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Opérations Immobilières N° 103 Mars 2018

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DOSSIER

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L'ASSURANCE CONSTRUCTION AUX 40 ANS DE LA LOI SPINETTA ¢¢Bilan

des 40 ans d’application de la loi Spinetta ¢¢Évolution de la sinistralité dans l’assurance construction ¢¢L’Agence qualité construction ¢¢ Garanties, responsabilités et assurance construction : vers une convergence européenne ? ¢¢Responsabilités à outrance des architectes : et si tout le monde était perdant ? ¢¢Assurance et construction durable : où en est-on ?

LE POINT SUR... La lutte contre la précarité énergétique

LA DÉCISION À RETENIR Inapplicabilité du déséquilibre significatif de l'article L. 442- 6 du Code de commerce aux baux commerciaux

FICHE PRATIQUE Le maître d'ouvrage


NOUVELLE FORMULE VOTRE MENSUEL EN VERSION PAPIER Textes officiels, jurisprudence commentée : anticiper les réformes et suivre les dernières décisions… Veille juridictionnelle : accéder aux décisions des Tribunaux. Dossier thématique : apporter une analyse approfondie sur les enjeux majeurs du secteur.

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ÉDITO

Innover

mais, en même temps, sécuriser ! En ce début d’année, trois regards sur l’industrie immobilière se télescopent. D’abord la célébration d’un anniversaire, celui de la loi du 4 janvier 1978 dite Spinetta qui, quarante ans après, a démontré avec brio son aptitude à sécuriser l’acquéreur d’une construction en inventant un régime de responsabilité des constructeurs assis sur un système d’assurance obligatoire. Ensuite, la volonté des pouvoirs publics d’engager ce secteur d’activité, si important pour la croissance économique de notre pays, vers le monde de l’innovation technique, environnementale et organisationnelle, où le résultat à atteindre prend le pas sur les moyens à déployer. Enfin, l’annonce ministérielle, qui n’est que la traduction de l’objectif d’innovation, que va s’ouvrir le considérable chantier d’une réécriture du Code de la construction et de l’habitation et non pas simplement de la poursuite du chantier de simplification des normes déjà ouvert. Ces perspectives, éclairées par l’expérience du passé, incitent à énoncer trois recommandations. La sécurité des ménages acquéreurs et occupants des immeubles de demain doit demeurer un marqueur essentiel des actions de progrès : on sait la faible solvabilité des accédants qui, s’ils peuvent faire face à leurs engagements d’emprunteurs ou de locataires, sont souvent dans l’incapacité d’encaisser le choc de l’imprévu technique et de l’aléa financier qui l’accompagne. Les acquéreurs ont donc besoin d’un écosystème assurantiel qui, à la fois, assure tous risques et le fasse à des couts maitrisés. Le pari de l’innovation supposera donc, pour réussir, que le monde de l’assurance l’accompagne sans réserve, c’est-à-dire que la nouvelle donne ne représente pas un saut trop imprévisible vers un risque de sinistralité accrue qui serait alors mal couvert ou à un prix excessif, ce qui revient presqu’au même. La capacité des entreprises à s’engager sur le chemin de l’innovation constitue une deuxième préoccupation. Chacun connait le tissu des très petites entreprises artisanales qui irriguent le territoire du pays et participent largement à son aménagement. Ces entreprises sont évidemment aptes au changement et à l’apprentissage de techniques innovantes ou de nouvelles organisations d’intervention en groupement sur l’ouvrage ; mais il leur faut le temps de la formation et de l’apprentissage, le temps aussi de se nourrir de l’expérience de ceux qui auront ouvert la voie les premiers. Ne brulons pas les étapes : si par exemple le numérique a vocation à prendre toute sa place dans l’œuvre de construire, au stade de la conception, de l’exécution, comme à celui de l’exploitation, il n’a pas encore effacé le besoin des calepins de chantier et de la transmission orale des règles de l’art. Puisque nous avons la volonté d’aller vite, prenons donc le temps de vérifier que l’ensemble de la filière, les grands comme les petits, sauront suivre le mouvement. La troisième recommandation intéresse le nécessaire processus collaboratif, participatif, de mise en œuvre de ce chantier majeur de transformation de l’industrie immobilière et de refonte des règles qui l’organisent : il est indispensable que les filières professionnelles du bâtiment et de l’immobilier soient étroitement associées à la réalisation de ce chantier monumental. Le Conseil supérieur de la construction (CSCEE) et le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière (CNTGI) ont vocation, chacun à sa place, à se saisir du sujet en se mobilisant fermement et à accompagner ainsi l’équipe administrative, nécessairement interministérielle, qui tiendra la plume ; il en va de notre capacité collective à conduire l’innovation dans le respect des entreprises et des acquéreurs.

Philippe Pelletier, Avocat, Associé

• Mars 2018

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SOMMAIRE

Opérations Immobilières N° 103 Mars 2018

ÉDITO

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Innover mais, en même temps, sécuriser !

LE POINT SUR…

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et sur tab

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TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE

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PROJETS & PROPOSITIONS............................................ 10 ¡¡  Modification des dispositions de l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation Travaux d’accessibilité dans les parties communes d’une copropriété

PARU AU JOURNAL OFFICIEL.......................................... 12 ¡¡

DOSSIER

La lutte contre la précarité énergétique

L'ASSURANCE CONSTRUCTION AUX 40 ANS DE LA LOI SPINETTA ¢¢Bilan

des 40 ans d’application de la loi Spinetta de la sinistralité dans l’assurance construction qualité construction ¢¢Garanties, responsabilités et assurance construction : vers une convergence européenne ? ¢¢Responsabilités à outrance des architectes : et si tout le monde était perdant ? ¢¢Assurance et construction durable : où en est-on ? ¢¢Évolution ¢¢L’Agence

LE POINT SUR... La lutte contre la précarité énergétique

LA DÉCISION À RETENIR napplicabilité du déséquilibre significatif de l'article L. 442- 6 du Code de commerce aux baux commerciaux

EN SYNTHÈSE Le maître d'ouvrage

Actualisation annuelle de la taxe d’aménagement SAFER : des avancées dans la régionalisation SAFER : notification aux candidats évincés La nouvelle collectivité unique « Ville de Paris » s’organise ! Le droit de préemption « résiduel » contraire à la Constitution Accession à la propriété : nouveau « PTZ »

RÉPONSES MINISTÉRIELLES.................................14 ¡¡  Incohérence entre les Codes de l’urbanisme et de l’environnement Lieu de dépôt des autorisations d’urbanisme Vers la fin de l’aide aux maires bâtisseurs ? Gestion des biens indivis en Corse Location meublée d’un bien démembré

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JURISPRUDENCE COMMENTÉE..................................... 16 ¡¡  LA DÉCISION À RETENIR....................................... 16 Inapplicabilité du déséquilibre significatif de l’article L. 442-6 du Code de commerce aux baux commerciaux

.Notification des recours aux membres d’une indivision Moyens invocables à l’encontre d’une PPRT L’appréciation de la compatibilité d’un PLU avec le SCOT Réparation des vices cachés La nullité de la clause d’indexation prévoyant un loyer plancher L’obligation de délivrance du bailleur en présence d’amiante en toiture

Date de règlement d’une acquisition immobilière

Point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation

Non-résidents français et exonération de taxe d’habitation

La fixation de l’indemnité d’occupation dans un bail dérogatoire Mars 2018 •


SOMMAIRE

DOSSIER 25 L’ASSURANCE CONSTRUCTION AUX 40 ANS DE LA LOI SPINETTA L’assurance construction fait partie intégrante du droit de la construction et plus largement des problématiques du droit de l’immobilier. Aux quarante ans de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction, dite loi Spinetta, il semble opportun de dresser le bilan des diverses possibilités d’engagement de la responsabilité des constructeurs en cas de sinistre sur l’ouvrage. Les mentalités et les pratiques ont changé, les problématiques ne sont plus les mêmes aujourd’hui, imposant peutêtre une évolution de l’assurance construction.

VEILLE JURIDICTIONNELLE.............................................. 22 ¡¡

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Quels logements pour les millennials ?

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Comité scientifique www.lemoniteur.fr/ope-immo

Directeur du comité

RÉDACTION

Associé de LPA-CGR avocats Il est président du plan bâtiment durable.

Philippe PELLETIER

Responsable éditoriale : Carine Daubignard carine.daubignard@infopro-digital.com Directeur éditorial : Thierry Kremer Directrice des éditions : Claire De Gramont

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PROMOTION-DIFFUSION Directeur : Guillaume de Corbière Chargée de diffusion : Nina Yingui Gestion des abonnements : Nadia Clément

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OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES est édité par Groupe Moniteur SAS au capital de 333.900 € Siège social : Antony Parc 2 10, place du Général de Gaulle, BP 20156 - 92186 Antony Cedex RCS NANTERRE 403 080 823 N° SIRET 403 080 823 00012 N°TVA intracommunautaire FR 32 403 080 823 Principal actionnaire : INFO SERVICES HOLDING Président, directeur de la publication : Julien Elmaleh Directeur général délégué : Manon Rossetti

Catherine STEPHANOFF Secrétaire général, membre du comité exécutif et directeur juridique, Groupe Nexity

Ont collaboré à ce numéro* :

IMPRIMERIE-BROCHAGE-ROUTAGE

Paul TALBOURDET Avocat à la Cour, De Pardieu Brocas Maffei

Marie Garcia, chargée de mission PBD Pierre Haxaire, ingénieur

Imprimerie de Champagne Rue de l’Étoile de Langres ZI Les Franchises – 52200 Langres, France N° commission paritaire : 0218 T 89266 ISSN : 1961-6597 Mensuel. Dépôt légal à parution Imprimé en France/Printed in France

Régis Chaumont, président de l'UNSFA

Philippe Klein, délégué de l'UNSFA à l'international

Daniel Couffignal, ingénieur

Grégory Kron, directeur technique actuariat et filiales SMABTP

Anne-Lise Deloron,directrice adjointe PBD Pascal Dessuet, directeur délégué construction immobilier Opérations Immobilières utilise des papiers issus de forêts gérées durablement, et de sources controlées.

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Philippe Estingoy, directeur général AQC

Xavier Lépine, président du directoire La Française Sarah Roméo, avocat *Les opinions exprimées par les auteurs de cette revue n’engagent qu’eux-mêmes et non les organismes auxquels ils appartiennent.

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La lutte contre la précarité énergétique

LE POINT SUR...

Priorité affichée du quinquennat, la lutte contre la précarité énergétique, spécialement l’éradication des passoires thermiques, constitue l’un des piliers du projet de Plan de rénovation énergétique des bâtiments présenté par les ministres de la Transition écologique et solidaire et de la Cohésion des territoires. Anne-Lise Deloron et Marie Gracia du Plan Bâtiment Durable font le point sur les différents dispositifs d’aides et d’accompagnement, notamment ceux portés par l’Anah.

La lutte contre la précarité énergétique est une des priorités de l’action publique réaffirmée par le nouveau gouvernement dans le Plan climat présenté à l’été 2017 et le projet de Plan de rénovation énergétique des bâtiments, soumis à la consultation publique en fin d’année dernière. L’objectif poursuivi est d’éradiquer la moitié des passoires thermiques occupées par les ménages modestes sur le quinquennat, ce qui suppose un rythme de 150 000 rénovations de logement par an. Cet objectif est à la hauteur de l’enjeu : on estime, en effet, qu’en France, un ménage sur cinq est en situation de précarité énergétique ; 7 à 8 millions de passoires thermiques dont 1,5 million détenues par les ménages modestes composent aujourd’hui le paysage résidentiel français. Au-delà de l’impératif écologique que représente l’éradication de ces passoires, il est évidemment un enjeu de justice sociale pour ces ménages afin de leur offrir un logement décent permettant de meilleures conditions de vie et de santé. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, l’accompagnement et les aides proposées aux ménages en situation de précarité énergétique sont essentiels. À cet égard, l’année 2018 marque une étape importante dans la consolidation des dispositifs : un objectif plus ambitieux pour le programme national « Habiter Mieux » de l’Anah, le déploiement généralisé du chèque énergie sur l’ensemble du territoire et une volonté nouvelle de soutenir les actions portées par la sphère privée. • Mars 2018

Le programme « Habiter Mieux » de l’Anah, dispositif central de lutte contre la précarité énergétique

Préfiguré par des travaux du Plan Bâtiment Durable, le programme « Habiter Mieux » de l’Agence nationale de l’habitat, lancé en 2011, avait pour objectif initial d’aider 300 000 ménages, d’ici 2017, à sortir de la précarité énergétique en les accompagnant dans la définition, le financement et la réalisation des travaux de rénovation énergétique de leur logement. Depuis le 1er janvier 2017, une aide spécifique aux copropriétés fragiles est venue compléter le dispositif. Le programme « Habiter Mieux » est monté en puissance progressivement et a atteint en 2017 le chiffre record de 52 069 logements aidés au titre du programme ; il démontre ainsi toute sa pertinence et sa bonne appropriation par les acteurs de terrain. 2018 marque une accélération du programme avec un objectif inscrit dans le projet de Plan de rénovation énergétique des bâtiments de 75 000 rénovations par an au seul titre du programme « Habiter Mieux ». Cette ambition rehaussée est ainsi l’occasion pour l’Anah de proposer une nouvelle offre adaptée : on parle désormais des offres « Habiter Mieux - Sérénité » et « Habiter Mieux – Agilité ». Cette dernière déclinaison, nouvelle, permet de financer trois types de travaux au choix (changement de chaudière ou de mode chauffage, isolation des murs et isolation des combles) sans nécessairement faire appel à un accompagnement par un opérateur-conseil, à la différence de l’offre « Sérénité ». Cette offre est

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LE POINT SUR...

également compatible avec la valorisation des CEE et permet ainsi une meilleure complémentarité avec les offres portées par la sphère privée.

Généralisation du chèque énergie : une aide complémentaire pour 4 millions de ménages Créé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en 2015 en remplacement des tarifs sociaux de l’énergie, le chèque énergie est une aide accordée aux ménages aux revenus modestes pour le paiement de leur facture d’énergie. Après une phase expérimentale de deux ans menée dans quatre départements français, le chèque énergie est désormais généralisé à l’ensemble du territoire. Cette phase d’expérimentation a notamment permis de noter un taux de recours beaucoup plus élevé (78 %) du chèque en comparaison aux tarifs sociaux de l’énergie : cette différence est principalement due au fait que le chèque énergie est adressé à l’ensemble des ménages bénéficiaires, sans demande préalable. Nouveauté également, le chèque peut être utilisé pour financer des travaux d’effica-

cité énergétique répondant aux critères d’éligibilité du Crédit d’impôt transition énergétique (CITE). Ce dispositif vient utilement compléter le programme « Habiter Mieux ». Dernière pierre à l’édifice : la complémentarité de l’action publique et des offres portées par la sphère privée. Seule l’existence d’une offre diversifiée et massive permettra d’atteindre les objectifs ambitieux et la nécessaire massification des opérations. C’est en ce sens que le Plan de rénovation énergétique imaginé pour le quinquennat ambitionne de créer des conditions de marché permettant l’accélération des offres complémentaires au programme « Habiter Mieux ».

La massification de la rénovation des passoires thermiques : une nécessaire complémentarité entre l’action des acteurs publics et privés Pour atteindre les 150 000 rénovations par an de passoires thermiques occupées par les ménages modestes, inscrites dans le projet de Plan de rénovation, la seule intervention du programme « Habi-

Deux questions à Vincent Perrault, responsable du programme « Habiter Mieux » à l’Anah Le programme « Habiter Mieux » porté par l’Anah est l’un des leviers d’action, à destination des ménages modestes, du Plan de rénovation énergétique des bâtiments. En quoi consiste-t-il ? Effectivement, les Plans « climat » et « rénovation énergétique des bâtiments » annoncés courant 2017 ont consacré comme priorité nationale la résorption des passoires thermiques et la lutte contre la précarité énergétique. Le programme « Habiter Mieux » de l’Anah, qui arrivait à échéance fin 2017, s’est vu confirmer et pérenniser jusqu’en 2022 avec un nouvel objectif ambitieux de 75 000 logements à rénover par an. Impulsé en 2011 à la suite du Grenelle de l’environnement, puis accéléré dans le cadre Plan de rénovation énergétique de l’habitat de 2013, « Habiter Mieux » a démontré sa pertinence au cours de ses 7 premières années passant de 6 000 logements rénovés à plus de 52 000 en 2017. Les différentes évaluations ont permis d’en souligner les externalités positives tant sur le plan environnemental et social (3/4 des dossiers financés concernent au moins deux natures de travaux de rénovation énergétique entraînant un gain supérieur à 40 % d’économies sur la facture de chauffage et l’amélioration du bien-être et de la santé des occupants) qu’en termes de retombées économiques (recours privilégié aux artisans de proximité, plus de 5 milliards d’euros de travaux générés). Le programme « Habiter Mieux » a également entraîné une forte mobilisation des acteurs (élus, techniciens, opérateursconseils et professionnels du bâtiment) impulsant une dynamique sans précédent sur l’ensemble du territoire, dans les grands centres urbains comme sur les territoires ruraux. Il s’agit maintenant d’accélérer et d’élargir cette dynamique pour répondre aux défis à venir. Quels sont les enjeux pour les années à venir et comment l’Anah y répond-elle ? Le défi majeur réside dans la structuration d’un parcours fluide et rapide à la hauteur des attentes de l’époque pour les propriétaires comme pour les professionnels. Les échanges entre acteurs, fondés sur la confiance collective et la bienveillance, feront émerger les innovations et tireront vers le haut les pratiques de tous. C’est là la clé pour sortir de la contradiction, en apparence irréductible, entre l’impératif environnemental et économique de massification et le besoin de sur-mesure social, économique et financier de chaque opération. L’Anah, pour sa part, s’est lancée dans une démarche sans précédent de simplification et dématérialisation de ses procédures et a complété ces dernières années son offre de financement d’ingénierie et de travaux pour l’adapter aux spécificités des différentes cibles. Depuis 2017, le programme est élargi aux copropriétés qui présenteraient des signes de premières fragilités énergétiques et sociales et pour lesquelles la rénovation énergétique permettrait d’améliorer durablement la situation. En 2018, l’introduction d’une nouvelle aide, plus souple, en maison individuelle (compatible notamment avec la valorisation des CEE) permet de créer de nouveaux parcours de travaux. Il s’agit de s’appuyer sur les effets d’entraînement du programme pour mobiliser de nouveaux prescripteurs et propriétaires jusqu’ici éloignés de la rénovation.

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LE POINT SUR...

ter Mieux » ne suffira pas. L’atteinte des objectifs suppose en effet, qu’à côté de l’intervention publique de l’Anah, se développe un ensemble d’actions portées par la sphère privée ou les collectivités territoriales à hauteur de 75 000 rénovations par an. À l’automne dernier, le Plan Bâtiment Durable a initié un premier recensement des offres déjà à l’œuvre : elles sont nombreuses, notamment autour de l’isolation des combles perdus ou de changement de chaudières et révèlent qu’elles sont une porte d’entrée souvent efficace à l’enclenchement de travaux ensuite de plus grande envergure. En complément, pour créer les conditions de marché favorables au développement, principalement par les acteurs privés, de programmes standards de rénovation et de généralisation de gestes simples de rénovation, le projet de Plan de rénovation s’engage à mettre en place les dispositifs adéquats, spécialement en renforçant le rôle des certificats d’économies d’énergie. Ainsi le Plan propose la mise en œuvre de « programmes territorialisés de rénovation des logements », inspirés des opérations programmées de l’Anah.

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Pour permette le plein déploiement de l’ensemble de ces dispositifs, l’enjeu réside également, pour les prochaines années, à une meilleure détection des ménages en situation de précarité énergétique afin de pouvoir leur proposer l’accompagnement le plus adapté. C’est un des objectifs assigné aux plateformes territoriales de la rénovation énergétique qui se déploient sur l’ensemble du territoire, sous l’impulsion notamment des collectivités locales. C’est par la bonne articulation de l’ensemble de ces dispositifs et la mobilisation soutenue des acteurs que nous pouvons viser l’éradication des passoires thermiques d’ici 10 ans. Un objectif sur lequel le Plan Bâtiment Durable n’entend pas relâcher les efforts car il en va de l’amélioration des conditions de vie de plusieurs millions de nos concitoyens.n Anne-Lise Deloron, directrice adjointe du Plan Bâtiment Durable Marie Gracia, chargée de mission au Plan Bâtiment Durable

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TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE Projets & propositions Sélection réalisée et commentée par

Urbanisme et Environnement

Modification des dispositions de l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation Proposition de loi modifiant les dispositions de l’article L. 302- 5 du Code de la construction et de l’habitation, enregistrée à l’Assemblée nationale le 22 novembre 2017

Le 22 novembre dernier, sept députés ont déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi tendant à modifier l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) en vue, d’une part, de remplacer le taux minimum de principe de logements sociaux que doivent comporter les parcs locatifs des communes (actuellement de 25 %) par un taux minimum unique de 20 % et, d’autre part, d’intégrer dans le périmètre des logements pris en considération pour le calcul dudit taux, les maisons d’enfants à caractère social (MECS) qui en sont aujourd’hui exclues. Les députés fondent la double évolution sollicitée de la lettre de l’article L. 302-5 du CCH sur diverses motivations.

La modification du périmètre de logements pris en considération Le texte actuel prévoit la prise en compte d’un certain nombre de logements – considérés comme sociaux – afin d’apprécier le respect du seuil minimum de logements sociaux dans le parc locatif d’une commune. Sont ainsi pris en compte et à titre d’exemple pour la détermination de ce taux : les logements locatifs appartenant aux organismes HLM, les logements ou lits en logements foyers ou en résidences sociales, les places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale, etc. Les députés constatent cependant que la version actuelle du texte ne prend pas en compte les MECS. Selon eux, cette exclusion pèse sur les communes souhaitant porter un projet d’accueil de MECS et est susceptible d’avoir un effet dissuasif quant à l’implantation des MECS sur certains territoires. C’est à ce titre que la proposition de loi prévoit, en son article premier, l’insertion des MECS dans la définition des logements locatifs sociaux pris en compte pour l’application de l’article L. 302-5 du CCH.

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S’agissant de l’instauration d’un taux unique de 20 % Le texte actuel, fruit de différentes législations, distingue deux taux. Tout d’abord, l'obligation de réalisation de logements sociaux est applicable aux communes d'au moins 1 500 habitants en Île-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions qui appartiennent à une agglomération ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente au 1er janvier de l'année précédente moins de 25 % des résidences principales. Ensuite, la loi MOB n° 2013-61 du 18 janvier 2013 a prévu de maintenir le taux initial de 20 % institué par la loi SRU, lorsque le parc de logements existants dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ne justifie pas un effort de production supplémentaire (la liste actualisée de ces personnes publiques figure en annexe 1 du décret n° 2014-870 du 1er août 2014). Ce taux minimum de 20 % reste également applicable dans les communes de plus de 15 000 habitants en croissance démographique non incluses dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre présentant les caractéristiques précitées (la liste actualisée des communes concernées figure en annexe 2 du décret n° 2014-870 du 1er août 2014). Les seuils de 20 % et 25 % de logements sociaux correspondent à la moyenne des logements locatifs sociaux pour l'ensemble des agglomérations concernées, ce qui représente un peu plus de 20 % des résidences principales (Cons. const. décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, Loi SRU). La proposition de loi des députés a ainsi pour objectif de mettre fin à ce double taux afin d’instaurer un taux unique de 20 %. La proposition des députés prévoit en outre, en son article 2, la création d’une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du Code général des impôts pour Mars 2018 •


PROJETS & PROPOSITIONS | TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE compenser, à due concurrence, les charges résultant de l’application de la loi pour l’État. Cette proposition est intervenue quelques semaines avant le bilan de la période 2014-2016 publié par le ministère de la Cohésion des territoires lequel indiquait que 269 communes dites « carencées » n'ont pas atteint les objectifs de la loi SRU (soit 20 % de plus par rapport à la période 2011-2013). Le texte a été renvoyé à la commission des affaires économiques.

Gestion

Travaux d’accessibilité dans les parties communes d’une copropriété Proposition de loi visant à faciliter la réalisation des travaux

d’accessibilité dans les parties communes des immeubles en copropriété et modifiant la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, n° 395, enregistrée à l’Assemblée nationale le 22 novembre 2017.

Le 22 novembre dernier, cinq députés ont déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi tendant à faciliter la réalisation des travaux d’accessibilité dans les parties communes des immeubles en copropriété. Cette proposition de loi, qui implique une nouvelle modification de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, résulte du constat suivant : à ce jour, de nombreux propriétaires - souffrant eux-mêmes d’un handicap et/ou à mobilité réduite - ne réussissent pas à obtenir le quota nécessaire lors des votes en assemblée générale pour réaliser des travaux d’accessibilité dans les parties communes et ce, malgré l’évolution de la législation qui a déjà favorisé les modalités d’obtention de telles autorisations. En effet, pour rappel, la loi susvisée a été modifiée pour permettre l’obtention de l’autorisation de travaux à la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés, là où la majorité des voix de tous les copropriétaires est usuellement requise pour les travaux affectant les parties communes.

dans les parties communes sera de droit et ne pourra être refusée qu’à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix. En outre, tout refus devra être fondé sur l’un des motifs suivants : atteinte portée à la structure de l’immeuble ou de ses éléments d’équipements essentiels, ou leur non-conformité à la destination de l’immeuble.

Accélération du processus judicaire Il est actuellement possible de contester les décisions des assemblées générales dans un délai de deux mois à compter de la réception du procès-verbal de l’assemblée, par requête auprès du tribunal de grande instance compétent. Afin d’allier les avantages de la procédure de référé (procédure rapide) et ceux de la procédure de fond (autorité de la chose jugée), la proposition de loi prévoit que les contestations seront portées devant le président du tribunal de grande instance compétent, statuant en la forme des référés, et ce dans un délai de quinze jours. La proposition de loi ajoute enfin que ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront pas aux travaux d’accessibilité qui incombent aux syndicats et qui sont rendus obligatoires par la loi ou les règlements. Cette proposition de loi fait suite à une précédente proposition de loi enregistrée à l’Assemblée nationale en février 2016 et qui envisageait déjà, dans les mêmes termes, la modification du régime en vigueur. Le texte a été renvoyé à la commission des affaires économiques.

Pour mémoire La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a instauré une obligation de mise en accessibilité au 1er janvier 2015 pour les établissements recevant du public. Toutefois, s’agissant des immeubles ne recevant pas de public, il n’existe pas d’obligation de mise en conformité, sauf pour les immeubles neufs dont le permis de construire a été déposé à compter du 1er janvier 2007.

La proposition de loi des députés tend à anéantir les situations de blocages persistantes d’une part, en inversant les modalités d’autorisation en vigueur et, d’autre part, en accélérant le processus judiciaire en cas de contentieux.

Inversement des modalités d’autorisation : vers une autorisation de travaux de plein droit Comme indiqué plus avant, le régime actuel permet la réalisation de travaux à la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés. Le nouvel article 26-1 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée disposerait que la décision prise par un ou des copropriétaires d’effectuer des travaux d’accessibilité • Mars 2018

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TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE | PARU AU JOURNAL OFFICIEL

Paru au Journal officiel Urbanisme et environnement

Actualisation annuelle de la taxe d’aménagement Arrêté du 21 décembre 2017, NOR : TERL1731113A, relatif à l’actualisation annuelle des tarifs pour le mètre carré de taxe d’aménagement (article L. 331-11 du Code de l’urbanisme)

La base d’imposition de la taxe d’aménagement est constituée par une valeur forfaitaire déterminée par mètre carré de surface de construction. Conformément aux dispositions de l’article L. 331-11 du Code de l’urbanisme, cette valeur forfaitaire, fixée au 1er janvier 2011, est révisée par arrêté chaque année en fonction du dernier indice du coût de la construction connu à cette date et arrondie à l’euro inférieur. L’arrêté sur l’actualisation annuelle des tarifs pour le mètre carré de taxe d’aménagement en date du 21 décembre 2017 fixe cette valeur pour l’année 2018. Pour rappel, la valeur en 2011, date de référence, est de 660 euros hors Île-de-France et 748 euros en Île-de-France, pour un indice de la construction de 1 517. Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018, les tarifs par mètre carré de construction s’élèvent à 726 euros hors Île-deFrance et 823 euros en Île-de-France, pour un indice à 1 670.

SAFER : des avancées dans la régionalisation Arrêté du 19 janvier 2018, NOR : AGRT1736731A, portant agrément de la modification de la zone d’action d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, JO du 23 janvier 2018

Arrêté du 19 janvier 2018, NOR : AGRT1736726A, portant agrément de l’extension de la zone d’action d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural et de la dénomination de cette société, JO du 21 janvier 2018

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a prévu la régionalisation des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), avec comme objectif une seule SAFER par région. Cet objectif de réorganisation du réseau était particulièrement opportun pour les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire et Poitou-Charentes où subsistaient notamment des problématiques de limites géographiques de compétences. La loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions est venue bousculer cette réorganisation en créant les treize nouvelles régions. Prenant acte de cette modification, le gouvernement-législateur a, par une ordonnance n° 2016-316 du 17 mars 2016 portant adaptation des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural à la réforme régionale, accordé un délai supplémentaire de deux ans aux SAFER incluses dans le périmètre des régions Aquitaine

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Limousin-Poitou-Charentes et Pays de la Loire pour se conformer à la nouvelle carte régionale : elles ont ainsi jusqu’au 1er juillet 2018 au lieu du 1er juillet 2016 comme prévu initialement. Tel est l’objet des deux arrêtés adoptés le 19 janvier 2018 portant, pour l’un, agrément de l’extension de la zone d’action de la SAFER Pays de la Loire, anciennement dénommée SAFER Maine Océan, au département de la Vendée et, pour l’autre, agrément de la modification de la zone d’action de la SAFER Poitou Charentes qui perd sa compétence sur le territoire du département de la Vendée. La SAFER Pays de la Loire est subrogée dans les droits et obligations de la SAFER Poitou Charentes pour toutes les opérations contractuelles qui ne s’imposent plus à cette dernière du fait de la modification de son champ d’intervention. Un traité, soumis à l’approbation du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et du ministre chargé des Finances, conclu entre les deux SAFER, doit déterminer les conditions de reprise du personnel, du transfert des emprunts et des subventions publiques ainsi que le transfert de tout ou partie des immeubles agricoles.

SAFER : notification aux candidats évincés Décret n° 2018-77 du 7 février 2018 relatif aux sociétés

d’aménagement foncier et d’établissement rural, JO du 9 février 2018

Lorsque les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ont été tenues d’acquérir des biens pour éviter une préemption partielle, elles ont l’obligation de les rétrocéder. Une fois qu’elles ont attribué de tels biens à un candidat, biens acquis à l’amiable ou par voie de préemption, elles doivent motiver leurs décisions de rétrocession et de procéder à diverses mesures de publicité. À cet égard, le décret du 7 février 2018 relatif aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural fixe à un mois, à compter de l’affichage de l’avis d’attribution du bien, le délai au terme duquel les SAFER doivent notifier aux candidats évincés les motifs de leur choix.

La nouvelle collectivité unique « Ville de Paris » s’organise ! Ordonnances n° 2018-74 et n° 2018-75 du 8 février 2018, JO du 9 février 2018

Poursuivant un objectif de simplification de la gouvernance territoriale en Île-de-France, l’article 1er de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain organise la fusion entre la commune et le département de Paris à compter du 1er janvier 2019, date à laquelle Mars 2018 •


PARU AU JOURNAL OFFICIEL | TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE

une nouvelle collectivité à statut particulier, dénommée « Ville de Paris », exercera sur l’ensemble du territoire de Paris les compétences dévolues aux collectivités préexistantes. Deux ordonnances publiées au journal officiel le 9 février 2018 précisent les conditions de cette fusion. La première ordonnance portant diverses mesures institutionnelles relatives à la Ville de Paris, en date du 8 février 2018, a pour objet d’adapter, d’une part, ses modalités d’organisation, de fonctionnement et de financement et, d’autre part, de procéder au toilettage des diverses dispositions législatives en vigueur en substituant la référence « Ville de Paris », aux termes de département et de commune de Paris. L’article 10 de cette même ordonnance vient également préciser que, à compter du 1er janvier 2019, la Ville de Paris est substituée à la commune et au département de Paris dans tous les établissements publics dont l’une de ces collectivités était membre. Ainsi, la Ville de Paris demeurera membre de la métropole du Grand Paris ainsi que de différents syndicats, sans modification de leur nature juridique. La seconde ordonnance en date du 8 février 2018 complète et précise les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la Ville de Paris à compter de sa création et fixe des dispositions financières transitoires facilitant l’institution de la nouvelle collectivité. Elle détaille en particulier les modalités selon lesquelles seront harmonisés, à partir du 1er janvier 2019, les bases et les taux de fiscalité locale sur le territoire de la Ville de Paris. À cet effet, est notamment prévu le vote d’un taux unique de taxe foncière sur les propriétés bâties, applicable à l’ensemble du territoire. Des précisions sont également apportées quant aux ressources fiscales dont disposera la Ville de Paris.

Vente et Contrats spéciaux

Le droit de préemption « résiduel » contraire à la Constitution Décision n° 2017-683 QPC du 9 janvier 2018, JO du 11 janvier 2018 La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite Loi ALUR, dans son lot de nouveautés, avait instauré à l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 un droit de préemption « résiduel » au profit de la commune en cas de vente d’un ou plusieurs locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel, consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble par lots. Ce droit de préemption était qualifié de résiduel car il trouvait à s’appliquer en cas de renonciation par le locataire à l’exercice de son droit de préemption. Dans cette hypothèse, le bailleur devait communiquer sans délai au maire, à peine de nullité de la vente consentie à un tiers acquéreur, le prix et les conditions de la vente projetée (à défaut, toute vente à un autre acquéreur était réputée nulle). Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré • Mars 2018

ce droit de préemption au bénéfice de la commune contraire à la Constitution dans sa décision n° 2017- 683 du 9 janvier 2018. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété pour les raisons suivantes : d’une part, le législateur n’avait pas restreint l’usage que la commune pouvait faire du bien acquis (aucun maintien du locataire à l’échéance du bail n’était imposé) et, d’autre part, à défaut d’accord amiable, le prix de vente était fixé par le juge de l’expropriation et le propriétaire ne pouvait reprendre la libre disposition de son bien, en l’absence de paiement, qu’à l’échéance d’un délai de six mois après la décision de la commune d’acquérir ce bien au prix demandé, la décision définitive de la juridiction de l’expropriation ou la date de l’acte ou du jugement d’adjudication. Enfin, aucun motif ne justifiant de reporter les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, à savoir l’abrogation de la disposition concernée, celle-ci intervient à compter du 11 janvier 2018, date de publication de la décision du Conseil constitutionnel au journal officiel.

Financement

Accession à la propriété : nouveau « PTZ » Arrêté n° 0305-1810 et décret n° 2017-861 du 30 décembre 2017 pris pour l’application de l’article L. 31-10-2 du Code de la construction et de l’habitation, JO du 31 décembre 2017

Les conditions d’application du dispositif de l’article L. 31-10-2 du Code de la construction et de l’habitation relatif aux conditions d’octroi des prêts ne portant pas intérêt consenti pour financer la primo-accession ont été redéfinies par un décret et un arrêté en date du 30 décembre 2017. L’arrêté précise, par zone géographique, les communes classées en zone A et B1 représentant les villes pour lesquelles il existe un fort déséquilibre entre l’offre et la demande de logements. À l’inverse, en l’absence de déséquilibre important entre l’offre et la demande les villes sont classées en zone B2 et C. Le décret précise quant à lui les conditions et les modalités d’attribution des prêts en modifiant les quotités applicables, représentant la part de la dépense finançable : - pour l’acquisition d’un logement neuf, la quotité reste fixée à 40 % pour les zones A et B1 ; elle est en revanche diminuée à 20 % pour les zones moins tendues dites B2 et C ; - pour l’acquisition d’un logement ancien, le dispositif exclut l’octroi des prêts pour les zones A et B1 et le recentre sur les zones B2 et C en portant la part finançable à 40 % si certaines conditions de travaux sont respectées. Il reste à préciser que dans le cas d’une acquisition d’un logement ancien respectant les conditions de vente du parc social la quotité reste à 10 %.

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TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE | RÉPONSES MINISTÉRIELLES

Réponses ministérielles Urbanisme et Environnement

Incohérence entre les Codes de l’urbanisme et de l’environnement Q. de Didier Mandelli (JO Sénat du 14/09/2017, p. 2846) R. du ministère de la Cohésion des territoires (JO Sénat du 17/12/2017, p. 3871)

Comment conjuguer le délai pour compléter la demande de permis de construire et le délai d’instruction de la demande de dispense d’étude d’impact ? Lorsqu’un projet est soumis à évaluation environnementale de façon systématique, l’étude d’impact doit être réalisée en amont du dépôt de la demande de permis de construire. Lorsque le projet est soumis à évaluation environnementale après un examen au cas par cas, le dépôt de la demande de dispense d’étude d’impact ainsi que son instruction ont également lieu en amont du dépôt de la demande de permis de construire. La demande de permis de construire ne doit donc être déposée qu’une fois l’étude d’impact réalisée ou la décision de dispense d’étude d’impact obtenue.

Observation La nécessité de réaliser une étude d’impact ou un dossier d’examen au cas par cas repousse de fait la date de dépôt de demande de permis de construire d’environ 6 mois.

Lieu de dépôt des autorisations d’urbanisme Q. de Hervé Maurey (JO Sénat du 28/09/2017, p. 2974)

R. du ministère de la Cohésion des territoires (JO Sénat du 28/12/2017, p. 4690)

Où doit-on déposer une demande de permis de construire lorsque le service instructeur de la demande n’est pas la commune ?

aux pétitionnaires de déposer leurs demandes d’autorisation d’urbanisme par voie électronique.

Vers la fin de l’aide aux maires bâtisseurs ? Q. de Arnaud Bazin (JO Sénat du 07/12/2017, p. 3826)

R. du ministère de la Cohésion des territoires (JO Sénat du 11/01/2018, p. 96)

Le décret n° 2015-734 du 24 juin 2015 a créé un dispositif d’aide financière aux communes qui construisent de nouveaux logements. Alors qu’en 2016, de nombreux crédits ont été accordés aux communes à ce titre, cette aide ne semble pas avoir été reconduite en 2017. Dans la mesure où le décret susvisé est toujours en vigueur, les communes concernées pourront-elles bénéficier de cette aide en 2017 pour des logements construits en 2016 ? Ce dispositif d’aide mis en place en 2015 à la suite d’un engagement gouvernemental, visait à soutenir les communes construisant des logements, par la création d’un fonds de 100 millions d’euros. Sa mise en œuvre a permis d’accompagner en 2015 la construction de plus de 78 000 logements et 81 millions d’euros ont été versés à 716 communes entre 2015 et 2016. Toutefois, les crédits votés dans le cadre de la loi de finances pour 2017 n’ont pas permis de poursuivre la mise en œuvre de ce dispositif.

Observation La stratégie logement et le groupe de travail relatif à la taxe d’habitation étudient des mesures alternatives pour soutenir durablement les communes dans leur effort de construction.

Gestion

Gestion des biens indivis en Corse Q. de Jean-Jacques Panunzi (JO Sénat du 09/11/2017, p. 3476)

En application de l’article L. 5211-4-2 du CGCT, les communes peuvent déléguer leur pouvoir d’instruction des demandes de permis de construire. Toutefois, afin de simplifier l’identification du service compétent pour le pétitionnaire et pour lui garantir un service de proximité, le dépôt des demandes de permis de construire doit toujours être effectué à la mairie de la commune dans laquelle le terrain est situé (C. urb., art. R. 410-1 et R. 423-1). Ce service se charge alors de transmettre un exemplaire du dossier au service chargé de l’instruction de la demande de permis de construire.

Observation Dans une optique de simplification, à compter du 8 novembre 2018, l’article L. 112-8 du Code des relations entre le public et l’administration permettra

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R. du ministère de la Justice (JO Sénat du 11/01/2018, p. 106)

L’article 2 de la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 a assoupli en Corse les règles de majorité requises pour accomplir certains actes effectués dans le cadre des indivisions constatées à la suite d’une procédure de prescription acquisitive. L’amendement du décret d’application portant sur l’article 2 susvisé ayant été rejeté par l’Assemblée de Corse, quelle procédure est envisagée pour assurer sa mise en œuvre ? Afin d’accélérer les règlements successoraux en Corse, l’article 2 de la loi du 6 mars 2017 a abaissé les seuils de majorité pour les indivisions constatées suite à la reconstitution d’un titre de propriété par prescription acquisitive à défaut de titre de propriété existant, en prévoyant que les actes d’administration et de Mars 2018 •


RÉPONSES MINISTÉRIELLES | TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE disposition prévus aux 1° à 4° de l’article 815-3 du Code civil ressortant de l’exploitation normale des biens pourront être réalisés sur décision des indivisaires représentant plus de la moitié des droits indivis (et non plus les deux tiers). Cet article 2 n’a toutefois pas modifié les règles applicables au partage prévues aux articles 836 et 837 du Code civil. Dans la mesure où l’article 2 susvisé est l’adaptation de l’article 815-3 du Code civil, aucun décret n’est nécessaire pour son application.

Observation Pour les actes ne ressortant pas de l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux mentionnés au 3 de l’article 815-3, l’article 2 de la loi du 6 mars 2017 précise que la majorité des deux tiers s’applique (et non plus la majorité absolue).

Location meublée d’un bien démembré Q. de Christophe-André Frassa (JO Sénat du 28/09/2017)

R. du ministère de l’Action et des Comptes publics (JO Sénat du 14/12/2017, p. 4494)

Au paragraphe 260 du BOI-BIC-AMT-10-20 il est précisé que « les éléments mobiliers ou immobiliers dont une entreprise industrielle ou commerciale a la jouissance en qualité d’usufruitier ne font pas partie de son actif ». Quelles sont les modalités de détermination du résultat imposable d’un bien loué meublé faisant l’objet d’un démembrement de propriété à la suite d’une succession ? Lorsque, à la suite d’une succession, la propriété d’un logement loué meublé est démembrée, les loyers sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, entre les mains de l’usufruitier qui ne peut pratiquer aucun amortissement à raison de ce logement dès lors que celui-ci ne fait pas partie de son actif immobilisé.

Observation Lorsque la propriété d’un logement loué meublé est démembrée, les loyers sont imposables à l’impôt sur le revenu entre les mains de l’usufruitier sans que celui-ci puisse pratiquer d’amortissement sur ce logement.

Vente et Contrats spéciaux

Date de règlement d’une acquisition immobilière Q. de Jean-Louis Masson (JO Sénat du 07/09/2017, p. 2789)

R. du ministère de l’Action et des comptes publics (JO Sénat du 14/12/2017, p. 4493)

À quel moment doit intervenir le mandatement d’un achat immobilier par une commune ? À la signature de l’acte authentique de vente où lors du visa de retour de l’acte de la conservation des hypothèques ? Le respect des règles de la comptabilité publique doit s’appliquer, lors du règlement d’un achat immobilier par • Mars 2018

une collectivité territoriale, à l’aune des droits concurrents pouvant exister sur l’immeuble (tels que privilèges ou hypothèques). Lorsque l’acquisition est réalisée par acte administratif, le comptable public doit s’assurer du caractère libératoire du règlement et ce faisant exiger la mention de publication de l’acte authentique au fichier immobilier et la production des états-réponses délivrés par le service de la publicité foncière. Lorsque l’acquisition est réalisée par acte notarié, cette obligation est transférée au notaire qui doit attester qu’il n’existe pas, à sa connaissance, de vente ou de promesse de vente antérieure. L’acquittement du prix de vente de l’immeuble acquis par une commune par acte notarié peut donc intervenir sans que la publication de l’acte au fichier immobilier n'ait été prouvée.

Observation En cas d’acquisition, par acte administratif, d’un immeuble par une commune, la mention de la publication de l’acte authentique au fichier immobilier permet de rendre la vente opposable aux tiers et la production des états-réponses par le service de la publicité foncière permet de justifier de l’absence de droits concurrents sur l’immeuble.

Fiscalité

Non-résidents français et exonération de taxe d’habitation Q. de Robert del Picchia (JO Sénat du 02/11/2017, p. 3375) R. du ministère de l’Économie et des Finances (JO Sénat du 04/01/2018, p. 29)

Une exonération progressive de la taxe d’habitation grevant la résidence principale a été instaurée pour les contribuables dont les revenus n’excèdent pas certains seuils. Les Français établis hors de France, dont les revenus mondiaux seraient inférieurs aux seuils annoncés, pourraient-ils bénéficier de cette exonération au titre de leur résidence unique en France ? Toute personne ayant la jouissance de locaux meublés affectés à l’habitation en France est redevable de la taxe d’habitation. Le projet de loi de finances pour 2018 propose d’instaurer un nouveau dégrèvement qui permettra à environ 80 % des foyers d’être dispensés du paiement de la taxe d’habitation au titre de leur résidence principale d’ici 2020. Ce dégrèvement ne concerne que la résidence principale, par conséquent les non-résidents français qui ont conservé une résidence en France ne peuvent pas en bénéficier.

Observation Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit d’instaurer un dégrèvement des cotisations de taxe d’habitation afférentes à la résidence principale. Les non-résidents français ayant conservé une résidence en France ne peuvent pas en bénéficier. Le droit conventionnel, comme le droit européen, ne pourrait être compatible avec une disposition fiscale privilégiant certains contribuables non-résidents en raison de leur nationalité.

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TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE | JURISPRUDENCE COMMENTÉE

Jurisprudence commentée Gestion

Inapplicabilité du déséquilibre significatif de l’article L. 442-6 du Code de commerce aux baux commerciaux Cass. 3e civ. 15 février 2018, n° 17-11.329

Fait Le locataire d’un local situé dans un centre commercial a assigné son bailleur devant le tribunal de grande instance de Paris en indemnisation sur le fondement des articles 1134 et 1719 du Code civil pour manquement à ses obligations contractuelles et de délivrance et sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce en ce que les clauses de non-responsabilité et de fixation du loyer à un minimum garanti, contenues dans le bail, traduiraient un déséquilibre significatif. Le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Paris seul compétent pour connaître de l’ensemble du litige en application de l’article D. 442-4 du Code de commerce. La cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance et a désigné le tribunal de grande instance de Bobigny compétent pour connaître du litige. Le locataire s’est donc pourvu en cassation.

Question

DÉCISION À RETENIR

Un litige portant sur un bail commercial, peut-il être soumis au juge des pratiques restrictives de concurrence ?

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Décision Ayant retenu à bon droit que seules les activités de production, de distribution ou de services entrent dans le champ d’application de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, la cour d’appel, sans excéder ses pouvoirs, en a exactement déduit que le litige, qui portait sur l’exécution d’un bail commercial, ne relevait pas des juridictions spécialement désignées pour statuer en application de ce texte.

Commentaire L’arrêt est d’importance : la Cour de cassation vient d’exclure la matière des baux commerciaux du champ d’application de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, lequel interdit les clauses créant un déséquilibre significatif entre certains professionnels.

soumission ou de tentative de soumission d’un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties parce qu’il s’agit d’une pratique restrictive de concurrence. Dans une précédente décision (Cass. com. 18 oct. 2016, n° 14-27.212), à l’occasion d’un contentieux similaire où la question du déséquilibre significatif de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce était invoquée par le locataire commercial, la haute juridiction avait pu approuver la cour d’appel de retenir que le litige requérait une appréciation du respect du statut des baux commerciaux relevant de la compétence du tribunal de grande instance de Paris, laquelle n’était en l’espèce pas contestée. Cette fois-ci, la Cour de cassation coupe court à ce type de litiges en approuvant la délimitation tracée par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 25 novembre 2016 qui a jugé que le domaine de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce ne concerne que les activités de production, de distribution ou de services : ce qui exclut automatiquement les baux commerciaux. Toutefois, il demeure un risque pesant sur les baux commerciaux, s’agissant des « clauses abusives », avec la combinaison des articles 1110 et 1171 du Code civil, lesquels pourraient d’ailleurs être prochainement modifiés par le Parlement dans le cadre de la « réforme de la réforme » du droit des contrats. Actuellement, ces dispositions prévoient que les clauses qui figurent dans des conditions générales, soustraites à la négociation, et qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peuvent être judiciairement réputées non-écrites J. QUIROGA-GALDO

Pour rappel, cette disposition, introduite par la loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du 4 août 2008, oblige « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers » à réparer le préjudice causé en cas de Mars 2018 •


JURISPRUDENCE COMMENTÉE | TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE

Fait

Urbanisme et Environnement

Notification des recours aux membres d’une indivision CE, 2e et 7e ch., 4 décembre 2017, n° 407165, Mme E, Mme F et consorts C

Fait Un permis de construire en vue de la reconstruction d’un bâtiment agricole est délivré à plusieurs membres d’une indivision.

Saisi d’un recours formé par une association et un particulier, le tribunal administratif annule l’arrêté approuvant le plan de prévention des risques technologiques (PPRT). Pour ce faire, le tribunal et la cour administrative d’appel ont accueilli le moyen invoqué par les requérants, tiré de ce que le PPRT était illégal, dès lors que les modalités de concertation, prévues par l’arrêté prescrivant l’élaboration de ce plan, étaient insuffisantes.

Saisi d’un recours, le tribunal administratif annule le permis de construire. Les co-indivisaires, dont l’appel avait rejeté, saisissent le Conseil d’État en soutenant que les requérants n’avaient pas notifié leurs recours à l’ensemble des membres de l’indivision titulaire du permis de construire contesté.

Question

Question

Saisi d’un pourvoi formé par le ministre de l’Écologie, le Conseil d’État censure la solution rendue par les juges du fond et précise que si l’auteur d’un recours contre un PPRT peut invoquer une irrégularité de procédure résultant de la méconnaissance des modalités de concertation définies par le préfet, il ne peut en revanche exciper de l’illégalité de la décision par laquelle le préfet a fixé ces modalités.

À qui faut-il notifier le recours contre un permis de construire en cas d’indivision ?

Décision Le Conseil d’État rejette le pourvoi des requérants.

Commentaire Le Conseil d’État précise tout d’abord qu’en application des dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme, le recours à l’encontre d’un permis délivré aux membres d’une indivision doit être notifié à ceux des co-indivisiares qui ont présenté la demande de permis et dont le nom, comme l’adresse, figure dans le permis attaqué ou au mandataire désigné par cette indivision. Cette solution est logique et s’inscrit dans celle précédemment dégagée en cas de pluralité de bénéficiaires (CE, 5 mars 2014, n° 370552). À l’appui de leur pourvoi, les requérants et coindivisaires soutenaient que le recours était irrecevable car il n’avait pas été notifié à l’ensemble des membres de l’indivision. Or, et comme le rappelle le Conseil d’État, l’irrecevabilité tirée de l’absence d’accomplissement des formalités de notification ne peut être opposée que si l’obligation de procéder à cette notification a bien été mentionnée dans l’affichage sur le terrain du permis de construire. La preuve de cet affichage n’a pas été rapportée par les requérants et leur pourvoi a donc été rejeté. Urbanisme P.P. SECHI

Moyens invocables à l’encontre d’une PPRT CE, 6e et 1e ch., 6 décembre 2017, n° 400735, ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la mer c/ Association des riverains et usagers de stockage souterrain de gaz Touraine • Mars 2018

L’illégalité de l’arrêté prescrivant l’élaboration d’un PPRT et les modalités de concertation peut-elle invoquée contre l’arrêté approuvant le PPRT ?

Décision

Commentaire Cette décision s’inscrit dans une volonté, déjà affirmée, de sécuriser l’élaboration et la révision des documents d’urbanisme. En effet et en raison de l’instabilité juridique des documents d’urbanisme, le Conseil d’État a récemment jugé que l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant ce plan (CE, 5 mai 2 0 1 7, n ° 3 8 8 9 0 2 , C o m m u n e d e Saint-Bon-Tarentaise). Cette solution est désormais appliquée aux plans de prévention des risques et vise à limiter l’impact de la décision initiale prescrivant l’élaboration et fixant les modalités de concertation, sur la décision finale adoptant le PPRT. La jurisprudence actuelle du Conseil d’État est donc un signal fort pour les acteurs publics en vue de l’élaboration des documents d’urbanisme ou des plans de prévention des risques. P.P. SECHI

L’appréciation de la compatibilité d’un PLU avec le SCOT CE, 6e et 1e ch., 18 décembre 2017, n° 395216, Association Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise

Fait Des associations sollicitent l’annulation d’un plan local d’urbanisme (PLU) aux motifs que le rythme de

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TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE | JURISPRUDENCE COMMENTÉE l’accroissement démographique retenu par les auteurs du document serait incompatible avec le principe prévu par le SCOT de rééducation de développement de l’habitat et de maîtrise de l’extension de l’urbanisme. Leur demande est favorablement accueillie par le tribunal administratif, mais le jugement est finalement censuré par la cour administrative d’appel qui retient l’absence d’incompatibilité du PLU avec le SCOT sur ce point.

Question Comment s’apprécie la compatibilité du PLU avec le SCOT ?

Décision

Question

Saisi d’un pourvoi formé par les associations requérantes, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que les PLU ne sont pas soumis à une obligation de conformité, mais simplement de compatibilité avec les orientations générales et les objectifs définis par le SCOT.

Décision

Commentaire Pour apprécier cette compatibilité, le contrôle opéré par le juge administratif s’effectue selon une analyse globale à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert. Au cas précis, le Conseil d’État considère que c’est à bon droit que la cour administrative d’appel a retenu que le PLU contesté, qui fixe un rythme de réalisation de 15 nouveaux logements par an, respectant l’objectif de maîtrise de l’urbanisation fixé par le SCOT, mais conduisant au dépassement des seuils de croissance démographique prévus par ce schéma, n’est pas incompatible avec celui-ci. Dans cette décision, le Conseil d’État a appliqué le même raisonnement qu’en matière d’urbanisme commercial (CE 12 décembre 2012, n° 353496, Société Davalex) et retient une interprétation souple de la notion de compatibilité, en précisant que les objectifs chiffrés n’ont pas à être strictement respectés de manière quantitative. À cet égard et pour plus de clarté, l’article 11 de l’avant-projet de loi relative à l’évolution du logement et l’aménagement numérique (ELAN) prévoit d’identifier l’ensemble des documents qui s’imposent aux SCOT, aux PLU, aux documents en tenant lieux et aux carte communale et de ne retenir qu’un simple rapport de compatibilité. P.P. SECHI

Vente et Contrats spéciaux

Réparation des vices cachés Cass. 3e civ. 14 décembre 2017, n° 16-24.170

Fait Une maison d’habitation est vendue pour un prix de 98 000 € alors qu’un jugement antérieur avait, du

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fait d’anciennes fissures, admis le principe de sa démolition et de sa reconstruction. Après la vente, l’acquéreur découvre de nouvelles fissures et une déformation du gros œuvre et assigne alors vendeur et notaire en garantie des vices cachés. L’agent immobilier est appelé en garantie. La cour d’appel condamne le vendeur à la restitution d’une partie du prix de vente de la maison en sus du coût de sa démolition et de sa reconstruction, outre divers préjudices, pour une somme totale de 238 291 €. Le notaire et l’agent immobilier sont chacun condamnés à rembourser 10 % de ces sommes au vendeur pour manquement à leurs obligations professionnelles.

En matière de vices cachés, le vendeur peut-il être condamné aux frais de démolition et de reconstruction de l’immeuble outre la restitution partielle du prix de vente ?

La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel en ce qu’il a condamné le vendeur aux frais de démolition et de reconstruction et à la restitution partielle du prix de vente.

Commentaire Selon le principe de la réparation intégrale du préjudice, la victime ne peut subir ni perte ni profit et doit être replacée dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit. Sur le terrain des vices cachés, la réparation consiste en la perte de l’utilité de la chose : c’est-à-dire, comme l’affirme la Cour de cassation, soit la restitution d’une partie du prix de vente soit l’indemnité allouée pour la démolition et la reconstruction de la maison ; mais pas les deux. En outre, conformément à sa jurisprudence constante, la Cour de cassation réaffirme que notaire et agent immobilier ne peuvent être condamnés à supporter une partie de la réduction du prix de vente, cette restitution ne constituant pas un « préjudice réparable » et doit rester à la charge exclusive du vendeur. C. RIFFLET & A. RYCKEBOER

Gestion

La nullité de la clause d’indexation prévoyant un loyer plancher CA Paris, Pôle 5, chambre 3, 24 janvier 2018, n° 16/09460

Fait Un bail commercial a été consenti le 19 juin 1980 sur des locaux pour une durée de douze années, entières et consécutives, à compter de l’ouverture au public du restaurant-cafétéria. S’en sont suivis

Mars 2018 •


JURISPRUDENCE COMMENTÉE | TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE plusieurs renouvellements et un bail notamment a été renouvelé par anticipation le 30 juin 2000 pour une durée de neuf années entières et consécutives. Ce bail contenait une clause stipulant que « l’indexation ne pourra avoir pour effet de ramener le loyer à un montant inférieur au loyer de base ». Par acte du 18 juin 2013, le preneur au bail a assigné le bailleur en soutenant notamment que la clause d’indexation est illicite. Le 14 avril 2016, les juges du fond ont accueilli partiellement la demande du preneur en décidant que la clause d’indexation stipulée à l’article 22 du bail du 30 juin 2000 doit être réputée non écrite en son entier. Le bailleur a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 22 avril 2016.

Question Une clause d’indexation contenant un plancher est-elle réputée entièrement non écrite ?

Décision La cour d’appel de Paris a confirmé partiellement le jugement du tribunal de grande instance de Paris.

Commentaire Par cet arrêt, la cour d’appel a annulé en son entier la clause d’indexation qui prévoyait un loyer plancher. En effet, la clause stipule que l’indexation ne pourra avoir pour effet de ramener le loyer à un montant inférieur au loyer de base. Le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier le loyer à la hausse et à la baisse, une clause écartant toute réciprocité de variation faussant le jeu normal de l’indexation. Or, une clause qui prévoit un plancher fait échec au caractère automatique de l’indexation exigé par l’article L. 112-1, alinéa 1er, du Code monétaire et financier et induit un risque de décrochage de la variation du loyer par rapport à la variation de l’indice. En l’espèce, une telle clause est donc réputée non écrite entièrement. Cet arrêt rejoint celui rendu par la Cour de cassation le 14 septembre 2017, n° 16- 20.048, qui avait jugé que la stipulation de l’indexation ne jouant qu’à la hausse est indivisible de la clause d’indexation elle-même et qu’il convient de réputer non écrite la totalité de la clause d’indexation. En conséquence, cet arrêt vient mettre un terme au courant jurisprudentiel, qui s’était prononcé en faveur du caractère divisible de la clause d’indexation et avait estimé que la commune intention des parties ayant été d’assortir le bail d’une clause d’échelle mobile, seule la partie de la clause prévoyant un plancher était réputée non écrite et le surplus de la clause devait recevoir application. En outre, il faut noter que l’annulation de la clause d’indexation n’emporte pas la restitution des indexations pratiquées depuis l’origine car l’action du preneur en remboursement de loyers trop perçus en vertu d’une clause d’indexation réputée non écrite s’analyse comme une action en répétition de l’indu, laquelle se prescrit par cinq ans. En l’espèce, la demande du preneur de répétition des sommes

• Mars 2018

versées avant le 18 juin 2008 est donc prescrite et pour la période postérieure, le montant à restituer par le bailleur s’élève à 158 880,11 euros. D. FORESTIER

L’obligation de délivrance du bailleur en présence d’amiante en toiture Cass. 3e civ. 18 janv. 2018, n° 16-26.011

Fait Un preneur à bail commercial conclut un contrat de promotion immobilière avec un promoteur pour la conception et la réhabilitation de locaux destinés à devenir une crèche. Le bail commercial stipule expressément que le bailleur déclare avoir fait toutes les recherches et dresser un diagnostic technique amiante indiquant que l’immeuble ne contient aucun matériau ni produits contenant de l’amiante. Le promoteur découvre des plaques de fibrociment amiantées sur la toiture du bâtiment et procède ainsi après validation du plan de retrait amiante auprès de l’Inspection du travail, aux travaux de désamiantage préalables à la réhabilitation des locaux. Les travaux entrainent un surcoût pour environ 35 000 €, un retard de livraison causant un préjudice financier chiffré à plus de 81 000 €, ainsi que des travaux d’isolation de la crèche pour presque 5 000 €. De ce fait, le preneur assigne le bailleur en paiement de ces sommes considérant qu’il n’a pas respecté l’obligation de délivrance à son égard. La cour d’appel rejette les demandes du preneur au motif, que le bailleur n’était pas tenu de contrôler la toiture des locaux à la date de la signature du bail, dans la mesure où la règlementation ne l’imposait pas au diagnostiqueur à cette date. La cour précise également que le promoteur est tenu à une obligation de résultat quant au contrôle de la conformité de l’immeuble au titre de son opération de réhabilitation aux règles de sécurité, d’hygiène et d’urbanisme en vigueur, y compris, par conséquent, celle relatives à la présence de matériaux ou de produits en amiante. Les juges du fond ajoutent enfin que l’association ne peut solliciter auprès du bailleur réparation au titre de la découverte des éléments amiantés car elle ne pouvait raisonnablement ignorer l’ampleur du projet de promotion immobilière (son objet et sa détermination).

Question Le bailleur commercial doit-il prendre en charge le surcoût des travaux de désamiantage de matériaux amiantés non révélés au moment de la conclusion du bail ?

Décision La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel considérant que les obligations pesant sur le

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TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE | JURISPRUDENCE COMMENTÉE promoteur immobilier envers le preneur, au titre des travaux de réhabilitation d’un immeuble loué, n’exonèrent pas le bailleur, tenu d’une obligation de délivrance, de la prise en charge des travaux nécessaires à l’activité stipulée au bail, sauf clause expresse contraire.

Commentaire Peu importe l’ampleur des travaux connu du preneur avant la signature du bail, cela ne permet pas au bailleur d’en déduire que le preneur en faisait son affaire personnelle et l’exonérait de son obligation de délivrance au titre de la chose louée. Cette décision rappelle que le bailleur, tenu d’une obligation de délivrance, doit en l’absence de clause expresse contraire, supporter la prise en charge des travaux nécessaires à l’activité du preneur stipulé au bail. La volonté des parties doit donc être expressément convenue dans le bail, étant précisé que cette dérogation conventionnelle doit respecter les dispositions de l’article 1170 nouveau du Code civil prévoyant que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». La vigilance est donc de mise lors de la rédaction du bail. C. RIFFLET & M. MAHMOUDI

Point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation Cass. 3e civ. 18 janvier 2018, n° 16-27.678

Fait Par acte sous-seing privé du 15 décembre 1997, deux sociétés, l’une preneur et l’autre bailleur, ont signé un bail commercial portant sur des locaux destinés à l’exploitation d’une activité de vente aux enchères de véhicules d’occasion. Conformément aux dispositions de l’article L. 145-10 du Code de commerce, par exploit d’huissier du 19 mars 2008, le preneur sollicitait le renouvellement de son bail à compter du 29 septembre 2008. Dans le délai de trois mois, soit le 19 juin 2008, le bailleur signifiait au preneur un refus de renouvellement sans offre de paiement d’une indemnité d’éviction.

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Les juges du fond vont considérer que la demande du bailleur est prescrite faute pour le celui-ci de l’avoir exercée plus de deux ans après la date d’expiration du bail.

Question Quel est le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement d’une indemnité d’occupation fondée sur l’article L. 145-28 du Code de commerce ?

Décision Au visa des articles L. 145-28 et L. 145-60 du Code de commerce, la Cour de cassation casse et annule totalement l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-enProvence le 18 octobre 2016.

Commentaire Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle deux principes : Le premier, que le preneur qui se maintient dans les lieux postérieurement à l’expiration du bail, dans l’attente que son indemnité d’éviction lui soit réglée par le bailleur, doit s’acquitter d’une indemnité d’occupation laquelle est due à compter de la date d’expiration du bail. Le second, que le délai de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation fondé sur l’article L. 145-28 du Code de commerce ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré, dans son principe, le droit du locataire au bénéfice d’une indemnité d’éviction. Dans les faits de notre espèce, la Haute juridiction considère que le délai de prescription n’a pu valablement commencer à courir qu’à compter du jour où le jugement du juge des loyers commerciaux a acquis autorité de la chose jugée. Par conséquent, la demande indemnitaire du bailleur ne pouvait pas être déclarée comme étant prescrite, celle-ci ayant été effectuée à peine quelques mois après le jugement de première instance. D. RAMIREZ-MONCADA

Par acte extrajudiciaire du 12 novembre 2008, le preneur assignait le bailleur en contestation des motifs du congé et en fixation de l’indemnité d’éviction.

La fixation de l’indemnité d’occupation dans un bail dérogatoire

Par des conclusions d’incident du 19 février 2009, le bailleur demandait la désignation d’un expert aux fins d’évaluer l’indemnité d’éviction qu’un jugement du 16 juin 2015 a fixée à un certain montant.

Fait

Le 2 novembre 2015, le bailleur faisait usage de son

droit de repentir (article L. 145-58 du Code de commerce) et demandait au preneur, au visa de l’article L. 145-28 du Code de commerce, le paiement rétroactif d’une indemnité d’occupation depuis la date d’expiration du bail, soit le 29 septembre 2008.

CA Paris, Pôle 1, chambre 8, 9 février 2018, n° 16/25900

À l’expiration d’un bail dérogatoire de 6 mois, non soumis au statut des baux commerciaux, portant sur une friche industrielle, le preneur n’a pas remis les Mars 2018 •


JURISPRUDENCE COMMENTÉE | TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE clés du local. Par acte d’huissier du 18 août 2016, le bailleur a fait assigner le preneur devant le président du tribunal de grande instance d’Évry statuant en référé aux fins principalement d’obtenir son expulsion et sa condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 54 000 euros au titre de l’indemnité d’occupation du local et du parking, ainsi qu’à une indemnité d’occupation mensuelle de 5 400 euros. Par ordonnance du 8 novembre 2016, le juge des référés a notamment constaté l’occupation sans droit ni titre du local et du parking susvisés par le preneur et lui a donné acte de son accord pour quitter les lieux dans un délai de deux mois. Le preneur a également été condamné à verser au bailleur la somme provisionnelle de 59 400 euros au titre de l’indemnité d’occupation due à compter du 1er octobre 2015 au 4 septembre 2016. Par déclaration du 21 décembre 2016, le preneur a interjeté appel de cette décision.

Question Peut-on fixer librement l’indemnité d’occupation due à l’échéance d’un bail dérogatoire ?

Commentaire Par cet arrêt, la cour d’appel a validé l’application de la clause contractuelle qu’avait appliquée le premier juge. Le bail dérogatoire du 25 avril 2015 conclu entre les parties prévoyait que l’indemnité d’occupation serait établie sur la base mensuelle et indivisible égale à la valeur d’un quart d’une annuité du loyer en vigueur et serait due au bailleur pour tout mois commencé. Le loyer mensuel était de 1 500 euros hors taxe, soit 18 000 euros hors taxe par an. Ainsi, la cour d’appel a estimé que les juges du fond avaient fait une appréciation exacte de la clause, dès lors qu’ils avaient considéré que le montant de l’indemnité d’occupation devait être fixée à 5 400 euros, soit un quart du loyer annuel de 21 600 euros hors taxe. La cour d’appel a donc confirmé la condamnation de l’occupant à payer 59 400 euros pour 11 mois d’occupation. Cette décision vient confirmer la faculté d’appliquer une clause contractuelle fixant l’indemnité mensuelle d’occupation à un quart du loyer annuel, soit le triple du loyer mensuel.

Décision La cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance d’Évry.

D. FORESTIER


TEXTES OFFICIELS & JURISPRUDENCE | VEILLE JURISPRUDENTIELLE

Veille jurisprudentielle Référence

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Décision

CE, 3 et 8 ch. réunies, 12 janvier 2018, n° 384395

Les opérations d’installation par leur importateur d’équipements cités à l’article 295 du Code général des impôts, comme des dispositifs photosensibles constitués en panneaux, doivent être imposées à la TVA de manière distincte à la vente de ces appareils sauf lorsque les opérations de vente et d’installation forment une opération unique. Les travaux immobiliers correspondent à des opérations qui concourent directement à l’édification d’un bâtiment, c’est-à-dire construction du bâtiment et réalisation des équipements généraux qui l’accompagnent normalement dès lors qu’ils ne sont pas destinés à être déplacés et qu’ils s’incorporent à l’immeuble. N’est pas considérée comme travaux immobiliers la réalisation d’installations particulières telles que la livraison et la pose sur des toitures de panneaux photovoltaïques même destinés à produire de l’électricité et éventuellement raccordés à des chauffe-eau solaires de l’immeuble.

Cass. 3e civ. 18 janvier 2018, n° 16-26.011

Dans le cas d’un défaut de travaux de réhabilitation d’un immeuble loué, les obligations du promoteur immobilier en charge de cette réhabilitation envers le preneur à bail commercial n’exonèrent en rien le bailleur qui reste tenue d’une obligation de délivrance et qui, à ce titre, doit prendre en charge les travaux nécessaires à l’activité stipulée au bail (sauf clause expresse contraire).

CE, 5e et 4e ch. réunies, 19 janvier 2018, n° 403470

L’attribution de l’ « éco-prime », prévue par la délibération n° 2008-13 du 3 juillet 2008 du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), ne constitue pas un droit pour les personnes qui remplissent les conditions définies dans cette délibération, lorsque ces conditions sont remplies, il appartient à l’ANAH de décider d’attribuer ou non la subvention, dans la limite de ses ressources budgétaires et en tenant compte de l’intérêt du projet sur le plan économique, social, environnemental et technique de même que de l’intérêt des autres projets pour lesquels cette subvention a été demandée.

Cass. 3e civ. 25 janvier 2018, n° 16-27.905

Les pénalités de retard ont pour terme la livraison de la construction et non sa réception avec ou sans réserves (CCH, art. L. 231-6 et L. 231-2, i)). Une clause prévoyant plusieurs termes possibles aux pénalités potentielles doit être déclarée illicite.

Cass. 3e civ. 25 janvier 2018, n° 16-25.138

La date de publication de l’acte déclarant d’utilité publique une opération et emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme n’est pas prévue à l’article L. 213-4 du Code de l’urbanisme et ne peut emporter un complément d’indemnité d’expropriation aux expropriés qui ne peuvent bénéficier de la plus-value apportée postérieurement à leurs biens par les opérations d’urbanisme prévues par l’autorité expropriante.

Cass. 3e civ. 25 janvier 2018, n° 16-24.698

Lorsqu’un prêt est accordé par une banque à un particulier pour le financement du capital constitutif d’une SCI, les articles du Code de la construction ne s’appliquent pas même si cette dernière est constituée en tant que maître d’ouvrage pour l’acquisition de deux terrains en vue d’y construire deux villas. En effet, le fait que le prêt est été accordé pour la constitution du capital de la SCI n’a pas pour effet de rendre la SCI emprunteur.

CE, 6e et 5e ch. réunies, 29 janvier 2018, n° 405706

L’article L. 514-6, I, alinéa 2, du Code de l’environnement vise à empêcher que l’exploitation d’une installation classée légalement autorisée, enregistrée ou déclarée soit rendue irrégulière par une modification ultérieure des règles d’urbanisme. Cette disposition n’est pas applicable aux refus d’autorisation, d’enregistrement ou de délivrance d’un récépissé de déclaration à une installation classée installée depuis longtemps mais n’ayant jamais sollicité l’autorisation. Le juge doit apprécier la compatibilité de la décision de refus avec le plan local d’urbanisme applicable à la zone où se situe l’installation au regard des règles de ce plan en vigueur à la date où il statue et non à celle du commencement de l’exploitation.

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Par Carine Daubignard

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DOSSIER

L'ASSURANCE CONSTRUCTION AUX 40 ANS DE LA LOI SPINETTA

L’assurance construction fait partie intégrante du droit de la construction et plus largement des problématiques du droit de l’immobilier. Aux quarante ans de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction, dite loi Spinetta, il semble opportun de dresser le bilan des diverses possibilités d’engagement de la responsabilité des constructeurs en cas de sinistre sur l’ouvrage. Les mentalités et les pratiques ont changé, les problématiques ne sont plus les mêmes aujourd’hui, imposant peut-être une évolution de l’assurance construction.

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DOSSIER

Bilan des 40 ans d’application de la loi Spinetta En janvier 1988, Adrien Spinetta indiquait, en ouverture d’un colloque consacré à l’anniversaire des 10 ans de la loi du 4 janvier 1978, que « les anniversaires sont une occasion propice pour tirer les leçons du passé, photographier le présent et supputer l’avenir ».

Nous nous limiterons ici à l’établissement d’une photographie après 40 ans d’application de cette loi du 4 janvier 1978 dite loi Spinetta et à l’évocation de la loi dans ses aspects liés à l’assurance construction stricto sensu. Nous ne nous étendrons pas sur la partie de la réforme touchant à la responsabilité des constructeurs. Nous traiterons par contre du texte au sens large, c’est-à-dire de cette loi du 4 janvier 19781 telle que publiée au Journal officiel du 5 janvier 1978 éclairée par ses textes d’application et notamment les clauses types parues au cours de la même année 1978. Que reste-il de ses fondamentaux en matière d’assurance ? : - une architecture demeurée intacte ou quasi intacte dans sa structure générale ; - une architecture néanmoins remise en cause dans un certain nombre de cas, tant par le législateur que par les tribunaux, voire aussi dans une mesure significative par la pratique.

Une architecture demeurée intacte après 40 ans d’application La lettre de la loi Spinetta dans son volet assurance

L’architecture de la loi Spinetta a été pensée par un ingénieur dans un souci d’opérationnalité : toutes ses dispositions sont d’ordre public ce qui dans le contexte de l’époque était dans l’ordre des choses.

1 Loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction.

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On se rappellera qu’à la fin des années 1970, les grandes compagnies d’assurance étaient nationalisées, que les conditions générales devaient comporter le visa de la Direction des assurances et que, en outre, l’administration disposait et dispose d’ailleurs toujours, en vertu l’article 8 de l’ordonnance n° 45-2241 du 29 septembre 19452, du pouvoir d’imposer des clauses types dans les contrats d’assurance. La rigidité du texte était aussi une réponse à une situation devenue catastrophique en matière de règlement des sinistres. Aux termes du rapport de l’ancien sénateur Paul Pillet, déposé au nom de la Commission des lois du Sénat, il apparaissait que : « 25% des sinistres sont réglés dans un délai de deux ans et demi ; 50% des sinistres sont réglés dans un délai de quatre ans et demi ; 75% des sinistres sont réglés dans un délai de huit ans et demi ; Pour les 25% restant des délais peuvent atteindre voire dépasser 20 ans ». Ces quelques éléments de contexte étant rappelés, la loi se présentait donc sous trois axes principaux. Le premier axe est l’obligation de l’assurance. Une assurance est obligatoire pour l’ensemble des

2 Le principe est aujourd’hui codifié à l’article L. 111-4 du Code des assurances issu de la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994 modifiant le Code des assurances (partie Législative), en vue notamment de la transposition des directives n° 92-49 et n° 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés européennes, (C. assur., anc art. L. 310-7).

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travaux de bâtiment, y compris industriel, nonobstant l’avis initial d’Adrien Spinetta, généralisée à tous les acteurs en ce compris les maîtres d’ouvrage afin de mettre fin à la sous-assurance des acteurs mais aussi obligation d’assurer pesant sur les assureurs : - obligation d’assurance pour les maîtres d’ouvrage : préfinancement et responsabilité civile décennale en cas de vente ; - obligation d’assurance partielle pour les locateurs d’ouvrage, partielle car elle exclut les sous-traitants. Le deuxième axe est celui de la mise en place d’une assurance dont les principales articulations sont régies dans des clauses types, réputées figurer dans tous les contrats, auxquelles nul ne peut déroger, c’est-àdire pas d’ajout de conditionnements ou d’exclusions (C. assur., art. L. 243-8 et A. 243-1) et garantissant : - une réparation rapide des désordres préalable à toute recherche de responsabilité, grâce à un dispositif de préfinancement des réparations avant l’établissement des responsabilités par le biais de la police dommages ouvrage. Ce préfinancement était encadré par des délais dont le non-respect est sanctionné par l’acquisition automatique des garanties et l’évaluation des désordres laissée à la discrétion de l’assuré ; - une réparation intégrale du désordre matériel engageant ou de nature à engager la responsabilité civile décennale c’est-à-dire affectant les fondamentaux grâce à des garanties ne comportant aucunes conditions et des exclusions réduites au minimum. Cela conduisait à une superposition quasi-totale dans le secteur obligatoire seulement entre la responsabilité civile décennale et sa couverture assurance. Dans le même ordre d’idée, la garantie était accordée sans franchise ; - une réparation assurée dans le cadre de garanties d’assurance pérennes. La clause type prévoit en effet le maintien des garanties pendant 10 ans minimum, tant pour le maître d’ouvrage en préfinancement que pour les constructeurs se traduisant par une couverture assurance couvrant la durée de la responsabilité encourue, sans possibilité de résiliation. Ce n’était pas l’état initial de la loi Spinetta en matière de police responsabilité décennale, mais assurément son esprit. Cela devint une réalité juridique avec la réforme opérée en 1982 par le passage d’un financement en semi répartition à un financement par capitalisation. Le troisième axe est celui du maintien d’un principe de responsabilisation des constructeurs par le biais de la franchise obligatoire et de la déchéance de garantie pour inobservation volontaire ou inexcusable devenue en 1987 inexcusable aujourd’hui.

Une architecture mise en œuvre et précisée par 40 années de jurisprudence

La jurisprudence est venue préciser, voire dans certains cas amplifier les principes ainsi établis. Tout d’abord, l’obligation de s’assurer peut constituer une faute détachable pour le gérant d’une société et • Mars 2018

entrainer la mise en cause de sa responsabilité propre sur son patrimoine personnel. Ensuite, le préfinancement des réparations doit s’exercer en toutes circonstances y compris parfois sans recours. Ce sont les fameux angles morts du préfinancement : - les réserves à la réception en dommages ouvrage ; - la prise en charge des désordres graves avant réception en cas de résiliation des marchés, un préfinancement des réparations ne devant pas être confondu avec l’achèvement. Également, le préfinancement doit être rapide : - la sanction du non-respect des délais est entendue par la jurisprudence comme une déchéance totale et absolue à l’encontre de l’assureur du droit de faire valoir tout motif de refus de garantie quel qu’il soit ; - la jurisprudence a opéré une extension du domaine d’application de la sanction du respect des délais au respect de la procédure elle-même d’indemnisation (la désignation de l’expert, la transmission des pièces, l’impossibilité de compléter un refus de garantie hors délai).

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DOSSIER

Enfin, le préfinancement doit être totalement réparatoire : - une indemnité sans autre plafonnement que la réparation intégrale et sans déduction pour vétusté ou absence d’ouvrage : on applique des exceptions au principe indemnitaire du Code des assurances ; - une indemnité permettant une réparation efficace et pérenne ; - une indemnité nécessairement affectée à la réparation.

Une architecture petit à petit remise en cause dans son application La mise en œuvre pratique de cette construction législative n’a pas été sans générer des points de crispation conduisant à des remises en cause ou des tentatives de remise en cause sur des points significatifs par le législateur lui-même tout d’abord, ou ce législateur délégué qu’est l’exécutif, par la jurisprudence ensuite et par la pratique enfin.

Les remises en cause législatives et réglementaires de la loi Spinetta Ces remises en cause touchent plusieurs articulations du texte, telles que l’amplitude de l’obligation d’assurance, les délais pour prendre position en assurance dommages ouvrage ou encore de quelques éléments de responsabilisation des constructeurs. L’amplitude de l’obligation d’assurance et d’assurer a été remise en cause partiellement.

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DOSSIER L’obligation de s’assurer pour les maîtres d’ouvrage publics a été remise en cause de manière non-concertée avec la disparition corrélative d’assurer pour les assureurs : on a ainsi réduit la mutualisation du risque construction dans des proportions très significatives3. C’était en fait revenir à ce que préconisait à l’origine le projet de loi issu du rapport Spinetta qui déjà voulait écarter la maîtrise d’ouvrage publique de l’obligation d’assurance, mais avait fait l’objet d’un amendement lors des travaux parlementaires. Après dix ans de concertation, le champ d’application de l’obligation d’assurance a également été remis en cause : on passe d’un champ d’application limitée aux travaux de bâtiment à un champ illimité comportant une liste d’ouvrages exclus dont l’application pratique conduit aujourd’hui à intégrer des stations de métro enterrées dans le domaine de l’assurance obligatoire. Ensuite, une remise en cause est passée inaperçue, celle opérée en 1992 de la possibilité en assurance obligatoire de n’assurer que partiellement un ouvrage pour basculer dans une obligation illimitée en 1992, puis partiellement illimitée en 2006. En effet, aux termes de l’article R. 241-11 du Code des assurances issu du décret du 17 novembre 1978, devenu article R. 243-11 traitant des modalités d’intervention du bureau central de tarification, il était précisé que « Si le risque, en raison de son importance ou de ses caractéristiques particulières, ne peut être couvert intégralement par l’assureur sollicité, ce dernier peut n’être tenu d’en garantir qu’une partie. » Cette possibilité d’assurance partielle de l’ouvrage fut abrogée par le décret n° 92-1241 du 27 novembre 1992, puis partiellement rétablie avec la loi du 30 décembre 2006 avec ce qu’il est convenu d’appeler l’amendement Mercier : obligation d’assurance illimitée en habitation et limité hors-habitation. Les délais ponctuant le versement de l’indemnité dommages ouvrage ont également été remis en cause involontairement par la loi du 31 décembre 1989. Côté assureur, le délai pour proposer une indemnité fut réduit de 105 à 90 jours, mais la sanction devint plus réduite puisque limitée à la réparation nécessaire et non plus déterminée selon la propre évaluation de l’assureur. Coté assuré, le délai pour accepter l’indemnité proposée fut quant à lui supprimé. Il convient de mentionner aussi la dénaturation de la clause de déchéance figurant dans les clauses types des polices responsabilité civile décennale. Le texte d’origine issu de l’arrêté du 17 novembre 1978 énonçait au titre de la liste des exclusions de garantie une déchéance liée à l’exécution des travaux par les entreprises « en cas d’inobservation volontaire ou inexcusable par lui des règles de l’art ».

L’arrêté du 7 janvier 1987, portant clause type en assurance obligatoire de responsabilité décennale, est venu modifier le texte d’origine pour le limiter au seul « cas d’inobservation inexcusable des règles de l’art », ce qui en réduisait singulièrement la portée. Il est venu en outre donner une définition de l’assuré pour l’application de la déchéance qui lui fait perdre une grande partie de sa portée, puisqu’elle ne permet pas d’intégrer celui qui est à l’origine du fait fautif : « Pour l’application de cette déchéance, il faut entendre par assuré, soit le souscripteur personne physique, soit le chef d’entreprise ou le représentant statutaire de l’entreprise s’il s’agit d’une entreprise inscrite au répertoire des métiers, soit les représentants légaux ou dûment mandatés de l’assuré lorsque celui-ci est une personne morale ».

Les remises en cause jurisprudentielles

On ne saurait bien évidemment résumer quarante ans de jurisprudence comme la vaste dérive qu’on entend parfois décriée. Il y en a eu certes des dérives par le passé. On citera par exemple la dénaturation de la notion de bâtiment avec la volonté de faire superposer responsabilité civile décennale et obligation d’assurance à propos de travaux de génie civil et l’application des garanties d’assurance obligatoires en dehors des dommages à l’ouvrage construit. Ce fut caractérisé par l’arrêt Chirinian4 concernant l’application de la garantie obligatoire à des dommages consécutifs à un désordre de gravité décennale concernant les travaux neufs affectant par répercussion les existants. Dans les deux cas cependant, la dénaturation de la notion de bâtiment et l’extension des garanties obligatoires à la prise en charges des dommages aux existants ont donné lieu à une intervention législative par l’effet de l’ordonnance du 8 juin 2005. Nous connaissons malheureusement une autre dérive depuis juin 2017 en matière de travaux sur existant et qui pose actuellement un réel problème puisqu’elle conduit à appliquer le régime de l’assurance construction obligatoire à de simples adjonctions d’un élément d’équipement qui peut être un détecteur de fumée ou une pompe à chaleur, voire pourquoi pas le remplacement d’un radiateur électrique ou d’un chauffe-eau, surtout qu’elle aboutit à neutraliser partiellement voire totalement les dispositions de l’ordonnance de 20055 excluant les dommages aux existants du domaine de l’assurance construction obligatoire.

Les tentatives de remise en cause par le marché de l’assurance et de la réassurance

Il s’agit essentiellement de la remise en cause du caractère absolu de l’étendue des garanties. Le dispositif Spinetta prévoit en effet la garantie des désordres de

4 3 Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques.

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Cass. 1re civ. 29 février 2000, n° 97-19.143.

5 Ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 portant modification de diverses dispositions relatives à l’obligation d’assurance dans le domaine de la construction et aux géomètres experts.

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gravité décennale sans pratiquement aucune exclusion, ni conditionnement d’aucune sorte.

notamment à propos d’aggravation de risque qui n’en sont pas.

Or force est de reconnaitre que nous rencontrons régulièrement des tentatives de contournement par la restauration de conditions ou d’exclusions de garantie par différents biais puisés dans l’application dévoyée de certaines institutions du Livre I du Code des assurances sur la déclaration de risque, voire même de certains principes fondamentaux de l’assurance, comme la notion d’aléa.

Enfin, doit être considérée la remise en cause de l’indépendance de l’expert qui devient parfois mandataire de l’assureur pour les prises de position sur les garanties, quand il n’est pas lui-même filiale de l’assureur.

En police dommages ouvrage On peut déplorer trois types de remise en cause. La remise en cause contractuelle de l’impossibilité d’ajouter des exclusions ou de créer des conditions de garantie non prévues par les clauses types, pour exclure certains sinistres résultant de fautes commises par les constructeurs, conduit à insérer des clauses d’un genre particulier : - stipulation dans les polices de pseudo-déclarations de risque qui sont en fait bien davantage des « incantations » sur les conditions d’exécution des travaux par les constructeurs (respect des préconisations du BET de sol voire de la maîtrise d’œuvre, levée des réserves du contrôleur technique) que des réponses à des questions posées comme le prévoit la loi et, ce faisant, insusceptibles de justifier les sanctions pour aggravation de risques (surprime ou règle proportionnelle en cas de sinistre). Cette pratique est d’autant plus surprenante que, précisément, la logique préfinancement/recours conduit à faire peser le poids des erreurs et négligences, non pas par ceux qui les subissent, les maîtres d’ouvrage, mais par ceux qui en sont à l’origine par le biais de la déchéance de garantie pour inobservation des règles de l’art figurant dans les clauses types de responsabilité civile décennale et précisément pas en dommages ouvrage ; - stipulations sur le fait que la déclaration de risque ne serait pas constituée par des réponses à des questions posées à l’assureur mais par le contenu de très nombreux documents rédigés par les constructeurs sur la mise en œuvre technique du projet ; - confusion entre la disparition de l’aléa et son amoindrissement constituer par le non-respect par les constructeurs des préconisations du BET de sol ou la non levée des réserves du contrôleur technique ; - parfois même, perdant tout sens des contraintes juridiques, on stipule des exclusions de garantie sauvages6. Le second type de remise en cause est celle de la pérennité de la garantie dommages ouvrage sur dix ans par le biais de dispositions du livre I du Code des assurances autorisant la résiliation pour non-paiement de la prime (C. assur., art. L. 113-3) : il s’agit ici du problème du paiement de la prime définitive telle qu’établie par l’assureur sur la base de surprime contestée 6 Par exemple sous-sol inondables au-delà d’une certaine altimétrie.

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En police responsabilité civile décennale Là encore plusieurs exemples peuvent être relevés. Cela se traduit tout d’abord par l’utilisation d’une jurisprudence embryonnaire, quoique certaine, sur l’objet de la garantie en matière de police responsabilité civile décennale, ajoutant à la clause type la notion d’objet de la garantie dont il n’est pas question dans le texte pour justifier d’en limiter la portée. Aux termes de cette jurisprudence constante depuis 1997, en effet, les erreurs de déclaration concernant l’activité exercée par l’assuré ne sont pas traitées par les sanctions applicables en cas d’aggravation de risque résultant d’une erreur dans les réponses apportées aux questions posées par l’assureur sur les activités assurés, mais sur le terrain de l’objet de la garantie, conduisant à sanctionner cette erreur non pas par une diminution de la garantie à proportion de la sous-estimation du taux qui en est résulté, mais par un non-assurance pure et simple. Comme on pouvait l’imaginer, cette transgression en a appelé d’autres, dont certaines sont clairement sanctionnées par la Cour de cassation comme celle consistant à inclure les techniques mises en œuvre dans la définition de l’activité couverte, afin d’étendre ainsi la non-assurance à des hypothèses d’exercice de l’activité couverte par la mise en œuvre de techniques non-courantes. Ainsi va-t-on inclure le coût prévisionnel du chantier, quand ce n’est pas le coût définitif, dans l’objet de la garantie. Même s’il n’existe pas de jurisprudence, la position de la jurisprudence devrait pourtant selon nous être la même : l’objet de la garantie est l’exercice d’une activité à laquelle il n’est pas permis d’apporter des précisions d’aucune sorte sauf, là encore, à opérer sur le terrain de la déclaration du risque et à émettre des polices ponctuelles au-delà du montant déclaré. Le point d’orgue est atteint avec l’inclusion du montant du marché dont l’assuré est titulaire.

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DOSSIER

Les assureurs spécialisés dans la couverture des architectes quant à eux, sont parvenus à faire juger que la non-déclaration de chantier en année N+1 dans le cadre d’une police présentée dans les attestations comme une police d’abonnement permettait de remettre en cause la garantie a postériori. Le fractionnement dans le paiement des primes dans les polices d’abonnement justifie, ensuite, des résiliations de la police d’abonnement en cours d’année, après avoir délivré des attestations annuelles.

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DOSSIER Ainsi un maître d’ouvrage en possession d’une attestation responsabilité civile décennale indiquant que le constructeur avec lequel il avait passé un marché de travaux était couvert pour ses interventions sur des chantiers ouverts au cours de la période indiquée, pouvait néanmoins se voir opposer un refus de garantie au titre de tous les chantiers ouverts postérieurement à la résiliation en cours d’année de la police d’abonnement, pour non-paiement d’une fraction de la prime. Parfois encore, les techniques contractuelles sont moins sophistiquées et on se contente de stipuler des conditions, voire des exclusions, de garantie tenant aux procédés techniques mis en œuvre. Elles consistent enfin à ajouter des cas de résiliation dans une police responsabilité civile décennale de type CCRD7, dénommés « clause de sort », de sorte

7

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Contrat collectif de responsabilité décennale.

que la résiliation de la police dommages ouvrage souscrite auprès du même assureur pour la même opération soit une cause de résiliation de la police CCRD. Ceci alors même que la clause type énonce à propos des polices responsabilité civile décennale obligatoires dont font partie les CCRD que « le contrat couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur les assurés en vertu des articles 1792 et suivants du Code civil, les travaux de construction de l'ouvrage désigné aux conditions particulières. La garantie afférente à ces travaux est maintenue dans tous les cas pour la même durée, sans paiement de prime subséquente ».

Pascal Dessuet, AON France - directeur délégué construction immobilier chargé d’enseignements aux universités de Panthéon Sorbonne et de Créteil

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Évolution de la sinistralité dans l’assurance construction Le marché de l’assurance construction a constaté une importante dégradation de la sinistralité observée (circonstances prévues au contrat pouvant générer le paiement d’une indemnité à l’assuré ou à un tiers) entre 2008 et 2016. Ce constat est partagé par SMABTP, l’assureur leader dans ce domaine.

Prestations payées (en millions d’euros) Prestations payées (millions d’euros) 1 700

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La sinistralité observée à la SMABTP est en hausse à la fois sur les risques en cours de travaux (accident sur chantier, incendie, erreur de conception, dommage aux avoisinants, etc…) et après réception des travaux (il s’agit des sinistres décennaux qui mobilisent les garanties dommages ouvrage et responsabilité civile décennale). Tous risques confondus, ce sont au total 107 000 sinistres ouverts en 2016 représentant une charge

1 200

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La dégradation de la sinistralité confirmée par SMABTP

1 501

1 314

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Depuis 9 ans, le coût des sinistres est en constante augmentation sur le marché français de l’assurance construction. Selon les chiffres communiqués par la Fédération française de l’assurance (FFA) le 22 décembre 2017, les prestations versées (paiements effectués sur des sinistres ainsi que les frais associés moins les recours encaissés) sont passées de 1 096 millions d’euros en 2008 à 1 661 millions en 2016, soit une augmentation de 52 %. Ce chiffre représente une hausse de plus de 5 % par an du coût des sinistres. Il faut garder en tête que cette dégradation de la sinistralité est intervenue sur une période où l’activité du secteur du BTP a fortement ralenti ce qui a entraîné également une baisse sensible des primes. En effet, le marché de l’assurance construction a connu, sur cette même période, une baisse de son chiffre d’affaires de 16 %, passant de 2 501 millions d’euros à 2 095 millions d’euros.

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Statistiques du marché français

de 648 millions d’euros. On constate sur ces dernières années que la charge sinistre augmente alors même que le nombre de sinistres diminue. Le nombre de sinistres actuellement en cours (c’est-à-dire non encore réglés) s’élève à 145 000 pour un montant de plus de 3 milliards d’euros. Il peut donc en être déduit que les sinistres sont moins nombreux mais plus importants en coût. Ainsi, pendant la période de crise du BTP, la charge des sinistres de l’année a augmenté de 56 % et le montant du stock de sinistres en cours de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2008 (le nombre de dossiers s’élevait à 100 000 pour une charge d’environ de 1,8 milliard d’euros).

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L’impact financier de cette dégradation est in fine répercuté sur les entreprises de construction et les maîtres d’ouvrage. C’est pourquoi il faut s’interroger sur ses causes et réfléchir aux solutions pour améliorer la qualité du bâti de manière à réduire les conséquences directes et indirectes de la non-qualité.

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DOSSIER

Paiements – recours encaissés + frais gestion sinistres

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DOSSIER

À SAVOIR Le coût moyen d’un sinistre survenu en cours de chantier est passé de 6 500 euros en 2008 à 9 500 euros en 2016. Le coût moyen d’un sinistre après réception est passé de 3 600 euros en 2006 à près de 4 500 euros en 2016.

Le nombre de sinistres en cours de travaux est en diminution de 14 % du fait de la baisse d’activité du secteur, en revanche leur coût augmente de 71 %. Les sinistres survenant après réception des travaux, mobilisant les garanties dommages ouvrage et responsabilité décennale, dérivent de + 24 % en 8 ans.

Les raisons de cette hausse de la sinistralité

Il est compliqué de connaître précisément les causes de cette dérive. Néanmoins, il est indéniable que la crise économique, qui a durement et durablement touché le secteur de la construction depuis 2008, a joué un rôle central. En conséquence de la forte chute du nombre des mises en chantier (- 28 % sur cette période), la concurrence s’est accrue entre les entreprises tirant ainsi les prix vers le bas. Les entreprises se sont concentrées sur l’obtention de nouveaux marchés, relâchant leurs efforts sur le service après-vente. Autre effet de la crise, certaines entreprises ont davantage recouru à la sous-traitance, parfois en faisant appel à des entreprises peu ou pas assurées. Dans ce cas, l’assureur de l’entreprise principale se retrouve seul à régler le sinistre sans recours possible, ce qui augmente la charge de sa sinistralité. La crise a par ailleurs cristallisé les antagonismes issus d’un sinistre. Les rapports entre les différents intervenants à l’acte de construire se sont tendus entraînant une hausse importante des dossiers contentieux au détriment d’une solution amiable. Ces sinistres ont un coût 7,5 fois plus important en moyenne que les sinistres amiables, sous l’effet notamment de la mul-

En responsabilité civile : le taux de contentieux en 1ère année est passé de 5 % à 12 %

Taux en nombre de sinistres (%) 14 12 10

tiplicité des réunions d’expertise, des intervenants et des délais beaucoup plus longs qui sont de nature à augmenter les préjudices immatériels. La multiplication des normes réglementaires et les évolutions techniques, notamment issues de la RT 2012, participent à ce constat. Elles surenchérissent les coûts de construction et par voie de conséquence, les coûts des travaux de réparation des ouvrages ou de reconstruction par rapport aux coûts initiaux lors de leur construction. Les innovations technologiques peuvent également être génératrices de sinistralité quand elles sont insuffisamment éprouvées ou mal maîtrisées. Par exemple, la recherche toujours plus optimisée de l’isolation thermique ou les désordres inhérents à la pose de carrelages scellés sur sous couche isolante peuvent s’avérer particulièrement pathogènes. Autre exemple, l’installation de panneaux photovoltaïques intégrés au bâti a connu une croissance très rapide entre 2010 et 2012 sous l’effet de fortes incitations fiscales. Indépendamment de la présence de certains installateurs opportunistes, le choix d’avoir privilégié le photovoltaïque intégré au bâti et les défauts en série de certains modules photovoltaïques ont entraîné des sinistres sériels consistant en des dysfonctionnements électriques ou des échauffements eux-mêmes pouvant provoquer des incendies ou des défauts d’étanchéité.

Exemples de sinistres sériels affectant les panneaux photovoltaïques intégrés au bâti : - SCHEUTEN SOLAR : les boîtiers de raccordement des modules ont un vieillissement excessif qui finit par créer un arc électrique ; - ALEO SOLAR : les panneaux subissaient une fonte d’une soudure au niveau du connecteur. Un arc électrique pouvait se former entre le câble désolidarisé et le boitier ; - WAKAFLEX : Bande de solin censée permettre la jonction d’étanchéité entre cadres de panneaux photovoltaïques mais qui ne résistait pas à la dilation provoquée par l’échauffement des panneaux..

8 6 4 2 0

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Enfin, ces dernières années, on a assisté à un développement d’assureurs opportunistes qui profitent du décalage entre l’encaissement des primes et le paiement des sinistres sans nécessairement provisionner les engagements qui en découlent. Ils ont pour cela détourné le régime européen de la Libre prestation de service (LPS), qui en soi ne pose pas de problèmes (voir encadré Libre prestation de service). Mars 2018 •


Comment inverser cette tendance négative ?

SMABTP, toujours soucieuse d’accompagner les entreprises du secteur de la construction, a décidé de continuer ses actions de prévention par l’intermédiaire de sa fondation « Excellence SMA » ou en lien avec l’Agence qualité construction afin de suivre les évolutions de la sinistralité, des réglementations techniques ou des nouvelles pathologies. Ainsi, des groupes de travail se mettent en place entre organisations professionnelles, unions et syndicats de métiers afin de construire tous ensemble un dispositif capable d’enrayer cette évolution négative. L’objectif est de mettre davantage l’accent, là encore, sur la prévention, en prenant mieux en compte l’évolution des métiers et en valorisant les pratiques les moins « sinistrantes ». Par ailleurs, les pouvoirs publics doivent mettre en place le cadre permettant une véritable analyse de certains acteurs assureurs en situation financière incertaine par exemple en demandant que tous les assureurs quel que soit le pays d’origine respectent les normes comptables françaises de comptabilisation en capitalisation et de provisionnement des engagements. Enfin, des réflexions doivent s’opérer autour du cadre juridique de l’assurance de manière à permettre la responsabilisation de tous les acteurs d’une opération de construction. Comme imaginé au départ par Adrien Spinetta, l’ensemble des intervenants doit avoir pour objectif la qualité du bâti et dans ce cadre subir les conséquences de ses choix ou de ses erreurs. Par exemple, nous avons déjà évoqué le cas du défaut du produit pour lequel la responsabilité du fabricant sera rarement mise en jeu (par exemple s’il est en faillite ou encore si le domaine d’emploi du produit n’a pas été respecté). L’indemnisation des désordres sera faite par l’entreprise de bâtiment l’ayant mise en œuvre au titre de sa garantie décennale. On peut aussi s’interroger pour savoir s’il est normal que les responsabilités dépendent davantage de la forme juridique du contrat que de la nature des travaux effectués (par exemple en maison individuelle entre VEFA et CCMI). C’est également le cas des entreprises intervenant en qualité de sous-traitant. Il faut rappeler qu’un sous-traitant, parce qu’il n’est pas lié au maître d’ouvrage, n’est pas soumis à l’obligation d’assurance décennale. Il en découle que les garanties données par son contrat d’assurance peuvent être limitées alors même que parfois il exécute la totalité du lot initial. Un alignement de la nature et des montants de garanties chez tous les assureurs, que l’entreprise soit entreprise principale ou sous-traitant, semblerait utile. Les choix des maîtres d’ouvrage influencent bien sûr énormément la conduite du chantier et la qualité de • Mars 2018

l’ouvrage. Il est fondamental que les études géotechniques soient réalisées à chaque fois que nécessaire et que l’étendue des missions des contrôleurs techniques (mais surtout leur contenu) se maintiennent à un bon niveau. Si la réduction de ces postes peut représenter des économies à court terme, son impact sera très significatif sur la non-qualité et, de manière certaine, in fine sur les conséquences financières indirectes pour le maître d’ouvrage. L’assurance évoluera probablement en ce sens en augmentant encore davantage les écarts de tarifs selon les actions de maîtrise du chantier. La généralisation de l’obligation d’affecter les indemnités obtenues d’un contrat d’assurance construction à la réparation des désordres constatés devrait aussi pouvoir limiter les déclarations de sinistres abusives. Dans ce cadre, il est également important que l’assureur dommages ouvrages joue complètement son rôle : il doit s’employer à une maîtrise des risques du chantier en analysant le dossier à la souscription et s’atteler à la réparation rapide des désordres, évitant la judiciarisation inutile des dossiers et la dérive des coûts.

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DOSSIER

Les perspectives pour les assureurs construction et SMABTP

Le contexte financier est compliqué pour les assureurs construction. Cela se matérialise déjà par la faillite constatée ou à venir des assureurs opportunistes. La charge de sinistralité des assureurs restants va mécaniquement augmenter du fait de la difficulté à exercer les recours contre les entreprises non assurées en dommages ouvrages ou en sous-traitance. Il ne faut cependant pas oublier que même si son assureur est en faillite, l’entreprise conserve la responsabilité décennale de son action et pourra donc subir directement les recours. Pour éviter d’être mise en cause par leurs choix, les maîtres d’ouvrage doivent ainsi rester attentifs à la solidité financière de leur assureur ou encore à sa domiciliation (par exemple un assureur s’était basé à Gibraltar avec pour principal objectif de contourner les règles prudentielles françaises). Au-delà de la hausse régulière des coûts moyens des sinistres et la baisse régulière des primes, le phénomène d’érosion des taux a amplifié les pertes du sec-

SMABTP est l’assureur leader du secteur de la construction. Mutuelle professionnelle depuis 160 ans, SMABTP utilise son expertise et son savoir-faire pour proposer des solutions performantes aux besoins des professions de la construction et de l’immobilier : artisans et entreprises de bâtiment ou de travaux publics, promoteurs immobiliers, maîtres d’ouvrage publics, constructeurs de maisons individuelles, maîtres d’œuvre et architectes. SMABTP est présent partout en France pour assurer toutes les entreprises, les professionnels, les dirigeants, leurs salariés et leurs proches.

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DOSSIER teur. L’assurance décennale est gérée en capitalisation et par conséquent intègre les produits financiers des provisions dans l’équilibre technique des produits. En effet les taux à long terme ont perdus pendant la crise plus de 4 points. Compte tenu de la durée moyenne de règlement qui est de l’ordre de 8 ans, l’impact technique de la seule baisse des revenus financiers correspondrait à une hausse des tarifs de l’ordre de 30 %. Les assureurs construction qui ont cherché pendant la crise à développer leurs parts de marché vont donc subir et observer pendant plusieurs années les conséquences de la crise.

SMABTP a suivi et réagi progressivement aux enjeux de dérive de la sinistralité en anticipant ses impacts : nous voyons donc l’avenir plus sereinement. La reprise de l’activité du BTP devrait se poursuivre et même s’accélérer en 2018. Ce contexte conjugué à la baisse des défaillances d’entreprises enregistrée en 2017 pourrait en effet avoir un impact favorable sur la sinistralité à l’inverse de ce qui a été observé pendant la crise. Grégory Kron, directeur technique actuariat et filiales de SMABTP

La Libre prestation de service (LPS) Qu’est-ce que la LPS ?

L’activité d’assurance en LPS permet à une entreprise d’offrir ses services sur le territoire d’un État membre autre que celui dans lequel il est établi. L’activité en LPS s’est développée très rapidement ces dernières années, pendant la crise économique, pour atteindre aujourd’hui environ 10 % de part de marché en assurance construction.

Comment ça fonctionne ?

En LPS, c’est l’autorité du pays d’origine qui est responsable de la supervision de l’assureur notamment du contrôle du respect des règles de gestion des sinistres et de solvabilité. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’autorité de contrôle en France, en charge de l’agrément et de la surveillance des établissements d’assurance et de leurs intermédiaires, a un simple rôle d’enregistrement. Or, les autorités étrangères ne connaissent pas nécessairement les spécificités du risque décennal en France.

Exemples

En Europe, plusieurs assureurs intervenant en LPS ont été obligés d’arrêter leur activité comme CBL Insurance, Elite ou Gable, qui est en faillite. Elite Insurance Company Ltd : cet assureur, basé à Gibraltar, intervenait en France sous le régime de la LPS via une succursale. L’ACPR a alerté en juillet 2017, sur

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la décision d’Elite d’arrêter, à effet immédiat, toute nouvelle souscription dans l’Union européenne suite à des demandes de l’autorité de contrôle de Gibraltar, de réinjections de capitaux et à des demandes d’informations concernant notamment les délégations de souscription et ses règles de provisionnement. Une enquête sur la situation financière d’Elite est en cours. Gable : cet assureur basé au Lichtenstein, a vendu en France des assurances de responsabilité décennale obligatoires. Il s’est vu retiré son agrément le 9 septembre 2016, par son autorité de contrôle et a été déclaré en banqueroute le 17 novembre 2016. SFS Europe : ce mandataire d’assurance basé au Luxembourg, a été sanctionné par le commissariat aux assurances du Luxembourg pour avoir exercé une activité illégale d’agence d’assurance. L’ACPR a indiqué le 21 décembre dernier, que SFS n’était plus autorisé à conclure et gérer des contrats pour le compte de ses partenaires. SFS a annoncé son intention d’ouvrir une structure en France. CBL Insurance : cet assureur irlandais adossé à un réassureur néozélandais était devenu un des leaders étranger de l’assurance construction en France. Il a été obligé par son autorité de contrôle de renforcer ses provisions et ses fonds propres. Il fait également l’objet par la banque fédérale d’une enquête pour diffusion de fausses informations au marché. CBL a annoncé le 13 février 2018 sa décision d’arrêter l’assurance construction en France.

Mars 2018 •


L’Agence qualité construction « La qualité n'est jamais un accident ; c'est toujours le résultat d'un effort intelligent » Retour sur la création et les observations de l'Agence qualité construction.

Créée en 1982, l'Agence qualité construction (AQC), association loi de 1901, regroupe les principales organisations professionnelles de la construction autour d'une même mission : prévenir les désordres dans le bâtiment et améliorer la qualité des constructions. Son fonctionnement garantit aux acteurs de la construction un cadre de travail unique et neutre, structuré en trois pôles : observation, prévention, communication. Depuis sa création, l’AQC fonde son action sur l’observation. À l’origine, le dispositif « Sycodés » (système de collecte des désordres) était la ressource unique : une base de données nationales fournissant une tendance dynamique de la sinistralité par période, par type de bâtiment et par grande famille de pathologie, avec une dimension statistique. Aujourd’hui, trois dispositifs le complètent : « Alerte » (pour prévenir et identifier les sinistres sériels), « Rex bâtiments performants » (pour prévenir les pathologies émergentes sur des bâtiments précurseurs) et « VigiRisques » (pour anticiper et prévenir l’apparition de nouveaux sinistres). Ces quatre dispositifs nous permettent d’avoir une vision globale de la pathologie et de ses principales causes que nous partageons avec l’ensemble des acteurs de la construction au travers de nos différentes publications. En maison individuelle, les pathologies historiquement les plus coûteuses concernent les fondations superficielles, les revêtements de sol intérieur (et plus particulièrement les carrelages), les couvertures en petits éléments et les façades à base de maçonnerie en blocs de béton. En logements collectifs les réseaux d’eau et les ossatures poteaux poutres présentent aussi d’importants coûts de sinistralité. Comme l’a indiqué John Ruskin, critique d’art et penseur économique britannique (1819-1900), « la qualité n’est jamais un accident ; c’est toujours le résultat d’un effort intelligent ». Dans l’analyse faite par les experts construction des causes des sinistres cités • Mars 2018

L'ASSURANCE CONSTRUCTION

DOSSIER

plus haut, il est fréquent de cibler la responsabilité sur un défaut d’exécution, parfois sur un défaut de conception, mais les experts construction n’ont pas la mission de pousser plus loin leurs investigations, alors qu’il y a peut-être des causes plus importantes. En effet comme Magritte l’a montré, « on ne peut pas dire avec certitude, d’après l’ombre d’un objet ce que celui-ci est en réalité ». En la matière, la réalité de nombreux sinistres est peut-être, pour partie, aussi à rechercher dans les conséquences de la longue crise économique qui a touché la construction et a généré des niveaux de prix peu raisonnables. Ruskin l’expliquait déjà : « il n’est point raisonnable de payer trop cher ; mais payer trop peu c’est pire. Lorsque vous payez trop, vous perdez un peu d’argent, c’est tout. Si par contre vous payez trop peu, vous perdez souvent tout, parce que l’objet acheté est incapable de remplir la tâche qui lui est confiée ». La transition du bâtiment pour permettre l’atteinte des performances énergétiques et environnementales fixées par le gouvernement nécessite des évolutions techniques et technologiques majeures. Pour cela, nous avons besoin de beaucoup mieux appréhender certains sujets qui sont potentiellement porteurs des pathologies de demain comme la migration de la vapeur d’eau dans les parois, la performance durable des complexes isolants, les nouveaux matériaux, la qualité de l’air intérieur, les énergies nouvelles … Des impasses dans les études par manque de temps ou de financement seront porteuses d’une importante sinistralité dans quelques années. Nous ne sommes pas assez convaincus que les premières économies d’énergie et de carbone pourraient venir d’une baisse de la sinistralité provenant d’une meilleure connaissance des nouvelles techniques de construction ! Philippe Estingoy ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts directeur général de l’AQC

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DOSSIER

Garanties, responsabilités et assurance construction : vers une convergence européenne ? À SAVOIR

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Prenant en considération le document de travail publié en octobre 2013 par la Commission européenne, le groupe de travail « Pratiques Professionnelles et Assurance » du Conseil des architectes d’Europe (CAE) s’est attaché, pendant deux ans entre 2014 et 2015, à faire le point sur les différents systèmes d’assurance construction existant en Europe et les questions qui en découlent. Il s’est donné pour objectif de proposer une convergence européenne pour apporter un niveau de garantie satisfaisant aux consommateurs, réduire les distorsions de concurrence et les injustices et faciliter la mobilité professionnelle des architectes.

L’enquête

L’enquête menée a mis en évidence les énormes différences entre les pays de l’Union en matière de garanties, de responsabilités et d’assurance construction. Dans un certain nombre de pays, il n’existe actuellement aucune obligation d’assurance pour les archi-

Le Conseil des architectes d’Europe (CAE), est une association internationale de droit belge dont le siège se trouve à Bruxelles. Il réunit quarante-cinq organisations professionnelles issues des pays de l‘Union européenne, des pays postulants et des pays avec lesquels existe un accord de coopération (Norvège et Suisse). Sa vocation est d’être un espace d’échange d’expériences et d’assurer la défense des intérêts professionnels des architectes de l’Union européenne. À ce titre il a un rôle de veille juridique. Il est aussi le principal interlocuteur de la Commission européenne et du Parlement européen pour la préparation des textes communautaires concernant, de façon large, les activités professionnelles et domaines d’intervention des architectes et plus précisément l’évolution du cadre réglementaire de la profession d’architecte dans les différents pays de la Communauté. Les organisations professionnelles membres du CAE sont largement associées aux réflexions et définitions des positions communes à travers leurs contributions aux groupes de travail du CAE. Elles se coordonnent pour accompagner les transpositions des textes européens dans leur pays en s’appuyant sur leur représentativité pour intervenir auprès de leurs gouvernement et parlementaires. Dans l’esprit des principes qui ont conduit à la création de l’Union européenne, les positions du CAE sont généralement favorables aux évolutions réglementaires facilitant les transferts de compétences, la mobilité des étudiants en architecture, la mobilité professionnelle des architectes et leur capacité à intervenir dans les différents pays de l’Union, les échanges d’expériences entre professionnels de différents pays et leur capacité à mener des projets en commun. Le CAE est aussi très attentif à ce que les évolutions réglementaires renforcent la capacité des architectes à répondre aux demandes sociétales en matière de qualité des constructions, de qualité du cadre bâti et urbain, de développement durable, de cohésion sociale, de respect du patrimoine culturel et environnemental. La France y est représentée par le Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA) et par les deux syndicats représentatifs : le Syndicat de l’architecture et l’UNSFA.

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tectes, en particulier en Allemagne, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en Grèce, en Irlande, en Italie, en Lettonie, en Lituanie, à Malte, aux Pays-Bas, au Portugal, en Roumanie, au Royaume-Uni et en Suède. Encore qu’en l’absence d’obligation il y a souvent une assurance de souscrite. Les garanties couvertes peuvent varier. Le plus souvent lorsqu’il y a une obligation d’assurance un contrôle est exercé soit par l’État soit par la chambre d’enregistrement. Il n’existe parfois pas d’obligation d’assurance pour les autres intervenants dont parfois les entreprises de construction. Dans certains pays il est possible de limiter contractuellement les responsabilités, dans d’autres non, comme la France. Des risques de condamnation in solidum existent y compris dans des pays où il n’y pas d’obligation d’assurance, cependant ce régime est minoritaire en Europe. Les durées des responsabilités sont très changeantes. Dans de nombreux pays la durée de responsabilité est bien plus courte. Si elles peuvent aller jusqu’à 10 ans en France, en Belgique, en Grèce, en Italie, au Luxembourg ou aux Pays Bas, par ailleurs la nature des responsabilités courant sur une telle durée est variable. En France elle relève du régime de la recherche de responsabilité. En Allemagne, la garantie quinquennale est contractuelle et portée par les entreprises, la responsabilité des architectes est uniquement de nature civile. Dans les pays anglo-saxons, où n’existe pas d’obligation d’assurance pour les constructeurs, elle est souvent remplacée par une responsabilité des choses directement souscrite par le maître d’ouvrage, mais parfois aussi par des garanties imposées dans le cadre du contrat. De nombreuses sources d’iniquité, d’inefficacité et d’incertitudes ont été mises en évidences, dans différents pays, en particulier en matière : - de délais de réclamations ; Mars 2018 •


- de responsabilités relatives aux erreurs réelles ; - de répartition des responsabilités entre les parties ; - de transfert ou de maintien des couvertures en cas de modification d’assureur. Dans un tel contexte, il était extrêmement difficile d’arriver à un consensus pour proposer un système commun en matière de garanties, de responsabilités et d’assurance. Les représentants des pays où n’existe pas d’obligation d’assurance ont souvent conscience qu’une telle obligation apporte des garanties aux consommateurs mais aussi aux architectes et qu’une évolution doit être envisagée.

Les enjeux

Les enjeux d’une convergence sont importants pour les architectes. D’un pays à l’autre, les taux de cotisation s’inscrivent dans des rapports de un à dix, certes avec des différences de risques. Les divergences des systèmes existants freinent les possibilités de prestations à l’export, en particulier à destination de pays où les régimes de responsabilités et d’obligations d’assurances sont plus contraignants. Les assureurs des pays d’origine des prestataires ne sont pas toujours disposés à proposer des extensions de garanties ou alors à des prix prohibitifs créant des distorsions de concurrence parfois considérables. Les architectes exerçant à partir d’un pays à garanties longues ne se voient, de leur côté, pas toujours proposer des réductions de cotisation en rapport avec la baisse de responsabilité. Les différences de régime de responsabilités et garanties qui existent également pour les entreprises font par ailleurs courir des risques aux architectes en cas de présence sur leurs chantiers d’entreprises étrangères insuffisamment couvertes ou dont les garanties sont difficiles à mettre en œuvre. Le règlement « Rome II »1, permet aux entreprises de proposer à leurs clients la législation de leur pays d’origine. Il appartient aux architectes de se prémunir contractuellement des risques d’une telle situation qui conduit souvent, en cas de difficulté à mettre les garanties en œuvre, à une condamnation in solidum au dépend de l’architecte dans les pays où cette possibilité existe. L’étendue réelle des garanties apportées par une assurance étrangère est parfois difficile à apprécier. Ce qui constitue un risque supplémentaire pour les architectes. Dans le cadre de l’enquête menée par le CAE, le système de responsabilité, garanties et assurance français a fait l’objet d’une attention particulière. Il est aujourd’hui celui en Europe qui s’applique sur la durée la plus longue et avec l’étendue de garantie la plus élevée. À ce titre, il pouvait constituer un point de convergence ambitieux à même d’apporter les garanties les plus étendues aux consommateurs. C’était le

1 Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »).

• Mars 2018

point de vue défendu par Alain Vivier, ancien président de la Mutuelle des architectes français (MAF), qui, à mes côtés, était l’un des représentants français dans ce groupe de travail. Cette ambition n’a pas résisté à l’analyse critique de nos confrères étrangers. Les critiques exprimées ont porté sur : - une durée de responsabilité jugée trop longue ; - l’importance des garanties, mais surtout l’ambiguïté de leur étendue pour les maîtres d’ouvrage, souvent entretenues par les constructeurs ; - le risque de condamnations in solidum que nos confrères des autres pays européens jugent contraire au droit communautaire ; - le principe de présomption de responsabilité, alors même que le système français est basé sur la recherche de responsabilité, ce qui conduit à la fois à la lourdeur de gestion et de coût d’expertise sans prémunir les constructeurs de devoir assumer une responsabilité au titre de la présomption. Cela constitue une double peine. Le principe de présomption de responsabilité semble, là encore, en contradiction avec le droit européen ; - le fait qu’à travers des garanties longues et rassurantes, ou faussement rassurantes, le système de garantie-responsabilité français déresponsabilise le maître d’ouvrage par rapport au choix des intervenants et des solutions techniques mises en œuvre ; - le système de garantie-responsabilité français a un caractère terriblement sinistrogène et coûteux par rapport aux situations connues dans les autres pays européens du fait du cumul de la durée de la responsabilité, de l’ambiguïté de la garantie, de la déresponsabilisation du maître d’ouvrage ; - le système de garantie-responsabilité français a un coût environ quatre fois supérieur à la moyenne européenne.

L'ASSURANCE CONSTRUCTION

DOSSIER

Le groupe de travail du CAE est néanmoins parvenu à formaliser une proposition de convergence, qui a été largement adoptée en janvier 2016 par l’Assemblée générale du CAE et portant sur un certain nombre de principes, dont : - une durée de garantie obligatoire des constructeurs d’un maximum de cinq ans, couverte par une assurance ; - la responsabilité des constructeurs se limitant aux conséquences de leurs seuls actes et négligences et non à des circonstances imprévues ou erreurs d’autres intervenants ; - la recherche de la certitude et de la rapidité des réclamations et une meilleure précision des délais pour éviter des litiges inutiles ; - l’impossibilité de condamnations in solidum, d’où l’obligation d’être assuré de façon adaptée pour l’ensemble des intervenants. Cela pouvant conduire à une assurance unique ; - la suppression de la présomption de responsabilité res ipsa loquitur, là où elle existe et en particulier dans certains pays où le plus souvent un défaut de construction est toujours supposé être le résultat d’une faute de l’architecte. L’inversion de la charge de

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DOSSIER

Responsabilité

Assurance construction - tableau de synthèse France

Allemagne

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

Finlande

Responsabilité des intervenants de l'acte de construire

10 ans pour solidité et impropriété à destination 2 ans pour équipements

marché privé : bâtiment 5 ans, infrastructure 1 an marché public : bâtiment 2 ans infrastructure 1 an

marché privé : 3 ans après réception marché public : 2 ans après réception

10 ans pour vices graves et vices cachés dits véniels

Obligation d'assurance de l'architecte

OUI

NON

OUI

OUI

NON

NON

NON

Obligation d'assurance pour les autres intervenants

OUI

NON

NON

NON

NON

OUI

NON

Possibilité de limitation contractuelle des responsabilité

NON

OUI

OUI

NON

OUI

NON

OUI

Régime de responsabilité in-solidum

OUI

OUI

NON

OUI

NON

OUI

NON

Portugal

Royaume-Uni

Suède

2 ans à compter de la réception

Assurance construction - tableau de synthèse Grèce

Responsabilité

10 ans si dommages rendants l'ouResponsabilité vrage inutilisable, en réalité c'est le des intervenants de l'acte droit coutumier ou le droit des de construire parties via contrat qui s'applique

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Irlande

Italie

Luxembourg

Pays-Bas

marchés privés : 5 ans sauf dispositions contractuelles marché public : 2 ans

6 ans pour actions "in contract" 12 ans pour contrat "under seal" 6 ans après découvete pour une action"in tort" responsabilité pour faute

NON

NON

NON

6 ans pour actions "in contract" 12 ans pour contrat "under seal" 6 ans après découvete pour une action "in tort" responsabilité pour faute

10 ans pour ruine et vices graves 2 ans pour non respect du projet ou vices mineurs ou majeurs

10 ans pour les gros pouvrages 2 ans pour les menus ouvrages

10 ans pour la solidité 5 ans pour vice cachés. En pratique c'est le contrat qui règle la responsabilité limitée en général à 5 ans

Obligation d'assurance de l'architecte

NON

NON

NON (uniquement travaux publics)

OUI

NON

Obligation d'assurance pour les autres intervenants

NON

NON

NON

NON

NON

NON

NON

Possibilité de limitation contractuelle des responsabilité

OUI

OUI

NON

NON

OUI

OUI

OUI

Régime de responsabilité in-solidum

OUI

NON

NON

OUI

NON

NON

NON

Mars 2018 •


la preuve ne devrait être possible que dans des cas exceptionnels ; - la possibilité pour le maître d’ouvrage de souscrire des garanties supplémentaires en fonction de ses besoins en particulier en ce qui concerne la durée. Cette dernière proposition a pu être analysée, en France, comme une responsabilité dommage ouvrage étendue. En réalité il ne s’agit pas de cela puisque cette responsabilité est une garantie d’assistance et de préfinancement. Il s’agirait plutôt d’une assurance de chose à l’anglo-saxonne, qui pourrait être adossée à la responsabilité dommage ouvrage souscrite par le maître d’ouvrage lorsqu’elle existe. En outre le CAE dénonce la tendance des tribunaux de certains États de l’Union européenne à chercher avant tout un coupable qui soit assuré. « Les tribunaux ne devraient pas faire usage de l’assurance responsabilités des architectes pour pallier des défauts dans les dispositions sociales »2 !

teurs pour harmoniser le régime de responsabilité, de garanties et d’assurance. Ce qui semble évident en France ne l’est pas forcément dans tous les pays européens où les systèmes de responsabilité, leur portée et leur durée peuvent varier entre les architectes et les autres intervenants de l’acte de bâtir. Ces propositions formalisées sont appelées à être défendues par le CAE auprès de la Commission européenne et des parlementaires européens. Au regard de la longueur habituelle des procédures, il faudra probablement attendre quelques années pour espérer les voir déboucher sur un Règlement ou plus probablement une Directive européenne et encore un peu plus de temps pour les voir appliquer dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Elles ont l’avantage d’exister. Elles doivent alimenter nos réflexions. Elles auraient avantage à être reprises par les organisations représentatives européennes des autres professions de la construction.

L'ASSURANCE CONSTRUCTION

DOSSIER

Si elles émanent du CAE, ces propositions ont pour vocation à être étendues à l’ensemble des construcPhilippe Klein 2 Selon le CAE dans le cadre de ses propositions sur la convergence de l’assurance construction.

• Mars 2018

délégué de l’UNSFA à l’international vice président du CAE

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DOSSIER

Responsabilités à outrance des architectes : et si tout le monde était perdant ? Tout un arsenal législatif est censé protéger les maîtres d’ouvrage : la loi Spinetta de 1978, la loi de 1990 sur le CCMI, les garanties d’achèvement, les assurances décennales et pourtant, de nombreuses situations dramatiques ruinent chaque année des centaines de personnes. Elles n’ont pas eu recours à des architectes en titre et l’évolution des pratiques ne fait rien pour modifier cette tendance ; au contraire, la pression judiciaire éloigne gravement les architectes des chantiers.

Le constat

Le vendredi 29 septembre 2017, à Aix en Provence, se tenaient les 25es Rencontres « Droit et Construction ». Ce colloque annuel est un des événements majeurs traitant des litiges du domaine de la construction. II réunit magistrats, avocats, experts dont bon nombre sont architectes. Nous étions un groupe de six à écouter l’exposé d’un représentant de la Mutuelle des architectes français (MAF) et de son expert. Ils ont expliqué pendant 45 minutes toutes les situations dans lesquelles l’architecte pouvait être condamné, depuis l’esquisse jusqu’à un délai expirant 30 ans après la fin des travaux. Les professionnels présents, dont de prestigieux magistrats, se sont alors accordés pour dire que tout jeune architecte devait se préparer pour cette confrontation permanente à sa mise en responsabilité. De l’avis de tous les participants, cette situation est gravée dans le marbre et il n’y a pas à se poser de questions. Il suffit de gérer les 56 000 sinistres actuellement en cours à la MAF, soit une moyenne de 2 par architecte. Et ces jeunes impétrants vont passer 10 années de leur vie professionnelle à consacrer une grande partie de leur temps et de leur énergie pour apprendre dans quels engrenages ils vont être broyés. Les architectes-experts présents se sont révoltés contre ce constat désespérément consensuel et ont interpellé l’assemblée des présents qui a posé l’état des choses comme établi et inéluctable sans soulever les questions de ses incidences destructrices. Destructrices, d’une part, sur ce qui touche au cadre d’intervention d’un architecte, régulièrement condamné pour la réparation d’un ouvrage qui n’a pas été réalisé directement par lui et sur lequel il ne peut avoir qu’un contrôle très réduit. Comme l’explique Philippe Klein, vice-président du Conseil des architectes d’Europe, le CAE dénonce la tendance des tribunaux de certains États de l’Union européenne à chercher avant tout un coupable qui soit assuré. « Les tribunaux ne devraient pas faire

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usage de l’assurance responsabilités des architectes pour pallier des défauts dans les dispositions sociales » ! On pourrait rajouter, pallier les défauts de rigueur technique de l’exécution des travaux, les défauts de contrôle en cours de construction, la démission de l’administration sur l’aspect technique des autorisations délivrées. Destructrices, d’autre part, en raison d’une tendance de la maîtrise d’ouvrage à éviter l’architecte. Rappelons que 90 % des maisons individuelles se font sans architecte et 70 % des projets privés sans que ceux-ci assurent la maîtrise d’œuvre du chantier. Aujourd’hui, on estime que 9 maisons sur 10 ne mettent pas correctement en œuvre la réglementation parasismique (ce qui est à l’opposé de ce qui se passe dans la construction publique – bien mieux organisée du fait de la loi MOP1, qui dans la mission de base de l’architecte inclut obligatoirement la direction de l’exécution des travaux (DET)). Posons-nous ces deux questions : pourquoi fait-on aussi peu appel aux architectes et qui va garantir l’usager quand il n’y a pas de maîtrise d’œuvre d’exécution avant la réception des travaux ?

Pourquoi les architectes sont si peu présents dans les marchés privés ?

En vertu de la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977, le maître d’ouvrage privé (comme public) doit bien évidemment faire établir son avant-projet par un architecte, donc inscrit et contrôlé par l’ordre des architectes. Pour la phase projet et la direction de l’exécution des travaux, il en va autrement et il n’a pas l’obligation de recourir à ses services. Dans le pire des cas, les travaux se font sans maîtrise d’œuvre qualifiée et ces opérations non encadrées débouchent sur de nombreux sinistres où le maître d’ouvrage ne bénéficie d’aucune garantie. 1 Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.

Mars 2018 •


Le maître d’ouvrage peut aussi faire appel à un jeune architecte qui partira tout fougueux dans les délices de l’imagination et du service sans limite rendu à son client. L’architecte courra de forts risques de mise en responsabilité qui lui rappelleront rapidement qu’une grande partie de son temps de travail devra être consacrée à sa propre protection et non au projet. Le maître d’ouvrage peut enfin faire appel à un architecte chevronné qui ne manquera pas de poser toutes les protections et fera de l’opération rêvée par son maître d’ouvrage un enchaînement de contraintes, de difficultés et de surcoûts divers. L’intervention de l’architecte alourdit les démarches du maître d’ouvrage. L’architecte, soumis à son devoir de conseil et à la présomption de responsabilité lui dictera le devoir de faire appel à un géomètre, à un géotechnicien, à des bureaux d’études techniques. Pour bien faire, ce recours devra se faire une première fois avant les travaux, une seconde fois au cours des travaux. Il doit également lui conseiller la souscription d’une assurance dommage ouvrages, lui demander de viser les esquisses, puis les avant-projets, de faire les démarches pour la demande de permis de construire, de suivre les études de projet, de signer les marchés de travaux, d’assister aux rendez-vous de chantier, de régler les situations des entreprises, puis les retenues de garantie. À chacune de ces étapes, la responsabilité de l’architecte peut être engagée et c’est à lui de rapporter la preuve qu’il a correctement conseillé son maître d’ouvrage. Que de courriers, que de procédures, conduites pour se «mettre à l’abri». Pour le maître d’ouvrage aussi, le système est très complexe. Il l’oblige à de nombreuses démarches alors que, au demeurant, il n’avait pas demandé plus que la réalisation de sa construction. Il est beaucoup plus simple pour le maître d’ouvrage de s’adresser au fabricant d’un produit «clé en main» qui lui présentera un parcours sans obstacle. Soulignons néanmoins, qu’au moment de la vente (c’està-dire celui du contrat initial), le produit n’existe pas encore physiquement et que sans la maîtrise d’œuvre d’un tiers (un architecte indépendant des marchés), le maître d’ouvrage s’exposera à des incertitudes importantes et à des risques graves2. En cas de complication, la situation peut être dramatique et conduire à la ruine du maître d’ouvrage, car ni la garantie d’achèvement, ni celle de l’assurance dommage-ouvrages (si elles existent !) ne rentreront toujours et totalement en application.

Plus les architectes sont condamnés, plus chère est leur intervention en raison des coûts d’assurance et de la difficulté de leur travail. Plus compliquée est leur intervention, plus le risque de mise en cause est grand, plus contraignantes sont leurs demandes. Plus les maîtres d’ouvrage se passent de leur service et de leur expérience, moins qualitatives sont les constructions et plus il y a de sinistres. Plus il y a de sinistres sans architecte et moins les usagers ont de garanties (notamment si les intervenants ne sont pas assurés ou avant réception des travaux). Aujourd’hui, un maître d’ouvrage peut, en deux clics, vérifier une inscription à l’ordre des architectes, qui contrôle l’assurance de chacun de ses membres, sa formation initiale, le respect de sa déontologie et la périodicité de ses formations permanentes. C’est une sécurité qui n’existe pas pour la plupart des autres intervenants du secteur privé. La mise à l’écart de la profession d’architecte ferait perdre aux usagers d’immenses garanties financières, artistiques et techniques.

L'ASSURANCE CONSTRUCTION

DOSSIER

À l’éclairage de ce qui se passe dans de nombreux pays européens3, il est logique d’ouvrir le débat sur les règles de responsabilité de l’architecte. Il ne s’agit pas de protéger des professionnels qui acceptent avec fierté d’exercer la responsabilité attachée à leur travail. L’objectif est d’assouplir leur cadre d’intervention pour une meilleure présence dans l’acte de construire, soit dans une mission traditionnelle de base, soit par

3 cf. Philippe Klein, Garanties, responsabilités et assurance construction vers une convergence européenne ?

Construire sans architectes : trop de vies ruinées

Trop de responsabilités, moins de professionnels aux cotés de l’usager

De fait, on entre dans une spirale d’extinction qui écarte le recours à l’architecte et le met de plus en plus hors du circuit des projets de construction (grands et petits). 2 En matière de responsabilité civile, le taux de contentieux en première année est passé de 4,5 % en 2008 à 12 % en 2016. Le nombre de sinistres contentieux, lui, a bondi de 37 % depuis 2008 (cf. Le Moniteur hebdo du 23 octobre 2017).

• Mars 2018

Pourquoi se priver des architectes, alors qu’ils ont mille savoirs à partager, qu’ils maitrisent la richesse de la conception, la complexité des règles de construction et le management du chantier. Qu’ils sont formés pour cela. Qu’ils sont contrôlés par leurs instances ordinales dans le cadre d’une profession réglementée.

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DOSSIER des missions courtes qui, par les voies de la «requalification» ne les obligent pas à supporter systématiquement la responsabilité à outrance des autres intervenants. Cette réflexion peut s’appuyer sur : - un bilan actuel visant à recenser les sinistres non garantis qui passent à travers les filtres statistiques des assurances ; - la comparaison européenne qui a été faite par le Conseil des architectes d’Europe, et qui est pleine d’enseignements tout en posant les bases d’une convergence européenne ; - un bilan sur les incidences de la présomption, de la responsabilité « in solidum » , du devoir de conseil, sur le niveau et la durée des responsabilités ; - l’étude de différents mécanismes, telles l’assurance de la chose, la contractualisation de la responsabilité ou toutes autres évolutions possibles. Il faut bien évidemment garder le double objectif de la protection du consommateur et de l’amélioration de la qualité. On ne peut se contenter de voir une jurisprudence dévastatrice s’accumuler contre les architectes, car aujourd’hui tout le monde y est perdant : les architectes qui bâillonnent leur savoir pour ne pas s’expo-

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ser, les maîtres d’ouvrage qui cherchent des solutions moins contraignantes et contournent le recours à l’intervention de l’architecte, à son expérience et à ses garanties4. À laisser la situation actuelle s’aggraver sans la reconsidérer, le monde juridique prend le risque de traiter de moins en moins de dossiers où le recours à l’architecte sert aujourd’hui d’assurance « tous risques », avec, à la clé, une augmentation des sinistres dont une plus grande partie encore resterait dans l’impasse.

Régis Chaumont président de l’Unsfa

4 L’UNSFA (l’Union nationale des syndicats français d’architectes), l’AQC (l’Agence qualité construction) et les compagnies d’experts travaillent aujourd’hui à recenser les sinitres non couverts par assurance. Le maître d’ouvrage privé peut se retrouver ruiné, lors d’un litige apparaissant avant la réception des travaux ou pour une construction qui se déroule hors du cadre de potection, pourtant largement couvert par les différentes lois qui se sont succédées. Ces statistiques sortent bien évidemment des chiffres des assureurs.

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Assurance et construction durable : où en est-on ? Voilà quatre décennies que le régime de la responsabilité civile des constructeurs et son système d’assurance obligatoire ont vu le jour sous l’impulsion d’Adrien Spinetta, ingénieur général des ponts et chaussées. Proposant un mécanisme unique et original dit à « double détente », le régime pensé par Adrien Spinetta institue une double assise contraignante au travers une présomption de responsabilité de dix ans pesant sur les constructeurs, une double obligation d’assurance.

Cette réforme profonde de la responsabilité des constructeurs s’est construite autour de trois objectifs annoncés1. Un objectif principal d’abord de protection du maître de l’ouvrage, acteur central du dispositif mis en place, en proie depuis les années cinquante et la période de reconstruction d’après-guerre, aux vicissitudes du monde du bâtiment. La cadence de réalisation de logements qui, à cette époque, pouvait dépasser 500 000 logements par an, a entraîné un accroissement considérable de l’activité du secteur et pour répondre à la demande dans des délais d’exécution rapide, les entreprises de construction ont été amenées à appliquer des techniques nouvelles et à faire appel à un personnel moins expérimenté. Il en est résulté une situation préjudiciable génératrice de malfaçons, qui a considérablement affecté la qualité de la construction2. L’objectif de protection du maître de l’ouvrage est vraisemblablement atteint et l’on peut dire que la loi Spinetta, profondément consumériste, assure une protection efficace aux consommateurs et investisseurs immobiliers. La loi compte ensuite un objectif de promotion de l’innovation dans le secteur de la construction. Adrien Spinetta avait pressenti l’arrivée, déjà perceptible à cette époque, « de la troisième vague de renouvellement industriel »3 et souhaitait, en prévision de 1 Commission des Annales, Annales des ponts et chaussées, Mémoires et documents relatifs à l’art des constructions et au service de l’ingénieur : Bibliothèque numérique patrimoniale des ponts et chaussées, accessed novembre 7, 2017 ; https://patrimoine.enpc.fr/ document/ENPC02_PER_P_277_1977-78.

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cette étape charnière, faciliter l’innovation et l’exportation des matériaux de construction. L’appréciation des techniques utilisées par les constructeurs, des éléments d’équipement et installations intégrés dans les bâtiments ainsi que des composants des matériaux incorporés dans les constructions, est aujourd’hui encore une donnée fondamentale. Se pose en effet de manière sous-jacente, mais finalement centrale, la question de l’assurabilité des techniques innovantes et des matériaux de même nature. Cette question prend, par ailleurs, une ampleur nouvelle avec l’intégration dans bon nombre de projets de construction d’une dimension numérique. Si l’innovation dans les techniques et les matériaux employés dans la construction est en perpétuelle évolution et se renouvelle au gré des évolutions techniques et technologiques, le problème de son assurabilité demeure. Enfin le troisième objectif de la loi visait la création d’une forme d’éthique dans le secteur de la construction pour encourager et/ou voir émerger la responsabilisation des acteurs dans le dessein de favoriser la qualité des constructions et de l’offre constructive. La mise en observation, la prévention dans l’acte de construire et sur les produits employés participent de cet objectif de responsabilisation. Pour autant, force est de constater, quarante après la mise en œuvre de cet objectif, que celui-ci ne semble pas tout à fait atteint. Le bâtiment est un secteur en défiance vis-à-vis des consommateurs : avec 49 % des clients finaux non

2 Journal officiel, débats parlementaires, Sénat, contenu intégral de la 13e séance du jeudi 3 novembre 1977, p. 2539. 3

Adrien Spinetta (dir.), L’assurance construction, Premier bilan et

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perspectives : éditions Anciens ENPC, 1981.

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satisfaits4, il est permis de s’interroger sur l’adéquation des réponses fournies par les professionnels de la construction aux besoins du marché immobilier. Usages non anticipés, intégration domotique complexe et mal comprise, absence de suivi de la qualité des ouvrages, faillite des constructeurs, mise en œuvre de matériaux au rabais, malfaçons, non façons, nonconformité… le monde de la construction ne semble pas parvenir à satisfaire le consommateur final. Parallèlement, un constat s’impose, le secteur de la construction et de l’immobilier vit une profonde mutation : transformation du rôle des intervenants à l’acte de construire, arrivée d’acteurs extérieurs digitaux, innovations techniques et technologiques, émergence de nouveaux besoins, de nouvelles attentes du consommateur immobilier, intégration du développement durable et impact du numérique dans l’acte de construire… Ces transformations bouleversent la chaîne de valeur et impliquent une redistribution non seulement des rôles, mais aussi des obligations et des responsabilités des intervenants à l’acte de construire. Le régime de responsabilité civile des constructeurs, tel qu’envisagé par Adrien Spinetta, à une époque où les standards de la construction, les attentes des consommateurs immobiliers et de la société de manière générale, étaient différents, est-il toujours adapté à ces mutations ? Rappelons qu’à cette époque, l’urbanisation a fait de l’accès au logement la principale priorité des consommateurs immobiliers. Dans ce contexte se pose la question du rôle des assureurs du secteur de la construction : les garanties proposées sont-elles adaptées au verdissement de l’acte de construire et à l’émergence du numérique dans le bâtiment ? Le besoin de sécurisation des consommateurs immobiliers et des investisseurs, lié à l’absence de confiance dans le marché, trouve une réponse évidente dans l’offre assurantielle et la solidité du secteur de l’assurance. Pour maintenir son rôle « social » au travers de la sécurisation des investisseurs et des consommateurs immobiliers, en garantissant la pérennité des entreprises du bâtiment, l’assureur doit nécessairement appréhender l’ensemble des risques auxquels il s’expose pour en mesurer l’impact et en provisionner le coût éventuel. Or, l’assurance construction et les produits développés sur ce marché n’évoluent pas aussi vite que les techniques constructives, les produits et les usages : aucun assureur n’a, à ce jour, proposé de garanties pérennes et suffisamment étendues de performance énergétique garantissant la performance réelle des bâtiments.

4 Enquête de satisfaction menée à partir de novembre 2014 par l’UFC QUE CHOISIR auprès de leurs abonnés (panel non représentatif de l’ensemble des consommateurs mais pouvant servir d’indicateur) et publiée en août 2015.

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Quelles solutions assurantielles proposer au Smart Building et aux risques de perte ou de piratage des données des utilisateurs ? Est-il envisageable d’assurer le confort et l’usage ? Les conséquences de la transformation de la destination des ouvrages sont-elles anticipées par les assureurs ? L’émergence du Building information modeling (BIM) dans l’acte de construire n’a, pour l’heure, pas trouvé de garantie en adéquation avec toutes les conséquences qu’impliquent un tel partage de données, une telle création de valeur partagée et une telle redistribution des rôles et responsabilité de chacun5. Dans un contexte environnemental complexe où le secteur du bâtiment représente à lui seul 43 % des consommations d’énergie et 25 % des émissions de gaz à effet de serre, il est impératif d’agir : comment l’assureur peut-il s’inscrire dans le cercle vertueux de la construction durable et numérique, tout en maitrisant ses risques et ses capacités financières ?

Une mutation plurielle de l’acte de construire

La mutation amorcée est plurielle, elle s’appréhende au regard des évolutions de la société et ne peut être raisonnablement envisagée qu’au regard de l’innovation entendue sous un aspect technique. D’une part, les attentes des consommateurs immobiliers ont évolué : le logement ou l’espace de travail n’est plus celui qu’il était lorsqu’Adrien Spinetta envisagea à la fin des années soixante-dix le régime de responsabilité des intervenants à l’acte de construire. Placé au centre de la réforme législative entreprise il y a maintenant quarante ans, le consommateur immobilier attend aujourd’hui du bâtiment un véritable service immobilier : confort, performance énergétique, usage, qualité de l’air, mobilité, modularité des espaces, interface logistique, connectivité, communication… D’autre part, bien plus qu’une simple surface habitable assurant le clos et le couvert, le bâtiment s’analyse comme un espace de bien-être et de confort alliant tous types de performances et destiné à s’insérer dans un espace urbain soucieux de son environnement, de l’équité sociale, de sa durabilité, de sa connectivité. La mue suit, de toute évidence, les aspirations et transformations sociales et sociétales qui émergent ainsi que les exigences écologiques et démographiques. Cette transformation de la destination du bâtiment se ressentira sur la responsabilité des constructeurs et par ricochet sur le régime d’assurance obligatoire.

5 La Mutuelle des architectes français, assureur historique de la profession d’architecte, commence à intégrer dans ses polices d’assurance les missions BIM de ses sociétaires, des contrats qui fixent les définitions, les rôles, les responsabilités, avec des outils pour formaliser cette nouvelle acceptation du risque.

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Transformation de l’approche constructive

Le développement des outils numériques modifie en profondeur de nombreux paramètres, il en est ainsi de l’approche constructive d’abord. Qu’il s’agisse d’opération de construction neuve ou de rénovation du bâti existant, le numérique révolutionne l’acte de construire : approche collaborative sur les chantiers, amélioration de la conception, anticipation des contraintes techniques et financières du chantier et plus largement du projet et du cycle de vie du bâtiment. Les interactions croissantes entre droit immobilier, droit de la construction et des nouvelles technologies sont observées avec beaucoup d’attention et la question de la gestion des flux de données générées par les projets de Smart Building/Smart Cities apparait centrale et prioritaire pour des questions évidentes de liberté et de sécurité. La maquette numérique BIM également, outre la question de sa propriété en tant qu’œuvre collaborative, pose la question plus pertinente de la valeur des données créées, de leur fiabilité et de leur propriété. La valeur des données « bimées » est considérable, dans la mesure où elles peuvent être réutilisées en phase exploitation, et pourraient se transmettre dans le temps au cours de la vie du bâtiment et des mutations de propriété, il est donc impératif de « les identifier et de déterminer leur statut juridique »6. Les intervenants à l’acte de construire doivent se réinventer, se former et maitriser ce nouveau savoir-faire qui optimise le bâtiment et ses performances. L’offre assurantielle doit également s’adapter aux nouveaux risques que crée, en amont de la construction, la maquette numérique BIM (risques de détérioration, perte ou piratage des données numérisées, mais également risque d’erreur de conception de la maquette, pouvant entraîner la survenance de sinistres dont il faudra nécessairement déterminer l’imputabilité). L’approche de l’usage et de l’utilisation du bâtiment ensuite se trouve impactée. L’introduction du numérique dans le bâtiment et l’émergence, puis à terme la généralisation, des projets Smart Bulding/Smart Cities, permettent d’appréhender le bâtiment et, à l’échelle supérieure, le quartier et la ville, comme une entité intelligente dotée de systèmes d’échanges et de communication, permettant des transferts de données diverses destinées à rendre celle-ci performante à tous les niveaux : énergie, sécurité, services, espaces urbains connectés, interactifs et évolutifs au service des usagers et consommateurs immobiliers… Une fonction de production de l’énergie est également attendue de ces bâtiments intelligents avec à terme

6 Xavier Pican, Plan de transition numérique du bâtiment, Rapport « Droit du numérique et Bâtiment », 31 janvier 2016.

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une autosuffisance en énergie par la voie des smart grids7, à l’échelle d’un quartier, d’une ville et pourquoi pas d’une région. L’autoproduction de l’énergie rendue envisageable par la convergence entre le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et des énergies renouvelables, fait du bâtiment l’un des piliers de la « Troisième révolution industrielle »8 par les possibilités qu’il offre en termes d’installation et de redistribution décentralisée de l’énergie à l’échelle urbaine, mais également dans les territoires plus reculés. Ces avancées techniques questionnent car leur l’efficience ne peut s’affranchir de garanties pérennes pour le consommateur final et l’investisseur.

L’évolution des techniques constructives et des matériaux

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Le bâtiment est devenu performant à tous points de vue et les données acquises de la science et les technologies émergentes permettent l’optimisation des matériaux de construction en fonction des performances qui en sont attendues : esthétiques, acoustiques, thermiques, digitales… L’accélération et le développement croissant de l’innovation dans le bâtiment obligent à porter des jugements de valeur rapide sur des procédés, des techniques ou des matériaux innovants. Cette estimation concerne, outre les constructeurs et fabricants, leurs assureurs de responsabilité qui sont, de par l’inversion du cycle de production9 qui les caractérise, contraints au juste provisionnement des risques qu’ils portent. L’assureur en tant que porteur de risque joue un rôle majeur dans la prévention, paramètre indispensable à la mise en œuvre de son dispositif de gestion de risques lui permettant d’identifier, de mesurer, de contrôler et gérer les risques auxquels il s’expose. Se pose donc la question de l’assurabilité des techniques, procédés et matériaux innovants qui, par définition, ne bénéficient pas d’un retour d’expérience suffisant pour en appréhender précisément les risques. L’assureur doit cependant accompagner l’innovation et la rendre possible, ce qui exige de la prévisibilité.

7 Réseaux électriques intelligents auxquels sont ajoutés des fonctionnalités issues des nouvelles technologies de l’information et de la communication, dans le but d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité à tout instant et de fournir un approvisionnement sûr, durable et compétitif aux consommateurs. 8 Jeremy Rifkin, La Troisième Révolution Industrielle, Édition Les Liens qui Libèrent, septembre 2015. 9 L’assureur reçoit le règlement de la prime pour une prestation dont le versement est conditionné à la réalisation du risque assuré. Les entreprises d’assurance sont donc contraintes de constituer des provisions pour disposer des capacités financières suffisantes en cas de réalisation du risque. Voir François Ewald et Patrick Thourot, in Gestion de l’entreprise d’assurance, Dunod.

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DOSSIER En résumé, le bâtiment devenu intelligent et connecté porte au centre de ses préoccupations la performance et dans une autre mesure l’occupant et son confort, modifiant progressivement la destination des ouvrages en phase avec les aspirations des consommateurs immobiliers. La prolifération des projets de construction durables et performants s’inscrit dans une évolution globale du marché immobilier où le verdissement est en passe de devenir la norme. Dans ce contexte, d’innovation, de changement de paradigme et d’accélération du marché, l’assurance ne doit pas apparaitre comme un frein rigoriste : bien au contraire, l’assurance a, dans cette étape de transition, un rôle fondamental à jouer. Dès 2012, le projet ELIOS 1 (European Liability Isurance Organisation Schemes)10 entrepris dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative européenne « Marché porteur pour l’Europe »11, a analysé les régimes de responsabilité et d’assurance dans le secteur de la construction à l’échelle européenne. Les travaux menés dans ce cadre par le consortium CEA/CSTB (Centre d’étude et d’assurance et Centre scientifique et technique du bâtiment) ont mis en exergue la nécessité pour le secteur de l’assurance construction de compter parmi les acteurs stimulant de l’innovation et du développement durable. Les attentes impérieuses liées au développement durable s’accompagnent naturellement d’un besoin de sécurisation et de garanties pour les utilisateurs finaux et les investisseurs. Or, la commercialisation et le développement d’offres immobilières durables s’accompagnent de promesses de performances spécifiques qui, dans l’hypothèse où elles n’étaient pas atteintes, pourraient se relever décourageantes pour les consommateurs et investisseurs immobiliers.

De nouveaux risques à appréhender

La transformation de la chaîne de valeurs implique l’émergence de risques nouveaux qui devront trouver une réponse assurantielle au travers des offres innovantes en adéquation avec les transformations en cours et celles à venir. Comment appréhender les « nouveaux » risques et les traiter en considération des innovations techniques et technologiques liées aux enjeux du développement durable, mais également eu égard à la redistribution des rôles des intervenants à l’acte de construire et au regard de la prise en compte des at-

10 CEA/CSTB, Rapport final ELIOS, Les régimes de responsabilité et d’assurance dans le secteur de la construction : schémas nationaux et orientations visant à stimuler l’innovation et le développement durable, 30 avril 2010. 11 Projet pilote soutenu par le Parlement européen pour faciliter l’accès des artisans et des petites entreprises du bâtiment aux assurances afin d’encourager l’innovation et la promotion des écotechnologies dans l’Union européenne.

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tentes et du confort des consommateurs immobiliers qui tendent à transformer la destination de l’ouvrage à l’échelle du bâtiment, du quartier et de la ville ? La responsabilité des constructeurs et l’assurance obligatoire y afférant s’inscrivent dans un régime d’ordre public dont la souplesse des notions initiales a permis une large part d’interprétation prétorienne, souvent source d’insécurité juridique pour les assureurs qui portent le risque décennal, mais permettant par ailleurs l’adaptabilité du système aux évolutions. Le BIM, (potentiel) puissant vecteur de maitrise du risque et de gestion des coûts globaux d’une opération de construction, offre au secteur de l’assurance la possibilité d’anticiper la maitrise des risques et des coûts de leurs propres offres assurantielles.

Qu’en est-il de l’innovation assurantielle sur le marché de la construction ? La mutation amorcée dans l’acte de construire génère de nouvelles situations de risques qui peinent à trouver des solutions d’externalisation adaptées sur le marché de l’assurance construction : rénovation énergétique du bâti existant, garantie de performance énergétique, garantie de la production d’énergie renouvelable, assurabilité des produits innovants notamment biosourcés, intégration du digital dans l’acte de construire et dans la construction… Faute de retour d’expérience suffisant et de possibilité d’éprouver ces innovations au travers des calculs probabilistes certains, l’innovation dans les produits d’assurance ne fait pas légion, ou plutôt les produits proposés s’apparentent le plus souvent à des coquilles vides tant ils sont conditionnés, limités, franchisés et plafonnés. L’exemple le plus topique est celui de la garantie de performance énergétique dont la quasi-totalité des assureurs se sont dotés mais qui ne trouvent pas son public.

Un engagement de performance énergétique réelle est-il assurable ? L’engament de performance énergétique réelle correspond au calcul prévisionnel des coûts de consommation d’un bâtiment en fonction du comportement réel des usagers, des équipements et en fonction du climat. La mise en place de garanties portées par des assureurs pourrait permettre : - d’assurer au maître de l’ouvrage, la pérennité de son investissement et l’assurance que les engagements promis seront indemnisés le cas échéant ; - la possibilité pour les plus petites entreprises d’offrir également ce type de prestations qui en l’état Mars 2018 •


concernent des marché globaux (types CREM12) et sont proposées par les majors de la construction ; - le développement des contrats de performance énergétique et leur déploiement au plus grand nombre de projets de construction et de rénovation pour répondre aux ambitions de massification du contrat de performance énergétique voulu par les pouvoir publics13. À ce jour, aucune compagnie d’assurance n’accepte de couvrir le contrat de performance énergétique.

Le contrat de performance énergétique est-il assurable ?

Il semble que les assureurs considèrent que la prise d’engagements de performance énergétique réelle n’est pas un risque assurable, s’agissant selon certain d’un risque d’entreprise14 : dépourvu d’un aléa suffisant pour être assurable et envisagé comme une charge de responsabilisation de l’entreprise qui prend des risques dans l’exercice de son activité.

demeurent assurables (indemnisation des conséquences mais pas de la cause). La garantie de performance énergétique consiste en la réparation de l’entier préjudice résultant de la non atteinte de l’objectif d’amélioration de la performance énergétique fixé dans le contrat de performance énergétique (CPE). Une indemnité correspondant à l’équivalent économique de tout ou partie de l’écart entre la quantité d’énergie contractuellement garantie et la quantité d’énergie effectivement consommée et mesurée peut donc être due par l’entreprise au maître de l’ouvrage. Inversement, en cas d’amélioration de la performance énergétique au-delà de l’objectif contractuel, l’entreprise reçoit un intéressement aux économies d’énergie supplémentaires réalisées. L’objectif est vérifiable et mesuré en application d’un plan de mesures et de vérifications et implique une maîtrise de la performance sur l’ensemble des phases.

Il est classiquement considéré que l’entreprise porte seule la charge des risques liés aux performances de ses produits et services bien que les conséquences

Partant, plus qu’un risque d’entreprise, offrir la garantie de la performance énergétique de ses produits ou services relèvent pour l’entreprise d’un risque stratégique pour améliorer sa position sur un marché dans le but d’optimiser ses gains.

12 Conception/réalisation/exploitation/maintenance.

La décision prise par un constructeur d’apporter à ses clients des promesses de performances énergétiques réelles, bien que participant d’une décision de gestion stratégique de l’entreprise, comporte un aléa, celui de la non atteinte des objectifs qui auront été fixés.

13 Plan Climat, Concertation sur le plan de rénovation énergétique des bâtiments, http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/plan_ renovation_batiments.pdf 14 Rapport sur les contrats de performance énergétique, Olivier Ortega, avocat associé, Lefèvre Pelletier et Associés, mars 2011

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Focus - La garantie de performance énergétique portée par les assureurs La garantie proposée, dont le contenu est sensiblement similaire d’un assureur à l’autre prévoit : - avant réception des ouvrages, la prise en charge les frais nécessaires pour qu’il soit remédié aux irrégularités figurant dans l’attestation de prise en compte de la RT 2012 à l’achèvement des travaux, à l’exception des réserves formulées par un bureau de contrôle ou un BET thermicien et non levées ; - après réception, la prise en charge des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile incombant à l’assuré en raison des non-conformités à la RT 2012 affectant l’ouvrage, à l’exception des réserves formulées par un bureau de contrôle ou un BET thermicien et non levées. D’autres proposent une prise en charge peu étendue en cas de dépassement de la consommation conventionnelle maximale d’énergie primaire définie dans la RT 2012 pour les postes de consommations : chauffage, production d’eau chaude sanitaire, refroidissement, éclairage, auxiliaires de chauffage et de ventilation. Certaines propositions issues du courtage semblent plus innovantes. Le courtier grossiste Verspieren a conçu un certain nombre de produits d’assurance de performance énergétique qui s’adressent à différentes typologies d’acteurs : - garantie de performance énergétique des bâtiments neufs qui garantit la conformité énergétique dans le neuf à l’achèvement des travaux et la performance énergétique (GPE) des bâtiments neufs ; - garantie de performance énergétique pour les constructeurs de maisons individuelles qui couvre les travaux de remise à niveau d’un bâtiment, en cas de surconsommation d’énergie ; - assurance des bâtiments durables : un contrat multirisques bâtiment prévoit une reconstruction «verte» post sinistre ; - responsabilité civile professionnelle des bureaux d’études thermiques, qui prend en charge la remise aux normes d’un bâtiment, en cas de défaut de performance énergétique ; - garantie de performance énergétique rénovation pour les risques liés aux travaux de rénovation énergétique ; - garantie des économies d’énergie en cas de changement d’équipement. Ces produits sont cependant peu distribués et les conditions générales des garanties ne sont pas diffusées de sorte qu’il est difficile d’en faire une analyse pertinente. En toute hypothèse, ils ne concernent pas la couverture d’engagements de performance énergétique réelle.

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DOSSIER Cette non-atteinte pouvant résulter de divers paramètres : - défaut de conception ou d’exécution des installations mises en œuvre ; - phénomène climatique hors norme ; - évolution des usages de consommations. Ces paramètres sont aléatoires, de sorte que le refus des assureurs de se voir transférer ce type d’engagements semble plus vraisemblablement lié au fait qu’il s’agisse d’un risque nouveau, dépourvu de retour d’expérience permettant les calculs probabilistes d’occurrence de leur réalisation. Pourtant il ne s’agit pas de rendre assurable un produit vendu par l’entreprise mais la promesse d’atteinte d’un niveau de performance convenu entre les parties. Le caractère purement contractuel ne fait aucun doute mais celui-ci n’empêche pas son assurabilité et l’intérêt que pourrait en retirer le secteur. Le développement des outils digitaux de management de consommation et de performance énergétique intégrés au bâtiment (IoT), permet des mesures fiables et un traitement efficace des données des consommations énergétiques. Le développement d’un portage externalisé du « risque CPE » permettrait aux petites et moyennes entreprises de généraliser ces types d’offres évitant qu’elles ne soient réservées à des projets d’ampleur et des marchés globaux. Il pourrait par ailleurs être judicieux de proposer ce type de garantie de manière facultative, pour éviter le risque d’encourir une impropriété à destination en matière de performance énergétique, telles que définie par l’article L. 113-11-1 du Code de la construction et de l’habitation. En effet, le CPE conclu en considération des objectifs de consommation réelle des bâtiments, fixe le cadre des engagements pris : - en termes de surconsommation énergétique ; - au regard du coût qui en résulterait ; - en tenant compte des conditions d’usage et d’entretien du bâtiment. Le CPE consiste finalement à donner une définition convenue aux critères retenus par la loi pour qualifier l’impropriété à destination en matière de performance énergétique. Elle est constatée dans l’hypothèse où un dommages résulterait d’un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l’ouvrage, de l’un de ses éléments constitutifs ou de l’un de ses éléments d’équipements conduisant, toute condition d’usage et d’entretien prise en compte et jugée appropriée (qui auront été préalablement définis dans le CPE), à une surconsommation énergétique (par rapport à des attentes, normes, label, définis dans le contrat) ne permettant l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant (seuil également défini aux termes des engagements pris par le constructeur). La conséquence en serait finalement l’intégration des engagements de performance réelle dans le champ de la responsabilité civile décennale des construc

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teurs au titre de l’impropriété à destination en matière de performance énergétique telle que « définie » par l’article L. 113-11-1 du Code de la construction et de l’habitation. En voulant circonscrire la responsabilité civile décennale en matière de performance énergétique au regard des calculs conventionnels de la RT 2012, la loi n’offre-t-elle pas la possibilité de tout simplement intégrer le CPE dans le champ de la responsabilité civile décennale des constructeurs, dès lors que les critères évoqués dans l’article auront été circonscrits par le contrat de performance énergétique.

Le cout réel du risque et les contraintes de solvabilité des compagnies d’assurance

La mise en œuvre d’un système d’assurance obligatoire dans le domaine de la construction a permis d’apporter aux maîtres d’ouvrage et aux investisseurs immobiliers la garantie de leur investissement. Le système d’assurance instauré par la loi sépare la réparation des désordres de nature décennale de la recherche des responsabilités, dans le but d’apporter une protection efficace et une indemnisation rapide du maître de l’ouvrage. Pour ce faire, le législateur a imaginé une présomption de responsabilité combinée à un système original à double détente qui combine deux assurances obligatoires (dommages-ouvrage et responsabilité civile décennale). L’objet, l’étendue, la nature et le fonctionnement de ces assurances obligatoires sont régis par des clauses types, corpus réglementaire garantissant aux preneurs d’assurance et aux bénéficiaires, la certitude de disposer de garanties au moins équivalentes à ce qu’a prévu le législateur. Les conditions d’accès à l’assurance sont également favorisées par la mise en place du Bureau central de tarification. La garantie offerte couvre la durée de la responsabilité encourue par l’assuré et pour permettre une période de garantie ferme de dix ans, les primes perçues sont gérées suivant un système de capitalisation. Dans un système de gestion par capitalisation, les primes perçues au cours d’une année sont placées sur des véhicules financiers sécurisés qui servent à constituer des provisions et doivent permettre de payer tous les sinistres qui surviendront pendant dix ans à compter de la réception de l’ouvrage. Ce système présente l’avantage de maintenir la garantie des constructeurs sans paiement de cotisations supplémentaires et d’assurer aux bénéficiaires de la garantie une période de couverture de dix ans ferme, indépendamment de la survie économique du constructeur. Dans ce système, les primes sont tarifées selon les calculs et probabilités de risque établis l’année où elles sont perçues, de sorte qu’un réajustement en fonction de l’évolution du risque n’est pas permis dans un tel schéma, à la différence de ce qui se fait dans un Mars 2018 •


système de gestion par répartition ou chaque année la prime est réévaluée en fonction du coût réel du risque porté. Il en résulte une difficulté dans l’évaluation du risque décennal géré en capitalisation et une dépendance de la branche du niveau des véhicules financiers sur lesquels sont placées les primes pour constituer les provisions. Un rapport sur l’assurance construction présenté le 1er janvier 2006 et mené par Georges Mercadal15, estimait que 1 % de baisse du taux de rémunération des placements oblige à augmenter les tarifs de 10 %. Le risque construction est un risque long (dix ans, ferme) géré simultanément par capitalisation pour le risque RCD16 et DO17 et par répartition pour les garanties facultatives complémentaires. Le risque est réglementé puisque l’assurance RCD et l’assurance DO sont des assurances obligatoires. C’est un risque incertain, qui évolue dans un environnement réglementaire contraignant, sujet à l’interprétation souveraine des juridictions et qui dépend de considérations difficilement maîtrisables pour l’assureur. En outre, le risque construction intrinsèquement lié aux évolutions sectorielles, subit les impacts des transitions environnementales et numériques sans disposer de la prévisibilité mathématique nécessaire à sa parfaite maîtrise par l’assureur. Les attentes des consommateurs immobiliers se modifient, le monde de la construction s’y adapte et la destination des ouvrages change mais l’assureur qui porte le risque, qui doit le calculer et le gérer, ne dispose pas d’un niveau d’anticipation suffisant sur la sinistralité à venir. C’est enfin un risque coûteux, la prise en charge des désordres par l’assureur obligatoire se fait, à l’exception des constructions destinées à un autre usage que l’habitation, sans limitation, puisque la garantie porte sur la réparation intégrale des dommages matériels affectant l’ouvrage y compris les frais annexes de déblaiement, dépose, repose, mesures conservatoires… L’indemnisation peut donc dépasser largement le coût total de la construction initiale. De la mise en exergue de ces caractéristiques résulte la difficulté liée au provisionnement des sinistres et donc aux besoins en capital des compagnies qui portent le risque construction. Les entreprises d’assurance sont encadrées par des règles prudentielles strictes actuellement issues de la directive européenne n° 2009/138 du 25 no-

15 Réflexion sur l’assurance construction, la prévention, la qualité et mesures proposées pour en améliorer le fonctionnement, 2006. 16 Responsabilité civile décennale. 17 Dommages-ouvrage.

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vembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et de leur exercice, dite directive « Solvabilité 2 ». La règlementation prudentielle ainsi mise en œuvre a pour objectifs de : - renforcer l’intégration du marché européen de l’assurance ; - améliorer la protection des preneurs d’assurance ; - renforcer la compétitivité des assureurs et réassureurs européens au plan international ; - promouvoir une meilleure réglementation. Pour parvenir à ces objectifs, il est notamment prévu que les exigences de fonds propres des compagnies reflètent le profil de risque propre à chaque entreprise d’assurance, qui sont encouragées à mieux gérer leurs risques. La qualité de la gestion des risques et la solidité des contrôles internes sont renforcées. L’application concrète de ce nouveau régime prudentiel modifie en profondeur le régime actuel fondé sur des provisions suffisantes, des actifs admissibles comptabilisés en coût historique et une marge de solvabilité indexée sur les cotisations.

L'ASSURANCE CONSTRUCTION

DOSSIER

Le nouveau régime prudentiel s’appuie sur un bilan économique en juste valeur, une approche fondée sur des principes et non sur des règles, des exigences capitalistiques davantage en lien avec le profil de risque des entreprises, un renforcement de la gouvernance pour optimiser la gestion de risque, outre un contrôle des groupes. La directive « Solvabilité 2 » impose aux organismes assureurs et réassureurs de déterminer un montant de fonds propres permettant de réduire leurs probabilités de ruine à 0,5 %. Il est donc prévu que les risques portés reçoivent un traitement réglementaire en adéquation avec leur coût économique réel : la directive « Solvabilité 2 » oblige à une meilleure analyse et compréhension des risques. Dans ces conditions, compagnie monobranche et les branches couvrant des risques lourds sur du long terme feront l’objet d’exigences quantitatives plus élevées qui pourraient impacter les tarifs. Pour ces branches, le recours à des techniques d’atténuation des risques et la mise en œuvre de produits novateurs est fondamental. C’est précisément le cas dans la branche assurance construction. Compte tenu du nouveau régime de gestion prudentiel du risque, en rapport avec son coût réel dans l’économie, établi par la directive « Solvabilité 2 », se pose un problème d’estimation des provisions techniques et du capital de solvabilité nécessaires pour assurer le paiement des indemnités le moment venu. Pour encourager l’innovation et la promotion du développement durable dans la construction, celle-ci doit s’accompagner de prévention et de garantie pérennes. La difficulté d’appréhension des impacts des transitions environnementale et numérique dans le bâti-

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DOSSIER ment a pour conséquence en l’état, l’absence de produit d’assurance adapté ou adaptable sur le marché de l’assurance construction : un risque mal maitrisé n’incite guère à l’innovation et un risque n’est assurable que si l’on peut lui donner un prix. Par ailleurs, la branche construction subit les conséquences d’une sinistralité accrue ces dix dernières années, ce qui ne constitue pas un contexte favorable à l’innovation. Les assureurs voient arriver de nouvelles générations de bâtiments, intelligents, connectés, comprenant des matériaux multifonctions (exemple des panneaux photovoltaïques qui assurent à la fois le clos et le couvert d’un bâtiment et la production d’énergie). Le bâtiment se détermine conventionnellement autour de nouvelles attentes (performance énergétique, économie d’énergie, C2C, confort, services…). La notion même de propriété, jusqu’alors sacralisée, voit ses contours se redessiner : usage, mobilité, multimodalités…

L’application pour l’analyse prédictive de sinistralité est née d’un constat pluriel. Le marché de l’assurance construction est complexe, techniques, sujet aux fluctuations conjoncturelles du secteur du bâtiment et de l’immobilier, les produits d’assurance distribués ne sont pas forcément en adéquation avec le secteur de la construction qui évolue plus rapidement. L’assureur construction est amené à jouer un rôle pour rassurer les investisseurs qui souhaitent participer aux cercles vertueux de la construction durable. Le marché de l’assurance construction est exposé ces dernières années à une sinistralité accrue d’ampleur et de fréquence, en partie liée au développement du marché de l’immobilier durable. L’application pour l’analyse prédictive de sinistralité en assurance construction est un outil digital de traitement actuariel de données issues des travaux menés depuis 1982 par l’Agence qualité construction qui identifie, répertorie et probabilise l’occurrence des pathologies du bâtiment, de la jurisprudence permettant notamment d’identifier les cas d’espèce ou classique d’exposition au risque décennal des constructeurs, des données des maquettes BIM de projets de construction ou des bâtiments existants, permettant d’envisager l’ensemble des scénarii de sinistres susceptibles de survenir. L’application permet d’optimiser la souscription des produits d’assurance de cette branche au travers d’une parfaite maîtrise des risques et de leur assurabilité, d’appréhender et gérer la sinistralité de manière efficace et en conformité avec les obligations réglementaires qui pèsent sur les entreprises d’assurance, de promouvoir ainsi la qualité de la construction durable et l’accès à l’assurance pour tous les intervenants à un prix raisonnable, quels que soient les techniques constructives et les matériaux employés, de permettre aux entreprises d’assurance d’apporter des offres assurantielles pérennes en adéquation avec les transformations qui touchent le secteur du bâtiment et de la construction. Elle s’adresse aux assureurs construction et distributeurs de produit d’assurance construction (agents généraux, courtiers directs disposant de délégations de souscription, courtiers grossistes), assureurs dommage (MRH, risque industriel, exploitation) et leurs réseaux de distribution, maître d’ouvrage soucieux de la qualité de leurs ouvrages et du taux de satisfaction client et intéresse également les sociétés de tiers financement qui manifestent un vif intérêt pour son exploitation.

L’arrivée des nouvelles technologies, de nouvelles techniques constructives et d’attentes différentes des consommateurs immobiliers, a nécessairement un impact sur la détermination de l’assiette des garanties et des primes : il convient de tenir compte des évolutions technologiques pour définir et adapter les garanties aux besoins des assurés. « L’univers des risques est en expansion »18, ce qui offre des opportunités de croissance à ceux dont l’essence même et de porter les risques ; plus une société se développe plus son exposition aux risques croit : cette tendance favorise l’externalisation des risques vers des entités solvables, saines et prudentes. Le système de responsabilité et d’assurance obligatoire qui accompagne l’acte de construire ne semble pas devoir pour autant être réformé : - d’une part, les bénéfices de ce régime sont incontestables et en quarante ans d’existence, il a largement fait ses preuves ; - d’autre part, les intentions quarantenaires du législateur sont d’une actualité frappante : tout ou presque avait été pensé. Le régime ne pourra que se bonifier avec l’avènement du BIM et offrir aux assureurs, la prévisibilité nécessaire aux calculs mathématiques dont ils ont tant besoins. L’offre de garanties innovantes, en adéquation avec les nouveaux enjeux et risques sommairement mis en exergue, devrait naturellement s’inscrire dans les bilans stratégiques des assureurs et réassureurs. Et ce, d’autant que le monde de l’assurance a contractualisé le 20 janvier 2009, une charte du développement durable aux termes de laquelle assureurs et réassureurs se fixent des objectifs de lutte contre les effets du changement climatique et d’accompagnement du développement économique durable, notamment par des actions de prévention, mais aussi par la création de garanties adaptées aux nouveaux enjeux induits par la transition environnementale. Les intentions sont là, et nul ne peut raisonnablement douter de la place que le secteur prendra dans cette transition mais cette implication de l’assureur dans la construction durable ne pourra se faire qu’au moyen d’une prévisibilité des risques encourus, d’une adaptation des produits d’assurance existants et de la création de garanties pérennes.

Sarah Romeo, avocat au barreau de Paris mandataire en transaction immobilière

18 Denis Kessler, Président de SCOR.

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À VOS PLUMES

Quels logements pour les millennials ?

Xavier Lépine, président du directoire, La Française

Ils sont 16 millions en France, 2,3 milliards dans le monde et en 2030 ils représenteront 75 % de la population active... les millennials vont peu à peu imposer leurs valeurs et leurs modes de vie, autant bien les connaître pour mieux les servir. Caractérisés par une très faible attache et une folle capacité de zapping, ils ne se sentent liés à aucun produit ou service et leurs critères sont la facilité, l’efficacité et la rapidité. YOLO (You Only Leave Once) et FOMO (Fear Of Missing Out) sont leurs règles de vie. Dans le domaine de l’épargne immobilière qui reste au centre des préoccupations car quoiqu’il advienne se loger reste une nécessité incontournable, le millennial est mobile, a de moins en moins la capacité d’acheter en pleine propriété (l’urbanisation et la rareté du foncier ont augmenté les prix) et sa vie n’a pas la linéarité des générations précédentes. En effet, sa fonction d’utilité est toute à creuser dans la mesure où elle devient clairement une juxtaposition d’utilités marginales : aucune composante n’est prépondérante pour le millennial si ce n’est sa liberté, la qualité du service, sa capacité à le customiser à sa guise et son intransigeance quant à la maîtrise de son destin. Ses besoins immobiliers, comme sa capacité financière, changent régulièrement. De plus en plus, il sera attaché aux services qui seront liés à son logement : wifi, conciergerie, garde d’enfants, équipements sportifs ou de loisirs, co-working, co-living à la carte, menus travaux… Les modes de vie privilégiés par les millennials sont à l’intersection de trois tendances lourdes et de long terme qui n’ont pas véritablement trouvé de traduction dans la façon dont on produit et on gère le logement. En premier lieu, l’allongement de la durée de la vie a transformé l’expérience de la transmission de patrimoine puisque l’héritage intervient désormais

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plutôt au moment de la retraite qu’au moment du mariage. La probabilité qu’un ménage hérite d’une habitation correspondant à ses besoins du moment est désormais quasi-nul et les notaires le savent, qui constatent que le premier réflexe des héritiers d’une résidence principale est le plus souvent de la mettre en vente. En second lieu, les parcours familiaux sont beaucoup moins linéaires et prévisibles qu’ils ne l’étaient traditionnellement. Pour un individu donné, le nombre de personnes avec lesquelles il partage son logement est devenu une fonction beaucoup plus volatile que par le passé. Divorces et séparations, nouvelles unions et familles recomposées se multiplient et créent autant de variations dans la configuration du logement idéal. Enfin, les parcours professionnels sont aussi beaucoup plus hachés que par le passé. On change désormais de poste, d’entreprise, de métier, de statut… de façon plus fluide. Ce phénomène est totalement intégré par les jeunes générations et tout indique que la tendance va se renforcer. Cela a forcément des conséquences sur la façon dont chacun souhaite se loger. En particulier, l’accès à la mobilité devient un enjeu de plus en plus fort. Pour pouvoir saisir les opportunités qui se présentent il faut soit habiter à proximité d’un hub de transport, soit être capable de déménager en limitant les frottements financiers. Dans un monde où n’existent comme alternatives pour se loger que la propriété classique et la location simple, cette dernière semble plus compatible avec les exigences des millennials. La location permet en effet la flexibilité rendue si désirable par les modes de vie et de travails contemporains. Pourtant force est de constater que louer n’est considéré pertinent qu’au Mars 2018 •


À VOS PLUMES

début de la vie active ou dans des périodes de transitions personnelles ou professionnelles. Et dans ces cas, chacun pressent que la location est une activité en attente de sa disruption, les offreurs de solutions de « co-living » y travaillent et finiront par trouver la martingale. En dehors de ces moments particuliers, l’objectif des ménages est plutôt d’échapper à la location et de devenir propriétaire, quitte à renoncer à ces attributs essentiels que sont la souplesse et la flexibilité. Le désir d’utiliser son logement comme un stock d’épargne l’emporte sur les autres considérations. Pourtant, avec l’augmentation des prix du foncier dans les lieux les plus désirables, le renoncement à la flexibilité chère aux millennials s’accompagne aussi d’importants compromis sur la qualité de vie. Pour devenir propriétaire, on arbitre en faveur de logements éloignés des zones d’opportunités personnelles et professionnelles et/ou trop exigus. Pour l’acquisition immobilière aussi, la disruption est attendue par beaucoup. Toute solution nouvelle permettant d’utiliser le logement comme un accumulateur d’épargne sans impliquer la rigidité et les renoncements liés à la propriété classique mérite d’être sérieusement étudiée. Plusieurs pistes pourraient déjà être envisagées sans nécessité d’évolutions législatives ou règlementaires. Du la plus simple à la plus innovante : le « crédit ballon », le « prêt au bien » et la « propriété à vie ». Le « crédit ballon » consiste pour l’acheteur à souscrire un emprunt avec une tranche classique pour une part (par exemple 50 %) et une autre avec remboursement in fine (50 % dans notre exemple). Pendant 20 ans il paye les intérêts des deux tranches, mais ne rembourse le capital que de la première. Au terme des 20 ans, il doit rembourser la deuxième tranche. Il le fait soit en vendant le bien, soit en mobilisant les économies réalisées entretemps. La « prêt au bien » tire les conséquences du fait que la durée de vie d’un bien immobilier est plus longue que celle de l’emprunt pour le rembourser. Dans ce dispositif, la banque prête une part du capital à l’acheteur (par exemple 50 %) sur 20 ans et le reste « au logement » pour une durée indéfinie. Pendant 20 ans l’acheteur rembourse le prêt qui lui est consenti et paye les intérêts sur l’autre ; au-delà il ne paye que les intérêts sur la fraction du prêt non remboursée. Quand il cède le logement (ou le transmet), il le fait avec le prêt attaché au bien. Le nouveau propriétaire continue de payer les intérêts sur le prêt « au logement ». La « propriété à vie » consiste pour l’acheteur à acquérir la propriété pleine du logement pour une durée correspondant à son espérance de vie (par • Mars 2018

exemple 50 ans pour une personne de 35 ans). Pendant toute la durée du contrat la foncière qui le lui a vendu s’engage à le lui racheter sur simple demande à un prix fixé d’avance (décroissant dans le temps). Ce dispositif est sans doute celui qui correspond le mieux aux millennials. Il revient en dernière analyse à une « définanciarisation » de la résidence principale. Choisir la propriété « pour la vie », c’est privilégier la valeur d’usage sur la valeur patrimoniale. Ces trois dispositifs ont un point commun essentiel, ils permettent de baisser le cout mensuel de l’acquisition d’un logement d’environ 30 %. Ils ont un effet de solvabilisation massif et donnent donc potentiellement accès aux secteurs où s’exerce la pression sur les couts du foncier. Or, ces prix ne sont que le reflet de la réalité, ils sont élevés car les quartiers en question sont hautement désirables. En permettant à plus de ménages d’avoir les moyens de s’y loger hors de la location classique, on augmente leur densité potentielle et ce faisant on limite l’étalement urbain, on favorise la mixité sociale en cœur de ville, on rapproche les actifs des emplois ce qui est à la fois bon pour la qualité de vie de chacun et pour les ajustements sur le marché du travail… Bien sûr, rien n’interdirait à un ménage qui aurait fait le choix d’une de ces solutions à un moment ou ses ressources ne lui permettaient pas plus, de revenir dans le schéma classique de la propriété de son logement à un moment ou ses revenus auront augmenté. Mais ne peut-on pas anticiper, à l’inverse, que ces propriétaires d’un nouveau type iraient au bout de la logique et consacreraient leur surcroît d’épargne à d’autres investissements plus liquides pour leurs futurs héritiers, plus facilement mobilisables par anticipation et plus productifs pour l’économie ? Ces dispositifs correspondent aux mouvements de fond qui traversent la société. Leur succès servirait de fondement à une réflexion sur ce que doit offrir un logement à l’heure de la « civilisation de l’usage ». Quels services associés au logement ? Quelle gestion des espaces communs ? Quel lien à l’espace public ? Quelle capacité d’évolution des surfaces ? Autant de questions qui nous ramènent aux préoccupations des millennials. L’innovation financière pourrait-elle être l’aiguillon de l’innovation sociétale ?

le millennial est mobile, a de moins en moins la capacité d’acheter en pleine propriété 53


s le ier r u bil po o ls m ie l’im t n e se s d s e l s ne e id ion u g ss 4 fe o pr

G U I D E S JURIDIQUES

2e édition

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Les Éditions du Moniteur vous présentent les guides juridiques immobiliers L’urbanisme commercial

L’urbanisme commercial Planification Planifi cation – AEC – Commissions d’aménagement commercial

Bertrand Boullé Damien Grosse Vincent Guinot

G U I D E S JURIDIQUES

VEFA, vente d’immeuble à rénover et CCMI Régime général - Règles spécifiques - Garantie des vices

Bertrand Boullé, Damien Grosse et Vincent Guinot

Emmanuel Sourdon

360 pages - 17 x 24 cm

392 pages - 17 x 24 cm

55 € - Réf. 113105

69 € - Réf. 113238

La référence pour présenter un dossier d’autorisation d’exploitation commerciale en toute sécurité juridique L’urbanisme commercial est l’ensemble des règles qui visent à permettre le développement harmonieux des activités commerciales dans l’espace urbain et péri-urbain. Cette 2e édition analyse et commente les nouvelles règles issues des réformes récentes et notamment les nouveautés issues de la loi Macron d’août 2015 : projets d’extension de commerces de plus de 1000 m2 de surface de vente, saisie directe de la CDAC en cas de modification substantielle d’un projet sans dépôt d’une nouvelle demande de permis, etc.

G U I D E S JURIDIQUES

L’assurance construction

Maîtriser tous les aspects techniques et pratiques de la réglementation Afin d’éviter toute confusion, cet ouvrage traite dans la première partie des différentes règles applicables aux ventes d’immeubles à construire en distinguant le régime général des règles propres au « secteur protégé » (locaux à usage d’habitation ou mixte). La deuxième partie est, quant à elle, consacrée aux ventes d’immeubles à rénover. Ce livre fournit également de nombreux documents types tels qu’un contrat préliminaire à une VEFA, un acte de vente à terme.

G U I D E S JURIDIQUES

L’assurance construction

Fiscalité immobilière

Régime juridique - Responsabilités - Obligations contractuelles

Acquisition – Gestion – Vente – Imposition

François-Xavier Ajaccio Albert Caston Rémi Porte

François-Xavier Ajaccio, Albert Caston et Rémi Porte 2e édition 2015 420 pages - 17 x 24 cm 55 € - Réf. 113135

Tout savoir sur l’assurance construction Organisé en deux parties, l’une consacrée à l’obligation d’assurance décennale et l’autre à l’assurance dommages-ouvrage, ce livre aborde toutes les questions que peuvent se poser les professionnels en matière de police dommages-ouvrage (DO), de responsabilité civile décennale, de police tous risques chantier (TRC), de déchéances, etc. Illustrée de nombreux exemples jurisprudentiels, l’analyse s’appuie également sur les arrêts de principe, cités et commentés, pour chaque thème abordé.

Emmanuel Sourdon 2015

2e édition 2016

2e édition

VEFA, vente d’immeuble à rénover et CCMI

Jean-Jacques Lubin Isidro Perez Mas

Fiscalité immobilière Jean-Jacques Lubin et Isidro Perez Mas 2013 516 pages - 17 x 24 cm 60 € - Réf. 112951

L’ouvrage incontournable pour optimiser la gestion d’un bien immobilier La fiscalité immobilière a été bouleversée, tant par les réformes du droit de l’urbanisme que par l’ensemble du dispositif Duflot. Cet ouvrage détaille chaque impôt et taxe en suivant la vie d’un bien immobilier, de son acquisition à sa vente, en passant par sa gestion et les impositions connexes. L’assiette, le calcul, les abattements et exonérations, la liquidation, le contrôle, les moyens de recouvrement et les dispositifs de défiscalisation auxquels le bien est soumis sont clairement établis.


Le maître d’ouvrage Le maître d’ouvrage, initiateur de la construction, devra passer un ou plusieurs contrats appelés marchés de travaux – juridiquement nommés contrats de louage d’ouvrage ou contrats d’entreprise – en vue de faire exécuter les travaux pour construire l’ouvrage. L’un des enjeux principaux consiste en la mise en place d’une relation contractuelle avec la maîtrise d’œuvre. La convention passée avec le maître d’œuvre est également qualifiée de contrat de louage d’ouvrage..

Cet ouvrage pédagogique recense les éléments clés de la gestion réussie d’une opération de construction et permet notamment de : – connaître les responsabilités des partenaires du chantier ; – mettre au point les marchés de travaux ; – planifier la préparation de chantier et l’exécution des travaux ; – créer le circuit financier adéquat ; – maîtriser les tâches liées à l’achèvement des travaux. Cette 12e édition fait suite à la réforme des règles d’achat et à la mise à jour des règles d’urbanisme opérationnel. Elle intègre également les nouvelles exigences liées aux réseaux enterrés ou sensibles et au repérage de l’amiante, et à la mise en place de la carte d’identification professionnelle. Enfin, elle tient compte de l’émergence de nouvelles pratiques liées notamment à l’accroissement du recours aux contrats globaux mais aussi à l’institutionnalisation du BIM (Building Information Modeling). Cet outil indispensable est aussi bien un aide-mémoire dans la pratique quotidienne des responsables de chantier qu’une présentation synthétique de la gestion de chantier pour tous les acteurs amenés à intervenir en phase d’exécution : architecte, bureau d’études, OPC, maître d’ouvrage, coordonnateur de sécurité et de protection de la santé, contrôleur technique et entrepreneur.

Conduire son chantier en 70 fiches pratiques

Chaque phase de la vie d’un chantier est minutieusement analysée et complétée de tableaux de synthèse et de rappels sur des points spécifiques, comme les limites de prestations, l’assistance à la rédaction du marché, etc.

Conduire son chantier en 70 fiches pratiques

Daniel Couffignal, ingénieur INSA et associé au Cabinet Clément & Associés, est spécialisé dans l’accompagnement des maîtres d’ouvrage publics. Pierre Haxaire, ingénieur INSA et gérant de la société Édiphice, est consultant-formateur auprès des acteurs de la construction.

Intervenants – Dossier marché de travaux : documents contractuels, rôle d’assistance du responsable des travaux.

Préparation du chantier : organisation générale, planification des travaux, planning, échéancier de versement des acomptes. Exécution des travaux : préalables, réunions de chantier, gestion des délais, contrôle de la qualité, gestion financière.

Achèvement du chantier : réception, conclusion financière et administrative, différends ou litiges.

Daniel Couffignal Pierre Haxaire

Extrait du sommaire

Jacques Armand et Yves Raffestin ont été les initiateurs de cet ouvrage dont ils ont écrit les premières éditions. Les suivantes ont été refondues et enrichies par Daniel Couffignal, rejoint par Pierre Haxaire depuis la 10e édition.

Mise au point du dossier marché de travaux Préparation et organisation du chantier Planification, exécution et achèvement des travaux

Daniel Couffignal • Pierre Haxaire 12e

ISSN 1255-1406 ISBN 978-2-281-14154-2

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Les ouvrages de la collection « Méthodes » proposent des outils et des solutions concrètes permettant de maîtriser la gestion d’une opération de construction en toute sécurité. Modèles de documents, fiches opérationnelles, synthèses des méthodologies et recommandations pratiques font de ces manuels des ouvrages de référence utilisables au quotidien par les professionnels de la construction.

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Conduire son chantier en 70 fiches pratiques

Depuis plus de 20 ans, Conduire son chantier est un ouvrage de référence sans équivalent, qui expose la méthode permettant de mener correctement un chantier, étape par étape, depuis le dossier de consultation jusqu’à la livraison de l’ouvrage.

DITI

REMARQUE

La rémunération de cette fonction est définie pour les services de l’État par :

www.editionsdumoniteur.com

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Le terme « maître d’ouvrage » fait partie de ceux, nombreux dans le monde du bâtiment, qui prêtent à confusion. La norme française NF P 03–001 en donne la définition suivante : « Personne physique ou morale désignée par ce terme dans les documents du marché et pour le compte de qui les travaux ou ouvrages sont exécutés. » La loi de 1985 sur la maîtrise d’ouvrage publique en donne une définition qui le responsabilise. Le maître d’ouvrage est « la personne morale pour laquelle l’ouvrage est construit. Responsable principal de l’ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre. Il lui appartient, après s’être assuré de la faisabilité et de l’opportunité de l’opération envisagée, d’en déterminer la localisation, d’en définir le programme, d’en arrêter l’enveloppe financière prévisionnelle, d’en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l’ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d’œuvre et les entrepreneurs qu’il choisit, les contrats ayant pour objet les études et les travaux. » Remplaçant les textes relatifs à l’ingénierie et de l’architecture de 1973, cette loi décrit les règles d’organisation de la maîtrise d’ouvrage appliquées à un ensemble de maîtres d’ouvrage que nous citerons plus loin. Elle fait l’objet d’un certain nombre de textes d’application qui précisent la relation contractuelle entre le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage. Le maître d’ouvrage pourra se faire assister par un conducteur d’opération (voir § 3) dont le rôle est défini à l’article 6 de la MOP.

Cette fiche a été réalisée par Daniel Couffinal et Pierre Haxaire, auteurs de Conduire son chantier en 70 fiches pratiques, Éditions Le Moniteur, 2017.

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Définitions

– le décret n° 2000-257 du 15 mars 2000 relatif à la rémunération des prestations d’ingénierie réalisées au profit de tiers par certains services des ministères de l’Équipement et de l’Agriculture, JO du 22 mars 2000, dernière modification par le décret n° 2009-235 du 27 février 2009, JO du 28 février 2009 ; – l’arrêté du 20 avril 2000, NOR : EQUP0000365A, fixant les taux et les modalités de rémunération des prestations d’ingénierie réalisées au profit de tiers par certains services des ministères de l’Équipement et de l’Agriculture et précisant les modalités de leur intervention, JO du 29 avril 2000. Ces textes font l’objet de la circulaire n° 2000-32 du 2 mai 2000 (BO du ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, n° 10, 31 mai 2000). Cet ensemble est complété par l’arrêté du 27 décembre 2002, NOR : EQUU0201848A, relatif à la rémunération de l’assistance technique fournie par l’État aux communes et à leurs groupements au titre de la solidarité et de l’aménagement du territoire, JO du 31 décembre 2002.

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Les relations qui s’établiront entre les divers intervenants sont très variées et dépendent non seulement des missions dévolues pour l’objet à construire, mais aussi du type de montage opérationnel. Leur connaissance est indispensable à tous et à plus forte raison au « responsable des travaux », terme très général que nous utiliserons pour toute personne ayant des initiatives à prendre sur un chantier.

FICHE PRATIQUE

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Les principales fonctions de la maîtrise d’ouvrage sont les suivantes : – prendre à son compte l’intention de construire et gérer cette intention jusqu’à ce que la réalisation soit menée à bonne fin ; – arrêter l’enveloppe financière, trouver les fonds nécessaires à la réalisation et gérer ces fonds, notamment en rémunérant les réalisateurs (le maître d’ouvrage est toujours le payeur direct ou indirect) ; – procurer le terrain ou l’espace nécessaire à la construction envisagée, par achat, bail ou concession, ou déterminer la localisation ; – définir dans le programme les objectifs de l’opération et les besoins qu’elle doit satisfaire, ainsi que les contraintes et les exigences. Le programme peut être confié à une personne extérieure à la maîtrise d’ouvrage ; – s’il n’a pas les moyens de construire seul son ouvrage, passer des contrats de louage d’ouvrage (marchés d’études et marchés de travaux) avec un certain nombre de personnes qui construiront pour son compte (maître d’œuvre, éventuellement techniciens et entrepreneurs) ; – prendre livraison de l’ouvrage en le réceptionnant ;

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FICHE PRATIQUE RÉFÉRENCES Contrat de louage d’ouvrage : terminologie de l’article 1779, 3° du Code civil. Contrat d’entreprise : terminologie jurisprudentielle reprise dans la loi relative à la sous-traitance. n NF P 03-001 (octobre 2017 – indice de classement : P 03-001) : Marchés privés – Cahiers types – Cahier des clauses administratives générales applicable aux travaux de bâtiment faisant l’objet de marchés privés. Cette norme est applicable aux marchés de travaux de bâtiment qui s’y réfèrent expressément. n Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, JO du 13 juillet 1985, dernière modification par la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010, JO du 8 décembre 2010. n Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé, JO du 1er décembre 1993. n Arrêté du 21 décembre 1993, NOR : EQUU9301426A, précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé, JO du 13 janvier 1994. n

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– exploiter l’ouvrage ou, dans certains cas, le remettre, le consigner, à l’organisme qui est chargé de cette exploitation et de sa gestion. Afin d’éviter des erreurs, le responsable des travaux devra très rapidement, dès le début des travaux, être en mesure de répondre aux trois questions suivantes : – le maître d’ouvrage est-il de droit privé ou de droit public ? Relève-t-il d’une réglementation spécifique ? – est-il un professionnel de la construction, avec une compétence certaine, ou est-il un occasionnel sans grande qualification ? – a-t-on affaire au véritable maître d’ouvrage (qui opère en direct) ou à quelqu’un qui s’est substitué à lui (moyennant un mandat, une délégation, une concession, un marché de partenariat, etc.) ?

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Typologie des maîtres d’ouvrage

Les différents maîtres d’ouvrage peuvent être classés en deux familles, selon qu’ils sont soumis ou non à une réglementation spécifique en matière de passation des contrats. Ce classement prend en compte les critères de soumission aux directives européennes « marchés publics », en particulier ceux d’« intérêt général » et d’« influence publique ».

Maîtres d’ouvrage soumis aux directives européennes « marchés publics » (les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices) Dans cette catégorie, quatre familles de maîtres d’ouvrage peuvent être identifiées : – famille 1 : les maîtres d’ouvrage publics suivants : l’État, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements (c’est-à-dire ceux qui étaient précédemment soumis au Code des marchés publics) ; – famille 2 : les autres maîtres d’ouvrage publics : les établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) ; – famille 3 : les maîtres d’ouvrage acteurs du logement social ; – famille 4 : les maîtres d’ouvrage privés et réglementés.

Les maîtres d’ouvrage publics de la famille 1

∎ L’État et ses établissements publics à caractère

administratif Pour l’État, la fonction de maître d’ouvrage est assumée par le représentant du pouvoir adjudicateur (RPA), à savoir les ministres ou les personnes à qui a été déléguée la signature (les directeurs départementaux, par exemple). Le maître d’ouvrage peut se faire aider par un conducteur d’opération, qui sera la plupart du temps son service technique – à condition qu’il ne soit pas déjà maître d’œuvre –, ou bien un prestataire spécialisé. Les établissements publics de l’État à caractère administratif sont rangés dans cette catégorie : écoles d’architecture, écoles d’ingénieurs, caisses, instituts, mu-

sées, universités, agences, réseau Voies navigables de France (VNF), conservatoires nationaux, etc. Relèvent également de cette famille les établissements consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers, chambres d’agriculture) en tant qu’établissements publics économiques.

∎ Collectivités territoriales et établissements publics Le maître d’ouvrage est la personne morale ; les décisions sont arrêtées par une assemblée élue, dite aussi assemblée délibérante, qui donne pouvoir à une personne (le maire pour une commune, le président pour un conseil régional, etc.) ou à une commission pour des objets bien définis. Comme pour l’État, un conducteur d’opération peut assister la collectivité locale. Cette fonction est souvent assurée en interne par les services techniques territoriaux. Les collectivités territoriales sont les régions, les départements et les communes. Parmi leurs établissements publics, on trouve notamment les métropoles, les communautés d’agglomérations, les communautés urbaines, les communautés de communes, les collèges, les lycées, etc. Les hôpitaux (établissements publics de santé) sont désormais rattachés à l’État, et non plus aux collectivités territoriales, en application de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Cependant, les seuils de mise en concurrence européens sont ceux des collectivités territoriales. Bien que tous ces maîtres d’ouvrage soient soumis aux mêmes règles des marchés publics, il existe entre eux des différences marquées quant aux rôles et pouvoirs des personnes et des assemblées. Ces particularités ont des incidences sensibles sur la passation et la gestion des marchés. Ainsi, les collectivités territoriales et les organismes de logements sociaux font intervenir une commission d’appel d’offres. ∎ Règles de passation des marchés Depuis la consultation jusqu’aux règles de gestion liées à la comptabilité publique, ces maîtres d’ouvrage suivent les règles édictées par l’ordonnance n° 2015899 du 23 juillet 2015 modifiée (dite « OMP ») et ses textes d’application, notamment le décret n° 2016360 du 25 mars 2016 modifié (dit « DMP »). Dans le cas particulier de la maîtrise d’œuvre, les règles applicables, notamment les éléments de mission, sont définies par application de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d’ouvrage publique (dite « loi MOP » par simplification) et ses textes d’application. Leur consultation est soumise à des procédures spécifiques en fonction du montant prévisible du marché (article 90 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016). La maîtrise d’œuvre visée par la loi précitée se rapporte aux travaux neufs, de réhabilitation ou de rénovation de bâtiment et d’infrastructure. Elle ne concerne donc pas les prestations d’entretien et de maintenance. Mars 2018 •


FICHE PRATIQUE Les maîtres d’ouvrage publics de la famille 2 : les Epic

Sont ici concernés les établissements de l’État à caractère industriel et commercial, notamment la RATP, les EPIC de la SNCF, Enedis, mais aussi l’Union des groupements d’achats publics (Ugap). REMARQUE

La réforme ferroviaire a créé un Epic SNCF « de tête » qui pilote deux Epic : SNCF Réseau (qui a absorbé RFF) et SNCF Mobilités. Ces établissements sont soumis aux règles des marchés publics, avec toutefois quelques adaptations, notamment sur le plan de la gestion financière. Ces maîtres d’ouvrage relèvent de la réglementation européenne, mais il n’est pas rare qu’ils se dotent de règles internes.

Les maîtres d’ouvrage de la famille 3 : les acteurs du logement social

∎ Définition

Le logement social procède de l’intérêt général. Dans la plupart des cas, les acteurs du logement social, qu’ils soient de statut public (OPH) ou privé (ESH et SEM de construction de logements) interviennent sous influence publique lorsque le financement provient des aides de l’État. Ce sont : – les offices publics de l’habitat (OPH) ; – les entreprises sociales pour l’habitat (ESH) – anciennement sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré (SAHLM) ; – les sociétés d’économie mixte (SEM) de construction et de gestion de logements sociaux. La loi MOP s’applique à ces maîtres d’ouvrage lorsqu’ils construisent des logements aidés par l’État. Si les procédures de passation des marchés sont propres à chaque maître d’ouvrage, le contenu des missions est défini par les mêmes textes, quel que soit le statut de maîtrise d’œuvre – privé ou public – du maître d’ouvrage. Les OPH (article R. 433-2 du CCH) et les ESH (article R. 433-6 du CCH) sont dotés d’une commission d’appel d’offres. Celle-ci examine les candidatures et les offres reçues lors de la passation des marchés dont le montant est supérieur aux seuils mentionnés à l’article 42 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 (seuils européens). Toutefois, le marché est attribué par le représentant légal de l’office ou de l’entreprise sociale.

Les maîtres d’ouvrage de la famille 4 : maîtres d’ouvrage privés et réglementés

∎ Définition D’autres maîtres d’ouvrage sont eux aussi régis par les directives européennes en matière de marchés, bien que leurs statuts relèvent strictement du droit privé. Cette singularité procède du fait que ces organismes œuvrent dans un but d’intérêt général, et sont financés ou contrôlés, ou encore dirigés, par des personnes publiques. Ce sont : • Mars 2018

– les organismes privés mentionnés à l’article L. 64 du Code de la sécurité sociale (caisses régionales ou primaires d’assurance maladie, caisses d’allocations familiales, etc.) ; – les sociétés d’économie mixte (hors le logement social) ; – les sociétés anonymes aéroportuaires ; – certains groupements d’intérêt économique (GIE) ; – les groupements d’intérêt public (GIP) ; – certaines associations. REMARQUE

L’arrêté du 16 juin 2008, NOR : MTSS0814622A, portant réglementation sur les marchés des organismes de sécurité sociale, JO du 24 juin 2008, aurait dû être modifié pour prendre en compte le nouveau contexte des marchés publics.

∎ Incidences de la loi MOP

Dans cette famille, la loi MOP ne s’applique qu’aux organismes de sécurité sociale. En conséquence, les SEM (hors logement social), les GIE et les GIP ne sont pas soumis à la loi MOP.

Maîtres d’ouvrage non soumis aux directives européennes « marchés publics » Ces maîtres d’ouvrage ne sont soumis à aucune règle administrative en matière de publicité et de mise en concurrence pour la passation de leurs contrats.

Promoteurs et constructeurs privés Ces professions, les plus récentes du secteur qui nous concerne, sont nées des besoins apparus de façon pressante au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La principale organisation professionnelle définit le promoteur-constructeur comme « la personne physique ou morale dont la profession ou l’objet est de prendre, de façon habituelle et dans le cadre d’une organisation permanente, l’initiative de réalisations immobilières et d’assumer la responsabilité de la coordination des opérations intervenant pour l’étude, l’exécution et la mise à disposition des usagers de programmes de construction ». Si l’acte de promotion est désormais strictement réglementé, l’exercice de la profession demeure libre. Les principales organisations professionnelles sont : – la Fédération nationale des promoteurs-constructeurs (FNPC) ; – l’Union des constructeurs immobiliers (UCI).

RÉFÉRENCES Arrêté du 21 décembre 1993, NOR : EQUU9301426A, précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé, JO du 13 janvier 1994. n Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, JO du 22 juillet 2009, dernière modification par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, JO du 13 mars 2012. n Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, JO du 24 juillet 2015, dernière modification par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, JO du 1er mars 2017. n Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, JO du 13 juillet 1985, dernière modification par la loi n° 2010–1487 du 7 décembre 2010, JO du 8 décembre 2010. n Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, JO du 27 mars 2016, dernière modification par décret n° 2017-516 du 10 avril 2017, JO du 12 avril 2017. n

Ces deux organisations regroupent les entreprises de bâtiment réalisant, comme activité secondaire, des opérations de promotion immobilière.

Organismes utilisant le « 1 % employeur Le « 1 % employeur » est l’obligation faite à certains employeurs de verser une certaine participation financière à l’effort de construction en faveur des salariés (CCH, art. L. 313-1). Cette participation était à l’origine

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FICHE PRATIQUE

RÉFÉRENCES Arrêté du 29 mars 2016, NOR : EINM1600215A, fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics, JO du 31 mars 2016. n Ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 portant modification de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, JO du 19 juin 2004. n Loi n° 83–663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83–8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, JO du 23 juillet 1983, modifiée le 25 janvier 1985, article 15–14. CE, 21 février 2011, req. n° 330515, société Icade et autres. n

BIBLIOGRAPHIE « 30 questions sur l’assistance à maîtrise d’ouvrage », Opérations immobilières n° 1, janvier 2008.

de 1 % de la masse salariale ; elle n’est plus actuellement que de 0,45 %. La plupart de ces professionnels sont regroupés au sein de l’Union d’économie sociale du logement (UESL, anciennement UNIL), SA à capital variable créée par la loi n° 96-1237 du 30 décembre 1996 en tant que fédération des organismes du « 1 % logement » pour rassembler tous ceux qui, à un titre quelconque, participent à la collecte et à l’utilisation du 1 % et, d’une manière plus générale, ont vocation de s’intéresser au logement des salariés.

Maître d’ouvrage occasionnel C’est la personne qui construit occasionnellement : l’industriel qui construit ou agrandit son usine, ou le particulier qui bâtit pour « lui-même, son conjoint, ascendant ou descendant ». Dans ce dernier cas, ce maître d’ouvrage est reconnu comme non professionnel et les compétences de maîtrise d’ouvrage sont reportées sur les constructeurs, considérés, eux, comme des professionnels avertis.

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Les partenaires du pôle « maîtrise d’ouvrage »

De plus en plus, le maître d’ouvrage s’entoure de compétences complémentaires à la sienne et sollicite des hommes de l’art dont le savoir-faire participe à la réalisation de l’ouvrage.

Mandataire (ou maître d’ouvrage délégué) Lorsque le maître d’ouvrage, pour le compte de qui doit s’effectuer la réalisation, n’a pas les moyens humains ou la compétence nécessaire pour assurer les tâches opérationnelles qu’implique la fonction, il peut confier ces tâches à un mandataire dans les conditions définies par une convention appropriée qui s’appelle mandat. L’exercice de la fonction de mandataire, qui faisait l’objet d’un droit réservé, ne justifie plus de restrictions depuis l’ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004, qui a modifié l’article 4 de la loi MOP. Ce mandataire agissant au nom et pour le compte du maître d’ouvrage exerce tout ou partie des attributions de ce dernier. Il s’est substitué au maître d’ouvrage délégué depuis l’application de la loi MOP du 12 juillet 1985. Cette loi fixe les principales clauses de la convention, qui doit prévoir : – la définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l’ouvrage sera étudié et exécuté ; – la préparation du choix du maître d’œuvre, la signature du contrat de maîtrise d’œuvre, après approbation du choix du maître d’œuvre par le maître d’ouvrage, et la gestion du contrat de maîtrise d’œuvre ; – l’approbation des avant-projets et l’accord sur le projet ; – la préparation du choix de l’entrepreneur, la signature du contrat de travaux, après approbation du

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choix de l’entrepreneur par le maître d’ouvrage, et la gestion du contrat de travaux ; – le versement de la rémunération de la mission de maîtrise d’œuvre et des travaux ; – la réception de l’ouvrage et l’accomplissement de tous les actes afférents aux attributions mentionnées précédemment. Certaines prérogatives du maître d’ouvrage ne peuvent être mandatées en vertu de sa mission de service public. En particulier, la réglementation à suivre pour la passation des marchés est celle du mandant, en application de l’article 4, IV de la loi MOP. Une convention précise les conditions expresses du mandat. Avec l’attribution des compétences des collèges et lycées respectivement aux départements et aux régions, le chef d’établissement scolaire peut se voir confier la compétence de maître d’ouvrage en matière « de construction, de reconstruction, d’extension, de grosses réparations, etc. de l’établissement ». Cette disposition légale ne s’assimile pas à un mandat mais doit faire l’objet d’une convention pour en définir les conditions. Pour l’attribution de ses missions, le mandataire est choisi par le maître d’ouvrage dans les conditions énoncées par les règles des marchés publics.

Conducteur d’opération Le maître d’ouvrage, tout en conservant la maîtrise de l’opération, peut recourir à une assistance générale à caractère technique, financier et administratif en faisant intervenir un conducteur d’opération. REMARQUE

La rémunération de cette fonction pour les services de l’État est définie par arrêté interministériel du 20 avril 2000, NOR : EQUP0000365A, fixant les taux et les modalités de rémunération des prestations d’ingénierie réalisées au profit de tiers par certains services des ministères de l’Équipement et de l’Agriculture et précisant les modalités de leur intervention, JO du 29 avril 2000. Une convention définit les conditions dans lesquelles est passée cette conduite. À l’instar de la fonction de mandataire, la fonction de conducteur d’opération ne fait plus l’objet de droit réservé depuis l’ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 déjà citée. De ce fait, des bureaux d’études sont susceptibles de postuler à ce type de mission. Les règles de mise en concurrence s’appliquent au choix du conducteur d’opération.

Assistant à maître d’ouvrage (AMO) La mission de conduite d’opération prévue par la loi MOP au bénéfice de personnes publiques peut aussi se concevoir pour des missions ponctuelles ou spécialisées. On dit alors qu’il s’agit d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO). On retrouve les AMO tant en marché public qu’en marché privé. Pour les personnes qui remplissent cette mission, il existe plusieurs qualifications attribuées par des organismes professionnels, par exemple : Mars 2018 •


FICHE PRATIQUE – l’Organisme professionnel de qualification des techniciens de l’économie de la construction et de la coordination (OPQTECC) ; – l’Office professionnel de qualification de conseil en management (OPQCM) ; – l’Organisation professionnelle de qualification de l’ingénierie du bâtiment et de l’infrastructure (OPQIBI), qualification 01.01 à 01.05 (administratif, juridique et compétences particulières). Il est possible d’identifier deux typologies d’AMO, selon qu’ils interviennent dans la sphère technique de l’opération ou non. Dans le premier cas, il conviendra de bien vérifier les modalités d’assurance.

En effet, le risque de mise en cause à l’occasion de désordres décennaux n’est pas à écarter. L’AMO serait dans ce cas soumis à la présomption de responsabilité des constructeurs visés à l’article 1792-1 du Code civil à l’instar du conducteur d’opération. Dans le deuxième cas, et à condition que l’AMO n’intervienne pas sur les aspects techniques de l’ouvrage, il n’apparaît pas que cet acteur puisse être impliqué en responsabilité décennale. Il sera important de suivre la jurisprudence sur ce point.

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Définir les stratégies d’intervention pour rénover et réhabiliter les copropriétés Rénover et réhabiliter les copropriétés 1950-1984 Rénover et réhabiliter les copropriétés 1950 - 1984

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SOMMAIRE THÉMATIQUE Urbanisme et Environnement La lutte contre la précarité énergétique.......................................... 7 Modification des dispositions de l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation......................................................... 10 Actualisation annuelle de la taxe d’aménagement.......................12 SAFER : des avancées dans la régionalisation.............................12 SAFER : notification aux candidats évincés.................................. 12

Vente et Contrats spéciaux Le droit de préemption « résiduel » contraire à la Constitution.....13 Date de règlement d’une acquisition immobilière........................15 Réparation des vices cachés.......................................................... 18

Gestion Travaux d’accessibilité dans les parties communes d’une copropriété......................................................................................... 11 Gestion des biens indivis en Corse................................................ 14

La nouvelle collectivité unique « Ville de Paris » s’organise !..12

Location meublée d’un bien démembré......................................... 15

Incohérence entre les Codes de l’urbanisme et de l’environnement................................................................................. 14

Inapplicabilité du déséquilibre significatif de l’article L. 442-6 du Code de commerce aux baux commerciaux............................16

Lieu de dépôt des autorisations d’urbanisme................................ 14

La nullité de la clause d’indexation prévoyant un loyer plancher.............................................................................. 18

Vers la fin de l’aide aux maires bâtisseurs ?................................ 14

L’obligation de délivrance du bailleur en présence d’amiante en toiture................................................................................................. 19

Notification des recours aux membres d’une indivision..............17 Moyens invocables à l’encontre d’une PPRT................................ 17

Point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation............................................................ 20

L’appréciation de la compatibilité d’un PLU avec le SCOT..........17

La fixation de l’indemnité d’occupation dans un bail dérogatoire............................................................................. 2

Construction Bilan des 40 ans d’application de la loi Spinetta........................26 Évolution de la sinistralité dans l’assurance construction..........31 L’Agence qualité construction......................................................... 35 Garanties, responsabilités et assurance construction : vers une convergence européenne ?............................................................. 36 Responsabilités à outrance des architectes : et si tout le monde était perdant ?................................................................................... 40 Assurance et construction durable : où en est-on ?....................43 Le maître d’ouvrage.......................................................................... 55

N° 103 Mars 2018

Financement Accession à la propriété : nouveau « PTZ ».............................13

Fiscalité Non-résidents français et exonération de taxe d’habitation........15


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