Extrait de la Revue Contrats Publics n°165 - Choix de l'offre

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Le décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics (1re partie)

Dossier

Le choix de l’offre Le régime du choix des offres a été partiellement modifié par l’ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016. Les principales nouveautés concernent les critères d’attribution, les offres anormalement basses ainsi que celles qualifiées d’irrégulières, d’inacceptables ou d’inappropriées.

L

e régime propre au choix de l’offre fait l’objet d’enrichissements substantiels de la part des textes français de transposition des nouvelles directives marchés. Les articles 52 à 54 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics fixent les grands principes, tandis que les articles 57 à 64 du décret n° 2016360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics aborde successivement la présentation des offres, les variantes, l’examen des offres, les offres anormalement basses, les offres contenant des produits originaires des pays tiers pour les marchés publics de fournitures des entités adjudicatrices et l’attribution du marché public. Cette transposition en deux textes autorise le décret d’application à apporter des précisions souhaitables, qui n’auraient peut-être pas eu toute leur place dans un texte unique. Au-delà d’apporter des précisions, la transposition est aussi l’occasion de procéder à certaines réformes (offres anormalement basses) ou au contraire de ne pas accéder à certaines attentes des opérateurs (­régularisation des offres).

Sophie Nicinski Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris I

Références Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 57 et s.

Le régime des variantes est précisé(1). Celles-ci sont ­interdites sauf mention contraire pour les marchés passés par un pouvoir adjudicateur selon une procédure formalisée. Pour les marchés publics passés selon une procédure adaptée ou ceux passés par une entité adjudicatrice, les variantes sont autorisées sauf mention contraire dans les documents de la consultation. Le procédé de la mise au point fait l’objet d’un article unique commun aux différentes procédures(2). Il est possible, en accord avec le soumissionnaire retenu, de procéder à une mise au point des composantes du marché public avant sa signature. Cependant, cette mise au point ne peut avoir pour effet de modifier des caractéristiques substantielles de l’offre ou du marché public dont la variation est susceptible de fausser la concurrence ou d’avoir un effet discriminatoire.

Mots clés Critères d’attribution • Offre anormalement basse • offre irrégulière • Pondération • Régularisation

Contrats Publics – n° 165 - mai 2016

(1)  Décret n° 2016-360, 25 mars 2016, art. 58. (2)  Décret n° 2016-360, 25 mars 2016, art. 64.

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Dossier

Le décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics (1re partie)

Les principales nouveautés à retenir relèvent des critères d’attribution, du régime des offres anormalement basses et des offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées.

Les critères d’attribution Les nouveaux textes précisent les caractéristiques des critères et leur nature.

Les caractéristiques des critères d’attribution Le régime des critères d’attribution est désormais scindé entre l’article 52 de l’ordonnance et les articles 62 et 63 du décret. Les dispositions de l’ordonnance fixent les grands principes applicables au choix de l’offre. On retrouve l’exigence antérieure que le marché est attribué au soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse. Le choix de l’offre la mieux-disante est désormais bien ancré dans le paysage de la commande publique. Ce sont surtout les caractéristiques générales des critères d’attribution qui sont largement précisées. En effet, l’article 53 du Code des marchés publics se contentait de prévoir que les critères (autres que le prix) devaient être non discriminatoires et liés à l’objet du marché. Désormais, l’article 52-I de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 précise que les critères doivent être « objectifs, précis et liés à l’objet du marché public ou à ses conditions d’exécution », ce lien s’appréciant conformément à l’article 38 de l’ordonnance. Aux termes de l’article 52-II, les critères ne doivent pas avoir pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’acheteur et garantissent la possibilité d’une véritable concurrence. Cet enrichissement manifeste la prise en compte de l’évolution de la jurisprudence et des textes européens. La jurisprudence avait largement enrichi ces caractéristiques. Ainsi que le résume la Cour de justice de l’Union européenne, « les critères d’attribution définis par un pouvoir adjudicateur doivent être liés à l’objet du marché, ne doivent pas conférer une liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur, doivent être expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché et doivent respecter, notamment, les principes fondamentaux d’égalité de traitement, de non-­ discrimination et de transparence »(3). Le lien avec les conditions d’exécution, aujourd’hui pleinement affirmé, tient sans doute aux évolutions dans la prise en compte des critères sociaux et environnementaux. En effet, l’admission de ces critères posait une difficulté de taille lorsqu’il fallait apprécier leur lien avec l’objet même du marché. Cette difficulté a été contournée en passant par les conditions d’exécution du marché. La Cour de justice avait jugé que des éco-label et des labels de commerce équitable peuvent constituer des conditions d’exécution du marché et sont utilisables

(3)  CJCE 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, aff. C-513/99 ; CJCE 24 novembre 2005, ATI EAC Sarl, aff. C-331/04.

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comme critères d’attribution d’un marché(4). Le Conseil d’État s’était engagé plus loin en admettant, pour un marché susceptible d’être exécuté par des personnels engagés dans une démarche d’insertion, que le critère de l’insertion professionnelle des publics en difficulté comporte un lien avec l’objet du marché s’il porte sur ses modalités d’exécution et peut donc être utilisé parmi les critères de choix des offres(5). La directive 2014/24/UE(6) a tenu compte de la jurisprudence de la Cour sur le lien avec l’objet du marché lorsqu’il est précisé que les critères d’attribution sont réputés être liés à l’objet du marché public lorsqu’ils se rapportent aux travaux, fournitures ou services à fournir en vertu du marché à quelque égard que ce soit et à ­n’importe quel stade de leur cycle de vie. Ainsi, les termes de l’article 52 de l’ordonnance reprennent les textes antérieurs et la jurisprudence.

La nature des critères d’attribution L’article 62-II du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 conserve les choix entre le critère unique du prix ou du coût et l’attribution du marché sur une pluralité de critères. Si l’acheteur se fonde sur le critère unique du prix, l’article 53 de l’ancien Code des marchés public exigeait que ce choix soit fondé sur l’objet du marché. Le choix du prix comme critère unique ne devait pouvoir être privilégié principalement que pour les prestations courantes, pour des produits simples et standardisés pour lesquels les offres peuvent être appréciées de manière objective sur la base du seul prix proposé(7). Le droit communautaire interdisait par ailleurs les législations nationales imposant de manière générale le choix de l’unique critère du prix(8) et il était en tout état de cause illégal pour les prestations complexes ou techniques(9). Le décret vient renforcer ces restrictions, puisque l’acheteur ne peut retenir l’unique critère du prix que si le marché a pour seul objet l’achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d’un opérateur économique à l’autre(10). Désormais, le coût peut aussi être utilisé comme unique critère. L’article 67 de la directive 2014/24/UE semble en effet autoriser une telle approche, bien que le choix des critères apparaisse de manière beaucoup moins tranchée (l’acheteur peut retenir le prix ou le coût « et peut tenir compte » d’autres critères). Le coût est déterminé selon

(4)  CJUE 10 mai 2012, Commission c/Pays-Bas, aff. C-368/10. (5)  CE 25 mars 2013, Département de l’Isère, req. n° 364950, BJCP n° 89, juillet-août 2013, p. 269, concl. Pellissier, obs. S.N. (6)  Directive 2014/24/UE du 26 février 2014, art. 67. (7)  Rép. min. n° 14228, JO Sénat Q, 13 janv. 2005, p. 103. (8)  CJCE 7 octobre 2004, Sintesi SpA, aff. C-247/02. (9)  CE 6 avril 2007, Département de l’Isère, req. n° 298584, BJDCP 2007, n° 53, p. 293, concl. Boulouis, CMP 2007, n° 171, note J.-P. Piétri, CP-ACCP n° 66, mai 2007, p. 65, note M. Heintz. (10)  Décret n° 2016-360, 25 mars 2016, art. 62-II-1°-a.

Contrats Publics – n° 165 - mai 2016


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