette condition, voir Point-clé IV.120.4). ■ Absence de règle procédurale

Avec la suppression du rapport pour les avenants depuis le CMP de 2006 (art. 79), les régimes procéduraux de l’avenant et de la décision de poursuivre sont identiques. Avant le CMP de 2006, l’avis de la commission d’appel d’offres et le rapport préalable, requis dans certains cas pour les avenants n’étaient pas prévus pour les décisions de poursuivre.

IV.125.2

Pouvoir de modification unilatérale 1

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IV.125.2

L’EXÉCUTION DES MARCHÉS PUBLICS

Le pouvoir de modification unilatérale déroge au principe (Code civil, art. 1134, al. 1) selon lequel le contrat est la loi des parties. Le refus d’obtempérer justifie la résiliation du contrat aux torts de la partie privée, sauf l’hypothèse du bouleversement de l’économie du contrat, la preuve étant à la charge du titulaire (cf. CE sect. 27 octobre 2010, syndicat intercommunal des transports publics de Cannes le Cannet Mandelieu-laNapoule, req. n° 318617, Lebon tables, p. 660-662-850-997 ; JCP A 2010, act. 825, obs. Jean-Gabriel Sorbara ; AJDA 2010, p. 2076, obs. Rémi Grand ; CP-ACCP 105/2010, p. 12, chron. Jean-Pierre Jouguelet ; Contrats et marchés publics 2011, n° 7, note Willy Zimmer ; Dr. adm. 2011, n° 3, note François Brenet). Remarque Il existe d’autres dérogations à la force obligatoire du contrat, telle que le droit pour l’administration de résilier le contrat unilatéralement (Point-clé IV.502.1) mais aussi des dérogations profitant au titulaire, notamment les théories du fait du prince (Point-clé IV.420.3), de l’imprévision (Points-clés IV.420.1 etIV.420.2) et des sujétions imprévues (Point-clé IV.418.3), qui s’analysent cependant davantage comme des formes de responsabilité contractuelle sans faute. La validité des clauses purement potestatives (Pointclé IV.112.1, n° 1) peut aussi être analysée ainsi.

` Formalisation

La modification prend généralement la forme d’ordre de services. ■ Justifications

Pour les concessions et marchés de travaux, comme pour les contrats de service public, le pouvoir de modification unilatérale répond à des nécessités pratiques. D’ailleurs, le droit privé admet dans le même but, sinon le droit de modification unilatérale, du moins les clauses permettant au maître de l’ouvrage de modifier le contrat dans certaines limites (notamment les marchés privés de travaux régis par la norme Afnor P 03-001). Mais à la différence des clauses que l’on rencontre en droit privé, celles-ci sont justifiées par les lois du service public, et notamment l’idée que le service public doit s’adapter lorsque c’est nécessaire. La modification unilatérale est rarement utilisée dans les marchés publics. ■ Différence avec d’autres actes

Notion

Le pouvoir de modification unilatérale de la personne publique diffère d’autres modifications par son existence de plein droit.

■ Définition

Le pouvoir de modification unilatérale est le droit, reconnu à l’administration, d’imposer au titulaire des obligations différentes de celles prévues. Il s’agit donc d’un droit pour l’administration de modifier le contrat sans le consentement de son partenaire, mais seulement pour des considérations d’intérêt général.

` Les décisions de poursuivre

Le pouvoir de l’administration de donner un ordre de poursuivre (voir Point-clé IV.125.1) ne relève pas du pouvoir de modification unilatérale, car l’ordre de poursuivre ne modifie pas le contrat et l’entreprise y a consenti par avance. Il s’agit

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L’EXÉCUTION DES MARCHÉS PUBLICS DÉTERMINATION DES OBLIGATIONS

cependant d’un acte unilatéral, auquel le titulaire a consenti par avance. ` Les clauses autorisant la modification unilatérale

En présence de clauses permettant la modification unilatérale du contrat, deux analyses sont concevables, selon les données de l’espèce. On peut analyser ces clauses comme aménageant, voire limitant le pouvoir de modification unilatérale. Dans ce cas, il semble que les clauses doivent être interprétées à la lumière de la théorie générale du pouvoir de modification unilatérale. Des clauses autorisant la modification unilatérale peuvent éventuellement être analysées sans se référer à la théorie de la modification unilatérale, notamment si elles permettent des modifications qui ne seraient pas admises en vertu de la théorie (modifications sans indemnité par exemple ou sans justification d’intérêt public). ` Différences avec l’avenant

L’avenant suppose l’accord des parties, le pouvoir de modification unilatérale s’en dispense. La différence est donc radicale. Mais on ne peut exclure l’exercice d’un pouvoir de modification unilatérale, auquel l’entreprise aurait en fait consenti, notamment pour éviter l’avis de la commission d’appel d’offres généralement requis pour un avenant. ■ Différence avec le fait du prince

Le pouvoir de modification unilatérale doit être distingué de la théorie du fait du prince (voir Point-clé IV.420.3) dans laquelle bouleversement du contrat n’est qu’incident, étant consécutif à une action de l’administration en tant que puissance publique et non en tant que cocontractante.

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rens – CE Sect., 9 décembre 1984, SA d’étude, de participation et de développement, req. n° 34607, Lebon p. 498 ; RFDA 1984, p. 39, conclusions Genevois). Existant sans clause, peut-être malgré une clause contraire, il se distingue du droit de modifier le contrat en vertu d’une clause. Le consentement par avance à la modification du contrat par l’autre partie est d’une autre nature, car le consentement existe même s’il est un peu biaisé par son antériorité. Bibliographie F. Llorens, « Pouvoir de modification unilatérale dans les contrats administratifs » ; RFDA 1984, numéro 0, p. 45 – Lucien Rapp, « Stabilité du contrat public et mutabilité de son objet », Contrats et marchés publics 2008, étude n° 7 – Astrid Boullault, « La modification unilatérale des contrats publics », CP-ACCP 2015, p. 45.

D’un point de vue pratique, l’existence de plein droit de ce pouvoir n’a qu’un intérêt réduit, la quasi-totalité des contrats écrits comportant des clauses de modification unilatérale et les contrats verbaux étant à la fois rares et de faibles montants. D’un point de vue théorique, cette dérogation majeure au principe de l’immutabilité peut apparaître comme injustifiée pour les marchés qui ne confient pas au titulaire l’exécution d’un service public, d’autant que le pouvoir de résiliation unilatérale peut sembler suffisant pour garantir les intérêts publics (voir Point-clé IV.502.1). ` Existence de plein droit

Le pouvoir de modification unilatérale existe (arrêts précités) de plein droit, sans qu’aucune clause ne soit nécessaire. ` Incertitude sur la possibilité de le supprimer

A` l’origine, ce droit est apparu pour les concessions de service public et de travaux publics (cf. CE 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-Rouen, req. n° 94624, Lebon p. 5). Il était en effet nécessaire, pour assurer la continuité et l’évolution du service public, même concédé.

Il n’y a pas de jurisprudence indiquant s’il peut être supprimé par une clause. L’existence de plein droit du pouvoir de modification unilatérale pourrait aboutir à ce que les clauses supprimant ce pouvoir soient déclarées nulles ou réputées non écrites. Cela ne vaut évidemment que si le contrat est administratif en raison de son objet (marché de travaux publics par exemple) ou d’une clause exorbitante, ou d’une loi (notamment la loi Murcef ayant rendu administratifs tous les marchés publics).

Son extension aux marchés s’est surtout réalisée par le jeu des clauses contractuelles. C’est pourquoi son existence de plein droit pouvait être discutée, car sa justification fondamentale d’assurer la continuité du service public n’existe guère dans les marchés.

Il convient de distinguer selon la nature des conventions puis de déterminer le titulaire du pouvoir de modification unilatérale.

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Existence

■ Historique

■ Existence dans tous les contrats administratifs passés avec des personnes privées

L’existence de plein droit du pouvoir de modification unilatérale, comme principe général de tous les contrats administratifs, a cependant été consacrée en 1983 par deux arrêts du Conseil l’État (cf. CE 2 février 1983, Union des transports publics urbains et régionaux, req. n° 34027, Lebon p. 33 ; RDP 1984, p. 223, note J.-M. Auby ; RFDA 1984, p. 45, note F. Llo-

■ Cas des contrats passés entre personnes publiques

Bibliographie Jean-David Dreyfus, « Actualité des contrats entre personnes publiques », AJDA 2000, p. 575 – Jean-Marc Peyrical, « Les contrats de prestation entre collectivités publiques. Réflexions et interrogations », AJDA 2000, p. 581 – Cyrille Emery, « Intercommunalité et contrats entre personnes publiques », AJDA 2000, p. 592 – Nadine Dantonel-Cor, « Le critère de la clause exorbitante : un Janus à deux visages », JCP A 2008, n° 2047.

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` Absence dans certaines conventions

Le pouvoir de modification unilatérale n’est pas applicable aux conventions passées entre personnes publiques pour l’exercice de leurs compétences (cf. CE Sect., 31 mars 1989, Département de la Moselle, req. nos 57000 et 60384, Lebon p. 105 ; Rev. adm. juillet-août 1989, p. 341-344, note Ph. Terneyre ; RDP 1989, p. 1171, note F. Llorens). ` Prolongation des contrats

Le pouvoir de modification unilatérale ne serait pas utilisable pour prolonger une délégation de service public au motif que cela entraîne nécessairement une modification des conditions financières (cf. CAA Douai, 16 novembre 2006, syndicat mixte d’exploitation des transports en commun de la communauté urbaine de Lille, req. n° 05DA00233, inédit au Lebon ; BJCP 51/2007, p. 106, concl. Jacques Lepers, obs. Ph. T.). S’il est fondé, le raisonnement serait transposable aux marchés publics ou à certains d’entre eux. ` Marchés publics entre personnes publiques

L’article 1er des CMP de 2001, de 2004 ou de 2006 indique que les marchés publics peuvent être des contrats entre personnes publiques. Si une personne publique, notamment un EPIC, se comporte comme une personne privée, en étant candidate à l’attribution d’un marché, il paraît logique qu’elle soit soumise au même régime. Admettre le contraire fausserait d’ailleurs la concurrence en faveur des personnes publiques, qui ne prendraient pas le risque d’une modification unilatérale. ` Contrats analogues aux marchés publics

S’agissant du pouvoir de modification unilatérale dans les contrats qui ne sont pas des marchés publics en raison de leur objet (CMP de 2001, 2004 ou 2006, art. 3), la solution ne devrait pas être différente lorsque une personne publique fournit une prestation comme le ferait une personne privée. Si l’une des personnes publiques fournit des prestations comme le ferait une personne privée, le fait que le contrat soit ou non soumis au Code des marchés publics ne doit rien changer à l’existence du pouvoir de modification unilatérale. ` Détermination du titulaire du pouvoir de modification

unilatérale

Il est exclu que le pouvoir de modification unilatérale puisse appartenir aux deux personnes publiques. Il est évident que seul le maître de l’ouvrage, le commanditaire ou l’acheteur, c’est-à-dire la personne qui passe la commande, détient le pouvoir de modification unilatérale, non celle qui s’oblige à effectuer des prestations. Dans le cas d’échanges de prestations ou de biens, la difficulté à déterminer la personne publique titulaire du pouvoir de modification unilatérale pourrait aboutir à sa suppression. ■ Contrats financiers

Il est douteux que le pouvoir de modification unilatérale puisse s’appliquer aux contrats purement financiers car il est

incompatible avec la nature du contrat de prêt et sans doute avec le régime du contrat d’assurance. Toute modification de l’échéancier de remboursement ou du taux d’un emprunt affecterait nécessairement le rapport économique entre les prestations des deux parties et donc modifierait l’équilibre contractuel. Ainsi, le pouvoir de modification unilatérale apparaît totalement incompatible avec la nature de ce contrat. Et l’on ne voit guère quelles autres modifications seraient envisageables. Le raisonnement est transposable au crédit-bail ; une modification de la durée du contrat impliquerait en effet un changement de l’équilibre financier. S’agissant du contrat d’assurance, une modification des risques couverts par le pouvoir de modification unilatérale est concevable, dès lors que le contrat n’est pas bouleversé. Toutefois, les dispositions spéciales (notamment code des assurances, art. L. 112-3) régissant la modification des risques, doivent selon nous primer. C’est un système d’accord tacite de l’assureur sur une demande de modification, non de modification unilatérale. Bibliographie Rémi Rouquette, « L’exécution des nouveaux marchés de service », CP-ACCP 44/2005, p. 24.

■ Marchés à bons

On peut penser que dans les marchés à bons le pouvoir de modification unilatérale ne saurait affecter la durée du contrat ou les montants maximum et minimum des commandes (voir Points-clés IV.263.2 et VII.210.0).

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Conditions d’exercice

■ Intérêt public

La modification unilatérale doit être décidée dans l’intérêt général ou l’intérêt public (cf. CE 11 juillet 1941, Hôpital-hospice de Chauny, Lebon p. 129 ; inédit sur légifrance – CE 17 février 1974, Ministre des Transports c/ Broch, req. n° 87063, Lebon p. 155). Cette condition est assez théorique puisque le juge n’annule pas les mesures contractuelles et indemnise de la même manière en fonction du préjudice, sans que la légalité ou l’illégalité de la modification change quoi que ce soit. ■ Usage du référé

Le référé conservatoire peut servir à faire exécuter de force la modification unilatérale d’un contrat administratif, pourvu bien sûr que ce soit dans l’intérêt du service public (cf. CE 5 juillet 2013, société Véolia transport Valenciennes Transvilles, req. n° 367760, Lebon tables, p. 770 ; JCP G 2013 act. 622 obs. Lucienne Erstein ; AJDA 2013, p. 1415, obs. N. Khalid ; Contrats et marchés publics 2013, n° 262, note Jean-Paul Pietri ; AJDA 2013, p. 2454, note Pauline Schultz ; Contrats et marchés publics 2014, chronique Jean-Paul Pietri, « Un an de droit de droit de contentieux de la commande publique 5/1/5/8 »).

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