Les sports de nature comme actions publiques - Regards croisés d'experts et d'analystes

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Regards croisés d'experts et d'analystes

Les auteurs

Associés à une demande croissante en matière de « loisirs », de « tourisme sportif », de « plein air », les « sports de nature » sont l'objet d'initiatives et d'actions publiques qui visent à en promouvoir et à en maîtriser la diffusion sur les territoires. Qui s'empare de ces problématiques et qui les constitue comme telles ? Comment le font-ils ? Enfin, quels sont les potentielles incidences et les effets de leurs propositions et décisions ? Destiné à tous ceux qui, à la fois, souhaitent s'inspirer d'actions existantes et se doter d'un recul réflexif sur les enjeux et effets de la problématisation publique des « sports de nature », cet ouvrage concilie analyses universitaires (sociologues, historiens, géographes, juristes) et visions des experts de la définition et de la mise en œuvre des politiques en matière d'usages récréatifs de nature. Cette double approche qui, tout à la fois, rend compte des dernières avancées institutionnelles et politiques de l'action publique en faveur des « sports de nature » et propose d'en saisir les conditions sociales et historiques de possibilité, permet à qui en fait l'effort de concilier lectures croyante et distanciée de ce qu'est ou devrait être une politique « sportive » et « territoriale » éclairée.

Ludovic Martel est sociologue, maître de conférences au département STAPS de l'Università di Corsica, chercheur à l'UMR 6240 « Lieux, eSpaces, Activités & Identités ». Ses travaux portent sur l'action publique liée aux loisirs et pratiques sportives de nature. Il s'intéresse actuellement, tout particulièrement, aux processus de gouvernance. Arnaud Sébileau est sociologue, maître de conférences à l'Institut de formation en éducation physique et en sport d'Angers (IFEPSA), associé à l'Université catholique de l'Ouest (UCO), chercheur au centre d'études et de recherches Activités physiques, corps, sports et santé (APCoSS) de l'IFEPSA et titulaire au Centre nantais de sociologie (CENS, UMR 6025). Il travaille d'un point de vue sociologique et historique sur les usages récréatifs de la nature, les formes de différenciation sociale qu'ils engagent, les effets et enjeux de leur diffusion dans les territoires.

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ISSN : 1631-9397 – ISBN : 978-2-8186-1533-1

Les sports de nature comme actions publiques - Regards croisés d'experts et d'analystes

Les sports de nature comme actions publiques

Les sports de nature comme actions publiques Regards croisés d'experts et d'analystes par Ludovic Martel

Arnaud Sébileau



Les « sports de nature » comme actions publiques Regards croisés d'experts et d'analystes Ludovic MARTEL Maître de conférences en sociologie, UMR « Lieux, Identités, eSpaces et Activités » - Département STAPS, Università di Corsica

Arnaud SÉBILEAU Enseignant-chercheur en sociologie, UMR « Centre nantais de sociologie » - Institut de formation en éducation physique et en sport d’Angers - Activités physiques, Corps, Sports et Santé - Université catholique de l’Ouest

PU S Presses Universitaires du Sport

Presses universitaires du sport CS 40215 - 38516 Voiron Cedex Tél. : 04 76 65 87 17 - Fax : 04 76 05 01 63 www.acteursdusport.fr - Reproduction interdite Réf. PUS 91 – Avril 2019


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© Territorial, Voiron ISBN : 978-2-8186-1533-1 ISBN version numérique : 978-2-8186-1534-8 Imprimé par Reprotechnic, à Bourgoin-Jallieu (38) - Mai 2019 Dépôt légal à parution


Sommaire Préface 1.......................................................................................................................................9 Préface 2.................................................................................................................................... 11 Préambule................................................................................................................................ 13

Introduction Des bons usages de l’espace des points de vue...................................... 15

Partie 1 Prescriptions et légitimations de la publicisation des « sports de nature ».................................................................................... 27 Chapitre I Sports de nature, tourisme et stratégie publique locale : fonction, rôle et moyens de l’Agence du tourisme en Corse..... 29 A - L’Agence du tourisme, outil de la collectivité de Corse et la filière sport de nature................................................................................... 30 B - L’Agence du tourisme, ses missions et son cadre d’intervention..... 33

D - L’Agence du tourisme et les actions de promotion de la destination sports de nature.................................................................... 37 E - L’Agence du tourisme et son rôle de coordination de la filière tourisme et sports de nature..................................................... 38 F - L’Agence du tourisme et ses dispositifs de soutien financier comme effet de levier............................................................................................... 40 Conclusion................................................................................................................................ 43 Bibliographie.......................................................................................................................... 45

Chapitre II Sports de nature et éducation physique et sportive : proposition pour un projet contextualisé, concerté et contractualisé................................................................................................................ 47 A - De la compétence générale de l’enseignant…........................................ 48 B - … à des dispositions spécifiques pour certaines activités.................. 49 Sommaire

3 Les sports de nature comme actions publiques

C - Dispositifs, moyens d’action, et modes d’intervention de l’Agence du tourisme......................................................................................... 35


C - Préférer l’accompagnement fédéral à la normalisation..................... 54 D - Investir un nouvel outil : le projet spécifique APPN............................. 58 Bibliographie.......................................................................................................................... 61

Chapitre III Plaidoyer pour un réseau européen des sports de nature........... 62 A - Sports de nature versus outdoor : quels termes pour quel sens en Europe ?...................................................................................................................... 63 B - Les sports de nature dans les pays européens : une diversité d’organisations publiques...................................................................................... 64 C - La nécessité d’un réseau et d’actions transversales au niveau européen........................................................................................................................... 67 Conclusion................................................................................................................................ 71

Partie 2 Expérimentations et évaluations........................................................... 73

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Chapitre I Les équipements palois dédiés aux eaux vives : des outils au service d’une ambition politique................................................................ 75 A - Cadre théorique et méthodologie................................................................... 77 1. Trois grandes formes de pilotage des équipements sportifs............................... 77 2. Méthodologie.................................................................................................................. 77

B - Les équipements concernés : de la base d’eaux vives de Jurançon au stade d’eaux vives de Pau-Pyrénées (SEVPP).......... 78 1. La base d’eaux vives de Jurançon : un équipement historique du canoë-kayak local..................................................................................................... 78 2. Le SEVPP : un équipement sportif innovant............................................................ 79

C - Le rôle des politiques publiques locales dans la construction/ valorisation d’un nouveau territoire............................................................... 81 1. Une politique publique limitée de 2000 à 2007 : les sports d’eaux vives pour eux-mêmes............................................................................................................. 81 2. Une politique publique déclarée de 2008 à 2013 : les sports d’eaux vives au service de la population et du territoire............................................................. 83 3. Une politique publique renforcée de 2014 à aujourd’hui : Pau capitale mondiale des eaux vives............................................................................................... 87

D - Les eaux vives paloises : une ressource territoriale au service de la politique de la CAPBP ?............................................................................... 93 Sommaire


Bibliographie.......................................................................................................................... 96

Chapitre II L’action publique en matière de nautisme à Brest, vers un nautisme élargi et partagé ?............................................................... 98 A - Antécédents et acteurs d’une action publique en faveur du nautisme..................................................................................................................... 99 B - L’action publique à destination du nautisme : une politique multifaces........................................................................................................................ 104 C - Enjeux et débats contemporains d’une action publique nautique métropolitaine....................................................................................... 106 Conclusion.............................................................................................................................. 110 Bibliographie........................................................................................................................ 112

Chapitre III Commissions départementales des espaces, sites et itinéraires, sports de nature, enjeux sociétaux : évaluation et perspectives.. 113 A - Les origines du dispositif CDESI-PDESI......................................................... 113 1. La force du dialogue et de la concertation…........................................................ 117 2. … Au service du développement maîtrisé des pratiques….............................. 119 3. … Et de stratégies territoriales.................................................................................. 120 4. La fragilité de la pérennisation foncière................................................................. 121 5. Le spectre de la responsabilité.................................................................................. 123 6. Le manque de portage politique au niveau national.......................................... 124

C - Contexte actuel et perspectives........................................................................ 125 Conclusion.............................................................................................................................. 128

Partie 3 Aux sources juridiques et politiques de la publicisation des « sports de nature »........................... 129 Chapitre I Les « sports de nature » comme nouvelle catégorie de l’action publique..................................................................................................... 131 A - Du « plein air » aux « sports de nature » : une problématisation publique ancienne.................................................. 132 Sommaire

5 Les sports de nature comme actions publiques

B - État des lieux en 2018 : la vision du PRNSN.............................................. 116


B - La FFCK : de la navigation empêchée à des propositions d’amendements........................................................................................................... 137 1. L’eau et son accès, un « bien commun » pour tous ? ....................................... 137 2. De la construction d’une expertise ou la nécessité de se défendre................ 142 3. Germinal Peiro, adolescent du « plein air » et député kayakiste.............................. 145

C - L’inscription des « sports de nature » dans le droit positif : la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000......................................................................148 Conclusion.............................................................................................................................. 155 Bibliographie........................................................................................................................ 156

Chapitre II L’organisation des événements sportifs de nature : le droit à l’épreuve du terrain............................................................................. 158 A - Un cadre juridique diversifié et complexe................................................ 160 1. Les obligations légales et réglementaires............................................................... 160 2. Les autres obligations à respecter............................................................................ 163

B - La recherche des responsabilités en cas de manquements............. 165

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1. Les écarts entre les règles applicables et leur appropriation en pratique...... 165 2. La détermination des risques juridiques encourus par les organisateurs en cas de manquements à leurs obligations......................................................... 167 3. L’interprétation in concreto faite par le juge selon les circonstances de l’espèce...................................................................................................................... 169

Conclusion.............................................................................................................................. 172 Bibliographie........................................................................................................................ 173

Partie 4 Représentations et représentativités : la publicisation comme travail politique.................................... 177 Chapitre I Modes de justification et intérêts politiques : l’exemple des « sports de nature ».....................................................................................................................179 A - Capitaliser politiquement.................................................................................... 180 B - « Bien public » et dénégation de l’économique.................................... 182 C - Ressource territoriale, conflits et encombrement................................. 185 1. Visibilité territoriale et visibilité politique................................................................ 185 2. Hossegor : une ville « encombrée »......................................................................... 186 Sommaire


Conclusion.............................................................................................................................. 189 Bibliographie........................................................................................................................ 190

Chapitre II Les légitimités politiques à l’épreuve des aires marines protégées. Le cas des usages récréatifs de la nature et de leurs représentants......................................................................................... 192 A - Des usages récréatifs et politiques de la nature : de l’espace littoral à « l’environnement »............................................................................ 193 1. L’accroissement de la demande d’usages récréatifs de la nature.................... 193 2. Les principes des nouvelles formes de gouvernance sur la mer : de l’élaboration internationale à la « participation » locale.............................. 195 3. La préservation de l’environnement comme doxa dominante : antagonismes et conciliations des points de vue entre représentants........... 197

B - Les appropriations locales d’un cadre national : les modalités différenciées de représentations des usages récréatifs de la nature.................................................................................................................... 200 1. Les instances participatives des AMP et leurs pouvoirs différenciés............... 200 2. L’implication diversifiée des usagers « sportifs » de la mer dans les AMP..... 202

C - L’exemple du parc marin du bassin d’Arcachon..................................... 209

Bibliographie........................................................................................................................ 220

Partie 5 Les arbitraires de la publicisation........................................................ 225 Chapitre I Accidentologie et prévention des dangers liés aux sports de montagne. L’action publique au cœur de la construction politique des risques.................................................................................................... 227 A - La visibilité sociale du risque : de l’influence des médias à la prise en compte élargie des parties prenantes............................. 228 B - Les acteurs publics au cœur de la construction des risques liés aux sports de montagne........................................................................................ 230 C - Les initiatives subsidiaires : fondations et recherche publique....... 234 Ouverture : Quelles perspectives d’approfondissement de l’analyse et de la prévention des risques ?............................................................................. 237 Sommaire

7 Les sports de nature comme actions publiques

Conclusion.............................................................................................................................. 218


Bibliographie........................................................................................................................ 238

Chapitre II Le monopole des fédérations sportives françaises comme obstacle au développement des services marchands d’initiation aux pratiques. Le cas du kitesurf et de la Fédération française de vol libre (FFVL)................................. 241 A - L’encadrement du kitesurf comme analyseur d’une singularité française........................................................................................................................... 242 B - Les délimitations légales de la tutelle fédérale...................................... 244 C - La « culture fédérale » comme condition d’accès à la profession de moniteur................................................................................ 244 D - L’augmentation du nombre de licenciés : une nécessaire priorité fédérale.......................................................................................................... 246 E - Faire de tout client un licencié : une obsession fédérale................. 247 F - Une critique marchande de la tutelle et du monopole fédéral... 248

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Bibliographie........................................................................................................................ 252

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Conclusion De la convergence d’intérêts entre prestataires et élus locaux........... 250

Chapitre III Du canoë-kayak sportif à l’embarcation touristique, disqualification et légitimation politiques d’une pratique récréative de nature............................................................. 253 A - La disqualification politique de la commercialisation du canoëkayak associatif............................................................................................................ 255 B - Recompositions associatives et économie touristique....................... 258 Conclusion.............................................................................................................................. 264 Bibliographie........................................................................................................................ 265 En perspective : Les « sports de nature » comme « focale » originale sur l’action publique ?.................................................................................................... 266 Crédits photo........................................................................................................................ 271

Sommaire


Préface 1 Germinal Peiro Président du conseil départemental de la Dordogne, membre honoraire du Parlement, maire honoraire de Castelnaud-la-Chapelle, vice-champion du monde de canoë-kayak

Le développement durable, la préservation de la nature, l’avenir de la planète et l’aspiration d’un nombre de plus en plus important de nos concitoyens à une vie saine, équilibrée, naturelle, proche de leur environnement, montrent à quel point nous avions raison, à l’aube du XXIe siècle, de faire inscrire les sports de nature dans la grande loi n° 2000-627 sur l’organisation et la promotion des activités physiques et sportives du 6 juillet 2000. Aux côtés des pratiques sportives traditionnelles, cette nouvelle façon de dialoguer avec son corps et de communier avec la nature répond aux aspirations générées par notre société moderne et, reconnaissons-le, essentiellement urbaine : besoin de liberté, de convivialité, de proximité. La pratique familiale est souvent la règle, non seulement pendant les vacances, mais également après une journée ou une semaine de travail.

Ces activités représentent un véritable produit d’appel pour des départements ruraux et constituent désormais une part importante et reconnue de leur offre touristique : VTT, canoë-kayak, marche nordique, parapente, trail, course d’orientation, randonnées pédestre, cycliste et équestre et bien d’autres encore sont autant d’atouts pour des territoires jusque-là quelque peu délaissés. Grâce au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, le département est conforté dans son rôle d’aménagement du territoire, permettant ainsi de contribuer de façon non négligeable au développement de l’économie locale.

Préface 1

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Tous les acteurs locaux sont concernés : les communes, les intercommunalités et surtout les départements qui, à travers les commissions départementales des espaces, sites et itinéraires – CDESI – sont au cœur de la politique territoriale qui allie enjeux économiques, image et identification des lieux de pratique, politique de préservation et de mise en valeur des espaces naturels à travers l’équation heureuse sport-environnement-tourisme.


La participation de tous les acteurs locaux dans cette mise en œuvre, fruit des lois de décentralisation, rendue possible par la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000, constitue une avancée majeure vers plus de démocratie locale désormais inscrite dans nos pratiques de gouvernance. L’ouvrage collectif Les sports de nature comme actions publiques - Regards croisés d’experts et d’analystes, publié à l’initiative et sous la conduite de Ludovic Martel et d’Arnaud Sébileau, balaie avec talent l’ensemble des champs non seulement de ces nouvelles pratiques, mais également des nouvelles conditions institutionnelles de leur mise en œuvre. Dans ce sens, il est un outil indispensable qui contribue à la légitimité de ce nouvel environnement sociétal et institutionnel et conforte le choix de ceux qui, comme moi, ont œuvré pour que les sports de nature trouvent toute leur place dans la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000.

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Préface 1


Préface 2 Marina Honta Professeur des universités, chercheur au centre Émile-Durkheim (UMR CNRS 5116)

L’ouvrage que coordonnent Arnaud Sébileau et Ludovic Martel se révèle incontestablement précieux et efficace pour qui s’intéresse aux modalités de fabrication, de mise en œuvre ou d’évaluation des politiques contemporaines. Deux principaux éléments en attestent particulièrement bien.

Ensuite, si les usages politiques et stratégiques faits aux échelles nationale et locale des sports de nature sont largement présents dans les divers articles, ils ne sauraient masquer que les auteurs.res donnent également à voir tout ce qui forge le sens d’un service public en la matière : la diffusion sociale, territoriale et sécurisée de leur pratique ; la démocratisation des connaissances et des décisions (publique et privée) adoptées à partir de celles-ci. Rendre ces finalités opérantes, nous le découvrons de façon éclairante à la lecture, n’est pas tâche aisée pour les acteurs en présence tant le droit est brouillon et les concurrences tenaces. Les formes diverses de militantisme ici

Préface 2

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Sur les plans scientifique et empirique, les contributions font des sports de nature un laboratoire exemplaire de ce qui se joue désormais dans la conduite de l’action publique. Tout y est en effet. Les auteurs montrent habilement que l’intervention en ce domaine ne forme pas un ensemble homogène et stabilisé tant les programmes élaborés et les instruments d’action publique sur lesquels ils sont adossés sont traversés de fortes tensions et luttes. Celles-ci ont trait à la qualification de ce recouvrent le champ des sports de nature et le bien commun en ce domaine, processus que l’on sait essentiels à la définition d’une politique et de ses destinataires. Elles trouvent aussi leur terrain d’expression dans les enjeux qui fondent la légitimité des acteurs mobilisés alors même que certains sont historiquement placés en situation de monopole. Parce que la promotion de ces activités n’a pas échappé aux phénomènes de pluralisation et de fragmentation des « offreurs », leur légitimité est conditionnée aujourd’hui à leurs capacités à capter, satisfaire et fidéliser par la production de nouveaux modèles des publics aux attentes hétérogènes, voire contradictoires. Saisir, par ailleurs, ces processus en convoquant une diversité de disciplines – la sociologie, l’histoire, le droit, la géographie – et de regards d’acteurs exerçant leur activité professionnelle dans cet univers et d’universitaires ajoute à la pertinence de la démarche.


à l’œuvre, en rappelant ces enjeux de justice sociale et territoriale, en soulignant l’intérêt de produire des données en routine pour donner à voir et à comprendre à toutes et à tous les effets d’une action publique en ce domaine, rassurent sur ce que l’on peut aussi entendre par « productivité » et « action publique rationnelle ».

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Préface 2


Préambule

De la naissance d’une complicité intellectuelle à un ouvrage commun Ludovic Martel Maître de conférences en sociologie, UMR « Lieux, Identités, eSpaces et Activités » Département STAPS, Università di Corsica martel_l@univ-corse.fr

Arnaud Sébileau Enseignant-chercheur en sociologie, UMR « Centre nantais de sociologie » - Institut de formation en éducation physique et en sport d’Angers - Activités physiques, Corps, Sports et Santé - Université catholique de l’Ouest arnaud.sebileau@uco.fr

Travail collaboratif qui s’alimente de leurs connaissances, réflexions, interconnaissances respectives, ils refusent d’entériner une hiérarchie qu’implicitement, le jeu de l’ordre des signataires peut définir. Ce point de vue est loin d’être anodin dans le champ académique. En effet, certaines procédures de qualification, de recrutement ou encore d’évaluations scientifiques retiennent effectivement ou non le rang des noms dans la référence comme un indicateur en tant que tel de l’identification de l’auteur « principal ».

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Inventaire et gestion des pratiques sportives et de loisirs sur les littoraux métropolitains français : analyse comparative dans mes espaces protégés. Quels littoraux pour demain ?

Préambule

13 Les sports de nature comme actions publiques

L’idée d’un nouvel ouvrage consacré à l’action publique en matière de « sports de nature » nous apparaît comme une évidence, en octobre 2016, lorsque nous nous retrouvons sur le bassin d’Arcachon pour « faire du terrain » dans le cadre d’un projet1 financé par la Fondation de France2, recherche dirigée par Ludovic Martel commencée une année auparavant. L’ouvrage Les « sports de nature ». Une catégorie de l’action publique en question, dont Arnaud Sébileau est un des coauteurs, est alors en cours de finalisation et les données collectées dans le cadre du projet qui nous réunit invitent déjà à prolonger la réflexion. En phase sur la manière dont nous voulons orienter la réflexion sur la « problématisation publique » des « sports de nature », nous faisons très rapidement de l’idée un projet dont les pages qui suivent sont l’aboutissement.


Insatisfaits de cet arbitraire, ils souhaitent prendre leur liberté à l’égard de ces usages. Dans le cadre de leurs évaluations respectives auprès de leurs tutelles, ils inscriront, à leur guise, leur nom en premier auteur3. Puisqu’il fallait faire un choix pour l’éditeur, le recours à l’ordre alphabétique leur est apparu comme le moins discriminant. À l’image de Camille Lacourt et Jérémy Stravius, lors des Championnats du monde de natation à Shanghai, en 20114, ils revendiquent la même première place. Même si cet ouvrage parle peut-être moins de « sport » que de « politique », nous avons préféré nous référer à cet arrangement qui existe parfois dans le cadre d’une compétition sportive, mais jamais en politique où l’élu est le seul à pouvoir occuper la place de l’élu. Et c’est peut-être parce que nous ne sommes, y compris dans notre univers professionnel, ni champions, ni élus, que nous préférons faire valoir avant tout la collaboration scientifique et moins la compétition académique, comme en atteste ce préambule.

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Pour l’ouvrage, mais également les chapitres coécrits. Camille Lacourt et Jérémy Stravius ont réalisé exactement le même temps lors de la finale du 100 mètres dos des Championnats du monde de Shanghai : 52 secondes et 76 centièmes. Ils montent tous les deux sur la plus haute marche du podium.

Préambule


Introduction

Des bons usages de l’espace des points de vue Ludovic Martel Maître de conférences en sociologie, UMR « Lieux, Identités, eSpaces et Activités » - Département STAPS, Università di Corsica martel_l@univ-corse.fr

Arnaud Sébileau Enseignant-chercheur en sociologie, UMR « Centre nantais de sociologie » - Institut de formation en éducation physique et en sport d’Angers arnaud.sebileau@uco.fr

L’idée d’un tel livre, ou plutôt de la lecture qui devrait en être faite, a pour origine les questions qui subsistaient après une première publication sur les « sports de nature » comme « catégorisation » d’usages récréatifs d’espaces naturels dont la fonction est à trouver dans leur problématisation publique5. Comme nous l’avaient légitimement signalé alors des acteurs de l’administration et de la gestion de ces activités, dire que l’expression « sports de nature » est un terme catégoriel servant à l’action publique ne suffisait pas. 5

Laetitia Audinet, Christophe Guibert, Arnaud Sébileau, Les « sports de nature » : une catégorie d’action politique en question, Éditions du Croquant, 2017.

Introduction

15 Les sports de nature comme actions publiques

Celui ou celle qui lira ce livre devrait se garder de l’appréhender comme un simple état des lieux, partiel ou imparfait, de ce qui peut être dit sur l’action publique en matière de « sport de nature » par des « universitaires », « professionnels », « acteurs académiques » et de « terrain ». Une telle lecture, outre sa dimension restrictive, ne saurait correspondre pleinement à l’intention des deux auteurs signataires de l’ouvrage. Notre ambition est plutôt de tenter de produire chez le lecteur le surcroît d’intelligibilité et de compréhension que peut permettre la prise en considération du point de vue à partir duquel s’expriment – autrement dit, de « là d’où parlent » – celles et ceux qui, comme les rédacteurs ici sollicités, ont « quelque chose à dire » sur l’existence des « sports de nature » et de l’action publique engagée à leur propos. Ces différents contributeurs ont effectivement été choisis et sélectionnés non seulement en raison de l’expertise qui est la leur, mais aussi en raison de la mise en perspective de « l’action publique » en matière de « sports de nature » qu’offrent, à celui qui se donne la peine de cet effort postérieur à une première lecture, la combinaison et la juxtaposition de leurs contributions respectives.


Encore fallait-il rendre compte de ce qui est fait avec cette catégorie, de qui fait quoi avec, des questionnements critiques que l’usage de cette classification suscite et provoque chez ceux qui sont tenus de composer avec sans l’avoir inventée et sans la trouver nécessairement des plus efficientes. En outre, les réactions parfois vives que ce premier livre suscitaient chez des agents de la fonction publique pleinement investis dans leur travail de coordonnateur d’actions de promotion des « sports de nature » montraient que questionner la terminologie, avec laquelle ils travaillent, était perçu comme une atteinte à leur légitimité même. En soi, les quelques désaccords formulés qui parfois stigmatisaient les universitaires pour leur appartenance au monde de la « théorie » en opposition à ceux qui, comme eux, sont dans « l’action » et la « pratique », ne montraient qu’une chose : la publicisation des « sports de nature » n’est pas qu’une question de mise en mots sous la forme de l’invention de catégories performatives, mais de pratiques et de théorisation des pratiques dont le monopole ne revient pas aux universitaires, mais est aussi le fait de celles et ceux qui travaillent à faire exister l’action publique en matière de « sports de nature », voire à légitimer qu’il ne saurait y avoir d’autre gestion de ces activités que « publique ». On peut en juger, notamment, lorsqu’on lit les deux préfaces l’une après l’autre. La « publicisation » est un objet de légitimation pour le politique et un objet de recherche pour le chercheur. C’est l’entre-deux, entre ces positions tranchées, qui peut aussi être interrogé.

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Si la recherche universitaire ne répond pas aux mêmes enjeux que la réflexion des acteurs engagés dans l’administration, l’organisation et la gestion des « sports de nature », il n’en demeure pas moins que dans les deux cas, il y a production de discours qui prennent pour objet la question de l’action publique en la matière, sa genèse, ses finalités et ses fonctions que ce soit d’un point de vue sociologique, scientifique ou d’un point de vue politique. C’est là le parti pris de cet ouvrage : apporter un éclairage sur le travail de publicisation des « sports de nature ». Si tous les points de vue ne se valent pas et si le point de vue universitaire n’est pas équivalent à celui de ceux qui, plus du côté de la recherche de solutions que de celui de la recherche des causalités, tous, contribuent à faire exister, ne serait-ce qu’en exposant leurs analyses respectives, à porter dans le débat « public » les « sports de nature ». Envisagées comme constitutives d’« un espace des points de vue », les contributions de cet ouvrage prennent un autre sens que celui auquel elles renvoient lorsqu’elles sont lues isolément. A contrario, les textes présentés éclairent autrement l’action publique en matière de « sports de nature » lorsqu’ils sont mis en perspective, non seulement en prenant acte des analyses antagonistes qu’ils peuvent, pour certains d’entre eux, proposer, mais aussi en prenant pleinement au sérieux le fait que les auteurs s’insèrent dans des univers différents, qu’ils y occupent des positions elles aussi différentes

Introduction


et qu’ils répondent à des enjeux spécifiques à leurs univers respectifs6. Si l’on peut se permettre de les mettre « en vis-à-vis », de les faire se juxtaposer et se confronter par l’exercice artificiel de regroupements et d’organisations de chapitres, c’est aussi parce que chacun, malgré les différences évoquées, travaille à faire exister la question de « sports de nature » et le « caractère public » des actions ou non dont ils peuvent être l’objet. Autrement dit, l’ensemble des auteurs ici mobilisés, y compris les cosignataires du livre et de cette introduction, sont « acteurs » de cette publicisation et y jouent, a minima, la légitimité de leur expertise. À titre de preuve, il n’est pas un universitaire de cet ouvrage qui n’ait pas participé à des projets de recherches commandités par des acteurs publics et qui ne soit pas reconnu par sa spécialisation disciplinaire dans le domaine des « sports de nature »7. Et il n’est pas un seul des autres contributeurs qui ne soit pas impliqué dans l’action publique en matière de « sports de nature », qu’il relève de la fonction publique ou du secteur privé délégataire d’une mission de service public.

Autant dire qu’il s’agit d’assumer ici pleinement que les contributions ne sauraient avoir le même statut en termes de distanciation quant à l’objet du livre énoncé. En même temps, toutes leurs assertions peuvent être lues sous l’angle de la « publicisation des sports de nature ». C’est bien là ce qui relie les textes. Tous « parlent » de publicisation, mais ils ne placent pas tous leurs énoncés sous le même registre d’exigence de véridicité, lesquels effectivement diffèrent selon d’où parlent et écrivent les auteurs. Entre le point de vue conceptuellement forgé et empiriquement fondé du sociologue, de l’historien, du juriste, du géographe selon la méthode et la tradition épistémologique propre à ces disciplines respectives, et le point de vue plus

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Sur ce type de lecture, voir Pierre Bourdieu, « L’espace des points de vue », in Pierre Bourdieu (dir.), La misère du monde, Éditions du Seuil, 1993, pp.13-17. Les questions qui traversent cette introduction et la construction de ce livre sont d’ailleurs issues d’un projet de recherche financé par la Fondation de France sur la place des « sports des nature » dans la mise en œuvre des aires marines protégées. Dirigé par Ludovic Martel, ce projet mobilise 14 enseignants chercheurs répartis sur différents sites du littoral Français. Max Weber, Le savant et le politique, Librairie Plon, 1963, [1re édition 1959], pp.101-114.

Introduction

17 Les sports de nature comme actions publiques

Aussi, il ne faut pas attendre de ce livre spécifiquement solutions et préconisations. En revanche, la lecture croisée de chacun des textes dans le sens ci-avant proposé suggère des questionnements. Pour reprendre Max Weber, si l’on ne confond pas travail savant et travail politique, si l’on ne se trompe pas sur le fait que l’enseignant chercheur est un « professeur » et non un « chef » et si on n’attend pas du « savant » exclusivement une solution, mais plutôt l’exercice de distanciation, alors, ce livre peut « faire œuvre de clarté » notamment sur la problématique autour de laquelle les auteurs ont décidé d’en organiser le propos : la « publicisation des sports de nature »8.


engagé du directeur d’une agence de tourisme, d’un directeur de Creps, d’un conseiller technique d’une fédération, d’un chef de projet de l’UCPA Sports Vacances9, d’un responsable du service nautisme d’une métropole, d’une chargée de développement du sport dans la même métropole, d’un chargé de mission auprès du Pôle ressources national des sports de nature, il existe non pas uniquement des différences de statuts, de positions, de fonctions, de formations, mais aussi des manières distinctes de traiter un sujet pour en faire un « objet ». Ce qui est valable pour les rédacteurs l’est aussi pour les lecteurs. Lire les textes comme « objet » pour comprendre la publicisation des « sports de nature » ne requiert pas les mêmes « lunettes » que les lire comme autant d’œuvres traitant du « sujet » de la publicisation indépendamment des différences entre auteurs. C’est pourtant à cet exercice de lecture vigilante et charitable que nous invitons : prendre au sérieux les auteurs en prenant acte de là d’où ils parlent, écrivent et traitent de la publicisation des « sports de nature ». Pour ce faire, nous avons organisé l’ouvrage en cinq parties en y répartissant les contributeurs de la manière suivante.

Les sports de nature comme actions publiques

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Dans la première partie, intitulée « Prescriptions et légitimations de la publicisation des sports de nature », figurent des textes dont les rédacteurs travaillent et militent pour la double reconnaissance des « sports de nature » et de l’action publique à leur propos. Publier ces textes ne permet pas seulement de rendre visibles le travail de ces contributeurs, les institutions qu’ils mobilisent et pour lesquelles ils se mobilisent. Les propositions qu’ils formulent, les dispositifs qu’ils présentent, à l’occasion de la publication de leurs articles, sont aussi tout autant de traces, de signes, de matériaux qui actent des « croisades » morales dans lesquelles s’engagent les entrepreneurs de l’action publique, comme l’on en retrouve dans d’autres enquêtes classiques de sociologie ou d’histoire réalisées sur la construction des « problèmes » publics. Daniel Charavin, directeur de l’Agence du tourisme de la Corse, dans une première contribution intitulée « Sports de nature, tourisme et stratégie publique locale : rôle, moyen et fonctions de l’Agence du tourisme en Corse », propose, à partir d’un cas particulier, de montrer comment les acteurs de l’action publique locale – la collectivité de Corse et son Agence du tourisme – 9

L’Union nationale des centres sportifs de plein air, suite à une modification de ses statuts, a donné lieu à la création de UCPA Sport Vacances.

Introduction


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