Les Grands Vainqueurs du Tour de France

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Hinault Bernard >>>

HINAULT

BERNARD (1954-) FRANCE

Dans l’histoire, s’il y a Merckx*, l’incontournable Cannibale, il y a aussi, tout en haut, Hinault le Blaireau. Il est le dernier – jusqu’à nouvel ordre – de ces géants de la route qui voulaient tout gagner, sans jamais calculer.

Le seul à soutenir la comparaison avec Merckx* SON BILAN

Huit participations, cinq victoires, sept podiums, sept top 10, vingt-huit étapes, un titre de maillot vert, un titre de Meilleur Grimpeur, soixante-dix-neuf maillots jaunes

1978 : 1e, trois étapes, trois maillots jaunes 1979 : 1e, sept étapes, MV (maillot vert), dix-sept maillots jaunes 1980 : abandon, trois étapes, quatre maillots jaunes 1981 : 1e, cinq étapes, vingt maillots jaunes 1982 : 1e, quatre étapes, douze maillots jaunes 1984 : 2e, une étape, un maillot jaune 1985 : 1e, deux étapes, dix-sept maillots jaunes 1986 : 2e, trois étapes, MG, cinq maillots jaunes1966 : abandon

1978 Fraîchement auréolé, deux mois plus tôt, d’une victoire dans la Vuelta, il débarque en favori. Il attend le contre-la-montre de Sainte-Foy-laGrande (8e étape) pour sortir du bois : maillot de champion de France sur le dos, il l’emporte avec 30 s d’avance. Pas encore une domination grandiose mais, déjà, de jolis jalons. Pourtant, la suite s’avère moins facile qu’escomptée. Dans le contre-la-montre du Puy-de-Dôme (14e étape), il marque le pas. Seulement 4e, il perd 1 min 40 s sur Zoetemelk*, qui le devance désormais au général de 47 s. S’en remettra-t-il ? A-t-il l’esprit assez solide pour résister à la pression que l’expérimenté Néerlandais va lui imposer ? La réponse est oui. Plein de hargne, vexé de sa contre-performance de la veille, il gagne au sprint, devant des spécialistes de l’exercice comme Kelly ou Maertens, à Saint-Étienne (15e étape). Dans la montée vers l’Alped’Huez (16e étape), il mène la troupe, et s’il doit s’avouer vaincu face à Kuiper, il reprend 33 s à Zoetemelk*. Le voilà revenu à 14 s. Entre les deux hommes, tout se joue dans le contre-la-montre de Nancy (20e étape), sur 72 km. Cela tourne à la démonstration. Magistral, il signe un exploit en écœurant Zoetemelk*, qui perd 4 min 10 s. Premier Tour et première victoire. Comme un certain Merckx*…

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1979

L’Alpe-d’Huez, 1978. Kuiper a beau souffrir dans le sillage de Hinault, il gagnera l’étape. Mais Hinault triomphera du Tour, ce qui est bien plus important. Son premier.

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Son pouvoir est installé. Si bien que l’on ne se demande pas qui va gagner ce Tour, mais qui va terminer 2e . Et on a raison car il n’y a aucun suspense. Il remporte le contre-la-montre de Superbagnères (2e étape), premier de ses sept succès durant cette édition, et s’installe en jaune. Puis, en nouveau Merckx*, il gagne à Pau (3e étape), dans un sprint massif. Insatiable, le Blaireau, son surnom, serait sans doute resté paré de la précieuse tunique jusqu’à Paris, sans une malencontreuse crevaison en direction de Roubaix (9e étape), sur un secteur pavé. Zoetemelk*, malin, a tout de suite sauté sur l’occasion pour accélérer. Hinault perd 3 min 30 s sur son rival, qui s’empare du maillot de leader. Comme l’année précédente, on se dirige vers un duel avec Zoetemelk*. À une différence près, et de taille : sans cette crevaison, jamais ce dernier n’aurait été en mesure de faire ne serait-ce qu’illusion. Hinault, relégué à 2 min, ne panique pas. Il entame sa remontée dans le

contre-la-montre de Bruxelles (11e étape), puis porte le coup de grâce dans le chrono d’Avoriaz (15e étape). Zoetemelk*, 2e, est distancé de 2 min 40 s. Hinault retrouve son maillot jaune. Mais pas question de gérer pour autant. Il gagne encore par trois fois : un chrono à Dijon (21e étape), un sprint massif à Nogent-sur-Marne (23e étape) et, après une échappée royale, sur les Champs-Élysées (24e étape). Ce jour-là, on ne sait quelle mouche pique Zoetemelk*… Dans la dernière côte du Tour, dans la vallée de Chevreuse, il accélère. D’ordinaire, une trêve prévaut dans la course. C’est la parade du peloton jusqu’à Paris. Pas aujourd’hui. Hinault saute dans sa roue. Puis, piqué au vif, contre. C’est parti pour une étape de folie. Zoetemelk* met 5 km à revenir. Mais il est le seul. Et Hinault, loin de se relever, continue son festival, avec Zoetemelk* dans sa roue. Les deux hommes se présentent sur les Champs-Élysées comme seuls au monde. Ils se disputent la victoire et, bien sûr, Hinault ne peut que gagner. Par devoir. Par honneur. Par fierté. Le peloton, ébahi, franchit la ligne 2 min 20 s plus tard. Sa gloire est à son zénith. Au classement, Zoetemelk*, après une pénalité de 10 min pour un contrôle antidopage positif, termine à 13 min, quand Agostinho, 3e, pointe à près de 27 min. Un gouffre.

1980 Sans une tendinite au genou, il aurait accompli la passe de trois. Las, après des succès dans le prologue de Francfort, puis dans le chrono de Spa-Francorchamps (4e étape), où il bat Zoetemelk* de 1 min 15 s, et enfin à Lille (5e étape), où seul Kuiper peut le suivre, tandis que Zoetemelk* perd 2 min 15 s supplémentaires, il doit céder. Souffrant le martyre, il est un inhabituel 5e du contre-la-montre de Laplume (11e étape). Là où, d’ordinaire, il ridiculise ses adversaires, voilà que, cette fois, il perd du temps. Ironie du destin, il récupère le maillot jaune ce jour-là, mais ce n’est pas un grand sourire qu’il arbore sur le podium. Le Blaireau est inquiet. S’il arrive bien le lendemain à Pau (12e étape), il renonce dans la nuit, laissant à Zoetemelk* la voie libre pour, enfin, remporter le Tour.

L’Alpe-d’Huez - Morzine-Avoriaz, 1982. Hinault en route pour son quatrième sacre dans le Tour.

1981 Il n’y a rien de pire qu’un Hinault revanchard. Personne ne peut l’inquiéter une seule seconde, tant sa maîtrise de la course est grande. Il gagne le prologue de Nice, puis les deux premiers contre-la-montre de Pau (6e étape) et de Mulhouse (14e étape). Mais que l’on n’aille

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Autras - Saint-Étienne, 1985. Hinault, en jaune, ne le sait pas encore mais il va chuter et se compliquer la tâche dans sa quête d’un cinquième titre. Il y parviendra malgré tout.

pas croire qu’il se contente de ces exercices individuels pour faire la différence. Deuxième à l’Alpe- d’Huez (17e étape), il ne peut inscrire son nom en haut de ce sommet mythique, surpris qu’il est par Winnen, mais se console des 9 min 39 s d’avance qu’il a sur Van Impe*, son dauphin au classement. Le lendemain, en triomphant au Pleynet - Les Sept Laux (18e étape), il porte son avance à plus de 12 min. De quoi vivre une remontée vers Paris tranquille. Il remporte une cinquième victoire dans le chrono de Saint-Priest (20e étape) et conclut une domination sans pareille : Van Impe*, 2e, termine à 14 min 34 s.

1982 Il commence comme il avait fini l’année précédente. C’est-à-dire en jaune. Prologue de Bâle en poche, vigilant, il contrôle ses rivaux jusqu’au chrono de Valence d’Agen (11e étape). Là, une fois n’est pas coutume, il est battu par Knetemann, mais ce dernier n’est pas dangereux au général. Il retrouve son maillot jaune laissé, un temps, aux audacieux

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échappés des premiers jours. La suite est d’une facilité déconcertante. Il est serein. Il s’amuse. Il remporte les contre-la-montre de Martigues (14 e étape) et de Saint-Priest (19 e étape), avant de conclure sa démonstration par un succès au sprint sur les Champs-Élysées (21e étape). Cet homme-là sait tout faire ! Zoetemelk* est pour la troisième fois son dauphin à Paris, à plus de 6 min. Une victoire en père peinard.

1984 Blessé au genou, il ne peut courir pour un cinquième sacre en 1983. C’est évidemment son objectif pour 1984. Mais encore faut-il, pour cela, triompher de la nouvelle merveille du cyclisme français, Fignon*, sublime lauréat en son absence l’année précédente. Pour Hinault, ce duel débute bien. Il empoche le prologue de Noisy-le-Sec. Ce qu’il ignore, en revanche, c’est que sa moisson va s’arrêter là… Pourtant très bon, il va être surclassé par Fignon*, dominateur de bout en bout. Première aler te : Fignon* gagne le chrono du Mans (7e étape), le

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distançant de 50 s. Deuxième alerte, plus inquiétante, à Guzet-Neige (11e étape) : Fignon* attaque, il ne peut pas suivre. À nouveau 50 S perdues. Troisième alerte, dans le contre-la-montre de la Ruchère (16e étape) : Fignon*, vainqueur, lui 30 s derrière. Puis vient le coup de grâce, dans l’Alpe-d’Huez (17e étape). Plein de panache, il part à l’assaut dès le col de Laffrey, avant même l’ascension finale. Las, son accélération n’est pas assez franche. Les autres reviennent, puis contrent. Un temps distancé, il revient dans la plaine, avant d’entamer les pentes de l’Alpe-d’Huez. La prudence lui commanderait d’attendre les premiers lacets. Mais, froissé d’avoir été repris, il attaque dans la foulée. Fignon* laisse faire. Il sait que c’est une folie. Hinault s’épuise, sans pouvoir créer d’écart. Et ce qui devait arriver arrive : Herrera, puis Fignon* et d’autres encore déposent le Blaireau qui n’en peut plus. Sur la ligne, il cède 3 min. Le Tour est perdu. Il vient, pour la première fois, d’être battu à la régulière sur un grand Tour. L’exploit de Fignon* est immense.

Pau-Superbagnères, 1986. Immense coup d’orgueil pour Hinault qui se lance dans un long raid solitaire voué à l’échec, remettant ainsi LeMond en selle. Mais quel panache !

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L’Alpe-d’Huez, 1986. Quel final ! LeMond, à gauche, et Hinault finissent ensemble au sommet de l’Alpe-d’Huez. À Hinault l’étape, à LeMond le Tour.

Immense, l’orgueil de Hinault l’est tout autant. Il revient pour se venger. Mais sans pouvoir se mesurer à Fignon*, forfait. Il débute par une victoire, dans le prologue de Plumelec. Puis il paraît écraser le Tour en triomphant du contre-la-montre de Strasbourg (8e étape) avec 2 min 20 s d’avance sur Roche*, 2 min 34 s sur LeMond*. Enfin, vers Morzine (11e étape), sur le premier parcours de montagne de cette édition, seul Herrera peut l’accompagner. Tranquille 2e sur la ligne, il semble contrôler tout et tout le monde. LeMond*, 2e au général, pointe déjà à 4 min. Puis bientôt à plus de 5 min après le contre-la-montre de Villard-de-Lans (13e étape). On se dirige vers une promenade de santé. Une de plus. C’est alors l’arrivée à Saint-Étienne (14e étape). Le jour où tout a failli basculer. Dans l’emballage final, pour la 10e place, il est pris dans une chute. Il se relève, visage en sang, cuir chevelu entaillé, nez cassé. Une fracture simple, certes, mais handicapante pour qui doit grimper des cols. Il a malgré tout 3 min 30 s d’avance sur LeMond*. Son coéquipier, qui plus est. Le matelas est important. Et s’il se fait peur dans les Pyrénées, il parvient à tenir son rang. Il conserve 1 min 42 s sur LeMond* à Paris et remporte son cinquième Tour.

1986 Briançon - L’Alpe-d’Huez, 1986. Au premier plan, à côté de Zimmermann, Hinault s’apprête à connaître une ascension de l’Alped’Huez qui restera dans l’histoire.

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Hinault Bernard >>>

1985

Il a vieilli, tandis que LeMond* a mûri. Le “vieux”, pourtant, n’a pas dit son dernier mot. Il gagne le contre-la-montre de Nantes (9e étape), si important pour prendre la mesure de ses adversaires. LeMond* est battu de 44 s. Puis il frappe for t à Pau (12 e étape), en jouant une merveille de coup tactique. Il attaque dans la plaine, à 90 km

de l’arrivée, obligeant LeMond*, son coéquipier, à ronger son frein à l’arrière. Pas question, en effet, de faire rouler ses hommes contre l’un des leurs… Sur la ligne, Hinault, 2e, petit sourire en coin, attend 4 min 30 s pour voir le peloton arriver. Il s’empare du maillot jaune, avec 5 min 20 s d’avance sur LeMond*. Il va falloir aller le chercher ! C’est alors que, le lendemain, il commet un péché d’orgueil. Au lieu de contrôler la course, il file dans la descente du Tourmalet, en direction de Superbagnères (13e étape). Il reste Aspin, Peyresourde puis l’ascension finale. C’est un suicide de partir si tôt. En haut de Peyresourde, il a perdu de sa superbe. Il est rattrapé dans la descente et distancé dans Superbagnères. LeMond* jubile. Son coup de pédale n’en est que plus fluide. Il vole vers la victoire, tandis que Hinault rumine : 11e, il abandonne 4 min 40 s à LeMond*, ainsi remis en course, à 40 s du maillot jaune. Le passage de relais se déroule dans l’Izoard, vers SerreChevalier (17e étape). Il ne peut pas suivre. Il vit son 79e et dernier jour en jaune. Un jour terrible. “Je pleurais sur mon vélo”, dira-t-il. Treizième, il cède 3 min 20 s à LeMond* qui se pare de jaune. Le lendemain, vers l’Alpe-d’Huez (18e étape), LeMond* et Hinault affirment leur supériorité aux yeux du monde. Ces deux-là s’en vont quand ils le veulent, dès la Croix-de-Fer, et montent ensemble l’Alpe-d’Huez, pour finir bras dessus, bras dessous. Hinault est déclaré vainqueur de l’étape, mais LeMond* a gagné le Tour. Enfin, le Blaireau sort par la grande porte en remportant le chrono de Saint-Étienne (20e étape). Il est aussi le meilleur grimpeur, seul titre qui lui manquait encore. Il peut prendre une retraite bien méritée.

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Merckx Eddy >>>

Le Cannibale insatiable

MERCKX

Blois-Versailles, 1971. Merckx, tranquille leader, s’en va vers un troisième sacre consécutif.

SON BILAN

Sept participations, cinq victoires, six podiums, sept top 10, trois maillots verts, deux titres de Meilleur Grimpeur, trente-quatre étapes,

EDDY

cent onze maillots jaunes

(1945-)

1969 : 1e, six étapes, MV, MG, vingt maillots jaunes 1970 : 1e, huit étapes, MG, vingt-trois maillots jaunes 1971 : 1e, quatre étapes, MV, vingt maillots jaunes 1972 : 1e, six étapes, MV, dix-sept maillots jaunes 1974 : 1e, huit étapes, vingt et un maillots jaunes 1975 : 2e, deux étapes, dix maillots jaunes 1977 : 6e1972 : 17e 1973 : 17e

BELGIQUE

Que dire de Merckx sinon qu’il est le plus grand ? Cinq Tours, trente-quatre étapes, cent onze maillots jaunes… Il est l’homme de tous les superlatifs. Il a gagné tout ce qu’il y avait à gagner. Avec panache qui plus est.

1969 Il a beau n’avoir que vingt-quatre ans, il découvre le Tour avec une aura de vainqueur. Et il ne tarde pas à prendre le pouvoir. C’est fait dès le deuxième jour, au terme du contre-la-montre par équipes de WoluweSaint-Pierre (1e étape B), chez lui, dans son royaume belge. Après un court intermède laissé aux sans-grades, il retrouve son bien en haut du ballon d’Alsace (6e étape), où il signe son premier exploit. Il s’en va, dans la plaine, à 45 km de l’arrivée, bien avant les premiers lacets et sème ses derniers compagnons sur les pentes du Ballon. Les autres favoris, piégés, lui cèdent 4 min 20 s. Les Alpes ne sont pas encore là qu’il a déjà assommé le Tour. Il gagne – évidemment – le petit contre-lamontre de Divonne-les-Bains (8e étape A), et s’il est 2e à Chamonix (9e étape), battu au sprint par Pingeon*, ce n’est qu’une simple contrariété. Ce même Pingeon*, malgré sa 2e place au classement, pointe déjà à plus de 5 min. Autant dire que la messe est dite. Merckx, largement supérieur, gagne à Digne (11 e étape), Revel (15 e étape) et, pour marquer son empreinte dans les Pyrénées mieux qu’il ne l’a fait dans les Alpes, triomphe à Mourenx (17e étape), via Peyresourde, Aspin, Tourmalet, Soulor et Aubisque. Il quitte ses compagnons dès le haut du Tourmalet pour avaler, seul, les 140 kilomètres qui restent. De quoi en épuiser plus d’un. Ce ne sera pas le premier que l’on aura vu caracoler en tête, longtemps, avant de s’écrouler, sans force. Mais pas Merckx. Merckx ne s’écroule pas. Merckx continue et ne s’arrête qu’une fois la ligne franchie. Parler de triomphe est un euphémisme. Il arrive avec 8 min d’avance sur un petit groupe de battus, dans lequel on trouve Pingeon* et Poulidor. C’est à Mourenx, le 15 juillet 1969, que la légende Merckx est née. Il l’emporte encore, le dernier jour, dans le chrono de Paris (22e étape B). Son premier Tour est en poche, maillot vert et titre de meilleur grimpeur en prime, avec 17 min 54 s sur Pingeon*.

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Luchon-Mourenx, 1969. Merckx, incroyable de talent, passe 140 km seul à l’avant pour venir triompher à Mourenx.

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1970 Il commence comme il avait achevé le Tour précédent. C’est-à-dire en gagnant. Le prologue de Limoges est pour lui. Son équipier, Zilioli, lui emprunte le maillot jaune un temps, mais il le récupère à Valenciennes (6e étape), pour ne plus le lâcher. Après une nouvelle victoire, en solitaire, en profitant des pavés menant à Forest (7e étape A), il assomme le Tour à Divonne-les-Bains (10e étape) : 170 km devant, à appuyer sur les pédales, sans jamais se reposer. Ils sont trois à le suivre jusqu’au bout, mais sans pouvoir lui disputer le sprint. Parmi eux, Zoetemelk*, qui découvre le Tour et fait mieux que pédaler dans l’ombre en s’installant comme son dauphin, au général. À Divonne-les-Bains (11e étape A), comme à Grenoble (12e étape), il engrange les succès et double

son avance sur Zoetemelk* qui, sans honte, court pour la 2e place – comment faire autrement ? Puis vient le mont Ventoux (14e étape), où il entend bien inscrire son nom en vainqueur. Un passage obligé quand on veut être le plus grand. C’est chose faite, évidemment, après qu’il a accéléré à 13,5 km du sommet. Après un passage des Pyrénées moins glorieux, où il a dû accepter de laisser partir des adversaires peu dangereux, il reprend son rythme : les contre-la-montre de Bordeaux (20e étape B) et de Paris (23e étape) sont son royaume. Il relègue finalement Zoetemelk* à 12 min 41 s et, surtout, avec huit succès durant cette édition, il égale le record du sprinter Charles Pélissier, établi en 1930.

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Merckx Eddy >>>

1971 S’il réalise la passe de trois, c’est avec un énorme coup de pouce du destin, face à un sublime mais malchanceux Ocaña*. Cela commence pourtant comme les années précédentes : en jaune dès le prologue, puis victorieux au sprint à Strasbourg (2e étape). Mais, au Puy-deDôme (8e étape), premier juge de paix de ce Tour, aussi incroyable que cela puisse sembler, il est… derrière. Delisle attaque à 10 km du sommet. Il va le chercher. Jusque-là… Mais il calme le jeu et ne poursuit pas son effort. Étrange. Thévenet* contre. Il le laisse partir. Inhabituel. Ocaña* frétille. Il a compris. Il s’en va aussi. Et pas de Merckx dans sa roue. Défaillance ? Non, même pas. Il pédale à son rythme, ne tolère que Zoetemelk* et Agostinho à ses côtés. C’est dire s’il va vite, malgré tout. D’ailleurs, sur la ligne, il n’abandonne que 15 s à Ocaña*. Pas grand-chose. Mais un signe, toutefois : le Cannibale est battable ! Le parcours menant à Grenoble (10e étape) le confirme. Ocaña* accélère dans le col de Porte. Thévenet*, Zoetemelk*, Pettersson le suivent. Mais pas Merckx. Décidément. Agostinho, López Carril doublent aussi le champion belge. Même Guimard, même Van Impe*. Merckx va mal. Il passe le sommet avec 2 min de retard. Il est en train de perdre le Tour. Septième sur la ligne, il perd son maillot jaune. La chute d’une idole. On a battu Merckx ! Ils ont battu Merckx ! Le lendemain, vers OrcièresMerlette (11e étape), c’est pire encore. Ocaña*, après à peine 10 km de course, répond à une attaque d’Agostinho et, puisque Merckx ne bronche pas, se voit entraîné dans un raid merveilleux de plus de 120 km dans la montagne. Ocaña*, vainqueur, relègue Van Impe* à 5 min 52 s, et Merckx, 3e, à 8 min 42 s. Un Merckx qui se reprend en gagnant le contre-la-montre d’Albi (13e étape), mais la courte distance de 16 km ne lui permet pas de créer de gros écarts. L’impensable est en passe de se produire : il est pointé à quasiment 10 min au général ! Mais voilà qu’entre Revel et Luchon (14e étape), le destin choisit son roi. Il est belge et se nomme Merckx. Vainqueur par abandon. Descente du col de Menté. Un orage, terrible, sur la tête des coureurs. De la pluie, des grêlons. Merckx qui mène devant Ocaña*. Merckx qui dérape, glisse, perd le contrôle, tombe. Ocaña* qui, dans son sillage, chute lui aussi. Merckx qui, sans paniquer, se relève et repart, genou entaillé. Ocaña* qui s’apprête à l’imiter… avant d’être fauché par Zoetemelk* qui déboule. Le choc est terrible. Ocaña* est à nouveau à terre, au milieu de la chaussée. Agostinho, Thévenet*, Martinez arrivent à leur tour et heurtent l’Espagnol. C’en est trop, Ocaña* ne repartira pas. Merckx est loin devant déjà. Il finit 2e de l’étape et refuse d’endosser un maillot jaune qu’il estime ne pas avoir mérité sur la route. Mais c’est la course et les chutes en font partie. Il gagne son troisième Tour, non sans avoir, comme aux plus beaux jours, démontré sa supériorité à Bordeaux (17e étape), échappé avec quatre camarades, et dans le chrono de Paris (20e étape). Zoetemelk*, 2e, termine à 9 min 50 s.

En haut : Versailles-Paris, 1972. Merckx file vers son quatrième Tour en autant de participations.

Luchon - Gourette-les-EauxBonnes, 1971. Avec Zoetemelk et Van Impe dans sa roue, Merckx est serein. Le meilleur, c’est lui, et de très loin.

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Revel-Luchon, 1971. Merckx en pleine lumière, les autres dans l’ombre. Avec dans sa roue Ocaña qui, bientôt, chutera et devra abandonner.

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