ITE feuilletable

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L’ENTRETIEN

CÔTÉ LABOS

À L’USINE

« Le new space ne ringardise pas les agences spatiales. Au contraire, il les rend nécessaires »

L’IES de Montpellier imagine les futurs capteurs de l’industrie

Zéro trust, mode d’emploi pour l’industrie

Philippe Baptiste, président du Cnes

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Graphène

l’heure du bilan

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DÉTERMINÉS POUR CHANGER LA DONNE

Notre objectif ? Rendre la mobilité électrique toujours plus durable. Et pour ça, on a trouvé une solution : recycler les métaux stratégiques des batteries usagées*. Ce qui permet d’en fabriquer de nouvelles en limitant les pollutions et l’utilisation de ressources naturelles. Fatima, Ingénieur développement procédés, sur le site de Cedilor, en France.

La transformation écologique, c’est notre raison d’être. * Retrouvez nos actions en détail : www.veolia.com/recyclage-metaux-strategiques. ** Nous sommes des Ressourceurs. Crédit photo : Boby – Fisheye. L’énergie est notre avenir, économisons-la! VEOLIA ENVIRONNEMENT SA – Capital social : 3 502 858 580 euros – RCS Paris n° 403 210 032 – 21, rue la Boétie, 75008 Paris.

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Ressourcer le monde


édito

Ruée sur les électrolyseurs iT 1054 – JUIN 2022

Un point de bascule ? Avec son plan REPowerEU présenté le 18 mai, la Commission Manuel Moragues européenne pourrait bien lanRédacteur en chef cer le vrai démarrage de l’hydrogène vert. Car si la dynamique était déjà enclenchée, investisseurs et industriels faisaient toujours face à de nombreuses incertitudes. Dans l’urgence de se passer des hydrocarbures russes, Bruxelles veut balayer tous les doutes. Le cap, d’abord, est réaffirmé avec force puisque la Commission double l’objectif de production d’hydrogène en Europe, à 10 millions de tonnes (Mt) par an d’ici à 2030, auxquels s’ajouteront 10 Mt importées. De quel hydrogène parle-t-on ? D’hydrogène « renouvelable », martèle la Commission. Un terme

Dans l’urgence de se passer des hydrocarbures russes, Bruxelles veut balayer tous les doutes sur l’hydrogène.

qui doit être précisément défini dans des avis annoncés comme imminents, mais qui semble a minima exclure l’hydrogène bleu produit avec du gaz naturel, mis en avant par nombre d’énergéticiens. Un « rôle » est concédé au nucléaire, mais l’électrolyse de l’eau à partir d’électricité d’origine renouvelable sera sans nul doute privilégiée. Aura-t-on assez de cette électricité verte ? Il en faudra quelque 500 TWh, reconnaît Bruxelles, qui rehausse de 40 à 45 % l’objectif de la part des EnR en 2030 avec une stratégie spécifique pour le solaire visant à doubler les capacités d’ici à 2025 et à installer 600 GW d’ici à 2030. L’obtention des permis de construction des parcs d’EnR, usines d’hydrogène et autres hydrogénoducs est incertaine? Tous ces projets doivent être considérés comme relevant «d’un intérêt public supérieur», assure la Commission, qui s’engage à adopter une proposition de réglementation accélérant les procédures. Le risque financier? Bruxelles annonce un mécanisme de contrat par différence pour subventionner le surcoût éventuel de l’hydrogène vert pour l’industrie et ouvre grand tous ses guichets de financement au gaz léger, s’engageant notamment à évaluer en six semaines les premiers projets importants d’intérêt commun (IPCEI) attendus pour cet été. Tous les ingrédients sont réunis pour faire décoller l’hydrogène. En premier lieu les fabricants d’électrolyseurs avec lesquels la Commission a convenu, le 5 mai, de faire passer les capacités de production de 1,75 à 17,5 GW d’ici à... 2025.

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sommaire

DOSSIER GRAPHÈNE, L’HEURE DU BILAN Alors que le programme européen Graphene Flagship touche à sa fin, retour sur ce matériau qualifié de révolutionnaire lors de sa découverte en 2004. Si peu d’applications ont vu le jour, les recherches ont ouvert la voie à de nouvelles familles de matériaux 2D et contribué à l’essor d’un écosystème. page 28 Annick Loiseau (Onera): «Un véritable tissu d’entreprises s’est créé, en lien avec le monde académique»

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Grapheal, des pansements connectés aux tests Covid-19 page

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Trouver l’application qui fera décoller le marché

LNE

Au LNE-Nanotech, la recherche de standards s’organise Des dangers pris au sérieux

Couches de graphène exfoliées observées par microscope électronique à balayage.

Les nouvelles frontières de la 2D

ENQUÊTE Reportage Gen-Hy industrialise l’électrolyse alcaline à membrane

PHOTO SCIENCE Iter, assemblage d’un géant page

L’ENTRETIEN Philippe Baptiste, président du Cnes «Le new space ne ringardise pas les agences spatiales. Au contraire, il les rend plus nécessaires» page 6

360 INNOV

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JEC Awards, cinq innovations pour verdir les composites

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CÔTÉ LABOS électronique L’IES de Montpellier imagine les futurs capteurs de l’industrie page 18 France 2030 met sur les rails la navette ferroviaire de l’IMT Mines d’Albi page

ENQUÊTE À L’USINE cybersécurité Zéro Trust, mode d’emploi pour l’industrie

CAHIER TECHNIQUE Cryptographie homomorphe, l’art de partager sans divulguer page

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NOUVEAUX PRODUITS Notre sélection de produits

DEEPTECH

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Hycco prolonge les piles à combustible

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«Le docteur automatique, c’est une fiction. Quand on est malade, on a besoin d’un être humain» Bernard Nordlinger, chirurgien page

Une publication de Pour joindre vos correspondants, composez 01 77 92, suivi des quatre chiffres entre parenthèses indiqués après chaque nom. Président directeur général Julien Elmaleh Directrice générale déléguée Isabelle André Directeur du pôle industrie Pierre-Dominique Lucas RÉDACTION Directeur des rédactions Emmanuel Duteil 9483 Directrice adjointe des rédactions Anne Debray 9251 Rédacteur en chef Manuel Moragues 9499 Rédacteur en chef adjoint Alexandre Couto 9811 Rédacteur en chef édition Guillaume Dessaix 9498 Directeur artistique Vincent Boiteux 9501 Assistante de la rédaction Farah Charfi 9425 Rédaction Aline Nippert 9440 Émilie Dedieu 9957 Laurent Rousselle (Nouveaux produits) 9435 Ont collaboré à ce numéro Marina Angel, Xavier Boivinet, Anaïs Marechal, Frédéric Monflier, Kevin Poireault, Alexane Roupioz

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ENTRE LES LIGNES page

Immeuble Antony Parc II 10, place du général de Gaulle BP 20156 92186 Antony Cedex Téléphone 01 77 92 92 92 Fax Rédaction 01 77 92 98 51 Fax Publicité 01 77 92 98 50

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COUVERTURE : LNE - ILLUSTRATION ÉDITO : V. BELLAICHE

Secrétariat de rédaction Claire Nicolas, première secrétaire de rédaction 9497, Claire Laborde 9877, Sarah Touzeau 9341 Maquette Sylvie Louvet, rédactrice graphiste 9624 Service Photo Jean-Louis Salque, chef de service 9484, Marielle Toupance 9486, Pascal Guittet, photographe 9492 Infographie Florent Robert 9495 COMMERCIAL Directrice commerciale du pôle Industrie Béatrice Allègre 9362 Directrice adjointe de la publicité Alix O’Neill 9361 Directeur de clientèle Piero Tomassi 9578 Régions Thierry Borde, directeur 01 79 06 79 55 Est Clarisse Michel 03 88-84 36 06 Allemagne-Suisse-Autriche Andréa Roig 9646 Benelux Huson International Media (Rodric Leerling) +31 (0) 229 841 882 Grande-Bretagne Huson International Media (Stuart Payne) +44 (0) 1932 564 999 États-Unis Huson International Media +1 212 268 3344 Espagne B2B Communication (Juan Jose Bellod) +34 91 319 8177 Espace Industrie - Contact Industrie - Service publicité Alix O’Neill 9361 La direction se réserve le droit de refuser toute insertion sans avoir à justifier sa décision. Responsable exécution Catherine Savry 9355

CONFÉRENCES-ÉVÉNEMENTS 9290 ADMINISTRATION-GESTION Directeur administratif et financier Stéphane Deplus 9402 Responsable juridique Mireille Monnier 9744 Directrice fabrication et achats Véronique Pivat 01 79 06 70 75 MARKETING, DIFFUSION-ABONNEMENTS Directeur du service marketing abonnements Yannick Védrines Directrice Gestion des abonnements Nadia Clément Service clients 01 77 92 99 14 | abo@infopro-digital.com POUR S’ABONNER Infopro Digital - Service abonnements Antony Parc 2 - BP 20156 92186 Antony Cedex TARIFS ABONNEMENTS France 1 an 399 euros TTC (dont TVA 2,10%) Étudiant 1 an 109 euros TTC (sur justificatif) Prix de vente au numéro 45 euros Étranger, multi-accès nous consulter Règlement à l’ordre d’Industrie et Technologies (pour l’UE, précisez le numéro de TVA intracommunautaire) Librairie (vente des numéros déjà parus et des annuaires) Annuaires (TVA 5,5% incluse) L’Atlas des usines 230 euros TTC (papier), 650 euros (format xls)

Numéro de commission paritaire: 0622 T 81775. Numéro ISSN: 1633-7107. Dépôt légal: à parution. Impression : Imprimerie de Compiègne, Imprimerie de Compiègne, 2 avenue Berthelot, ZAC des Mercières, BP 6524, 60205 Compiègne Cedex. Industrie et Technologies est édité par Groupe Industrie Services Info SAS au capital de 38.628.352,10 euros. Siège social: 10 place du général de Gaulle 92160 Antony. RCS Nanterre 442.233.417. 10. Siret: 442 233 417 00041. TVA: FR29442233417. Principal actionnaire ETAI. Toute reproduction, représentation, traduction ou adaptation, qu’elle soit intégrale ou partielle, quels qu’en soient le procédé, le support ou le média, est strictement interdite sans l’autorisation de l’éditeur, sauf dans les cas prévus par l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle. Seules sont autorisées les reproductions réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et les analyses et courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées. (loi du 11 mars 1957, art. 40 et 41, et code pénal, art. 425). Copyright Groupe Industrie Services Info SAS. Tous droits réservés. Directeur de la publication Julien Elmaleh

Origine du papier: Allemagne. Ce papier provient de forêts durablement gérées et ne contient pas de fibres recyclées. Certification : PEFC Impact sur l’eau (P tot): 0,014 kg/tonne


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l’entretien

parcours CONNAISSEUR DU PUBLIC ET DU PRIVÉ Monde académique et monde industriel, Philippe Baptiste connaît les deux ! Diplômé de l’École des mines de Nancy, il est également titulaire d’un doctorat en informatique de l’Université de technologie de Compiègne (UTC). Après avoir travaillé pour l’e-Lab de Bouygues et IBM Research,

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il devient enseignantchercheur à Polytechnique, dont il dirige le laboratoire d’informatique. En 2013, il est nommé chef du service de la stratégie et de

l’innovation du ministère de l’Éduction. En 2014, il devient le directeur général délégué à la science du CNRS. En 2016, il accepte le poste de directeur scientifique de

Total. Il prône alors rôle des technologies de captage du CO2. Il prend la direction du Cnes en avril 2021.


Philippe Baptiste Président du Centre national d’études spatiales

Le new space ne ringardise pas les agences spatiales. Au contraire, il les rend plus nécessaires À la tête du Cnes depuis plus d’un an, Philippe Baptiste a entrepris une refonte de l’agence spatiale afin de lui faire prendre le virage du new space.

PHOTOS : DAHMANE

En arrivant à la tête du Cnes, vous avez entrepris une réorganisation de l’agence spatiale. Certaines directions historiques, comme celle des lanceurs, ont disparu au profit de nouvelles divisions. Quels sont vos objectifs ?

Les lanceurs restent évidemment l’un des très grands enjeux du spatial et ils sont au cœur des préoccupations du Cnes. Notre nouvel organigramme répond à trois grands enjeux: mettre en avant les compétences techniques du Cnes, pousser davantage les applications numériques et créer des synergies entre des métiers connexes. Concrètement, cela s’est traduit par la création de deux directions: celle des technologies et du numérique et celle du transport spatial. C’est à la fois une simplification de notre organisation et un moyen de renforcer son efficacité. Les activités techniques gagnent en visibilité, cela permet d’instaurer un dialogue fort entre les différents métiers du Cnes. Le numérique est aussi mis en avant, car il joue un rôle crucial pour tout le secteur spatial. Nous avons également mis en place une grande direction stratégique qui joue le rôle d’interface entre notre agence, les industriels –les acteurs historiques et les nouveaux entrepreneurs– et nos principaux «donneurs d’ordres», c’est-à-dire les scientifiques et le ministère des Armées. Elle va jouer un rôle important dans nos interactions

avec les nouveaux acteurs du new space. Je suis convaincu que le Cnes a un rôle pivot à jouer pour mettre autour de la même table les acteurs de la recherche, les industriels historiques et les jeunes pousses du new space.

Pourquoi vouloir mettre en avant les compétences techniques du Cnes ?

Parce que notre capacité à «tenir le crayon» dans l’élaboration des projets, quand cela est nécessaire, est l’une de nos très grandes forces. Seules quelques agences comme la Nasa et la Jaxa en sont capables. Le Cnes a les compétences pour développer des technologies très en amont, pour ensuite les transférer aux industriels. J’estime que l’une de nos missions est de les préparer à ce qui va se faire dans dix ans. C’est précieux, car pour un industriel, dix ans de R&D, c’est long ! Peu sont capables de se projeter aussi loin, ne serait-ce que du fait des contraintes financières inhérentes à leur activité. Le Cnes n’est pas simplement un intermédiaire qui se contente de commander des satellites aux industriels! Notre savoir-faire, nos compétences 7


l’entretien

techniques sont au cœur de la compétitivité de l’industrie française. De plus, à l’heure où de nouveaux entrants ayant des capacités et des objectifs très divers demandent des aides de l’État, il est primordial pour nos tutelles d’avoir une capacité d’analyse des propositions pour bien orienter ces aides. Le new space ne ringardise pas les agences spatiales. Au contraire, il les rend plus nécessaires.

C’est pourtant un sujet qui inquiète vos salariés. Un mouvement de grève a eu lieu le 21 avril pour dénoncer un contrat d’objectifs et de performance (COP) 2022-2025 qui ferait la part belle aux financements des projets industriels au détriment des recherches en interne…

Nous avons signé le COP 2022-2025 avec nos trois ministres de tutelle il y a quelques semaines et il est vrai que des salariés, et des scientifiques, nous disent qu’ils redoutent une moindre implication du Cnes dans les programmes scientifiques à la faveur du soutien aux start-up. Un dialogue intense a lieu sur le sujet entre la direction et les représentants des salariés. Avec les directeurs et les managers du Cnes, nous devons expliquer ce contrat qui est un contrat d’avenir et de confiance pour le Cnes. Il respecte un équilibre nécessaire entre, d’un côté, les activités scientifiques, la Défense, l’autonomie stratégique et, de l’autre, le soutien au développement de notre écosystème spatial dans toute sa diversité. Ce soutien au développement et à l’exportation de notre industrie est d’ailleurs dans l’ADN du Cnes depuis maintenant plus de soixante ans, il fait appel à notre expertise et nous en tirons bien évidemment un bénéfice. Je veux être très clair, ce n’est pas avec les budgets du Cnes consacrés à la science que nous allons financer les start-up! C’est en mobilisant un volet du plan France 2030 que le Cnes et Bpifrance vont permettre à ces nouvelles entreprises d’émerger.

En voulant réaffirmer votre capacité à « tenir le crayon », ne craignez-vous pas une réticence des industriels à qui vous pourriez imposer des cahiers des charges trop stricts ?

J’ai été dans l’industrie et je sais qu’il est parfois confortable pour un industriel d’avoir un client qui exprime seulement des besoins macroscopiques. Et il est vrai que le Cnes est un client très exigeant qui aime entrer dans les détails! C’est vrai que cela crée parfois une «saine» tension, mais cela est bien normal. C’est comme cela que nous avons réussi à tenir les délais et les coûts de très grands projets industriels. Mon objectif, c’est de trouver le juste équilibre, domaine par domaine, entre la nécessaire autonomie laissée à des industriels de plus en plus matures et des exigences techniques ambitieuses qui s’expriment par des spécifications claires. Par exemple, sur le volet scientifique ou les démonstrateurs comme

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La France détient un vrai savoir-faire dans les technologies d’observation de la Terre et la Nasa vient nous chercher à chaque fois dans ce domaine. la France est un très grand pays du spatial et dans plusieurs secteurs clés, comme l’observation optique ou les télécoms, nous n’avons pas grand-chose à envier à ce qui se fait aux ÉtatsUnis ou ailleurs dans le monde, que ce soit en termes de performance ou de coûts. Yoda, nous tenons beaucoup le crayon, parce que nous demandons souvent des instruments très spécifiques, des moutons à cinq pattes! Les industriels ne veulent pas prendre le risque de développer ces équipements qui ont rarement de débouchés ensuite.

Comment s’organisent les transferts de technologies vers les industriels ?

Notre force est de pouvoir nous adapter à la maturité des industriels: plus ils sont matures sur les technologies, plus nous les laissons faire. Sur un TRL bas, on avance de notre côté, puis nous transférons. Le Cnes a toujours fonctionné de cette manière. Par exemple, les cinq premiers satellites d’observation Spot [lancés entre 1986 et 2002, ndlr] et les satellites Pléiades ont été entièrement spécifiés par le Cnes, puis Airbus a pris le relais. Il est désormais à la manœuvre sur les satellites Pléiades Neo. C’est parfois un petit déchirement, parce que tout ce que nous développons, nous le donnons finalement à d’autres, mais ça nous pousse à être en permanence dans l’innovation. Les industriels montent en puissance. Notre boulot est d’aller là où ils ne vont pas. Nous préparons le coup d’après et nous y mettons de plus en plus de moyens. Grâce à cette interaction avec nos industriels,

Quels sont les moyens mis sur la table pour penser « le coup d’après » ?

Ils sont assez importants. Nous sommes sur une trajectoire croissante de soutien de l’État. Au budget du Cnes de 2,4 milliards d’euros s’ajoutent désormais les enveloppes des programmes France Relance [365 millions d’euros] et France 2030 [1,5 milliard d’euros], dont l’État nous a confié la mise en œuvre avec Bpifrance. Sur notre budget propre, 1 milliard est consacré à l’Agence spatiale européenne (ESA) au titre de la contribution de la France.

Quels projets scientifiques allez-vous porter dans les prochaines années ?

Nous voulons mettre en place et mener de beaux programmes scientifiques avec les autres agences spatiales. C’est crucial pour le rayonnement scientifique de la France et de l’Europe. Les laboratoires du CNRS et des universités ont besoin de ces programmes pour poursuivre leurs recherches. Nous voulons également accélérer les projets liés à l’observation de la Terre pour le climat. C’est un enjeu majeur du spatial européen, notamment au travers du programme qui succédera à Copernicus. La France détient un vrai savoir-faire dans les technologies d’observation de la Terre et la Nasa vient nous chercher


Quel est le futur des lanceurs européens ?

Le Cnes doit aider les start-up, avec des programmes d’incubation et d’accélération, mais aussi en leur achetant des lancements.

à chaque fois dans ce domaine. Nous pouvons mesurer de nombreux paramètres, comme la température, la salinité des océans, l’humidité des sols, la composition de l’atmosphère –notamment le CO2 –, ou encore l’altimétrie des mers et demain celle des fleuves et grands lacs. Autant de données qui viennent nourrir les modèles climatiques. Nous savons acquérir toutes ces informations, mais nous voulons désormais qu’elles soient plus nombreuses, collectées plus souvent et de manière plus précise.

Quelle est la place des technologies d’exploitation des données issues du spatial au Cnes ?

Ces compétences sont cruciales pour le Cnes. Savoir bien utiliser les données est aussi important que leur acquisition. Quel que soit le type de data que l’on souhaite traiter, il faut souvent pouvoir les croiser avec des données au sol. Et c’est quelque chose qui, souvent, n’est pas très bien fait. Il y a également des enjeux techniques

importants dans le fait de manipuler correctement des données: ainsi, lorsque vous cherchez à mesurer un phénomène physique, vous allez avoir des capteurs différents ou alors calibrés différemment. Il faut pouvoir déterminer comment, numériquement, vous êtes capables de corréler, redonder et améliorer la fiabilité des données. C’est de la mise en relation de données hétérogènes. Une compétence désormais fondamentale. À cela s’ajoute la gestion des données elles-mêmes, produites par les satellites. Les datalinks ne sont pas suffisants pour tout redescendre: il faut donc identifier, là-haut, quelles sont les informations les plus pertinentes pour l’analyse. Les satellites doivent embarquer de plus en plus de capacité de calcul. C’est un vrai défi parce que l’on n’aime pas beaucoup effectuer des calculs dans un environnement aussi défavorable que l’espace. Sur tous ces sujets, nous espérons renforcer les compétences du Cnes en partenariat avec d’autres organismes de recherche, comme le CNRS et l’Inria.

Le lanceur, c’est l’accès à l’espace. C’est donc le cœur de l’autonomie stratégique spatiale européenne. C’est pour cela que la France a tant investi dans les programmes Ariane. Nous avons aujourd’hui un lanceur lourd, Ariane 5, très efficace mais cher. Notre priorité, c’est de réussir Ariane 6 et d’avoir un premier lancement très rapidement. Ariane 6 coûtera deux fois moins qu’Ariane 5 et, grâce à sa forte modularité, remplacera le lanceur Soyouz que nous utilisions en Guyane. Cette fusée va également offrir une flexibilité inédite grâce à son premier étage réallumable. Elle a déjà enregistré un énorme succès commercial: Arianespace vient de signer un gigantesque contrat avec Amazon pour 18 lancements. Au-delà d’Ariane 6, il y a la question du réutilisable. C’est une technologie que nous ne maîtrisons pas encore et nous devons nous en emparer! Le lanceur Maïa, annoncé fin 2021, sera un lanceur de petite dimension [500 kg de charge utile, ndlr] réutilisable, propulsé par le moteur Prometheus. Il nous permettra de fourbir nos armes sur cette technologie tout en ouvrant, lors de son lancement en 2026, un marché pour la mise en orbite basse de satellites de petites dimensions.

De nombreuses start-up sont également positionnées sur le segment des micro ou petits lanceurs…

Oui, et le financement de France 2030 va accélérer cette dynamique. Ces jeunes pousses ont plein d’idées très intéressantes, mais elles ne vont pas passer du jour au lendemain du microlanceur au lanceur super lourd. Travailler sur un lanceur, c’est développer un moteur qui teste les limites de la résistance des matériaux. Un booster, ce sont des centaines de tonnes d’explosifs! Tout cela demande du temps, des compétences très fortes et des budgets conséquents. Le Cnes doit aider ces start-up, au travers de programmes d’incubation et d’accélération, mais aussi en leur achetant des lancements. Elles veulent surtout qu’on leur fasse confiance. Nous devons être capables de discuter avec elles techniquement pour déterminer les idées les plus pertinentes justifiant un soutien public et les aider à les développer. Plus leurs idées sont crédibles, plus nous aurons confiance, plus nous serons capables de leur acheter des lancements et donc de les crédibiliser sur le marché. C’est un fonctionnement que la Nasa a déjà mis en place avec un certain succès. Il marchera également chez nous. Propos recueillis par Alexandre Couto et Manuel Moragues

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innov

JEC Awards

Cinq innovations pour verdir les composites Souvent pointés du doigt pour leur impact sur l’environnement, les matériaux composites se réinventent depuis quelques années. De nombreux projets portant sur des composites biosourcés, recyclables, hybrides ou encore compostables ont ainsi été présentés lors de la dernière édition des JEC Innovations Awards, le 26 avril à Paris. Alexandre Couto

UN PANNEAU COMPOSTABLE CO L’entreprise bretonne Kaïros a développé un matériau entièrement recyclable et compostable, baptisé Kairlin. Il s’agit d’un panneau composite en PLA (acide polylactique) – un polymère issu du végétal – renforcé avec des fibres de lin, qui se présente sous la forme de plaques ou de structures sandwiches. Le matériau a été validé à l’échelle industrielle : son épaisseur et son état de surface sont contrôlés avec précision. Il peut facilement être usiné à l’aide de procédés classiques. Selon la société, ce matériau peut être composté en fin de vie grâce à un procédé de compostage industriel, c’est-à-dire disposant d’un environnement contrôlé permettant sa dégradation. D.R.

DES PALES D’ÉOLIENNES OLIENNES RECYCLABLES

Avec le développement des parcs d’éoliennes, la recyclabilité des pales en composites est une question de plus en plus centrale dont les industriels doivent s’emparer. À l’instar de la filiale danoise de Siemens Gamesa Renewable Energy. Elle a conçu, en partenariat avec le groupe indien Aditya Birla Advanced Materials, la pale d’éolienne offshore RecyclableBlade. Son atout : une excellente recyclabilité. Si elle offre la même qualité et la même durée de vie que les pales traditionnelles, sa matrice polymère peut être dissoute grâce à des solutions acides douces. Le matériau, un thermoplastique, peut ensuite être récupéré et réutilisé.

SIEMENS GAMESA Primé dans la

DES PIÈCES POLYMÈRES HYBRIDES Entre la solidité des polymères thermodurcissables, la faible empreinte carbone des matériaux biosourcés et la facilité de mise en œuvre des thermoplastiques, pourquoi choisir? La société suisse Bcomp a été récompensée pour son composite innovant Amplitex qui réunit un biocomposite – association entre une matrice thermodurcissable et un renfort en fi fibre bre de lin – et un thermoplastique de type polyamide 6 (PA6), également biosourcé. Ces matériaux sont associés grâce à la technologie de soudage par ultrasons Conexus, mise au point

par l’industriel KTM. Cette technique, qui offre des liens solides entre les matériaux, permet également de les séparer facilement lors de l’étape de recyclage. Il suffit pour cela de chauffer le thermoplastique jusqu’à son point de ramollissement.

BCOMP Primé dans la catégorie Sports, loisirs et récréation

D.R .

catégorie Énergies renouvelables

KAÏROS Primé dans la catégorie Design, mobilier et maison

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VERS LE 100% THERMOPLASTIQUE

TRL 4 5

Le suédois Diab a développé un panneau sandwich 100 % thermoplastique – donc recyclable – pour l’intérieur des cabines aéronautiques. Ce matériau répond à l’ensemble des besoins actuels du secteur en termes de résistance, de conformité avec la réglementation Reach et de facilité de mise en œuvre. Ce panneau sandwich en thermoplastique est composé d’un cœur en mousse thermoplastique et de plusieurs peaux en polymères qui peuvent être soudées directement

à ce cœur. Chaque matériau entrant dans sa fabrication est qualifi é chez qualifié divers équipementiers aéronautiques et aujourd’hui utilisé dans la production de série.

DIAB Primé dans la catégorie Applications aéronautiques

D.R.

UN PROCÉDÉ OCÉDÉ POUR RÉUTILISER LES THERMODURCISSABLES EN FIN DE VIE

L’université de sciences appliquées de Windesheim (Pays-Bas) a mis au point un procédé afin de réutiliser des composites thermodurcissables en fin de vie. Les éléments thermodurcissables usagés sont traités mécaniquement pour être transformés en bandes ou flocons, qui pourront ensuite servir de renforts dans de nouvelles pièces. De la résine vierge et des renforts doivent être ajoutés, indique l’université, mais le nouveau produit peut être retraité et réutilisé de la même manière à la fin de son cycle de vie. Selon l’université de Windesheim, ce procédé permet de traiter efficacement des pales d’éoliennes ainsi que des coques de bateau en composites.

WINDESHEIM Primé dans la catégorie Bâtiment et génie civil D.R.

DES PIÈCES D’AÉROSTRUCTURE EN TITANE RÉALISÉES PAR MATRIÇAGE À HAUTE TEMPÉRATURE Lancé en 2018 et piloté par l’IRT Saint-Exupéry, en partenariat avec Airbus et Aubert&Duval, le projet Metallic advanced material for aeronautics (Mama) veut réduire les coûts de fabrication de pièces primaires d’aérostructure en titane. Les premiers résultats ont été présentés le 21 avril à Toulouse. En tête, un démonstrateur en alliage titane TA6V de 800 mm de longueur correspondant à un tronçon à l’échelle 1 d’un cadre de fuselage de l’A 350, obtenu par la mise en œuvre d’un nouveau procédé de matriçage à plus de 1000°C. Le TRL 4 avait été validé avec une presse de 1000 tonnes pour des pièces de 174 mm. C’est désormais une presse de 22000 tonnes qui est à la manœuvre pour le nouveau démonstrateur. À la clé: une réduction de 30% de la matière première, des gains sur les efforts de presse et sur les temps d’usinage final. L’objectif est maintenant de valider les niveaux TRL 5 et 6 d’ici à l’été 2023. «Nous visons une production en série dès 2025-2026 sur l’A 350, avant un déploiement sur d’autres programmes», précise Damien Proust, le vice-président airframe propulsion engineering chez Airbus. Le projet Mama s’intéresse aussi à de nouvelles voies technologiques visant à combiner le matriçage haute température à la fabrication additive métallique. La réparation d’un alésage de pièce de fixation de mât réacteur et des outillages de matriçage sont étudiés, tout comme des pièces de rechange pour des portions de ferrures de l’Airbus Beluga. Marina Angel

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360 innov

L’IRT Jules Verne lance un projet dédié au stockage de l’hydrogène liquide Baptisé Nomade, ce projet d'une durée de 36 mois est doté d'un budget de 5 millions d'euros. Il s'inscrit dans le programme de recherche industrielle dédié à la thématique du stockage embarqué de l'hydrogène liquide, lancé mi-avril par l'IRT Jules Verne, en partenariat avec des industriels de l'aéronautique, de l'automobile et de la défense. Nomade se concentre sur la question du maintien thermique à – 253 °C (sinon l’hydrogène bout) de ces réservoirs cryogéniques. « Une fois ces aspects de sécurité résolus, nous travaillerons sur la partie structure du réservoir (durabilité, allégement) », précise Thomas Pannelier, le chef du projet Nomade à l’IRT Jules Verne. Le projet rassemble de potentiels utilisateurs finaux ou intégrateurs (les avionneurs Airbus et Daher, l’équipementier automobile Faurecia, le constructeur naval de défense Naval Group, le fabricant de ballons dirigeables

Flying Whales, l’équipementier aéronautique Rafaut Group), le producteur d’acier Aperam, le fabricant de machines et lignes de production Fives, ainsi que d’autres centres techniques (le CEA, l’IRT Saint-Exupéry, Centrale Nantes). « C’est un projet multi-filières ! Le but est de faire monter en maturité des briques technologiques (du TRL 3/4 au TRL 6), explique Thomas Pannelier. Nous allons optimiser des technologies existantes (utilisées par exemple dans le secteur spatial), comme le stockage cryogénique en double paroi avec isolation sous vide.»

3,32 %

Aline Nippert

C'est le taux de fuite d’hydrogène associé

à l’électrolyseur (avec une confiance de 50 %), d’après un rapport publié le 8 avril par le cabinet de conseil Frazer-Nash Consultancy. Elles atteindraient 9,2 % au maximum. Toutes technos confondues, c’est le maillon le plus préoccupant en termes de fuites. A. N.

«L’HYDROGÈNE N’EST PAS NEUTRE POUR LE CLIMAT, MAIS RESTE TRÈS BÉNÉFIQUE POUR LIMITER SON RÉCHAUFFEMENT» ENVIRONNEMENT

D.R.

Une étude britannique publiée en avril estime que le pouvoir réchauffant global (PRG) du dihydrogène serait de 11. Que pensez-vous de ces résultats ?

DIDIER HAUGLUSTAINE Directeur de recherche CNRS au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement

Les collègues anglais ont calculé le PRG de l’hydrogène (H2), une valeur qui prend en compte les propriétés radiatives du gaz et l’aspect temporel, en général cent ans comme ici. Ils ont montré que si on émet 1 kg d’H2 dans l’atmosphère, cela équivaut à émettre 11 kg de CO2. C’est un travail sérieux, qui utilise des modèles de chimie atmosphérique bien connus. Il est probablement en cours de relecture par les pairs. Comment le calcul est-il réalisé ?

L’hydrogène est un gaz à effet de serre indirect, c’est-à-dire qu’il n’absorbe pas directement le rayonnement infrarouge comme le méthane (CH4) ou le CO2. 12

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Nous devons donc passer par des modèles de chimie atmosphérique pour estimer le forçage radiatif de l’hydrogène. Ce qui ajoute une incertitude sur la valeur. Comment l’hydrogène réchauffe-til (indirectement) le climat ?

L’H2 va s’oxyder en réagissant avec le radical hydroxyle (OH). Résultat : il y a moins d’OH dans l’atmosphère pour détruire le CH4. Le temps de vie du CH4 dans l’atmosphère augmente donc, ce qui contribue au réchauffement climatique. Ce mécanisme représente à peu près la moitié cet effet indirect. Ces chiffres remettent-ils en question le bénéfice climatique de l’hydrogène ?

Ce que rappelle cette analyse, c’est que l’hydrogène n’est pas neutre pour le climat. Le point d’attention pour

passer à une économie hydrogène, c’est la quantité d’hydrogène libérée dans l’atmosphère. À savoir, les fuites ! Le passage à une économie hydrogène reste extrêmement bénéfique pour le climat. Si nous étions censés bénéficier d’un abattement des émissions de CO2 en 2050 à hauteur de 6 milliards de tonnes grâce à l’économie hydrogène (scénario de l’Hydrogen Council), l’étude indique que le gain réel sera plutôt de 5,9 milliards de tonnes. À partir de quel taux de fuite le déploiement de la filière hydrogène deviendrait-il inutile ?

Jusqu’à des taux de fuite de 15 %, une économie hydrogène reste avantageuse pour le climat. Sachant que 15 %, c’est irréaliste ! Propos recueillis par A. N.


PASCAL GUITTET

Des automates de marques différentes peuvent être programmés avec un seul langage.

NUMÉRIQUE

La virtualisation pour faire converger IT et OT Faire communiquer et converger l’informatique (IT) et les automatismes industriels (OT) est l’un des prérequis de l'industrie 4.0. Mais comment se comprendre quand on ne parle pas la même langue? C’est pour venir à bout de cette tour de Babel que la société grenobloise Sogilis, spécialisée dans le développement de logiciels, a conçu la plateforme IReflex, un atelier de développement de programmes de contrôle-commande qui vient se placer à l’interface entre l’IT et l’OT. Cette invention lui a valu d’être lauréate, en avril, du concours d'innovation I-Nov, financé par l'État dans le cadre du plan de relance. Pour mettre en place un système de contrôle-commande, deux approches sont possibles: soit celle, coûteuse, qui consiste à faire appel à l’informatique

Industrie du futur Les deeptechs européennes loin derrière les américaines

embarquée, soit celle, complexe, qui nécessite de connecter les automates industriels à l’informatique. Cette dernière approche est complexe car les informaticiens et les automaticiens ont longtemps pris des chemins parallèles, sans se croiser, et leurs outils sont difficiles à mélanger. «La culture et les pratiques dans le génie électrique sont très différentes, et même si la finalité des appareils est là même, ils ont trente ans de retard par rapport à ce que l’on trouve en génie logiciel», détaile Christophe Baillon, le président de Sogilis. L’ambition d’IReflex est de «lever le mur entre ces deux mondes.» La plateforme consiste en un atelier de développement, avec un langage de programmation unique facile à utiliser pour tous, conçu pour déployer les programmes de commande facilement grâce à la virtualisation sur n’importe quel automate. «Je pense que cette innovation a le potentiel d’une rupture technologique pour l’OT à la hauteur que celle opérée par VMware quand il avait virtualisé les serveurs informatiques», affirme Christophe Baillon. É. D.

Dans leur rapport publié le 28 avril, la Banque européenne d'investissement (BEI) et l'Office européen des brevets (OEB) alertent sur les obstacles auxquels font face les PME européennes de la deeptech dans le développement des technologies dites de la quatrième révolution industrielle. Bien qu'ayant le même profil en termes de taille et d'âge, leurs homologues américaines déposent plus du double de demandes de brevets dans ce domaine qui regroupe les innovations concernant l'internet des objets (IoT), le cloud, la 5G et l'intelligence artificielle (IA). Celles-ci se concentrent sur leur marché domestique, jugé prioritaire, contrairement aux PME européennes, dont les technologies restent trop applicatives, limitant leur déploiement international. É. D.

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360 innov « LES OUTILS NUMÉRIQUES DE SIMULATION INTERVIENDRONT À TOUTES LES ÉTAPES DE LA CHAÎNE DE VALEUR» FABRICATION ADDITIVE

STUDIO BRUNO COHEN

Le Cetim a organisé en avril son premier symposium dédié à la fabrication additive métal. L’occasion de mettre en avant le rôle de la simulation numérique…

PAULINE LE BORGNE Responsable de la fabrication additive au Cetim

Les outils numériques de simulation vont jouer un rôle important dans l’industrialisation de la fabrication additive, notamment pour fiabiliser les process. Ils vont intervenir sur toute la chaîne de la fabrication additive pour optimiser de nombreux paramètres, allant de la préparation de la poudre aux propriétés mécaniques de la pièce finie. La simulation nous aide à mieux comprendre comment interagissent les paramètres de production afin d’apporter une plus grande maîtrise du procédé. Elle va garantir la conformité des pièces au cahier des charges.

La fabrication additive est un procédé multiphysique (thermique, optique, mécanique…). N’est-ce pas un défi de vouloir simuler l’ensemble de ces interactions ?

Nous n’avons pas besoin de simuler toutes les interactions ! Des chercheurs ont justement mis en avant que certaines données étaient suffisantes pour avoir un modèle pertinent du procédé. Nous les appelons « paramètres d’influence », car leurs variations ont un effet important sur la qualité finale de la pièce. Certains travaux ont pointé qu’ils pouvaient même influer sur les microstructures. Les recherches s’orientent dans un premier temps sur l’identification de ces paramètres qui vont nous permettre de mettre au point des outils de simulation.

Ces travaux pourraient-ils aboutir à la création d’un jumeau numérique ?

Ce serait effectivement une évolution naturelle. L’objectif est d’avoir des machines-outils capables d’anticiper les défauts de fabrication ou de les corriger en temps réel. C’est un point important lorsque l’on sait qu’un défaut peut signifier de mettre la pièce au rebut et s’avère coûteux en fabrication additive métallique. Idéalement, dans le cas du jumeau numérique, les données issues des machines viendront nourrir en continu un modèle. Il sera capable d’évaluer si un paramètre diffère trop de celui qui a permis de produire une pièce type. La machine pourra alors rectifier les paramètres pour garantir la conformité du produit.

Propos recueillis par Alexandre Couto

SANTÉ

Nous avons pu établir des ordres de grandeur entre les différentes technologies de communication : les réseaux mobiles 4G sont une à deux fois plus énergivores que les réseaux fixes, au sein desquels les réseaux cuivre ADSL sont quatre fois plus gourmands en énergie que la fibre. ANNE-LAURE DURAND Chef de l’unité Observatoire oire des marchés à l’Arcep. L’organisme a publié en avril vril la première édition de son enquête annuelle « Pour un numérique soutenable ». SHUTTERSTOCK

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L’IA s’attaque à l’échographie Alors que les projets incorporant l’intelligence artificielle (IA) dans l’analyse d’imagerie se multiplient, l’échographie reste un domaine dans lequel l’IA peine à prendre sa place. C’est ce constat qu’espère changer le projet Suog (Smart ultrasounds in obstretics and gynecology), qui propose un dépistage des anomalies fœtales en temps réel, et dont les essais cliniques à grande échelle sont prévus cette année. « Il y a plusieurs milliers de signes différents qui peuvent être visibles lors d’une échographie. Au cours de sa carrière, un échographiste n’en voit qu’un dixième au maximum», explique le Docteur Ferdinand Dhombres, du service de médecine fœtale de l’hôpital Trousseau à Paris et porteur du projet. Suog repose sur la combinaison d’un modèle entraîné en apprentissage supervisé à la reconnaissance d’images échographiques et sur des algorithmes

de raisonnement sémantique. « Ces derniers reposent sur des représentations de connaissances, des ontologies, et vont permettre d’avoir des réponses qui tiennent compte des relations entre les différents concepts du domaine », détaille-t-il. En cadrant ainsi les résultats obtenus, ces algorithmes ne souffrent pas de l’effet «boîte noire» de l’IA, et leurs processus de décision restent lisibles par l’échographiste. L’assistant prendra la forme d’un logiciel intégré à l’échographe, qui proposera à l’opérateur des diagnostics pendant l’examen. Une aide nécessaire, car on estime à 130 000 le nombre de cas d’anomalies congénitales et à environ 50000 de celui de grossesses extra-utérines sur cinq millions de naissances chaque année en Europe. É. D.


SERVICES D’ÉTALONNAGE Safran s’appuiera sur l’outil d’analyse par éléments finis Ansys Mechanical pour développer une architecture de moteur non carénée.

SYS

AN

NUMÉRIQUE

La simulation multiphysique d’Ansys pour les moteurs open fan de Safran Début mai, l’éditeur de logiciels de simulation numérique Ansys a conclu un accord avec Safran Aircraft Engines, dans le cadre du projet CFM Rise (Revolutionary innovation for sustainable engines), dont General Electric Aviation est partenaire. Ce programme vise à mettre en service une nouvelle gamme de moteurs d’avion qui consommeraient 20 % de carburant en moins que les meilleurs moteurs actuels d’ici à 2035. « Nous avons travaillé pendant plusieurs années avec Safran pour qualifier la pertinence de notre solution sur leur projet », affirme Christophe Bianchi, le directeur de la stratégie économique d’Ansys. Rapidité et précision sont, d’après l’éditeur, les principaux atouts qui ont séduit le géant de l’aéronautique. Pour décrire le comportement du moteur d’avion, la simulation doit prendre en compte les différentes physiques (mécanique, thermique…). Mais pas seulement. « Comme les modèles de turbomachines sont dynamiques, nous intégrons à nos modèles les interactions des flux et structures. Les calculs à résoudre sont extrêmement complexes », insiste Christophe Bianchi. Ces moteurs non carénés (« open fan ») – une rupture technologique – nécessitent des matériaux complexes (en composites). « Nous devons comprendre finement ces nouveaux matériaux complexes, pour établir un maillage très fin, ce qui requiert in fine des puissances de calculs distribués sur le cloud ou sur des fermes de calculs », explique Christophe Bianchi. Aline Nippert

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photo tech

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Assemblage d’un géant Sur le site de Cadarache, à Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône), une nouvelle étape vient d’être franchie dans la construction d’Iter, le plus grand réacteur de fusion au monde. La première section de la chambre à vide a été installée le 11 mai dans le puits d’assemblage du tokamak. Les équipes sont parvenues à positionner cette pièce d’un poids total de 1 380 tonnes et d’une hauteur de 11,4 mètres, avec une précision de l’ordre du millimètre. Huit autres segments similaires viendront former un tore de 19,4 mètres de diamètre, où 840 m3 de plasma seront confinés et portés à 150 millions de degrés Celsius. Alexandre Couto photo Iter Organization

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côté

labos

Électronique

L’IES de Montpellier imagine les futurs capteurs de l'industrie PHOTOS : IES

Expert des capteurs en environnements contraints, l’Institut d’électronique et des systèmes (IES) de Montpellier planche sur des dispositifs de mesure innovants. Ces travaux, à vocation industrielle, ont aussi de précieuses retombées pour la recherche.

E

n observant la salle blanche derrière des vitres panoramiques, un recoin baigné de lumière jaune attire l’œil des visiteurs. « C’est une salle dédiée à la photolithographie », explique Philippe Combette, le directeur de l’Institut d’électronique et des systèmes (IES). Quelques étudiants s’activent dans cet îlot doré. Des motifs précis sont transférés sur plaquette de silicium par exposition aux UV. Pour voir à quoi cela ressemble, il faut regarder au microscope un prototype d’accéléromètre thermique à convection (projet ANR-Astrid-DGA). Trois fils de platine sont suspendus au-dessus du support en silicium. Ils mesurent un gradient de température dont l’accélération est déduite. «La mesure de l’accélération repose sur la convection thermique, détaille le directeur. Ce cap-

Un accéléromètre thermique à convection Cet outil est composé de ponts de platine suspendus au-dessus d’une cavité. Le fil central est chauffé et, de part et d’autre, deux fils mesurent la température du fluide contenu

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dans la cavité. Une accélération modifie les mouvements de convection au sein du fluide : les deux détecteurs enregistrent alors une différence de température.

teur a été entièrement fabriqué par nos soins. Ce travail d’ingénierie est la base de notre activité.» La salle blanche ISO 7 de 400 m2, propriété de l’université de Montpellier, se situe au rez-de-chaussée de l’IES. Dans ce bâtiment récent, 240 personnes s’affairent autour de cinq axes de recherche: capteurs et instrumentation, matériaux, photonique et ondes, énergie, fiabilité et systèmes en environnement contraint. «Nous sommes des physiciens appliqués, nous travaillons pour la sécurité, la santé, l’environnement ou encore la communication, indique Philippe Combette. Nous sommes reconnus pour notre expertise en environnement contraint.» À l’origine d’une dizaine de brevets et de deux à trois transferts de technologie par an, l’IES poursuit l’objectif de «faire véritablement de l’innovation, c’està-dire amener une idée jusqu’à son marché», vante son directeur. Le laboratoire peut s’appuyer sur ses compétences depuis le matériau jusqu’au prototype, couvrant les niveaux TRL 3-4 à 6-7. Pour retracer la genèse de l’accéléromètre, il faut passer de salle en salle à travers des couloirs aux couleurs pop. L’une d’elles, dédiée au dépôt de couche mince par évaporation par canon à électrons, permet de déposer du platine sur une plaque de silicium. «Cet accéléromètre a été développé pour des applications défense et doit donc mesurer des accélérations de plus de 100000 g», commente Philippe Combette. Le platine est structuré en salle blanche, puis l’accé-


mission fabrication

Dans sa salle blanche ISO 7, l’IES réalise et caractérise des composants électroniques, optoélectroniques et des nanostructures.

Laboratoire Institut d’électronique et des systèmes (IES) Lieu Montpellier (Hérault) Techno Épitaxie par jets moléculaires

Intégré dans un circuit électronique de quelques centimètres de diamètre, cet accéléromètre encapsulé dans une résine doit mesurer des accélérations de plus de 100 000 g.

Débrider l’optoélectronique infrarouge

avons tellement réduit la partie électronique et la consommation d’énergie que nous sommes passés d’une remorque à une trottinette!» L’outil –inédit– s’adapte particulièrement aux environnements urbains, et un pré-brevet a été déposé. L’IES Engineering permet de développer un modèle vertueux pour l’industrie comme pour la recherche. « Depuis quelques années, les crédits se réduisent. Seuls 6,6 % de notre budget de fonctionnement proviennent de nos tutelles», déplore Philippe Combette. «Les projets assurent aux équipes contributrices un retour financier, en équipement et en personnel, qui alimente leur effort de recherche », ajoute Yves Elkaim. Ainsi, un drone marin de surface acquis dans le cadre d’un projet IES Engineering permet aux chercheurs de disposer d’un nouveau vecteur pour y tester des capteurs. « Cela va même plus loin, car l’IES Engineering travaille désormais sur des capteurs et systèmes destinés au milieu marin : nautisme, aquaculture, grands fonds, parcs marins ou encore énergies marines renouvelables », poursuit Philippe Combette. Confiant dans la pérennité du modèle, Yves Elkaim confie que le CNRS étudie actuellement la possibilité de le transposer à d’autres laboratoires de l’Institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes. D’autres visiteurs pourraient bien passer admirer le panorama de la salle blanche.

L’institut, dont l’ambition est d’« amener une idée jusqu’à son marché », s’est doté d’un centre d’ingénierie unique en son genre.

léromètre est encapsulé dans une résine, pour aboutir à un dispositif compact. Le capteur passe enfin par la salle de caractérisation et de vieillissement. Afin de renforcer les liens entre recherche et industrie, l’institut s’est doté d’un pôle unique en son genre en France: l’IES Engineering. Ce centre d’ingénierie est chargé de valoriser et de transférer les résultats des travaux de la recherche publique vers les acteurs du monde socio-économique. Des partenariats sont créés dans ce sens. «Nous mettons à profit l’infrastructure, les équipements et les expertises de l’IES pour répondre aux demandes des industriels, affirme Yves Elkaim, le responsable du centre. Depuis sa création en 2018, cette structure a permis d’accompagner sept projets, pour une dotation totale de 1,9 million d’euros. L’un d’eux, une trottinette électrique, trône au milieu de la salle. «On dit vecteur, pas trottinette», précise Yves Elkaim. L’engin n’a en effet rien d’enfantin. Il sert à transporter une caméra infrarouge, installée au bout d’un bras articulé. «La société Ceneau nous a sollicités pour développer un système de détection des fuites d’eau à partir d’un imageur infrarouge qu’ils avaient acheté, relate Yves Elkaim. Ils souhaitaient l’intégrer à une remorque de voiture. Nous

À Montpellier, Anaïs Marechal

À l’Institut d’électronique et des systèmes (IES), une plateforme de 150 m2 est dédiée aux technologies optiques fonctionnant dans l’infrarouge. Ici sont façonnés des détecteurs et des lasers reposant sur des nanostructures de semiconducteurs III-V à base d’antimoine. Le laboratoire a fait de la production de ces alliages complexes sa spécialité. Ces semi-conducteurs sont exigeants : seule l’épitaxie par jets moléculaires (MBE) – un procédé de croissance cristalline par dépôts successifs de couches atomiques subnanométriques – permet de fabriquer des composants de qualité. Le laboratoire dispose d’un Centre d’excellence sur les antimoniures (Équipex Extra, 2011). Il abrite trois bâtis d’épitaxie MBE (Veeco GEN II, Riber C21 et Riber 412), gérés par huit membres permanents. « La plateforme est ouverte aux collaborations avec les industriels. Nous établissons ensemble un cahier des charges et les spécificités techniques recherchées, détaille Thierry Taliercio, le responsable de l’équipe NanoMIR exploitant la plateforme. Nous pouvons ainsi leur fournir des couches épitaxiées au niveau pré-industriel. » La recherche sur ces antimoniures permet de générer des longueurs d’onde jusqu’à présent difficilement accessibles. Ils sont particulièrement adaptés au moyen infrarouge (2 à 12 µm) utilisé dans de multiples applications : détection de gaz, vision nocturne, diagnostic médical… Le laboratoire peut aussi déposer d’autres types de matériaux issus des colonnes III et V du tableau périodique (alliage GaAs, béryllium, tellure, phosphore…) comme éléments dopants. La plateforme permet la fabrication de détecteurs et de sources (lasers à puits quantiques, à cascade interbande ou à cascade quantique). « Nous sommes sollicités pour la réalisation de sources lasers sur substrats de silicium : ceux-ci permettent d’envisager une réduction importante des coûts », poursuit Thierry Taliercio. À nouveau lauréat d’un Équipex, en 2021, d’un montant de 5,6 millions d’euros, le laboratoire souhaite consacrer à l’avenir l’un de ses bâtis à la fourniture de plaques aux industriels. Le futur bâti d’épitaxie MBE permettra, lui, de tester de nouveaux matériaux pour les technologies quantiques. A. M. 19


côté labos UN ÉCHANGEUR DE CHALEUR MICROSTRUCTURÉ À HAUTE PERFORMANCE

Des chercheurs écossais ont exploité les propriétés de surface à l’échelle microscopique pour créer un prototype d’échangeur de chaleur à haute performance. Le cœur de leur système est composé d’un photopolymère structuré par stéréolithographie avec un motif gyroïdal, une géométrie de surface minimale triplement périodique. Cette configuration permet d’augmenter considérablement la surface de contact entre le système et le fluide de travail. Leur échangeur de chaleur possède ainsi un ratio surface/volume de 670 m2/m3 qui permet d’obtenir un coefficient de transfert de chaleur de 120 à 160 W/m2K, soit une efficacité supérieure de 55 % par rapport aux meilleurs produits sur le marché. T. Dixit et al., Applied Thermal Engineering, vol. 210, 2022, doi.org/10.1016/j. applthermaleng.2022.118339

Fil d’intelligence technologique

D.R.

par la rédaction

Des ingénieurs américains ont conçu une cellule thermophotovoltaïque capable de convertir la chaleur issue d’un émetteur à 2 400 °C en électricité avec une efficacité de plus de 40 %. Ces cellules visent à permettre le stockage thermique pour le réseau électrique en convertissant l’électricité en chaleur, stockée dans un matériau à bas coût comme le graphite, puis en convertissant la chaleur en électricité. Utilisant généralement des températures plus basses, autour de 1 300 °C, les cellules pèchent par leur efficacité. En se plaçant au-dessus de 2 000 °C, les chercheurs ont pu utiliser des semi-conducteurs III-V à large bande interdite qui leur ont permis d’augmenter l’efficacité.

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UNE IA DÉCENTRALISÉE POUR RESPECTER LA CONFIDENTIALITÉ DES DONNÉES DE SANTÉ

UN CAPTEUR OPTIQUE DE DÉTECTION D’HUMIDITÉ ULTRA-RAPIDE

UNE CELLULE THERMOPHOTOVOLTAÏQUE DONT L’EFFICACITÉ DÉPASSE LES 40 %

A. LaPotin et al., Nature, 2022, doi. org/10.1038/s41586-022-04473-y

A. Khan Mohd et al., Advanced Materials, 2022, doi.org/10.1002/ adma.202109547

Une équipe de scientifiques sud-coréens a développé un capteur colorimétrique ultrarapide sensible à l’humidité. Il est composé d’une structure métal-hydrogel-métal qui utilise une couche de nanoparticules métalliques désordonnées – un hydrogel de chitosane – et un substrat réfléchissant. Quand l’humidité externe change, la fréquence de résonance du capteur est modifiée en raison de la caractéristique de l’hydrogel de chitosane qui gonfle à l’état humide et se contracte à l’état sec. Ce nouveau capteur bénéficie d’une vitesse 10 000 fois plus rapide que les capteurs optiques conventionnels. Il peut être utilisé dans la détection de supports sensibles à l’humidité comme les codes de sécurité dans les billets de banque, les passeports ou encore les cartes d’identité.

J. Chunghwan et al., Science Advances, 2022, doi.org/10.1126/sciadv. abm8598

UN NANOGEL PROMETTEUR POUR LE TRANSPORT DE MOLÉCULES

Une équipe de scientifiques hollandais a mis au point un nanogel capable de transporter des molécules individuelles d’un liquide à l’autre. Pour ce faire, ils se sont intéressés aux bijels, des émulsions de deux liquides séparés par une couche ultramince de nanoparticules. Cette

NATURE

Les avancées de la recherche dessinent l’innovation de demain. Sélection de résultats publiés dans les revues scientifiques.

dernière stabilise la surface entre les fluides qui ne se mélangent pas. En accroissant la surface d’interaction entre les deux liquides, les chercheurs ont pu augmenter l’échange de produits chimiques. De quoi viser une économie d’énergie dans les processus industriels nécessitant la séparation de produits chimiques. D’autres applications sont envisagées : le développement de cellules solaires ou celui de membranes de séparation utilisables pour la désalinisation de l’eau de mer.

Si l’intelligence artificielle a le potentiel d’aider les médecins dans leurs diagnostics et leurs soins, elle requiert une formidable quantité de données diversifiées, dont le partage contreviendrait à la vie privée des patients. Une équipe anglaise teste une méthode de machine learning décentralisée, le Swarm learning, pour détecter les cellules cancéreuses sur des lames de tissus numérisées. Les algorithmes sont entraînés localement sur des données provenant de cinq cohortes, puis les poids des différents modèles sont transmis et moyennés sur chacun des postes locaux lors d’une synchronisation – sans passer par un poste central, à l’inverse du federated learning. Les résultats obtenus par ces modèles fusionnés sont supérieurs à ceux des modèles locaux, et comparables à ceux des modèles directement entraînés sur la totalité des données. O. L. Saldanha et al., Nature Medicine, 2022, doi.org/10.1038/s41591-02201768-5

L’entretie


D.R.

GAËL RICHARD enseignantchercheur à Télécom Paris, directeur exécutif de Hi! Paris

Un nouveau protocole pour combiner des atomes de carbone en un cycle benzénique – une structure stable – vient d’être mis au point. Sa spécificité ? Le couplage se produit sous ultravide, sur une surface… en or. Grâce à des méthodes de microscopie à effet tunnel et à force atomique sans contact, les chercheurs ont pu observer la synthèse étape par étape. En chauffant à 200 °C des groupes isopropyles (composés de trois atomes de carbone et de sept d’hydrogène), les molécules vibrent. En raison de sa forte adhérence à l’or, un atome hydrogène se détache de chaque molécule, créant des radicaux carbonés qui vont permettre l’assemblage de deux molécules en contact. Au-delà de la synthèse, ces travaux sont intéressants pour les perspectives qu’ils offrent dans une chimie sans liquide. A. Kinikar et al., Nature Synthesis, 2022, doi.org/10.1038/s44160-02200032-5

DÉPOLYMÉRISER DU PLEXIGLAS À FAIBLE TEMPÉRATURE ET SANS CATALYSEUR

Des chercheurs suisses ont mis au point des polymères qui, dissous dans un solvant et chauffés à 120 °C, se décomposent en quelques heures. Sans utiliser de catalyseur, ce procédé permet de récupérer jusqu’à 92 % des monomères constitutifs du matériau. Ces polymères sont des polyméthacrylates synthétisés par une technique de polymérisation radicalaire qui utilise un agent de transfert pour réguler la réactivité des extrémités de chaînes et ralentir leur croissance pour mieux la contrôler. Les chaînes polymères ainsi obtenues possèdent, à leurs extrémités, des groupements chimiques identiques très réactifs. Sous 120 °C, des radicaux en bout de chaîne sont produits et déclenchent une dépolymérisation rapide.

NATURE

SYNTHÈSE D’UN CYCLE BENZÉNIQUE SANS LIQUIDE

Pour des raisons de sécurité, les gaz inflammables comme l’acétylène doivent être manipulés dans des conditions de température et de pression données (entre 100 et 200 kPa à 24-25 °C), ce qui empêche des cycles de stockage et relargage optimaux. Une équipe franco-japonaise a démontré que l’utilisation d’une certaine catégorie de réseaux métalloorganiques (MOF), dont la spécificité est d’être « flexibles », permet de stocker et relarguer 90 fois plus d’acétylène pour un volume donné, dans les conditions imposées par l’industrie. Il est même possible de récupérer 77 % du gaz stocké dans une bouteille. De telles performances sont rendues possibles grâce à la grande capacité d’adsorptiondésorption de ces matériaux nanoporeux.

Les travaux de…

en intégral

DES MOF FLEXIBLES POUR STOCKER LES GAZ INDUSTRIELS INFLAMMABLES

M. Bonneau et al., Nature Chemistry, 2022, doi.org/10.1038/s41557-02200928-x

UN ŒIL ÉLECTRIQUE MINIATURE POUR DES MICRO-ROBOTS

Des chercheurs américains ont conçu un système de vision artificielle pour micro-robots. Ils ont pu reproduire les processus biochimiques de la vision et créer un œil électrique biomimétique. Grâce à une nouvelle génération de capteurs d’images et à des semi-conducteurs de van der Waals, « l’œil » peut détecter les couleurs rouge, verte et bleue. Ces semi-conducteurs, ultra-minces et flexibles, peuvent être empilés en trois dimensions. Les applications possibles sont nombreuses, comme la perception d’objets de couleur par les personnes malvoyantes ou le développement de caméra miniature pour le diagnostic médical, l’étude environnementale ou l’archéologie.

Vous avez décroché la bourse Advanced Grant du Conseil européen de la recherche, d’un montant de 2,5 millions d’euros. À quoi servira-t-elle ?

Cette bourse financera Hi-Audio, un projet lié au machine listening, c’est-à-dire l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) comme outil d’analyse et de traitement du son. La tendance actuelle consiste à entraîner des modèles d’IA de plus en plus gros en utilisant le moins possible d’informations en dehors des données d’apprentissage. Leurs performances sont donc corrélées à la quantité de données d’entrée et à la puissance de calcul, ce qui a un impact économique et environnemental non négligeable. Mon projet explore une voie alternative, une IA hybride et interprétable, d’où le sigle Hi. En quoi consiste cette approche ?

Nous intégrons des modèles qui décrivent notre connaissance de la structure des signaux, de la production ou de la perception du son, à un réseau de neurones. Cela va contraindre l’espace des solutions, permettant d’utiliser moins de données et de limiter le nombre de paramètres du modèle, le rendant plus lisible. La parole est par exemple produite par une vibration des cordes vocales et passe par la gorge, ce qui va permettre de réduire l’espace de représentation du son. La plupart de ces modèles existent déjà. L’objectif du projet et de les rendre intégrables et différentiables afin d’optimiser les paramètres grâce à des fonctions de coût [reposant sur l’écart entre les prédictions du modèle et la réalité, ndlr]. Quels types d’applications envisagezvous de développer ?

Retrouvez l’intégralité du Fil d’intelligence technologique

Nous visons deux principaux secteurs : le premier, bien sûr, est celui de la musique, avec notamment l’optimisation des outils de création. Le second est celui de l’analyse de scènes acoustiques. C’est un domaine en plein essor qui consiste en la différenciation, l’identification et l’extraction des différentes sources sonores d’un extrait. Prenez la voiture autonome : elle a des caméras, des radars et des lidars, mais pas d’oreilles. Or, il serait pertinent de savoir s’il y a une sirène ou un klaxon qui retentit derrière elle ou un individu qui parle au véhicule. Propos recueillis par Émilie Dedieu

L. Ningxin et al., ACS Nano, 2022, doi. org/10.1021/acsnano.1c09875

H. S. Wang et al., Journal of the American Chemical Society, 144, 10, 4678–4684, 2022, doi.org/10.1021/ jacs.2c00963

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côté labos

Labcom Le CNRS et Arkema s’allient pour améliorer les batteries

VirtUs exploite la réalité virtuelle pour modéliser les piétons C’est l’un des usages novateurs de la réalité virtuelle par la recherche présentés au salon Laval Virtual Europe, mi-avril. VirtUs, du nom de la future équipe de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), veut utiliser la réalité virtuelle pour modéliser le comportement des piétons et le reproduire dans une simulation de foule. «On immerge une personne dans le jumeau numérique d’une rue. Il est possible d’examiner son mouvement, son regard, la position de sa tête et même ses données biologiques », explique Julien Pettré, directeur de recherche à l’Inria. À l’avenir, la réalité virtuelle assortie de dispositifs simulant des efforts physiques pourrait servir à étudier les interactions dans une foule dense. F. M.

lauréat mode d’emploi

Les travaux porteront sur le développement de nouveaux matériaux à partir de polymères fluorés.

Le chimiste Arkema et le CNRS vont concevoir de nouveaux matériaux à partir de polymères fluorés pour les futures générations de batteries dans le cadre d’un laboratoire commun, lancé début mai. Cette famille de matériaux est notamment utilisée en tant que liant de cathode et revêtement de séparateur. «Pour augmenter la densité d’énergie de la technologie actuelle, donc son autonomie et sa vitesse de charge, il faudrait des électrodes plus épaisses. Pour cela, nous devons concevoir des liants à base de polyfluorure de vinylidène (PVDF) plus adhérents», explique Antony Bonnet, le directeur scientifique des matériaux pour l’énergie d’Arkema

AMI DIGITALISATION ET DÉCARBONATION DES TRANSPORTS FERROVIAIRES

et codirecteur du laboratoire. Mais les ambitions du labcom ne s’arrêtent pas là. « Les polymères ont également un beau rôle à jouer dans les technologies de batteries à électrolyte solide, assure le directeur scientifique. Un électrolyte 100% céramique pose encore beaucoup de problèmes techniques. Nous pourrions imaginer combiner des céramiques et des polymères pour le concevoir », illustre Antony Bonnet. Prévue pour au moins cinq ans, la collaboration entre le CNRS et Arkema se traduit par cinq contrats doctoraux. A. N.

Projet ECOTRAIN Financement 8 MILLIONS D’EUROS

France 2030 met sur les rails la navette ferroviaire de l’IMT Mines d’Albi Le projet Ecotrain, coordonné par l’IMT Mines d’Albi, figure parmi les premiers lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt « Digitalisation et décarbonation des transports ferroviaires », dans le cadre du plan France 2030. C’est une reconnaissance pour ce projet lancé en 2019 en marge du conseil scientifique de l’IMT, qui se voit ainsi doté d’un financement de 8 millions d’euros de l’Ademe. Son ambition : développer une navette ferroviaire ultra-légère et autonome, adaptée au transport de passagers et au micro-fret, pour relancer des lignes

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rurales en déshérence. « Nous sommes partis d’un besoin sociétal pour dérouler un scénario, établir une feuille de route technologique et fédérer des partenaires », explique Norbert Féraud, chargé de la recherche partenariale à l’IMT Mines d’Albi. Socofer, Stratiforme, Clearsy, Celad, Syntony, Arcadis et La Poste ont pris part à l’aventure. Le défi technologique est multiple : allégement du matériel roulant pour des navettes d’à peine plus de 12 tonnes, contre 50 tonnes pour un TER classique, grâce à l’utilisation renforcée de composites (avec

l’intégration de fibres végétales et de résines biosourcées) ; choix d’un groupe motopropulseur de moindre puissance (90 kW, contre 500 kW pour les autorails) ; adaptation de technologies de positionnement et de navigation ultra-sécurisées déclinées en partie de l’automobile ; reconfiguration d’une infrastructure connectée pour une gestion entièrement automatisée. « Le projet intègre aussi un volet de pilotage de la distribution énergétique à partir de petites centrales photovoltaïques, pour assurer la recharge des batteries », souligne Norbert Féraud.

Le calendrier est serré. Trois premières navettes seront testées dès 2025 sur une ligne pilote d’une dizaine de kilomètres pour relier les trois communes tarnaises d’Albi, de Puygouzon et de Saint-Juéry. Dans la foulée, une seconde liaison d’une cinquantaine de kilomètres devrait être mise en service en 2026 entre Agen et Auch, avant un déploiement à grande échelle.

Marina Angel


Le CNRS et GE simulent des turbines hydroélectriques pour intégrer les énergies intermittentes

Le Laboratoire des écoulements géophysiques et industriels (Legi- CNRS / Université Grenoble Alpes) a développé un code de simulation des turbulences qui va être exploité par General Electric pour dessiner les nouvelles générations de turbines hydrauliques dans le cadre d’une chaire industrielle. Financé par l’Agence nationale de la recherche, ce partenariat entre la recherche et l’industrie, d’une durée de quatre ans, s’inscrit dans un projet plus large (Yales2, chapeauté par le CNRS) qui vise à mettre au point un outil de simulation dans la mécanique des fluides. Pour devenir des outils de flexibilité du réseau électrique, les centrales hydroélectriques devront fonctionner sur de larges plages de régime, et plus uniquement sur leur meilleur point de fonctionnement. « Cela génère des tourbillons, qui peuvent avoir un gros impact sur les performances de la turbine », explique Guillaume Balarac, titulaire de la chaire et professeur à Grenoble INP-Ense3. Pour maintenir de bonnes performances, les équipes du Legi développent donc un code de simulation de ces turbulences. Ce qui est loin d’être trivial, en raison du caractère non prédictif de ces mouvements dans le fluide. « Nous connaissons les équations, mais nous ne disposons pas de puissance de calcul suffisante pour les résoudre. Ainsi, nous simulons seulement les plus grands tourbillons – ceux qui ont le plus d’impacts –, et nous nous contentons de traduire l’effet des plus petits tourbillons sans avoir à les résoudre », précise le chercheur. A. N.

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ÉNERGIE

Un laboratoire commun pour récupérer la chaleur des fumées industrielles L’IMT Mines Albi et la PME française Eco-Tech Ceram ont lancé fin avril un laboratoire commun pour améliorer le système de l’entreprise qui, pour l’instant, ne récupère la chaleur que de fumées « propres ». « Pour toucher les autres, soit 80 % des industriels dotés de fours, comme les cimentiers, il faut s’assurer de la compatibilité du système avec des fumées complexes », souligne Yasmine Lalau, du centre de recherche Rapsodee de l’IMT. Les recherches visent à garantir le maintien des

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performances sur une durée de vie satisfaisante. « Nous identifierons les phénomènes qui se produiront – corrosion, condensation, encrassage –, puis réfléchirons à des solutions d’évitement ou à la mise en place de protocoles de maintenance préventive.» A. N.

Crise des semi-conducteurs, guerre en Ukraine et sanctions contre la Russie, séisme au Japon…

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deeptech Hycco prolonge les piles à combustible

Fondée en 2019, la start-up toulousaine développe, en partenariat avec l’IMT Mines Albi-Carmaux et le laboratoire Laplace du CNRS, des plaques bipolaires en composite thermosplastique renforcé par de la fibre de carbone. La technologie devrait franchir le TRL 7 d’ici à la fin de l’année pour les piles à combustible à membrane échangeuse de protons (PEM), qui dominent largement le marché. Les plaques bipolaires – situées à chaque extrémité d’une cellule– fabriquées par Hycco devraient permettre d’allier durabilité et compacité. «Les véhicules lourds à hydrogène sont

HYCCO

La durée de vie des plaques bipolaires d’Hycco, à base de carbone, est estimée entre 20 000 et 30 000 heures.

équipés de plaques bipolaires en métal, mais leur durée de vie n’excède pas les 300 000 kilomètres, rappelle Ludovic Barbès, le directeur financier et cofondateur d’Hycco. Quant aux plaques à base de graphite, durables, elles mesurent entre 2 et 3 mm d’épaisseur, ce qui les rend trop lourdes pour les applications en mobilité.» Les plaques d’Hycco pèsent 1,5 g/cm3, soit 1,7 fois moins qu’une plaque métallique (non assemblée) de 0,1 mm d’épaisseur, d’après la start-up. « Et nous garantissons entre 20 000 et 30 000 heures de fonctionnement », assure le directeur financier. Hycco prévoit de démarrer une ligne de production pilote (10000 pièces par an) à la fin de l’année, à Toulouse. «D’ici à cinq ans, nous visons l’échelle industrielle, à savoir des millions de pièces par an», précise Ludovic Barbès. Aline Nippert

10 M€ pour Sylfen et ses systèmes de stockage d’énergie et de cogénération à base d’hydrogène pour les bâtiments. 15 M€ pour la solution d’analyse d’images de mammographie par IA de Therapixel. 17 M€ pour Cairdac et son pacemaker autonome sans pile alimenté par l’énergie LEVÉES DE FONDS des battements du cœur. 5 M€ pour les huiles riches en oméga 3 issues de microalgues de Polaris. 10,7 M€ pour Kalray et ses puces dédiées à l’IA.

TechCash

Métasurfaces Issu de recherches menées à l’Institut Langevin à Paris, Greenerwave, fondé en 2016, s’approche de la phase d’industrialisation de son invention : des métasurfaces reconfigurables inspirées de l’optique adaptative. Celles-ci réfléchissent et focalisent les ondes radiofréquences, permettant d’accroître l’intensité du signal transmis à un récepteur donné. « Concernant les applications télécoms, notre niveau de maturité technologique se situe entre 7 et 8 », indique Geoffroy Lerosey, son directeur général et cofondateur. 24

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Grâce à sa technologie, la start-up veut résoudre une problématique de la 5G millimétrique et des très hautes fréquences : la multiplication des stations de base, onéreuses et énergivores, pour que ces faisceaux d’ondes très directifs et bloqués par le moindre obstacle se propagent sans déperdition excessive. Testé en octobre 2021 au Japon avec l’opérateur NTT Docomo et Asahi Glass, un réflecteur de Greenerwave a induit un gain de puissance de 20 dB pour un signal à 28 GHz reçu par un terminal mobile. La start-up est en train de remplacer les diodes présentes sur ses surfaces par des interrupteurs en silicium, pour réduire le coût de son innovation d’un facteur 10. F. M.


La start-up 3L-OPTRONICS

Secteur PHOTONIQUE Créée en 2020

DEEPER PULSE

Texturer le silicium pour une vision de nuit à bas coût

TOPOLOGIES ÉLECTRIQUES

GREENERWAVE

Lancée fin 2020, la start-up toulousaine Deeper Pulse développe un logiciel de simulation physique capable de générer des topologies de moteurs électriques innovantes, grâce aux travaux menés dans le Laboratoire plasma et conversion d’énergie (Laplace) du CNRS. Résultat : ces machines optimisées mathématiquement consomment moins de matière et d'énergie et gagnent en couple. Pour chaque maille du modèle, l’algorithme prend les décisions structurelles optimales – mettre, ou non, du fer, du cuivre, de l’aimant à tel endroit – sur la base des équations de Maxwell, qui régissent l'électromagnétisme. « Des millions de décisions sont prises de manière systématique ! C’est le cœur de l’innovation », souligne Thomas Baudin, le PDG de Deeper Pulse. En 2021, sa start-up a breveté le rotor d’une machine synchro-réluctante. « Il consomme 38 % de fer en moins et gagne 25 % en termes de couple par rapport à celui de General Motors qui est déjà sur le marché », se réjouit Thomas Baudin. A. N.

Greenerwave a développé des réflecteurs reconfigurables en temps réel capables de contrôler les ondes électromagnétiques.

3L-Optronics utilise la lumière naturelle, dans le visible et le proche infrarouge, pour voir aussi bien la nuit que le jour. L’idée n’est pas nouvelle : l’imagerie passive, qui ne nécessite pas de source de lumière additionnelle, est déjà intégrée aux technologies militaires. Mais 3L-Optronics veut dépasser le dilemme posé par la faible luminosité : soit utiliser des capteurs à base d’indium, de gallium ou encore de cadmium, des composés très coûteux et complexes à mettre en œuvre, soit utiliser des intensificateurs de lumière, une technologie qui reste analogique. « Grâce à notre technologie, nous allons diminuer par cinq le coût de ces imageurs de nuit et apporter la digitalisation et le traitement numérique de l’image », affirme Ludovic Escoubas, le cofondateur de 3L-Optronics. Le secret d’une telle économie ? L’utilisation de capteurs réalisés à partir de matériaux standard de la microélectronique. « Nous avons mis au point un procédé physico-chimique qui permet de texturer certains matériaux, comme le silicium, pour les rendre plus sensibles aux photons du proche infrarouge. Compatible avec les équipements déjà présents dans les salles blanches de l’industrie microélectronique, ce procédé peut être appliqué en fin de production sans modifier les étapes précédentes», poursuit celui qui fut également le directeur adjoint de l’Institut matériaux microélectronique nanosciences de Provence (IM2NP). C’est dans ce laboratoire (UMR CNRS-université Aix-Marseilleuniversité de Toulon) que ce procédé a commencé à voir le jour en 2009, dans le cadre d’une thèse Cifre en partenariat avec Thales. En 2014, il a fait l’objet du dépôt d’une famille de brevets qui a donné naissance à 3L-Optronics fin 2020. La start-up, hébergée au Technopôle Marseille Provence Château-Gombert, est en phase de maturation technologique pour avoir, d’ici à 2023, des premiers démonstrateurs opérationnels. Ensuite, elle espère devenir un acteur du marché militaire et de la sécurité. Le traitement de l’image digitale et l’IA doivent permettre de démocratiser la vision de nuit dans l’automobile, la téléphonie mobile et l’instrumentation scientifique.

Alexane Roupioz

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deeptech New space

Le moteur à polyéthylène d'HyPrSpace sur la bonne voie La start-up bordelaise HyPrSpace, spécialisée dans la conception de microlanceurs spatiaux, a annoncé le 28 avril avoir réalisé une levée de fonds de 1,1 million d’euros. Obtenue auprès du fonds Geodesic, du fonds French Tech Seed géré par Bpifrance et d’investisseurs privés, cette somme servira à accélérer le développement de son lanceur, baptisé OB-1, qui vise la mise en orbite de charges utiles de 250 kg, soit des nano et microsatellites. Pour se démarquer de la concurrence qui s’annonce féroce sur ce marché, HyPrSpace mise sur son propulseur hybride. Il combine un comburant liquide, de l’oxygène, à un carburant solide, du polyéthylène –un plastique très courant. Une technologie qui permet de s’affranchir de certains équipements de cryogénisation habituellement utilisés. Avec cette levée de fonds, la start-up pourra démarrer la campagne d’essais de son moteur en 2023. HyPrSpace espère tester son moteur en vol début 2024. Si la jeune pousse est bien avancée sur le propulseur –son cœur de métier–, elle fera sous-traiter le design du lanceur en luimême. Elle a participé à l’appel à projets sur les microlanceurs réutilisables du volet spatial de France 2030, afin d’obtenir un financement pour concevoir cette fusée. A. C.

DONNÉES SPATIALES La start-up française Prométhée a annoncé le 12 avril une levée de fonds de 4,12 millions d’euros. De quoi accélérer le déploiement de ses services géospatiaux, qui combinent une plateforme agrégative de données et une constellation de nanosatellites d’observation à haut taux de revisite. L’objectif: démocratiser l’utilisation des données spatiales. Prométhée espère boucler un nouveau tour de table de 15 millions d’euros avant la fin de l’année. A. C.

ÉNERGIE

Au salon MIX.E, le stockage thermique de l’électricité en démonstration Lancée en 2019, la start-up Stolect a présenté son système réversible capable de convertir l’énergie électrique en énergie thermique lors du salon MIX.E, dédié aux mix énergétique bas carbone, qui s’est déroulé à Lyon (Rhône) à la mi-avril. Fondé sur des batteries de Carnot, « notre système stationnaire permet de stocker massivement de l’électricité, sans recours aux matériaux critiques et de manière plus sûre qu’avec des batteries lithium-ion », avance

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Jean-François Le Romancer, le président de Stolect. En phase de stockage, des turbomachines alimentées à l’électricité chauffent l’air à 600 °C et le compressent à 5 bars. « L’énergie est stockée dans une enceinte constituée de matériaux réfractaires – des roches basaltiques –, capables d’emmagasiner de grandes quantités de chaleur», détaille Jean-François Le Romancer. En phase de déstockage, les roches cèdent leur énergie

thermique à l’air en circulation. « Cet air va ensuite chauffer, puis passer à travers une turbine de détente reliée à un alternateur. L’électricité ainsi produite est réinjectée dans le réseau.» D’après la start-up, le déstockage peut se dérouler en cinq à dix heures et le rendement du système atteindre 70 %. La construction d’un premier système à échelle 1 (1 MW) devrait démarrer cet automne sur un site de la SNCF à Rennes (Ille-et-Vilaine). « Nous visons la commercialisation fin 2023 ou début 2024 et ciblons les sites industriels et les zones isolées qui veulent décarboner leur mix énergétique », précise le dirigeant. Aline Nippert

ÉE

ÉTH

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C’est le nombre de nouveaux partenariats industriels annoncés par Fairmat lors du

JEC 2022, le salon de l’industrie des composites, organisé à Paris du 3 au 5 mai. La deeptech française traitera les chutes de production de matériaux composites en fibre de carbone de Duqueine Rhône-Alpes et analysera la compatibilité des déchets de Tarmac Aerosave et de Siemens Gamesa avec son procédé de recyclage. Ces accords – le premier commercial, les deux autres de R & D – répondent tous à l’ambition de la jeune pousse : produire un nouveau matériau composite haute performance dans une démarche de développement durable. A. N.


se réinvente avec une série d’innovations

Le référent de l’innovation technologique, depuis la deeptech jusqu’à l’usine

NOUVEAU ! > Industrie du futur, Deeptech, grands défis de l’innovation, actualités des labos, technologies clés, … le site devient Le Club des Managers de l’Innovation, 100% dédié aux abonnés sur usinenouvelle.com > Micro-électronique 3D, impression 3D, captage du CO2, robotique autonome, graphène, start-up deeptech, batteries tout solide, … le magazine repensé se veut un véritable outil de travail + applicable et + inspirant, en version papier et digitale > Antoine PETIT - PDG du CNRS, Philippe BAPTISTE - Président du CNES, Jean DALIBARD - Physicien et médaille d’or 2021 du CNRS, ... des entretiens et des échanges utiles, avec de grands acteurs de la R&D > 5 résultats de publications scientifiques à ne pas rater chaque semaine, avec la nouvelle version de la newsletter Fil d’Intelligence Technologique (FIT)

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P. 35 Grapheal, des pansements connectés aux tests Covid-19

P. 36 Trouver l’application qui fera décoller le marché

P. 38 Au LNENanotech, la recherche de standards s’organise

V. BOUCHIAT ; D. KALITA / CNRS

P. 31 Annick Loiseau (Onera) : « Un véritable tissu d’entreprises s’est créé, en lien avec le monde académique »

P. 40 Des dangers pris au sérieux P. 42 Les nouvelles frontières de la 2D

Graphène l’heure du bilan Flagship

Le vaste programme européen de R&D sur ce matériau bidimensionnel annoncé comme révolutionnaire se clôturera l’an prochain, après dix ans d’existence. Peu d’applications de ses étonnantes propriétés existent aujourd’hui, contrastant avec l’engouement initial.

Écosystème

Un tissu d’entreprises s’est créé, en lien avec la recherche académique. Procédés de fabrication en voie d’industrialisation, évaluation des risques sur la santé en cours, normalisation qui avance... Ne manque plus qu’une «killer app» pour faire décoller le graphène.

Famille 2D

Dans la foulée du graphène, des centaines de matériaux 2D, issus de matériaux lamellaires, ont été isolés par les chercheurs qui explorent leurs propriétés exotiques. Un vaste champ de recherche s’est ouvert, qui inclut désormais des hétérostructures superposant des monocouches différentes.

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Feuillets de graphène (les petites étoiles blanches) déposés par dépôt chimique en phase vapeur sur un substrat de cuivre.


dossier

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dossier

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uin 2010. Après avoir présenté son projet à Bruxelles, Jari Kinaret n’y croit pas vraiment. «Les autres candidatures étaient bien plus avancées que la mienne », se souvient le professeur de physique à l’université de technologie de Chalmers (Suède). Sa présentation de trois minutes devait convaincre la Commission européenne que le graphène –ce matériau à deux dimensions (2D) découvert six ans plus tôt, composé d’une couche unique d’atomes de carbone assemblés en nid-d’abeilles– était le meilleur candidat à un grand programme de recherche européen, dit «flagship». Ne baissant pas les bras, il poursuit tant bien que mal le montage d’un consortium. Quelques mois plus tard, un événement inattendu change la donne. Le 5 octobre, le prix Nobel de physique est attribué aux découvreurs du graphène: Andre Geim et Konstantin Novoselov, chercheurs à l’université de Manchester (Royaume-Uni). «Cela nous a certainement aidés », s’amuse aujourd’hui Jari Kinaret. Début 2013, il devient le directeur du Graphene Flagship, l’un des deux programmes flagship retenus. Un milliard d’euros sont alloués sur dix ans pour développer la recherche et la R&D afin de déboucher sur des applications. Galvani-

L’Europe est souvent considérée comme étant très forte pour faire de la recherche, mais inefficace pour en récolter les fruits dans des applications. Le graphène devait servir à prouver que c’était une idée reçue. JARI KINARET Professeur de physique à l’université de technologie de Chalmers

sée par un prix Nobel européen, l’Europe voit là une opportunité: il faut garder le leadership sur ce matériau voué à devenir «le matériau miracle du XXIe siècle, comme le plastique a été celui du XXe siècle», comme l’annonce alors la Commission. «L’Europe est souvent considérée comme étant très forte pour faire de la recherche, mais inefficace pour en récolter les fruits dans des applications, souligne Jari Kinaret. Le graphène devait servir à prouver que c’était une idée reçue.» «Superstar», «révolutionnaire», «nouvel eldorado»... À l’époque, les qualificatifs élogieux à l’égard du graphène sont à la hauteur des promesses. Il va changer le monde. Il faut dire que le séisme provoqué par sa découverte quelques années plus tôt est encore dans toutes les têtes. Car pour les physiciens, il ne pouvait pas exister. «Nous pensions qu’un matériau réduit à une couche atomique ne pouvait pas être stable », confie Annick Loiseau, directrice de recherche à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera). «Un matériau 2D allait forcément s’oxyder ou se recroqueviller sur lui-même », précise Vincent Bouchiat, le fondateur de Grapheal. «Des théoriciens comme Lev Landau, prix Nobel de physique en 1962, avaient prédit que c’était impossible, ajoute Laëtitia Marty, chargée de recherche CNRS à l’Institut Néel de Grenoble. Alors tout le monde le croyait.» L’isolement, en 2004, d’une couche unique d’atomes de carbone à partir d’un cristal de graphite par Andre Geim et Konstantin Novoselov a fait exploser ces certitudes. Leur outil? Un bout de Scotch. Ils s’en servaient au départ pour nettoyer le graphite, posant du Scotch sur le cristal, puis le décollant. Cela retire les impuretés… et quelques couches de carbone. Répéter l’opération permet d’aboutir à des couches uniques. «Une méthode d’une simplicité biblique, sourit Annick Loiseau. Cela a été une grande surprise.» Des propriétés extraordinaires Six ans plus tard, en décembre 2010, Andre Geim et Konstantin Novoselov sont à Stockholm (Suède) pour recevoir leur prix. «Une telle rapidité entre une découverte et le prix Nobel, c’est du jamais-vu, affirme Laëtitia Marty. Très vite, les gens se sont rendu compte du potentiel énorme de ce matériau.» Lors de l’isolement du graphène, les nanotubes de carbone occupent une bonne partie des scientifiques, qui vont franchir le pas vers la 2D. «Pour beaucoup, la transition s’est faite du jour au lendemain », se souvient la chercheuse. Et pour cause: les propriétés du graphène sont extraordinaires. suite p. 32

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BRUNO LEVY

objectifs du Flagship. Beaucoup de start-up sont en Italie, en Espagne, en Angleterre. On en compte un peu moins en France, mais de grands groupes sont présents. Sans compter les start-up créées en dehors du Flagship –comme Carbon Waters et Grapheal en France– et d’autres partenaires associés.

ANNICK LOISEAU

Directrice de recherche à l'Onera, missionnée par le CNRS pour mettre en place des réseaux de recherche collaborative dans le cadre du Graphene Flagship

« Un véritable tissu d’entreprises s’est créé, en lien avec le monde académique » En 2013, lors du lancement du programme européen Graphene Flagship, le graphène était présenté comme le matériau révolutionnaire du XXIe siècle. Est-ce toujours le cas? L’enthousiasme autour du graphène est toujours là. Mais les choses ont évolué. Il est devenu l’emblème d’une famille de matériaux 2D qui se sont développés et qui changent beaucoup de choses. À mon sens, l’avenir est dans la combinaison de matériaux 2D. Il y a un foisonnement très fort, notamment dans la recherche, de travaux sur ces nouveaux matériaux et leurs propriétés ainsi que sur leur assemblage dans des «hétérostuctures van der Waals » qui combinent plusieurs fonctionnalités ou en créent de

nouvelles. Et sur le fond applicatif, il y a un grand espoir de voir des choses déboucher.

Par exemple, le développement d’un système à base de graphène pour limiter le givrage sur des pales d’hélicoptère ou des ailes d’avion avec Airbus et Airbus Helicopters. Ou un projet de filtration de l’air dans un milieu confiné comme à l’intérieur d’un avion avec Lufthansa Technik. Mais le plus important est ailleurs. Il réside dans la construction globale d’outils et de structures de travail. Aujourd’hui, des tissus se sont créés et les connaissances diffusent du milieu académique vers les milieux applicatifs et industriels. Je préfère mettre cela en avant plutôt que décliner une liste de petites applications qui seraient la preuve que le graphène sert à quelque chose.

Pourtant, les applications dans la vie de tous les jours se font rares... Dix ans, c’est très court pour un développement technologique à partir d’un nouveau matériau. Les travaux sont partis dans beaucoup de directions. Certaines ne sont pas loin de la mise sur le marché de produits. Commencer par des applications de niche est inévitable. Mais les petits ruisseaux font les grandes rivières. En 2018, des projets «fer de lance» ont été mis en place dans le cadre du Graphene Flagship. Ils sont ciblés sur le développement d’applications en partenariat avec des industriels.

Quel bilan dressez-vous presque dix ans plus tard? Le marqueur le plus important est l’évolution des partenaires du Flagship. Au départ, ils étaient une cinquantaine. Ils sont aujourd’hui 170. De plus, en 2013, plus de 70% des partenaires étaient des laboratoires académiques. La majorité est maintenant constituée d’acteurs privés. Un véritable tissu d’entreprises, petites et grosses, faisant de la R&D sur le graphène, ainsi qu’une vingtaine de start-up issues du milieu universitaire, s’est créé. Il se développe en lien avec le milieu académique, ce qui était l’un des

L’objectif du Graphene Flagship était que l’Europe conserve une longueur d’avance sur le graphène. A-t-elle réussi? C’est difficile à dire. La recherche est active partout. Le Flagship a développé des interactions avec des pays extérieurs à l’Europe: les ÉtatsUnis, le Japon, la Chine, la Corée du Sud… Dans ces deux derniers pays, les travaux avancent très vite, de même qu’à Singapour. Depuis dix ans, les États-Unis ont réalisé beaucoup d’efforts sur les matériaux 2D autres que le graphène, mais en investissant, l’Europe a pu se hisser au même niveau. À quoi ressemblera l’aprèsFlagship? C’est en construction. Nous y travaillons avec la Commission européenne depuis fin 2019. Le Flagship se poursuivra tel qu’il est jusqu’à fin septembre 2023. Ensuite, nous entrerons dans le nouveau programme européen Horizon Europe. Les travaux sur le graphène seront inclus dans le volet «numérique, industrie et espace ». Les acteurs du Flagship et la Commission européenne ont défini des thèmes stratégiques pour la poursuite des recherches. Il y aura deux vagues. La première est déjà définie et en cours de lancement. Elle va donner lieu à des appels à projets compétitifs dans des secteurs applicatifs prometteurs. Il s’agira de monter en maturité. La deuxième vague est en préparation. Une structure chapeautera ces projets pour éviter les doublons et faire en sorte qu’ils se développent de manière cohérente. Le Flagship va disparaître, mais il aura posé des bases solides pour permettre au graphène et aux matériaux 2D de poursuivre leur route en Europe. Propos recueillis par Xavier Boivinet

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dossier

È H P A R G

NS O I AT C I L PP A S I TRO

NE È H RAP G DU S E ÈT R C CON

Depuis 2016, l’italien Vittoria incorpore du graphène dans certains de ses pneus de vélo de route et tout-terrain. Il affirme pouvoir ainsi améliorer leurs performances (adhérence sur sol humide, résistance aux frottements, longévité de la bande de roulement…).

INOV-8

En 2018, l’université de Manchester et la marque anglaise de chaussures de sport Inov-8 dévoilent la première paire de baskets à base de graphène. Incorporé dans la semelle, il la rendrait « 50 % plus solide », selon l’entreprise.

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Il conduit presque deux fois mieux le courant que le cuivre. Pourquoi? «Parce que les électrons peuvent s’y déplacer sans masse et avec une très grande mobilité, indique Annick Loiseau. Cela n’avait jamais été vu dans la matière condensée.» Grâce aux liaisons chimiques très fortes et stables entre les atomes de carbone, il est également 100 à 300 fois plus résistant que l’acier, tout en étant très fin et souple. Enfin, il dissipe très bien la chaleur –dix fois mieux que le cuivre–, et est transparent –il n’absorbe que 2,3% de la lumière visible. Des propriétés uniques, qui viennent de la disparition des interactions entre les monocouches atomiques constituant le graphite, matériau lamellaire. «Ces interactions sont faibles mais suffisantes pour participer aux propriétés globales du matériau massif», précise Stephan Roche, professeur à l’Institut catalan de nanosciences et de nanotechnologies (ICN2) à Barcelone (Espagne).

Les applications paraissent infinies: le graphène peut être mélangé à des polymères pour créer des composites plus résistants, conducteurs, ou dissipateurs de chaleur. Il peut être ajouté à des peintures ou des revêtements pour ses propriétés anti-corrosion. Il peut être utilisé en microélectronique pour ses propriétés électriques. Pourtant, presque dix ans après, le matériau est loin d’être entré dans notre vie quotidienne, même s’il existe quelques projets et petites applications, plus ou moins avancés. Il lui manque sa «killer app», celle qui le fera décoller. «C’est toujours très difficile à prédire, souligne Jari Kinaret. Les inventeurs du laser dans les années 1950 n’auraient jamais pu imaginer les principales applications qui ont été les siennes quelques décennies plus tard.» La révolution annoncée n’est donc pas encore perceptible. Les défis de l’industrialisation Comment l’expliquer? «Cela prend du temps», insiste Stephan Roche. Chercheur CNRS au Centre de recherche Paul Pascal à l’université Bordeaux I, Alain Pénicaud rappelle l’évolution classique de l’intérêt pour toute nouvelle technologie: d’abord une forte croissance, un


P. GUITTET

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EMBERION

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Spin-off de Nokia créée en 2016, Emberion développe des caméras dans le visible et l’infrarouge court dans lesquelles le graphène remplace l’arséniure d’indiumgallium. Les applications vont des machines industrielles aux véhicules autonomes, en passant par la surveillance. En janvier, l’entreprise a levé 6 millions d’euros pour augmenter ses capacités de production.

NCEM

Monocouche de graphène : les atomes de carbone sont assemblés en hexagones et forment une surface en deux dimensions. La distance entre deux atomes est de 0,14 nanomètre.

pic, puis une chute dans la «vallée de la désillusion», avant de remonter progressivement vers un plateau, quand la technologie donne ses fruits. « Le graphène est passé par une phase d’excitation au début des années 2010», remarque celui qui a l’impression de revivre ce qu’il a vécu avec les fullerènes dans les années 1980-1990 et les nanotubes de carbone dans les années 1990-2000. «Le pic pour le graphène est derrière nous. Mais seule la période qui suit la vallée de la désillusion reflète vraiment l’intérêt d’une nouvelle technologie. Et celle-ci est devant nous.» Pour Pascal Boulanger, le fondateur de Nawatechnologies, qui tente aujourd’hui d’exploiter le graphène dans ses supercondensateurs [lire cicontre], le graphène fait face à deux problèmes principaux : la qualité et le coût. Nombre de feuillets empilés, dimensions latérales, pureté… «Il est difficile d’avoir un matériau dont on est sûr que les caractéristiques, et donc les propriétés, seront toujours les mêmes», assure-t-il. Sans compter qu’il n’y a pas un graphène, mais des graphènes. Du «vrai» graphène à une seule couche, des empilements de quelques feuillets en solution, de l’oxyde de graphène, de l’oxyde

PASCAL BOULANGER Fondateur et directeur technique de Nawatechnologies

« Nous testons l’alliance des nanotubes et du graphène pour le stockage d’énergie » Nawatechnologies fabrique des supercondensateurs à base de nanotubes de carbone. À quand le graphène ?

C’est en cours. Nous mettons en place une machine de dépôt de graphène en spray développée par Thales Research & Technology. Le but est de combiner les nanotubes de carbone avec du graphène pour des supercondensateurs et des batteries. Il y a plusieurs options : faire croître les nanotubes sur du graphène, déposer du graphène entre les nanotubes ou les mélanger sous la forme d’une enduction. Nous allons tester plusieurs sources de graphène en solution en jouant sur la taille des feuillets et la pureté. Nous voulons comparer les performances obtenues en fonction de ces paramètres et en nous approvisionnant auprès de différents fabricants en Europe. Quel est l’intérêt du graphène ?

de graphène réduit… Difficile de s’y retrouver. «Et le coût est encore trop élevé», ajoute-t-il. Jari Kinaret évoque également la réticence des industriels à changer leurs procédés de fabrication pour intégrer du graphène. «C’est le plus gros challenge», estime-t-il. De nouveaux matériaux 2D Pour autant, «l’enthousiasme est toujours là», affirme Annick Loiseau [lire page 31]. Un écosystème s’est d’ailleurs formé autour du graphène. De nombreuses start-up se sont créées. «Elles lèvent d’importants montants de capitaux privés, remarque Jari Kinaret. C’est l’une des preuves les plus évidentes que nous ne sommes pas les seuls à croire au potentiel du graphène.» Des méthodes ont été mises au point pour le produire à l’échelle industrielle –ce que ne permet pas l’exfoliation mécanique avec du ruban adhésif. «Les efforts sont maintenant concentrés sur l’industrialisation», poursuit Jari Kinaret. Et les producteurs de graphène affirment avoir plein de projets prometteurs, même s’ils restent entourés d’un grand secret [lire page 36]. Une deuxième vague est même en préparation, celle des nouveaux matériaux 2D. «C’est un su-

En mélangeant des nanotubes et du graphène, il se crée des interstices entre les différents feuillets de graphène. Cela augmente la puissance de charge en créant des canaux qui permettent aux charges de circuler entre les différentes feuilles de graphène. Cela crée aussi plus de surface, donc la capacité de stockage augmente. L’association des nanotubes et du graphène permettrait également d’utiliser moins de matériau, avec les mêmes performances. Ou encore de remplacer les substrats en aluminium et en cuivre – qui commence à devenir rare – pour faire des électrodes entièrement en carbone. Où en êtes-vous ?

Nous avons démarré en 2020. Nous finalisons la machine et espérons lancer les opérations cet été. Thales Research & Technology a fait des tests en laboratoire sur les procédés. Notre rôle est de regarder le côté industrialisation grâce à une version semi-industrielle de la machine. Elle déposera du graphène sur un substrat d’aluminium de 30 centimètres de largeur qui défilera. Nous commencerons par une tête d’injection, puis quatre, voire huit. Avoir plusieurs têtes permet d’injecter en même temps plusieurs matériaux pour faire des combinaisons intéressantes. Dès que la machine sera prête, nous aurons les premiers résultats rapidement pour les supercondensateurs. Puis nous passerons aux batteries à plus long terme. Propos recueillis par X. B.

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CARBON WATERS

dossier

Carbon Waters teste l’intégration de son graphène en tant qu’additif dans des polymères pour en améliorer les performances : résistance mécanique et légèreté, conductivité électrique et thermique.

jet en plein boom», annonce Paolo Bondavalli, chercheur chez Thales Research & Technology. En étudiant le graphène, les scientifiques se sont rendu compte que tous les matériaux lamellaires pouvaient se décliner dans une version 2D. Nitrure de bore (BN), disulfure de molybdène (MoS2), disulfure de tungstène (WS2)… Il en existe des centaines, aux propriétés plus exotiques les unes que les autres. Une piste pour la nanoélectronique Stephan Roche travaille ainsi avec Samsung sur du nitrure de bore multicouche amorphe. «C’est un matériau exceptionnel pour les interconnexions dans la microélectronique grâce à son très faible coefficient diélectrique, sa haute stabilité thermique et ses bonnes propriétés mécaniques», précise-t-il. Il est même possible d’empiler des matériaux 2D différents pour créer des hétérostructures totalement artificielles. «Je pense qu’ils peuvent nous permettre d’inventer le futur de la microélectronique, au-delà du transistor utilisé aujourd’hui», avance Paolo Bondavalli. Une ligne pilote expérimentale (2D-EPL) est en cours de développement au sein d’un consortium emmené par le Centre interuniversitaire de microélectronique (Imec), en Belgique. Objectif: enclencher une dynamique dans la nanoélectronique en mettant au point les outils nécessaires à la production de puces intégrant du graphène sur des wafers de 200 millimètres (mm), mais aussi d’autres matériaux 2D, comme le disulfure de tungstène, sur des wafers de 300 mm. «Les outils sont en cours de développement, précise Inge Asselberghs, responsable de la logique 34

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Le pic pour le graphène est derrière nous. Mais seule la période qui suit la vallée de la désillusion reflète vraiment l’intérêt d’une nouvelle technologie. Et celle-ci est devant nous. ALAIN PÉNICAUD Chercheur CNRS au Centre de recherche Paul Pascal à l’université Bordeaux I

exploratoire à l’Imec et du volet du Graphene Flagship dédié à la 2D-EPL. Nous avons lancé un premier appel à projets à destination des laboratoires et des entreprises pour produire des premiers wafers d’ici à la fin de l’année.» Quant à savoir si la ligne pilote expérimentale sera suivie d’une véritable ligne pilote, Jari Kinaret reste prudent car aucune décision n’a été prise. «Des indices semblent montrer que la Commission européenne serait prête à soutenir cette initiative.» Plus discret qu’au début des années 2010, le graphène poursuit sa route. Et elle a maintenant des bases solides. Dossier coordonné par Xavier Boivinet


Des pansements connectés aux tests Covid-19 START-UP

Le grenoblois Grapheal développe des pansements dotés de capteurs et des tests diagnostics. Au cœur de son savoir-faire : la fabrication du graphène par dépôt chimique en phase vapeur et celle d’un polymère biocompatible.

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incent Bouchiat dépose délicatement une petite goutte sur un capteur dans un dispositif de la taille d’une carte de crédit, posé sur une tablette numérique. À l’écran, une courbe répond avant de se stabiliser en quelques secondes. « La conductivité électrique du graphène dans le capteur est modifiée pour atteindre un état caractéristique de la solution déposée», explique le fondateur de Grapheal, start-up grenobloise hébergée à Biopolis, une structure de l’université Grenoble Alpes. Pour la démonstration, il a utilisé de l’eau salée. «Mais dans notre laboratoire, nous utilisons une solution qui contient des antigènes du Sars-CoV-2 et un capteur à base de graphène sur lequel sont greffés des anticorps correspondants.» De quoi réaliser un test rapide de diagnostic du Covid-19. «Notre ambition est de faire des capteurs souples et biocompatibles pour des tests sur le terrain avec des dispositifs simples, connectés à un smartphone qui les alimente électriquement.» Début 2020, le Covid-19 a réorienté les travaux de Grapheal, qui travaillait auparavant sur des pansements connectés à base de graphène. «Après avoir vérifié la biocompatibilité de notre matériau, nous le destinions notamment à un produit de santé pour le suivi des plaies chroniques qui ont du mal à cicatriser», indique Vincent Bouchiat. L’idée est d’utiliser les propriétés électriques du graphène pour capter un signal biologique et le transmettre vers un smartphone. «Prouver son innocuité est un processus long. Mais à terme, nous pourrions envisager de faire des capteurs physiologiques embarqués pour le suivi de patients, de soldats, de sportifs…» Le cœur du capteur ou du pansement est composé d’une couche de graphène posée sur un film polymère biocompatible, un matériau obtenu par un procédé breveté codévelop-

Grapheal a mis au point un test Covid-19 reposant sur un capteur à base de graphène. Le résultat est transmis au smartphone.

pé à l’Institut Néel (Grenoble). «Ce matériau se situe à la frontière entre le monde organique de la biologie et le monde inorganique de l’électronique, précise Vincent Bouchiat. C’est pourquoi il est idéal pour faire de la bio-électronique.» Et donc pour développer des applications médicales. Du labo aux hauts-fourneaux Vincent Bouchiat a quitté la recherche pour tenter de commercialiser ce matériau. Il nous emmène dans son ancien laboratoire de l’Institut Néel sur la presqu’île de Grenoble, où se trouve le four de dépôt chimique en phase vapeur (CVD) qu’il utilise encore pour produire le graphène nécessaire à Grapheal. Dans un tube en quartz, une bande de cuivre est poussée manuellement vers une petite enceinte chauffée à 1 000 °C. À l’intérieur, trois gaz sont injectés: du méthane, de l’hydrogène et de l’argon. Le premier libère le carbone qui se dépose sur le cuivre pour faire le graphène. Le second capte le carbone en excès pour éviter que ne se forme de la suie. Le dernier est un gaz diluant. «Nous avons beaucoup travaillé sur la recette », confie Vincent Bouchiat. Le tout est assisté par ordinateur mais reste très artisanal.

V. BOUCHIAT / GRAPHEAL

Si les quantités de graphène produites permettent d’effectuer les développements réalisés à Biopolis, elles ne permettent pas d’envisager une industrialisation avec de gros volumes. Grapheal est en discussion avec plusieurs sociétés pour produire du graphène sur des rouleaux de cuivre de 30 centimètres de largeur et 30 mètres de longueur. «C’est très impressionnant, souligne Vincent Bouchiat. Des hauts-fourneaux, des rouleaux qui défilent dans une chambre chauffée à 1000°C… Cela ressemble plus à une papeterie qu’à une usine de microélectronique.» Pour libérer le graphène de son substrat en cuivre, tous deux sont recouverts d’un polymère plastique évaporé, puis condensé. Le cuivre est ensuite pelé électrochimiquement. Il passe dans une succession de bains. Dans le premier, où trempe une anode, un lit de bulles d’hydrogène se forme entre le cuivre et le graphène. Ensuite, le plastique se sépare du cuivre en emportant le graphène. «Nous avons modifié le plastique pour que le graphène y adhère plus fortement qu’à son substrat de croissance, permettant de le détacher sans l’abîmer, explique Vincent Bouchiat. Nous montons en volume avec ce procédé également. » Des montées en échelle qui s’effectuent en parallèle d’une levée de fonds pour passer à l’étape d’après: la construction d’une usine très prochainement. À Grenoble, Xavier Boivinet

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dossier

Trouver l’application qui fera décoller le marché

INDUSTRIALISATION

Les producteurs de graphène sont nombreux et prêts à produire plus. Mais l'application qui permettra de passer le cap de l’industrialisation reste à développer.

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aquettes de tennis, chaussures de sport, pneus de vélo… Le graphène a beau se faire une place parmi quelques applications de niche, il peine à passer à l’échelle industrielle. «Il manque encore cette première grosse application qui aura besoin de tonnes de matériaux par an, estime Henning Döscher, chercheur dans le département des technologies émergentes au Fraunhofer institute for systems and innovation research à Karlsruhe (Allemagne) et responsable de la feuille de route technologique du Graphene Flagship. Peu importe laquelle, il en faut une.» Pourtant, les moyens de produire du graphène et les producteurs ne manquent pas. La version monocouche –le «vrai» graphène– est obtenue par dépôt chimique en phase vapeur (CVD). C’est le procédé employé par Graphenea en Espagne ou Versarien au Royaume-Uni. En France, Graphene Production, Carbon Waters et Blackleaf fabriquent du graphène par exfoliation du graphite en phase liquide. Cela donne une suspension d’empilements de quelques feuillets en solution qui peut être utilisée en additif dans d’autres matériaux (polymère, encre, peinture…). «Les volumes ne peuvent venir que de ce mode de production», estime Henning Döscher. Mais cela ne veut pas dire que le CVD n’est pas industrialisable [lire l’encadré]. Quant à l’exfoliation mécanique –avec du scotch et du graphite–, elle reste principalement artisanale. «Si on compile ce que les producteurs annoncent, les capacités de production sont largement supérieures à la demande, poursuit Henning Döscher. Elles stagnent aujourd’hui. Tout le monde est prêt au changement d’échelle, mais personne n’est prêt à le financer sans clients. Et les clients ne viennent pas tant que le changement d’échelle n’a pas eu lieu. C’est le point de blocage.» L’enjeu actuel n’est donc pas de produire plus de graphène, mais de convaincre les industriels de s’en emparer. Car ils sont frileux. Une question de coût?

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Avec son graphène produit par un procédé développé à l’université de Bordeaux, Carbon Waters vise notamment des applications de revêtement anti-corrosion.


CARBON WATERS

«C’est un frein, et tous les producteurs tentent de le réduire», remarque Henning Döscher. Évidemment, aucun d’eux ne communique sur ses prix. Dans une étude publiée en février 2021, le chercheur a compilé les estimations des experts du secteur: alors que le prix de l’empilement de quelques feuillets de graphène (GNP) variait entre 100 et 700 euros par kilogramme (kg) en 2018, une valeur d’environ 50 euros par kg est considérée comme viable pour des premières applications à grande échelle. D’ici à 2030, le prix des GNP devrait atteindre entre 8 et 25 euros par kg en fonction de la qualité, voire 6 euros par kg à long terme. Pour convaincre, les producteurs de graphène remontent leurs manches. «Un mouvement s’est opéré ces dernières années, souligne Charlotte Gallois, chargée d’affaires chez Carbon Waters. Nous sommes passés d’une approche où nous vantions les mérites de notre matériau seul, à une approche fondée sur les besoins des industriels. Nous développons désormais des produits sur la base de leur cahier des charges.» Beaucoup de producteurs se sont dotés d’un bureau d’études où ils développent des applications à proposer aux industriels. «Nous n’avons pas le choix, il faut créer le marché, admet Yannick Lafue, le PDG de Blackleaf. Nous sommes des évangélisateurs du graphène.» De nombreux secteurs concernés Ce changement d’approche s’expliquerait, selon Henning Döscher, de trois manières. D’abord, le désespoir. «Les producteurs n’arrivent pas à vendre leur produit, ils doivent donc trouver des solutions», avance-t-il. Ensuite, l’utilisation du graphène est tellement spécifique à chaque application qu’il faut travailler en amont et main dans la main avec l’industriel. Enfin, il faut prendre en compte la valeur ajoutée. «Plutôt que de vendre un produit basique à bas coût, il vaut parfois mieux vendre plus cher un produit plus élaboré et directement utilisable par le client», précise-t-il. Selon Yannick Lafue, les industriels se montrent de plus en plus intéressés. «Au départ, nous étions à 100% proactifs. Maintenant, ils viennent vers nous

Le graphène monocouche veut changer d’échelle

C’est le seul procédé qui permette d’obtenir du «vrai » graphène, composé d’une couche unique de carbone : le dépôt chimique en phase vapeur (CVD). Autrement dit, du carbone issu de méthane chauffé qui s’assemble sur un substrat métallique. Un procédé difficilement industrialisable ? Et destiné à la recherche ? Vincent Bouchiat, le fondateur de Grapheal, n’est pas d’accord : « C’est une technique dédiée à des applications qui nécessitent des petites quantités de graphène sur de grandes surfaces. Mais elle est industrielle.» Grapheal en utilise pour ses dispositifs de diagnostic

un peu moins d’une fois sur deux.» Impossible d’avoir des noms pour cause de confidentialité. Et difficile de les trouver. «Ils ne veulent généralement pas en parler publiquement», confie Julien Petrizzelli, le fondateur de Graphene Production. «Ce sont de gros industriels», affirme Yannick Lafue. Aéronautique, pétrole, défense, packaging, béton… De nombreux secteurs sont concernés. Carbon Waters, lui aussi, indique travailler avec des gros industriels du spatial, de l’automobile, du luxe… D’où viendra cette application qui permettra de changer d’échelle ? Des batteries et des composites, indique Henning Döscher. Carbon Waters, Blackleaf et Graphene Production évoquent également les revêtements anti-corrosion. «Ce sera le premier marché du graphène», estime Julien Petrizzelli. «Un marché de centaines de milliers de tonnes par an», abonde Yannick Lafue. «C’est un grand axe sur lequel nous travaillons, ajoute Charlotte Gallois. Notre premier produit est en test de pré-qualification chez des industriels.» L’idée est de remplacer en totalité ou en partie des additifs à base de zinc ou de chrome par des additifs à base de graphène. «Nous avons commencé dans le bâtiment et nous avons maintenant des projets dans le naval, l’aéronautique et le ferroviaire», poursuit-elle. Au-delà des quelques litres par semaine pour alimenter son bureau d’études, Carbon Waters veut être capable de produire 5 tonnes annuelles dans une usine en région bordelaise, qui devrait être opérationnelle fin 2023 ou début 2024. Blackleaf envisage, de son côté, de produire une centaine de tonnes par an d’ici à 2024 dans un nouveau site à Strasbourg. Des annonces qui montrent qu’ils ont bon espoir de voir cette fameuse application commerciale majeure arriver tôt ou tard.

médical à base de graphène [lire page 35] « Nous avons aujourd’hui besoin de plus grosses quantités. Nous sommes en pourparlers avec différentes sociétés.» En Espagne, Graphenea, créé en 2010, synthétise du graphène par CVD. «Au départ, nos clients venaient du monde académique ou étaient des entreprises en phase de prototypage ayant de petits besoins, souligne Jesus de la Fuente, son PDG. Maintenant, les premiers produits sont en voie de commercialisation et nous voulons les accompagner.» À l’instar d’Emberion et sa caméra à détection dans

Xavier Boivinet

le visible et l’infrarouge court. L’optoélectronique fait partie des domaines privilégiés de Graphenea, avec la photonique et le diagnostic médical. L’entreprise dispose d’une ligne de production sur des wafers de 150 millimètres (mm) et souhaite passer à 200 mm. « Il faut optimiser le procédé, adapter au graphène des machines faites pour de l’électronique silicium, et investir beaucoup, estime le PDG. C’est un challenge.» Mais ce n’est pas infaisable.

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dossier Reportage

Le microscope à force atomique mesure l’échantillon en hauteur. Associé à un résiscope, il peut aussi mesurer la conductivité électrique.

PHOTOS : PASCAL GUITTET

Cet appareil de la plateforme Matis, conçu par le LNE, caractérise les propriétés physico-thermiques du graphène.

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Le LNE a mis au point une grille de repérage à l’échelle nanométrique pour combiner des données issues de différents appareils.

La microscopie électronique à balayage permet de mesurer le graphène en longueur et en largeur. Les équipements sont réglés finement à partir d’un poste de contrôle.


CARACTÉRISATION

Dédié à la caractérisation des nanomatériaux, l’institut contribue à l’élaboration de normes autour du graphène pour accélérer l’industrialisation de ce matériau.

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Au LNE-Nanotech, la recherche de standards s’organise

ur le site historique du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE), à Trappes (Yvelines), l’âge des bâtiments semble suivre le développement des disciplines abordées. Des structures datant des années 1970, dédiées aux mesures mécaniques ou à l’acoustique, jouxtent d’autres constructions sorties de terre au tournant des années 2000. Le bâtiment Maxwell, baptisé en l’honneur du père de l’électromagnétisme moderne, fait partie de ces dernières. Il regroupe les travaux réalisés sur le quantique et abrite, depuis 2018, un institut consacré aux nanomatériaux: le LNE-Nanotech. Membre du projet européen Graphene Flagship, cette entité planche sur la mise au point de protocoles de caractérisation adaptés au graphène, afin de créer des standards de production pour ce matériau encore très jeune. Cette proximité avec les recherches sur le quantique n’a rien de fortuite. C’est par ce biais que le LNE a commencé, en 2007, à étudier le graphène. «À l’origine, nous voulions utiliser les propriétés de ce matériau pour simplifier l’étalon de résistance électrique, explique le chercheur Félicien Schopfer. Ce dernier repose sur l’effet Hall quantique, un phénomène qui est plus facile à observer avec du graphène qu’avec des semi-conducteurs de type III-V.» Le LNE a dû trouver des sources d’approvisionnement et se doter de moyens robustes pour caractériser les matériaux. «Comme il n’y avait pas de production industrielle de graphène, nous avions plusieurs sources dont il nous

fallait évaluer la qualité pour en comprendre les propriétés », souligne Georges Favre, le directeur de l’institut LNE-Nanotech. Au cœur du bâtiment Maxwell, un couloir conduit aux différentes plateformes de caractérisation. Des vitrines présentent aux visiteurs d’élégants appareils de mesures en bois et métal et d’anciens microscopes. Une manière de rappeler que la métrologie est une discipline en constante évolution. En pénétrant dans la plateforme Carmen (caractérisation métrologique des nanomatériaux), le bond technologique est frappant: dans une salle blanche, maintenue à des conditions de température et d’hygrométrie contrôlées, des équipements de microscopie affichent leurs résultats sur de nombreux écrans d’ordinateurs. Identifier les différents graphènes Georges Favre fait le tour des équipements. « Ici, vous avez un microscope à force atomique (AFM). Il est conçu pour mesurer les hauteurs à l’échelle nanométrique. Dans la pièce voisine se trouve un microscope à balayage électronique (MEB) qui donne de très bons résultats sur la 2D. Nous travaillons sur des projets de métrologie hybride, permettant de combiner, pour une même particule, les données des deux appareils.» Avec le CNRS, le LNE a mis au point un support pour les échantillons ayant la forme d’une grille, d’un quadrillage à l’échelle nanométrique. Il s’adapte aux microscopes AFM et MEB et permet de retrouver les particules à mesurer, afin de déduire de nombreuses informations. «Nous pouvons ainsi voir les endroits où les feuilles de graphène sont superposées en couches plutôt que séparées. Cela peut être dû au procédé de production utilisé, précise Félicien Schopfer. On parle souvent du graphène, mais il faudrait plutôt dire les graphènes. Aucun n’est identique: l’origine du matériau et le procédé de production influent sur les propriétés finales. Nous cherchons à identifier et à catégoriser ces différences.» La plateforme Nael, quant à elle, est dédiée à la nanométrologie électrique, une caractéristique clé pour le graphène. Équipée d’une

cage de Faraday, elle est construite sur une dalle séparée pour l’isoler des perturbations. Au fond de la salle trône un équipement placé dans une boîte à gants. Il s’agit de l’instrument phare de la plateforme: un microscope à sonde locale électrique micro-ondes (SMM). «C’est un microscope en champ proche équipé d’une pointe émettant des micro-ondes, détaille Félicien Schopfer. Nous observons les propriétés électriques de la surface en fonction de la réflexion des ondes. Ce mode électrique nous donne accès à d’autres informations inaccessibles avec l’AFM. Par exemple, lors d’une observation d’une feuille de graphène obtenue par dépôt chimique en phase vapeur, l’AFM nous indiquait la présence d’impuretés. Avec le SMM, nous avons pu aller plus loin. Les différences de contraste nous ont montré si les impuretés se trouvaient au-dessus ou en dessous de la feuille de graphène.» Cette batterie de mesures multidisciplinaires fait du LNE-Nanotech l’un des organismes les plus avancés sur le graphène en Europe. En échangeant avec d’autres laboratoires –dont le National physical laboratory (NPL), au Royaume-Uni – et des industriels, il contribue à la normalisation du secteur. Il participe notamment à la commission Afnor/X457 sur les nanotechnologies, ainsi qu’à un projet de normalisation à l’échelle européenne, ISOG-Scope, lancé en septembre 2020. Objectif: développer d’ici à 2023 des procédures nécessaires à la caractérisation fiable des propriétés structurelles du graphène. Ce travail est indispensable pour industrialiser ce matériau, juge Georges Favre. «L’absence de standards est actuellement un frein. Nous devons posséder des normes qui permettront de produire des graphènes taillés sur mesure pour les besoins des industriels», conclut-il. À Trappes, Alexandre Couto

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dossier

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TOXICOLOGIE

Des dangers pris au sérieux Des études toxicologiques et écotoxicologiques sur les effets du graphène ont identifié certains dangers. Les procédures d’évaluation des risques sont à l’étude afin de savoir si elles sont adaptées aux nanomatériaux 2D.

SHUTTERSTOCK

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oins de dix ans se seront écoulés entre la découverte du graphène en 2004 et la volonté du programme européen Graphene Flagship, lancé en 2013, de le propulser vers des applications industrielles. Une période très courte. «C’est inédit», estime Alberto Bianco, directeur de recherche CNRS à l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg. Et risqué? Quel serait l’impact potentiel sur la santé humaine et l’environnement de ce matériau s’il se répandait? «Dès le début, des études toxicologiques et écotoxicologiques ont été lancées pour étudier les effets de ce matériau sur le vivant en parallèle des développements technologiques, poursuit Alberto Bianco, également responsable adjoint santé et environnement du Graphene Flagship. L’idée était d’éviter de refaire les mêmes erreurs qu’avec les nanotubes de carbone [lire l’encadré].» «Il y a plus de choses qu’on ne sait pas que de choses qu’on sait», constate Emmanuel Flahaut, directeur de recherche CNRS au Centre inter-universitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux (Cirimat) à Toulouse. Pour quelles raisons? «Tous les graphènes ne sont pas les mêmes», pointe Cyrill Bussy, enseignant-chercheur à l’université de Manchester (Royaume-Uni). «Nous avons beaucoup de mal à avoir une caractérisation fine des nanoparticules que nous utilisons, abonde Laury Gauthier, enseignant-chercheur et écotoxicologue au Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement (Lefe) à Toulouse. Cela reste un vrai challenge.» De nombreuses caractéristiques, comme le matériau employé, sa taille et même la manière dont il a été produit, peuvent induire ou non une toxicité. Évaluer les tests réglementaires Cyrill Bussy estime que la faible utilisation du graphène aujourd’hui fait que l’exposition humaine ne devrait théoriquement pas être massive. «Mais cela pourrait changer si de plus en plus de produits l’utilisant sont mis sur le marché.» Le mode d’exposition principal est l’inhalation. «L’ingestion est peu probable, à moins que des revêtements pour des contenants alimentaires ne se développent, préciset-il. Et pour une ingestion ou une exposition sur la peau, nous n’avons pas vu d’effets tant que les barrières cutanée et gastro-intestinale ne sont pas endommagées.» Ce dernier cas n’a cependant pas été évalué dans le cadre du Graphene Flagship. Si elles ne sont pas éliminées, les particules de graphène inhalées peuvent s’accumuler dans les poumons, induire une réaction immunitaire et une inflammation chronique pouvant déclencher une maladie sur le long terme. Alberto Bianco indique toutefois que des études ont montré sur des modèles cellulaires et animaux que les particules de graphène se dégradent sous l’effet d’enzymes –les péroxydases. L’action de ces dernières semble néanmoins ralentir à mesure que l’épaisseur du matériau augmente. «Les enzymes ont besoin d’interagir avec lui pour le


dégrader, donc il y a plus de risque qu’il persiste s’il est formé de plusieurs feuillets», expliquet-il. L’oxyde de graphène semble également se dégrader plus rapidement que le graphène pur. «Il a des défauts et des groupes fonctionnels qui favorisent sa reconnaissance par les enzymes et sa dégradation», poursuit-il. Si la dégradation du graphène est plutôt une bonne nouvelle, encore faut-il s’assurer que les produits de cette réaction ne sont pas plus toxiques que la molécule initiale. «Cela demande des études spécifiques, précise Alberto Bianco. Il a été mis en évidence qu’il se transforme en petites molécules aromatiques avec des groupements fonctionnels oxygénés.» Par rapport aux matériaux 1D comme les nanotubes de carbone, dans des conditions similaires et pour un même modèle animal, le graphène semble être moins « impactant », remarque Emmanuel Flahaut. Autrement dit, « avoir moins d’effets négatifs ». En revanche, parmi la famille des matériaux à base de graphène, l’oxyde de graphène semble avoir plus d’effets que le graphène pur. «Une raison pourrait être que l’oxyde de graphène se disperse mieux dans l’eau et pourrait donc interagir davantage avec le modèle étudié», explique-t-il. Des travaux du Cirimat et du Lefe montrent aussi que, contrairement au graphène pur, l’oxyde de graphène est génotoxique. «La bonne nouvelle est qu’il est possible de supprimer cette génotoxicité », souligne Emmanuel Flahaut. Comment? En éliminant, par traitement chimique ou thermique, une partie des fonctions oxygénées présentes à sa surface et qui sont responsables de sa génotoxicité, tout en conservant un graphène suffisamment oxydé pour qu’il reste facile à utiliser. «Ce résultat marquant devrait avoir un impact au niveau des applications in-

N. BUSSER

Il est possible de supprimer la génotoxicité de l’oxyde de graphène en éliminant, par traitement chimique ou thermique, une partie des fonctions oxygénées présentes à sa surface, tout en conservant un graphène suffisamment oxydé pour qu’il reste facile à utiliser.

ALBERTO BIANCO Directeur de recherche CNRS au sein de l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg

« Le graphène ne se comporte pas comme les nanotubes de carbone » Quels sont les risques associés aux nanotubes de carbone (NTC) ?

dustrielles, ajoute Emmanuel Flahaut. Nous cherchons à déterminer la quantité minimale d’oxygène à enlever.» Depuis 2020, en vue de l’industrialisation espérée de plus en plus de produits, une question a pris plus d’importance: celle des tests réglementaires. L’idée est de vérifier si les lignes directrices des tests imposés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour mettre de nouveaux matériaux sur le marché sont adaptées aux nanomatériaux 2D et, si elles ne le sont pas, comment les adapter. «Nous devrions fournir des informations aux comités responsables de ces procédures d’ici à septembre 2023», précise Alberto Bianco. Car ces procédures élaborées pour des substances chimiques ne sont pas forcément adaptées à des nanomatériaux. Ainsi, «pour les tests cutanés, les doses sont exprimées en grammes ou en milligrammes, ce qui représente des quantités énormes qui n’ont aucun sens pour un matériau comme le graphène qui est presque sans masse », soulève Cyrill Bussy. Comment s’assurer également qu’un modèle biologique –cellule, poisson, algue…– est bien exposé de manière homogène à une substance qui ne se dissout pas dans l’eau? Pour l’heure, Emmanuel Flahaut ne tire pas de conclusions quant à la pertinence des procédures actuelles. «Elles semblent toutefois raisonnables et proposent des solutions alternatives», avance-t-il. Par exemple, la possibilité d’agiter la suspension pour éviter que les particules ne sédimentent. Ou la possibilité d’ajouter un agent dispersant. «Nous testons ces pistes pour voir laquelle sera la plus adaptée.» Si une application industrielle majeure à base de graphène voyait le jour demain, serions-nous en mesure d’affirmer qu’il n’y aura aucun risque? «Impossible de l’assurer», répondent en chœur les chercheurs interrogés. «Seules des études de toxicologie réalisées sur le produit réellement utilisé dans une application donnée ont un réel sens prédictif», relève Emmanuel Flahaut. «Le meilleur moyen de réduire le risque est de poursuivre les recherches pour prédire les scénarios possibles», conclut Cyrill Bussy.

Les NTC ont tendance à s’agréger et à former de longues fibres, un peu comme l’amiante. Les cellules du système immunitaire chargées de les reconnaître comme des corps étrangers et de les éliminer n’y arrivent pas, parce que ces fibres sont trop grandes. Ces cellules s’accumulent autour des tubes et peuvent former des granulomes qui peuvent ensuite devenir des cellules tumorales. Mais tous les nanotubes ne se comportent pas de la même manière. Ceux qui sont longs, rigides, et qui s’agrègent en filaments sont toxiques et considérés comme cancérogènes. Il en existe d’autres qui, notamment quand ils sont raccourcis et modifiés chimiquement – par exemple, quand ils sont oxydés –, ne sont plus toxiques. Quelles erreurs ont été commises avec les NTC ?

Les études toxicologiques sur les NTC ont été entreprises trop tard. Elles n’ont pas été faites en parallèle des développements technologiques. Alors que les NTC ont été découverts en 1991, c’est seulement en 2008 que le parallèle avec les fibres d’amiante a été mis en évidence. Et les travaux qui ont montré qu’il était possible de moduler leur toxicité datent de 2013. L’idée qu’ils étaient dangereux était déjà ancrée dans l’opinion publique et c’était très difficile de revenir en arrière. En quoi le graphène est-il différent des NTC d’un point de vue toxicologique ?

Si les deux matériaux ont des structures graphitiques, les NTC ont une structure tubulaire avec un rapport longueurdiamètre important. Le graphène, lui, est planaire et ne forme pas de fibres. Il ne se comporte pas comme l’amiante ou les nanotubes. Il faut cependant faire des études d’accumulation. De plus, les cellules du système immunitaire peuvent le prendre en charge et le dégrader. Cela va dans le sens d’un risque moindre. Toutefois, alors qu’il existe peu de producteurs de NTC, ceux de graphène sont nombreux et en produisent des formes variées. C’est un gros challenge du point de vue de la réglementation.

Xavier Boivinet 41


dossier Reportage

RECHERCHE

Les nouvelles frontières de la 2D L Le graphène a ouvert la voie à des travaux sur toute une famille de matériaux 2D. Il s’agit aujourd’hui de mieux les connaître et de découvrir leurs propriétés parfois hors du commun. Reportage à l’Institut Néel de Grenoble, avec les explorateurs des basses dimensionalités.

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aëtitia Marty extrait d’un placard une boîte remplie de morceaux de Scotch. « On en utilise des rouleaux», s’amuse la chargée de recherche CNRS à l’Institut Néel de Grenoble. Sur chacun d’eux, de petites taches grisâtres: le fruit d’opérations d’exfoliation mécanique, la méthode qui a permis aux chercheurs de l’université de Manchester (Royaume-Uni) Andre Geim et Konstantin Novoselov d’isoler du graphène à partir de graphite en 2004. Les échantillons à l’origine des taches sont dans la boîte: des cristaux de la taille de gros grains de sable. Du graphite, mais pas seulement: diséléniure de molybdène (MoSe2), ditellurure de molybdène (MoTe2), diséléniure de tungstène (WSe2)… «Nous travaillons sur une trentaine de matériaux différents, précise Laëtitia Marty. Nous explorons leurs propriétés fondamentales qui apparaissent quand ils passent de la 3D à la 2D.» Le graphène n’a plus le monopole de la 2D. Certes, il a été le précurseur. Mais depuis, les scientifiques se sont tournés vers toute une palette d’autres matériaux 2D. «C’est venu progressivement, mais il y a eu une grosse accélération autour de 2015», estime Julien Renard, chercheur à l’Institut Néel qui utilise ces matériaux pour réaliser des dispositifs optoélectroniques. «Le nombre de publications suit une courbe exponentielle», abonde Nedjma Bendiab, enseignante-chercheuse à l’Institut Néel. En réalité, il ne s’agit pas véritablement de nouveaux matériaux. Le disulfure de molybdène (MoS2) ou le disulfure de tungstène (WS2) sont des semi-conducteurs bien connus. «En 2D, ils ont des propriétés intéressantes pour faire des lasers à seuil réduit, qui émettent de la lumière dès qu’ils reçoivent un petit courant et qui sont donc plus efficaces», explique Julien Renard. De couleur blanche dans sa version 3D, le nitrure de bore (BN) est lui utilisé dans des peintures ou des cosmétiques. En 2D, c’est un matériau neutre qui permet d’encapsuler un autre matériau 2D

pour le protéger, mais il peut aussi émettre de la lumière dans l’ultraviolet (UV). «Il est intéressant pour faire des diodes UV pour de la décontamination de virus», poursuit Laëtitia Marty. Combien y en a-t-il? «Des centaines, répond-elle. Certains utilisent même l’intelligence artificielle pour les trier en fonction de leurs propriétés, tellement il y en a.» Chaque matériau lamellaire –qui se présente sous forme de couches friables comme le graphite – est un matériau 2D potentiel. Sans compter qu’ils peuvent également être dopés ou assemblés les uns sur les autres comme des Lego. Cela crée des matériaux, dits à hétérostructure, totalement nouveaux et aux propriétés inédites. «Nous avons changé d’approche, souligne Nedjma Bendiab. Pendant des années, nous avons observé les cristaux dans la nature pour essayer de les refaire. Nous créons maintenant des matériaux artificiels pour qu’ils aient une propriété voulue.» Travail d’orfèvre En 2018, des chercheurs américains ont même montré que l’orientation de deux couches 2D superposées pouvait influer sur les propriétés du matériau : deux feuillets de graphène, posés l’un sur l’autre et décalés d’un angle de 1,05 degré –dit « angle magique » – forment un matériau supraconducteur, alors que le graphène monocouche ne l’est pas. « Nous réalisons désormais des assemblages de ce type avec d’autres matériaux 2D, pointe Julien Renard. Les applications à court terme


C. FRÉSILLON / CNRS PHOTOTHÈQUE

Ce spectromètre optique (à gauche) mesure l’émission optique d’un matériau et sa façon d’interagir avec la lumière. Ce testeur (à droite) peut descendre à – 269 °C. Chaque bras correspond à une pointe de mesure, électrique ou optique.

paraissent limitées, mais cela ouvre un champ de recherche infini.» Créer un échantillon pour l’analyser est un vrai travail d’orfèvre. Après avoir effeuillé un cristal avec du ruban adhésif, commence la quête d’un feuillet monocouche. «Avec l’expérience, nous arrivons à les repérer sans avoir à faire des mesures», glisse Laëtitia Marty. Une fois identifié, il est récupéré sur une machine mise au point ici: une lame de verre pour tenir l’échantillon, un système pour ajuster la température, un manipulateur, le tout sous un microscope. Chaque élément est indépendant et peut être déplacé dans toutes les directions. L’idée est de récupérer le feuillet unique –qui peut faire entre 20 et 30 microns– et de le déposer sur une autre surface qui sera l’échantillon. Ensuite, direction la salle blanche au rez-de-chaussée pour le dépôt d’électrodes. « C’est beaucoup de précision et de patience, souligne Laëtitia Marty. Cela peut prendre jusqu’à une semaine pour une hété-

rostructure compliquée.» Dans une salle voisine, une machine du même type est installée dans une boîte à gants pour réaliser la même chose avec des matériaux sensibles à l’air ou à l’eau, comme le phosphore noir qui s’oxyde en quelques secondes. Des lois de la physique malmenées Une fois l’échantillon créé avec un matériau, commence l’exploration. Nedjma Bendiab s’assied dans la salle de manipulations. «Nous travaillons sur le disulfure de tantale. À partir de la 2D, nous espérons parvenir à comprendre ses propriétés supraconductrices encore mal décrites en 3D.» Ici, on cartographie les contraintes d’un matériau, on mesure l’émission de lumière de deux matériaux superposés et dopés différemment, on observe la dissipation de chaleur… «Nous revisitons les dispositifs et les manipulations connus, mais nous nous heurtons souvent à des problématiques différentes à la fin», résume Laëtitia Marty qui refuse de considérer qu’elle réinvente tout. Même s’il faut parfois revoir quelques lois de la physique. Par exemple quand on se rend compte que la loi de Fourier qui décrit la dissipation de chaleur en 3D ne fonctionne plus en 2D. Ou que les interactions entre les électrons et la vibration du réseau cristallin, négligeables en 3D, deviennent importantes en 2D. Au-delà de l’exfoliation mécanique avec du Scotch, beaucoup de matériaux 2D peuvent

être obtenus par dépôt chimique en phase vapeur (CVD), comme le graphène. C’est le cas du MoS2, du WS2 ou de tous les semi-conducteurs. Le four utilisé est de même type. « Il suffit de changer la température, la pression, les gaz en entrée et le substrat métallique sur lequel il se dépose », précise Laëtitia Marty. S’ensuit une étape de transfert pour le décoller du substrat. Hormis une version atypique de croissance CVD sous ultra-vide, cette méthode n’est toutefois pas réalisée à l’Institut Néel pour les matériaux autres que le graphène. «Nous avons des collaborations», ajoute-t-elle. Le principe de croissance par CVD avait été optimisé pour les nanotubes de carbone (NTC). Le passage vers le graphène a donc été très rapide. À l’Institut Néel, les fours CVD pour les NTC côtoient ceux pour le graphène. De même, pour passer vers les nouveaux matériaux 2D, tout est allé très vite. «Tout était prêt, se souvient Laëtitia Marty. Les bases avaient été posées avec les NTC.» Engloutis par la vague de la 2D, ces derniers sont-ils définitivement tombés dans l’oubli? Pas sûr: aujourd’hui, de nouveaux matériaux 2D servent à construire des nanotubes. Et même, en 2021, des nanotubes faits de plusieurs couches concentriques à base de matériaux différents. Éclipsés par le graphène dans les années 2000, les nanotubes renaissent finalement de concepts issus de la 2D. Un juste retour d’ascenseur. À Grenoble Xavier Boivinet 43


enquête

D Fin 2021, la start-up a lancé la pré-production de membranes anioniques pour électrolyseurs alcalins de deuxième génération. Une technologie très prometteuse pour l’hydrogène bas carbone, mais qui doit encore gagner en maturité.

errière une étroite vitre, une silhouette enveloppée d’une large combinaison blanche dépose une étrange pâte sur le tapis roulant d’une machine bleu électrique. La matière blanche en sort ensuite sous la forme d’une fine feuille aux bords irréguliers. «Nous produisons encore les membranes anioniques de nos électrolyseurs alcalins de manière artisanale», commente Sébastien Le Pollès, le président et fondateur de Gen-Hy, en observant la salle blanche. Lancée en 2019, la spin-off de FlexFuel Energy Development a l’ambition d’industrialiser une technologie de rupture dans la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau : l’électrolyseur alcalin à membrane échangeuse d’anions (AEM). Celui-ci «cumule les avantages des deux électrolyseurs les plus matures, à savoir l’alcalin à électrolyte liquide et celui à membrane échangeuse de protons (PEM)», affirme le dirigeant de Gen-Hy. La jeune pousse industrielle s’est même associée au géant Eiffage afin de robotiser la ligne de production de ses stacks et de ses systèmes d’électrolyseurs dans une future usine de 8 000 m² d’une capacité annuelle de 30 mégawatts (MW), au Pays de Montbéliard Agglomération (Bourgogne-Franche-Comté) d’ici

REPORTAGE

Gen-Hy a installé sa ligne de pré-production dans un entrepôt de 1 000 m2 à Orly (Val-de-Marne). La start-up est la seule en France à fabriquer des stacks AEM, composés de 80 cellules. Elle utilise une poudre qui subit différentes étapes (mixage, séchage, laminage, découpage) avant de devenir une membrane active, à insérer entre les deux électrodes d’une cellule.

PHOTOS : HERVÉ BOUTET

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à 2023. Pour l’heure, c’est dans un entrepôt de 1 000 m², à proximité de l’aéroport d’Orly (Valde-Marne), que Gen-Hy a installé sa première ligne de pré-production. «Ici, nous pourrons produire 3 MW par an, soit une dizaine de systèmes d’électrolyseurs. Les premières ventes sont prévues pour juin 2023 », précise Sébastien Le Pollès. Derrière une lucarne, un objet cubique joliment strié – le « stack » de 50 kilowatts (kW) de l’électrolyseur Gen-Hy – est suspendu par une petite presse industrielle. Dans chaque stack, Gen-Hy empile successivement 80 cellules à membrane, le cœur de la technologie AEM. Cette fameuse membrane, coincée entre les deux électrodes, permet à la fois de séparer physiquement les gaz –l’hydrogène sort côté cathode, l’oxygène côté anode –, et de conduire électro-chimiquement les ions hydroxyde (OH-). Performant sans métaux nobles «Dans la cellule de l’électrolyseur alcalin classique, ces rôles sont remplis par un séparateur poreux et par un gros volume d’électrolyte liquide –qu’il faut faire circuler–, ce qui limite l’efficacité du système», explique Marian Chatenet, professeur à l’École de physique, électronique et matériaux (Phelma) de l’Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP). Grâce à

Gen-Hy industrialise


la cellule membranaire, la technologie AEM atteint des niveaux de production par surface similaires à l’électrolyseur PEM: les deux pourraient aller jusqu’à 2 ampères (A)/cm², contre 0,8 A/cm² pour l’alcalin classique, d’après un rapport de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) de 2020. «La technologie AEM, comme la PEM, est quasiment quatre fois plus compacte que l’alcalin à électrolyte liquide, résume le chercheur. La question de l’empreinte au sol va devenir de plus en plus importante au regard de la production d’hydrogène envisagée [lire l’encadré].» Autre argument en faveur des technologies à membrane: celles-ci sont particulièrement compatibles avec les énergies intermittentes (éolien, solaire). «Nous retrouvons un régime nominal de fonctionnement au bout de quelques minutes seulement, contrairement aux systèmes à électrolyte liquide qui nécessitent plusieurs heures», avance Hadi Fadlallah, ingénieur mécanique et énergétique chez Gen-Hy. Cerise sur l’électrolyseur AEM: au contraire de la PEM, l’AEM atteint ces belles performances sans recours aux métaux du groupe platinoïdes, jugés critiques par l’Union européenne, en tant que catalyseurs. «En plus du bénéfice économique que cela représente, cette non-dépendance présente un intérêt en termes d’autonomie stratégique», commente Sébastien Le Pollès. Sur ce

Plus compacte que l’alcalin à électrolyte liquide, compatible avec les énergies intermittentes, la technologie AEM a aussi l’avantage de ne pas nécessiter de métaux critiques. point, l’AEM se rapproche de sa cousine alcaline à électrolyte liquide, qui fonctionne également en milieu potasse. Si la technologie AEM semble avoir tout pour plaire, encore faut-il maîtriser la très secrète recette de la membrane ! En Europe, seules deux entreprises – le français Gen-Hy et l’italien Enapter – la produisent. L’ingénieur Hadi Fadlallah se dirige d’un pas décidé vers une fenêtre, qui donne sur une autre salle blanche, puis pointe son doigt vers un petit flacon rempli d’une poudre blanche. « Voilà les éléments de base qui constituent notre membrane, c’est la première étape de la fabrication. »

Sur la même table en verre, une boule de pâte ainsi qu’un matériau finement craquelé sont entreposés à côté de la poudre. «Dans une première cuve, nous mélangeons les ingrédients à un liquide, ce qui active le précurseur. La pâte obtenue est ensuite séchée dans une écluse», poursuit le chef de projet. Cette pâte subit ensuite deux laminages successifs pour atteindre 350 microns d’épaisseur. «Enfin, le préformé est découpé (manuellement) pour obtenir la membrane, qui est ensuite recouverte d’un dépôt catalytique.» Dans le hall d’entrée, un équipement miniature, sous verre, accueille une multitude de tuyaux et deux petits compresseurs. Deux cellules y sont placées sous perfusion. «C’est un banc d’essai qui nous permet d’évaluer la durabilité de la membrane en conditions réelles de température et de pression», éclaire Mélanie Tran, ingénieure électronique. «Je crois beaucoup en cette jeune technologie, mais nous ne sommes pas encore prêts. Quelques centaines d’heures de fonctionnement en laboratoire ne suffisent pas pour un déploiement massif», indique le chercheur Marian Chatenet. Très prometteuse, la technologie AEM doit encore gagner en maturité. À Orly, Aline Nippert

l’électrolyse alcaline à membrane Les besoins en hydrogène explosent D’ici à 2030, l’Union européenne veut produire 10 millions de tonnes d’hydrogène bas carbone par an grâce à 40 gigawatts (GW) de capacités d’électrolyse installées. La France souhaite, elle, déployer 6,5 GW. Des ambitions qui nécessitent d’augmenter les capacités de production actuelles d’un facteur… 1 000 ! Pour répondre à ces besoins titanesques, seuls l’électrolyseur alcalin à électrolyte liquide et celui à membrane échangeuse de protons sont, pour l’heure, suffisamment matures. Très prometteuses,

les technologies de rupture que sont l’électrolyseur à membrane échangeuse d’anions et celui à haute température (en cours d’industrialisation chez Genvia, à Béziers) doivent encore être fiabilisées. Leur massification dans l’industrie et la mobilité devront attendre la deuxième phase de déploiement.

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enquête à l’usine

UN CHANGEMENT DE PARADIGME Dans une architecture zero trust idéale, les pare-feu et autres outils de filtrage, traditionnellement installés au périmètre du réseau de l’entreprise ou entre de grandes zones, sont remplacés par une passerelle de sécurité,

SÉCURITÉ PÉRIMÉTRIQUE

Zero trust, mode d’emploi pour l’industrie

CYBERSÉCURITÉ,

Cloud

Réseau d’entreprise

Pare-feu

Informatique d’entreprise

Postes de travail

Le virage du zero trust concerne aussi l’industrie. Authentification multifacteurs, accès à privilèges systématisé et segmentation logicielle de l’internet des objets. Voici les trois chantiers prioritaires pour se lancer.

Datacenter IT

(serveurs de messagerie…)

Pare-feu Réseau de supervision

Station Station de supervision d’ingénierie

«Dans un délai de soixante jours, chaque agence fédérale devra élaborer un plan de déploiement d’une architecture zero trust [...], identifier les activités qui auront l’impact le plus immédiat sur [son implémentation] et inclure un calendrier pour leur mise en œuvre.» Telle était la résolution principale du président américain Joe Biden dans un décret paru en mai 2021, soit cinq mois après la grande cyberattaque qui toucha l’administration du pays. En février dernier, c’était le Cigref, un réseau français de grandes entreprises, qui publiait un rapport de près de 40 pages sur la «philosophie zero trust». Deux exemples qui poussent à prendre au sérieux ce concept, inventé en 2010 par le cabinet Forrester et devenu, depuis lors, un terme usé et parfois utilisé abusivement par les équipes marketing de certains fournisseurs. «Pourquoi parle-t-on tant du zero trust ces dernières années? Parce qu’émergent de nouvelles habitudes de travail, comme l’adoption du cloud

Glossaire Bastion Serveur, généralement installé soit devant un pare-feu soit dans une zone démilitarisée (DMZ), dont le but est de fournir un accès à certaines fonctions d’un réseau privé à partir d'un réseau externe, tel qu'internet, sans exposer ledit réseau privé.

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IAM [Identity and access management] Ce terme désigne une catégorie large de solutions et/ou fonctions de gestion des identités et des accès, parmi lesquelles on retrouve le fournisseur d’identités (IdP), le gestionnaire des accès privilégiés (PAM) ou encore les fonctions d’authentification multi-facteurs (MFA).

IdP [Identity provider] Le service de gestion des identités, aussi appelé annuaire, désigne la solution qui centralise et contrôle les identités des utilisateurs d’une entreprise. La plus utilisée est sans conteste Active Directory, l’annuaire intégré dans les systèmes d’information de Microsoft.

Serveurs de journalisation

(Scada)

Pare-feu

Réseau de contrôle et de production

Pupitre de commandes

Contrôleur de sécurité

Automates programmables

Contrôle des machines

Surveillance et interruption des machines

Robots et machines-outils

Capteurs, actionneurs…

MFA [Multi-factor authentication] L’authentification multi-facteurs est une fonction qui permet aux utilisateurs de s’identifier de façon sécurisée, en confirmant la requête de connexion sur plusieurs supports, pour accéder à une ressource. Ces fonctions peuvent être gérées par une ou plusieurs solutions selon les réseaux d’entreprise.

PAM [Privileged access manager] Le gestionnaire des comptes à privilèges peut soit prendre la forme d’une fonction de la solution IAM, soit être vendu comme un logiciel individuel.


hébergée dans le cloud ou l’edge, qui enregistre et contrôle toutes les connexions et autorise l’accès à l’instant T d’un agent, humain ou logiciel, à un terminal, un serveur, une application…

SÉCURITÉ ZERO TRUST SOC

(Centre des opérations de sécurité)

Cloud

Contrôle les connexions

Passerelle de sécurité

Analyse les alertes de sécurité Collecte du renseignement sur les menaces

Serveurs de journalisation

Pupitre de commandes

Datacenter IT (serveurs de messagerie…)

Contrôleur de sécurité

Station d’ingénierie Surveillance et interruption des machines Capteurs, actionneurs…

SOURCE : TOSHIBA DIGITAL SOLUTIONS

Contrôle des machines

Automates programmables

Postes de travail

Station de supervision (Scada)

SASE / SSE [Secure (access) service edge] Le cabinet Gartner a inventé le concept SASE en 2019 pour désigner des solutions rassemblant les services de réseau étendu (SD-WAN) et des fonctions de sécurité réseau, comme les pare-feu modernes (NGFW), les passerelles de sécurité web (SWG), des briques de sécurisation des

Robots et machines-outils

accès au cloud baptisé Cloud access security broker (CASB) ou encore des solutions d’accès à moindres privilèges aux applications, appelées ZTNA. Gartner a sorti les pare-feu réseau de cette catégorie, créant la catégorie SSE.

ZTNA [Zero trust network access] Appelée aussi Software-defined perimeter (SDP), une solution ZTNA garantit un accès sécurisé à des applications spécifiques utilisées par l’entreprise sans donner à l'utilisateur l'accès au réseau d'entreprise.

ou le télétravail généralisé avec la pandémie de Covid-19 », explique Pierre Perrin-Terrin, responsable sécurité chez IBM. Sans compter la convergence entre réseaux d’entreprises (IT) et industriels (OT), ou la connexion croissante de ces derniers à des réseaux externes, à commencer par l’internet. «Ainsi, les utilisateurs accèdent aux services et aux applications depuis n’importe où et les données d’entreprise circulent sur site, dans les datacenters de l’entreprise ou même dans le cloud, poursuit l’ingénieur. Bref, les anciennes frontières des réseaux d’entreprise ont sauté et la surface d’attaque a explosé. C’est pourquoi on veut désormais supprimer la confiance implicite dans le réseau pour s’assurer d’une confiance explicite des connexions.» Bien qu’il n’existe pas de définition gravée dans le marbre, une architecture zero trust repose sur trois principes: la vérification explicite de chaque connexion, ce qui implique une politique d’accès évolutive et une authentification selon la règle du moindre privilège; la sécurisation des accès à distance via des solutions cloud; et la présupposition que le réseau est ou a déjà été attaqué, ce qui réclame la meilleure segmentation possible. Si l’éditeur Okta considère, dans une étude de 2021, que 90 % des entreprises travaillent sur des initiatives zero trust, seules 5% en ont réellement lancé, d’après un calcul du cabinet français Wavestone, cité dans le rapport du Cigref. Et on peut aisément avancer que ces dernières ne sont pas des entreprises industrielles. «Il est difficile de parler de zero trust dans l’OT quand la plupart des automates existants ne supportent pas même le plus basique des systèmes d’authentification», pointe Dale Peterson, analyste en cybersécurité industrielle. «Je conseille aux industriels de se familiariser avec le zero trust d’abord dans leur IT», abonde Ivan Rogissart, le directeur des ventes de l’éditeur américain Zscaler. Pour autant, il existe d’ores et déjà quelques ajustements applicables aux réseaux OT qui vont dans le sens d’une architecture zero trust. «La toute première brique à mettre en place d’urgence est de systématiser l’authentification multi-facteurs (MFA) dans tout le réseau d’entreprise », insiste Bernard Ourghanlian, le directeur technique de Microsoft France, comme en réponse à Dale Peterson. Dans son décret de mai 2021, Joe Biden ordonne d’ailleurs aussi que la MFA soit généralisée partout en cent quatre-vingts jours. Ici, le verrou n’est pas technologique –tous les services d’IdP et d’IAM [gestions d’identités et d’accès] en proposent– mais humain: généraliser la MFA peut être un processus laborieux. «C’est pourquoi, avant même de parler de zero trust, l’étape de cartographie de son réseau est indispensable», ajoute Sébastien Viou, le directeur chargé des produits de cybersécurité de Stormshield, éditeur français de pare-feu. Pour Julien Cassignol, le directeur des ventes de l’éditeur français Wallix, adopter le zero trust revient aussi à dire adieu aux seuls comptes administrateurs: «Il faut encadrer tous les accès, 47


enquête à l’usine

quels qu’ils soient, de l’utilisateur sur son poste de travail à l’application web, en passant par le télémainteneur ou, même, le compte Twitter officiel d’un représentant de l’entreprise, par exemple, et ce de manière dynamique. » La nouvelle solution de Wallix, seul français parmi les leaders de solutions PAM [gestion des comptes à privilèges], baptisée PAM4ALL, intègre cinq fonctions: la gestion des privilèges sur le réseau d’entreprise («un service PAM classique», résume Julien Cassignol), sur les terminaux, sur les applications web («l’identity-as-a-service»), un accès spécial pour les développeurs («une fonction DevOps») et une plateforme spécifique pour gérer les connexions aux machines industrielles. «À l’heure actuelle, peu d’industriels sont prêts à systématiser ce type de processus sur tout leur réseau OT, nuance Étienne Lafore, le responsable cybersécurité au cabinet Wavestone. Il est donc préférable de commencer par un groupe d’appareils et/ou pour une typologie d’utilisateurs, puis de l’étendre petit à petit.» L’atout de la segmentation logicielle Ce dernier considère qu’un autre pan du zero trust est « plus mature » : les offres SASE, surcouches logicielles qui permettent de sécuriser l’accès à chaque application depuis l’extérieur du réseau, sans passer par un tunnel réseau comme le VPN (virtual private network). S’il admet que ces solutions se démocratisent dans l’IT, Pierre Perrin-Terrin n’est pas convaincu qu’elles soient une priorité

« Je recommande de se référer au modèle zero trust du Nist américain et de l'adapter à ses besoins » Si l’approche zero trust couvre pléthore de technologies, existe-t-il au moins une architecture de référence ?

Je recommande de se référer au modèle d’architecture zero trust publié par le National institute of standards and technology (Nist) américain en août 2021, à adapter selon ses besoins. Celui-ci énumère deux composants clés pour une sécurité zero trust : le « policy decision point » [agent chargé de la décision d’accorder l’accès à une ressource et d’établir ou non une communication, ndlr] et le « policy enforcement point » [agent qui active ou clôt

dans l’OT, notamment car l’accès à distance aux appareils industriels est plus complexe : «Il se fait généralement via un bastion, sorte de proxy d’administration mis en coupure du réseau et sur lequel des mécanismes de sécurité spécifiques sont en place. » Mécanismes qui ne permettent pas toujours de déployer de telles solutions. Fabio Costa, le responsable des solutions de sécurité d’Akamai, acquiesce. Il recommande de commencer le voyage SASE par des ressources plus faciles d’accès, comme les applications web. Pour autant, on a observé ces derniers mois la volonté de certains

Une sélection de fournisseurs clés du zero trust

IDENTITÉ ET ACCÈS, LA RÈGLE DU MOINDRE PRIVILÈGE LE LEADER Identity Security Platform, de CyberArk

Déjà l’une des pépites de la gestion des identités et des accès, l’israélien CyberArk a entériné sa domination en rachetant

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en 2020 l’américain Idaptive, une spin-off de son concurrent Delinea (ex-Centrify), spécialisé dans l’accès à moindre privilège. LES ALTERNATIVES Delinea, BeyondTrust, One Identity, ARCON, Wallix, Broadcom...

LA SEGMENTATION LOGICIELLE, UNE AUBAINE POUR L’INDUSTRIE LE LEADER Guardicore Centra Security Platform, d’Akamai

En rachetant la start-up israélienne Guardicore en 2021, l’américain Akamai s’est propulsé en tête des fournisseurs de solutions de microsegmentation logicielle en 2022. « La plateforme Centra Security s’adapte à de nombreuses machines obsolètes de réseaux industriels, sans avoir besoin de pare-feu physiques »,

ÉTIENNE LAFORE Responsable cybersécurité, Wavestone D.R.

une connexion, ndlr]. Mais attention, il y a de multiples manières d’implémenter ces composants, parfois grâce à des processus ou des briques technologiques qui existent déjà. Pourriez-vous donner un exemple ?

Pour mettre en place un « policy decision point », on peut commencer par configurer Active Directory et Intune, deux briques Microsoft déjà largement utilisées par les entreprises, pour évaluer qu’une personne a bien les accès qu’elle doit avoir, et pas plus, que les bonnes mesures de sécurité, comme

fournisseurs de solutions SASE de conquérir le marché de la cybersécurité industrielle, comme le leader Zscaler, qui a signé un partenariat avec l’éditeur de sondes de sécurité industrielles Nozomi Networks en août 2021 et avec Siemens en septembre. Le troisième pan du zero trust, la microsegmentation, risque, lui, d’être un point bloquant pour les industriels. «Microsegmenter des processus opérationnels présente un défi technique et entraîne des coûts et des contraintes en termes de planification difficiles à résoudre rapidement», indique Vincent Dély, le directeur technique

précise Fabio Costa, le responsable sécurité d’Akamai.

LES ALTERNATIVES Illumio, Aruba, Cisco, VMWare, Unysis, ColorTokens...

UN ACCÈS AUX APPLICATIONS CLOUD SÉCURISÉ GRÂCE AUX SOLUTIONS SASE LE LEADER Zero Trust Exchange, de Zscaler

Que l’on parle de ZTNA (accès réseau Zero Trust), comme le fait Forrester, ou que l’on élargisse le champ aux solutions SASE, d’après la terminologie

de Gartner, n’a pas grande importance. Dans tous les cas, Zscaler est reconnu comme fournisseur majeur. Et ses récents partenariats avec Siemens et Nozomi ne devraient pas déplaire aux industriels. LES ALTERNATIVES Netskope, McAfee, Lookout, Palo Alto Networks, Forcepoint, Cisco... SOURCES : FORRESTER, GARTNER


l’authentification multi-facteurs, sont activées, qu’elle accède à son compte à ses heures de travail, depuis un appareil connu… À partir de tous ces éléments, on peut déjà établir un score de risque en temps réel.

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Pourquoi installer de nouveaux outils ?

Tout d’abord, car avec l’éclatement des connexions (télétravail, internet des objets...), tout ne passe plus par l’Active Directory, loin s’en faut. Il faut donc assurer la même sécurisation des accès pour des applications dans le cloud, par exemple. Ensuite, implémenter le « policy enforcement point » demande d’utiliser une solution tierce. Pour certains, cela passe par un gestionnaire d’identités (IdP), via des jetons d’accès. C’est l’approche de Microsoft. Pour d’autres, comme Google ou Zscaler, cet accès est autorisé via un proxy cloud. Propos recueillis par K. P.

des ventes de Nozomi. Pour réduire la voilure, Bernard Ourghanlian propose de commencer par microsegmenter ce que certains considèrent comme les principaux vecteurs d’attaques dans l’OT: les objets connectés industriels. D’autres, comme Akamai, portent une nouvelle approche, qui, à l’image des solutions SASE qui remplaceraient progressivement les VPN, troquerait la segmentation via des pare-feu réseau par une segmentation logicielle. La solution de microsegmentation de Guardicore (entreprise rachetée par Akamai en 2021) «utilise des agents logiciels, compatibles avec un grand nombre de systèmes d’exploitation, installés directement sur la machine qu’ils sont chargés d’isoler, ou, pour les objets connectés ou des machines obsolètes, sur des passerelles (IoT gateways), détaille Fabio Costa. Cela nous permet de microsegmenter même des systèmes obsolètes, sans avoir besoin de pare-feu physiques.» Une chose est sûre: la nouvelle vision du marché, promue depuis deux ans par Forrester, qui considère qu’à l’avenir, les besoins en zero trust seront comblés par des plateformes complètes intégrées, les zero trust extended ecosystem platforms, et non par un catalogue de solutions, n’est pas près de conquérir l’OT. Les industriels préféreront sans doute, encore pour un moment, la politique des petits pas. Pour autant, « il n’est jamais trop tôt pour commencer», souligne Akamai dans le rapport du Cigref. Kevin Poireault

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Retrouvez l’entretien avec Bernard Ourghanlian, directeur technique et sécurité de Microsoft France

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cahier technique

CE QU’IL FAUT RETENIR

La cryptographie homomorphe est un outil qui permet de calculer directement dans le domaine chiffré. Associé à des techniques de bruitage des données, dites de confidentialité différentielle, le chiffrement homomorphe trou ve un intérêt nouveau pour sécuriser les données d’apprentissage fournies à des algorithmes d’intelligence artificielle.

E

n ce début de XXIe siècle, nous sommes les témoins de la révolution de la donnée. Dans de nombreux domaines (jeux de stratégie, analyse de scènes, analyse comportementale, diagnostics médicaux...), les systèmes d’intelligence artificielle atteignent des performances surhumaines. Il est frappant de voir qu’il ne s’agit pas d’une révolution algorithmique au sens où les techniques utilisées aujourd’hui, par exemple les réseaux de neurones, sont qualitativement très proches de celles développées au siècle dernier. Ce qui leur manquait? Les volumes de données nécessaires pour opérer un changement d’échelle, à la fois en termes de taille et de performance. Ainsi, le nerf de la guerre en matière d’apprentissage machine, ce sont les données, et plus il y en a, meilleur c’est! Le hic, c’est qu’elles sont souvent la propriété de différents acteurs, qui ne sont pas prêts à s’en séparer facilement pour des raisons commerciales, éthiques ou normatives. Prenons un exemple dans la santé. Imaginons que l’on souhaite développer un système d’aide à la décision pour déterminer le meilleur traitement à administrer à un patient atteint du Covid, en fonction de son état, de ses antécédents… Aujourd’hui, les hôpitaux français regorgent de données qui capturent les retours d’expérience de deux ans

D.R.

RENAUD SIRDEY Directeur de recheche au CEA

ARNAUD GRIVET SÉBERT Doctorant en informatique au CEA

D.R.

ALORS QUE LES DONNÉES S’ACCUMULENT, LEUR TRAITEMENT PAR DES ALGORITHMES DEVIENT DE PLUS EN PLUS SENSIBLE. COMMENT PARTAGER CES INFORMATIONS TOUT EN LES PROTÉGEANT? LA CRYPTOGRAPHIE HOMOMORPHE OFFRE DES SOLUTIONS.

D.R.

Cryptographie homomorphe l’art de partager sans divulguer

CÉDRIC GOUY-PAILLER Expert sénior au CEA

À voir « La cryptographie pour sécuriser les données », par Renaud Sirdey

51


cahier technique

Réseau de neurones profonds Type de modèle d’apprentissage automatique (machine learning) très performant pour diverses tâches d’IA, mais nécessitant beaucoup de données.

P. 53 Objectif de la cryptographie homomorphe

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de pandémie et qui pourraient très certainement permettre de concevoir un tel système. Or, en France, et c’est une bonne chose sur le plan de la protection de la vie privée, les données de santé ne peuvent sortir du système d’information de l’hôpital à moins d’être protégées par une couche de chiffrement (la clé de déchiffrement restant, elle, à l’hôpital). Difficile, dans ces conditions, de réunir l’ensemble de ces données sur une plateforme informatique afin de procéder à l’apprentissage, par exemple, d’un réseau de neurones profond, en tout cas par des algorithmes centralisés. Bien sûr, ces difficultés ne s’appliquent pas qu’aux données médicales ou intrinsèquement sensibles (défense, cybersécurité…). Si vos données permettaient de déterminer le succès commercial d’un futur produit, vous ne les partageriez pas facilement, en tout cas pas sans être dûment rétribué et capable d’en contrôler l’usage qui en sera fait. Mais vos données, prises séparément, ne seraient peut-être pas suffisantes pour faire des prédictions suffisamment fiables. Nous sommes donc face à un dilemme: nous avons besoin de mettre des données en commun pour construire des systèmes d’IA performants, mais nous ne pouvons le faire si cette mise en commun se traduit par une divulgation des données en question. Alors comment partager sans divulguer? Ces dernières années, plusieurs avancées scientifiques ont émergé. Elles commencent à nous donner les outils qui permettent de résoudre ce dilemme: réaliser l’apprentissage d’un modèle, par exemple un réseau de neurones profonds, tirant profit de plusieurs sources de données d’apprentissage, en préservant leur confidentialité. Il s’agit notamment de la cryptographie homomorphe, un corpus de techniques de chiffrement qui permettent de réaliser des calculs directement sur des données chiffrées, et de la confidentialité différentielle, qui regroupe des techniques de bruitage des données d’apprentissage permettant de préserver leur confidentialité une fois que le modèle appris est divulgué. (fig. 1) 1 Le chiffrement homomorphe

La cryptographie est une science millénaire, dont l’objet est de rendre l’information inintelligible sauf pour celui qui détient la connaissance d’une clé secrète de déchiffrement. Or, depuis toujours, la donnée chiffrée est inerte. Pour en faire quelque chose d’utile, la transformer ou la traiter, il faut préalablement la déchiffrer, donc connaître la clé de déchiffrement, et ainsi rendre la donnée vulnérable si l’on n’a pas totalement confiance dans l’entité ou le dispositif qui la manipule. La donne change en 2010, lorsqu’un informaticien théoricien, Craig Gentry, montre comment chiffrer de l’information en utilisant des structures mathématiques qui préservent une capacité à la traiter directement sous forme chiffrée. On parle de cryptographie homomorphe. Dès lors, il devient en principe possible d’envoyer une information sensible comme des données à caractère médical vers un ordi-

iT 1054 JUIN 2022

nateur distant qui peut alors les analyser «en aveugle», en les gardant en permanence dans le domaine chiffré, et donc en préservant par construction la confidentialité de ces données mais aussi celle de tous les résultats d’analyse qui en dérivent (fig. 2). Derrière le chiffrement homomorphe, point de magie, juste des mathématiques, que nous allons illustrer dans le cas simple du cryptosystème de Paillier. Dans ce cryptosystème, on crée un chiffré c à partir d’un message m en appliquant la fonction c=gmrn mod n2 (où g et n sont deux grands entiers publics et où r est un entier tiré aléatoirement à chaque opération de chiffrement). Ainsi, que se passe-t-il lorsque nous multiplions (modulo n2) deux chiffrés, c et c’, des messages respectifs m et m’? Comme nous le savons depuis le collège, la multiplication de deux puissances d’une même base, ici g, revient à sommer les exposants, soit cc’=gmrngm’r’n mod n2=gm+m’(rr’)n mod n2, donnant ainsi un chiffré de m+m’. Cela signifie qu’à partir d’un chiffré du message m et d’un chiffré du message m’, nous pouvons engendrer un chiffré de la somme de ces deux messages et, pour ce faire, nous n’avons pas eu à déchiffrer quoi que ce soit puisque nous avons juste multiplié les deux chiffrés entre eux. Nous avons donc un opérateur d’addition homomorphe (multiplier des chiffrés), et additionner, c’est déjà calculer. Pour réaliser n’importe quel calcul, l’addition ne suffit pas, il faut également être capable de multiplier, on aura ainsi ce que l’on appelle un morphisme d’anneau entre le domaine clair (celui des messages) et le domaine chiffré du cryptosystème. Mais, pour le cryptosystème de Paillier, on ne sait pas créer un opérateur de multiplication qui, à partir des chiffrés de deux messages, permettrait d’obtenir un chiffré de leur produit. Adieu, donc, à une capacité de calcul universelle avec ce cryptosystème qui ne restera que partiellement homomorphe ou encore homomorphe additif. La structure de base d’un cryptosystème totalement homomorphe ou FHE (Fully homomorphic encryption) utilise ce qu’on appelle la théorie des réseaux euclidiens, soit l’ensemble des combinaisons linéaires à coefficients entiers des vecteurs de base d’un espace euclidien de grande dimension. L’opération de chiffrement consiste alors à cacher le message dans un produit scalaire (entre un vecteur aléatoire et un vecteur secret) adéquatement bruité, et l’opération de déchiffrement met en jeu une opération d’arrondi tolérante au bruit. Là encore, construire des opérateurs d’addition homomorphe dans ces structures est relativement aisé (linéarité du produit scalaire oblige), mais on sait en plus y construire des opérateurs de multiplication homomorphe. La difficulté, ainsi qu’une large part de la complexité mathématique de ces cryptosystèmes, vient du bruit ajouté lors de l’opération de chiffrement, qui se trouve amplifié au fur et à mesure des opérations homomorphes. Si rien n’est fait, il finit par empêcher la fonction de déchiffrement de fonctionner correctement et de recouvrer le résultat des calculs. Heureusement,

P. 53 De nombreuses contraintes à respecter

Cryptosystème Ensemble composé d’algorithmes cryptographiques.


FIG. 1 Principe de la cryptographie homomorphe ALICE

Serveur cloud Il calcule une fonction F de [X,Y] puis retourne le résultat (chiffré) à Alice

Données [X] chiffrées avec une clé privée

Données [Y] chiffrées avec une autre clé privée

[X]

BOB

[ Y]

[R] Résultat (chiffré) [R] exploitant les deux bases. Alice peut le déchiffrer avec sa clé de chiffrement homomorphe

Clé de chiffrement homomorphe

Alice a besoin de réaliser un calcul (fonction F) sur ses données (X) et celles de Bob (Y). Grâce à la cryptographie homomorphe, un serveur peut calculer F (X, Y) sans déchiffrer ni X ni Y et renvoyer le résultat chiffré à Alice. FIG. 2 Application aux réseaux de neurones Modèle entraîné avec des données chiffrées

Base de données de Bob

Base de données d’Alice

La cryptographie homomorphe permet d’entraîner un réseau de neurones avec des informations issues des bases d’Alice et de Bob, tout en préservant la confidentialité des données de chaque partie. Dans ce système, de nombreux échanges directs sont interdits.

Serveurs

FIG. 3 La confidentialité différentielle DOMAINE PRIVÉ

DOMAINE PUBLIC

?

+ Réseau entraîné Base de données d’entraînement

Apprentissage bruité Un bruit aléatoire est ajouté aux données d’entraînement, afin de cacher les informations sensibles

Utilisateur Même par rétro-ingénierie, un utilisateur ne pourra pas tirer d’informations sur les données d’apprentissage

En ajoutant un bruit aléatoire à une fonction déterministe, il est possible d’entraîner convenablement un modèle. Cette méthode garantit un très bon niveau de confidentialité, même avec deux bases adjacentes. À partir du résultat, l’utilisateur ne pourra pas deviner celle qui a été utilisée pour entraîner le modèle. 53


FIG. 4 L’apprentissage fédéré sécurisé par chiffrement homomorphe

Clé de chiffrement homomorphe privée

Clé de chiffrement homomorphe publique

Modèles partiels agrégés (plusieurs fois)

Le serveur renvoie aux utilisateurs le modèle mis à jour

Modèles partiels chiffrés Base de données d’Alice

ALICE

Modèle final

Serveur qui agrège les données chiffrées, (pas de divulgation des données)

Modèles partiels agrégés (plusieurs fois) Base de données de Bob

L’apprentissage fédéré permet d’entraîner des modèles partiels qui sont ensuite agrégés dans un serveur. Ces données sont chiffrées grâce à la cryptographie homomorphe. Le modèle agrégé est renvoyé aux utilisateurs, créant ainsi une boucle d’apprentissage conduisant au modèle final chiffré.

FIG. 5 Le Private agregation of teachers ensemble (PATE) pour l’étiquetage des données PROFESSEUR

Données d’apprentissage à faire étiqueter

Retourne le vote majoritaire

Le serveur agrège ces données Envoi de l’étiquetage bruité des professeurs

Intelligence artificielle des professeurs

Intelligence artificielle d’Alice

Dans l’apprentissage supervisé, plusieurs « professeurs » peuvent être mis à contribution pour étiqueter des données. Le résultat chiffré est envoyé au serveur qui agrège ces données et retourne vers l’utilisateur le résultat d’un vote majoritaire, également chiffré. Ces résultats pourront servir à alimenter une IA entraînée par Alice.

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PROFESSEUR


cahier technique

des techniques de débruitage homomorphe existent. Elles ont cependant l’inconvénient d’être lourdes en termes de complexité calculatoire. Nous avons donc un outil qui nous permet de calculer directement dans le domaine chiffré, mais les opérateurs de calcul dans ce domaine coûtent beaucoup plus cher que leurs équivalents sur le domaine clair. On peut supposer que cet état de fait est intrinsèque au calcul homomorphe: pour des raisons de sécurité, les chiffrés sont significativement plus gros que les données claires. Par ailleurs, les opérateurs homomorphes, quelle que soit leur structure mathématique, doivent produire de nouveaux «gros» chiffrés à partir de leurs chiffrés d’entrées. Comme nous allons le voir, cet outil n’est pas inutile pour autant, à condition de l’utiliser avec une grande parcimonie. 2 La confidentialité différentielle

P. 53 La confidentialité différentielle

Fonction déterministe Une fonction qui pour le même argument renverra toujours le même résultat, par opposition aux fonctions probabilistes.

Le chiffrement homomorphe protège les données d’entraînement du serveur pendant la phase d’apprentissage. Mais une autre menace existe: celle des utilisateurs finaux du modèle. En ayant accès aux paramètres du modèle (boîte blanche), ou seulement aux résultats d’inférence du modèle (boîte noire), un adversaire peut théoriquement faire de la rétro-ingénierie (attaques par inversion de modèle, inférence de propriété…) et obtenir des informations sur les données ayant servi à entraîner le modèle. La confidentialité différentielle fournit un concept mathématique rigoureux et quantitatif permettant de mesurer à quel point la publication d’un modèle divulgue des informations sur ses données d’entraînement. Ce concept s’appuie sur la notion d’adjacence, variable selon les auteurs, mais dont on peut généralement résumer la définition comme suit: deux bases de données sont adjacentes si, et seulement si, elles ne diffèrent que d’un échantillon. L’idée est d’empêcher un éventuel adversaire ayant accès au modèle de discerner laquelle de deux bases de données adjacentes a été utilisée pour entraîner le modèle (fig. 3). Pour ce faire, un bruit aléatoire est ajouté à l’entraînement, qui permet de «cacher» les informations sensibles aux destinataires du modèle. On ajoute un bruit aléatoire (souvent gaussien ou laplacien) à une fonction initialement déterministe. Ce bruit aléatoire –ou plutôt son écart-type– doit être soigneusement calibré afin d’être suffisamment important pour cacher les informations sensibles à l’adversaire, tout en permettant au modèle de s’entraîner correctement et d’avoir une utilité satisfaisante: c’est le compromis fondamental de la confidentialité différentielle. L’exemple suivant peut aider à comprendre le rôle du bruit dans la confidentialité différentielle. Considérons un groupe de personnes dont un statisticien souhaite connaître la moyenne d’âge. On suppose, comme c’est le cas en confidentialité différentielle, que le statisticien, qui constitue l’adversaire, désire connaître l’âge d’une personne du groupe, sa victime, et qu’il est possible qu’il connaisse

déjà celui de toutes les autres. Si on donne au statisticien la moyenne d’âge, c’est-à-dire, à multiplication par le nombre de personnes près, la somme des âges, celui-ci pourra en déduire l’âge de sa victime, en retranchant celui des autres personnes du groupe. En revanche, si l’on fournit la moyenne d’âge bruitée, avec un bruit d’écarttype disons de 50/nombre de personnes, le statisticien n’obtiendra, après multiplication et soustraction, que l’âge de sa victime bruité par un écart-type de 50, ce qui ne donne quasiment aucune information sur l’âge réel. Cependant, s’il y a par exemple 100 personnes dans le groupe, la moyenne d’âge fournie au statisticien ne sera bruitée que d’un écart-type de 6 mois, ce qui ne représente qu’un faible impact. 3 Apprendre sans divulguer!

Les deux contre-mesures complémentaires que sont le chiffrement homomorphe et la confidentialité différentielle peuvent permettre à des propriétaires de données sensibles d’entraîner un modèle de manière collaborative sans divulguer d’informations privées sur leurs données, ni aux autres propriétaires de données, ni au serveur faisant le lien entre ces propriétaires lorsqu’il y en a un. L’apprentissage fédéré (notion introduite dans «Federated learning of deep networks using model averaging», McMahan et al., 2016) est un schéma d’apprentissage collaboratif permettant aux propriétaires des données, appelés clients, de conserver leurs données en local. Le processus d’apprentissage est itératif et s’appuie sur un serveur qui, à chaque itération, tire au sort une fraction des clients pour participer à l’itération courante. On appelle ces clients tirés au sort les participants de l’itération (fig. 4). À la première itération, le serveur initialise (de manière plus ou moins arbitraire) le modèle, souvent un réseau de neurones, et envoie ses paramètres (poids et biais du modèle dans le cas d’un réseau de neurones) aux participants. Ceux-ci mettent à jour les paramètres du modèle en utilisant leurs propres données, puis renvoient au serveur les nouveaux paramètres. Ce dernier agrège les paramètres de tous les participants et peut démarrer une nouvelle itération avec de nouveaux participants auxquels il envoie les paramètres agrégés de l’itération précédente. Les itérations se succèdent ainsi jusqu’à convergence du modèle, c’est-à-dire jusqu’à ce que les paramètres ne changent que peu d’une itération à l’autre et que le modèle soit devenu performant dans la tâche qui lui est assignée (classification, reconnaissance d’images, prédiction du prochain mot d’un message…). L’algorithme classique pour entraîner un réseau de neurones de manière fédérée est FedAvg (Federated averaging, c’est-à-dire moyennage fédéré): les participants mettent à jour les paramètres à l’aide d’un algorithme d’optimisation appelé descente de gradient, en utilisant leurs données en local, et le serveur agrège les nouveaux paramètres en en faisant la moyenne, éventuellement pondérée par le nombre de données que possède chaque

P. 54 L’apprentissage fédéré sécurisé par chiffrement homomorphe

Descente de gradient Algorithme permettant de minimiser la fonction coût (qui quantifie l’erreur du modèle) dans l’apprentissage supervisé.

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cahier technique

Apprentissage fédéré Apprentissage collaboratif permettant aux propriétaires de données de les garder en local

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participant. L’avantage souvent mis en avant de l’apprentissage fédéré est que les données des clients restent chez les clients, et ne sont partagées ni avec le serveur ni avec les autres clients. Néanmoins, le modèle entraîné constitue en lui-même une fuite d’informations sur les données d’entraînement. On protège donc le modèle des utilisateurs finaux malveillants par la confidentialité différentielle: le serveur bruite les nouveaux paramètres à chaque itération, ou les participants bruitent les paramètres avant de les envoyer au serveur. L’apprentissage fédéré protège les données d’entraînement de fuites d’information directe, et la confidentialité différentielle les protège lors de la phase d’utilisation du modèle final. Mais une menace subsiste: celle des autres clients pendant l’apprentissage. Ils ont en effet accès non seulement au modèle final, mais aussi aux mises à jour de chaque tour auquel ils participent, et peuvent donc théoriquement tirer encore plus d’informations qu’un utilisateur final lambda. La confidentialité différentielle défend également le modèle contre ce risque. Évidemment, le serveur, qui reçoit les mises à jour, constitue aussi une menace. Pour s’en protéger, il est fait usage du chiffrement homomorphe. Les participants chiffrent les paramètres mis à jour avant de les envoyer au serveur, qui réalise l’agrégation dans le domaine chiffré, et renvoie les paramètres agrégés aux participants qui les déchiffrent grâce à la clé de déchiffrement qu’ils possèdent (mais que le serveur ne possède pas). Un gros avantage de FedAvg est que l’agrégation, qui est une moyenne, ne nécessite que des additions: les participants ont pondéré eux-mêmes leurs mises à jour par la fraction des données qu’ils possèdent. Cela permet d’utiliser un cryptosystème additif, comme celui de Paillier, bien plus simple que les cryptosystèmes totalement homomorphes, et d’avoir un faible surcoût computationnel imputé au calcul homomorphe. Tout comme l’apprentissage fédéré, le processus PATE (Private aggregation of teacher ensembles) est un autre processus d’apprentissage collaboratif qui peut être rendu privé à l’aide du chiffrement homomorphe et de la confidentialité différentielle. Dans cette solution destinée à une tâche de classification, les propriétaires des données, appelés professeurs, sont supposés avoir entraîné un modèle local à l’aide de leurs données. On fait aussi l’hypothèse que l’on dispose d’une base de données publique mais non étiquetée (on ne connaît pas les classes des échantillons). L’objectif est alors d’étiqueter la base de données publique qui sera ensuite utilisée pour entraîner le modèle global, nommé modèle étudiant. Pour ce faire, chaque échantillon à étiqueter est envoyé aux professeurs dont les modèles locaux infèrent une classe pour l’échantillon considéré. Les classes inférées par les modèles locaux, que l’on peut assimiler aux votes des professeurs, sont envoyées à un serveur qui compte le nombre de votes pour chaque classe et envoie la classe majoritaire au modèle étudiant. Ce dernier peut alors étiqueter l’échantillon et l’utiliser pour son propre entraînement.

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À l’instar des mises à jour de l’apprentissage fédéré, la classe majoritaire contient implicitement des informations sur les données des professeurs et ces informations se répercutent sur le modèle étudiant une fois entraîné. Le serveur (ou les professeurs eux-mêmes avant envoi) bruite donc les votes des professeurs afin de sécuriser le modèle via la confidentialité différentielle. A fortiori, les votes des professeurs contiennent des informations sur les données des professeurs. C’est pourquoi dans SPEED (Secure, private and efficient deep learning) (fig. 5), où le serveur est considéré comme malveillant contrairement au cas de PATE, les professeurs chiffrent leurs votes avant de les envoyer au serveur, qui calcule la classe majoritaire dans le domaine chiffré. L’étudiant, qui possède la clé de déchiffrement peut alors déchiffrer la classe qu’il reçoit du serveur. Ici, le calcul homomorphe de la classe majoritaire nécessite des comparaisons, qui sont assez lourdes dans le domaine chiffré. Le surcoût en temps de calcul dû à la couche homomorphe est donc plus important que dans le cas de l’apprentissage fédéré, mais reste raisonnable. Il est à noter que PATE est agnostique du type (et a fortiori de l’architecture) du modèle utilisé, à la fois par les professeurs et par l’étudiant. Ce qui permet d’utiliser des modèles complexes ou lourds. L’apprentissage fédéré sécurisé et SPEED ont tous deux fait leurs preuves et montré qu’ils étaient prêts à sortir des laboratoires et à être utilisés dans des applications réelles pour entraîner des modèles de manière privée. En effet, le coût de la sécurité dans ces schémas d’apprentissage a pu être maintenu raisonnable: une augmentation de l’ordre de 10% en termes de temps de calcul (à cause du chiffrement homomorphe) et une baisse de précision de quelques pourcents en termes de précision du modèle (à cause de la confidentialité différentielle). 4 Modèles de menaces

En cybersécurité, on travaille toujours par rapport à un modèle de menaces. Un tel modèle identifie les données à protéger et les capacités du ou des adversaires. En retour, on déploie ce que l’on appelle des contre-mesures pour se prémunir des menaces. Dans le cas des adversaires passifs, par exemple, on fait l’hypothèse qu’ils se comportent toujours conformément au protocole défini. Un adversaire passif est donc réduit à n’être qu’un observateur qui va chercher à recouvrer des données à partir de tout ce qu’il peut légitimement observer. En particulier lorsqu’il observe une donnée chiffrée, un tel adversaire n’a d’autre possibilité que d’attaquer la cryptographie, ce qui est justement difficile à faire. Ainsi, dans le cadre des protocoles d’apprentissage fédéré, le chiffrement homomorphe permet de se prémunir de menaces de confidentialité sur les données d’apprentissage et le modèle en provenance d’un serveur passivement malveillant. La confidentialité différentielle fournit les mêmes garanties, uniquement sur les données d’apprentissage, relativement à des clients passivement malveillants.

P. 54 Le Private agregation of teachers ensemble (PATE) pour l’étiquetage des données


Calcul vérifiable Technique qui permet à un client de déléguer un calcul à un serveur tout en ayant l’assurance que le calcul a été correctement effectué.

C’est déjà bien, mais est-ce suffisant ? Probablement pas. En tout cas, pas toujours, car si on relâche l’hypothèse de passivité des adversaires, on se retrouve vite dans la jungle. Comment, par exemple, se prémunir d’un serveur malveillant qui ne fait pas ce qu’il est supposé faire et empêche ainsi l’algorithme d’apprentissage de converger? Comment éviter qu’un client malveillant arrive au même résultat en utilisant des données d’apprentissage perturbantes? Peut-on éviter qu’un client ne collude avec le serveur et ne donne à ce dernier la clé de déchiffrement? Autant de questions qui occupent les chercheurs et qui montrent bien que le chiffrement homomorphe ou la confidentialité différentielle ne sont que des maillons dans une chaîne assurant la sécurité des données face à des modèles de menaces plus réalistes. Fort heureusement, les idées ne manquent pas: articuler le chiffrement homomorphe avec des techniques dites de calcul vérifiable, par exemple, permet de fournir aux clients une preuve formelle que le serveur a correctement réalisé l’algorithme d’agrégation. De même, il existe des règles d’agrégation résistantes à l’injection de données d’apprentissage erronées, mais elles sont plus difficiles à réaliser efficacement dans le domaine chiffré. Enfin, les cryptosystèmes homomorphes peuvent être modifiés pour obliger plusieurs entités à collaborer lors

du déchiffrement. Ainsi, si k-sur-n clients doivent collaborer pour déchiffrer une mise à jour du modèle, il faudra au moins une collusion entre k clients malhonnêtes, en plus du serveur, pour procéder à des déchiffrements illégitimes. Une sécurité accrue, donc, mais qui n’est pas gratuite en termes de surcoût calculatoire et de communications. Même si certaines techniques et approches sont d’ores et déjà prêtes à sortir des laboratoires, la sécurité des données sur l’ensemble du cycle de vie des systèmes d’IA devrait rester une problématique de recherche très dynamique pour les prochaines années. Elle revêt d’ailleurs une importance stratégique de taille en Europe, qui en a besoin pour développer et bénéficier des systèmes d’IA de demain en cohérence avec ses ambitions en matière de protection de la vie privée.

KNAUF KNAUF iSHORE® iSHORE® +8$$0 20 ;%8:307 0# $85'"907 504-#':307 8%1!<%8'907 .//& 904)4%86%07 *

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nouveaux produits

électrotechnique

La sélection de produits par la rédaction d’Industrie & Technologies #

Coordonné par LAURENT ROUSSELLE

Vous pouvez adresser vos informations de presse concernant de nouveaux produits par e-mail (en joignant une photo) : produitsnouveaux@ industrie-technologies.com

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électrotechnique

APPAREILLAGE 800 V AC POUR SYSTÈMES PHOTOVOLTAÏQUES

En matière d’énergie photovoltaïque, il est fréquent, dans les résidences, de remplacer les solutions avec un onduleur central par des systèmes avec plusieurs onduleurs de branche de faible puissance, et d’augmenter les tensions afin de réduire la section des câbles, de diminuer les pertes et de baisser les coûts d’installation. Avec des onduleurs de branche 800 V AC, qui ne nécessitent pas de fusible continu, la protection optimale combine des fusibles NH et des interrupteurssectionneurs à fusibles NH au niveau des boîtiers AC qui regroupent les onduleurs de branche.Spécialement conçus pour les systèmes photovoltaïques à onduleurs 1 500 V DC / 800 V AC, les fusibles NH 800 V AC de Mersen possèdent un élément fusible en argent capable d’interrompre toute surcharge, avec un courant de coupure jusqu’à 90 kA à une tension testée de 880 V dans une talle NH standard.

Ils fonctionnent en classe gR selon les normes CEI 60629 et UL 248-13. Le fabricant propose une gamme complète de dispositifs de protection du côté AC, comprenant des fusibles NH et des interrupteurssectionneurs fusibles NH en version horizontale (Multibloc) et en, version verticale (Multiver). Fabricant MERSEN PLANIFICATION AUTOMATIQUE D’ARMOIRES ÉLECTRIQUES Composée de différents modules, la plateforme logicielle Eplan vise à automatiser au maximum la planification, la conception et la fabrication des armoires électriques. Pro Panel réalise des dessins mécaniques en 3D, en particulier les répartiteurs et barres omnibus en cuivre avec le module Copper. Cogineer automatise la création des schémas, intègre le routage et peut commander automatiquement les composants. Un module thermique calcule la puissance dissipée par les éléments et permet d’identifier les points chauds. La plateforme Eplan s’applique aux fabrications de séries de toutes tailles, y compris des armoires uniques. Les éléments récurrents

dans les productions peuvent ainsi être réutilisés automatiquement dans le logiciel au moyen de macros. Chez le fabricant d’armoires électriques HPS, Cogineer et la plateforme Eplan ont permis un gain de temps considérable sur l’exécution des commandes : 25 % à la conception, 80 % à la planification. Le travail nécessaire à la production mécanique est divisé par deux, la production électrique est accélérée de 40 %. Fabricant EPLAN CONCEPTION ET ONDULEUR TRIPHASÉ COMPACT JUSQU’À 600 KVA

Destiné aux régions supportant le 400 V, l’onduleur triphasé pour batteries externes UPS 3L étend la gamme jusqu’à 500 et 600 kVA. Il convient aux bâtiments commerciaux de moyenne et grande taille et aux installations industrielles légères. Avec un rendement atteignant 96 % et une conception compacte et redondante, il protège les équipements stratégiques des dommages dus aux pannes de courant, surcharges et surtensions. Fonctionnant avec un large éventail de configurations, y compris les bancs de

batteries, l’onduleur Easy UPS 3L accepte de nombreuses tensions de batterie. La surveillance permanente et la gestion sont facilitées grâce à la suite logicielle EcoStruxure IT en mode cloud. Fabricant SCHNEIDER ELECTRIC RECHARGE DE FLOTTES DE VÉHICULES ÉLECTRIQUES Le système de recharge de véhicules électriques « du réseau au branchement » Grid-eMotion Fleet se présente sous forme de conteneurs standard intégrant la connexion au réseau et la recharge. Utilisant la technologie à courant continu, il se raccorde à tout type de réseau électrique et réduit de 60 % l’espace et de 40 % le câblage nécessaire à la recharge des grandes flottes. Rapide à installer, Grid-eMotion Fleet s’appuie sur la solution de gestion intelligente de l’énergie e-mesh pour gérer l’ensemble de l’infrastructure de recharge, calculer la consommation d’énergie des bus et concevoir, planifier et fournir des services efficaces aux passagers. Il contrôle les données sur la durée de vie des batteries, les itinéraires, la simulation du trafic, et garantit l’optimisation de l’utilisation, du stockage et de la recharge d’énergie durant la nuit. Fabricant HITACHI ABB POWER GRIDS


TESTEUR DE BATTERIES POUR VÉHICULES ÉLECTRIQUES

Face à l’essor des véhicules électriques, le Pilot BT Flying Prober est un système de test entièrement automatisé des batteries Li-ion. Il offre une zone de test allant jusqu’à 1 050 x 865 mm accueillant tous types de batteries via un système de convoyage du fabricant ou autre. Il possède deux systèmes d’authentification : Windows (standard) et Viva (plusieurs niveaux de privilèges). Tous les testeurs Pilot sont équipés de la solution de surveillance industrielle 4.0 ready du fabricant, pour surveiller l’absorption de courant, la tension d’alimentation, la température, les indicateurs lumineux et d’autres paramètres, afin d’assurer la maintenance prédictive et de rendre les systèmes compatibles avec les dernières normes mondiales. Fabricant SEICA VARIATEURS POUR USINES INTELLIGENTES D’une puissance nominale de 0,1 à 7,5 kW sur des alimentations en 200 V mono / triphasé et 400 et 575 V triphasé, les variateurs de la famille FR-E800 contrôlent les moteurs à induction et à aimants permanents avec un niveau de sécurité jusqu’à Ple / Sil3. Ils intègrent les principaux réseaux ethernet industriels, dont CC-Link IE TSN, et offrent des fonctions de maintenance prédictive grâce à l’IA et à l’alerte pour gaz corrosifs intégrées. Les variateurs FR-E800 intègrent un PLC configuré via le logiciel FR-Configurator2. Plusieurs variateurs peuvent être contrôlés par un seul maître. Les modes de contrôle comprennent le contrôle vectoriel en boucle fermée (avec codeur), le contrôle vectoriel réel sans capteur (sans codeur) et le positionnement sans capteur. Les fonctions de diagnostic assistées par l’IA

réduisent les temps d’arrêt. Les fonctions de sécurité sont Safe Torque Off (STO), Safe Stop 1 (SS1), Safe Brake Control (SBC) et Safe Speed Monitor (SSM). Fabricant MITSUBISHI ELECTRIC SURVEILLANCE À DISTANCE D’ARCS ÉLECTRIQUES Disponible tout intégré ou sous forme de kit de mise à niveau, le module de communication TVOC-2COM complète le système de protection contre les arcs TVOC-2 des installations de distribution électrique, le plus rapide et le plus fiable du marché. Utilisant le protocole ModBus RTU pour se connecter au service EDCS d’ABB Ability, il assure la remontée d’informations et alerte les personnels clés par mail ou SMS dès l’apparition d’un incident. Le système de protection TVOC-2 utilise des capteurs optiques pour détecter les arcs électriques le plus rapidement. Moins d’une milliseconde après l’amorçage, il émet un signal pour déclencher le disjoncteur et éliminer l’arc. Le module de communication envoie alors une alerte. Le TVOC-2 peut être équipé de 30 capteurs optiques au maximum. Le système EDCS d’ABB Ability fournit une vue d’ensemble en temps réel de l’appareillage du système, de son état, de son historique et de sa configuration. Fabricant ABB ALIMENTATIONS UNIVERSELLES 24/48 VDC Acceptant une large gamme de tensions d’entrée, ces blocs d’alimentation satisfont les applications les plus diverses en 24/48 V continus Les PS1000 (six modèles en 24 V, de 2,5 à 20 A) ont un rendement jusqu’à 95,2 %. Les PS2000 (cinq modèles mono et triphasés), en 24/48 V, de 5, 10 et 20 A, ont un rendement jusqu’à 96,3 % et peuvent fonctionner à 120 % de leur puissance. Les PS3000 (sept modèles mono et triphasés), en 24/48, 10, 20 et 40 A, peuvent fournir

une puissance de 150 % pendant quatre secondes. Les alimentations sont optimisées pour le refroidissement par convection, les composants thermiquement sensibles étant situés dans le bas, au niveau de l’entrée d’air. Conformes à diverses homologations, les alimentations sont dédiées à l’industrie des semiconducteurs (homologation SEMI F47) et à la construction navale (DNV GL). Des versions pour les zones classées dangereuses (classe I Division 2, IECEx et Atex) sont également disponibles. Fabricant BECKHOFF AUTOMATION DOUBLE COMPTEUR ÉLECTRIQUE COMMUNICANT Destiné à être monté sur rail DIN, le PowerDIN 4PZ de Netio est un double compteur électrique 110/230 V, 16 A maximum, doté d’interfaces réseau et Wi-Fi. Chacune des quatre sorties peut être commutée indépendamment au travers de l’interface web, d’Open API ou de Netio Cloud. L’Open API permet l’intégration dans des systèmes utilisant divers protocoles tels que JSON, Modbus/TCP, SNMP, MQTTflex, Telnet. L’appareil peut être connecté simultanément à Netio Cloud. Deux sorties de puissance sont mesurées indépendamment et peuvent être commutées par un relais à commutation à zéro de courant (ZCS). Deux autres sorties passent par des relais conventionnels ouverts ou fermés au repos (NO/ NF) qui ne prennent pas en charge la commutation au zéro de courant. Deux entrées numériques actionnent des contacts secs surveillés via l’Open API. Chacune comporte un compteur d’impulsions S0 pour surveiller un compteur d’eau ou similaire. Fabricant NETIO

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matériaux - chimie

FIL COMPOSITE PLAQUÉ MÉDICAL Utilisé dans les dispositifs de gestion du rythme cardiaque, de neurostimulation ou vasculaire, le fil plaqué médical d’Anomet associe deux à trois matériaux différents pour répondre aux exigences techniques, de performances et de coût là où le fil massif a des limites. Les configurations pour dispositifs implantables sont multiples : tantale platine-iridium, MP35N plaqué platine, tantale plaqué 316LVM ou encore Nitinol plaqué or. Résistant à la corrosion, à l’usure et au contact, ce produit est biocompatible, radio-opaque, conducteur et robuste. Ce fil plaqué médical au fini lisse et régulier est fabriqué sur mesure suivant un diamètre de 0,05 mm à 3,175 mm avec une épaisseur de placage de 2 % minimum. À noter parmi les options proposées, la possibilité de brasage ou de formabilité entre autres. Fabricant ANOMET MOUSSE MÉTALLIQUE POUR AUTOMOBILE

Les mousses métalliques de forme alvéolaire NéoLattice contribuent à rendre les véhicules 100 % électriques plus légers pour une autonomie optimale. Adaptée aux grandes séries automobiles, cette structure en treillis, appelée lattice, est une matière de faible masse mais de haute résistance. En combinant matériau et zones vides, elle atteint entre 5 et 15% de matière solide en volume et promet une parfaite absorption des chocs.

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Par ailleurs, la bonne conductivité thermique et la perméabilité élevée de cette mousse, associées à une très bonne résistance aux chocs thermiques, à l’humidité et à l’usure, facilitent l’évacuation des calories générées par les véhicules électriques. La mousse affiche une bonne résistance aux hautes pressions en maintenant constant le palier de contrainte de déformation. Fabricant NEOLATTICE MATÉRIAUX COMPOSITES EN FIBRE DE CARBONE Ces thermoplastiques composites en fibre de carbone sont proposés pour des opérations de moulage de pièces complexes par injection à haute cadence. Le produit KyronMAX est formulé dans une vingtaine de résines : PA, low moisture PA, PPA, Hi-Temp PPA, PC, PPS, PEEK… Légers et solides, ces polymères présentent des résistances à la traction supérieures à 61 000 psi (420 MPa) et un module supérieur à 6 300 000 psi (43,5 GPa). La référence KyronMAX S-2212 est, par exemple, un compound sur base polyamide prévu pour de nombreuses applications dans l’automobile, l’aérospatial, le médical… Son module de traction est de 12 GPa, sa force de traction de 231 MPa et son point de fusion est atteint à 263 °C. Ces thermoplastiques composites en fibre de carbone sont proposés pour des opérations de moulage de pièces complexes par injection à haute cadence. Fabricant MITSUBISHI CHEMICAL ADVANCED MATERIALS

logiciel

matériaux - chimie

nouveaux produits

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logiciel

MODULE D’ANALYSE DE VIBRATIONS Un module dédié à la mesure et à l’analyse de vibrations transmises au corps humain complète les Applets BK Connect. Il est axé sur l’étude des vibrations que le corps entier, mais aussi le système main-bras peuvent absorber. Conforme aux normes internationales ISO 2631 et ISO 5349, il trouve particulièrement sa place dans les domaines de la santé au travail et de la prévention des risques. Sept paramétrages distincts permettent de calculer la Maximum transient vibration value (MTVV), la Vibration total value (VTV) et la Vibration dose value (VDV). Les données mesurées indiquent la valeur crête, le niveau RMS, le niveau global en fonction du temps, la FFT et la FFT versus temps afin que les ingénieurs effectuent des examens plus approfondis de leurs tests. Fabricant BRÜEL& KJAER STRATÉGIE CLOUD HYBRIDE

Pensée spécifiquement pour les environnements hyperconvergents et de conception hybride, la solution matérielle et logicielle pré-configurée Primeflex pour Microsoft Azure Stack HCI aide les entreprises à faire évoluer leurs datacenters sur site vers le cloud. Elle accélère la mise en œuvre et autorise ainsi des environnements cloud hybrides, connectés de manière transparente directement au service Azur. Cette architecture prête à l’emploi possède le matériel et les logiciels nécessaires au déploiement d’infrastructures hybrides. Les composants sont optimisés et certifiés par Microsoft pour l’informatique, le stockage et la connectivité réseau. Le système intégré


fait le lien entre les stockages sur site et Azure pour accepter les charges de travail traditionnelles et natives du cloud. Fabricant FUJITSU APPLICATION DE MAINTENANCE PRÉDICTIVE

L’application Igus Smart plastics, destinée à la plateforme IoT Fanuc field system, s’emploie pour la surveillance de l’état des composants de machines et la planification de leur entretien. Les utilisateurs contrôlent l’état de leurs chaînes porte-câbles, de leurs câbles, ainsi que l’état des plateaux tournants, des guidages linéaires et des paliers lisses à tout moment afin d’en assurer la maintenance prédictive. Les capteurs d’Igus mesurent l’usure pendant le service et alertent dès qu’une intervention est nécessaire. Le module de communication Icom.plus met à disposition ces données via un serveur OPC-UA. Celles-ci sont prises en charge par la plateforme après conversion. Fabricant IGUS RÉVISION COLLABORATIVE DE CONTENUS Fondée sur les navigateurs HTML5, Alfresco Enterprise Viewer est une solution d’affichage, d’annotation et de révision collaborative. Les utilisateurs affichent le contenu (documents, images, audio ou vidéo) et collaborent en temps réel sur des annotations et des révisions grâce à des outils d’édition et des fenêtres de discussion. Parmi les possibilités : des tampons prédéfinis (approuvé / refusé), des outils de manipulation de documents ou d’annotation géométrique, des pensebêtes et des fonctionnalités

prises en charge dans Adobe Acrobat. Avec la norme PDF XFDF, les annotations sont téléchargeables, consultables et ajoutables off line. Optimisé pour un affichage rapide et sécurisé dans un navigateur, le système convient aux employés travaillant à distance et disposant d’une bande passante réseau irrégulière. En divisant des documents en petites sections, il est deux à cinq fois plus rapide pour l’affichage de documents volumineux par rapport aux options d’affichage des navigateurs et des bibliothèques JavaScript PDF.js. Ces sections sont ensuite encodées en vue de leur transmission, évitant ainsi que des éléments lisibles ne restent dans le cache du navigateur. Fabricant ALFRESCO MESURE D’ÉCONOMIES D’ÉNERGIE Le logiciel en ligne Energy saving app évalue les économies d’énergie réalisées par une installation équipée de pompes à vide disposant du système Air saving control (ASC) qui stoppe la consommation d’air comprimé dès que le niveau de vide nécessaire est atteint. Le logiciel de Coval mesure ainsi les économies énergétiques effectuées avec les pompes à vide des gammes Coval Lemax, Lemcom ou GVMAX dotées de la technologie ASC. Après avoir entré les principales caractéristiques du matériel (durée et nombre de cycles de prise, temps d’utilisation, volume à vider...), le gain d’énergie s’affiche simultanément en euros, en volume d’air et en pourcentage. Celui-ci peut représenter jusqu’à 97 %. En moyenne, une pompe Coval équipée de l’ASC est rentabilisée en moins d’un an. Fabricant COVAL LOGICIEL DE MODÉLISATION 3D La solution Solid edge 2021 comprend Solid edge 3D CAD et Solid edge CAM Pro. Solid Edge Wiring Design propose aux utilisateurs de mieux préparer l’agencement des armoires de commande industrielles. L’ensemble s’appuie sur des capacités de modélisation par subdivisions, des outils de rétro-ingénierie, une interface fondée sur l’IA, un moteur

de recherche intelligent pour les modèles 3D et la recherche de forme ou d’éléments existants. 3DFindit.com optimise le processus de recherche des modèles 3D. La conception électrique des tableaux de commande industriels facilite la création d’un agencement 2D des armoires électriques. Une meilleure intégration entre la simulation fluidique et la simulation des structures donne lieu à un jumeau numérique plus précis. Enfin, une collaboration dans le cloud avec Teamcenter share est possible. Fabricant SIEMENS AUTOMATISATION DES PROCESSUS ANALYTIQUES

Alteryx analytics hub, qui étend les fonctionnalités de la plateforme d’Automatisation des processus analytiques (APA), et Alteryx intelligence suite, add-on de modélisation prédictive pour Alteryx designer, optimisent les processus de traitement des données sur une plateforme unifiée. Analytics hub regroupe les ressources analytiques dans une plateforme sécurisée, évolutive et intuitive. Les professionnels des données collaborent ainsi avec les autres équipes. D’autre part, l’outil réduit le délai entre l’examen des données et la prise de décision grâce à sa mise en œuvre flexible sur le cloud, sur site ou dans un environnement à plusieurs nœuds. Les utilisateurs non formés

à la data science construisent, eux, leurs propres modèles prédictifs avec Intelligence suite. Un pipeline d’apprentissage automatique de bout en bout est créé en peu de temps. Les novices acquièrent ainsi les compétences pour produire d’autres modèles par la suite. Ce service facilite l’extraction et l’importation de données, notamment à partir de PDF et d’images. Il complète aussi les jeux de données. Fabricant ALTERYX CLUSTERS MULTI-CLOUD Le système de gestion de base de données pour tout usage, MongoDB, rend disponible les clusters multicloud pour sa database cloud mondiale MongoDB Atlas. Les clients déploient ainsi simultanément une base de données entièrement gérée et distribuée sur Amazon Web Services (AWS), Google Cloud et Microsoft Azure. Le tout sans opération complexe de la gestion de la réplication et de la migration des données entre les clouds. Ces clusters permettent aux organisations d’étendre la portée géographique de leurs applications en répliquant les données des trois principaux fournisseurs de cloud vers l’une des 79 régions cloud prises en charge dans le monde. Les développeurs tirent ainsi le meilleur parti des offres de chaque fournisseur, comme l’intelligence artificielle, l’analyse ou les produits de développement sans serveur. Fabricant MONGODB

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mesure

nouveaux produits

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mesure

CAPTEURS DE CONDUCTIVITÉ INTELLIGENTS Les capteurs de conductivité LDL avec IO-Link distinguent les produits nettoyants, l’eau de rinçage et les denrées alimentaires pour le nettoyage en place ou la séparation de phases. Ils transmettent ainsi les valeurs de conductivité et de température aux outils de contrôle-commande (PLC, supervision). La version LDL 100 est appropriée pour la séparation de phases sur les tuyaux de petit diamètre. La version LDL 200 convient aux processus NEP (nettoyage en place) afin de surveiller si des résidus se trouvent dans l’eau de rinçage ou de détecter la concentration de liquide nettoyant. Le câblage est simplifié via un connecteur M12. Fabricant IFM ELECTRONIC CAPTEUR À FOURCHE COMBINÉ

Destiné aux machines d’étiquetage utilisées dans l’industrie de l’emballage, le capteur à fourche GSX combine et cumule les avantages de deux principes de détection : optique et ultrasons. Il détecte une large gamme d’étiquettes, indépendamment de leurs caractéristiques et de leurs matériaux de surface, y compris le BOPP non homogène. Il se configure rapidement grâce au bouton d’apprentissage pour la combinaison étiquette-bande de support. Le capteur GSX est doté d’une interface IO-Link qui permet de le configurer et d’effectuer l’apprentissage à distance et de verrouiller les boutons. La gestion des recettes facilite les changements

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mesure max. de 30 et 50 m) avec une technologie renforcée doublant la vitesse de mesure et une fonction accéléromètre pour des mesures de vibration échantillonnées jusqu’à 2 kHz. Les MV430 et MV450 sont moins rapides et ne mesurent pas les vibrations. Fabricant NIKON METROLOGY de format, un nouvel apprentissage n’est pas nécessaire, la modification s’effectuant rapidement en sélectionnant le jeu de paramètres associé au format d’étiquette correspondant. Cela s’effectue directement sur l’interface de l’étiqueteuse. Fabricant LEUZE SYSTÈME D’INSPECTION LASER RADAR

Capable d’inspecter les entités avec une précision équivalente à celle des machines à mesurer tridimensionnelles à bras horizontal, le laser Radar APDIS est une solution métrologique automatisable qui associe un faisceau laser focalisé et un interféromètre laser hétérodyne. Unique en son genre, cette technologie fonctionne aussi bien à faible distance, comme dans un laboratoire, qu’à grande échelle, jusqu’à 50 m. Les mesures s’effectuent en coordonnées absolues et sans contact. La précision est de 28 µm à 2 m et de 313 µm à 30 m. La distance minimale est abaissée à 0,5 m. Idéal pour les mesures répétitives, complexes et contraignantes de grandes pièces, le laser APDIS peut atteindre des zones difficiles d’accès sans recourir à des cibles, des réflecteurs, des palpeurs portatifs ou une préparation de la surface. Une nouvelle camera HD et de nouvelles optiques permettent de voir ce qui est inspecté. Le poids a été réduit de 40 %, la taille d’un quart, avec une protection IP54. La gamme comprend quatre modèles : les MV430E et MV450E (distances de

CAMÉRAS INTELLIGENTES TOUT-EN-UN Destinées à la vision industrielle, les caméras Neon-2000 reposent sur des modules Nvidia Jetson, une conception tout-en-un et offrent un faible encombrement. Elles embarquent un ensemble de logiciels de vision, préinstallés qui simplifient et accélèrent le développement et l’intégration de la vision avec IA. Conforme aux normes CE et FCC, le boîtier compact résiste aux chocs et aux vibrations, et supporte des températures de 0 à 45 °C en fonctionnement. Simples d’utilisation, les caméras Neon-2000 intègrent des modules graphiques, des capteurs, des entrées-sorties numériques à base de FPGA et un ensemble de logiciels d’apprentissage profond pré-installés (réseau de neurones). Un échantillon de code est prêt à l’emploi pour le développement rapide d’applications de vision. Elles augmentent l’efficacité des industries à forte cadence où la qualité de l’inspection est essentielle. Fabricant ADLINK TECHNOLOGY / TECHWAY CAPTEUR DE PRESSION MINIATURE

Le capteur de pression miniature P60 réalise des tests dans des zones confinées, telles que les boîtes de vitesses ou les circuits de refroidissement. Il calcule la pression de l’huile des boîtes de transmission et contrôle les systèmes hydrauliques. Il trouve sa place dans l’automobile, l’aérospatial, le transport ferroviaire et nautique.

Il possède une gamme de pressions allant jusqu’à 200 bars et d’une classe de haute précision de 0,3. Ce capteur est disponible avec quatre gammes de pression nominale et six connecteurs filetés différents. Un connecteur miniature intégré au capteur et un câble flexible facilitent le montage. Fabricant HBK CAMÉRA THERMIQUE POUR LA MESURE DES TEMPÉRATURES CORPORELLES Pour faire face à la propagation du Covid-19 et assurer la sécurité sanitaire dans les lieux publics, la caméra de sécurité thermique fixe Elara FR-345EST mesure avec précision les températures corporelles élevées, sans contact et sans l’aide d’une source thermique de référence. Elle offre un guidage automatique vers l’endroit où la température est la plus proche de la température corporelle interne, le canthus interne (coin de l’œil). La caméra Elara FR-345-EST peut s’utiliser seule, sans appui logiciel, ou dans le cadre d’un système de contrôle d’accès plus vaste. Les systèmes de gestion vidéo tiers embarqués (VMS) facilitent l’intégration. Durant l’analyse, des algorithmes intégrés à un réseau neuronal affichent des messages interactifs qui facilitent l’identification (lunettes, orientation de la tête…). Le module d’IA mesure alors la température du canthus interne avec une précision de ± 0,5 °C et décide si la personne peut ou non entrer. Pour lancer la procédure de configuration et d’étalonnage, il suffit de raccorder la caméra à un moniteur intelligent doté d’un navigateur web. Fabricant FLIR


RÉGULATEURS DE DÉBIT MASSIQUE Ces régulateurs de débit massique (MFC) pour les gaz de fermentation sont dotés d’une large plage de réglages, d’une fonction de documentation pour les process reproductibles et d’une répétitivité précise. L’opérateur commande les gaz de fermentation comme l’azote, l’oxygène ou le dioxyde de carbone selon les besoins des cultures. Ces appareils sont conformes aux homologations USP Classe VI, FDA et EG 1935. Les MFC de type 8741 et 8745 couvrent des débits normalisés de quelques ml/min à 2 500 l/min. Ils prennent en charge l’ethernet industriel, Profinet, ethernet/ IP, EtherCAT, Modbus TCP, CANopen et Profibus DP via une passerelle. Fabricant BÜRKERT FLUID CONTROL SYSTEMS SONDES DE TEMPÉRATURE HYGIÉNIQUES

Dédiées aux applications hygiéniques dans l’industrie agroalimentaire, les sondes de température Optitemp TRA-H6x/-C6x sont homologuées 3A, FDA, EHEDG et classées IP69. Grâce à leur sonde à temps de réponse court, avec erreur de conductivité de chaleur réduite, elles affichent une grande précision à de courtes longueurs d’insertion. Elles sont commercialisées avec des inserts Pt100 remplaçables ou non pour un temps de réponse plus rapide. Les options comprennent un système adaptatif modulaire présentant un raccord process hygiénique G½ en version acier sur acier et acier sur PEEK. Une sortie 4...20 mA est comprise sur tous les appareils qui incluent également HART, Bluetooth et NFC. Avec l’application Opticheck temperature mobile, la configuration, la surveillance et la vérification standard sont possibles. Fabricant KROHNE

DÉBITMÈTRES DE PRÉCISION Les débitmètres à piston, à engrenages et hélicoïdaux ont un temps de réponse inférieur à une seconde. Équipés d’un boîtier en acier inoxydable, ils fonctionnent sur des plages de débit de 0,005 à 10 000 cc/min et résistent à une pression pouvant aller jusqu’à 500 bars. Les débitmètres à piston P-Séries mesurent des débits inférieurs à 1 cc/min et des viscosités de 0,5 à 10 000 mPa/s. Les débitmètres à engrenages G-Séries assurent un signal de sortie haute résolution et des capacités de mesure bidirectionnelle. Les hélicoïdaux H-Séries évaluent les liquides de haute viscosité via un rotor à cavité progressive. Fabricant MAXMACHINERY INSTRUMENT POUR ÉTALONNAGE SUR SITE Le calibrateur multifonction CPH8000 est un instrument mesurant de nombreux paramètres tels que la pression, la température, le courant, la tension, la fréquence, les impulsions et les conditions ambiantes. Vendu en version portable ou sous forme de valise rigide avec une pompe de pression intégrée, il est de conception modulaire pour s’adapter aux besoins, aux gammes et aux incertitudes recherchées. Le CPH8000 est facile à utiliser grâce à un grand écran tactile couleur. Ce dernier affiche jusqu’à quatre fenêtres de test simultanément. Ce calibrateur multifonction dispose également d’un enregistreur de données puissant et d’une grande capacité de mémoire. L’outil est aussi disponible dans une version homologuée Atex, pour une utilisation dans les environnements explosifs. Fabricant WIKA INSTRUMENTS

se réinvente avec une série d’innovations Le référent de l’innovation technologique, depuis la deeptech jusqu’à l’usine

NOUVEAU ! > Industrie du futur, Deeptech, grands défis de l’innovation, actualités des labos, technologies clés, … le site devient Le Club des Managers de l’Innovation, 100% dédié aux abonnés sur usinenouvelle.com > Micro-électronique 3D, impression 3D, captage du CO2, robotique autonome, graphène, start-up deeptech, batteries tout solide, … le magazine repensé se veut un véritable outil de travail + applicable et + inspirant, en version papier et digitale > Antoine PETIT - PDG du CNRS, Philippe BAPTISTE - Président du CNES, Jean DALIBARD - Physicien et médaille d’or 2021 du CNRS, ... des entretiens et des échanges utiles, avec de grands acteurs de la R&D > 5 résultats de publications scientifiques à ne pas rater chaque semaine, avec la nouvelle version de la newsletter Fil d’Intelligence Technologique (FIT)

> Et toujours les newsletters • « L’hebdo de la techno » • « Pour bien démarrer la semaine», chaque lundi • Les alertes flashs

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composants mécaniques

MODULE À DEUX MORS Le module à deux mors complète le système modulaire du fabricant qui comprend un module à trois mors et des têtes classiques. Le module à deux mors, destiné au serrage centré pour les pièces cubiques, est une alternative de petite taille et légère aux étaux souvent volumineux et lourds utilisés dans les ateliers. Il s’utilise à une vitesse maximale de 1 500 tr/ min. Au sein du système modulaire, les modules s’insèrent dans un mandrin, et grâce au changement rapide Centrex intégré, le système permet de passer d’un module à un autre sans changer de moyen de serrage et sans alignement. En quelques minutes, on peut passer d’un serrage externe à un serrage centré. Le système modulaire est adapté à de nombreuses tâches pour l’usinage d’un large éventail de pièces, quelle que soit leur forme ou leur taille, et à de petites quantités dans les centres d’usinage et les fraiseuses. Fabricant HAINBUCH ROULEMENT À BILLES Le roulement à billes est conçu pour fonctionner à haute vitesse et répondre aux performances des moteurs de traction des véhicules hybrides et électriques. Il est rempli d’une graisse propriétaire longue durée qui réduit la génération de chaleur aux vitesses de rotation élevées. Une cage nouvellement conçue dans un matériau élaboré à partir de résine à haute rigidité offre une meilleure résistance thermique aux températures élevées. La cage est déployée avec des languettes de retenue plus minces et plus légères qui minimisent les risques de déformation ou de rupture de la cage. Ces caractéristiques assurent le

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fonctionnement du roulement jusqu’à 1,4 million dmN, par exemple un roulement à diamètre d’alésage de 35 mm fonctionne en toute fiabilité à une vitesse de rotation de 30 000 tr/min. Fabricant NSK

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CHAÎNES PORTE-CÂBLES

La série e-skin flat, ISO Classe 1 et compacte, guide des câbles dans les espaces restreints des salles blanches. La gaine est proposée sous forme de compartiments individuels ouverts ou fermés, les single pods, qui offrent un entretien et une mise en place simple des câbles. L’utilisateur détermine lui-même le nombre de compartiments, il peut les relier entre eux, en ajouter, les couper à la longueur souhaitée et y placer des câbles. Un système prêt à raccorder avec des câbles dédiés aux salles blanches est également disponible. Une chaîne de renfort en polymère résistant à l’usure intègre la gaine en version fermée. Elle stabilise et allonge la longueur autoportante des compartiments. Elle permet le déplacement stable et le maintien du rayon de courbure choisi, entre 40 et 100 mm, de la gaine. Fabricant IGUS SYSTÈMES DE FIXATION Le système SaMontec comprend des éléments de fixation compatibles entre eux pour le support de réseaux, des canalisations d’eau ou de gaz, la pose de tuyauteries, de câbles de raccordements et d’alimentations électriques. Trois gammes de systèmes modulaires composées d’éléments d’assemblage optimisés, dont certains sont préassemblés, offrent un montage simple et rapide adapté à de nombreuses configurations et à tous les types de supports. Le système de rails légers FLS est conçu pour les charges

matériel informatique

composants mécaniques

nouveaux produits

légères, les rails FUS pour les charges moyennes, et le système FMS pour des charges lourdes. Ils sont associés à des éléments de constructions, des consoles de montage, des accessoires et des colliers, dont certains ont été testés au feu. La gamme propose également des solutions pour les plafonds techniques destinés à l’industrie. Fabricant FISCHER PINCES DE SERRAGE PNEUMATIQUES Les pinces de serrage pneumatiques offrent une force de serrage élevée, comprise entre 120 et 950 daN selon le diamètre choisi. Une géométrie particulière optimise le positionnement des composants mécaniques et assure une fixation fiable de la pièce, même en cas de manque d’air comprimé. Cette conception minimise l’usure ; les pinces sont ainsi garanties pendant 20 millions de cycles, soit environ sept ans de fonctionnement. La gamme se décline en trois versions, avec mouvement de rotation du bras et blocage latéral, axial et axial avec fixation centrale. Elles sont de dimensions et de poids réduits, avec une faible consommation d’air comprimé. Les pinces sont proposées avec une large gamme d’accessoires standard, nécessaires pour leur utilisation correcte : supports en forme de vis de serrage, mâchoires de préhension, kits de cales, capteurs de proximité… Fabricant ELESA

matériel informatique

PC AMD EMBARQUÉ

Conçus sur un puissant processeur AMD Ryzen, les ordinateurs CX20x3 peuvent évoluer sur des systèmes 32 et 64 bits hébergeant les logiciels d’automatisation TwinCAT 2 et TwinCAT 3. Le CPU apporte une meilleure capacité de calcul grâce à une fréquence d’horloge élevée (jusqu’à 3,35 GHz). Les performances PC temps réel sont augmentées par la séparation de l’affichage graphique de la mémoire CPU. Ils existent en deux versions, avec ou sans ventilateur et composants rotatifs. En standard, ces unités embarquées comprennent 8 Go de mémoire principale et des interfaces de communication (deux ports ethernet gigabit indépendants, quatre ports USB 3.1 Gen. 2 et un port DVI-D). Afin d’être opérationnels sur tous les types de terrain, ils démarrent rapidement grâce à une carte Flash CFast et fonctionnent de – 25 et 50 °C. Une interface de bus de terrain et une interface série sont disponibles en option. Fabricant BECKHOFF CARTES MÈRES ET SERVEURS POUR IA La famille de cartes industrielles ATX, SBC PICMG & ASMB-x87 bénéficient de l’incorporation de la dixième génération de processeurs Intel IntelCore i9/i7/i5/i3 et Xeon W. Cette mise à niveau procure une capacité de calcul supplémentaire en passant le processeur de 8 à 10 cœurs. Les performances multitâches sont ainsi améliorées de 31 % dans toutes les applications d’algorithmes complexes et exigeantes. En association


avec de la mémoire rapide en lecture-écriture, elles prouvent leur potentiel sur des systèmes d’apprentissage ou prédictifs exploitant l’IA comme la vidéosurveillance ou l’automatisation industrielle. Toutes ces cartes prennent en charge plusieurs systèmes d’exploitation du fabricant, les plates-formes logicielles WISE-PaaS/ DeviceOn et aussi le WiseCloud d’Advantech. Fabricant ADVANTECH NOTEBOOK DE TÉLÉTRAVAIL

En réponse aux besoins des professionnels en mobilité ou en télétravail, les ordinateurs portables Lifebook U9311/X offrent un poids plus léger (885 g), une faible épaisseur

MÉMOIRES FLASH POUR APPLICATIONS IOT (15 mm), une autonomie de batterie plus importante grâce à quatre cellules et une connectivité 5G. Équipés d’une plate-forme Intel vPro de 11e génération (avec une carte Iris Xe), ils profitent de leur puissance pour gérer des applications gourmandes en ressources graphiques sur leur écran de 13,3 pouces. L’usage en vidéoconférence a été perfectionné avec un obturateur mécanique de désactivation de la caméra HD et un module Dirac qui améliore la qualité du son. Les technologies de sécurité et de confort, comme l’authentification biométrique PalmSecure, la protection des données et la détection des attaques par Hardware Shield, et la connexion simplifiée via Windows Hello, bénéficient immédiatement aux utilisateurs. Fabricant FUJITSU

La gamme de produits SSD InnoAGE comprenant les modèles InnoOSR 3TO7 et InnoAGE 3TI7 fournit une solution instantanée de récupération intégrale des capacités des périphériques IoT. Pratique pour éviter une réinstallation logicielle locale qui demande du temps ou une récupération à distance peu économique, ces mémoires Flash de 32 Go jusqu’à 1 To proposent une fonction automatisée sur site, disponible en un clic. Elle récupère les fonctionnalités défectueuses détectées à

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travers une surveillance permanente (24 heures/24 et 7 jours/7) et autonome au niveau du logiciel embarqué. Avec des formats 2,5 pouces M.2 2242 et 2280 et mSATA, elles se fondent facilement dans leur environnement où les dispositifs doivent continuellement être opérationnels (kiosques, distributeurs automatiques, machines à sous dans les casinos…). Fabricant INNODISK

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Le docteur automatique, c’est une fiction, un fantasme. Quand on est malade, on a besoin d’un être humain.

CNRS ÉDITIONS

Pourquoi intégrer de l’intelligence artificielle (IA) à la médecine ?

L’intelligence artificielle a le potentiel de révolutionner la santé, bouleversant les pratiques dans des disciplines aussi variées que la cancérologie, la radiologie, l’organisation hospitalière ou la psychiatrie. Si ses applications sont au cœur de l’ouvrage collectif dirigé par le chirurgien Bernard Nordlinger, le mathématicien Cédric Villani et le directeur général d’echOpen factory Olivier de Fresnoye, l’IA reste un outil qu’il faut apprendre à manier.

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L’IA permet un calcul rapide, logique et objectif dans le domaine où elle a été entraînée. À mon sens, elle n’a pas vocation à remplacer le médecin, mais plutôt à être une assistante qui met à la disposition du praticien un plus grand nombre d’informations. Pour la recherche en santé, elle permet d’analyser très rapidement de grandes quantités de data. Grâce à elle, on pourra ainsi classer très rapidement les cancers en fonction de la génomique exprimée d’une tumeur, et donc choisir le traitement le plus adapté. L’IA et, plus généralement, le numérique sont des outils en cours d’évaluation, cantonnés à la recherche, mais qui promettent d’être extrêmement performants en santé. On est encore loin de l’application courante. Il faut compter encore cinq à dix ans au minimum, mais cela commence petit à petit à entrer dans les usages, à l’instar de Doctolib. En revanche, pour les aides au diagnostic et au traitement, nous n’en sommes pas encore là. L’ouvrage donne le sentiment que l’IA vise tous les niveaux du soin, et dans tous les domaines. Est-ce le cas ?

L’IA touche tous les champs de la médecine où il y a des images. L’apprentissage automatique peut traiter les images à un degré que l’œil humain ne peut pas voir. Il existe également des applications dans des domaines plus surprenants, comme celui de la psychiatrie, où l’IA peut permettre par exemple de déceler un trouble autistique chez l’enfant au travers de l’analyse de vidéos. Cela a permis des avancées considérables, notamment en donnant accès au médecin à des espaces qu’il ne pourrait approcher avec une consultation d’une demi-heure. L’IA montre ses limites quand elle essaye de remplacer le médecin. Il existe des applications qui permettent d’orienter les patients à partir de leurs symptômes vers des réponses plus précises que celles qu’ils trouveraient sur internet. Mais dans le cas de maladies graves, comme le cancer, on a du mal à imaginer un algorithme annonçant: «Vous avez une maladie qui vous laisse 5% de chances d’être

P. GUITTET

entre les lignes

Bernard Nordlinger Chirurgien, professeur en oncologie, membre de l'Académie nationale de médecine

en vie dans cinq ans.» En 2018, «The Economist» titrait: «Doctor You». Le docteur automatique, c’est une fiction, un fantasme. Quand on est malade, on a besoin d’un être humain. Quels vont être les défis de l’intégration de l’IA dans les pratiques médicales ?

Comme pour toutes les nouveautés, le principal défi, c’est la confiance. Il faut que les médecins croient en ces outils et qu’ils soient formés à les utiliser. Pour le grand public, c’est pareil: il faut qu’il comprenne que c’est une aide pour que le praticien soit plus efficace et plus rapide. L’idée n’est pas non plus de faire trop vite, mais il y a des spécialités où il faut près de six mois pour obtenir un rendez-vous, c’est des choses que l’on aimerait que l’IA change. Ce thème de la confiance est au cœur de l’un des derniers chapitres de l’ouvrage. Il traite de l’enjeu de la dépossession: il faut être prêt à laisser quelqu’un d’autre que le médecin aux manettes. Cela pose aussi le problème de ce qu’il faut faire si les conclusions du médecin et de l’algorithme divergent. Comment décider qui a raison? Dans les réseaux de neurones, il y a ce qu’on appelle la «boîte noire»: parfois, nous ne sommes pas capables d’expliquer comment le modèle obtient le résultat final. En santé, il faut a minima que le médecin puisse expliquer au patient la logique derrière le résultat, même s’il n’en connaît pas les mécanismes. Certains disent : «Quand on monte dans un avion, on fait confiance au pilote.» Oui, mais il faut au moins savoir où le pilote nous emmène. Propos recueillis par Émilie Dedieu

Médecine et Intelligence artificielle, sous la dir. de Bernard Nordlinger, Cédric Villani et Olivier de Fresnoye CNRS Éditions, 2022


LE CEA/DAM : ACTEUR DU DÉVELOPPEMENT DU CALCUL HAUTE PERFORMANCE Depuis le lancement du programme Simulation en 1996, la Direction des Applications Militaires du CEA (DAM) s’appuie sur une méthodologie lui permettant de garantir la sûreté et la fiabilité des armes nucléaires françaises sans recourir à un essai nucléaire. Pour cela, elle a acquis une maîtrise de toute la chaîne de valeur de la simulation numérique et soutient le développement du traitement des données massives et du calcul intensif. Le CEA est un partenaire historique des développement des technologies du traitement des Trophées de la simulation et des technologies données massives et du calcul intensif. numériques. Pourquoi ? En janvier 1996, le Président Jacques Chirac Quelles sont pour vous les nouvelles règles annonçait l’arrêt définitif des essais nucléaires : dans le monde du calcul intensif et de la la sûreté et la fiabilité des armes nucléaires simulation ? françaises sont désormais garanties grâce au Un des principaux défis des futurs systèmes va programme Simulation. L’ampleur et l’ambition être leur consommation énergétique qui ne peut de ce programme, défini et mené par la Direction augmenter éternellement. Des gains ont d’ores et des applications militaires du CEA (DAM), ont élevé déjà été obtenus dans ce domaine mais il va falloir le niveau de ses exigences en matière de calcul encore augmenter l’efficacité de ces machines. Les scientifique, tant en termes de performances que de supercalculateurs actuels et futurs ne seront plus capacité d’anticipation et de maîtrise de l’évolution homogènes mais auront une architecture modulaire des matériels et des logiciels. Pour disposer de où le supercalculateur est composé de différentes façon pérenne et souveraine des moyens de calcul technologies plus ou moins spécialisées qui vont nécessaires à sa mission, la DAM a mis en place une nécessiter une programmation spécifique afin d’en stratégie de co-conception des supercalculateurs tirer la meilleure efficacité. La difficulté pour les avec la société Bull (aujourd’hui au sein d’Atos) applications va être d’utiliser le mieux possible ces Vincenzo SALVETTI depuis le début des années 2000. Ce partenariat ressources afin de gagner en capacité de traitement Directeur des applications militaires structurant s’est développé autour de la la R&D tout en restant dans une enveloppe énergétique CEA mais aussi sur la mise en œuvre et l’exploitation contrainte. de supercalculateurs. Cette stratégie a permis à la DAM d’acquérir une maîtrise de toute la chaîne de valeur de la simulation numérique : les infrastructures des centres de calcul, les technologies Pourquoi le calcul haute performance s’impose-t-il aujourd’hui ? mises en œuvre dans les supercalculateurs et les applications (codes Les progrès du calcul haute performance permettent de simuler de calcul) capables d’exploiter les gigantesques puissances de calcul numériquement le comportement réel d’un objet avec une grande associées. Le CEA/DAM a ainsi contribué à la création du technopôle précision. Il permet donc de réduire sensiblement les expérimentations, Teratec et du Très Grand Centre de Calcul (TGCC), sur le centre DAM/ souvent coûteuses. Il permet aussi de réduire les temps de conception, de Île-de-France, pour entraîner chercheurs et industriels dans la voie de développement et de réalisation des projets, donc leurs coûts. A la DAM, l’innovation par la simulation numérique : laboratoires de recherche, nous l’utilisons dans tous les domaines de notre mission : pour décrire grands groupes industriels, PME et jeunes-pousses y utilisent pour finement la physique de fonctionnement d’une tête nucléaire, de l’échelle leurs projets les supercalculateurs de technologie Bull, conçus à partir métrique à l’échelle atomique, pour développer des matériaux innovants de la gamme de produits développée par Atos avec le CEA/DAM pour répondant à des spécifications mécaniques et thermiques drastiques, ses programmes. Les Trophées de la Simulation participent à cette pour maîtriser la qualité de fabrication de nos objets, mais aussi pour dynamique en récompensant des actions exemplaires qui contribuent au maîtriser l’ingénierie de nos grands projets d’installations.

Co-organisé par :

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étude de cas

Analyser l’interaction lasermatière à l’aide de la simulation L’interaction laser-matière, et le chauffage qui en découle, est souvent étudiée par le biais de la simulation en utilisant l’une des nombreuses techniques de modélisation. Pour choisir l’approche la plus appropriée, vous pouvez vous baser sur des informations telles que les propriétés optiques du matériau, les tailles relatives des objets à chauffer, ainsi que la longueur d’onde et les caractéristiques du faisceau laser. Pour effectuer votre simulation, vous pouvez utiliser COMSOL Multiphysics®. en savoir plus comsol.blog/laser-heating

Le logiciel COMSOL Multiphysics® est utilisé pour la conception et la simulation des dispositifs et des procédés dans tous les domaines de l’ingénierie, de la fabrication et de la recherche.


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