La qualité de l'air intérieur - De la surveillance des ERP aux projets de construction

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La qualité de l'air intérieur

Qualifiée très tôt par les pays anglosaxons de « silent killer », la pollution de l'air intérieur reste peu médiatisée au regard des enjeux humains et socio-économiques qu'elle comprend. Pourtant, chaque année en France, cette pollution discrète est responsable de 20 000 décès prématurés et coûte près de 19 milliards d'euros. Les campagnes de mesures nationales réalisées à partir des années 2000 ont ouvert la voie à une meilleure connaissance de cette pollution et à l'établissement d'une obligation de surveillance pour les établissements recevant du public sensible. Malgré des révisions et simplifications, cette réglementation tarde à se mettre en place sur le terrain. Cet ouvrage s'adresse non seulement à toute collectivité qui souhaite mettre en application l'obligation de surveillance, mais également à l'ensemble des gestionnaires et professionnels du secteur du bâtiment qui aspirent à promouvoir la qualité de l'air intérieur. Il fournit l'ensemble des clés nécessaire à la compréhension de ce domaine : indicateurs et valeurs guides, moyens de caractérisation et mise en perspective de la QAI dans le contexte actuel. La seconde partie détaille les tenants et aboutissants de l'obligation de surveillance et, au-delà de la réglementation, expose les différents leviers permettant d'améliorer la qualité de l'air intérieur.

Ingénieur diplômée de l'École des hautes études en santé publique, Charline Dematteo est depuis 11 ans chef de projet et référente santé-environnement au sein du bureau d'études Inddigo. Elle anime des formations et coordonne des projets de R&D portant sur la qualité de l'air intérieur. Elle mène également des missions de conseil et d'ingénierie auprès de maîtres d'ouvrage et d'architectes et accompagne des collectivités dans leur démarche d'amélioration de la QAI.

La qualité de l'air intérieur

De la surveillance des ERP aux projets de construction

LES ESSENTIELS

C. Dematteo

LES ESSENTIELS

La qualité de l'air intérieur - De la surveillance des ERP aux projets de construction

De la surveillance des ERP aux projets de construction

Charline Dematteo

www.territorial-editions.fr ISSN : 2553-5803 – ISBN : 978-2-8186-1494-5



La qualité de l'air intérieur De la surveillance des ERP aux projets de construction

LES ESSENTIELS Charline Dematteo

Ingénieur santé et environnement

CS 40215 - 38516 Voiron Cedex Tél. : 04 76 65 87 17 - Fax : 04 76 05 01 63 Retrouvez tous nos ouvrages sur http://www.territorial-editions.fr

Référence BK 329 Novembre 2018


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© Territorial, Voiron ISBN : 978-2-8186-1494-5 ISBN version numérique : 978-2-8186-1495-2 Imprimé par Reprotechnic, à Bourgoin-Jallieu (38) - Décembre 2018 Dépôt légal à parution


Sommaire Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.7

Partie 1 Comprendre les enjeux sanitaires, techniques et socio-économiques de la qualité de l’air intérieur Chapitre I Les déterminants de la qualité sanitaire de l’air. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.11 A - Une thématique de santé environnementale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.11 1. La notion d’Exposome . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.11 2. Air extérieur et air intérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.13

B - Les contaminants de l’air intérieur et leur origine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.14 1. Les contaminants chimiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.15 2. Les contaminants physiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.21 3. Les contaminants microbiologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.24

Chapitre II La caractérisation de la qualité de l’air intérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.26 A - Des enjeux sanitaires difficiles à évaluer. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.26 1. L’exposition en continu à des cocktails de polluants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.26 2. Les indicateurs et valeurs guides de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.27

B - Les méthodes d’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.29 1. La mesure des polluants de l’air intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.30 2. L’évaluation du renouvellement de l’air. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.34

A - Historique et réglementation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.36 1. Les enjeux socio-économiques de la qualité de l’air intérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.36 2. L’organisation progressive des institutions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.39 3. Les réglementations en vigueur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.40

Sommaire

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Chapitre III L’évolution de la réglementation et le contexte actuel. . . . . . . . . . . . . . . . p.36

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B - Qualité de l’air intérieur et performance énergétique des bâtiments. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.46 1. Les déperditions d’énergie liées au renouvellement d’air . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.47 2. L’optimisation nécessaire des systèmes de ventilation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.48

Partie 2 Optimiser la qualité de l’air intérieur Chapitre I Mettre en application l’obligation de surveillance des ERP. . . . . . . . . p.53 A - Les responsabilités des collectivités en matière de surveillance de la qualité de l’air intérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.53 1. Les obligations et échéances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.53 2. Les risques et sanctions en cas de non-respect de la réglementation . . . . . . . . . . . . . p.55

B - Une réglementation en deux étapes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.55 1. L’évaluation des moyens d’aération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.55 2. La réalisation de mesures ou la mise en place d’un plan d’actions de prévention . p.57

Chapitre II Améliorer la qualité de l’air intérieur des bâtiments existants . . . . . p.62 A - La mise en place d’un plan d’actions de prévention . . . . . . . . . . . . . . . p.62 1. Impliquer l’ensemble des acteurs concernés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.62 2. Réaliser l’enquête préalable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.64 3. Mettre au point le plan d’actions QAI. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.66

B - Les leviers d’action. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.67 1. Identifier les sources de pollution et limiter leurs effets. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.67 2. Agir sur le renouvellement de l’air. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.72

La qualité de l’air intérieur

Chapitre III Intégrer la qualité de l’air intérieur à un projet de construction ou de réhabilitation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.74

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A - La programmation : une phase clé pour la future qualité de l’air intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.74 1. L’analyse de site. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.74 2. La définition d’objectifs et leur traduction dans les pièces contractuelles. . . . . . . . . . p.75

Sommaire


B - Impliquer les concepteurs et les entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.76 1. La conception du bâtiment, des systèmes et la sélection des matériaux et produits. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.77 2. La préparation et le suivi de la phase chantier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.81 3. La préparation de la livraison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.85

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.87

La qualité de l’air intérieur

Remerciements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.89

Sommaire

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Qualifiée très tôt par les pays anglo-saxons de « Silent Killer » (« le tueur silencieux »), la pollution de l’air intérieur reste peu médiatisée au regard des enjeux humains et socio-économiques qu’elle engendre. Pourtant, selon l’ANSES, cette pollution discrète serait responsable de 20 000 décès prématurés chaque année en France, soit 5 fois plus que les accidents de la route. Alors qu’à l’extérieur les polluants sont dilués dans l’atmosphère, à l’intérieur, ils s’accumulent. Or, nous passons aujourd’hui près de 90 % de notre temps dans des espaces clos et nous respirons chaque jour environ 15 m3 d’air contenant une multitude de polluants d’origines très diverses. Si, à court terme, la pollution de l’air intérieur aggrave les affections respiratoires chez les personnes sensibles, à long terme, c’est bien l’ensemble de la population qui est concerné avec une contribution possible à des pathologies respiratoires, à des maladies cardio-vasculaires, voire à des cancers. Toutefois, la plupart de ces maladies étant multifactorielles, le lien de cause à effet reste difficile à établir. Si la qualité de l’air intérieur (QAI) est aujourd’hui reconnue comme un enjeu majeur de santé publique, la gestion du risque sanitaire s’avère particulièrement complexe. Les campagnes de mesures réalisées par l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) à partir de 2001 ont ouvert la voie à une meilleure connaissance de cette pollution, et à l’établissement d’une obligation de surveillance de la QAI pour les établissements recevant du public sensible. Cette réglementation, qui a fait l’objet de multiples révisions, tarde encore à se mettre en place sur le terrain. Pourtant, les enjeux liés à la pollution de l’air intérieur sont tels qu’ils mériteraient la mise en place d’une véritable stratégie de la part des décideurs et des gestionnaires de patrimoine. Pour cela, une meilleure connaissance des polluants de l’air intérieur et de leurs origines est probablement nécessaire, ainsi qu’une compréhension des déterminants de la QAI et des moyens de caractérisation. De plus, la mise en perspective de la thématique vis-à-vis du contexte actuel peut permettre de faciliter les prises de décision. C’est l’objet de la première partie de cet ouvrage qui propose de fournir l’ensemble des clés de compréhension nécessaires pour aborder cette thématique. La seconde partie détaille les tenants et aboutissants de l’obligation de surveillance de la QAI, et, au-delà de la réglementation, expose les différents leviers permettant d’améliorer la qualité de l’air des bâtiments existants, et d’optimiser la future QAI pour les projets de construction ou de réhabilitation.

Introduction

La qualité de l’air intérieur

Introduction

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Partie 1 Comprendre les enjeux sanitaires, techniques et socio-économiques de la qualité de l’air intérieur La qualité de l’air intérieur

Partie 1

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Chapitre I Les déterminants de la qualité sanitaire de l’air Avant de présenter les indicateurs et moyens de mesure qui permettent d’évaluer la qualité de l’air intérieur d’un bâtiment, nous nous attacherons dans un premier temps à présenter les multiples déterminants de la qualité de l’air. L’air que nous respirons représente l’une des voies principales d’exposition à des contaminants qui, potentiellement, peuvent avoir un impact sur notre santé. Le sujet de la qualité de l’air nécessite donc d’être replacé dans le champ plus global de la santé environnementale, car son évaluation s’effectue selon les outils et concepts développés par les experts en santé-environnement.

A - Une thématique de santé environnementale Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Il s’agit donc d’un concept large, influencé par de nombreux déterminants : des facteurs individuels génétiques (hérédité) et biologiques (vieillissement), des facteurs socioculturels et comportementaux liés au mode de vie, des facteurs environnementaux, et enfin, les possibilités d’accès aux soins. Si la qualité de l’environnement dans lequel on vit est reconnue par l’OMS comme l’un des principaux déterminants de santé, la part respective des différents facteurs reste complexe à établir. En effet, les expositions peuvent être : - aiguës : expositions à des fortes doses donnant lieu à des effets à très court terme ; - chroniques : expositions à des doses faibles mais répétées pouvant donner lieu à des effets à long terme (cancer par exemple) ; - d iscontinues ; - ou encore continues et alternées : c’est le cas de la pollution de l’air, l’exposition est continue avec des concentrations de polluants qui varient au cours du temps. Quant aux manifestations, de nature toxique, infectante ou allergisante, elles peuvent survenir à court, moyen ou long terme, voire toucher les générations futures.

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La qualité de l’air intérieur

1. La notion d’Exposome

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La notion de dose-réponse en toxicologie

La qualité de l’air intérieur

La toxicologie, qui étudie les effets néfastes d’un contaminant sur des organismes ou des systèmes biologiques, s’est intéressée historiquement aux effets d’un seul toxique considéré de manière isolée. Les toxicologues se sont ainsi attachés à déterminer la relation dose-réponse de chaque contaminant : à partir de quel seuil, quelle concentration, un effet sur la santé est attendu. À partir de la fin du xixe siècle, cette approche a permis d’établir des valeurs limites d’exposition et de réglementer les environnements industriels afin de protéger les travailleurs des risques d’exposition aiguë. Toutefois, de nombreux contaminants ont la capacité de s’accumuler dans l’organisme, la toxicité apparaît alors par accumulation des doses au fil du temps. La compréhension des expositions chroniques est apparue dans un second temps avec l’établissement de valeurs limites tenant compte des effets d’accumulation, afin de protéger les populations des risques de cancer notamment.

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Avec la transition des activités économiques de l’industrie au secteur tertiaire, nos pays sont davantage concernés par des niveaux d’exposition faibles, chroniques et multiples : les contaminants auxquels nous sommes exposés sont en concentration très réduite en comparaison des niveaux rencontrés dans les milieux industriels. En revanche, avec l’évolution technologique et les progrès de l’industrie chimique, le nombre de contaminants est particulièrement élevé. Nous y sommes exposés pendant notre vie entière, par l’intermédiaire des trois voies d’absorption possibles des contaminants : - voie orale (système digestif) ; - voie cutanée (peau et muqueuses) ; - inhalation (système respiratoire). Cette situation a pour conséquence de rendre difficiles l’évaluation du risque pour les populations et les relations de cause à effet vis-à-vis de chaque contaminant. Si l’évaluation et la gestion du risque s’avèrent particulièrement complexes pour les institutions de santé publique, la prise de conscience des dangers associés à la pollution reste difficile pour le grand public. er Toutefois, la notion d’Exposome a fait récemment son apparition dans l’article 1 de la loi de santé publique adoptée par l’Assemblée nationale en avril 2015. L’intégration de ce concept dans la réglementation française témoigne d’une prise de conscience grandissante des facteurs environnementaux sur la santé des populations.

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La notion d’Exposome

Initialement proposé par le directeur du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), Christopher Wild, l’Exposome désigne la totalité des expositions à des facteurs environnementaux subies par un organisme humain de sa conception à sa mort. Ce terme regroupe toutes les atteintes à la santé qui ne sont pas d’origine génétique. Il intègre les facteurs environnementaux mais également les causes psychologiques et socio-économiques.

2. Air extérieur et air intérieur Si la qualité de l’environnement est désormais reconnue comme l’un des principaux déterminants de santé, la qualité de l’air en particulier figure parmi les sujets de préoccupation majeure. En effet, chaque jour, environ 15 000 litres d’air transitent par nos voies respiratoires et nos poumons, soit plus de 5,4 millions de litres d’air respirés chaque année. Or, nos poumons, avec leurs 75 m² de surface alvéolaire, offrent un lieu d’échange permanent entre l’air que nous respirons et notre sang. Conséquences de la pollution de l’air sur la santé des populations

Surveillée par les AASQA (associations agréées pour la surveillance de la qualité de l’air), la pollution atmosphérique fait l’objet d’informations régulières auprès du grand public. Pourtant, notre exposition aux contaminants de l’air extérieur a lieu essentiellement à l’intérieur des bâtiments, et non en extérieur. En effet, loin d’être imperméables aux polluants, nos bâtiments permettent l’introduction mais aussi l’accumulation des contaminants : si, en extérieur, les particules fines, hydrocarbures, oxydes d’azote, etc., sont dilués dans l’atmosphère, à l’intérieur, ces polluants s’accumulent en raison d’un renouvellement d’air limité, même lorsque le bâtiment est équipé d’un système de ventilation. Ainsi, plusieurs études ont révélé que l’air intérieur est 5 à 8 fois plus pollué que l’air extérieur. Partie 1

La qualité de l’air intérieur

Selon une étude publiée en 2016 par l’agence Santé publique France, la pollution de l’air serait responsable de 48 000 morts par an en France. Il s’agit de la troisième cause de décès prématurés, derrière le tabac (78 000 décès) et l’alcool (49 000 décès), très loin devant les accidents de la route (4 000 décès). À l’origine de 9 % des morts annuelles en France, les particules fines d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres entraînent une perte d’espérance de vie à 30 ans, pouvant dépasser 2 ans dans les villes les plus polluées, et 9 mois en moyenne en France. Les impacts sanitaires pris en compte dans ces études sont les maladies pulmonaires chroniques obstructives et les pathologies cardio-vasculaires.

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À cela s’ajoute un autre phénomène : nous passons désormais près de 90 % de notre temps dans des environnements clos : il s’agit des logements, mais aussi des lieux de travail, des écoles, des bâtiments accueillant du public, etc. C’est donc à l’intérieur des bâtiments que la durée d’exposition aux polluants est la plus longue, et par conséquent, c’est sur l’environnement bâti qu’il est nécessaire d’agir afin de prévenir les risques pour la santé. Distribution de l’exposition moyenne à quelques polluants de l’air (d’après Crump et al., 1999)

La qualité de l’air intérieur

B - Les contaminants de l’air intérieur et leur origine

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L’air extérieur est loin d’être la seule source de pollution de l’air intérieur. Les bâtiments accumulent également les polluants en provenance : - d u sol (pollutions de sols, radon) ; - d es matériaux de construction et de décoration ; - d u mobilier ; - d es équipements (appareils de chauffage, reprographie…) ; - d es produits utilisés pour l’entretien et la maintenance. Sans compter les polluants issus de l’ensemble des activités menées par les occupants (tabac, cuisine, bricolage, etc.). Dans cette partie, nous proposons une description succincte des contaminants potentiellement présents dans l’air intérieur : quelle est leur origine, quels sont les effets sur la santé, etc. Ces contaminants sont traditionnellement répartis selon leur nature : chimique, physique ou microbiologique.

Partie 1


Les polluants chimiques de l’air intérieur se comptent par centaines de composés. On distingue trois catégories : les composés inorganiques, les composés organiques volatils qui se présentent sous forme gazeuse, et les composés organiques semivolatils qui peuvent être à la fois sous forme gazeuse et particulaire. a) Les composés inorganiques Un composé inorganique est une molécule qui ne contient pas d’atome de carbone, par opposition aux molécules organiques. Par convention, on considère toutefois que les molécules carbonées les plus simples (le monoxyde de carbone CO, le dioxyde de carbone CO2…) sont également des composés inorganiques. Parmi les composés inorganiques de l’air intérieur figurent des molécules issues des processus de combustion : oxydes d’azote (NO, NO2), dioxyde de soufre (SO2), monoxyde de carbone (CO). Ces gaz sont des polluants atmosphériques bien connus, mais ils peuvent également provenir de sources intérieures (tabagisme, appareils de chauffage fixes ou d’appoint, encens, activités de cuisine, etc.). L’ozone (O3) peut provenir de l’extérieur mais également des imprimantes et photocopieurs. Du point de vue sanitaire, l’ozone et les oxydes d’azote sont des irritants des voies respiratoires : ils ont tendance à aggraver les symptômes des maladies chroniques telles que l’asthme et les allergies respiratoires. > Le monoxyde de carbone Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz asphyxiant indétectable : il est invisible, inodore et non irritant. Il se diffuse très vite dans l’environnement et peut être mortel en moins d’une heure. L’intoxication au monoxyde de carbone se produit après l’inhalation de ce gaz, issu de la combustion des matières organiques dans des conditions d’apport insuffisant en oxygène, ce qui empêche l’oxydation complète en dioxyde de carbone (CO2). Le monoxyde de carbone provoque l’intoxication en se fixant sur les globules rouges (via la respiration et les poumons) et en empêchant ces globules de véhiculer correctement l’oxygène dans l’organisme. Les premiers symptômes sont bénins (maux de tête, nausées, fatigue), mais ils peuvent devenir rapidement très graves avec l’augmentation des concentrations en CO (syncope, coma puis asphyxie complète et décès). Près de 5 000 personnes sont victimes d’intoxications au CO chaque année en France, et l’on enregistre toujours près de 90 décès par an, hors suicides et incendies, très souvent en raison d’un défaut d’évacuation des fumées des appareils de chauffage à combustion. L’exposition chronique au monoxyde de carbone à des concentrations faibles peut également avoir des impacts sur le système cardio-vasculaire.

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La qualité de l’air intérieur

1. Les contaminants chimiques

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Afin de prévenir ces risques d’intoxication, un diagnostic gaz est désormais obligatoire en cas de vente d’un logement, ainsi que l’entretien annuel des chaudières (entre 4 et 400 kW). De plus, le décret du 27 novembre 2008 relatif à la prévention des intoxications par le monoxyde de carbone rend obligatoire l’intégration d’une entrée d’air permanente et d’un système d’évacuation des produits de combustion dans le cas d’un équipement de puissance inférieure à 70 kW. > Le dioxyde de carbone À ne pas confondre avec le monoxyde de carbone, le dioxyde de carbone (CO2) est naturellement présent dans l’atmosphère, à des concentrations variant entre 350 ppm dans les zones rurales et 400 ppm dans les centres des grandes agglomérations. Le dioxyde de carbone étant naturellement émis par l’être humain lors de la phase d’expiration du processus respiratoire, sa concentration est très variable à l’intérieur des bâtiments. Le taux de CO2 dépend en effet du nombre d’occupants, de la durée d’occupation, du volume de la pièce, et du taux de renouvellement d’air. En dehors de toute activité physique, le taux de production de CO2 par personne se situe entre 15 et 20 litres par heure. La quantité de CO2 produite par les enfants est très similaire à celle émise par les adultes, en raison d’un fonctionnement métabolique plus intense chez les enfants, et aussi en raison de leur niveau d’activité plus important. Du point de vue sanitaire, les valeurs guides couramment admises dans les environnements intérieurs varient entre 1 000 et 1 500 ppm. Selon la norme NF EN 13779, le taux de CO2 ne devrait pas dépasser les valeurs extérieures de plus de 700 ppm, et se situer ainsi autour de 1 000 ppm (qualité de l’air « modérée », selon les termes de la norme). En France, la valeur réglementaire est de 1 300 ppm pour les locaux non fumeurs, selon l’article 64 du règlement sanitaire départemental type. En GrandeBretagne, pour tous les espaces d’enseignement et d’apprentissage, le système de ventilation doit permettre de maintenir un taux de CO2 en dessous de 1 500 ppm pendant toute la période d’occupation. Les effets d’une exposition prolongée au CO2 ont été étudiés pour évaluer la tolérance humaine. Entre 700 et 1 000 ppm, les premières sensations de confinement et d’odeurs désagréables apparaissent. Au-dessus de 1 000 ppm, on constate des effets de somnolence et une baisse de concentration. Jusqu’à 5 000 ppm, les effets sanitaires mis en évidence sont bénins (possibles maux de tête). Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLE) sont de 5 000 ppm pour une exposition continue de 8 heures, et de 30 000 ppm pour 15 minutes. Toutefois, ces valeurs ne sont pas couramment rencontrées dans les environnements intérieurs de façon continue. Si des symptômes apparaissent au-dessous de 5 000 ppm, ils ne sont pas liés de façon directe à la concentration de CO2, mais au renouvellement d’air insuffisant qui induit des teneurs élevées de polluants gazeux (composés organiques volatils issus des produits de construction, du mobilier, des produits d’entretien…), particulaires, ou encore microbiologiques

Partie 1


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