Mouvement 2011 - The Space Quest, A European Odyssey

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LA QUÊTE DE L’ESPACE, UNE ODYSSÉE EUROPÉENNE THE SPACE QUEST, A EUROPEAN ODYSSEY

2011

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Festival international des arts & des écritures contemporaines Du MARDI 13 SEPTEMBRE Au JEuDI 13 OCTOBRE 2011

FESTIVAL

RENNES 5-09/07/2011

AVEC FRANçOIS BEAuNE, JuLIEN BLAINE, NICOLAS BOuCHAuD ET SERGE DANEy, PATRICk BOuVET, ROBERT CANTARELLA, FRANçOIS CHAIGNAuD ET CéCILIA BENGOLEA, ANNE- JAMES CHATON, THOMAS CLERC, HuBERT COLAS, CHLOé DELAuME, GuILLAuME DéSANGES, ANTOINE DuFEu, ENABLERS, CLéMENTINE FORT, yVES-NOëL GENOD, PHILIPPE GRANDRIEux, AyMERIC HAINAux, TRAJAL HARREL, JEAN-JACquES JAuFFRET, SuzANNE JOuBERT, JORIS LACOSTE, ANTOINE LAuBIN, L’EMPLOyEuR, RéMI MARIE, STEFANO MASSINI, RICHARD MAxwELL, GILDAS MILIN, MOTuS, DIEuDONNé NIANGOuNA, NICONOTE, STéPHANE NOwAk PAPANTONIOu, NOëLLE RENAuDE, LETIzIA RuSSO, SARAH TROuCHE, GéRARD wATkINS … Programmation en cours et sous réserve de modifications

Les propositions artistiques seront présentées hors les murs et réparties dans différents lieux culturels de Marseille.

En partenariat avec : le Théâtre des Bernardines, le cipM, La Criée - Théâtre National de Marseille, le théâtre du Gymnase, La Minoterie - Théâtre de la Joliette, la Friche La Belle de Mai / Système Friche Théâtre, Le Merlan - Scène Nationale à Marseille, Les Amis du Théâtre Populaire / La Salle du Bois de l’Aune - Aix en Provence.

Association des Libraire du Sud, Cinémas César - Variétés, l’ERAC - Ecole Régionale d’Acteurs à Cannes, le Fond Régional d’Art Contemporain Provence Alpes Côte d’Azur, Diphtong Cie, le GRIM, Librairie Histoire de l’oeil, montévidéo, marseille objectif DansE, librairie L’Odeur du temps, OÙ - lieu d’exposition pour l’art actuel, la revue If, le festival Sonorités - Montpellier, Triangle France

Bonlieu Scène nationale Annecy

Partenariats presse : Mouvement, La Terrasse

www.lestombeesdelanuit.com

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Sélection Naturelle Makadam Kanibal

création

du 20 au 23 juillet 11 dans le cadre des Noctibules I festival des arts de la rue

et aussi ... Cie Oposito I Trois éléphants passent... I Architects of Air Miracoco I Transe Express I Les Tambours de la Muerte I Cie Les Philébulistes Arcane I Le S.A.M.U Les Balcons Bavards I Magmanus I Cirkatomik De l’orange...au Jonglador! I Cie Célestroï Les Géants Célestes I Duo Dithyrambe I Cie du P’tit Vélo Pétafun Tour I Cirque AlbaTros Bling Blang I La Fanfare en Pétard I Cie Histoire de famille Potin de fanfare I Les Krakens I Mazalda Turbo Clap Station I Jungle Julia I SUBA I Born to Brass I Neeskens I Louise

information www.bonlieu-annecy.com I 04 50 33 44 11


UNE EUROPE EN ÉTAT DE MARCHE

EUROPE: UP AND WALKING

Jean-Marc Adolphe, Pierre Sauvageot

Jean-Marc Adolphe, Pierre Sauvageot

« L’Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. » Ces mots du ministre français Robert Schumann dans une déclaration de 1950, considérée comme l'acte de naissance de l'Union européenne, n’ont rien perdu de leur actualité. Cette idée de chantier permanent vaut naturellement pour l’Europe culturelle, car il ne suffit pas de se reposer sur les lauriers d’un patrimoine autour duquel les villes ont grandi. A l’aube du XXIe siècle, à l’échelle d’une Europe élargie et multiculturelle, comme à l’échelle de la cité, – cette invention européenne –, comment continuer à nourrir l’art du « vivre ensemble » ? La question de l’espace public est au cœur même de la démocratie (comme vient nous le rappeler le « printemps arabe » qui a éclos en Tunisie puis en Egypte). Le « vieux continent » a fait de la construction européenne l’horizon autant que l’outil de ce « vivre ensemble ». Alors que des fissures (la fragilité du « pacte de stabilité », la vigueur des courants nationalistes…) menacent ce chantier, des artistes-ouvriers de l’imaginaire s’engagent, partout en Europe, dans des projets qui se mettent à l’écoute des territoires et de ceux qui y vivent. Et leur font prendre, parfois, des chemins aléatoires, au fil du temps et des espaces, à l’instar de Robert Wilson, dont la parole ouvre ce cahier spécial entièrement bilingue coédité par Mouvement et Lieux publics. Une Europe en état de marche ? Oui. Une Europe IN SITU, pour reprendre le nom du réseau dont le nouveau programme 2011/2016 a reçu le soutien de la Commission européenne, et dont certaines œuvres s’inscriront naturellement au sein de Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la Culture.

“Europe will not be birthed in a moment, nor by joint construction: she will be birthed by specific projects that will thereby create a de facto solidarity.” These words by French minister Robert Schumann in a declaration in 1950, considered to be the birth certificate of the European Union, have lost none of their relevance. This idea of a permanent work in progress is perfectly valid for a Cultural Europe, since it is not enough to rest on the laurels of a heritage around which cities have been built. At the dawn of the 21st century, on the scale of an extended and multicultural Europe, as on a city-wide scale, – this European invention –, how can the art of “living together” continue to be strengthened? The question of public space is at the very heart of democracy (as the “Arab uprising” has recently reminded us, which began in Tunisia then spread to Egypt). The “Old Continent” made European construction the horizon as well as the tool of this “living together”. At a time when cracks (the fragility of the “stability agreement” or the strength of nationalistic fervor…) threaten unity, artists working with imagination are launching, throughout Europe, projects which listen to the urban space and those who live there. And cause them sometimes to explore wandering paths through time and space, following in the footsteps of Robert Wilson, whose interview opens this entirely bilingual special edition coedited by Mouvement and Lieux publics. Is Europe up and walking? Yes. She is a Europe IN SITU, (to quote the name of the network whose new 2011/2016 program has received the backing of the European Commission), some of whose productions will quite naturally be presented during the Marseille-Provence 2013, European Capital of Culture.

SOMMAIRE

CONTENTS

4  > Robert Wilson au fil des espaces — 10 > Assez de ronds-points ! —

7  > Robert Wilson over the spaces —

Entretien

13 > Away with roundabouts! —

Jean-Marc Adolphe

Interview

Jean-Marc Adolphe

16 > Dans la rumeur de l’espace public, et parfois dans ses turbulences — Julie Bordenave

19 > In the whisper of the public arena, and sometimes in its turbulence — Julie Bordenave

22 > Réveiller la ville —

24 > Awakening the city —

Pascaline Vallée

Pascaline Vallée

26 > Les artistes et la figure de l’étranger en Europe : créations en résistance — Jean-Sébastien Steil

29 > Artists and the foreign presence in Europe: productions that buck the trend — Jean-Sébastien Steil

32 > En Tunisie, une réappropriation esthétique et citoyenne — Aurélie Machghoul

34 > In Tunisia, an aesthetic and populist reappropriation — Aurélie Machghoul

36 > Chantiers utopiques —

36 > Chantiers utopiques —

Julie Bordenave

38 > Après le commerce, l’art équitable ? -

41 > After Fair Trade, Fair Art? -

Fred Kahn

44 > Lieux publics en 2011

Fred Kahn

44 > Lieux publics in 2011 46 > IN SITU network

46 > Réseau IN SITU Cahier spécial / Mouvement n° 60 (juil. - sept. 2011). Réalisé en coédition avec Lieux publics, Centre national de création. Coordination : Jean-Marc Adolphe, Julie Bordenave, Fanny Broyelle. Conception graphique : Philippe Brandon. Edition : Pascaline Vallée. Partenariats/publicité : Alix Gasso. Ont participé : Jean-Marc Adolphe, Julie Bordenave, Fred Kahn, Aurélie Machghoul, Jean-Sébastien Steil, Pascaline Vallée. Traductions : Steve Blackah et Johanna Raclin (entretien avec Robert Wilson, de l'anglais au français).

Julie Bordenave

Mouvement, la revue indisciplinée | 6, rue Desargues | 75011 Paris | Tél. +33 (0)143 14 73 70 | Fax +33 (0)143 14 69 39 | www.mouvement.net Mouvement est édité par les éditions du Mouvement, SARL de presse au capital de 4 200 euros, ISSN 125 26 967 Directeur de la publication : Jean-Marc Adolphe. © mouvement, 2011. Tous droits de reproduction réservés. Cahier spécial Mouvement n°60. NE PEUT ÊTRE VENDU

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Lieux publics Centre national de création Direction : Pierre Sauvageot 16, rue Condorcet | F – 13016 Marseille Tél : +33 (0)491 03 81 28 communication@lieuxpublics.com www.lieuxpublics.com En couverture : Delices DADA, RUSHs, En lieux et places de Toulon, juin 2010 – Lieux publics et le conseil général du Var © Gilles Clément


Robert Wilson, Walking, Oerol Festival, 2008 Š Anne Zorgdrager

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ROBERT WILSON AU Propos FIL recueillis DESparESPACES Jean-Marc Adolphe Dans le cadre du nouveau progamme mené par  IN SITU, Robert Wilson parrainera le projet Walk in progress, avec neuf jeunes artistes européens invités à imaginer des « dispositifs d’exploration urbaine ». Le metteur en scène et plasticien américain avait déjà conçu, en 2008, une pièce intitulée Walking, dans le contexte spécifique de l’île de Terschelling aux Pays-Bas, pour le festival Oerol. Il revient sur cette expérience unique, et au-delà, livre sa perception de l’espace européen.

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n 2008 votre projet Walking était présenté au festival Oerol, sur une île. Aviez-vous déjà réalisé auparavant une telle expérience, dans un contexte si spécifique ? « Non. C’était très nouveau pour moi. Je n’avais jamais rien fait de semblable. Comment avez-vous appréhendé ce projet, et le cadre où il devait s’inscrire ? « On m’a demandé de faire quelque chose sur l’île de Terschelling. J’y suis allé et j’ai marché à travers toute l’île, en particulier à l’extrémité ouest, parce qu’il y a une très grande réserve naturelle. J’ai remarqué que les bruits des oiseaux et le bruit des insectes étaient différents. J’étais aussi très intéressé par les paysages, qui varient assez sur l’île. Cette extrémité a attisé ma curiosité. Nous avons commencé sur le côté est, à l’opposé des Pays-Bas. Il y avait très peu d’herbe et, en marchant vers la Mer du Nord, nous sommes tombés sur un endroit avec un peu d’arbustes. Puis plus loin dans un bois assez dense. Et en sortant de ce bois, nous avons été confrontés à des dunes de sables. Assez grosses ! On devait traverser les dunes pour rejoindre la mer. J’ai été fasciné par cette promenade, cette marche. Je l’ai refaite de nombreuses fois, en pensant trouver peut-être un lieu pour installer un travail théâtral. Il m’est alors apparu que la promenade elle-même était peut-être le plus intéressant. Expérimenter la manière dont les paysages, la végétation, mais aussi le bruit des insectes et des oiseaux changent. Alors, j’ai placé un arrêt au début, deux autres au milieu et à la fin. Celui du début était une sorte de marque ou d’introduction pour cette pièce. Pour traverser l’île il me fallait une heure 40 à 45 minutes, en marchant “normalement”. Mais j’ai fait quelque chose de spécial : j’ai marché plus lentement et je me suis chronométré. J’avais mis un peu moins de 4h, et soudain ma perception était différente, parce que j’avais pris plus de temps pour marcher. J’ai perçu différemment tout ce que j’avais entendu, senti avant : j’ai fait un chemin différent. C’est là

qu’est venue cette idée d’avoir une pièce appelée Walking, où quelqu’un marcherait seul, comme cela personne ne vous parle et vous pouvez être conscient de tous vos sens : la vue, l’odorat, l’écoute, etc. J’ai donc établi ces trois stations. La première était une espèce d’espace vide, quelqu’un entrait dans un cube noir qui était totalement silencieux pendant 4 ou 5 minutes. Puis on quittait le cube et on entrait dans un jardin de 15 m2 ouvert sur le ciel. Une petite dizaine de personnes pouvaient s’y tenir. Au sol, il y avait le sable de la plage et, au centre, un cône de 5 m2 creusé dans la terre, dont nous avions peint les parois en noir, et d’où sortait le son enregistré d’un bourdon. C’était presque comme si vous sentiez le centre de la Terre trembler. Après 10 ou 12 minutes, une personne partait, dans une file, à travers une porte basse, et on commençait à marcher à travers l’île. Pour mettre en place le rythme de la marche, j’avais des guides. Cela durait de 9h à 21h. Un guide commençait à 9h et il y avait au moins 5 mètres entre chaque personne. Vous n’aviez donc aucune chance de parler à qui que ce soit. Au milieu de l’île, il y avait un lieu pour se reposer où les gens s’asseyaient sur des chaises et il y avait des longues tables en bois étranges sur lesquelles étaient posés des pommes et des verres d’eau. Les chaises n’étaient pas côte à côte mais placées autour du terrain broussailleux, des petits buissons. J’ai utilisé le chant des criquets, insectes qui vivent en moyenne 21 jours, et en prenant l’espérance de vie moyenne d’un homme, qui est de 70 ans, j’ai rallongé la durée de vie du criquet. [Le chant du criquet a donc été ralenti pour durer 70 ans, NdT.] Ce que nous avons entendu alors était incroyable. On n’aurait jamais reconnu le “cricri” du criquet, ça ressemblait à des anges ou à une chorale. Nous l’avons installé sur l’aire de repos, c’était incroyable parce que les oiseaux et les insectes répondaient à l’enregistrement. Les sons de la nature étaient exacerbés, et après dix minutes de repos, les gens se levaient et continuaient seuls à marcher 5

vers la Mer du Nord. Dans la forêt, j’ai fabriqué deux très grand murs, à un bon mètre d’écart et assez hauts. On marchait à travers ce couloir naturel de bois, et un autre apparaissait comme une clairière de forêt. En passant à travers cette clairière, on commençait à grimper les dunes de sable qui menaient jusqu’à la Mer du Nord. Là, j’ai fabriqué une structure avec la boue du trou de la première station. Il y avait un aspect positif et négatif dans l’utilisation de cette boue. Ici, le trou était placé dans la mer, on pouvait entrer par une entrée circulaire et regarder la mer à travers une autre. Au sommet de ce cône de boue, j’ai placé une clochette qui produisait des sons assez hauts en contrepoint des sons très bas du bourdon qui sortaient du premier cône creusé dans la terre. Voilà la pièce que j’ai appelée Walking. Même dans ce contexte particulier de l’île de Terschelling, on pourrait dire que vous avez, comme à l’accoutumée, travaillé sur le temps et l’espace. « Tout mon travail gravite autour du temps et de la construction de l’espace. Le temps est la ligne qui va du plus profond de la Terre au Paradis, tandis que l’espace est une ligne horizontale. Cette traversée du temps et de l’espace est la base de toute forme d’architecture. Regardez une goutte de lait dans un tableau de Vermeer, c’est cette ligne verticale qui est l’architecture du tableau. Regardez Barnet Newman, qui peint une ligne noire au milieu d’une toile : cette ligne verticale rencontre un sol horizontal ou l’espace au-dessus. Si vous jouez Mozart sur un piano, vos doigts vont en bas sur une touche blanche et ensuite en haut sur une touche noire : il s’agit encore une fois d’une relation verticale et horizontale. Vous pouvez frapper la touche fort ou doucement, cette tension fait la différence entre le vertical et l’horizontal ; puis la différence ultime, c’est le son. C’est donc un moyen pour construire n’importe quoi, que ce soit un ballet, un opéra ou un immeuble… Il n’y a que deux lignes dans le monde.


A Terschelling, vous avez traduit cette pensée de l’espace et du temps dans un cadre naturel, en vous laissant inspirer par le paysage. Walk in Progress, le projet que vous allez parrainer en 2013 à Marseille, va impliquer neuf artistes dans un milieu très urbain. Pensez-vous qu’il soit possible d’avoir les mêmes sentiments, les mêmes expériences que vous avez décrits, dans un milieu urbain ? « Marseille est un environnement très différent de Terschelling, je pense donc que l’expérience de la promenade sera très différente. Je dois d’abord trouver un lieu pour pouvoir penser ce que la promenade sera, combien de temps elle durera, ce qu’on y verra. On passe de la nature à un lieu façonné par les hommes. Devez-vous expérimenter cette marche par vous-même en premier lieu ? « Oui. Ensuite nous ferons la structure. Vous êtes connu pour beaucoup voyager, rapidement, d’une ville à une autre mais, quand vous êtes en Europe, aimez-vous vous promenez dans les villes ? Qu’y ressentez-vous ? « Paris est une ville géniale, tout comme New York. Vous pouvez marcher à travers Paris. C’est merveilleux, c’est comme de petits villages, vous pouvez aller d’un lieu à un autre. C’est une ville faite pour marcher, contrairement à Los Angeles ou Pékin.

êtes beaucoup plus conscients de ce qui se passe au Japon ou en Chine. Vous voyez l’influence au XIXe siècle de la venue de l’amiral Perry au Japon, quand l’Est a commencé à s’ouvrir à l’Ouest, du moins au Japon. Les Français ont très tôt adopté la peinture japonaise. Et vous voyez comment le wood-block [instrument de musique asiatique, Ndlr.] et les compositions japonaises ont été immédiatement absorbés dans la culture française. Au XXe siècle, vous avez accueilli Stravinsky, Picasso, jusqu’à Peter Brook. Plus de Français ont vu mon travail que les Américains. J’ai eu quasiment chaque année une production en France depuis 1971. Les Français sont plus intéressés par mon travail que ne l’est mon propre pays. Einstein on the Beach était une commande de Michel Guy, alors ministre de la Culture. J’avoue que jamais le National Endowment for the Art aux Etats-Unis ne demanderait à un Français d’écrire un opéra... »

Je dois d’abord trouver un lieu pour pouvoir penser ce que la promenade sera, combien de temps elle durera, ce qu’on y verra. On passe de la nature à un lieu façonné par les hommes.

Robert Wilson, Walking, Oerol Festival, 2008 © Anne Zorgdrager

En tant qu’artiste américain, vous avez une grande expérience de l’Europe. Quelle est selon vous la plus grande différence entre Etats-Unis et Europe ? Qu’est ce qui fait qu’une ville est « européenne » ? « J’ai grandi dans une ville qui n’a rien de vieux, ce qui fait que nous n’avons aucun sens de l’Histoire. L’Europe a en premier lieu une culture plus ancienne que celle des Etats-Unis, nation vieille de deux cents ans seulement. Nous sommes venus de l’Europe pour échapper à une pression politique, sociale et économique. Contrairement à Europe, où vous vivez plus près les uns des autres (Anglais, Français, Allemands, etc.), les Américains vivent dans un très grand pays, et ne connaissent pas vraiment les frontières. Nous avons envahi Grenade [en 1983, une coalition emmenée par les Etats-Unis renversa le régime pro-soviétique qui avait pris le pouvoir sur cette île des Caraïbes, Ndlr.], mais cela aurait pu être le Groenland. Nous ne savons pas où est Grenade parce que nous vivons dans un grand pays. Les Américains sont en quelque sorte moins conscients de l’Histoire, et il y a donc chez eux une certaine naïveté, à la différence des Européens. Nous sommes moins concernés par les autres cultures. Je pense qu’en Europe vous êtes plus intéressés par ce qui se passe actuellement en Tunisie, en Libye ou au Moyen-Orient. Vous savez ce qui se passe avec Israël et les Palestiniens. Et je pense que vous 6


ROBERT WILSON, PACES IN SPACES Interview by Jean-Marc Adolphe In the frame of the new IN SITU’s programme, Robert Wilson will drive the project “Walk In Progress”, with nine young european artists who were invited to imagine some structure to explore a city. In 2008, the American stage director and visual artist had already done a production named “Walking” in the specific context of the Terschelling Island off the coast of Holland for the Oerol Festival. He reviewed with us this unique experience and shared his perception of the European space.

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I

n 2008, you did a project called Walking in Oerol Festival, was it the first time you did this kind of project in such a specific context? Well I’ve never really done anything exactly like that, so that was something very new for me. How did you approach such a specific project? I was asked to do something on the island of Terschelling. I went and I walked all over the island, especially the western end, because there is a very large nature reserve there. I noticed that the sounds of the birds, of the insects were different. I also was curious as to the landscape, that all over the island varied somewhat. But at this end of the island I was very curious. We started on the east side, just opposite the main land of the Netherlands. There were low grasses and in crossing to the North Sea we ran into an area of low shrubbery. And then still going further we went into a very dense wooded area. And coming out of the dense wooded area we were confronted with sand dunes. Quite high! In order to get to the North Sea, one had to walk over the sand dunes. I was fascinated by this journey. I walked it a number of times, thinking to find maybe a location to do a theatrical work. Then it occurred to me, that actually the walk was maybe what was most interesting. To have this experience of how the landscape, the vegetation, but also the sounds of the birds and the insects. So I made a station at the beginning, a station in the middle and a station at the end. The station at the beginning was a kind of hallmark or introduction for this piece. Walking across the island took me one hour and forty-forty five minutes, walking at a natural pace. But I did a very curious thing: I took a slower time to walk and I timed myself. It was a little over four hours. And suddenly my perception was different, because I took more time to walk. So what I had been hearing, what I smelled, saw before, I perceived in a different way. So I came up with this idea of having a piece called “Walking”, where one would walk single file, so you didn’t have a chance to talk and one became more aware of one’s senses: of sight, of smell, of hearing, etc. So then I established those three stations. The first one was a kind of clearing space. One entered a black cube that was totally silent and where there was no light, and stayed alone in this black cube for about four or five minutes. Then one left this cube


and went into a courtyard, which was about fifteen meters square and open to the sky. And I think it was eight or ten people, who were allowed in this big space. The ground was sand from the beach and in the center was a five meter conical shape that had been dug into the earth. We painted the surface black and I put in a sound installation of a deep drone, almost as if you could hear the center of the earth trembling. After ten or twelve minutes, one left, in a single file, through a very low doorway, and began to walk across the island. In order to set the pace of the walk, I had leaders. We started at nine o’clock in the morning and went till nine o’clock in the evening. There would be a leader that would start at nine o’clock in the morning and between every person was at least five meters, so that you never had a chance to speak to anyone. In the middle of the island I had a rest stop where people sat on chairs and I add these very long strange wooden tables on which were apples and glasses of water. The seats again were not placed with any two seats placed next to one another but were distributed around the brushy landscape, low brush. I took the sound of crickets, insects who live an average of 21 days. And what we did was to take the average lifespan of a human being, which is seventy years, and we slowed the lifespan of the cricket to seventy years. And what we hear is something unbelievable. We would have never recognized it as crickets chirping, it sounds like angels or choirs of human beings singing. Anyway this was played in the rest stop and it was amazing because the birds and the insects from this low bush area, they responded to this tape. The sounds of nature were heightened. Then after ten minutes of sitting, people got up and again single file continued walking to the North Sea. At one place in the forest, I made two very long walls, about a meter apart and quite tall. One walked through this long corridor of natural wood and as one came out, one came to a clearing in the forest. And passing on through the clearing, one began to climb these sand dunes that lead one to the North Sea. And once one was in the sea, I had taken the earth that had been dug out from the conical shape in the first station and had built a mud structure above ground. So there was a positive and a negative use of the mud. And the conical shape now placed on the North Sea one could enter through a circular doorway and look out through another doorway to the sea. And in the top of this conical shape, I placed tickle bells and these tickle bells were high broken up sound as a counter point to the low (droning imitation) drone from the first conical shape that was cut into the earth. So this is the piece I did called “Walking”.

I will need to find a site and then to consider what the walk will be, how long it should be, what one sees, whether one goes through nature from something more man-made. This piece was done in this Terschelling island. But, in a way, even in this very specific context, we could say you have as usual worked on time and space. I think in all my work it’s a time and space construction. Time is the line that goes to the center of the earth and goes to the heavens. Space is a horizontal line. This cross of time and space is the basic architecture of everything. You look at the drip of milk in a Vermeer painting; that vertical line is the architecture of the painting. You look at a painting of Barnet Newman, who paints one black stripe down the middle of a canvass. This is a vertical line, this meeting a horizontal floor or a space above. If you play Mozart on a piano, your finger goes down on a key of the piano and up and out on a string, so it’s again a vertical and a horizontal. You can strike the key of the piano in a hard way or you can strike it in a soft way and this tension makes the difference between the vertical and the horizontal and then ultimately the difference in the sound. So it’s a way of constructing anything whether it’s a ballet or writing an opera or a building. Now there are only two lines in the world. In Terschelling you transposed this idea of space and time in a natural place, you let yourself be inspired by the landscape. "Walk In Progress", the project you will sponsor in Marseilles in 2013, will involve nine artists in a very urban context. Do you think it’s possible to have the same feelings, the same experiences as you have been describing, in such an urban context? Marseilles is a very different environment than Terschelling so I think the experience of walking will be very different. I will need to find a site and then to consider what the walk will be, how long it should be, what one sees, whether one goes through nature from something more man-made. You must walk by yourself first ? I have to find it myself and then we will make a structure. You are known to travel very quickly from a space to another one, but when you are in Europe, do you like walking in the cities yourself? What do you feel? I think Paris is a great city because it’s like New York. You can walk all over Paris. It’s wonderful; it’s like little villages, you can go from one place to the other and it’s a great city to walk in. Unlike Los Angeles or Beijing… 8

You are an American artist but you has such a huge experience of Europe. Regarding this question of urbanism, what is for you the largest difference between the States and Europe? What is specifically European in this approach to urbanism, cities? I think that in Europe, first of all, you have a much older culture than in the United States. We are just a little over two hundred years old as a nation. We came to escape Europe and political, social and economic pressures. Americans are in some ways less aware of history. Americans live in a very big country. We don’t really know the borders. In Europe, you live much closer together, so the French, the English know where the Germans are. We have never been invaded the way you have been invaded in Europe. So you grew up seeing something from the twelfth century or from the fourteenth century, going into a building that is a medieval building. I grew up in a town where there was nothing old, so we had no sense of history. We invade Grenada but it could be Greenland, we don’t know where Grenada is, because we live in this vast country. So there is a certain naivety to the Americans that is very different to the Europeans. We are less aware of what is happening in other cultures in the United States. I think in Europe you’re much more aware of say what is going on in Tunisia, in Libya, in the far-east, what is going on with the Israelis, with the Palestinians. And I think you are even more aware in some ways of what is going on in Japan or China. You see already the influence in the nineteenth century after an American, Admiral Perry went to Japan, when the east began to open to the west, or at least in Japan. The French were one of the first to adopt Japanese painting. The woodblock and the Japanese compositions and paintings were immediately absorbed into French culture. In the twentieth century, you gave a home to Stravinsky, Picasso, Peter Brook. More French have seen my work than Americans. Almost every year I’ve had a production in France since 1971, about six or seven years ago I had nine productions in one year in France. The French are much more aware of my work than in my own country. You have a philosophy that allows for support of art other than French. “Einstein on the beach” was a commission by Michel Guy, the minister of Culture. I dare say that the National Endowment for the Arts in America would never commission a French man to write an opera.


Robert Wilson, Walking, Oerol Festival, 2008 Š Anne Zorgdrager

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« L’expertise artistique a-t-elle sa place aux côtés des grands corps de métiers traditionnellement investis dans le champ de la fabrique de la ville (architectes, ingénieurs, urbanistes, paysagistes) ? » (Maud Le Floc’h, directrice du pOlau)

Pixel 13, BULB@Archipels Marseille-Provence 1.0, Small is beautiful, octobre 2010, Marseille – Lieux publics © Vincent Beaume

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ASSEZ DE RONDS-POINTS ! Jean-Marc Adolphe L’aménagement urbain ne serait-il qu’affaire de circulation et de carrefours giratoires ? Du nord au sud, d’ouest en est, les villes européennes ont su, au fil des siècles, développer une certaine culture urbaine, qui est aujourd'hui soumise à de profondes mutations. Sans considérer le concept de « ville créative » comme une panacée, les artistes n’hésitent plus à délaisser la seule figure de « saltimbanque » et s’engagent dans des projets qui composent avec l’imaginaire en devenir d’une « ville en partage ».

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ui connaît aujourd’hui Eugène Hénard ? Si la célébrité l’a oublié en chemin, il n’en reste pas moins l’un de ceux grâce à qui la ville contemporaine est ce qu’elle est… Cet architecte français a en effet inventé en 1906 le premier « carrefour giratoire », qui s’est plus communément répandu sous le nom de « rond-point ». Il y a en a aujourd’hui, en France, plus de 18 000. Chacun d’eux coûte de 150 000 à 800 000 euros. Mais quand il s’agit de privilégier la sécurité des conducteurs, à quoi bon lésiner sur la dépense ? De toute façon, le déplacement automobile semble être devenu l’alpha et l’oméga des politiques d’aménagement urbain (« Il faut adapter la ville à l’automobile », disait le Président français Georges Pompidou)… En soi, le rond-point est moche. Certains le restent, strictement confinés dans leur fonction de terre-plein central : circulez, il n’y a rien à voir. Mais parfois, de plus en plus souvent, les municipalités cherchent à embellir la chose et rivalisent d’une créativité débridée : compositions florales, bateaux échoués, carrioles bariolées, voire sculptures contemporaines dessinent confusément un nouveau folklore urbain. A quand les cartes postales ? Il était grand temps que les arts de l’espace public s’emparent de ces scènes « naturelles » autour desquelles un innocent « public » ne fait que tourner. « Les ronds-points sont des théâtres urbains à 360° », proclame Matthieu Bouchain, metteur en scène de T. Public, association d’idées, qui a décidé d’en faire le cadre de P@té de maisons, et envisage de détourner ces fameux

ronds-points en autant d’« îlots poétiques », en y créant « des mises en situation insulaires et des images décalées ». Tout en cherchant la complicité avec l’environnement, Matthieu Bouchain veut y faire surgir l’utopie d’un « droit à la ville », le giratoire étant alors perçu comme « zone de transit d’un monde devenu fou où nos civilisations perdent leurs mémoires, leurs cultures, leurs identités… ». L’architecture, les opérations urbanistiques, façonnent les villes et modifient leur usage. Et l’espace urbain est un chantier permanent. Architectes de formation, Alexandre Cubizolles et Sabine Thuillier (dont le sujet de diplôme était déjà intitulé « Chantier conseillé au public »), ont fondé à Marseille l’association PIXEL 13. Leur dernier projet en cours, Work’n progress, se greffe sur la notion même de chantier. En faisant travailler conjointement des artistes avec les équipes techniques de maîtrise d’œuvre, il s’agit d’intervenir sur le déroulement même du chantier, sans le déranger, mais en lui conférant une dimension esthétique. Appliqué à la ville en train de se construire, ce travail de scénographie urbaine ira de la « chorégraphie d’engins de chantier » à des réalisations multimédia qui puisent leur matière première dans les ressources mêmes du chantier. L’espace public n’est pas seulement ce qui est (qu’il soit « urbain », « péri-urbain » ou « rural »), mais ce qu’on en fait. La ville comme théâtre éphémère d’une sorte de rituel artistique, à l’instar du cycle Sirènes et midi net de Lieux 11

publics à Marseille, chaque premier mercredi du mois, à l’heure où meuglent les sirènes de la protection civile. La ville comme agora, promue en tant que telle par la compagnie tchèque Divadlo Archa à travers un nouveau festival, Akcent, qui cherche à briser les frontières entre la création artistique et les problèmes sociaux, économiques ou politiques, et s’infiltre pour cela dans des lieux atypiques. La ville comme source de prélèvements, dont le montage et la mise en scène peuvent agir comme autant de « révélateurs ». Sous le titre générique d’Holocene, le collectif anversois BERLIN réalise des portraits de ville : quatre à ce jour (Jérusalem, Iqaluit – en territoire inuit –, Bonanza – hameau de sept habitants aux Etats-Unis – et Moscou). De chaque lieu exploré, après une immersion de quelques mois, émerge un « cadastre secret » nourri par les paroles des habitants : « Ce sont nos personnages », expliquent Bat Baele, Yves Degryse et Caroline Rochlitz : « Le réel nous apporte beaucoup plus de surprises que ce que nous aurions pu inventer. » A chaque fois, un dispositif scénique, constitué d’écrans, restitue ces collectes, dans la multiplicité des points de vue : « Il y a plusieurs vérités. » (1) Puisque la ville est une entité physique, vivante et mouvante, et que s’y inscrivent vécu social, légendes urbaines et traumatismes enfouis, rien n’interdit de s’y pencher avec les outils de la psychanalyse. Depuis 2003, Laurent Petit a mis un certain nombre de villes sur le divan, avec son Agence nationale de psychanalyse urbaine (ANPU), qui vante une « méthode d’investiga-


tion consistant essentiellement dans la mise en évidence de l’inconscient à l’origine de l’aménagement urbain. » A contre-pied de l’architecte, obnubilé par la physique des matériaux et les contraintes budgétaires, le psychanalyste urbain prône une « science fondamentalement inexacte » et ne se veut guère plus qu’un « marchand de tissus invisibles ». Mais, ajoute Laurent Petit, « le monde entier ne devrait-il pas de temps en temps basculer dans l’hyper-poésie ? » (2) Avec le projet Eutopia, le plasticien et architecte belge Filip Berte espère pour sa part construire une véritable maison dont chacun des cinq étages symboliserait un état de la construction européenne – depuis la cave, où s’entasseraient les (mauvais) souvenirs (désastres, conflits) au grenier, où une œuvre viendrait présenter l’Europe sous le jour de l’utopie. Si l’Europe est, comme on le répète à l’envi, cette « maison commune », les artistes sont parmi les premiers bâtisseurs. Peuvent-ils en devenir les « aménageurs » ? L’un des axes du projet META (Manifeste européen pour la transformation par l’art), porté par le réseau européen IN SITU, dessine les contours d’une « ville en partage ». Loin de se satisfaire de l’aspect décoratif que la « requalification urbaine » réserve parfois à des commandes artistiques, il s’agirait de susciter et de mettre en réseau des initiatives où s’inventent « les formes nouvelles d’un monde commun, fondées sur l’expérimentation de relations sociales plutôt que sur la création d’objets d’art ». Assez de ronds-points, fussentils embellis ! Ce n’est pas en se concentrant exclusivement sur les axes de circulation que l’on rendra les villes plus hospitalières, ni

même plus agréables à vivre. L’action, la vie et l’échange sont les trois fondamentaux qui régissent les interventions du collectif eXYZt, composé d’architectes, graphistes, vidéastes, cuisiniers, etc. Pour eux, l’architecture est un médium, qui doit avant tout rendre possible les rencontres et l’échange entre les hommes : « eXYZt défend l’idée que l’acte d’architecture déborde largement l’espace circonscrit du geste de design. Ses actions travaillent à la définition d’une architecture comprise comme outil d’agencement de compétences et de savoir-faire multiples en vue d’expérimenter des formes et des méthodes inédites de construction. Pour, enfin, reconsidérer l’horizon d’un habiter ensemble. » (3) Chercher à dépasser un rapport à la ville qui serait uniquement celui d’une fonction cosmétique ou animatoire : telle est l’une des missions principales que s’est donné le pOlau, pôle de recherche sur les arts et la ville. « L’expertise artistique a-t-elle sa place aux côtés des grands corps de métiers traditionnellement investis dans le champ de la fabrique de la ville (architectes, ingénieurs, urbanistes, paysagistes) ? », questionne Maud Le Floc’h, urbaniste-scénariste et directrice du pOlau. L’an passé, une journée professionnelle, « Art et Ville », réunissait ainsi, en région Poitou-Charentes, un certain nombre d’exemples concrets où de telles collaborations ont été mises en jeu. Il y fut question d’« écologie urbaine », de « recyclage créatif », de « valeur d’usage de l’art urbain », de « perturbations positives », qui pourraient être mis au service d’un certain « génie des lieux » (4). A plus grande échelle, le Festival international de théâtre de Copenhague a lancé en 2007 un

BERLIN, Iqaluit, Small is beautiful, octobre 2010, Marseille – Lieux publics © Vincent Lucas

programme décennal, intitulé Metropolis, qui s’attache à promouvoir et à relier, dans toute l’Europe, des initiatives où la notion d’« œuvre d’art » (artworks) serait remplacée par celle d’« art qui travaille » (art that works) (5). Ce nouveau paradigme vise clairement à mettre l’artiste au cœur d’un changement de pratique urbaine, avec une philosophie où d’anciennes utopies portées par une certaine contre-culture (en particulier les mouvements issus du situationnisme) accoucheraient aujourd’hui d’un pragmatisme assumé. Les temps sont sans doute mûrs pour cela, alors même que partout en Europe, bon nombre d’élus et d’urbanistes cessent de considérer la ville au filtre de ses seules fonctionnalités (souvent séparées les unes des autres), et davantage en termes de « reliance », avec une approche de l’organicité et la complexité de l’écosystème urbain, d’où ne serait pas exclue la dimension artistique et culturelle. Depuis que le Canadien Richard Florida en a formulé le concept, la notion de « ville créative » s’est imposée comme un leitmotiv des politiques urbaines. Mais derrière la dénomination, séduisante, une réalité à double tranchant s’est vite fait jour. Car si l’idée de créativité véhicule, aux yeux de tous, une charge positive, celle des « territoires » devient souvent le fer de lance d’une logique de marketing, à l’heure où la compétition économique se substitue partout à l’exigence républicaine des solidarités. Cette concurrence entre villes européennes se vérifie notamment au moment de décrocher le titre de Capitale européenne de la culture, qui peut conduire celles-ci à s’ériger davantage en vitrines qu’en laboratoires. Reste que ce concept de « ville créative », écrit Jean-Pierre Saez, « a incontestablement des vertus mobilisatrices, en tant que point d’appui pour réinventer la pensée de l’action urbaine » (6). Ces dernières années, les artistes qui interviennent dans l’espace public ont suffisamment nourri d’expériences et affûté leurs « compétences » pour pouvoir apporter leur grain de sel, sans être dupes de tous les intérêts parfois souterrains qui profilent l’aménagement urbain. Quitte, donc, à être le poil à gratter des politiques qui les sollicitent enfin. 1. A lire, sur le collectif BERLIN : « Le théâtre, écran du réel », Gwenola David et Jean-Louis Perrier, in Mouvement n° 51 (avril-juin 2009). 2. Laurent Petit : cf « Les villes sur le divan », Julie Bordenave, in Mouvement n° 58 (janvier-mars 2011). 3. A lire, sur le collectif eXYZt, « Architectures de l’intérieur », Sébastien Thiery, in Mouvement n° 54 (janvier-mars 2010). 4. Le pOlau : www.polau.org 5. www.kit.dk/2010/metropolis.htm 6. Jean-Pierre Saez, in L’Observatoire n° 36, revue des politiques culturelles. www.observatoire-culture.net

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BERLIN, Moscow, Small is beautiful, octobre 2010, Marseille – Lieux publics © Vincent Lucas

AWAY WITH ROUNDABOUTS! Jean-Marc Adolphe Hasn’t urban development been reduced to a question of traffic management and gyratory crossroads? From north to south, west to east, European cities have managed, over the centuries, to develop a certain urban culture into which new threads must now be woven. Without considering the concept of the “creative city” as a panacea, artists are no longer hesitating to set aside the established principle of “entertainers”, in order to pursue projects that interact with the emerging imagination of a “shared city”.

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ho today remembers Eugène Hénard? If the hall of fame forgot him along the way, he nevertheless remains one of those thanks to whom the contemporary city has become what it is… In 1906 this French architect in fact invented the first “gyratory crossroads”, which more commonly goes by the name of “roundabout”. There are over 18,000 in France today. Each one costs between 150,000 and 800,000 Euros. But if it’s a case of promoting the safety of drivers, why skimp and save? Whatever the case, traffic flow seems to have become the Alpha and Omega of urban development politics (“the city must adapt to the automobile”, French president Georges Pompidou used to say)… In its own right, a roundabout is ugly. Some remain so, strictly limited to their function of central reservation: keep moving, there’s nothing to see. But sometimes, more and more frequently, town councils attempt to embellish them, and

rival each other with unbridled creativity: floral compositions, shipwrecked boats, brightlycolored sleighs or even contemporary sculptures provide a confusing illustration of new urban folklore. When will the postcards follow? It was high time that arts within the public arena seize this “natural” context around which an innocent “audience” endlessly turns. “Roundabouts are 360° urban theatres”, proclaims Matthieu Bouchain, director of ‘T.Public, association d'idées’ who has decided to make this the context of ‘P@té de Maisons’, and who is aiming to convert these famous roundabouts into a series of ‘poetic islands’ by creating thereupon “insular role-plays and unexpected images”. Whilst still seeking harmony with the environment, Matthieu Bouchain wants to see the emerging utopia of “our right to the city”, the roundabout being then perceived as “the transit zone of a world gone mad in which our civilizations lose their memories, 13

their cultures, their identities…” Architecture and urban operations shape cities and modify their use. And the urban space is a permanent building site. Both qualified architects, Alexandre Cubizolles and Sabine Thuillier (her graduation project was already entitled “Building in progress – public welcome”), have founded the association PIXEL 13 in Marseilles. Their latest production underway, Work’n Progress, is based around the very concept of the building site. By inviting both artists and technical construction teams to work together, they have an involvement in the very development of the building project, without disturbing it, but rather adding an aesthetical dimension. Applied to the city under construction, this work of urban scenography extends from the “choreography of heavy plant machinery” to multimedia productions of which the very source material at the work-site will be its building blocks.


“Does artistic expertise have its place alongside the mainline professions traditionally involved in the fabric of city life (architects, engineers, urban planners, landscape designers)?” (Maud Le Floc’h, director of the pOlau)

ANPU, Agence nationale de psychanalyse urbaine © Charles Altorfer

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The public arena is not only what it is (whether classed as “urban”, “suburban” or “rural”), but what one makes of it. It is the city as the ephemeral theatre of a kind of artistic ritual, as for instance in the cycle “Sirènes et midis net” by Lieux Publics in Marseilles, every first Wednesday of the month, at the time when the civic protection sirens are sounded. The city as a concourse, promoted as such by the Czech Company Divaldo Archa during a new festival, ‘Akcent’, which is seeking to remove the barriers between artistic creation and problems that are social, economic or political, by infiltrating unusual locations. The city as a source of samples, edited and directed in order to fulfill a “revelatory” role. Under the generic title of Holocene, the Antwerp collective BERLIN produces city portraits: there are four so far (Jerusalem, Iqaluit – in Inuit territory –, Bonanza – a hamlet of seven inhabitants in the United States – and Moscow). In each explored location, after a few months of being immersed in the environment, there emerges a “secret land registry”, established by the memories of its inhabitants: “They are our characters”, explains Bat Baele, Yves Degryse and Caroline Rochlitz: “reality provides us with a lot more surprises than what we might have invented”. Each time a theatrical set, composed of screens, portrays the information collected and the wide variety of viewpoints expressed: “there are several truths” (1). Since the city is a physical entity, living and moving, and that this is the context for social experience, urban legends and buried traumatisms, there is no reason to refrain from exploring it using psychoanalytical tools. Since 2003, Laurent Petit has invited a certain number of cities onto the couch via his National Agency for Urban Psychoanalysis (ANPU in French), and claims to promote “an investigative method consisting essentially in the revealing of the subconscious thoughts at the origin of urban development”. In contrast to the architect, obsessed by the physicality of materials and budget constraints, the urban psychoanalyst favors a “fundamentally inaccurate science” and scarcely sees himself as more than a “seller of invisible cloth”. But, adds Laurent Petit, “shouldn’t the whole world swing towards hyper-poetry from time to time?”(2). With his Eutopia project, Belgian visual artist and architect Filip Berte has the personal goal of building a genuine house in which each of the five floors would symbolize a stage in European construction, from the basement, where (bad) memories (disasters, conflicts) would be heaped together, to the attic, in which an artwork would present Europe in a Utopian light. If Europe

is, as very often stated, this “shared home”, then artists are certainly its first builders. Can they become its “planners”? One of the aims of the META project (European manifesto for transformation via Art), promoted by the European network IN SITU, is to define the contours of a “shared city”. Far from being satisfied by the decorative aspect that “urban requalification” sometimes expects from the artistic orders it places, this would aim to spark network initiatives in which “the new forms of a shared world, based on the experimentation with social relationships rather than the creation of art objects” would be invented. Away with roundabouts, even the most beautified! It is not by concentrating exclusively on traffic flow that cities will become more hospitable, or even better places to live. Action, life and exchange are the three fundamental avenues explored in the work of the collective eXYZt, comprising architects, graphic designers, video directors and cooks etc. For them, architecture is a medium which must first and foremost make possible meetings and exchanges between people: “eXYZt defends the idea that the architectural act goes way beyond the defined space of the design gesture. Its actions are working towards the definition of architecture understood as a tool for the organization of various skills and savoir-faire that can experiment with original construction forms and methods. In order, ultimately, to reconsider the horizon of shared life.” (3) Seeking to go beyond an approach to the city which would be uniquely that of a cosmetic or enlivening function: this is one of the primary objectives adopted by pOlau, a research centre exploring arts in the city. “Does artistic expertise have its place alongside the mainline professions traditionally involved in the fabric of city life (architects, engineers, urban planners, landscape designers)?” asks Maud Le Floc’h, urban planner/scriptwriter and director of pOlau. Last year a one-day event for professionals, “Art and City” assembled, in France’s Poitou-Charentes region, a certain number of specific examples where such collaborations have been undertaken. Issues were tackled such as “urban ecology”, “creative recycling”, “the common value of urban art”, and “positive disturbances” which could be used in a kind of “city engineering” (4). On a wider scale, in 2007 The International Festival of Theatre at Copenhagen launched a ten-year program entitled Metropolis which committed to promoting and networking, across the whole of Europe, initiatives in which the notion of ‘artworks’ would be replaced by ‘art that works’ (5). This new paradigm is clearly aiming to place the artist at the heart of a change in urban practice, with a philosophy in which 15

former utopias supported by a type of counterculture (in particular movements derived from situationism) would lead today to an assumed pragmatism. No doubt the time is ripe, since throughout Europe a large percentage of elected representatives and urban planners are no longer viewing the city merely through the filter of its functionalities, (often quite separate one from the other), and more in terms of “connectivity” with an approach to the organic structure and the complexity of the urban ecosystem within which the artistic and cultural dimensions would not be excluded. From the moment that Canadian Richard Florida formulated the concept, the notion of “creative city” has become the leitmotif of urban politics. But behind this appealing label, a double-edged reality has emerged. For if the idea of creativity conveys, as is commonly agreed, a positive message, that of “territories” often becomes the launch pad for marketing strategies at a time when economic competition is replacing everywhere the republican demand for acts of solidarity. This competition amongst European cities is most notable at the time when the title of European Capital of Culture is awarded, leading some cities to build shop windows rather than laboratories. Nevertheless, this concept of “creative city”, writes Jean-Pierre Saez, “has undoubtedly provided a mobilizing impetus, as a springboard for reinventing the approach to urban action” (6). Over recent years, artists who intervene in the public arena have gained sufficient experience and honed their skills to be able to bring their grist to the mill, without being naive about all the vested interests, sometimes behind the scenes, that are involved in urban development. Artists that are ready, therefore, to be the itching powder of the politicians who finally call for their services. 1. About the BERLIN Collective: « Le théâtre, écran du réel », Gwenola David and Jean-Louis Perrier, Mouvement n° 51, April-June 2009. 2. Laurent Petit : cf « Les villes sur le divan », Julie Bordenave, Mouvement n° 58, JanuaryMarch 2011 3. About the eXYZt Collective, « Architectures de l’intérieur », Sébastien Thiery, Mouvement n° 54, January-March 2010. 4. Le pOlau : www.polau.org 5. www.kit.dk/2010/metropolis.htm 6. Jean-Pierre Saez, in L’Observatoire n° 36, review of cultural politics. www.observatoire-culture.net


Entre prélèvements de fragments visuels et autre cueillette de signes urbains, les CRU (chemins de randonnée urbains) proposent de décrypter la sémiologie de la ville : identifier les stratégies de domination insidieuses à l’œuvre dans l’espace public, et leur impact sur l’inconscient collectif. Les Apprentis de la FAIAR, L'équipée sauvage de six reines et dix minettes, Sirènes et midi net, avril 2011, Marseille – Lieux publics © Vincent Lucas

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DANS LA RUMEUR DE L’ESPACE PUBLIC, ET PARFOIS DANS SES TURBULENCES Julie Bordenave L’homme au centre, telle est la préoccupation de toutes les propositions artistiques qui s’affirment dans un cadre urbain ou paysager. Mais comme le rappelle le sociologue tunisien Rida Boukraa : « Il n’existe pas d’espace public absolu, seulement des espaces déterminés culturellement ». Avant de chercher à investir – voire à réinterpréter – cet « espace public », peut-être s’agit-il simplement de l’écouter. Eprouvé au sein du corps social, l’art se fait révélateur des usages et des empêchements qui constituent nos environnements.

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’une simplicité confondante, le dispositif imaginé par le collectif réunionnais Art Marron est pourtant diablement malin : c’est en pleine rue que Guillaume Lebourg et Xavier Daniel posent leur Dernier salon où l’on cause – une pièce plastique bleue, biscornue, d’une beauté minérale et énigmatique, comme une joyeuse invitation à croiser les sphères intimes et privées. « La pièce n’est complète que lorsque des gens sont présents dans le salon et échangent », explique Guillaume Lebourg. Appropriation timide ou spontanée, mixité sociale… Le salon permet de prendre le pouls de l’espace public, de rendre compte de ses enjeux – usages et limites, tabous et envies. En mai dernier au festival Leu Tempo (ile de La Réunion), Créoles et Zoreils côtoyaient ainsi représentants de l’agriculture biodynamique, psychiatre, philosophe ou expert en langue et culture créoles... Autant d’invités conviés par les plasticiens pour donner corps à des utopies, impulser des rencontres, voire initier des réseaux sur des problématiques concrètes – telles que l’autonomie énergétique ou alimentaire dans un contexte insulaire : « En invitant ces gens, nous voulons nous réapproprier un espace public qui a largement dérivé vers le virtuel », explique Xavier Daniel.

Sur l’île de Terschelling, aux Pays-Bas, il s’agit de tendre l’oreille à la rumeur du paysage : dix jours en juin, l’Oerol Festival offre un cadre idyllique à la quarantaine de projets accueillis dans un contexte inédit. Art paysager, spectacles vivants et installations s’y côtoient, entre dunes et forêts, plages et champs, amenant les artistes à penser leur créations pour un endroit à l’abri de la rumeur de la ville : « L’île compte 4 000 habitants, mais accueille jusqu’à 50 000 festivaliers durant Oerol. L’isolement insulaire crée une complicité très forte entre le public et les artistes : il ne s’agit pas de rentrer chez soi après 17

le spectacle, chacun reste dans cet univers durant toute la durée du festival. Le monde imaginaire et le monde réel y sont très proches », explique Kees Lesuis, directeur artistique du festival. Certains trouvent à Terschelling l’essence de leur inspiration, tel Tricyclique Dol, qui y ébaucha les prémisses de sa nouvelle création : Contre Nature, un parcours à la découverte de fantasques anomalies paysagères. Passé par les ateliers Oreol en 2010 – worskhops in situ ouverts à de jeunes artistes – Karl van Welden présente cette année sa création Saturn : des performances à observer par une longue vue, dans une réserve d’oiseaux sise sur une dune haute de 40 mètres. Pour Kees Lesuis, il est important de « développer ces nouvelles esthétiques dans l’espace public, qu’il soit urbain ou rural. » Pensés dans cette singulière bulle de réflexion artistique, les spectacles créés à Oerol adaptent ensuite leur forme pour se réinjecter dans la clameur de la ville. En région parisienne, au sein du collectif Ne Pas Plier d’Ivry-sur-Seine, le graphiste Gérard Paris Clavel s’attelle quant à lui à affûter le regard sur l’environnement urbain. Au sein du groupe s’imaginent des CRU – chemins de randonnée urbains – pour apprendre à lire la ville : « Le principe du CRU repose sur la déambulation, les rencontres, les hasards, la recherche de liens et de lieux d’échange réels et potentiels. Le CRU est avant tout source de convivialité et de plaisir. » Rendez-vous est donné pour une déambulation aiguisée, entre prélèvements de fragments visuels et autre cueillette de signes urbains, afin d’en décrypter la sémiologie : identifier les stratégies de domination insidieuses à l’œuvre dans l’espace public, et leur impact sur l’inconscient collectif, en écho aux réflexions de Roland Barthes : « L’usager de la ville est une sorte de lecteur qui, selon ses obligations et ses déplacements, prélève des fragments pour les actualiser en secret. » (1)


Ecouter l’espace public, tendre l’oreille à sa rumeur, c’est aussi la démarche du collectif Random : se frotter à l’infra ordinaire de la cité pour en récolter des fragments épars, et les restituer, tel un kaléidoscope sensible tendu au public. Testé de Toulouse à Marseille et de Paris à Marrakech, le Laboratoire Itinérant du Réel effectue des collectages sonores et plastiques qui permettent d’identifier les enjeux propres à un territoire. La restitution finale prend la forme d’une déambulation, entre visible et invisible, qui s’inspire des dérives situationnistes. Un protocole simple – actions lancées dans la rue par des comédiens vêtus de sweats à capuche – esquisse des frontières volontairement floues, gommant le fossé entre artistes et spectateurs, pour créer une modalité de jeu de l’ordre de la rumeur : « nous amenons les gens à agir avec nous en partant sur des choses simples - marcher, s’arrêter, grimper, chuter -, pour mettre peu à peu en lumière des actions plus narratives. Les règles s’accumulent, le public peut partir ou nous rejoindre à n’importe quel moment », explique Zineb, membre du collectif. Mouvant, le processus de création s’adapte au gré des territoires : travail sur le corps sexué et le corps collectif au Maroc, expériences sur l’insécurité – « créer une ambiance par des phénomènes physiques : dix personnes qui se mettent à courir dans une ruelle, c’est très parlant » –, organisation de pique-niques sur des carrefours, ou lâcher de feuilles mortes dans des rues piétonnes… « Par l’aléatoire, nous cherchons à créer une brèche dans la réalité. » De son intervention menée en mai dernier dans le quartier parisien de Belleville, lors du festival Préavis de Désordre Urbain porté par le collectif marseillais Ornicart, le Laboratoire a récolté ces bribes : « Entre rafle de Tunisiens, bombe lacrymogène en plein après-midi et étal de biffins, nous avons, de la bouche de la

rue, collecté : que les artistes, ça ne servait à rien… qu’il fallait avoir un toit sur la tête pour aimer la pluie… combien de kilos de viande tu manges en un mois ?… la rue m’a pris plus que ce qu’elle ne m’a appris… » De l’Europe au monde arabe, la période est tourmentée, les identités se fissurent, les questions bouillonnent, jetées en pâture, souvent sans réponse. En porosité avec son environnement, l’artiste se laisse traverser par les contextes sociaux chahutés qu’il traverse, à l’image de la compagnie italienne Motus : créé en plein contexte insurrectionnel à Athènes en 2008, le troisième volet d’un triptyque initialement prévu sur Antigone se transforme en une cruciale mise en abyme sur le rôle – et les limites, peut-être – de l’artiste en temps de révolte sociale (Alexis, une tragédie grecque). Composante d’un corps social qui se remodèle, l’artiste choisit différentes voies pour décaler les points de vue. Les installations de Judith Nab tentent ainsi de donner une identité à cette entité mouvante, anonyme, parfois fantasmée, qu’est le corps social. Sur les traces de Luigi Pirandello, All the people I didn’t meet, « installation non-stop sur la communication indirecte et des rencontres imaginaires », tente d’illustrer que « chacun a sa place bien précise dans l’imagination de l’autre. » Entre onirisme et réalité reconstituée, le spectateur est invité à un parcours multimédia dans les entrailles d’un hangar plongé dans le brouillard, pour aller à la rencontre de l’autre, entre mirages et renonciations. C’est aussi à l’incarnation de ce corps social que s’attelle KompleX KapharnaüM avec Figures Libres : projet au long cours, évolutif jusqu’en 2012, cette nouvelle création part de « l’envie d’éprouver la foule, le rassemblement. » Portée par un dispositif multimédia,

Victor B., Trop de Guy Béart tue Guy Béart, Small is beautiful, octobre 2010, Marseille – Lieux publics © Vincent Lucas

cette marche collective dans la ville s’attache à éprouver les rapports entre individu et groupe : « Le dénominateur commun de ce face à face est le corps : celui de la foule, filmé en direct et retransmis en léger différé, celui d’individus rencontrés et captés en amont. » De la déambulation sur les pas d’un cheval (Père Courage, Le Phun) à l’intimité d’un parcours sonore sous parapluie partagé (Un pépin pour 2, traversée sensible et poétique d’un quartier proposée par la compagnie Espaces sonores), en passant par un festival imaginé comme une chorégraphie de citoyens (Dream City, festival d’art in situ à Tunis) : le vecteur commun est bien le corps du spectateur / citoyen, qui peut devenir actant à son tour. En sus de ses CRU, Ne Pas Plier se soucie d’une pratique politique du graphisme : « Pour qu’aux signes de la misère ne s’ajoute pas la misère des signes », le collectif propose « des moyens politiques et esthétiques (mots, images, paroles) pour participer aux luttes avec des formes heureuses. » Les fameux autocollants « Je lutte des classes » ou « Rêve générale », qui ont fleuri sur le bitume des manifestations depuis le début des années 2000, sont son œuvre. A la notion de « colportage », Gérard Paris Clavel ajoute celle de « corps porteurs » ; pour ces œuvres graphiques, pas de signature, ni de mise sur le marché : « Chacun devient l’auteur de ce qu’il porte. » Révélateur des usages de l’espace public, l’art in situ l’est aussi de ses empêchements, et peut s’atteler à transgresser les frontières, réelles ou symboliques. Après s’être attaqué à la société de consommation et son corollaire, la société du spectacle et l’avidité insatiable du spectateur (Rubish Rabbit, Christmas forever), les transgressifs Italiens de Tony Clifton Circus récidivent avec Mission Roosevelt (3), qui propose au spectateur un parcours en fauteuil roulant. La provocation n’est pas gratuite : « Il s’agit avant tout de changer le regard sur cet objet souvent connoté négativement, pour tenter de modifier le rapport au handicap. » D’autres s’attachent à donner corps au doux oxymore de « parcours statiques » : après avoir posé sa cabine de photomaton (Cabine Airline), destinée à fixer un instant de vie, de festival en maisons de retraite, et de CHU en parloirs de prisons, la compagnie Nejma mitonne un voyage sensoriel en entresort (La Baraque Foraine 6.1, création à l’automne 2011). Entre fantasme et réalité, il s’agit finalement toujours d’éprouver, au sens où l’entend Jacques Rancière (2), « l'art comme transformation de la pensée en expérience sensible de la communauté ». (1) – Roland Barthes, La Poétique de l’espace, PUF, 1992 (2) – Jacques Rancière, Le Partage du sensible, La Fabrique, 2000. (3) – Mission Roosevelt sera présenté en octobre 2011 à Aubagne pendant Small is beautiful.

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IN THE WHISPER OF THE PUBLIC ARENA, AND SOMETIMES IN ITS TURBULENCE Julie Bordenave Man at centre stage, such is the preoccupation of every artistic proposition that is established in an urban or scenic context. But as Tunisian sociologist Rida Boukraa reminds us: “there is no such thing as absolute public space, only spaces that are culturally defined”. Before attempting to investigate – indeed to reinterpret – this “public space”, perhaps it’s a case of simply listening to it. Experienced at the heart of our social being, art becomes the revealer of our customs and the hindrances that constitute our environment.

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lthough disarmingly simple, the production conceived by the Reunion Island Collective ‘Art Marron’ is, however, ingeniously cunning: it’s in the middle of the street that Guillaume Lebourg and Xavier Daniel install their Dernier salon où l’on cause (‘Last Lounge for a chat’) – a peculiar, blue plastic room of mineral and enigmatic beauty, as a joyous invitation to cross intimate and private spheres. “The room is only complete once

people are present in the lounge and chat together”, explains Guillaume Lebourg. Timid or spontaneous ownership, social mix…The lounge takes the pulse of the public arena, highlights its challenges – customs and limits, taboos and desires. Last May, at the ‘Leu Tempo’ Festival (On Reunion Island), Creoles and local Zoreilles rubbed shoulders with representatives of biodynamic agriculture, psychiatry, philosophy or experts in Creole language and culture…Guests invited by

Tony Clifton Circus, Mission Roosevelt, essai mai 2011, Marseille - Lieux publics © Fanny Broyelle

the visual artists to give expression to utopias, encourage encounters, even initiate networking around specific problems – such as food or energy autonomy in an island context: “By inviting these people, we want to take back ownership of a public arena that has swung significantly towards the virtual”, explains Xavier Daniel. At the heart of the collective ‘Ne Pas Plier’ from Ivry-sur-Seine (Paris), graphic artist Gérard Paris Clavel aims, for his part, to sharpen our perspective of the urban environment. The group has created CRUs – urban pedestrian trails – to learn to interpret the city: “The principle of the CRU is based on walking, meeting, chance encounters, the search for connections and for real and potentials places of exchange. The CRU is first and foremost a source of social interaction and enjoyment.” A rendezvous is arranged for a sharp stroll, containing samples of visual fragments and other collection of urban signs, in order to decipher its semiology: identify the insidious strategies of domination at work in Judith Nab, All the people I didn't meet © Mark Berghoef

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Samples of visual fragments and other collection of urban signs: the CRUs (urban pedestrian trails) propose to decipher the semiology of the city.

the public arena and their impact on the collective subconscious, which recalls the thoughts of Roland Barthes: “The city dweller is a kind of interpreter who, according to his obligations and movements, samples fragments in order to update them in secret.” (1) To listen to the public arena and tune in to its sound, that is also the aim of the ‘Random’ Collective: to rub shoulders with the ordinary infrastructure of the city in order to gather scattered fragments and piece them together, like a sensitive kaleidoscope presented to the public. Tested from Toulouse to Marseilles and from Paris to Marrakesh, the Laboratoire Itinérant du Réel collects auditory and visual information which enables the identification of challenges specific to an area. The final presentation takes the form of a stroll, between the visible and invisible, which is inspired by situational anomalies. A simple protocol – actions initiated in the street by actors wearing hoodies – sketch frontiers that are deliberately vague, repairing the breach between artists and audience, in order to create a game plan for classifying sound: “We encourage people to act with us by beginning with simple actions – walking, stopping, climbing, falling – to gradually introduce more narrative actions. The rules become more numerous, the public can leave or join us at any time”, explains Zineb, member of the collective. Mobile, the creative process is adapted according to territory: work on the sexual form and collective physical expression in Morocco, experiments with insecurity – “to create an atmosphere by physical phenomena: ten people who begin to run in a side street, it really sets you going”, - organization of picnics at crossroads, or showering dead leaves over pedestrian streets… “Through random acts we are seeking to make a breach in reality.” Concerning their appearance last May in the Parisian area of Belleville, during the Festival ‘Préavis de Désordre Urbain’ run by the Marseilles Collective ‘Ornicart’, the Laboratoire received the following comments: “Like a Tunisian raiding party, a teargas grenade in the middle of the afternoon or an infantry market stall, the word on the street was: that artists aren’t of any use to anyone…that you need a roof over your head to appreciate rain…how many kilos of meat do you

eat per month?...the street took from me more than it taught me…” From Europe to the Arab world, these are troubled times, identities waver, questions abound, thrown back and forth, often without reply. In osmosis with his environment, the artist flows with the currents of the chaotic social contexts that he is crossing, as exemplified by the Italian Company ‘Motus’: conceived at the heart of the 2008 Athens insurrection, the third chapter of a triptych initially based on Antigone was transformed into an essential ‘mise en abyme’ concerning the role – and the limits, perhaps – of the artist in times of social revolt (Alexis, a Greek tragedy). Consisting of a social entity which remodels itself, the artists choose different avenues in order to put forward points of view. Judith Nab’s installations also attempt to give an identity to this shifting, anonymous and sometimes ghost-like entity which is the social conscience. Following in the footsteps of Luigi Pirandello, ‘All the people I didn’t meet’ is a “non-stop installation about indirect communication and imaginary meetings” that tries to illustrate that “everyone has a specific place in other people’s imagination”. Between hallucinosis and reconstructed reality, the spectator is invited on a multimedia journey in the confines of a hangar thick with fog in order to encounter others, between mirages and renunciations. It is also the incarnation of this social entity that has inspired ‘KompleX KapharnaüM’ to produce Figures Libres: a long-term project that will evolve into 2012, this new production stems from “the desire to experience the crowd, the gathering”. Supported by a multimedia mechanism, this collective stroll in the city aims to experience the connectivity between individual and group: “The common denominator in this face to face encounter is the body of people: that of the crowd, filmed live and rediffused with a slight time-lag, and that of individuals who were met and filmed beforehand.” It may be a stroll tracing the footsteps of a horse (Père Courage, Le Phun), the intimacy of an audio itinerary under a shared umbrella (Un pepin pour 2, a sensitive and poetical itinerary across a neighbourhood proposed by the ‘Espaces Sonores’ Company), a Festival conceived as a citizens’ 20

choreography (Dream City, art festival in situ in Tunis), or intended as a journey through the city (Artopolis, see opposite): the common element is clearly the body of the spectator/citizen who can subsequently become an active participant. In addition to their CRUs, ‘Ne Pas Plier’ is concerned about political practice in graphic art: “So that signs of misery are not compounded by miserable signs”, the Collective proposes “political and aesthetical means (words, images, declarations) to join the combats using fortunate forms”. The famous bumper-stickers “I struggle with class” or “Dream strike” which sprung up in demonstrations in the early 2000s, are their handiwork. To the notion of men “selling goods” Gérard Paris Clavel adds that of men “carrying goods”; for these graphic designs, no signature, nor shop window: “Each one becomes the author of what he is carrying.” Revealing customs in the public arena, art in situ also reveals hindrances and can be a vehicle for crossing frontiers, real or symbolic. After having targeted the consumer society and its corollary the entertainment society and the insatiable appetite of the spectator (Rubish Rabbit, Christmas Forever), the Italian transgressors of ‘Tony Clifton Circus’ reoffend with Mission Roosevelt, which invites the spectator on a wheelchair itinerary. It is not just gratuitous provocation: “It is first and foremost a case of changing our perspective on this object that often has negative connotations, in an attempt to change our response to handicap.” Others attempt to breathe life into the gentle oxymoron of a “static itinerary”: having positioned his automatic photo booth (Cabine Airline), designed to capture a moment of life, during festivals or in retirement homes, in hospitals or in prisons visiting room, the ‘Nejma’ Company propose an other-worldly sensory voyage (La Baraque Foraine 6.1, being launched in autumn 2011). Mixture of fantasy and reality, it is a case in the end of always feeling, as intended by Jacques Rancière, “art as a transformation of the mind into a tangible experience of the community” (2). (1) – Roland Barthes, La Poétique de l’espace, PUF, 1992 (2) – Jacques Rancière, Le Partage du sensible, La Fabrique, 2000


Pierre Sauvageot – Lieux publics & Cie, Champ harmonique, workshop au festival Oerol, Terschelling © Fanny Broyelle

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RÉVEILLER LAPascaline VILLE Vallée Lieu de vie, la ville disparaît souvent sous un tissu d’a prioris et d’habitudes. Pour réactiver l’espace public, certains artistes nous proposent de voir la ville autrement, que ce soit en insufflant de l’art dans notre quotidien ou en agissant sur nos sens.

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l y a la ville, et ce qu'on en fait. Territoires en perpétuel mouvement, nos cités, petites ou grandes, modernes ou antiques, vivent. Elles grandissent, respirent, s'étouffent, pourrissent. Leur flux sanguin est celui des Hommes, fourmis travailleuses ou oisives, constructrices ou destructrices. La ville, amalgame de personnes, de cultures et d'a prioris, est recouverte par une cartographie dessinée par l'imaginaire commun. « Nous semblons destinés à ne jamais plus écouter le silence du réel », écrit le penseur Francesco Masci dans son dernier livre, Entertainment!, relevant le fait qu’aucune image ne peut désormais être neutre, sans référence historique, sociale ou religieuse. Face à cette complexité, la création artistique sort de plus en plus des théâtres clos pour gagner la rue, si ce n'est pour confronter, au moins pour impliquer ce réel dans son processus ou proposer au citoyen de créer lui-même l'image de sa ville. Car celle-ci est à la fois le décor malléable de centaines de milliers d’histoires et le cadre implacable de la réalité quotidienne. Un paradoxe symbolisé par les cartes, comme le relève Philippe Vasset, auteur d’Un livre blanc (Fayard, 2007), récit de ses explorations urbaines : « Dépliées, les cartes révèlent des paysages idéaux, aux contours nets, vus, comme dans les rêves, de haut. Représentations souvent irréconciliables avec ce que ces plans sont censés désigner : égaré en rase campagne, on regarde dans toutes les directions, mais rien ne paraît s'accorder avec les formes claires et les couleurs franches de l'image étalée sur nos genoux. » Le but d’Adelin Schweitzer, initiateur d’AReality, est ainsi d’entremêler visions imaginée et réelle. Né en 2008 à Liverpool, le projet examine le paradigme de la ville portuaire. Il propose aux habitants de se déplacer avec un appareillage technologique sur la tête et le dos, qui modifie la perception visuelle et sonore de leur environnement, selon une cartographie aléatoire que la machine déclenche. Tout en refaisant un trajet quotidien ou en traversant les lieux banals, le sujet perd ses repères, découvre une ville, cauchemar ou rêve, qu’il ne connaissait pas. Il se réapproprie un environnement physique et sensible qui, au fil du temps, lui avait échappé.

La ville est à la fois le décor malléable de centaines de milliers d’histoires et le cadre implacable de la réalité quotidienne A chacun donc, de dessiner sa ville. Dans le cadre de Marseille-Provence Capitale européenne de la culture, Lieux publics organisera en septembre 2013 Métamorphoses, ensemble d’installations et d’événements dispersés sur le Vieux-Port, la gare, les cités... Parmi les idées en réflexion, la compagnie ilotopie imagine installer une Cité lacustre, ville sur l’eau où se tiendront spectacles, conférences sur le thème de l’eau et visites en barques. Benjamin Verdonck agirait quant à lui dans un supermarché, où tous les produits seraient classés par gamme de couleurs, déjouant les lois du marketing, tandis que la Compagnie Off devrait installer son Désert de piste : sur un boulevard transformé en désert, se tiendront conférences sur le réchauffement climatique ou le pétrole, mais aussi courses de chameaux, et thés à la menthe, avant de laisser place le soir au spectacle de la compagnie, Paraboles. « Nous cherchons à aller au-delà de l’installation, explique Philippe Kauffmann, conseiller artistique du projet. Que la métamorphose soit humaine, sonore…, elle influence les comportements. » L’artiste est un animal sociable. Si Platon n’en voulait pas dans sa cité idéale, il s’est depuis bien intégré, comme le montre aujourd'hui l’abondance des résidences et installations in situ, demandées par des villes friandes de nouveaux regards sur leur architecture et leur population. Sans tomber dans l'animation, l'artiste a alors la lourde tâche de réveiller la ville, de recréer du lien social de manière poétique et créative. C'est ainsi le propos de Marcher commun, projet franco-italien présenté à Marseille en 2009. Sur les marchés et dans les rues, des danseurs forment des duos avec passants, fruits ou vendeurs. Leurs pas sont de véritables pièces courtes, qui parlent de nos rapports à la nourriture et à la marchandise. Un processus simple, sans tambours ni tréteaux, mais qui décale la perception et fait sortir du quotidien. Autre lieu à la fois ordinaire et complexe, l’escalier fait aussi naître des démarches artistiques. 22

Pour Jany Jérémie, chorégraphe et pilote du projet L’ai-je bien descendu ? mené par Lieux publics sur les escaliers de la gare Saint-Charles à Marseille, c’est un incontournable. « Comme les fontaines, les places, il y a des escaliers dans toutes les villes. C’est un lieu de vie mais qui génère de l’immobilité. Ce qui encourage à chercher de nouvelles manières de créer, de rendre vivant l’espace public. » Lieu de passage fréquenté, l’espace public est aussi le plus chargé d’Histoire. En Europe, le « vieux continent », la plupart des villes sont marquées par leur passé de guerres, de gloire et d'expériences architecturales. Confrontant passé et présent, l’association praguoise Čty i dny a ainsi mis en place Places of act. Le festival investit à chaque édition des bâtiments différents, où des artistes offrent des histoires, mêlant espace mental et physique. « Chaque bâtiment apporte ses histoires, les histoires des gens qui y vivaient ou travaillaient », raconte Denisa Václavová, productrice de Čty i dny. Mais, loin de se cantonner à exhumer le passé, Places of act se tourne vers l’avenir : « Comment vivre pour que ceux qui viendront après nous soient à même de profiter de ce que nous leur laissons ? » Penser aux autres, faire renaître le sentiment de communauté, c’est aussi ce que proposent les Allemands de Raumlaboberlin. Fin mars, au Grand Café, à Saint-Nazaire, ils encourageaient les visiteurs de l’exposition Communauté/Gemeinschaft à construire un banc en bois confortable et à choisir sur une carte de la ville son emplacement. Une invitation à reconquérir un espace public qui laisse de moins en moins de place à la pause et au dialogue. Echanger, créer… L’interaction entre artistes et ville fait renaître un art du quotidien, une autre manière de voir son environnement. Comme l’écrit Philippe Vasset, « les lieux vides et flous que j’explorais m’offraient le surplus d’inconnu que me refusait désormais la fiction, musique d’ambiance moulinée par la télévision et les magazines, pâte grise égalisant les surfaces, arrondissant les angles et bouchant les fissures. »


Adelin Schweitzer, A-Reality, Marseille 2011 Š www.deletere.org

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AWAKENING THE CITY Pascaline Vallée A living entity, the city often disappears under a weight of apriorisms and habits. In order to revitalize the public arena, certain artists are inviting us to view the city differently, whether by introducing art into our daily routines or by activating our senses.

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here is the city, and then what we make of it. Territories in perpetual motion, our cities - be they large or small, modern or ancient - are alive. They grow, breathe, suffocate, decay. Their blood flow is that of Men, ants that are hard-working or idle, constructive or destructive. The city, this amalgam of people, culture and a priori is composed of a cartography conceived by the common imagination. “We seem destined to no longer ever listen to the silence of reality”, wrote philosopher Francesco Masci in his latest book entitled ‘Entertainment!’, which highlights the fact that henceforth no image can be neutral, without having a historical, social or religious reference. Faced with this complexity, artistic creation is increasingly leaving behind the closed confines of theatre in favor of the city streets, if not to confront, at to involve this reality in its artistic process or to invite citizens to create for themselves the image of their city. For the city is both the fluid décor of countless individual stories and the implacable framework of daily life. A paradox which is symbolized by maps, as highlighted by Philippe Vasset, author of Un livre blanc (Fayard, 2007), an account of his urban explorations: “Unfolded, maps reveal ideal landscapes, with defined contours, seen from above as in a dream. Representations which are often irreconcilable with that which the maps are supposed to indicate: lost out in the countryside, we look in every direction but nothing seems to match the clear outlines and the sharp colors spread across our knees.” The aim of Adelin Schweitzer, the initiator of A-Reality, is therefore to merge imagined and real perceptions. Birthed in Liverpool in 2008, the project explores the paradigm of this sea port. He invites inhabitants to don technological apparatus on their head and their back, which modifies their visual and auditory perception of their environment, based on random cartography generated by the machine. When remaking a daily journey or walking through everyday places, the volunteer loses his bearings and discovers a city, nightmare or dream, that he didn’t know. He rediscovers for himself a physical and tangible environment that, over time, had escaped him.

For the city is both the fluid décor of countless individual stories and the implacable framework of daily life. Each one then should add their flavor to the city. In the context of Marseilles, European Capital of Culture, Lieux publics will be organizing, in 2013, Métamorphoses, a collection of installations and events scattered throughout the Old Port, the station, the suburbs…The ‘ilotopie’ company planning to install a Cité lacustre, a lakeside village where productions and conferences will be held on the themes of water and boat trips. Benjamin Verdonck, on the other hand, should be involved in a supermarket in which all items would be displayed by a colorcoding system, defying the laws of marketing, whereas the ‘Compagnie Off ’ would be setting up their Désert de piste: on a boulevard transformed to resemble a desert, conferences would be held on global warming or oil production, but there would also be camel races and mint teas, before giving centre stage in the evening to Paraboles. “We are seeking to go beyond a simple installation”, explains Philippe Kauffmann, the project’s artistic advisor. “Whether the metamorphosis is human or auditory… it influences behaviors.” The artist is a social animal. Even though Plato didn’t want any in his ideal city, they have been well integrated ever since, as demonstrated today by the plethora of residential workshops and in situ installations, requested by cities keen to welcome new perspectives on their architecture and inhabitants. Needing to do more than merely entertain, the artist thereby has the major challenge of awakening the city, of recreating the social fabric in a creative, poetical way. This is the aim of Marcher commun, a franco-italian project presented in Marseilles in 2009. In marketplaces and along streets, dancers perform duets with passers-by, fruit or stallholders. Their dance-steps are in fact short performances, which highlight our rapport with food and merchandise. A simple process, without drums or stage, but which alters perceptions and breaks with daily routine. Another item that is both ordinary and complex, the staircase has also given rise to artistic expression. For Jany Jérémie, choreographer in 24

charge of the L’ai-je bien descendu? (Did I come down well?) project, organized by Lieux publics on the staircases of Marseilles’ Saint-Charles station, it is an essential setting. “As there are fountains and squares, there are staircases in every city. They are full of life, but generate immobility. That encourages us to seek new creative uses, to breathe life into this public setting.” Often full of passers-by, the public arena is also full of History. In Europe, the “Old Continent”, the majority of cities are affected by their past history of wars, glory and architectural experiences. Confronting past and present, the Prague association Čty i dny has launched the ‘Places of Act’ event. Each time the festival is held in a different building in which artists propose different histories, merging mental and physical space. “Each building has its own history, the stories of people who lived or worked there.”, says Denisa Václavová, director of Čty i dny. But far from limiting itself to retracing the past, Places of Act is focused on the future: “How can we live so that those who come after us may benefit from what we leave them?” Thinking of others, rekindling a sense of community, is also the aim of a German group called Raumlaboberlin. At the end of March at the Grand Café in Saint-Nazaire, they encourage visitors to the Communauté/ Gemeinschaft exhibition to build a comfortable wooden bench and to choose a location for it on a town map. It is an invitation to reconquer a public arena which has been making less and less room for rest and dialogue. To exchange, create… the interaction between artists and city is seeing the renaissance of daily art, an alternative way of seeing one’s environment. As Philippe Vasset writes, “the empty, undefined spaces that I was exploring were providing me with the unknown surplus that was no longer offered by fiction, ambient music churned out by television and magazines, this grey paste producing uniform surfaces, smoothing angles and covering cracks.”


L’ai-je bien descendu ?, performances pour escaliers, avec Alex Rigg, Small is beautiful, octobre 2010, Marseille – Lieux publics © Vincent Lucas

Raumlaboberlin, Communauté/Gemeinschaft, 2011 © Grand Café à Saint-Nazaire

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LES ARTISTES ET LA FIGURE DE L'ÉTRANGER EN EUROPE : CRÉATIONS EN RÉSISTANCE Jean-Sébastien Steil Révolutions arabes d’un côté, repli xénophobe des pays d’Europe de l’autre et, des unes aux autres, des migrants portés par un espoir formidable. Sur les scènes européennes, des artistes tentent de traduire et de donner à éprouver l’expérience ambivalente que sont les migrations et l’exil.

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vant que n’éclate le « printemps arabe », les régimes dictatoriaux de Khadafi et de Ben Ali étaient les partenaires des Européens, retenant sur leur territoire les candidats à la traversée de la Méditerranée. Leurs pays constituaient l’exosquelette, la carapace extérieure d’une Europe molle et pétrie d’ambivalences. La révolution tunisienne, la révolte puis la guerre en Libye ont conduit à l'augmentation du nombre d’accostages de migrants sur les rivages européens, suscitant, en France et en Italie, une vague de cynisme et de surenchère populiste au sommet des Etats. Dans ce contexte de stigmatisation des populations exogènes, prétendument inassimilables, quelle est la contribution des artistes ? Quel regard portent-ils sur l’altérité ? Quelles réponses offrent-ils aux crispations des sociétés européennes face à la figure de l'étranger ? Relire aujourd’hui le testament intellectuel de Stefan Zweig Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, éclaire d’une lumière inquiétante notre vision du monde d’aujourd’hui. Dans ce manifeste pour une fédération pacifique de l’Europe, les artistes apparaissent comme les vecteurs les plus sûrs mais aussi les plus fragiles de la circulation des idées universalistes. Dans cette chronique documentaire de l’Europe entre 1895 et 1941, écrite depuis son exil au Brésil avant de se suicider avec sa femme en 1942, Zweig décrit les bouleversements de la Première Guerre mondiale, la crise de 1929, la guerre d’Espagne, l’arrivée au pouvoir d’Hitler et l’épouvante de l’antisémitisme d’Etat. Pourchassé, exilé, censuré, il voit ses livres brûlés et

son nom cité comme celui d’un criminel dans l’Allemagne nazie. Plaidoyer pour l’Europe, ce livre décrit aussi le formidable mouvement intellectuel et artistique dont Zweig fut acteur et témoin. Le sort des intellectuels et des artistes européens confrontés à la violence politique est au centre du projet artistique coécrit par les compagnies Divadlo na peróne (Košice, Slovaquie) et Là Hors De (France), intitulé Step by step. L’exil, la migration forcée, la fragmentation des parcours biographiques et l’arrachement à la terre natale traversent cette démarche de reconstitution pas à pas d’une figure d’artiste en résistance, répondant à l’oppression par l'obstination à penser, écrire, peindre, créer. Ce projet a démarré en 2008 avec l’évocation du parcours de Sándor Márai. Ecrivain, journaliste, dramaturge, poète et traducteur hongrois né en 1900 à Kassa alors intégrée à l'Empire austro-hongrois (actuelle ville slovaque de Košice), Márai traversa tous les soubresauts du XXe siècle. Il fut poussé à fuir Budapest par la terreur totalitaire du pouvoir soviétique. Ses livres furent interdits et systématiquement détruits. Il se suicida aux Etats-Unis en 1989. D’autres portraits d’artistes en proie à la violence de leur temps seront élaborés par ce projet dans d’autres villes européennes, jusqu’à la présentation de la version complète d’un spectacle à Košice et à Marseille, toutes deux capitales européennes de la culture en 2013.(1) Dans le contexte politique actuel, d'autres démarches artistiques nous donnent à partager et comprendre l’expérience de la migration. 26

Exprimer un refus, résister à son époque et conquérir sa dignité par l’exil ou la fuite est le thème du spectacle Autoroute du soleil mis en scène par le chorégraphe Ali Salmi (Osmosis Cie), inspiré par la bande dessinée de Baru. Deux jeunes Lorrains natifs d’une cité ouvrière déclassée s’engagent dans un road movie héliotrope vers un éden, le littoral méditerranéen. Récit d’initiation, l’expérience prend son sens au fil des aventures vécues pendant le trajet. Le sentiment de relégation sociale y est pointé comme le germe de la volonté initiale de départ. Selon Ali Salmi, « la question de l'altérité joue plus sur le regard que sur la distance géographique qui nous sépare. Les jeunes de banlieue par exemple se sentent étrangers dès qu’ils changent de quartier. Cette réalité crée des états de révolte compréhensibles. » Deux autres pièces montées par Ali Salmi abordent la question du voyage sous l’angle plus sombre de la migration clandestine. Elles expriment le balancement entre l’espoir d’une vie meilleure et le désenchantement et dépeignent le chaos traversé par les personnages : le migrant est la part négligeable et la matière insignifiante de la mondialisation. Ce thème fait pour le chorégraphe cohérence avec son travail corporel : « Le danseur expérimente le fait d'être pris dans un mouvement, d’être emporté, de passer d'un point à un autre, de traverser l'espace. La migration comme la danse sont des questions spatiales. » Le sort tragique des hommes qui traversent l’Asie centrale de l’Afghanistan jusqu’à Calais, cachés dans la remorque d’un poids lourd, constitue le sujet de Transit (2005), spectacle pour


Le sort des intellectuels et des artistes européens confrontés à la violence politique est au centre de Step by step, projet artistique coécrit par les compagnies Divadlo na peróne (Kosice, Slovaquie) et Là Hors De (France).

Divadlo na peróne / Là hors de, Step by step 2, Use the city festival 2010 (Kosice, Slovakia) © Là Hors De - Divadlo na perone

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Osmosis cie, Transit, En lieux et places de Toulon, juin 2010 – Lieux publics et le conseil général du Var © Gilles Clément

danseur seul dans un semi-remorque à l’arrêt. Tous les espaces du camion porteur sont explorés comme autant de lieux de repli, de heurts et de confrontation du corps et de la matière, les mouvements du danseur suggérant le déchirement, la fragilité et les blessures d’un clandestin. Ali Salmi explicite : « Les migrants sont les guerriers de situations qu’ils refusent, de conditions qui ne leur permettent pas de nourrir et de faire grandir leurs enfants. Mon engagement est une arme pour rendre honneur à l’énergie déployée par ces combattants du réel. Ces mères qui portent leurs enfants dans la neige ne sont pas portées par l’énergie du désespoir mais au contraire par un formidable espoir. » Dans la pièce Alhambra container (2008), c’est de l’arrivée à destination dont il est question. On y assiste au déchargement de trois containers sur un quai de manutention, ballet d’engins de levage manœuvrant les cubes d’acier dont émergent trois silhouettes dérisoires, ballotées et transportées telles des marchandises. Ali Salmi ajoute : « Les artistes sont des passeurs, ils aident à la compréhension de l’autre. L’artiste apporte une part d’imaginaire qui ouvre des fenêtres parfois plus douloureuses que le réel, parfois plus magiques que lui. Nous touchons aux réalités du monde avec une légèreté ou une dureté que les journalistes ou les sociologues ne peuvent pas se permettre. Tous ces regards se complètent, se répondent, se nourrissent mutuellement.» Dire la douleur, la solitude, le froid, le sentiment d’abandon, la tristesse, le déchirement et la misère en donnant voix aux migrants que nous ne percevons généralement qu’au prisme de statistiques funèbres est aussi l’intention du spectacle Haven 010, écrit par Michael de Cock (‘t Arsenaal) avec Judith Vindevogel (Walpurgis). Mourad, jeune Algérien sans papiers caché dans un entrepôt d’Ostende « tel une souris dans la cale d’un bateau », tente de gagner désespéré-

ment l’Angleterre. Il rencontre Eric, routier belge se méfiant des étrangers qui menacent son travail, et qui se définit lui-même comme une fourmi transportant des denrées alimentaires à travers toute l’Europe. Michael de Cock, auteur, journaliste et metteur en scène, définit ainsi ses intentions : « L’Europe et le monde bougent. Le problème n’est pas de savoir comment résister à l’extrême-droite, il est de faire bouger nos mentalités à tous. Quand une personne est renvoyée dans son pays ou quand elle meurt en mer, cela nous est indifférent car nous ne la connaissons pas. Mon rôle d’artiste est peut-être simplement de faire prendre conscience que le monde change et qu’il faut s’y adapter. » Haven 010 est ponctuée d’intermezzos musicaux orchestrés par Judith Vindevogel. La pièce s’achève par l’arrivée sur scène d’un chœur d’hommes, de femmes et d’enfants, tous demandeurs d’asile hébergés dans un centre de rétention, avec lesquels le spectacle a été préparé. Le chœur interprète la cantate de Bach Ach wie flüchtig, ach wie nichtig ist der Menschen Leben (Combien passagère, combien vaine est la vie des hommes !). Judith Vindevogel raconte : « Leur entrée sur scène provoque une irruption brutale du réel dans la fiction. On entend les paroles de la cantate chantées par des gens qui nous disent quelque chose d’eux-mêmes. On connaît ce répertoire, mais tout à coup on réalise que ce chant qu’on croyait appartenir à la culture européenne, appartient tout autant à ces étrangers qui le comprennent et lui donnent un sens différent. Pour nous, il dit la futilité qu’il y a à passer sa vie à accumuler des richesses, mais pour les demandeurs d’asile, il signifie : “la vie est courte, il y a urgence à vivre mieux.” » C’est une démarche similaire que développe Dries Verhoeven metteur en scène et scénogra28

phe néerlandais, dans No man’s land (2008). Un groupe de migrants avec lequel le metteur en scène a longuement travaillé vient chercher les spectateurs sous l’horloge d’une gare ferroviaire. Muni d’un casque auditif, chaque spectateur suit un guide pour un parcours pédestre dans le quartier environnant. Alors que chaque binôme ainsi formé traverse le secteur cosmopolite où les rues et les paysages défilent tels les plans d’un film, les écouteurs diffusent l’histoire de l’étranger, contée par sa propre voix. La bande sonore agit comme le procédé d’une voix off, opérant une mise à distance qui double l’acuité auditive d’un regard renouvelé sur la ville et ses habitants. Ce travail rappelle les propos du réalisateur néerlandais Johan Van der Keuken : « Dès qu’un homme est filmé, il cesse d’être un homme pour devenir un morceau de fiction, de matériau filmé. Et pourtant, il continue d’exister. Cette double vérité est lourde de tension. Trouver une forme pour cette tension signifie : créer un monde imaginaire et y décrire le combat humain. » (Ceci, cela et comment, 1969) Face à la recrudescence des populismes en Europe, le regard de ces artistes sur l’altérité ouvre des espaces de compréhension pour accueillir la différence. Dépassant la simple dénonciation des injustices ou l’apitoiement compassionnel, leurs créations nous révèlent nos peurs, nos angoisses et nos lâchetés. Ramenant l’étranger à sa dimension humaine et universelle, leur voix est un rempart puissant contre l’aveuglement des passions xénophobes. Elle s'élève pour défendre la libre circulation des personnes, un des acquis politiques les plus significatifs d’Europe. (1) La troisième étape de la création Step by step sera présentée à Marseille en octobre 2011, dans le cadre de Small is beautiful.


‘t Arsenaal & Walpurgis, Haven010 - Festival Zomer van Antwerpen 2010 © Kristien Verhoeyen

ARTISTS AND THE FOREIGN PRESENCE IN EUROPE: PRODUCTIONS THAT BUCK THEJean-Sébastien TREND Steil Arab revolutions on one side, xenophobic withdrawal of European countries on the other, and moving from one to the other, immigrants holding on to glistening hope. On the European stage, artists are seeking to present and help us to identify with the ambivalent experiences of migration and exile.

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efore the recent ‘Arab uprising’, the dictatorial regimes of Khadafy and Ben Ali were partners with Europe, retaining on home soil prospective candidates for a Mediterranean crossing. Their countries represented the exoskeleton, the outer shell of a soft-bellied Europe showing total ambivalence. The Tunisian revolution, then the revolt followed by war in Libya have led to an increase in the number of migrants landing on the European coastline, provoking, in France and in Italy, a wave of cynicism and populist exaggeration amongst heads of State. In this context of the stigmatization of exogenous populations, purportedly beyond assimilation, what contribution are artists making? How are they viewing ‘otherness’? What responses are they proposing to the hostility of European society towards the foreign presence? It is worth re-reading today Stefan Zweig’s intellectual treatise “Yesterday’s world. Memories of a European”, which sheds disturbing light on our interpretation of the world today. In this manifesto for a peaceful European federation, artists are portrayed as the most dependable but 29

also the most fragile vectors for the circulation of Universalist ideas. In this documentary essay on Europe from 1895 to 1941, written from exile in Brazil before he committed suicide with his wife in 1942, Zweig describes the upheaval of the First World War, the crisis of 1929, the Spanish Civil War, Hitler’s rise to power and the horror of State anti-Semitism. Pursued, exiled and censured, he saw his books burned and his name listed as that of a criminal in Nazi Germany. A plea for Europe, this book also describes the amazing intellectual and artistic movement that Zweig witnessed and embraced. The fate of european intellectuals and artists confronted with political violence is at the heart of the artistic project co-written by the company Divadlo na peróne (Košice, Slovakia) and Là Hors De (France), entitled Step by Step. Exile, forced migration, the fragmentation of biographical journeys and separation from the homeland feature in this attempt to reconstruct the step by step of an artist who expresses his resistance, responding to oppression by an obstinate determination to think, write, paint and


L’ai-je bien descendu ?, performances pour escaliers, avec Yendi Nammour, Small is beautiful, octobre 2010, Marseille – Lieux publics © Vincent Lucas

create. The project began in 2008 as a reminder of the fate of Sándor Márai. Hungarian writer, journalist, playwright, poet and translator born in 1900 in Kassa which then formed part of the Austro-Hungarian empire (the present-day Slovak city of Košice), Márai experienced all the upheavals of the 20th century. He was forced to flee Budapest by the Totalitarian terror of the Soviet regime. His books were banned and systematically destroyed. He committed suicide in the United States in 1989. Other portraits of artists who were victims of violence in their day will be developed by this project in other European cities, leading up to the presentation of a full version of the production in Košice and Marseilles, both of them being designated European Cultural Capitals for 2013.(1) In the current political context, other artistic expressions help us to share and understand the experience of migration. To express refusal, resist in one’s lifetime and maintain one’s dignity by either exile or escape is the theme of the production Autoroute du soleil directed by choreographer Ali Salmi (of the

Osmosis Company), inspired by Baru’s comic strip. Two youngsters from the Lorraine region of France, brought up in a deprived working class neighbourhood, set out on a ‘road movie’ drawn towards an Eden, the Mediterranean coast. A story of initiation, the experience takes on meaning as their adventures accumulate throughout the journey. The feeling of social relegation is highlighted here as the source of their initial urge to leave. According to Ali Salmi, “the question of ‘otherness’ is based more on perception than on the geographical distance that separates us”. Suburban youth, for example, feel displaced as soon as they change neighborhood. This reality creates understandable feelings of revolt.” Two other productions proposed by Ali Salmi examine the question of journeys from the more somber perspective of illegal migration. They explore the fine line between the hope of a better life and disenchantment by depicting the chaos experienced by the characters: the migrant is the negligible part and the insignificant substance of globalization. For the choreographer, this theme is consistent with the physical expressions he portrays: “the dancer experiences 30

being caught up in a movement, of being carried along, of moving from one point to another, of moving through space. Both migration and dance are a question of space.” The tragic fate of men who cross central Asia from Afghanistan as far as Calais, hidden in the trailer of an HGV, is the subject of Transit (2005), choreography for a lone dancer in a parked truck. All the confined spaces of the truck are explored as places of retreat, conflict and confrontation between body and surroundings, with the dancer’s movements portraying the emotional upheaval, the fragility and the wounds of an illegal migrant. Ali Salmi expounds: “Migrants are the warriors of situations that they refuse, of conditions that don’t allow them to nourish or to bring up their children. My commitment to them is a weapon to honor the energy expended by those engaged in a life struggle. These mothers who carry their children through the snow are not driven by the energy of hopelessness, but on the contrary by a tremendous hope.” In the production Alhambra container (2008), the subject is arrival at destination. We witness the unloading of three containers on a wharf,


a ballet of cranes maneuvering steel cubes from which three derisory silhouettes emerge, shifted and transported like mere merchandise. Ali Salmi explains: “The artists are guides; they help us to understand the other. The artists touches a part of our imagination that opens windows that are sometimes more painful than reality, sometimes more magical. We touch the reality of this world with either a lightness or a firmness that journalists or sociologists are not able to do. All these perspectives are complimentary, combine and are mutually stimulating.” To reveal the pain, the solitude, the cold, the feeling of abandonment, the sadness, the upheaval and the poverty by giving migrants a voice that we generally perceive only through the prism of dire statistics, this is also the aim of the production Haven 010, written by Michael de Cock (‘t Arsenaal) with Judith Vindevogel (Walpurgis). Mourad, a young Algerian without ID, hiding in a warehouse in Ostend “like a mouse in a ship’s hold”, is desperately trying to reach England. He meets Eric, Belgian lorrydriver suspicious of foreigners that threaten his employment, and who defines himself as an ant transporting food supplies across the whole of Europe. Michael de Cock, author, journalist and stage director outlines his intentions: “Europe and the world are in flux. The problem isn’t knowing how to resist the extreme right, it’s how to transform everyone’s mentality. When a person is sent back to their country or when they die at sea, we remain indifferent because we don’t know them. My role as an artist is perhaps simply to participate in raising awareness that the world is changing and that we must adapt.” Haven 010 is punctuated by musical intermezzos orchestrated by Judith Vindevogel. The production finishes with the arrival on stage of a choir of men, women and children, all asylum seekers housed in a detention centre, with whose help the production was prepared. The choir interprets Bach’s cantata « Ach wie flüchtig, ach wie nichtig ist der Menschen Leben » (How fleeting, how vain is the life of men!). Judith Vindevogel explains: “Their arrival on stage represents a brutal invasion of reality into fiction. We hear the words of the cantata sung by people who are telling us something about themselves. We know this repertoire, but suddenly we realize that this song that we thought belonged to European culture belongs just as much to these foreigners who understand it and who give it a different meaning. It reveals for us the futility of spending one’s life in amassing wealth, but for asylum seekers it signifies: “life is short, there’s an urgent need to improve life.”

spectators beneath the clock in a railway station. Provided with headphones, each spectator follows a guide on a pedestrian outing in the local neighborhood. Whilst each pair that has formed crosses the cosmopolitan sector where the streets and landscapes resemble the backdrop to a film, the headphones broadcast the story of the foreigner, retold by his own voice. The soundtrack acts like a voice off-stage, creating a certain distance which doubles the auditory acuity of a fresh look at the town and its inhabitants. This work reminds us of the words of Dutch producer Johan Van der Keuken: “As soon as a man is filmed, he ceases to be a man and becomes a piece of fiction, filmed material. And yet, he continues to exist. This double-edged truth is loaded with tension. To find an expression for this tension implies: to create an imaginary world and describe therein the human struggle.” (Ceci, cela et comment, 1969). In the face of renewed populism in Europe, the perspective of these artists on the life of a stranger broadens our understanding and enables us to welcome the difference. Going beyond a simple denunciation of injustices or compassionate sympathy, their artistic creations highlight our own fears, anxieties and cowardice. Granting the foreigner his universal and human dimension, their voice is a powerful bulwark against the blindness of xenophobic passions. It calls us to defend the free movement of people, one of the most significant political achievements within Europe. (1) The third step of the production Step by Step will be presented in Marseilles in October 2011 during Small is beautiful festival.

The fate of european intellectuals and artists confronted with political violence is at the heart of the artistic project co-written by the company Divadlo na peróne (Kosice, Slovakia) and Là Hors De (France), entitled Step by Step.

Divadlo na peróne / Là hors de, Step by step 2, Use the city festival 2010 (Kosice, Slovakia) © Là Hors De - Divadlo na perone

A similar approach is taken by Dries Verhoeven, Dutch director and set designer in No man’s land (2008). A group of migrants, with whom the director worked at length, come to find 31


Zedz, Dream City, 2010, Tunis © Zied Ben Miled - Les ADC

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EN TUNISIE, UNE RÉAPPROPRIATION ESTHÉTIQUE ET CITOYENNE Aurélie Machghoul Les révolutions arabes ne nous sont pas étrangères. Pour Mouvement comme pour Lieux publics, il semblait naturel d’y faire place dans ce cahier « européen ». Journaliste tunisienne, Aurélie Machgoul observe comment se multiplient aujourd’hui, dans son pays, les initiatives hors les murs, dans la réappropriation spontanée d’un espace public longtemps interdit. Dès 2007, la biennale Dream City conviait des artistes à penser des projets pour la médina de Tunis. « L’artiste face aux libertés » sera en 2012 le thème de sa troisième édition, ouverte aux artistes d’Afrique et d’Asie Centrale.

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omment amener la ville de Tunis en perpétuelle transformation à devenir un espace ouvert à des expérimentations artistiques et culturelles ? Comment susciter le développement de nouvelles formes de citoyenneté et de réappropriation de l’espace ? C’est la réflexion que mène depuis 2007 Dream City, biennale artistique pluridisciplinaire qui prend la forme d’itinéraires urbains, pour rêver et se réapproprier la médina de Tunis. Dream City est une expérience qui fait l’éloge du transitoire, de l’expérimental, du collectif, du décloisonnement des pratiques et du croisement des regards. Et cet « art in progress » a pour horizon une réappropriation esthétique de l’urbain par un exercice inédit de la citoyenneté tunisienne. Dans le prolongement de cette réflexion et à l’occasion de la 2e édition de Dream City (octobre 2010), est née la revue Z.A.T. - Zone Artistique Temporaire. Ce support entièrement dédié à l’art en espace public en Tunisie pense la ville artistiquement. En cela, il accompagne la démarche de la biennale en y apportant une dimension moins périodique. La revue témoigne d’expériences d’artistes, de poètes, de réalisateurs, d’architectes, d’urbanistes, d’écrivains, de sociologues de l’art, ou d’habitants qui réinventent l’urbain. En juin 2011, sort le premier numéro post-révolutionnaire de la Z.A.T., un numéro consacré aux nouvelles pratiques artistiques en espace public en Tunisie. Car si la révolution du 14 janvier 2011 a bien évidemment profondément transformé le pays d’un point de vue socio-politique, elle a également extraordinairement modifié le rapport des artistes à l’espace public. Pléthore de performances se déroulent avec une étonnante spontanéité et associent bien souvent le public (passants, habitants d’un quartier…). La liberté retrouvée a suscité un véritable appel chez les plasticiens, musiciens, performers, graffeurs, étudiants des écoles d’art, qui ont investi la ville et ses interstices, déployant tous une esthétique d’un « art en action ». Des actions artistiques comme, entre autres, celle menée par Sélim Tlili – « Art For Tunisia » témoignent de cette nouvelle approche démo-

cratique de l’art. Une semaine jour pour jour après la chute du régime Ben Ali, Sélim Tlili répond à un appel citoyen lancé sur Facebook consistant à se réunir le premier jour de deuil national en mémoire des victimes du soulèvement populaire. Il s’y rend une toile sous le bras, s’installe et commence à peindre sur l’avenue Habib-Bourguiba. Les passants s’arrêtent, intrigués, observent et s’invitent. Devant cette participation citoyenne libre et spontanée, Sélim Tlili change d’approche et attribue à chaque plage colorée de son tableau et aux couleurs correspondantes un numéro. Les passants peuvent ainsi facilement apporter leur contribution à l’œuvre qui devient collective et se fait métaphore du champ politique récent. Une approche citoyenne et une pratique complètement participative de l’art. Dans un deuxième temps, le tableau achevé est symboliquement divisé en pixels qui sont eux-mêmes mis en vente sur un site spécialement créé pour l’occasion. L’argent récolté est entièrement reversé à l’Association Citoyenne Tunisienne pour soutenir le développement économique et culturel de zones défavorisées du pays. Un mois après la chute du régime, une autre action comme le happening Horr 1 réalisé par les plasticiennes Sana Tamzini et Sonia Kallel rend visible, de manière artistique, certains épisodes forts de la révolution comme les manifestations et les barrages de quartier visant à défendre ceux-ci des milices de l’ancien régime. Les artistes pensent, dans la médina de Tunis, une action qui revendique l’espoir d’un avenir meilleur et la solidarité née de la révolution tunisienne. Sonia Kallel met alors en scène une manifestation où ont été brandies, sous forme de marionnettes–étendards, des poupées de chiffon en forme d’enfants portant sur leur buste des inscriptions des valeurs à venir. Dans les ruelles de la médina, Sana Tamzini, elle, enchaîne dans un tissu blanc liant les uns aux autres jeunes filles et jeunes hommes afin de faire barrage aux passants et aux véhicules. Il s’agit alors de mettre en scène ces barrages de fortune réalisés à partir d’objets en tout genre (planches, pneus, tonneaux, chaises, briques, etc.) et dont le but 33

Laaroussa est une fabrique d’espaces populaires de création culturelle qui a pour but la revitalisation sociale d’une région et d’une population. Ce projet pensé et porté par l’équipe de Dream City se déroule de février à juin 2011 entre Tunis et Sejnane, mais le travail de fond se déroule autour de petits villages de potières de Sejnane. Laaroussa développe des espaces d’échanges autour de modes d’interventions artistiques, de processus de création et de transmission des savoir-faire artisanaux et artistiques de communautés de femmes migrantes et locales. Trois communautés de femmes sont prises en charge par ces espaces de rencontres et de productions socioculturelles : les potières de Sejnane, les tricoteuses-couturières-conteuses d’Arlène (femmes maghrébines et africaines immigrées en France) et la population de femmes migrantes de l’Afrique subsaharienne de Tunis. Laaroussa tisse des liens entre des savoir-faire artisanaux et l’art contemporain autour d'un objet universel commun : la poupée (Laaroussa). était de bloquer l’accès des quartiers aux véhicules suspects. Le constat est le suivant : les pratiques et les dispositifs artistiques qui existaient jusque-là en Tunisie sont totalement reconsidérés. Les artistes se réinventent, bousculent l’ordre établi des évidences et opèrent une forme de résistance artistique en même temps qu’ils œuvrent à la reconstruction d’un espace social et politique. Sommes-nous les témoins d’un genre de laboratoire expérimental qui pourrait fédérer de nouvelles démarches, pratiques artistiques, politiques et esthétiques ? Comment expliquer un tel engouement ? Quel rôle l’artiste tente-t-il d’occuper dans la cité et dans les replis d’une Histoire en train de s’écrire ? Pour se procurer la revue Z.A.T. : dreamcity.tunis@gmail.com


Trisha Brown, Floor of the forest, Dream City, 2010, Tunis © Chakib Mahjoub - Les ADC

La vie-site.com, Dream City, 2010, Tunis © Yassine Hakimi - Les ADC

Laaroussa, Sejnane, 2011© Abdellatif Snoussi - Les ADC

Maren Strack, muddclubsolo, Dream City, 2010, Tunis © Saif Chaabane - Les ADC

Johann Lorbeer, Tarzan standing legs, Dream City, 2010, Tunis © Yassine Hakimi - Les ADC

Ex-nihilo, Assemblements, Dream City, 2010, Tunis © Yassine Hakimi - Les ADC

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IN TUNISIA, AN AESTHETIC AND POPULIST REAPPROPRIATION Aurélie Machghoul Arab revolutions are not unknown to us. In the view of both Mouvement and Lieux publics, it seemed natural to include them in this “European” review. Tunisian journalist Aurélie Machghoul observes how in her country today, initiatives are multiplying beyond closed walls in the spontaneous reappropriation of a long-forbidden public arena. Since 2007 the biennial Dream City has been inviting artists to present projects for the Tunis medina. “The artist’s response to freedom” will be the theme of its third edition in 2012, open to both African and Central Asian artists.

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ow can the city of Tunis, undergoing constant transformation, become an open space for artistic and cultural experimentation? How can the development of new forms of citizenship and the reappropriation of space be encouraged? These have been the themes broached by Dream City since 2007, the multidisciplinary artistic biennial which takes the shape of urban itineraries to recreate and re-own the Tunis medina. Dream City is an experience which values transition, experiment, joint collaboration, liberated artistic practice and mutual edification. And this ‘art in progress’ has as its goal the aesthetic reappropriation of the urban environment via a novel artistic expression from the Tunisian citizens themselves. As a result of this reflection during the 2nd edition of Dream City (October 2010), the magazine Z.A.T – Zone Artistique Temporaire – was launched. This support document, entirely dedicated to art in the public arena in Tunisia, views the city artistically. In so doing, it supports the biennial approach by providing a more regular dimension. The review highlights the experiences of artists, poets, producers, architects, urban planners, writers, art sociologists or inhabitants who are reinventing the urban context. In June 2011, the first post-revolutionary number of the Z.A.T. will be issued, an edition dedicated to new artistic practices in the public domain in Tunisia. For if the revolution of 14th January 2011 has of course radically transformed the nation from a sociopolitical standpoint, it has also dramatically modified artistic presence in public. A wealth of performances are taking place with amazing spontaneity that very often involve the public (passers-by, local inhabitants…). The rediscovered freedom has led to a genuine call for visual artists, musicians, performers, graffiti artists and students of art schools, who have laid claim to every nook and cranny of the city, using a totally aesthetic approach of “art in action”. Artistic actions such as, for example, that initiated by Sélim Tlili – “Art For Tunisia”, is

evidence of this new democratic approach to art. One week to the day after the fall of Ben Ali’s regime, Sélim Tlili answered a call to citizens, launched on Facebook, to gather on the first day of national mourning in memory of the victims of the popular uprising. He went with a canvas folded under one arm, sat down and began to paint on the Habib-Bourguiba Avenue. Passers-by stopped, intrigued, to watch and gather round. Faced with this free, spontaneous participation, Sélim Tlili adapted his approach and began to number each colored section of his canvas and each corresponding color that he used. Passers-by could then easily make their contribution to the canvas which became a collective expression and metaphor of recent political upheavals. A united citizens’ approach and a completely participative expression of art. Subsequently, the finished painting was symbolically divided into pixels which were themselves sold on a website specially created for the occasion. All the funds received were donated to the ‘Tunisian Citizens Association’ to support economic and cultural development of underdeveloped areas in the country. One month after the fall of the regime, another artistic expression such as the happening ‘Horr 1’ produced by visual artists Sana Tamzini and Sonia Kallel rendered visible, in artistic fashion, some of the key moments in the revolution such as the demonstrations and the neighborhood barricades that sought to defend local areas from the former regime’s militia. In the Tunis medina, artists planned an event to express the hope of a better future and the solidarity born out of the Tunisian revolution. Sonia Kallel then initiated a demonstration in which, in the form of puppet flag-bearers, child-sized cloth dolls were displayed, each one bearing an inscription of the country’s future values. In the streets of the medina, Sana Tamzini then used lengths of white material to join together young girls and boys who blocked the passage of passers-by and vehicles. The final stage was to present those spontaneous barricades made from a whole range of objects (planks, tyres, barrels, chairs, 35

Laaroussa is a workshop for popular venues of cultural creativity whose aim is the social revitalization of a region or population. This project, conceived and run by the Dream City team is held from February to June 2011 between Tunis and Sejnane, but the bulk of the work takes place around Sejnane’s small pottery-making villages. Laaroussa develops venues for exchange based around methods of artistic intervention, creative processes and transmission of artistic and traditional know-how in communities of local and migrant female workers. Three women’s communities are involved in these venues for joint meetings and socio-cultural productivity: the potters of Sejnane, the knitters/seamstresses/storytellers of Arlène (African and Maghreb immigrants in France) and the population of migrant women from sub-Saharan Africa resident in Tunis. Laaroussa creates a link between traditional skills and contemporary art around a common universal item: the doll. bricks etc.) whose aim was to prevent the access to local neighborhoods of suspect vehicles. The following observation can clearly be made: the artistic practices and productions that were formally common in Tunisia have been totally revolutionized. Artists are finding fresh expression, overturning the traditionally established order and are participating in a form of artistic resistance whilst at the same time working towards the reconstruction of social and political space. Are we the witnesses of a kind of experimental laboratory which could federate new approaches, new artistic, political and aesthetic practices? How can we explain such a radical new departure? What role is the artist seeking to fulfill in the city and in the pages of History in the making? To obtain a copy of the Z.A.T. Review: dreamcity.tunis@gmail.com


Land of Giants™, pylônes électriques anthropomorphes imaginés par les architectes américains Jin Choi et Thomas Shine (cabinet Choi+Shine). Seront-ils érigés comme emblèmes des Métamorphoses, projet pensé par Lieux Publics pour Marseille-Provence 2013 ?

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CHANTIERS UTOPIQUES Et si l’expertise artistique modifiait durablement notre environnement ? Qu’ils soient geste pérenne appelé à transfigurer la garrigue provençale ( Land of Giant ™ du cabinet Choi+Shine), traitements urbanistiques destinés à résoudre les névroses des villes (ANPU) ou architecture éphémère (La Linéa), ces chantiers utopiques appellent de leurs vœux des modifications tangibles de l’espace physique. Entre fantasme et réalité, l’irruption d’une salutaire fantaisie dans le quotidien le plus pragmatique.

La Linéa, Structure phénomène, architecture éphémère à hissage participatif, création aux Tombées de la Nuit, Rennes, juillet 2011.

ANPU – Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine, OpéRaTion THC (THC pour Transports Hors du Commun), projet de Trottoir Roulant à Grande Vitesse © Charles Altorffer

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Olivier Grossetête, Tour d'eau, Cesac filatoïo di Caraglio, 2010 © Francesca Cirilli

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APRÈS LE COMMERCE, L’ ART ÉQUITABLE ? Fred Kahn A rebours du modèle productiviste et consumériste qui a dominé le XXe siècle émergent des systèmes plus contributifs. C’est dans ce contexte que certaines démarches artistiques mettent en jeu un autre rapport à l’économie, afin de mieux partager la richesse des imaginaires.

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e modèle qui s’est imposé au XXe siècle repose sur un système de production intensif et une fonction de consommation exclusive, qui n’ont que faire de la richesse de nos imaginaires. Dans tous les champs d’activité humaine, la « croissance » s’est révélée destructrice en termes de bien-être, de cohésion, d’égalité sociale, d’environnement… Une société de l’abondance ? Bernard Stiegler parle, lui, de mécroissance : « Aucune société avant la nôtre n’a fait du gaspillage des ressources et de la jetabilité de tout et de tous le principe de son fonctionnement. » (1) Mais pour le philosophe, nous sommes enfin arrivés à la fin de ce cycle néfaste. Le modèle industriel productiviste s’essouffle. La prise de conscience politique et environnementale coïncide avec des mutations techniques et technologiques qui sont déjà en train de bouleverser nos systèmes de production. L’avènement du numérique marque ce changement d’ère : ces outils fonctionnent beaucoup plus sur la contribution que sur la consommation, et induisent donc d’autres comportements. « Il n’y a pas une centrale de production d’un côté et des consommateurs de l’autre, explique encore Bernard Stiegler, mais des contributeurs en réseau, pouvant alterner et partager une responsabilité de production. » Cette approche rhizomique résonne fortement avec des préoccupations d’artistes qui n’ont pas attendu la crise pour explorer d’autres modalités de production et de diffusion. Avec des conséquences esthétiques considérables. En partageant la création d’une œuvre, l’artiste abandonne sa posture de démiurge. Il accepte aussi de se dessaisir (partiellement) de son statut d’auteur. Du coup, les rôles assignés à chacun deviennent incertains. Les Pas Perdus (Guy-André Lagesse, Nicolas Barthélemy et Jérome Rigaut) construisent ainsi avec des « occasionnels de l’art » des Maisons de l’ordinaire et de la fantaisie et autres Zones d’anniversaire

concertées (ZAC) afin de célébrer à Marseille, à Paris, ou en Afrique Du Sud, « l’invention du monde au quotidien ». L’équipe est actuellement en résidence à Bruay-La-Buissière dans une ancienne cité minière, ouverte à tous les vents et à toutes les contributions, qu’elles soient écrites, enregistrées ou photographiées. Un chemin-promenade est en train de lentement s’élaborer et la déambulation fera naître une œuvre d’imagination collective à partir de l’histoire des habitants. Guy-André Lagesse et ses complices sont des catalyseurs : « Ces gens nous font expérimenter un terrain délicat et raffiné : celui de l’extravagance des modestes, dans leur pratique de l’élégance avec des choses de peu. En tant qu’artistes, nous nous retrouvons en phase avec leurs audaces et engageons avec eux des combinaisons esthétiques à partir de la pratique de la vie. » Cette « économie » de l’art s’avère particulièrement généreuse et joyeuse. Elle fait le pari de l’égalité des intelligences, telle que l’a théorisée Jacques Rancière. Il n’y a plus d’un côté le savant (l’artiste) et de l’autre l’ignorant (le spectateur ou l’amateur), mais des êtres en train de fabriquer des actes communs : « Aucun n’est propriétaire de cette performance, aucun n’en possède le sens, elle se tient entre eux, écartant toute transmission à l’identique, toute identité de la cause et de l’effet. » (2) L’artiste doit consentir au déplacement, à l’abandon de ses prérogatives et de ses certitudes. « Nous n’imposons pas une écriture déjà composée. Nous créons en fonction des participants, de leur potentiel et de leur univers. Et forcément, un tel positionnement bouscule complètement notre pratique et notre écriture », dit ainsi Caroline Selig, co-directrice de la compagnie Artonik, qui s’est engagée sur un projet de spectacle participatif (… Et ainsi de suite…) avec des personnes n’ayant aucune pratique artistique. En 2010, une première étape a été présentée avec douze 39

participants amateurs en partenariat avec le théâtre Comœdia d’Aubagne et à l’occasion du festival Small is beautiful. En 2011, la collaboration se poursuit, avec le groupe d’amateurs d’Aubagne et d’autres à Marseille, Martigues, ou Aix-en-Provence… La Compagnie Anitya, dirigée par Christophe Cagnolari, agglomère aussi à son ensemble (de comédiens, de danseurs et de musiciens) de véritables amateurs pour un moment de création en temps réel : le soundpainting (3). « L’improvisation touche à l’essence même d’un art vivant qui doit trouver sa justesse dans la fragilité et l’éphémère », dit Christophe Cagnolari. Dans le cadre des Sirènes et midi net de Lieux publics, Anitya a investi la place de l’Opéra de la Cité phocéenne et a donné à entendre, avec quatre-vingts citoyensinterprètes, sa version de La Marseillaise. Dans un tout autre genre, Olivier Grossetête initie, lui aussi, des projets collaboratifs. Dans le cadre d’ateliers ouverts à tous, il produit des structures monumentales en carton. Ces réalisations prennent la forme d'arche, de pont, de façade, de tour, d'abri : des éléments d'architecture imposants rendus au nomadisme et à l'éphémère pour mieux exciter notre aspiration à la liberté. Cette expérience collective, au-delà de son caractère public, convivial et fédérateur, cherche à inventer des formes de réappropriation du monde, en incitant les participants à devenir architectes de leur environnement. Il va sans dire que tous ces dispositifs demandent beaucoup de souplesse, d’énergie, de disponibilité et de temps, à contre-pied d’un système de production dominant qui célèbre le profit, la concurrence et l’individualisme. Ce geste artistique participatif induit un autre rapport à l’économie. Très concrètement, les amateurs sont bénévoles, donc non rémunérés. Pour Olivier Grossetête l’accord est clair : « Ils apportent du temps de travail et moi, je leur amène de la poésie, du possible, une expérience artisti-


port du canal de Bourgogne et à sa renaissance comme halte fluviale pour le tourisme. À Marseille, Olivier Bedu a créé Banc de sable, une œuvre architecturale qui est venue concrétiser, de manière à la fois élégante et ludique, une réflexion engagée par des habitants et des enfants (avec un accompagnement du Bureau des compétences et désirs), sur le réaménagement de leur quartier.

Anitya, La Marseillaise sans midinette, Sirènes et midi net, avril 2010, Marseille – Lieux publics © Vincent Lucas

« Les habitants de Bruay-La-Buissière nous font expérimenter un terrain délicat et raffiné : celui de l’extravagance des modestes, dans leur pratique de l’élégance avec des choses de peu. » (Guy-André Lagesse) que… » Ici, l’utilisation de matériaux de récupération et le principe de construction collective permettent de créer des événements importants avec des budgets réduits. « Les modalités de production peuvent être très lourdes, le temps de préparation et d’accompagnement beaucoup plus important qu’avec des professionnels », prévient toutefois Caroline Selig. « L’intérêt financier n’est jamais le premier moteur, insiste Christophe Cagnolari, l’échange touche à un enrichissement humain bien plus profond. » Du coup, l’atelier de pratique redevient véritablement artistique, c’est-à-dire un espace du « faire » à la fois expérimental et ludique. « La réflexion doit être mise en acte pour faire sens, ajoute Olivier Gorssetête. Nous ne faisons pas semblant, nous fabriquons vraiment des objets artistiques. » Pour la relation au public, là aussi, le bénéfice est total. « Les gens se sentent tout de suite en connivence avec la proposition, explique Caroline Selig. Il devient évident que la performance a été pensée pour s’adresser à tout le monde, qu’elle n’émane pas d’une sphère artistique lointaine et

déconnectée des préoccupations de chacun. » Les procédures d’intimidation s’estompent, et le gain est surtout à cet endroit-là, dans une autre approche de la socialisation de l’œuvre, en partageant les responsabilités. Cette vision impose une profonde mutation des systèmes d’administration, d’évaluation, de production et de diffusion de l’art. La Fondation de France expérimente précisément une répartition des rôles plus équitable avec son programme Nouveaux Commanditaires. Ce dispositif repose sur la collaboration entre trois acteurs : l'artiste, le citoyen commanditaire et un médiateur culturel. Ce dernier recueille la demande, choisit l’artiste le plus à même de répondre à la commande, et fait le chemin avec eux jusqu’à ce que l’œuvre soit produite. Elle sort alors complètement de la sphère privée et ses bénéfices concernent la Cité tout entière. À Pont-Royal, hameau de la commune de Clamerey en Bourgogne, l'intervention de l'artiste Michel Verjux a contribué, par la mise en place d’un éclairage public, à la requalification d'un 40

Les projets n’hésitent pas à s’insinuer dans les usages les plus marchands pour en éclairer l’absurdité. La Slovène Masa Cvetko prend ainsi un malin plaisir à s’immiscer dans les espaces publics. Son association ProstoRož invite des « experts » (architectes, paysagistes, urbanistes, designers) ou des juristes, pour réfléchir à d’autres agencements urbains. Elle imagine des formes d’organisation plus en accord avec les besoins des habitants. Plus récemment, Masa Cvetko s’est associée au groupe Enora (Ana Malalan, Nataša Mrkonjič, Manja Porle) pour s’attaquer à l’un des emblèmes de notre société de consommation. Ce collectif a conçu une Boutique de souvenirs (Gift shop), où chacun pourra échanger ses cadeaux de Noël et ainsi repenser ses habitudes de consommation et d'achat en cette période. Chaque objet sera exposé comme une œuvre artistique, qui n’aura de valeur que par sa capacité à cristalliser une expérience esthétique relationnelle. Les risques d’instrumentalisation sont réels, et ces démarches n’offrent pas de cadre qu’il faudrait ériger en modèle absolu. Les gestes et les objets artistiques ainsi produits éclairent cependant une évidence : l’économie, même dans sa part la plus trivialement marchande, recèle toujours une part de symbolique. Dans tout « commerce » se joue un principe de reconnaissance mutuelle. Le vendeur fait toujours un peu don de sa personne. À cet endroit, comme l’a démontré Paul Ricœur (4), l’échange peut redevenir festif. Comment « capitaliser » cette richesse, optimiser de tels systèmes de « production » ? Par exemple en accélérant la marche vers une économie hybride, à la fois publique, privée, sociale et solidaire. 1. In Philosophie Magazine n°47 (mars 2011). 2. Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé. La Fabrique éditions. 2008. 3. Langage gestuel développé par le compositeur new-yorkais Walter Thompson, le soundpainting permet à des improvisateurs d’élaborer une œuvre en temps réel. Si à l’origine ce langage fut développé pour les musiciens, il est aujourd’hui pleinement multidisciplinaire. 4. Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance. Editions Stock 2004.


AFTER FAIR TRADE, FAIR ART? Fred Kahn In contrast to the productivity-based, consumerist model which dominated the 20th century, more contributory systems are now emerging. It is within this context that certain artistic creations are presenting another economic approach, in order to more equitably share the richness of our imaginations.

T

he model which imposed itself on the 20th century is based on an intensive production system and an exclusive consumer functionality which only profit from the richness of our imaginations. In all the fields of human activity, “growth” was shown to be destructive in terms of well-being, cohesion, social equality, the environment… An affluent society? Bernard Stiegler in fact, believes it to be effluent: “No other society before ours made the waste of resources and the disposal of everything and everyone the basis of its functionality.”(1) But, according to the philosopher, we have finally reached the end of this disastrous cycle. The productivity-based industrial model has run out of steam. A new environmental and political awareness is coinciding with technological transformations and technologies which

Artonik, Premiers pas... à Aubagne, Small is beautiful, octobre 2010, Aubagne – Lieux publics © Vincent Beaume

are radically changing our production systems. The digital dawn has influenced this new era: these tools function much more via contributions than via consumption and thereby establish different behavioral patterns. “There isn’t a production centre on one side and consumers on the other”, Bernard Stiegler goes on to explain, “but a network of contributors, being able to alternate and share responsibility for production.” This rhizomic approach closely matches the preoccupation of artists who didn’t wait for the current crisis before exploring other forms of production and diffusion. With significant aesthetic consequences. By sharing the creation of an artistic work, the artist abandons his role of demiurge. He also accepts to relinquish (partially) his status as author. As such, each person’s designated role becomes uncertain. In this way the group ‘Les Pas Perdus’ (Guy-André Lagesse, Nicolas Barthélemy et Jérome Rigaut) build in consultation using “casual art” ‘Houses of the Ordinary, the Fantastic and other Anniversary Zones’ in order to celebrate in Marseilles, Paris or South Africa “the invention of daily affairs”. The team is currently in residence at Bruay-La-Buissière in a former mining area, open to all influences and all contributions whether written, recorded or photographed. A stroll down memory lane is slowly taking shape and its exploration will bring to fruition a work of collective imagination based on the history of its inhabitants. Guy-André Lagesse and his accomplices are the catalytic agents: “These people allow us to experience a delicate and refined terrain: that of the extravagance of modest incomes in their lifestyle of elegance surrounded by very little. As artists we identify with their boldness and share with them aesthetic combinations based on daily life.” This “economy” of art proves to be particularly generous and joyful. It believes in the equality of intelligence, as theorized by Jacques

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Kubilaï Khan Investigations, L'Avventura, En lieux et places de Toulon, juin 2010 – Lieux publics et le conseil général du Var © Gilles Clément

Rancière. There is no longer on one side the knowledgeable (the artist) and on the other side the ignorant (the spectator or the amateur), but human beings producing joint performances: “no-one owns this performance, no-one controls its meaning, it is shared by all, preventing any identical transmission or any identity of cause and effect.”(2) The artist must agree to be displaced, to abandon his prerogatives and his certainties. “We do not impose an already completed script. We create it according to the participants, their potential and their world. And inevitably, such a stance completely throws into turmoil our practice and scripting”, states Caroline Selig, co-director of the ‘Artonik’ Company, who began a project for a participative production (… Et ainsi de suite…) with people having no artistic background. In 2010, a first stage was presented with twelve amateur participants in partnership with the ‘théâtre Comœdia d’Aubagne’ at the “Small is beautiful” festival. In 2011 the collaboration was continued with the group of amateurs from Aubagne and others in Marseilles, Martigues or Aix-en-Provence… The ‘Anitya’ Company, directed by Christophe Cagnolari, also attached to their ensemble (actors, dancers and musicians) genuine amateurs for a moment of artistic creation in real time: soundpainting (3). “Improvisation reaches to the very heart of live art which must find its precision within what is fragile and ephemer-

al”, states Christophe Cagnolari. In the context of the ‘Sirènes et midi net’ proposed by Lieux publics, Anitya took over the famous square ‘Place de l’Opéra’ in the city of Marseilles, and gave a public rendering, using eighty citizeninterpreters, of their version of the French national anthem the ‘Marseillaise’. Using a quite different approach, Olivier Grossetête also initiates collaborative projects. In the context of workshops open to the general public, he produces monumental structures out of cardboard. These creations take the form of arches, bridges, façades, towers or shelters, imposing architectural elements rendered nomadic and ephemeral in order to better stimulate a drive for freedom. This collective experience, over and above its public, convivial and federative nature, is seeking to invent ways of repossessing the world by encouraging participants to become the architects of their environment. It goes without saying that all these mechanisms require a lot of flexibility, energy, availability and time, unlike the dominant system of production which celebrates profit, competition and individualism. This participative artistic gesture inspires another approach to the economic question. Very specifically, the amateurs are volunteers, and therefore not remunerated. For Olivier Grossetête, the deal is crystal clear: “They contribute work time and as for me, I offer them 42

poetry, possibilities, an artistic experience…”. Here, the use of recycled materials and the principle of collective construction enable the creation of major artistic works within limited budgets. However, “production management can be very tiring, the preparation and support time can be much greater than with professionals” warns Caroline Selig. “The financial factor is never the first consideration” insists Christophe Cagnolari: “the shared experience creates far greater human enrichment.” As such, the practice workshop becomes truly artistic, in other words an environment for “doing” that is both experimental and enjoyable. “Artistic reflection must be outworked if it is to have meaning” adds Olivier Grossetête. “We are not play-acting; we are really constructing artistic objects.” As for relationships with the public, there again there is benefit all round. “People feel immediately involved with the proposition”, explains Caroline Selig. “It becomes obvious that the performance has been designed to be relevant to everyone, that it hasn’t originated from a distant artistic sphere unrelated to our everyday preoccupations.” Methods of intimidation become unnecessary, and the advantage is clearly to be seen in this area, via a different approach to the socialization of the production by the sharing of responsibilities. This vision implies a major change to the administration, evaluation and production systems as well as to


Roger Bernat / FFF, El lobo explica los beneƒicios del comercio con lana australiana a un rebanyo de ovejas sin esquilar, Sirènes et midi net / Small is beautiful, octobre 2011, Marseille – Lieux publics © Vincent Lucas

the diffusion of the art form. The ‘Fondation de France’ is indeed experiencing a more equitable sharing of roles with its “New Partners” program. This mechanism is based on the collaboration between three figures: the artist, the citizen-partner and a cultural mediator. The latter receives a request, chooses the most appropriate artist for the project and accompanies them through to the finished product. In this way it is completely removed from the private sphere and benefits the whole community. In Pont-Royal, a hamlet of the commune of Clamerey in Bourgogne, the involvement of artist Michel Verjux has contributed, by the installation of public lighting, to the redevelopment of a port along the Bourgogne canal and to its restoration as a staging post for water-based tourism. In Marseilles, Olivier Bedu has created ‘Banc de Sable’, an architectural work which helped give expression, in both an elegant but light-hearted fashion, to a process begun by local inhabitants and their children (accompanied by the Bureau of skills and aspirations) for the redevelopment of their neighborhood. There is no hesitation about inserting projects into the most commercial of contexts in order to highlight their absurdity. The Slovene Masa Cvetko, for example, takes great delight in sneaking into the public arena. Her association ProstoRož invites « experts » (architects, landscape artists, urban developers, designers

or jurists), to rethink alternative urban planning. She imagines organizational structures that more closely match the needs of the inhabitants. More recently, Masa Cvetko joined with the Enora group (Ana Malalan, Nataša Mrkonjič, Manja Porle) to confront one of the emblems of our consumer society. This collective has created a Gift Shop, in which anyone can exchange their Christmas presents and thereby rethink their consumer and purchasing habits at that time of year. Each object will be displayed as a work of art, whose only inherent value lies in its capacity to crystallize a relational aesthetic experience. The risks of exploitation are real, and these approaches do not offer a context that should be heralded as the ultimate model. The gestures and artistic objects that are thereby produced highlight, however, an obvious truth: the economy, even in its most trivially commercial expression, always harbors a symbolic aspect. In every “business” there lies a principle of mutual recognition. The salesman always contributes a small part of himself. At this point, as Paul Ricœur (4) has demonstrated, the exchange can again become festive. How can this richness be « capitalized », how can such « production » systems be optimized? For example by accelerating the market towards a hybrid economy, which would be public, private, social and interdependent at one and the same time. 43

“Bruay-La-Buissière inhabitants allow us to experience a delicate and refined terrain: that of the extravagance of modest incomes in their lifestyle of elegance surrounded by very little.” (Guy-André Lagesse) 1. In “Philosophie” Magazine N047 – March 2011 2. Jacques Rancière. ‘Le Spectateur émancipé. Published by La Fabrique. 2008 3. A gestural language developed by New-York composer Walter Thompson, soundpainting enables a real-time production to be constructed by improvisation. Though this language was originally developed for musicians, it is today fully cross-disciplinary. 4. Paul Ricœur. Parcours de la reconnaissance. Publisher: Stock 2004.


LIEUX PUBLI Lieux publics,

Centre national de création, est conventionné par le ministère de la Culture et de la Communication, la ville de Marseille, le conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, le conseil général des Bouches-du-Rhône. Il recoit le soutien de la Commission européenne, Marseille-Provence 2013, la Sacem, et les villes d’Aubagne et de Martigues. Lieux publics pilote IN SITU, réseau européen pour la création artistique en espace public.

L’équipe

Président Philippe Chaudoir Direction Pierre Sauvageot Administration Sabine Chatras Chargés de projets Fabienne Aulagnier avec Elisa Schmidt Ariane Bieou avec Quentin Guisgand Juliette Kramer Elodie Presles Communication et relations publiques Fanny Broyelle avec Fanny Girod, Elodie Mollé et Elodie Quaranta Comptabilité Elisabeth Henry avec Muriel Barguès Technique Pierre Andrac, David Mossé avec Camille Bonomo, Alexandre Pax et Jérôme Boillet

Créations accompagnées

Figures libres, KompleX KapharnaüM Coproduction 2011, résidences 2011 et 2012, création 2012 Chez Lucille, Théâtre du Son Création 2011, coproduction et accueil 2011 Ici ou ailleurs (la maison), Théâtre à l'envers Création 2011, accueil 2011 Villa Olga, Tandaim Création 2012, Remue-méninges 2011 Mission Roosevelt, Tony Clifton Circus Création 2011, coproduction, résidence et accueil 2011 Work’n progress, Pixel 13 Création 2011, coproduction et résidence 2010, soutien 2011 Ville carton (titre provisoire), Olivier Grossetête Création 2013, Remue-méninges et accueil 2011 Holly VJ, Adelin Schweitzer Création 2012, Remue-méninges 2011, Un pépin pour 2, Espaces sonores Création 2011, Remue-méninges 2011 résidence et accueil 2011 Soundpainting Anitya Création 2013, Remue-méninges 2011 Supermarché chromatique, Benjamin Verdonck Création 2013, coproduction 2011 Grande fanfare contemporaine euroméditerranéenne, Rachid Regragui Création 2013, commandes d’œuvres en 2011 et 2012, en coréalisation avec l’Orchestre des jeunes de la méditerranée.

Résidences, commandes, coproductions, atelier scénographique, laboratoire sonore, bourses de composition

The Zoo, Ian Smith, Kurt Demey Création 2012, coproduction 2011

… Et ainsi de suite…, Cie Artonik Création 2012, coproduction, résidence et accueil 2009/10/11

Résidence d’écriture, de réfflexion sur 5 projets de créations en gestation, Pigna, Haute-Corse, du 16 au 20 février

Le grand (pas) Marseille (suite), ANPU Commande 2009-2012 Step by step, Divadlo na peróne et Là Hors De Adaptation pour site spécifique 2011

Remue méninges

Compagnie Tandaim - Villa Olga Christophe Cagnolari - soundpainting Espaces Sonores - Un pépin pour 2 Olivier Grossetête - une ville en carton Adelin Schweitzer - Holly VJ 44

Sirènes et midi net

Rituel urbain chaque premier mercredi du mois sur le parvis de l’Opéra de Marseille 2 février > Arseny Avraamov, Symphonie des Sirènes 2 mars > Les Piétons, Entre 2 6 avril > Apprentis de la FAI AR, L’équipée sauvage de six reines et dix minettes 4 mai > L'autre Compagnie, Sirènes en campagne 1er juin > T. Public, association d'idées, Le Défilé de Marques, une collection d’hommes et de femmes 5 octobre > Divadlo na peróne & Là Hors de 2 novembre > La Zouze 7 décembre > Delices DADA

Lieux publics & Cie

Créations de Pierre Sauvageot Champ harmonique Grenoble (FR), Festival Les Détours de Babel, du 9 au 17 avril Ulverston (GB), Lakes Alike Season, du 3 au 5 juin Terschellings Oerol festival (NL), du 17 au 26 juin Copenhague (DK), Festival Metropolis, du 13 au 21 août (sous réserves) Le concert de public Encausse-Les-Thermes (FR), 25 juin Marseille, Small is beautiful (FR), 16 octobre

IN SITU

Réseau européen pour la création artistique en espace public Nouveau site internet www.in-situ.info

Février > clôture du projet pilote pour la mobilité Rendez-vous (déc. 2009, fév. 2011) Mai > Lancement du projet META, Manifeste Européen pour la Transformation par l’Art, cofinancé par la Commission européenne (Programme Culture) pour la période 2011 – 2016.

Métamorphoses

Rendez-vous européen de l’art et de l’espace public Préparation de la première édition en 2013, dans le cadre de Marseille-Provence, Capitale européenne de la culture


ICS EN 2011 www.lieuxpublics.com

Small is beautiful

Spectacles, installations et interventions en espace public Du 5 au 16 octobre Martigues / Marseille / Aubagne – gratuit

Espaces sonores (FR) Un Pépin pour 2 Parcours sonore sous un parapluie

Du 5 au 16 octobre 2011 aura lieu la 5ème édition de Small is beautiful, événement organisé par Lieux publics - Centre national de création, et IN SITU, réseau européen pour la création artistique en espace public. Des artistes venus de toute l’Europe, investissent l’espace urbain d’un territoire traversant Martigues, Marseille et Aubagne ; ils surprennent notre regard sur la ville en proposant spectacles, parcours et performances gratuits en espace public. Programmation sous réserve de modification

Théâtre à l’envers (FR) Ici ou ailleurs (la maison) Structure foraine utopique aux multiples portes

Divadlo Na Peróne (SK) / Là Hors De (FR) Step by Step #3 Migrances artistiques, voyage de la langue Marcher commun (FR/IT) Antipodes, Nice, De Fakto, Rhône-Alpes, Cosetta Graffione, Turin, Daniele Ninarello, Turin. Solos et duos dansés sur le thème des fontaines et bassins Jean-Georges Tartare (FR) AAAA.A Tout le répertoire Tartar(e) et la sortie de son nouveau livre « Le Fictionnaire » ANPU (FR) Le Cas Martigues Psychanalyse urbaine de la ville de Martigues

Lieux publics & Cie (FR) Le Concert de public Le concert dont vous êtes le héros Cie Yoann Bourgeois (FR) Cavale Spectacle sur la recherche de la base et du sommet Olivier Grossetête (FR) Le Phare d’eau et autre construction Construction monumentale participative Tony Clifton Circus (IT) Mission Roosevelt Invasion de fauteuils roulants dans la ville Artonik (FR) « … Et ainsi de suite… » Spectacle installation pour parcs et jardins publics

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Théâtre du son (FR) Chez Lucille Installation immersive Adelin Schweitzer (FR) HollyVJ Performance sonore et visuelle Ilotopie (FR) Apparitions nautiques mobiles et immobiles Théâtre du Centaure (FR) Apparitions équestres Vidéodrome (FR) Staircase movie Mondial de FlashRue Et aussi, la semaine radiophonique Grenouille is beautiful, les conférences et rencontres avec les artistes…


IN SITU

European network for artistic creation in public space Nine years after its creation, the IN SITU network introduces META, European Manifest for the Transformation thought Art*. This new project intends to develop the idea of a societal function of art and artistic creation in public space. Focusing on three major themes: “European metamorphoses”, or how large-scale artistic offerings can bring renewed magic to public space; “Walk in progress”, urban walks, strolls and other circuits to (re)discover our living spaces; and “Shared cities”, in which the artistic creations draw their inspiration from the territories and their inhabitants themselves. For five years, from 2011 to 2016, nineteen cultural organisations from fourteen countries, 9 of which belong to an inner circle of decision-makers. The network now covers 14 countries in the European Union and has reached out appreciably towards Central Europe.

Co-organisers: Arge La Strada La Strada, Graz (AT) July 26th to August 6th IN SITU Member since 2003. Heartbeat for Austrian productions in the field of urban arts, La Strada has consolidated its role close to the Czech, Slovenian and Kosovan partners as a springboard for cooperation and dialogue at the heart of an outward-looking Europe. www.lastrada.at Artopolis Association PLACCC, Budapest (HU) end of September IN SITU member since 2009. Artopolis is a young association, which organizes the PLACCC festival (Budapest and Pécs). As well as dealing with programming, it also produces projects combining living arts, plastic arts, urban planning, architecture and sociology. www.en.placcc.hu Čty i dny 4+4 Days in Motion, Prague (CZ), end of October. IN SITU member since 2009. For the past fifteen years, the association Čty i dny (Four days) has organised the international theatre festival 4+4 Days in Motion. Its driving force is the mobility of artists thanks to an intensive policy of dialogue throughout Central Europe and bilateral residences held in Prague and abroad. www.ctyridny.cz Københavns Internationale Teater Metropolis, Copenhague (DK), August IN SITU member since 2009. The Københavns Internationale Teater is present on the Nordic urban arts scene with “Metropolis”. This event is founded on biennial alternation between a festival combining

performing arts and installations and a Laboratory for the development of the creative city. www.kit.dk Košice 2013 Use the city, Košice (SK) 25th-29th of May IN SITU member since 2009. Named European Capital of Culture 2013, Košice focuses part of its Interface 2013 project on redeveloping its public spaces and their relationship with the citizens of the city. At the heart of the project is a desire to support contemporary creation and its link with the populations. www.kosice2013.sk/en Lieux publics Small is beautiful, Marseille (FR) 5th-16th of October IN SITU leader since 2003. Unique in France and throughout Europe and under the direction of the artist Pierre Sauvageot, Lieux publics is the national reference centre in the field of creation for innovative emerging art forms and new moving aesthetics in public space. www.lieuxpublics.com Provinciaal Domein Dommelhof Theater op de Markt, Neerpelt (BE) October 29th to November 1st IN SITU member since 2009. The Theater op de Markt (the theatre on the market square) alternates a season of circus arts in odd years with a season of itinerant art in public space in even years. Its policy of supporting the productions of both young emerging artists and more seasoned performers makes it a renowned player on the European stage. www.theateropdemarkt.be 46

Oerol Festival, Terschelling (NL) 17th to 26th of June IN SITU member since 2006. Veritable know-how giving rise to discoveries combining theatre and landscape art, the Stichting Terschelling Oerol Festival has became in the space of thirty years one of the leading open-air international artistic event. www.oerol.nl/en UZ Events Merchant City Festival, Glasgow (GB) 18th– 24th of July IN SITU member since 2003. A specialist in the organisation of cultural events, the company UZ Events is omnipresent both on its home territory and across the five continents. Its founder, Neil Butler, puts his strategic expertise to equally good use in the fields of economic revitalisation, social insertion and intelligent tourism. www.uzevents.com

Partners: Atelier 231 (FR) Bunker (SI) Associazione C’era l’acca (IT) Festival Chalon dans la rue, L'Abattoir (FR) Cork Midsummer Festival (IR) Fundación Municipal de Cultura de Valladolid (ES) La Paperie (FR) Pronomade(s) en Haute-Garonne (FR) X.Trax Arts Ldt (UK) Oda Teatri (KO) *This project is funded with support from the European Commission (DGEAC – Culture programme)


zone artistique temporaire à montpellier 2o1o > 2o2o

explorer la ville autrement

spectacles et surprises urbaines : arts vivants > arts visuels > street art > performances > projets in situ > pastilles vidéos réalisées avec des artistes, des habitants de montpellier, des observateurs de l’urbain visibles sur internet et smartphone

3ème zat 11 > 13 nov 2o11 dernière zat > 31 déc 2o2o zat.montpellier.fr


IN SITU réseau européen pour la création artistique en espace public. Créé en 2003 et piloté par Lieux publics, Centre national de création, il rassemble 21 partenaires dans 15 pays de l’Union Européenne IN SITU the European network for artistic creation in public space. Created in 2003 and led by Lieux publics, Centre national de création, it brings together 21 partners from 15 countries within the European Union.

ME T A

la nouvelle aventure artistique d’IN SITU the new artistic adventure of IN SITU Cinq années pour métamorphoser la ville, arpenter les territoires, partager la création en Europe Five years to metamorphose the city, embrace the territories and share creation in Europe

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This project has been funded with support from the European Commission (DGEAC – Culture programme). This communication reflects the views only of the author, and the Commission cannot be held responsible for any use which may be made of the information contained therein.

oyelle © Fanny Br

www.in-situ.info


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