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N°
JUILLET 2014
DOSSIER SURTITRE DOSSIER
DOSSIER PERFORMANCE
COUV Le nouvel Titre
OPÉRATIONNELLE
enjeu
Stratégie de filière Polepharma émet des propositions
FORME GALÉNIQUE La voie inhalée sort des sentiers battus
Salles propres L’ATP-métrie pour maîtriser la qualité d’une eau ultra pure
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DOSSIER
PERFORMANCE OPÉRATIONNELLE Le nouvel enjeu Le contexte économique, la réduction des dépenses de santé, la pression de la concurrence sont autant d’éléments qui incitent les acteurs de la pharmacie à accroître l’efficacité et la performance de leurs opérations. De la production à la logistique, en passant par le marketing, les achats ou les fonctions supports, tous les segments de l’entreprise sont susceptibles d’apporter leur contribution. Dans tous les cas, la mise en place de démarches d’amélioration continue apporte des résultats intéressants.
20 DOSSIER DE LOT Leo Pharma simplifie le nombre de données 22 APPROCHE LEAN Comment l’utiliser dans un environnement contraint par les BPF?
© GeelGenzyme
à gérer
24 RESSOURCES HUMAINES La dimension humaine au cœur des programmes d’amélioration continue
26 PERFORMANCE ÉCOLOGIQUE Évaluer les agents détergents dans une installation BPF IndustriePharma N°81 Juillet 2014
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DOSSIER
Performance opérationnelle DOSSIER DE LOT
Leo Pharma simplifie le nombre de données à gérer
© Leo Pharma – Amélie Benoist
Le site de production français du Danois Leo Pharma s’est lancé dans un projet de revue de ses dossiers de lot. Un projet mené avec l’aide du cabinet Oxo Pharma.
LE NOMBRE DE DOSSIERS DE LOT DE L’USINE DE VERNOUILLET EST PASSÉ DE 52 À 36.
20 IndustriePharma N°81 Juillet 2014
En matière de performance opérationnelle, le dossier de lot joue un rôle important. Constitué au moment de l’autorisation de mise sur le marché, il comporte toutes les informations liées au médicament et à son procédé de fabrication. Il recense toutes les opérations et les contrôles effectués jusqu’à la libération des lots par le service qualité de l’usine. Ce document clé fait l’objet d’une attention particulière et c’est dans cette démarche que le site de Leo Pharma à Vernouillet (Eure-et-Loir) s’est tourné vers le cabinet de consultants Oxo Pharma pour revoir ses dossiers de lot des médicaments produits dans l’usine. «C’est une demande d’agrément FDA du site pour le marché nord-américain qui a motivé ce projet. Nous devions déposer un dossier de lot pour l’enregistrement et nous ne voulions pas déposer un dossier trop complexe qui se serait avéré contraignant par la suite. C’était aussi une démarche pour faciliter le passage aux dossiers de lot électronique dans quelques temps», témoigne Claudia Wuillemin, directrice qualité de l’usine de Vernouillet de Leo Pharma et également chef du projet. Le site s’est alors lancé dans un projet qui a duré près de deux ans afin de « remettre à plat les dossiers de lot, les simplifier et les focaliser sur les paramètres critiques», selon la directrice qualité. Ce projet a permis de rationnaliser le nombre de dossiers de lot en passant de 52 à 36. Et le nombre de données à gérer a été réduit de 41% pour la fabrication, et de 36% pour la partie conditionnement, selon la directrice qualité. L’usine fabrique environ 55 millions de seringues et plusieurs millions de compri més chaque année. La simplification des dossiers de lot a plusieurs atouts pour la performance du site.
«Les dossiers sont maintenant plus faciles à renseigner pour les opérateurs de production et plus faciles à vérifier par les équipes de la qualité », souligne Claudia Wuillemin. Les 52 dossiers de lot ont ainsi été passés au crible par les différents acteurs mobilisés par ce projet. Sur les 350 personnes travaillant sur le site, plus de 80 ont été impliquées à différentes étapes du projet. Outre un comité de pilotage et un chef de projet, des équipes pluridisciplinaires ont été constituées aux différentes étapes du projet. «Chacun apporte son expertise, son savoir-faire, sa connaissance, etc. Les personnes ont été impliquées sur des moments précis du projet: par exemple, des opérateurs de la fabrication sur les étapes de remplissage sur les injectables et d’autres, sur les comprimés, etc. À chaque fois, nous avons sollicité des personnes différentes en fonction des sujets traités », indique Claudia Wuillemin. La méthode adoptée a reposé sur une analyse détaillée de criticité développée par Oxo Pharma. « Nous avons proposé une solution autour de trois points importants: l’analyse des paramètres critiques, la forme du dossier et la mise en place de projet pilote», indique Xavier Mathiot, directeur de l’activité Pharma d’Oxo Pharma. Il détaille la première étape « qui permet de travailler sur les raisons et les critères permettant d’évaluer la criticité, la redondance des informations, etc. Il y a ensuite eu un travail en équipe avec toutes les fonctions impliquées dans le processus afin de travailler sur le fonds des informations qui doivent être comprises dans le dossier. Il ne s’agissait pas seulement d’enlever des informations mais aussi d’en ajouter en fonction de la criticité.»
Améliorer la forme des dossiers Une deuxième étape a porté sur la forme du dossier. « Il faut structurer un dossier de lot afin qu’il soit plus facile à remplir, à lire, à visualiser», précise Xavier Mathiot. La simplification des dossiers de lot a, par exemple, consisté à « retirer les informations sousentendues», «éviter le recours systématique aux cases à cocher pour attirer l’attention des opérateurs sur des étapes importantes», mais aussi «dater et viser la réalisation d’une étape critique mais pas chacune des opérations qui la constituent», selon Leo Pharma. Mais aussi
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utiliser des repères visuels, avec notamment des pictogrammes afin d’attirer l’attention. La troisième étape a reposé sur les pilotes, avec un travail par bloc autour de morceaux de dossiers de lot. «Une fois validé, on passe à un nouveau bloc et on construit le dossier pas à pas », souligne le directeur Pharma d’Oxo. Les trois à six premiers mois ont été consacrés à la réalisation du premier dossier de lot pilote, puis les équipes de Leo Pharma ont «très vite enchaîné par un plan de déploiement sur les autres dossiers », souligne Claudia Wuillemin. Un premier dossier important pour la chef de projet. «Cela a permis de souder l’équipe, d’acquérir l’expérience de ce qui s’est bien passé, les erreurs à corriger, etc. Ce retour d’expérience a également eu un effet d’entraînement de tous les acteurs impliqués dans le projet», ajoute-t-elle.
Former au nouveau process
© Leo Pharma
La dernière étape, identifiée par Claudia Wuillemin, a consisté dans l’implémentation de ces nouveaux dossiers de lot auprès du personnel de l’usine. «À partir du moment où nous changeons les documents d’enregistrement, il faut former les opérateurs aux nouveaux dossiers. Comme nous avions impliqué des opérateurs dans le projet, ils nous ont permis d’animer au quotidien ces formations», se félicite Claudia Wuillemin. Alors que les derniers dossiers de lot revus ont été finalisés en début d’année, la directrice qualité constate des retours positifs de la part des équipes de l’usine. Elle cite des utilisateurs «qui confirment l’intérêt d’un tel projet fédérateur pour simplifier au maximum les dossiers: c’est plus visuel, c’est mieux structuré, on va à l’essentiel, il y a moins de données en doublon, c’est plus facile au moment de la réconciliation, etc.». Au niveau de la produc-
OXO AFFIRME SON EXPERTISE VIS-À-VIS DE LA PERFORMANCE INDUSTRIELLE Le projet de simplification des dossiers de lot mené avec Leo Pharma n’est qu’un des exemples de projets du cabinet de consultants dans le domaine de la performance industrielle. Lors des Printemps de la production pharmaceutique organisés le 15 mai 2014, les équipes d’Oxo Pharma ont présenté leurs travaux avec comme fil conducteur: «remettre le flux au cœur des préoccupations de la performance industrielle et les hommes au centre du système documentaire». Le cabinet distingue trois piliers: accélérer le flux, limiter les pertes et aligner les équipes. Oxo a ainsi développé le «taux d’efficacité documentaire, indicateur permettant d’évaluer le pourcentage de chances que l’opérateur a de trouver la bonne information critique
tion et des contrôles qualité, Claudia Wuillemin constate: «des améliorations dans la façon dont les dossiers sont renseignés » et «un right first time fortement augmenté ». Après ce succès enregistré sur le site de Vernouillet, le groupe pourrait appliquer la méthode à d’autres usines. «Nous avons eu de nombreux échanges avec les sites danois et irlandais. Si en Irlande, ils n’ont pas forcément de besoin à court terme, au Danemark, ils ont démarré ce type de démarche. Nous avons beaucoup communiqué sur la méthode et l’implication essentielle de la qualité sur ce type de projet», conclut Claudia Wuillemin. ■ AURÉLIE DUREUIL
dans un document au moment où il en a besoin ». Le cabinet propose ainsi de simplifier les dossiers de lot, mais aussi les documentations ainsi que réduire les efforts de formation et filtrer les événements en partageant la bonne description du process et orientant le management de proximité. Et si les projets peuvent concerner des procédés déjà établis, Oxo travaille également sur les phases amont de la production. «Nous sommes en train d’appliquer une démarche de Quality by Design auprès de plusieurs entreprises sur des produits en cours d’industrialisation. Nous développons la méthode de détermination de la criticité», souligne Xavier Mathiot. Oxo Pharma poursuit ainsi ses activités auprès des industriels de la pharmacie.
La simplification des dossiers de lot, un projet fédérateur pour Vernouillet.
LES DOSSIERS SONT PLUS FACILES À REMPLIR EN PRODUCTION IndustriePharma N°81 Juillet 2014
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DOSSIER
Performance opérationnelle APPROCHE LEAN
Comment l’utiliser dans un environnement contraint par les BPF? RONAN MASSON
© DR
Directeur Practice Pharma chez KL Management
Le Lean est un des outils proposés pour mettre en place une démarche d’excellence opérationnelle dans l’entreprise. Dans l’environnement contraint de la pharmacie, la méthode peut s’adapter sur l’ensemble de la chaîne de valeur, en particulier pour la revue des dossiers de lot.
L’industrie pharmaceutique dispose d’une culture historiquement forte et très spécifique à son métier: la santé. Les bonnes pratiques de fabrication (BPF) en constituent une composante majeure pour assurer un niveau de sécurité absolu des patients et des prescripteurs, les BPF énoncent un ensemble de garanties que doit apporter tout laboratoire sur la totalité de sa chaîne de valeur. Leur périmètre d’application couvre bien évidemment la fabrication mais aussi la conception et la distribution des produits. Pour autant, les BPF ne décrivent pas les modalités détaillées de mise en application de ces garanties. En effet, il relève de la responsabilité de chaque laboratoire d’élaborer son propre système d’application.
Un système d’application des BPF plus robuste De son côté, la stratégie Lean managementvise l’excellence opérationnelle, par la réduction des temps de cycles de création de valeur en
éliminant continuellement les gaspillages dans tous les processus de l’entreprise. Bien appliquée, l’approche Lean doit permettre de rendre le système d’application des BPF plus robuste par une simplification des processus opérationnels. Par ses finalités, le Lean va renforcer l’assurance de satisfaire au plus haut degré les BPF. Les BPF définissent l’objectif, le Lean la feuille de route. En exemple, les BPF donnent pour objectif la revue de tous les dossiers de production de lot et la vérification qu’ils soient complets et signés (Afssaps). L’observation sur le terrain montre que la mise en œuvre de cette règle consiste classiquement à faire relire le dossier par le responsable de production. Par ce processus, le dossier va subir a minima des étapes de transport et de stockage qui n’apportent aucune valeur ajoutée. Ces gaspillages vont directement allonger le délai de mise à disposition du dossier et en conséquence sa libération. Or nullement, cette BPF n’a contraint à établir ce procédé et à créer ainsi un goulot dans le flux de traitement du dossier de production.
Au moins trois versions possibles de processus Ce que l’on pense être
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Ce qui est vraiment
Ce que l’on souhaiterait
À travers ce très simple exemple présenté ci-dessous, on entrevoit l’application des principes Lean. L’observation terrain des gaspillages constitue la première source de pistes de progrès et de remise en cause du processus de mise en œuvre des BPF. Plus de 300, c’est le nombre de règles édictées par les BPF. Chacune d’entre elles va se matérialiser par un processus nécessitant des équipes, des moyens et des méthodes. Chacun de ses processus va détecter de nombreux gaspillages à éliminer. Les BPF fixent une cible à atteindre, le Lean va contribuer à construire la feuille de route à emprunter pour atteindre ce but.
La variabilité du délai, enjeu fondamental Le délai de libération des lots de production est une problématique majeure de l’industrie pharmaceutique. Ce délai oscillant entre 2 et 5 semaines va nécessiter de disposer de stocks de produits finis. Or ce stock est contraint par une date de péremption. La variabilité du délai va aussi nécessiter de la part du service logistique un effort certain pour connaître l’état d’avancement du traitement de lot et de sa date de libération. Cette donnée est fondamentale pour les services de planification car elle leur permet d’ajuster les plannings de production. Disposer de cette information est d’autant plus difficile que plusieurs services tels que production, contrôle chimie et microbiologie, assurance qualité d’une unité de production ont des tâches dans la libération des lots. Chaque service dispose d’une part de travail et d’une part de l’information et a le sentiment de faire de son mieux pour effectuer
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CARTOGRAPHIE DES FLUX, LE POINT DE DÉPART D’UNE DÉMARCHE LEAN
© KL Management
Dans l’industrie pharmaceutique, la mise en œuvre d’une démarche Lean débute classiquement par une phase de diagnostic visuel, la value stream mapping (VSM). Elle a pour objet, par la mobilisation d’une équipe pluridisciplinaire, de cartographier la totalité de la chaîne de valeur d’un laboratoire dans le but d’en réduire le temps de cycle global. En s’appuyant sur la cartographie du flux actuel sur le terrain, l’équipe identifie: – les sources de pertes et de gaspillages actuelles; – établit la vision d’organisation future; – valorise les potentiels et gains à atteindre; – construit la feuille de route du programme d’amélioration. Parmi l’ensemble des opportunités d’améliorations relevées dans la VSM,
LA CARTOGRAPHIE DES FLUX MOBILISE L’ENSEMBLE DES ÉQUIPES SUR LE TERRAIN.
son traitement et libérer le lot au plus tôt : le responsable production va regrouper les dossiers de lot pour en valider plusieurs en même temps. Il optimise son propre travail, mais cela au détriment du flux. Les labora-
© Sanofi
LE DÉLAI DE LIBÉRATION DES LOTS DE PRODUCTION EST UNE PROBLÉMATIQUE MAJEURE.
une source de gains majeure de réactivité sur la libération de lot provient du contrôle chimie. Le premier chantier Lean de mise en flux de contrôle chimie a consisté à: – installer une implantation en îlot en garantissant la mise à disposition d’équipements et de consommables selon les recommandations des BPF; – standardiser le travail en définissant la séquence optimale (simogramme homme machine) de toutes les tâches, y compris celles liées aux BPF (enregistrements, visa des résultats, qualification des équipements); – niveler la charge et ajuster le planning. En coordination avec les autres services, le laboratoire chimie a ainsi défini une organisation garantissant un délai de libération inférieur à 7 jours. Le Lean concerne l’ensemble de la chaîne de valeur. Chaque département ou service est impacté par les procédures requises par les BPF. L’exemple précédent a montré une application du Lean orienté sur la partie laboratoire. Mais le Lean n’est pas une simple boîte à outils applicable uniquement au domaine industriel. C’est avant tout un ensemble de principes pouvant s’appliquer sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
toires vont aussi rassembler des lots pour optimiser les phases de test et de la même façon que le responsable production vont aussi potentiellement optimiser leur service. Mais à nouveau, la création de lot génère un stock et donc un délai supplémentaire de libération. Le service assurance qualité va récupérer l’ensemble des pièces constitutives du dossier émises à différents moments, en fonction des services. Chacun de ses services étant organisé indépendamment les uns des autres il est très difficile pour l’AQ de connaître simplement l’état d’avancement de libération de chaque lot et de pouvoir ainsi informer la logistique En synthèse, personne ne dispose de la vision globale du traitement d’un lot pour procéder à sa libération. L’objectif fixé par la direction de diminution du délai de libération n’a en retour que des réponses au mieux justifiant la nécessité de ce délai, au pire, la demande de ressources supplémentaires. L’argumentation fournie à ces réponses repose pour une part sur la charge de travail induite par la mise en œuvre des BPF. ■ IndustriePharma N°81 Juillet 2014
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DOSSIER
Performance opérationnelle RESSOURCES HUMAINES
L’Homme au cœur des programmes d’amélioration continue La performance opérationnelle était au programme des 9e Printemps de la Production Pharmaceutique. L’un des ateliers s’est plus particulièrement intéressé aux capacités managériales qu’il convient de déployer pour réussir une démarche de progrès.
© IMT
L’ATELIER PORTANT SUR LES CAPACITÉS MANAGÉRIALES A RÉUNI UNE TRENTAINE DE PERSONNES.
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Quelles capacités managériales pour réussir le déploiement d’un programme d’excellence opérationnelle? Cette thématique était au programme d’un atelier organisé le 15 mai à Tours à l’occasion des 9e Printemps de la Production Pharmaceutique (PPP). Placé sous la conduite du cabinet KL Management, cet atelier a remporté un grand succès, réunissant une trentaine de personnes, dont quelques directeurs de sites de production et directeurs généraux. Preuve que le sujet de l’excellence opérationnelle est bien d’actualité. En effet, l’accentuation de la pression sur les coûts et les exigences de qualité incitent les entreprises du secteur pharmaceutique à amé-
liorer l’efficacité de leurs opérations depuis le développement du produit jusqu’à la livraison en passant par la fabrication. Le champion dans la mise en place de démarches d’excellence opérationnelle, est bien entendu le secteur de l’automobile. Il s’appuie depuis de longues années sur le savoir-faire éprouvé d’une entreprise modèle, Toyota, et de son célèbre Toyota Production System. L’industrie pharmaceutique est moins avancée sur le déploiement de telles démarches, car pendant longtemps elle n’a été en concurrence qu’avec ellemême. Ce temps est révolu et aujourd’hui, elle s’emploie à remettre en cause ses pratiques dans un contexte économique de moins en moins lisible. Dans une première séquence, les participants de l’atelier ont tenté de trouver une définition à l’excellence opérationnelle. Il est apparu que chacun avait ses propres critères et sa propre hiérarchie. Certains citaient les critères du résultat de l’entreprise ou de sa compétitivité et de la performance de la supply chain, quand d’autres mettaient l’accent sur la qualité des produits, la satisfaction client, la communication interne et externe ou les compétences des collaborateurs. En tout cas, aucun des participants de l’atelier n’a été en mesure de citer une société référente en la matière, comme Toyota peut l’être dans l’automobile. Un modèle reste à construire pour l’industrie pharmaceutique expliquait en fin de journée dans son compte-rendu Fabrice Coriton, directeur de production du Laboratoire Expanscience. Puis, l’atelier s’est tourné vers la question de la dimension humaine qui est indissociable de la mise en place d’un programme d’excellence opérationnelle. «La technique c’est facile. Il suffit de taper dans Google le mot 5S, Lean ou Six Sigma et on voit défiler des centaines de milliers de pages qui décrivent ces méthodes. En revanche, la grande difficulté vient de leur mise en œuvre» explique Ronan Masson, directeur Practice Pharma chez KL Management. «Souvent les entreprises ont une mauvaise connaissance de l’outil ou elles
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utilisent l’outil pour l’outil sans aller au fond des choses et des problèmes à traiter.» Pour cela, il faut changer les hommes et introduire progressivement dans l’entreprise une véritable culture de l’excellence opérationnelle qui se caractérise par un esprit d’amélioration continue. Cela se construit par étape avec des rôles différents à jouer pour les collaborateurs de l’entreprise en fonction de leur niveau de responsabilité.
Segmentation hiérarchique C’est ainsi que KL Management a proposé de raisonner sur une segmentation de l’entreprise en trois blocs composés des opérateurs, de l’échelon intermédiaire ou middle management et du top management. Tous devront affronter le paradoxe de toute démarche d’excellence qui impose de jongler en permanence entre l’amélioration continue et la standardisation des opérations. «L’excellence opérationnelle introduit une exigence de standardisation et un respect très strict des procédures. Mais a contrario, il faudra en permanence challenger les façons de faire. J’applique et je remets en cause », résume Ronan Masson. Mais si l’opérateur aura surtout pour mission d’appliquer, les procédures, et dans une moindre mesure, de les remettre en cause, plus on montera dans la hiérarchie, et plus cette capacité de remise en cause sera importante. Dans cette hiérarchie, il se trouve que c’est l’échelon intermé-
LES PARTICIPANTS ONT EXPRIMÉ LEURS ATTENTES «Je suis au démarrage d’un gros projet de Lean management. Je cherche comment emmener tous les salariés de l’entreprise. Je suis en recherche d’une vision et de repères.»; «Je viens benchmarker, me remettre en cause, car il faut être d’un bon niveau pour exister en France.»; «L’excellence est un terme à la mode, je souhaite comprendre ce que l’on met
derrière. Je me demande comment marier amélioration continue et excellence? Finalement, quelles sont les capacités managériales tout au long de la chaîne de management?»; «Je suis en phase de recrutement de techniciens et je souhaite trouver quelques réponses à mes questions, notamment sur les profils et les capacités requises.»; «Je veux
diaire qui va être le plus sollicité et le plus affecté par le changement. «Le middle management se retrouve entre le marteau et l’enclume», ajoute Ronan Masson. C’est lui qui devra servir d’intermédiaire entre le top management qui insuffle le changement et les opérateurs qui l’appliquent sur le terrain. «Dans les démarches d’excellence opérationnelles, l’encadrement de terrain se retrouve souvent en difficulté avec des nouvelles façons de faire qui sont vécues comme des surcharges de travail. En revanche, les opérateurs sont souvent pris dans des systèmes avec des lourdeurs procédurales. L’excellence opération-
comprendre comment remettre l’humain et le management au centre de l’approche d’excellence. Comment opérer au mieux le changement dans l’entreprise?»; « Dans l’excellence opérationnelle, il y a les outils et les méthodes, mais surtout la maîtrise déjà très sollicitée. Il faut donner du sens à leur rôle et leur apprendre à se positionner. Comment faire?».
nelle va leur enlever de la lourdeur et cela leur amène plus de satisfaction», ajoute le consultant. D’où l’importance de prévoir pour le middle management un accompagnement de terrain, tant par la voie de la formation que par l’échange. « Faire découvrir aux équipes d’autres secteurs industriels et leurs pratiques managériales permet souvent de débloquer la situation », suggère Ronan Masson qui incite à la découverte des pratiques d’industries plus matures que la pharmacie sur ce chemin de l’excellence opérationnelle. ■ À TOURS, SYLVIE LATIEULE
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DOSSIER
Performance opérationnelle PERFORMANCE ÉCOLOGIQUE
Évaluer les agents détergents dans une installation BPF © DR
Manager Technical Services, Steris Corporation
Une prise de conscience grandissante dans la société s’élabore par rapport au «maintien à long terme de la diversité biologique pour le bien-être humain». Cette viabilité environnementale a amené une résurgence de la demande en solutions chimiques écologiques pour relever les défis présentés par le nettoyage et le contrôle microbiens.
Le concept de « produit chimique écologique» trouve sa source au milieu des années 1990, époque à laquelle deux chimistes ont établi 12 principes de conception de produits et procédés chimiques afin de réduire ou éliminer la production de déchets dangereux. Le concept de produit chimique écologique se concentre sur le danger intrinsèque d’un produit chimique ou procédé chimique et cherche à le minimiser afin de réduire les risques liés au personnel et à l’environnement. Que désigne donc exactement «nettoyage écologique»? Ce terme signifie-t-il que le produit chimique est sûr pour l’environnement, pour l’humain comme pour les animaux? Peut-être. Il affirme peut-être aussi qu’un produit est composé de plantes et non de pétrole. Qu’en est-il de sa biodégradabilité, de sa recyclabilité? Dans la pratique industrielle, « écologique » peut signifier tout ou partie de ces principes et plus encore. Mais une formulation écologique doit également s’avérer efficace et adaptée à son utilisation première. Un produit détergent qui ne nettoie pas efficacement est un potentiel gaspillage de ressources et constitue donc l’antithèse du respect de l’environnement. L’accent de cet article est mis sur les détergents car ils se rapportent aux procédés de nettoyage pour applications BPF. Des procédures de nettoyage sont nécessaires au sein des industries BPF actuelles (cGMP, current Good Manufacturing Practices) afin de maintenir des équipements et installations de fabrication sûrs et à un rende ment optimal. L’utilisation de produits détergents pour éliminer de façon efficace les
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résidus, poussières, allergènes et agents infectieux issus des procédés est cruciale dans la prévention de la contamination des produits, qui pourraient être néfastes pour la sécurité du patient. Mais l’utilisation de produits détergents peut également présenter des risques sanitaires et des dangers pour l’environnement.
Au-delà de l’approbation des consommateurs Les définitions de produits chimiques et procédés dépendent de la législation locale. Cependant, les organisations environnementales, l’information publique et les politiques d’entreprise relatives à l’environnement sont aussi des sources d’influence. Certaines catégories de détergents peuvent également être certifiées écologiquement.
© Steris
JIM POLARINE
Les agences gouvernementales et organisations à but non lucratif proposent des programmes basés sur le volontariat, tels que «l’U.S. EPA Design for the Environment (DfE) » et le « Green Seal™ ». Il s’agit de programmes de renom consacrés au développement des normes régissant les produits écologiques. La plupart de ces programmes se concentrent néanmoins principalement sur les produits détergents des ménages (consommateurs) et des agents d’entretien, qui peuvent ne pas être optimisés pour des applications de nettoyage BPF critiques.
LES RÉGLEMENTATIONS POUSSENT LES INSTALLATIONS BPF À OPTER POUR LA PERFORMANCE ÉCOLOGIQUE DE LEUR PRODUITS DÉTERGENTS.
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L’efficacité des procédures de nettoyage utilisées au sein d’installations soumises aux BPF est influencée par nombre de facteurs, tels que la température, l’effet mécanique, la concentration, la formule chimique et les temps de contact. Parmi les autres facteurs affectant le nettoyage, on trouve le type et l’état du résidu, le type de surfaces et la conception des équipements. Un autre aspect potentiellement problématique des produits ménagers et d’entretien en raison de leur orientation vers le consommateur réside dans la modification régulière des formulations, afin de pouvoir mettre en avant les messages publicitaires du type « Nouveau et encore plus efficace ! » sur le marché. Cela aguiche probablement les consommateurs, mais provoque également de graves difficultés dans la validation des détergents BPF.
Minimiser la pollution de l’eau et de l’air Le problème environnemental lié aux détergents désignés les plus controversés réside dans les agents actifs en surface ou surfactants utilisés comme ingrédients. Au sein de l’Union européenne, ce débat a été grandement atténué en se limitant à l’utilisation de matériaux biodégradables, tels que le sulfonate de tétrapropylbenzène et certains alkyl phénol éthoxylés, par l’intermédiaire d’une interdiction législative ou d’une action volontaire. Malgré cela, les surfactants sont encore considérés par de nombreuses personnes comme un risque pour l’environnement car ils sont utilisés à grande échelle par les fabricants industriels. La biodégradabilité globale des surfactants s’est améliorée en partie grâce à des lois telles que le règlement CE 648/2004 relatif aux détergents, qui exige de rigoureux essais de biodégradabilité. Cela a abouti au retrait, pur et simple, de plusieurs surfactants vendus au sein de l’Union européenne. De plus, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) développe des normes pour les essais de biodégradabilité aquatique d’ingrédients organiques contenus dans les produits, qui ont pour certains été adoptés par plusieurs organisations. Il faut aussi rappeler que des limitations locales peuvent être définies pour certains produits chimiques. Il a par ailleurs été prouvé que la présence d’hypochlorites formait des trihalométhanes si la quantité de chlore et la nature des résidus organiques dans le flux de déchets instauraient des conditions favorables. Les autorités locales peuvent par conséquent définir des limites à appliquer à la fois au phosphore et au chlore, ce qui requiert des limites sur la quantité d’agents détergents éliminés
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DOSSIER
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Performance opérationnelle
contenant ces matériaux. Des limitations peuvent également être appliquées aux niveaux du mercure, plomb, cadmium et autres métaux lourds. Des agents de chélation peuvent aussi présenter des inconvénients pour l’environnement. Il s’agit de substances améliorant l’efficacité des détergents formulés en empêchant les ions métalliques libres dans les solutions d’interagir avec des surfactants. Les agents de chélation les plus fréquemment utilisés sont l’EDTA (acide éthylène diamine tétraacétique) et le NTA (acide nitrilotriacétique). Le premier est biodégradable et le second est classé comme possible cancérogène humain par l’IARC (International Agency for Research on Cancer). À choisir, des formulations ne comprenant pas de produits possiblement cancérogènes sont meilleures pour le respect de la vie humaine. Un débat sur les phosphates a également refait surface, en raison de l’utilisation généralisée de STPP (tripolyphosphate de sodium), qui est un ingrédient très répandu dans la formulation de produits détergents. Étant donné que le STPP est une substance inorganique, des études de biodégradation ne sont pas applicables. Le STPP peut néanmoins être assimilé par des algues et des microorganismes et donc être introduit au sein du cycle naturel du phosphore. Des restrictions sur l’utilisation de certains agents de chélation sont en place ou en train d’évoluer dans certains pays. C’est pourquoi l’industrie recherche des alternatives économiques. Les phtalates sont une classe de composés industriels très répandus et basés sur des esters d’anhydride phtalique. Il existe de nombreux phtalates avec plusieurs applications et tout autant de propriétés toxicologiques. Certains COV (composés organiques volatils) relâchés dans l’atmosphère peuvent menacer la qualité à la fois de l’air et de l’eau. Les COV sont des composés d’hydrocarbure possédant des points d’ébullition bas, généralement moins de 100°C, et qui s’évaporent donc rapidement. De nombreux COV peuvent devenir un risque majeur de contamination des nappes phréatiques car leur libération dans l’environnement peut être toxique pour le vivant. La pression grandit au sein de l’industrie pharmaceutique pour s’éloigner du nettoyage par solvant et se rapprocher de produits chimiques à base aqueuse.
Gestion de la sécurité du personnel Les systèmes de CIP (clean-in-place: netto yage-en-place) sont un très bon exemple : ils permettent le nettoyage d’un grand nombre d’équipements sans avoir recours à
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Réglementations ayant un impact sur les agents détergents Agence
Réglementation
Description
U.S. Environmental Toxic Substance Protection Agency Control Act
Répertorie des ingrédients utilisés dans des produits non exonérés.
U.S. Occupational Health and Safety Administration
Occupational Safety and Health Act
Fournit des réglementations et orientations pour l’étiquetage, les fiches de données de sécurité de matériaux et les informations sur les risques.
Health Canada
Hazardous Products Act and the Controlled Products Regulations
Fournit un étiquetage d’avertissement destiné aux conteneurs de produits contrôlés, met à disposition des fiches de données de sécurité de matériaux, une sensibilisation des travailleurs et des programmes de formation.
Parlement européen
Réglementation (CE) n° 648/2004 relative aux détergents
Contrôle l’utilisation de surfactants dans les produits détergents. Définit des critères de biodégradabilité pour les surfactants.
Agence européenne des produits chimiques
Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction de produits chimiques
Exige de tous les fabricants de produits chimiques l’identification et la gestion des risques liés aux substances qu’ils fournissent.
un démontage complexe. Cela réduit l’exposition de l’opérateur à des résidus médicamenteux puissants et à des détergents dangereux. Cela permet également de minimiser le risque d’endommager les équipements de procédé. Par ailleurs, les systèmes de CIP peuvent éviter au personnel d’avoir à pénétrer à l’intérieur de la cuve pour nettoyer des pièces tranchantes, ce qui réduit le risque supplémentaire de blessures corporelles.
Conformité réglementaire En Amérique du Nord et en Europe, les agents détergents sont régulés par une ou plusieurs organisations. Chaque organisme a un impact sur le type d’agent détergent disponibles et sur leurs applications. Le tableau ci-dessus offre une description de certaines autorités mondiales et cite leurs orientations de référence. Bien que des agents biocides ne soient pas traités dans le cadre de ce document, il convient de les mentionner dans ce contexte. D’un point de vue légal, les agents antimicrobiens utilisés au sein d’installations BPF sont souvent considérés comme distincts des agents détergents. De manière générale, il n’y a pas de définition ou de cri-
tère communément accepté des produits antimicrobiens « favorisés d’un aspect écologique ». Par exemple, le critère « non toxique » peut s’avérer irréaliste pour des agents biocides, étant donné que, par définition, ils doivent parvenir à tuer des microorganismes. L’impact environnemental et sanitaire peut être atténué en mettant en œuvre des applications et des techniques de protection des travailleurs appropriées. Les types d’agents détergents sont variables dans l’industrie BPF. Ces agents incluent des détergents formulés, des produits chimiques de base et des solvants et peuvent être sélectionnés en fonction de plusieurs critères écologiques. Lors du choix d’un procédé de nettoyage, la meilleure approche est généralement de prendre en compte les performances, le prix, la disponibilité, les exigences légales et l’impact sur l’environnement. À mesure que les réglementations continuent à évoluer et à varier d’une région à l’autre, être écologique pourrait bien n’être qu’une affaire de point de vue. Les installations soumises aux BPF doivent évaluer, définir et établir les procédés de nettoyage les plus adaptés à leurs objectifs individuels de nettoyage et écologiques. ■