L'audit interne dans les collectivités territoriales - Enjeux, acteurs et stratégies

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Enjeux, acteurs et stratégies

La demande de transparence de l’action publique locale de la part des citoyens n’a jamais été aussi forte. L’audit interne est un des outils de gestion mis en œuvre par les collectivités territoriales. Il consiste, à partir d’une identification des risques pouvant affecter la réalisation des objectifs fixés par l’exécutif, à investiguer une direction ou un service, pour vérifier comment ces risques sont couverts et proposer des pistes pour s’en prémunir. L’audit interne fait intervenir une pluralité d’acteurs, commanditaire (maire, président, directeur général des services), auditeur (service dédié ou inspection générale) et audité (administration). L’objet de l’ouvrage est d’analyser les enjeux de pouvoir sous-tendant cette démarche, les rôles que jouent ces acteurs et les stratégies poursuivies, sous le regard du magistrat financier (chambres régionales des comptes), et surtout de celui des citoyens dont ils tirent leur légitimité. Il ne s’agit ni d’un manuel ni d’un guide des bonnes pratiques, mais de la transmission d’une longue expérience du contrôle. Le but est d’inviter tous ceux qui sont concernés par la démarche (élus, fonctionnaires, chercheurs, syndicalistes ou militants associatifs…) à prendre le recul nécessaire pour faire le lien entre une gestion performante des collectivités territoriales et l’approfondissement de la vie démocratique.

Titulaire d’un doctorat en économie spatiale, urbaine et régionale (Dijon), d’un DESS en administration publique et droit public interne dont il est sorti major (Paris 1 PanthéonSorbonne) et du diplôme universitaire d’auditeur en organisation publique (Cour des comptes et Paris-Nanterre), Raphaël BRUN a débuté sa carrière dans un laboratoire associé au CNRS, à la Région Île-de-France et à la ville de Paris (Inspection générale, Conseil de Paris). Il est aujourd’hui administrateur de la ville de Paris et auditeur en organisation publique.

L'audit interne dans les collectivités territoriales Enjeux, acteurs et stratégies LES ESSENTIELS

R. Brun

LES ESSENTIELS

L'audit interne dans les collectivités territoriales - Enjeux, acteurs et stratégies

L'audit interne dans les collectivités territoriales

Raphaël Brun Préface de Didier Migaud Premier président de la Cour des comptes www.territorial-editions.fr ISSN : 2553-5803 – ISBN : 978-2-8186-1571-3



L'audit interne dans les collectivités territoriales Enjeux, acteurs et stratégies

LES ESSENTIELS Raphaël Brun

Administrateur de la ville de Paris, auditeur en organisation publique Préface de Didier Migaud Premier président de la Cour des comptes

CS 70215 - 38501 Voiron Cedex Tél. : 04 76 65 87 17 - Fax : 04 76 65 87 17 Retrouvez tous nos ouvrages sur http://www.territorial-editions.fr

Référence BK 337 Juin 2019


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© Territorial, Voiron ISBN : 978-2-8186-1571-3 ISBN version numérique : 978-2-8186-1572-0 Imprimé par Reprotechnic, à Bourgoin-Jallieu (38) - Juillet 2019 Dépôt légal à parution


Sommaire Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.9 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.13

Partie 1 Le cadre institutionnel et politique de l’audit interne Chapitre I Essai d’analyse de l’audit interne appliqué aux collectivités territoriales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.23 A - De l’inspection à l’audit interne : une mutation culturelle ? . . . . . . . p.23 B - Les objectifs de l’audit interne : volonté politique ou démarche de modernisation administrative ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.26 C - La méthodologie de l’audit interne : logique professionnelle ?. . p.29

Chapitre II Un jeu d’acteurs complexe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.32 A - Le positionnement de l’audit interne : enjeu stratégique ?. . . . . . . . p.32 B - La décision d’auditer ou l’art subtil du compromis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.34

Chapitre III L’enjeu de la certification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.39 A - Le secteur public local à l’heure de la certification. . . . . . . . . . . . . . . . . . p.39 B - La charte d’audit interne et le code de déontologie : guides pour l’action ou figures imposées ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.42 1. La charte d’audit interne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.42 2. Le code de déontologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.43

C - L’indépendance et l’objectivité : vraies questions, faux problèmes… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.44

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L’audit interne dans les collectivités territoriales

C - L’existence d’un comité d’audit ou l’introduction de regards extérieurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.35

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Partie 2 Le processus de mise en œuvre de l’audit interne Chapitre I L’identification des objectifs et de la stratégie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.53 A - Les collectivités territoriales face aux risques de leurs objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.53 B - L’identification des objectifs : un travail de reconstitution. . . . . . . . . . p.55 C - Audit interne et contrôle de gestion : une impossible articulation ?. p.59

Chapitre II La cartographie des risques, préalable à la démarche d’audit interne ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.62 A - Les collectivités territoriales et l’exposition au risque : une impasse logique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.62 B - Du contrôle interne à la cartographie des risques : une ligne discontinue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.64 C - La cartographie des risques ou l’administration mise à nu . . . . . . . p.67

Chapitre III Du programme d’audit au choix des priorités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.70 A - L’élaboration d’un programme d’audit : nécessité ou obligation ?. . p.70 B - La commande d’audit : simple formalisme ou engagement ferme ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.72

L’audit interne dans les collectivités territoriales

C - Aux frontières de l’audit ou la gestion de commandes hétérodoxes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.74

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Partie 3 L’audit interne, outil de gouvernance des collectivités territoriales Chapitre I L’audit interne, vecteur de communication. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.79 A - L’audit, outil de communication interne ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.79 B - L’audit, outil de communication politique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.81 C - L’audit, outil de communication institutionnelle ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.82 Sommaire


Chapitre II Le suivi de la prise en compte des recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . p.85 A - Le suivi des recommandations ou l’art de responsabiliser l’audité. p.85 B - Des recommandations à leur mise en œuvre : une frontière poreuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.88 C - La capitalisation des recommandations : un processus cybernétique ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.90

Chapitre III Audit interne et démarche qualité : une « troisième ligne » renforcée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.93 A - La démarche qualité ou les vertus de l’autocontrôle. . . . . . . . . . . . . . . . p.93 B - L’audit externe de l’audit interne ou le paradoxe de l’auditeur audité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.95 C - Plus d’audit interne, moins d’audit externe ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.96

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.101 La question des objectifs ou la prééminence du politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

p.102

Démocratie participative et audit interne ou l’apparition du citoyen contrôleur . . . . .

p.103

La prééminence de l’individu sur toute autre considération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

p.104

L’auditeur externe ou la quatrième dimension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

p.106

Liste des entretiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.107 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.109

Annexe I - Schéma des relations de l’audit interne avec son environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.117 Annexe II - Missions et conditions d’intervention de l’Inspection générale de la ville de Paris (Délibération du Conseil de Paris du 16 juin 2014) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.118 Annexe III - Schéma d’élaboration de la cartographie des risques.p.127 Annexe IV - Le modèle des trois lignes de maîtrise des risques . . p.128

Sommaire

L’audit interne dans les collectivités territoriales

Annexes

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À la mémoire d’Hubert Bidault dont le professionnalisme, la hauteur de vue, l’extrême courtoisie, l’humour aussi ont constitué un modèle pour notre pratique.

Remerciements À Patrick Gibert, professeur à l’université de Paris-Nanterre, et à Manel Benzerafa Alilat, maître de conférences, qui ont permis d’enrichir cet ouvrage en l’orientant vers des pistes de réflexion nouvelles, aux auditeurs de l’Inspection générale de la ville de Paris, qui ont contribué à lui apporter le fruit de leur expérience, tout particulièrement sa directrice générale, Hélène Mathieu, et ses inspecteurs généraux, notamment Isabelle Duchefdelaville, Véronique Duroy, Michel Bezut, Jean-Marc Bourdin et Philippe Collière, aux membres de la Conférence des inspecteurs et auditeurs territoriaux, au premier rang desquels son président, Yannis Wendling. Un remerciement particulier à mon épouse et à mes enfants qui ont supporté au quotidien un engagement qui peut parfois s’avérer chronophage…


« (…) il faut bien sûr plus que des textes pour convaincre de la nécessité de développer l’audit interne : la sensibilité croissante (…) des administrations à la notion de risque sous toutes ses formes est un puissant facteur de développement des démarches d’audit. »

Didier Migaud, entretien, Revue internationale des auditeurs et des contrôleurs publics , n° 006, « Audit, risques et contrôles », 2e trimestre 2016, Union francophone de l’audit interne

« (…) accepter le pari de contrôles (et d’évaluations) rigoureux et pertinents, assumer leur fonction pédagogique et relever le défi de leur transparence est le seul moyen de conforter la légitimité de l’action publique en démontrant sa capacité à répondre aux principaux problèmes de la société. C’est tout l’enjeu de la préservation et du renforcement du contrat social. »

L’audit interne dans les collectivités territoriales

Danièle Lamarque, Contrôle et évaluation de la gestion publique - Enjeux contemporains et comparaisons internationales, Éditions Bruylant, 2016

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Préface Dans ce difficile exercice de la préface, mes premiers mots seront des mots de félicitations envers l’auteur de cet ouvrage, Raphaël Brun, administrateur hors classe de la ville de Paris, qui propose, au fil des pages, une réflexion très aboutie et très riche sur les enjeux posés par le développement de l’audit interne dans les collectivités territoriales. Si ces analyses n’engagent que leur auteur, elles permettent néanmoins de faire un premier état des lieux du développement de l’audit interne dans les collectivités – de ses modalités pratiques comme des défis organisationnels qu’il pose – et de dresser des pistes d’évolution pour l’avenir, notamment dans la perspective d’aboutissement de l’expérimentation de la certification des comptes locaux. Je voudrais aussi exprimer ma satisfaction de voir publié sous la forme d’un ouvrage accessible à tous un mémoire réalisé dans le cadre du diplôme universitaire d’auditeur en organisation publique (DUAP). Le mérite de cette belle initiative revient naturellement à Raphaël Brun, par l’excellence des travaux qu’il a réalisés dans le cadre de ce diplôme, mais il revient aussi aux éditions Territorial qui ont accepté de procéder à leur publication. Je souhaite ardemment que cette initiative fasse des émules et qu’elle mette ainsi en valeur la qualité de la formation dispensée par le biais du DUAP.

Je crois aussi que le sujet retenu pour ce mémoire, loin d’être un sujet limité aux cercles d’experts, intéresse chacun d’entre nous. La qualité des comptes, la maîtrise des risques budgétaires et, au-delà, la rigueur de la gestion sont en effet des exigences fondamentales aux yeux de nos concitoyens ; l’actualité quotidienne nous rappelle sans cesse l’acuité des mots de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « la société a droit de demander compte à tout agent public de son administration ». En matière de comptes publics, justement, les exigences se renforcent, les pratiques se perfectionnent et, in fine, la qualité comptable progresse. Mise en place depuis 2006 pour les comptes de l’État, la certification des comptes promue par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) a offert et offrira encore des perspectives importantes en la matière. Année après année, depuis treize ans, nous constatons la richesse de la démarche de fiabilisation des comptes qui s’est engagée avec les administrations concernées. La certification des comptes de la Sécurité sociale, initiée par la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la Sécurité sociale (LOLFSS), participe du même mouvement et des mêmes ambitions.

Préface

L’audit interne dans les collectivités territoriales

Le sujet retenu par cet ouvrage concerne au premier chef les juridictions financières et, en leur sein, les chambres régionales et territoriales des comptes, qui sont, comme le rappelle l’auteur, des interlocuteurs privilégiés, sinon incontournables, de l’auditeur interne local. En ce point, je souscris et insiste pleinement sur la dimension partenariale de cette relation que met en évidence Raphaël Brun.

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Nous constatons néanmoins – pour l’État et les organismes de Sécurité sociale – l’ampleur des progrès qui demeurent à accomplir s’agissant de l’approfondissement des dispositifs de contrôle interne et des systèmes d’information. En 2015, la Cour a eu en effet l’occasion de rappeler, dans son rapport public annuel, qu’une part significative de ses constats se concentrait justement sur l’évaluation du contrôle et de l’audit internes : « au regard de la volumétrie des opérations effectuées, la qualité des comptes est subordonnée à la mise en place d’un dispositif de contrôle interne permettant de prévenir, détecter et corriger en temps voulu une anomalie de portée significative affectant les opérations effectuées et comptabilisées […]. La Cour examine aussi l’audit interne, qui doit permettre de vérifier l’effectivité du contrôle interne et d’apprécier son efficacité ». Les progrès que nous observons dans ce domaine sont réels. Les ministères commencent ainsi à dépasser la stricte sphère du contrôle interne comptable, avec le développement d’un contrôle interne budgétaire. Aussi, l’analyse que propose cet ouvrage sur les outils de contrôle interne déployés dans les collectivités territoriales offrira d’éclairantes perspectives de comparaison entre administrations publiques. Elles seront d’autant plus utiles que le levier de la certification est désormais en voie d’expérimentation au sein des collectivités territoriales.

L’audit interne dans les collectivités territoriales

La Cour avait appelé de ses vœux cette expérimentation, qui lui a été confiée par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Depuis lors, les juridictions financières se sont mobilisées pour cet exercice particulièrement exigeant, qui a fait l’objet d’un bilan intermédiaire transmis au Parlement à la fin de l’année 2018.

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Après avoir établi un diagnostic global d’entrée dans chacune des 25 entités expérimentatrices, nous sommes arrivés à une deuxième phase d’expérimentation qui durera jusqu’en 2020. Elle consiste à accompagner ces entités dans la préparation à la troisième phase, en réalisant, chaque année, des audits ciblés sur des cycles et processus comptables. À l’issue, et jusqu’en 2023, la dernière phase fera intervenir des professionnels du chiffre – commissaires aux comptes et experts-comptables – pour expérimenter la certification dans les principales entités, ainsi que d’autres modes de fiabilisation des comptes. Durant cette période, nous ferons des propositions quant au périmètre le plus pertinent d’un dispositif de certification annuelle des comptes locaux – toutes les collectivités n’ayant pas nécessairement vocation à y être incluses, notamment pour d’évidentes raisons de faisabilité. Pour les autres collectivités, des procédures alternatives sont à l’étude, l’enjeu de fiabilisation des comptes étant naturellement commun à l’ensemble du secteur public local. Le programme de travail des juridictions financières est donc chargé pour faire aboutir cet exercice d’expérimentation, mais nous sommes mobilisés pour remplir la mission qui nous a été confiée par la loi. Quelles que soient les modalités précises de certification retenues par le législateur, la certification des comptes locaux devrait avoir

Préface


pour conséquence une attention accrue du certificateur au contrôle interne, comme c’est déjà le cas pour l’État et les organismes de Sécurité sociale. En tout état de cause, l’approche par la comptabilité n’est qu’une première étape. La maîtrise des risques de gestion s’appuie, certes, sur le contrôle interne comptable, qui fournit des outils, mais les risques financiers dépassent la sphère comptable. La clé réside certainement dans l’engagement des plus hautes autorités hiérarchiques des organismes concernés, ce qui suppose de bien intégrer le contrôle interne dans les préoccupations de la gouvernance. Gageons que cet ouvrage figurera donc en bonne place sur le bureau des praticiens de l’audit et de la certification – publics comme privés –, des universitaires et des étudiants. Je vous souhaite une bonne lecture.

L’audit interne dans les collectivités territoriales

Didier Migaud

Préface

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La décision de consacrer un ouvrage à l’audit interne dans les collectivités territoriales et plus particulièrement à ses enjeux, au rôle des acteurs concernés par sa mise en œuvre (commanditaire, auditeur interne et audité) et aux stratégies arrêtées par ces derniers s’explique notamment par trois raisons : - u ne expérience de l’audit interne acquise de 2001 à 2011, puis à partir de 2016, à l’Inspection générale de la ville de Paris dont le recours à cet outil de gestion1 constitue la plus grande partie de l’activité. Cette expérience s’est traduite par une prise de conscience, à travers une trentaine de missions, du rôle et de la place de l’audit interne et de la mise en œuvre d’une cartographie des risques au sein d’une grande collectivité territoriale2. L’audit interne se déploie ainsi dans le cadre d’un jeu d’acteurs mettant en scène un commanditaire souhaitant mieux connaître un aspect de sa collectivité en vue d’en améliorer le fonctionnement, un auditeur interne mandaté par lui pour répondre à la question posée en mobilisant de l’information et une méthodologie appropriée, et un audité, en d’autres termes l’administration dont la gestion et l’organisation sont interrogées ; - un engagement au sein de la Conférence des inspecteurs et auditeurs territoriaux (CIAT), notamment en tant que vice-président de 2011 à 2013. Cette association s’est donné pour objectif de renforcer la visibilité du métier d’auditeur interne au sein des grandes collectivités territoriales (ou EPCI) et de contribuer au renforcement de la professionnalisation de ses membres. Plusieurs réflexions ont été ainsi conduites, portant notamment sur les relations entre les inspections générales de l’État et celles des collectivités territoriales, les formations disponibles dans le domaine de l’audit public ou les compétences exigées pour exercer ce métier. Par ailleurs, lors de la 5e Rencontre de la CIAT organisée à Lyon en octobre 2013, la présidence d’un atelier portant sur le rôle et la place des élus vis-à-vis des services d’inspection et d’audit avait esquissé un champ de réflexion inédit dont la thématique était directement en lien avec cet ouvrage. L’objectif avait alors consisté à identifier les points de contact entre élus et services de contrôle à toutes les étapes de la démarche d’audit ; - u ne participation en 2007, en tant que corapporteur et coordinateur de la rédaction d’un rapport de l’Association des administrateurs territoriaux de France. Il s’agissait d’une mission de réflexion demandée par l’Assemblée des départements de France sur la constitution d’une inspection générale de l’administration territoriale (AATF, 2007). Ce rapport mettait en exergue la nécessité pour les départements, et audelà, pour l’ensemble des collectivités territoriales, de recourir davantage à l’audit interne en mutualisant au besoin leurs moyens en la matière.

1. On entend par outil de gestion « un vecteur qui a capacité à agir sur l’organisation en orientant l’action collective » (Dominguez-Péry, 2011, p. 21). 2. Les magistrats de l’ordre financier y accordent, en effet, une très grande importance dans le cadre du contrôle qu’ils exercent sur les collectivités territoriales. L’audit interne de la ville de Paris a fait ainsi l’objet en février 2016 d’un rapport d’observation de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France.

Introduction

L’audit interne dans les collectivités territoriales

Introduction

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Nota Cet ouvrage se nourrit donc à la fois d’une expérience et d’une réflexion personnelles sur la fonction d’audit interne au niveau local, d’échanges avec des membres de l’Inspection générale de la ville de Paris ou d’autres collectivités dans un cadre professionnel, mais aussi dans des instances représentatives de cette fonction.

Témoignage, formalisation d’une pratique en forme de bilan, tentative de prendre du recul, de resituer un outil dans un contexte plus large, cet ouvrage est à l’intersection de toutes ces approches et son sujet cherche à embrasser une réalité complexe et multiple. Il s’agit aussi, du moins était-ce l’un des buts visés, d’un travail universitaire3 où l’objet étudié et la méthodologie utilisée finiraient peut-être par se rencontrer, ne serait-ce qu’à travers une ébauche de cartographie des risques et d’« audit du métier d’auditeur »… Cet ouvrage cherche ainsi à échapper au maximum à une vision trop normée ou trop pratique de l’audit pour décentrer le regard et prendre une distance suffisante avec le sujet.

L’audit interne dans les collectivités territoriales

Le thème ici traité mérite tout d’abord des éclaircissements concernant quelques notions évoquées ci-après.

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Par « commanditaire », on vise l’exécutif, c’est-à-dire l’organe investi des responsabilités opérationnelles au sein de la collectivité territoriale. Il s’agit du président4 du conseil régional, départemental, du maire, du président du conseil métropolitain ou communautaire, et, par délégation, des vice-présidents, des adjoints au maire, du directeur général des services ou, dans le cas de la ville de Paris, du secrétaire général (IFACI, 2011). Cette définition permet de résoudre le problème qui se pose en ce qui concerne le rattachement de l’audit interne au sein de la collectivité, soit au président ou au maire, soit au DGS. Ce dernier ne peut par conséquent être distingué des deux premiers et s’il « commande » des audits internes, il le fait par délégation de l’exécutif, ce qui n’est pas sans poser problème lorsque l’audit est réalisé par une inspection générale qui revendique son indépendance par rapport à l’administration (cf. partie 1, chapitre III-C). Quoi qu’il en soit, « le rôle de la direction générale des services est fondamental, car c’est elle qui impulse et donne les grandes orientations à ses services, orientations qui découlent des choix de politiques publiques décidées par les élus. Elle en est la responsable, et en cela, elle garantit le lien entre politique et administration » (Portelli, 2013, p. 23).

3. Une première version de cet ouvrage a été présentée en 2018 dans le cadre du mémoire dirigé par le professeur Patrick Gibert en vue de l’obtention du diplôme universitaire d’auditeur en organisation publique placé sous la responsabilité de la Cour des comptes et de l’université Paris Nanterre. Cet ouvrage en constitue une version profondément remaniée et enrichie. 4. Il sera question dans cet ouvrage de président, de directeur, etc. Cela englobe bien entendu à la fois les présidentes et les présidents, les directrices et les directeurs, etc. La récurrence de ces termes aurait en effet posé un problème de confort de lecture si les principes de l’écriture inclusive avaient été adoptés.

Introduction


Par « auditeur », on entend à la fois la direction ou le service de l’audit interne, quelle que soit son appellation qui peut varier d’une collectivité à l’autre, appelé aussi l’audit interne, le responsable de l’audit interne, mais également l’auditeur en tant que tel quand il est question d’une mission en particulier. Par « audité », on désigne l’administration à l’exception de son chef, c’est-à-dire les pôles ayant à leur tête un directeur général adjoint des services, les directions, les services, bureaux, missions, ateliers, etc. Mais on désigne aussi sous ce vocable les agents qui appartiennent à ces différentes entités et qui sont en contact direct avec les auditeurs. Par ailleurs, le parti a été pris de retenir comme définition de l’« audit interne » celle qui constitue la norme internationale et qui a été adaptée par l’IFACI (Institut français de l’audit et du contrôle internes) aux collectivités territoriales, mais aussi celle qui sert de cadre de référence dans le secteur public et qui émane de la Cour des comptes : « L’audit interne est une activité indépendante et objective qui contribue à donner à une collectivité territoriale une assurance sur le degré de maîtrise de ses opérations et lui apporte ses conseils pour améliorer son fonctionnement. Il contribue à lui apporter de la valeur ajoutée5. Il aide cette collectivité à atteindre ses objectifs en évaluant par une approche systématique et méthodique, ses processus de management des risques, de contrôle et de gouvernance, et en faisant des propositions pour renforcer leur efficacité » (IFACI, 2011, p. 11).

C’est dans le même esprit que les deux définitions suivantes du contrôle interne ont été retenues : Par « dispositifs de contrôle interne », on entend « toute mesure prise par les instances dirigeantes et d’autres parties prenantes afin de gérer les risques et d’accroître la probabilité que les buts et objectifs fixés seront atteints. Les managers planifient, organisent et dirigent la mise en œuvre de mesures suffisantes pour donner une assurance raisonnable que les buts et objectifs seront atteints » (IFACI, 2011, p. 63).

5. Selon l’IFACI, la notion de valeur ajoutée dans le secteur public n’est pas le résultat d’un calcul économique (valeur marchande d’un bien), mais la recherche d’un meilleur service rendu à l’usager au moindre coût pour le contribuable. La valeur ajoutée est donc comprise comme le résultat de la recherche de la performance de l’action publique (IFACI, 2011, p. 7).

Introduction

L’audit interne dans les collectivités territoriales

« L’audit est une activité qui vise à diagnostiquer objectivement et de manière indépendante, au sein d’une organisation ou d’un service, le degré de maîtrise des opérations, et, le cas échéant, apporter à cette organisation ou à ce service des conseils en vue d’améliorer l’efficacité de ses processus de contrôle. L’audit, tel que pratiqué dans les collectivités locales, est le plus souvent ponctuel et peut porter sur un de ses services, sur un aspect de sa politique ou sur un de ses projets (…) » (Cour des comptes, 2009, p. 283).

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« Le contrôle interne, à la différence de l’audit, n’est pas un service, mais un ensemble permanent de dispositifs par lesquels la collectivité organise ses travaux de manière à obtenir l’assurance du respect des normes qui s’imposent à elle (par exemple en matière de marché), à supprimer les risques d’erreur ou de manipulation sur des données ou des résultats (ce qui recouvre la fiabilité de ses comptes), et plus généralement à assurer la qualité des services » (Cour des comptes, 2009, p. 283). En outre, les services d’audit interne ayant aussi pour vocation d’auditer les « satellites » des collectivités, cette dimension a été délibérément écartée du champ de cet ouvrage au motif qu’il s’agit d’une démarche d’audit externe. Il en est de même de l’externalisation de l’audit interne qui constitue une pratique assez répandue dans les collectivités. Enfin, c’est une conception élargie des collectivités territoriales qui a été choisie puisqu’elle englobe également les établissements publics de coopération intercommunale comme les métropoles, les communautés urbaines et les communautés d’agglomération, les seules susceptibles de disposer de services d’audit. Dans un souci de simplification, on parlera généralement de collectivités territoriales dans le texte, voire de collectivité tout simplement quand il n’y a pas d’ambiguïté. Il faut encore rappeler qu’aucune obligation ne pèse sur les collectivités territoriales en matière d’audit interne contrairement aux administrations de l’État. En effet, le décret n° 2011-775 du 28 juin 2011 relatif à l’audit interne dans l’administration dispose que « dans chaque ministère, un dispositif de contrôle et d’audit internes, adapté aux missions et à la structure des services et visant à assurer la maîtrise des risques liés à la gestion des politiques publiques dont ces services ont la charge, est mis en œuvre ».

L’audit interne dans les collectivités territoriales

À consulter https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFT EXT000024278160

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Par ailleurs, le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose que « dans chaque ministère est mis en place un dispositif de contrôle interne budgétaire et de contrôle interne comptable. Le contrôle interne budgétaire a pour objet de maîtriser les risques afférents à la poursuite des objectifs de qualité de la comptabilité budgétaire tenue et de soutenabilité de la programmation et de son exécution. Le contrôle interne comptable a pour objet la maîtrise des risques afférents à la poursuite des objectifs de qualité des comptes depuis le fait générateur d’une opération jusqu’à son dénouement comptable. Le ministre chargé du Budget définit le cadre de référence interministériel des contrôles internes budgétaire et comptable et veille à leur mise en œuvre. Ce référentiel précise les conditions dans lesquelles est assuré le contrôle du respect des critères de réalité, de justification, de présentation et bonne information, de sincérité, d’exactitude, de totalité, de non-compensation, d’imputation et de rattachement à la bonne période comptable et au bon exercice ».

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